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    Plan détaillé Texte intégral Forger les mémoires et les consciences nationales : des épopées modernes Les restaurations, des questions d’opinion, des sujets pour les médias Des restaurations intégrées dans les politiques publiques. Les conséquences. L’exception britannique Fait ouvrier et accidents du travail. Bienfaisance, angélisme, hagiographie et temps long de la conquête sociale La modernité désirant la tradition : quelques questions Sources de la tradition, ruptures, anthropologie du goût La modernité sûre de ses atouts puis rendue à l’humilité : couvertures et charpentes Techniques modernes, hygiène urbaine réactive et invention du passé pendant le Second Empire : les moments du traitement de la tour Saint-Jacques à Paris et de la consolidation de la tour de la cathédrale de Bayeux L’entreprise Monduit : faîtages ornés et flèches, de nouveaux standards de l’unité de la nation Notes de bas de page Auteur

    Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle)

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Contribution à une histoire sociale des restaurations pendant le long xixe siècle

    Les noces de la modernité et du désir de tradition

    Fabienne Chevallier

    p. 127-151

    Texte intégral Forger les mémoires et les consciences nationales : des épopées modernes Les restaurations, des questions d’opinion, des sujets pour les médias Des restaurations intégrées dans les politiques publiques. Les conséquences. L’exception britannique Fait ouvrier et accidents du travail. Bienfaisance, angélisme, hagiographie et temps long de la conquête sociale La modernité désirant la tradition : quelques questions Sources de la tradition, ruptures, anthropologie du goût La modernité sûre de ses atouts puis rendue à l’humilité : couvertures et charpentes Techniques modernes, hygiène urbaine réactive et invention du passé pendant le Second Empire : les moments du traitement de la tour Saint-Jacques à Paris et de la consolidation de la tour de la cathédrale de Bayeux L’entreprise Monduit : faîtages ornés et flèches, de nouveaux standards de l’unité de la nation Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1À partir du début du xixe siècle, les restaurations font leur entrée dans l’histoire sociale, à une époque où les États reconfigurent leurs assises après les turbulences des Révolutions et des guerres napoléoniennes. Des relations nouvelles avec des champs sociaux se mettent en place. Les restaurations font partie des outils utilisés par les États et par les architectes pour façonner les mémoires nationales dans des cadres matériels. Elles entrent dans une interaction croissante avec les opinions publiques et les médias. Les institutions publiques du xixe siècle, entités modernes, les adoubent du sceau de politiques d’État. L’idée d’un statut social des ouvriers sur les chantiers émerge, partie intégrante des revendications des Républicains, tandis qu’une vision angélique de ce corps de métier, tirée d’un Moyen Âge imaginé, est forgée par la théorie de l’architecture.

    2Les noces souhaitées entre la modernité et une tradition exaltée, un tropisme de l’époque, ne sont rien moins qu’évidentes. Les restaurations s’inscrivent dans les relations complexes que le xixe siècle entretient avec les temps du passé. Elles ont souvent été étudiées en assumant implicitement les continuités qu’elles voulaient affirmer. La notion de moment est fructueuse pour renouveler l’historiographie43. C’est ce que cet article tentera de montrer.

    Forger les mémoires et les consciences nationales : des épopées modernes

    3Dès le début du xixe siècle, en Europe, les restaurations sont utilisées par les États pour contribuer à ressouder des communautés nationales, avec une nuance très importante en Grande-Bretagne, explicitée plus loin. Ainsi, en Prusse, c’est dès 1816 qu’un conseil est institué, avec l’implication de Schinkel, pour reconstruire le château de Marienburg. L’enjeu est de doter ce monument d’un statut symbolique pour la nation allemande, exaltée par Fichte après les souffrances provoquées par les guerres napoléoniennes44. Partout en Europe, avec des chronologies qui s’échelonnent pendant le siècle, les monuments anciens acquièrent un rôle nouveau, celui de forger les consciences nationales, avec un tropisme assumé pour les monuments médiévaux. Avec des balbutiements, les approches archéologiques et les études savantes sur les édifices sont mises au service des restaurations. La démarche scientifique est vue comme quelque chose de moderne, à l’époque. Les restaurations sont un domaine expérimental à deux titres : dans la relation qui est alors fabriquée par les classes dirigeantes, les historiens, les architectes, avec les temps du passé des nations, qu’elles restituent ; et dans une perspective technique pour y expérimenter des méthodes et des matériaux en assemblant les traditions et les procédés modernes. Les restaurations sont donc un vaste champ d’innovations idéologiques et techniques, pour transformer les monuments hérités du passé et les recycler dans le temps présent en les investissant de nouvelles significations. L’histoire est forgée dans l’établi des épopées modernes, celui des consciences nationales et locales.

