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    Plan détaillé Texte intégral Le climat politique et culturel contemporain de la création de la SPAB Théorisation et campagnes anti-restauration Notes de bas de page Auteur

    Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle)

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    La création de la Society for the Protection of Ancient Buildings

    Fabienne Chevallier

    p. 211-214

    Texte intégral Le climat politique et culturel contemporain de la création de la SPAB Théorisation et campagnes anti-restauration Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1L’engagement de Morris en faveur de la conservation des édifices anciens à travers un organe collectif débute en 1877, avec une lettre adressée au journal The Atheneum où il proteste contre la pratique des restaurations d’églises. Cette lettre est suivie par la création du premier groupe de pression dédié à la conservation, la Society for the Protection of Ancient Buildings (SPAB), créée juridiquement le 22 mars 1877 avec Morris pour secrétaire. George Wardle et Philip Webb (l’architecte de la Red House, 1859, maison de Morris) font partie d’un sous-comité créé pour développer le programme de la Société. Le document-manifeste de la Société définit la protection comme le fait de ne rien faire de plus à un bâtiment ancien que ce qui est strictement nécessaire pour le garder debout. Un bâtiment ancien, même en mauvais état, a été achevé. En aucun cas le travail architectural ne doit être poursuivi. Si une intervention doit être faite pour garantir la stabilité structurelle, son utilité doit être prouvée et elle doit être visible. Morris et ses amis mettent aussi l’accent sur la préservation des matériaux anciens.

    2L’idée de préserver un état de pureté originelle des bâtiments se situe dans l’héritage de la pensée de John Ruskin, exprimée dans Les Sept Lampes de l’architecture (1849). D’autres acteurs s’étaient exprimés aussi à propos des restaurations, au premier titre la Camden Society créée en 1839 à Cambridge pour revitaliser le style gothique, qui plaidait pour la préservation des églises et des sites médiévaux dans leur authenticité. Dans ce contexte, le manifeste de la SPAB apporte des idées radicales. En effet, des modifications substantielles sont admises par la Camden Society pour adapter les églises médiévales à la modernisation de la liturgie. La position de la SPAB est très claire sur ce point : la liturgie moderne ne peut prévaloir sur la valeur d’une église, qui est un document historique. Les restes d’un bâtiment ancien sont « sacrés », la liturgie moderne est une mode. Elle doit être complètement mise à l’écart des théories de la conservation. Au moment où Morris crée la SPAB, le débat sur la conservation est monopolisé par les architectes du Renouveau gothique – parmi lesquels le célèbre George Gilbert Scott dont le nom est le symbole du style gothique victorien. Ardents pour restaurer et transformer, ces architectes ont réussi à monopoliser le marché des restaurations. Appuyés par le clergé, ils ont insufflé l’idée qu’il est possible de rendre à une église son ancienne grandeur en reproduisant des détails anciens fondés sur des sources archéologiques. Face à ces pratiques, Morris et ses amis dénoncent l’utilisation de l’histoire dans les restaurations, comme le symptôme d’une maladie culturelle. La nouvelle théorie de la restauration fait partie d’une cure de pureté administrée à la société. Mais Morris n’est pas passéiste ; il espère que les idéaux de la SPAB vont promouvoir une modernité respectueuse du passé, et confiante en l’avenir.

    Le climat politique et culturel contemporain de la création de la SPAB

    3La position de Morris est une « conversion » ; en effet, à travers son entreprise Morris, Marshall, Faulkner et Cie, Morris a pris part à des restaurations d’églises par des aménagements intérieurs nouveaux conçus par des artistes préraphaélites (mobilier, vitraux, etc.).

    4Mais à partir des années 1870, des doutes s’élèvent sur les restaurations menées par les architectes du Renouveau gothique232. En 1874, Ruskin refuse la prestigieuse médaille d’or du Royal Institute of British Architects pour se démarquer des théories ambiantes sur les restaurations. Il dénonce l’absence de cahiers des charges des chantiers et les commissions excessives facturées par les architectes restaurateurs du Renouveau gothique. Un rapport parlementaire paru la même année livre une enquête sur les restaurations des édifices religieux : il y est démontré, chiffres à l’appui, que depuis 1855 les dépenses de restauration ont dépassé celles des constructions neuves. Cette enquête convainc F. G. Stephens, éditeur d’art et membre fondateur de la confrérie préraphaélite, de monter une campagne contre les restaurateurs, qu’il accuse de piller les bâtiments anciens pour s’enrichir. Morris signe la première pétition organisée contre une restauration, publiée dans The Times le 8 août 1874 pour protester contre le projet de remplacer la tour de l’église de Hampstead, de style georgien, par une nouvelle, en style gothique. Suite à la mobilisation publique, le projet est abandonné : la pétition a été un succès.

    5Pour Morris, la vision des restaurations du Renouveau gothique comme un champ de spéculations économiques s’insère dans une critique du matérialisme et du capitalisme, qui trouve sa source à la fois dans la pensée de Ruskin et celle de l’écrivain et essayiste Thomas Carlyle. Pour ce dernier, le vice du capitalisme contemporain est de faire plier les valeurs sociales du bien commun, pour les amener à un niveau purement matérialiste qui encourage les appropriations personnelles. Dans la lignée de cette approche critique, la SPAB adosse ses théories à des principes politiques et juridiques. Pour ce faire, elle va rechercher des règles anciennes du Common Law tombées dans l’oubli, qui ont trait à l’usage des ressources considérées comme collectives, et permettent de limiter les droits des propriétaires privés et d’inspirer l’action publique. D’autres sociétés s’inspirent de cette démarche : un bon exemple est fourni par les efforts déployés en 1876 par la Commons Preservation Society pour préserver et rendre accessible au public ce qui reste de la Forêt royale d’Epping. Une décision judiciaire, en 1874, confirmée par une commission royale en 1875, a empêché que la forêt soit entourée d’une barrière, car cela en interdirait l’accès. Morris a passé son enfance non loin de cette forêt. Il a nécessairement suivi ce débat. Dans les années 1880, la SPAB collabore avec la Commons Preservation Society et la Metropolitan Gardens Association pour conserver les anciens bâtiments dans cette forêt. Conservation des bâtiments, des paysages et des sites vont de pair pour Morris.

    Théorisation et campagnes anti-restauration

    6La SPAB est un terrain fertile pour l’élaboration théorique. Parmi les très nombreux textes émanant de la Société, Chris Miele distingue la fibre pamphlétaire de George Aitchinson dans sa conférence « Les principes de la restauration », prononcée à Aberdeen en 1877, puis publiée233. Il y énonce que « la plupart des bâtiments anciens sont une propriété commune ».

    7La SPAB s’organise en systématisant les comités locaux pour être en mesure de dénoncer et de faire campagne, ce qui est difficile dans le cas des petites églises isolées dans des régions éloignées de Londres. La Société réussit à se faire connaître et à influencer l’opinion publique. Dans les années 1880, la SPAB traite environ 150 cas par an. Pour être efficace, Morris a mis au point un protocole d’enquête. D’abord, les cas traités sont uniquement des édifices religieux, mais à partir des années 1890 l’action s’étend à des maisons privées, des ponts, des bâtiments de fermes. La SPAB se bat pour l’architecture modeste des campagnes, mais aussi pour des monuments majeurs comme la cathédrale de Canterbury et celle de Salisbury. En 1877, Morris réussit à faire abandonner un projet de restauration et d’aménagement intérieur mené par Scott à la cathédrale de Canterbury. En 1895, grâce à l’expertise apportée par la Société, le démontage de la flèche de la cathédrale de Salisbury est évité, et le danger d’effondrement dû aux fondations trop peu profondes est réévalué. Plutôt que de refaire des fondations modernes, l’architecte Arthur W. Blomflied, membre de la Société, stabilise la tour de l’édifice et sa flèche grâce à un lit de ciment posé autour des fondations. Blomfield est ensuite mandaté pour continuer un programme de réparations apportées à la cathédrale, incluant des actions préventives et d’entretien.

    8Pour Morris, les bâtiments anciens conservés dans leur intégrité originelle sont un lien matériel et sacré entre les générations, et un cadre inspirant pour la société communiste et fraternelle qu’il appelle de ses vœux. Après sa mort en 1896, William Richard Lethaby est le principal porte-parole, praticien et théoricien de la SPAB.

    Notes de bas de page

    232Chris Miele, “The conservationist”, in Linda Parry, William Morris, Londres, Philip Wilson Publishers in association with the Victoria and Albert Museum, 1996, p. 72-87 (citation p. 74). Alan Crossley and Tom Grafton Hassal, William Morris’s Kelmscott: Landscape and History, Londres, Windgather Press in association with the Society of Antiquaries of London, 2007. Andrea Elizabeth Donovan, William Morris and the Society for the Protection of Ancient Buildings, New York and Londres, Routledge, 2008. Chris Miele éd., From William Morris: Building Conservation and the Arts and Crafts Cult of Authenticity, 1877-1939, New Haven, Yale University Press, the Paul Mellon Centre for Studies in British Art and the Yale Center for British Art, 2005.

    233Chris Miele, “The conservationist”, art. cit., p. 75.

    Auteur

    • Fabienne Chevallier

      Historienne de l’Art, HDR, associée au CHEC (EA 1001)

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    232Chris Miele, “The conservationist”, in Linda Parry, William Morris, Londres, Philip Wilson Publishers in association with the Victoria and Albert Museum, 1996, p. 72-87 (citation p. 74). Alan Crossley and Tom Grafton Hassal, William Morris’s Kelmscott: Landscape and History, Londres, Windgather Press in association with the Society of Antiquaries of London, 2007. Andrea Elizabeth Donovan, William Morris and the Society for the Protection of Ancient Buildings, New York and Londres, Routledge, 2008. Chris Miele éd., From William Morris: Building Conservation and the Arts and Crafts Cult of Authenticity, 1877-1939, New Haven, Yale University Press, the Paul Mellon Centre for Studies in British Art and the Yale Center for British Art, 2005.

    233Chris Miele, “The conservationist”, art. cit., p. 75.

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    Chevallier, F. (2021). La création de la Society for the Protection of Ancient Buildings. In B. Phalip & F. Chevallier (éds.), Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle) (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/13i67
    Chevallier, Fabienne. « La création de la Society for the Protection of Ancient Buildings ». In Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle), édité par Bruno Phalip et Fabienne Chevallier. Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise-Pascal, 2021. https://doi.org/10.4000/13i67.
    Chevallier, Fabienne. « La création de la Society for the Protection of Ancient Buildings ». Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle), édité par Bruno Phalip et Fabienne Chevallier, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2021, https://doi.org/10.4000/13i67.

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    Phalip, B., & Chevallier, F. (éds.). (2021). Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle) (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/13hyx
    Phalip, Bruno, et Fabienne Chevallier, éd. Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle). Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise-Pascal, 2021. https://doi.org/10.4000/13hyx.
    Phalip, Bruno, et Fabienne Chevallier, éditeurs. Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle). Presses universitaires Blaise-Pascal, 2021, https://doi.org/10.4000/13hyx.
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