    Les restaurations, des questions d’opinion, des sujets pour les médias

    4Les restaurations sortent des réseaux professionnels et elles entrent dans un champ social élargi, qui devient médiatique. Elles deviennent des questions d’opinion publique. Il faut distinguer les indices d’une démocratisation sérieuse de la connaissance et de l’attachement aux monuments, la médiatisation elle-même, et éventuellement la propagande qui s’y infiltre. Dès la fin du xviiie siècle, l’Angleterre présente des aspects pionniers en termes d’élargissement démocratique de la sensibilité aux monuments. John Britton, l’auteur de Architectural Antiquities of Great Britain (9 volumes, 1805-1814), utilise un style vivant, qui se démarque de la langue académique. Dans sa monographie sur la cathédrale de Salisbury, il dépeint les détails architecturaux originaux de l’édifice, facteurs d’attachement des habitants [Fig. 10].

    Fig. 10 : Salisbury. John Britton, The History and Antiquities of the Cathedral Church of Salisbury, Londres, 1814. Bib. de l’INHA

    © Cl. F. Chevallier.

    5D’autres réalités sont observées en France, plus proches de la temporalité politique alors que les phénomènes d’opinion anglais sont liés aux méthodes et à la sociologie du champ antiquaire. En France, la montée en puissance de ces phénomènes est concomitante avec le début de la monarchie de Juillet, et correspond avec un moment de réactions politiques et anthropologiques à la Révolution française qui s’exprime pendant la décennie 1830, dans les restaurations de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et de la Sainte-Chapelle, puis de Notre-Dame de Paris à partir de la décennie suivante. L’ouvrage de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, paru en 1831, fait de l’architecture gothique un sujet médiatique. Pour s’en tenir à l’exemple de la Sainte-Chapelle, un mouvement d’opinion dont le noyau est catholique se forme en faveur de la restauration de l’édifice. Charles de Montalembert, chef de file du catholicisme libéral, soutient la restauration des édifices religieux gothiques avec une posture politique qui recherche l’apaisement, mais les ultra-catholiques, qui veulent éradiquer le souvenir même de la Révolution, font eux aussi partie de ce noyau. La presse relaie ce mouvement, avec un article du Journal des Débats paru en 1835 qui demande à ce que la Sainte-Chapelle retrouve « une apparence digne de son histoire45 ». En France, le mouvement médiatique dévoile donc des positionnements à la fois religieux et politiques, et des cercles que la monarchie de Juillet veut rallier pour se maintenir.

    6Les interactions avec l’opinion publique et les faits médiatiques évoluent pendant tout le xixe siècle. Le moment du vote de la loi du 22 juin 1845 qui prévoit un crédit de 1,318 MF pour restaurer Saint-Ouen de Rouen consacre la puissance médiatique des restaurations, en relation directe avec le débat politique. Le champ médiatique est déjà européen dans ce domaine. En 1845, les Français se sentent piqués par l’avancement de la restauration de la cathédrale de Cologne et ils ne veulent pas être en reste46 : tout comme il y a une course à la modernité dans les chantiers des villes-capitales, il y a un défi médiatique dans les chantiers de monuments emblématiques, qui doivent être menés rapidement pour que les médias en parlent en termes de succès. Mérimée, en tant qu’inspecteur des Monuments historiques, connaît l’importance de cet enjeu. Dans les régions, les sociétés savantes, dont le nombre s’accroît, élargissent leur recrutement. Même si les modes d’admission restent rigoureux, comme le montre Jean-Pierre Chaline47, ils sont considérablement assouplis par rapport à ceux de l’Ancien Régime. Cet élargissement social joue au profit des débats locaux et de la médiatisation des restaurations.

    Des restaurations intégrées dans les politiques publiques. Les conséquences. L’exception britannique

    7Les chantiers de restauration sont conduits par des institutions nouvelles, celles des Monuments historiques créées de manière progressive dans toute l’Europe. En France, le poste d’inspecteur général des Monuments historiques est créé en 1830. Le système est centralisé. Son rôle pour les restaurations s’accélère à partir de la liste de 1840 puisque celle-ci a pour objectif d’allouer des « secours » aux édifices. L’entrée des restaurations dans l’éventail des politiques publiques a deux conséquences essentielles. D’abord, une temporalité resserrée des chantiers de restaurations, assumée par Prosper Mérimée, nommé inspecteur général en 1834. En effet, il lui faut pouvoir montrer des résultats aboutis de cette politique. Cette temporalité plus rapide des restaurations, qu’on observe à la Madeleine de Vézelay (1840-1859), témoigne de la volonté politique de remettre à l’honneur des monuments dégradés. Dans le chantier de l’église Saint-Ouen de Rouen, le champ politique et médiatique impose une temporalité tellement resserrée qu’elle aboutit à nier la démarche archéologique, et aussi à détruire des qualités architecturales de proportion et de composition données ou projetées pour l’édifice par les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre du Moyen Âge et de l’époque moderne48. Deuxième conséquence de l’entrée en politique publique des restaurations, fondamentale elle aussi, les doctrines de celles-ci bénéficient des apports des archéologues, mais elles se forgent dorénavant dans les comités créés au sein des institutions. Ces comités font une place importante aux préoccupations budgétaires, ce qui n’est pas sans conséquence pour la pensée archéologue.

    8La situation de la Grande-Bretagne est singulière en Europe de ce point de vue. Les discussions antiquaires y ont une longue histoire, la Société des Antiquaires (Society of Antiquaries) ayant été établie à Londres en 1707. Dès le xviiie siècle, les réparations et les restaurations d’édifices religieux provoquent des débats dans le champ antiquaire et le champ religieux, qui s’interpénètrent. La restauration de la cathédrale de Salisbury, à partir des années 1780, provoque un tournant majeur qui implique l’architecte chargé du chantier, James Wyatt, et John Milner, un prêtre catholique, par ailleurs écrivain prolifique dans les domaines de la théologie et de l’architecture religieuse. Les altérations, démolitions de parties tardives, apportées à la cathédrale pour la moderniser, soulèvent de vives critiques. Deux systèmes de valeurs se confrontent : celui qui voit le bâtiment comme un objet historique et archéologique, ainsi qu’une source de respect religieux ; celui qui considère que sa valeur découle des améliorations fonctionnelles et structurelles qui lui sont apportées. Avec ce débat, la sensibilité à l’égard des principes de la conservation des monuments, jusqu’alors restée limitée aux antiquaires, aux connaisseurs, aux architectes et aux poètes romantiques, s’élargit49. Le renouveau religieux et celui de la liturgie favorisent un enthousiasme pour la conservation des monuments. Ce terreau constitutif des chantiers et des doctrines, à la fois antiquaire, local, religieux, architectural, des restaurations n’est pas interrompu pendant le xixe siècle, même si ce pays n’a pas échappé à la vague restauratrice des architectes du Renouveau gothique, qui s’insère elle aussi dans un temps accéléré50. À la différence du cas français, ce ne sont pas des institutions étatiques qui développent une vision nationale sur la restauration des monuments. Il faut attendre 1882 pour que soit votée au Parlement une loi sur la préservation des monuments (Ancient Monuments Protection Act), dans laquelle le gouvernement reconnaît avoir une responsabilité dans les questions de conservation. La Commission royale sur les monuments anciens et historiques (Royal Commission on Ancient and Historical Monuments) est créée en 1908.

    9Pendant le xixe siècle, le fait de créer des politiques publiques et des institutions pour les gérer est vu comme quelque chose de moderne. Les institutions créées en France, et les restaurations, bénéficient donc de cette aura. Elles sont saluées comme un modèle dans d’autres pays européens, qui en adoptent des versions adaptées, comme la Belgique en 1835. Une continuité unit le Second Empire et la Troisième République : les restaurations emblématiques (sous Napoléon III), puis la politique publique elle-même dans ce domaine deviennent un objet de fierté nationale. Napoléon III fait visiter la Sainte-Chapelle restaurée à la reine Victoria en 1855, lors de sa venue à l’Exposition universelle tenue à Paris. Il montre Pierrefonds à l’Empereur François-Joseph pendant le séjour de celui-ci à Paris, pour visiter l’Exposition de 1867 [Fig. 11]. Pendant la Troisième République, les fiertés nationales se nichent à la fois dans les restaurations et dans les nouvelles architectures publiques. Le moment qui condense cette union est l’Exposition universelle de Vienne en 1873 : la France y expose ses chantiers de restauration les plus prestigieux, notamment les maquettes de Viollet-le-Duc pour Carcassonne, mais aussi les réalisations récentes du service d’architecture de la Ville de Paris dirigé par Victor Baltard. Les nouvelles architectures et les restaurations des monuments nationaux sont unies pour contribuer à la construction politique nationale, à laquelle il faut donner une image solide et unie après la guerre et la Commune de Paris. La situation britannique est inverse : elle n’est pas moderne, parce que le pays n’est pas doté d’institutions gérant les restaurations.

    Fig. 11 : Napoléon III faisant visiter Pierrefonds à l’empereur François-Joseph pendant l’Exposition universelle de 1867 à Paris. Grand Album de l’Exposition Universelle 1867, Paris, Michel Lévy Frères, 1868, p. 15. Bib. du musée d’Orsay

    © Cl. F. Chevallier.

    Fait ouvrier et accidents du travail. Bienfaisance, angélisme, hagiographie et temps long de la conquête sociale

    10Quatrième fait de modernité, qui apparaît depuis peu dans l’historiographie, les transformations du fait ouvrier sur les chantiers. Les travaux d’Arnaud Timbert sur Pierrefonds font état d’accidents survenus sur le chantier – il y compte 15 blessés et 5 morts51. Dans le journal de chantier de Notre-Dame de Paris, Diane Daussy relève 11 cas de décès in situ dont, semble-t-il, deux suicides, et trente-et-un accidents dus au travail52.

    11Comment la notion d’accident du travail est-elle prise en compte à l’époque ? Les archives montrent qu’elle apparaît dans les institutions publiques pendant le Premier Empire (voir infra, Vers l’indemnisation des ouvriers blessés dans les chantiers de travaux publics et de restauration (1812-1848) : l’impossible conquête sociale ?). La notion de « secours » est utilisée, mais l’action publique est inspirée par la « bienfaisance », qui n’oblige à rien. Or, les milieux du bâtiment, peut-être en raison de leurs conditions difficiles, ont dans leurs rangs des éléments républicains53. On constate un basculement du rapport de forces en 1830 avec l’apparition de la notion laïque d’« indemnité » mais le régime bloque la reconnaissance d’un droit. Néanmoins un système d’indemnités est mis en place par l’administration, avec des barèmes en fonction de la situation familiale. Les blessés vont à l’Hôtel-Dieu ou dans un des hospices parisiens. Pendant le Second Empire, ce système remonte au ministère de la Maison de l’Empereur lorsque les architectes demandent à envoyer les ouvriers convalescents à l’asile impérial de Vincennes, qui ouvre ses portes en 1857. Cette création participe de l’image sociale que le régime veut donner de lui-même, tout en faisant l’économie du droit social attendu par les organisations ouvrières à l’époque. Cette politique s’inscrit plus que jamais dans la bienfaisance, un trait encore souligné symboliquement par le patronage de l’institution, confié de manière officielle à l’impératrice, notoirement catholique, alors qu’elle n’a pas de pouvoir politique. Or, à l’époque, la bienfaisance employée en politique véhicule un message : le maintien des rapports de subordination entre classes sociales.

    12La réglementation de la sécurité sur les chantiers est inexistante pendant la monarchie de Juillet et le Second Empire, si bien que de nombreux accidents sont dus à des chutes des échafaudages qui entraînent souvent la mort, à des chutes de pierres, d’autres matériaux ou d’outils, ou au maniement des outils54. Les ouvriers en restent souvent estropiés à vie, et le système d’indemnités débouche rapidement sur des drames : la durée du « chômage » est limitée à trois mois et la notion de rente d’invalidité n’existe pas55. Hector Lefuel écrit au ministre le 15 novembre 1864, en demandant un secours pour un ouvrier serrurier, Guillaume Le Fustee qui, blessé sur le chantier des Tuileries, est revenu chez lui après un séjour à l’asile de Vincennes, mais qui ne peut reprendre le travail56. Une lettre du directeur général de l’Assistance publique justifie qu’un ouvrier saisonnier originaire de la Meuse se soit vu refuser l’accès aux hospices de la capitale, parce qu’il n’a pas de domicile fixe à Paris57.

    13La bienfaisance impériale est décalée par rapport aux aspirations des organisations ouvrières, qui souhaitent aussi une reconnaissance de la dignité des ouvriers. Contradiction propre à l’époque, l’ouvrier médiéval est omniprésent dans la vision angélique du chantier médiéval nourrie par Viollet-le-Duc.

    14Au début de la Troisième République, Edmond du Sommerard enchérit en basculant dans l’hagiographie du chantier de restauration, qu’il voit comme un creuset social idéal, dans un temps long tissé de nostalgie pour un Moyen Âge imaginé. Dans le catalogue de l’Exposition universelle de Vienne de 1873 déjà citée, il présente ces chantiers comme des lieux de haute qualité sociale. Les ouvriers peuvent y acquérir des savoir-faire diversifiés, ce qui non seulement les qualifie mais aussi leur donne un sentiment de dignité58. Son récit est faiblement documenté et des travaux restent à faire dans ce domaine, pour en extraire la part de propagande destinée à diffuser l’unité de la nation. Il faudra attendre 1881 pour qu’une proposition de loi sur les accidents du travail soit faite à la Chambre des Députés ; le travail législatif n’aboutira à une loi qu’en 1898. Le député de la Creuse qui l’a portée, Martin Nadaud, est un ancien apprenti-maçon. En 1831, alors âgé de 16 ans, il a eu les deux poignets fracturés à cause d’un accident : il a expérimenté la dureté des conditions de travail sur les chantiers de bâtiments59.

    La modernité désirant la tradition : quelques questions

    15Les théories de Viollet-le-Duc dévoilent un volontarisme dont découle l’assemblage constant d’une modernité qui s’affirme grâce à la révolution des techniques, tout en voulant ressusciter son ancêtre, la tradition, qu’elle menace pourtant. Cet assemblage est propre à l’époque, et on le retrouve dans de nombreux autres domaines culturels et techniques. Viollet-le-Duc veut être de son temps, en utiliser toutes les ressources, et en même temps il affiche une volonté de recueillir des traditions médiévales, qui s’exprime dans ses articles « taille », ou « serrurerie », dans le Dictionnaire.

    16La tradition, il faut la retrouver et la faire revivre si elle a disparu, en la reconstituant ou en l’inventant. La tentation d’enrichir la tradition est inévitable. L’utilisation de la tradition soulève une question informulée à l’époque : lorsqu’elle a été interrompue et qu’on la reprend, est-ce encore la tradition ? Deux exemples illustrent ces idées. Dans le chantier de restauration de la Sainte-Chapelle, le charpentier Bellu et l’entrepreneur Daunay se font les passeurs d’une tradition des métiers, mais l’enrichissent aussi [Fig. 12]. C’est l’un de ces moments techniques où des savoirs artisanaux non interrompus sont prolongés tout en y apportant des techniques nouvelles. Il ne s’agit pas seulement sur ce chantier, en effet, de construire la flèche, ce qui est fait avec les techniques traditionnelles, la couverture au plomb repoussé au marteau étant réalisée par le plombier-fontainier Jacques-Louis Durand. Étant donné son poids considérable, il faut la doter d’un mât en fonte, très solide, après avoir déposé la toiture de la nef. Ce mât part de la base de l’édifice, est relié au comble par des fermes, et s’insère dans la flèche : c’est dans ces dispositifs que le perfectionnement technique intervient. Les échafaudages, essentiels, sont un domaine technique en soi qui bénéficie lui aussi d’innovations techniques. Celles-ci, en somme, sur ce chantier, se mettent au service de la tradition. Cette dernière crée une œuvre, la flèche dans l’esprit du xiiie siècle imaginée par Jean-Baptiste Lassus, qui n’a jamais existé !

    Fig. 12 : Le chantier du couvrement et de la flèche de la Sainte-Chapelle, entreprise Bellu (1853). Photographie Bisson. Fonds Geoffroy-Dechaume

    © Cl. Musée des Monuments français.

    17Mais l’équilibre des mariés est délicat à préserver. La taille de la pierre, élément crucial de la sincérité donnée à une restauration, ne peut s’inscrire dans la tradition médiévale authentique si elle emploie des outils industriels qui impriment de nouvelles textures. Les travaux d’Arnaud Timbert sur les restaurations de Viollet-le-Duc en Bourgogne montrent l’attention donnée par ce dernier au choix des matériaux, et aussi à ceux des outils employés, demandant par exemple qu’à la Madeleine de Vézelay, « tout ce qui est du xiiie siècle soit taillé à la bretture60 ». Mais dans de nombreux édifices médiévaux restaurés au xixe siècle, par exemple à l’église Saint-Nicolas des Champs à Paris, la différence entre le travail de la pierre de l’époque médiévale et celui des nouveaux outils est bien visible.

    Sources de la tradition, ruptures, anthropologie du goût

    18Dans la durée, préserver les savoirs et les techniques des métiers est un défi pour le champ professionnel et social. Perpétuer la tradition, ou la retrouver quand elle a disparu pour la faire renaître, demande une attitude consciente, volontaire. La tradition se transmet d’homme à homme, et les sources écrites sont rares. En Allemagne, les confréries médiévales, très organisées et respectées, ont laissé des archives écrites que Sulpice Boisserée s’emploie à retrouver et étudier, pour récupérer la tradition des tailleurs de pierre médiévaux61. Il y a là un trait d’anthropologie culturelle, qu’on ne décèle pas en France. La suppression des corporations par la loi Le Chapelier (14 juin 1791), que Karl Marx a analysée comme un « coup d’État des bourgeois62 », a créé des ruptures dans les traditions professionnelles.

    19On observe une sorte de réserve dans le discours de la critique d’art française sur la filiation de la tradition. Elle s’explique en partie, peut-être, par le traumatisme créé par la loi Le Chapelier. En tout cas, la critique évoque rarement la collecte des transmissions intergénérationnelles, et la recherche des sources. Elle s’infiltre dans d’improbables questions de goût. Par exemple, César Daly consacre un article en 1863 aux grilles de chœur de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, qui ont pu être restaurées de manière fidèle par rapport à l’œuvre du serrurier Dumiez, à la fin du xviiie siècle63. Comment la tradition de la serrurerie d’art a-t-elle été retrouvée pour aboutir à cette restauration ? On n’en saura rien. César Daly entraîne ses lecteurs vers une quête ô combien plus passionnante : pourquoi cet artisanat d’art semble-t-il porter une trace de main féminine ? Par quel mystère cela semble-t-il sorti d’un boudoir ? Les enquêtes sur les matériaux traditionnels sont peut-être plus faciles à mener : dans le même volume de la revue, est publiée une enquête sur les types d’ardoises, par régions.

    La modernité sûre de ses atouts puis rendue à l’humilité : couvertures et charpentes

    20Face aux faibles moyens de la tradition, dont les savoirs transmis d’homme à homme peuvent être brisés, la modernité dispose d’une position très sûre au xixe siècle. En effet, une porosité s’installe entre les techniques modernes en plein essor utilisées dans les chantiers d’architecture. Les techniques employées pour les couvertures, celles de l’emploi du fer, et aussi celles des fondations sont au cœur des transferts. Ils sont favorisés par le double ancrage professionnel des architectes, à la fois constructeurs et restaurateurs, mais aussi par la politique éditoriale des revues d’architecture, qui fait place aux articles sur les restaurations.

    21Le domaine des couvertures et charpentes est parlant, la modernité technique imposant ses choix de matériaux et ses procédés. L’incendie de la cathédrale de Chartres, le 4 juin 1836, amène à cette solution. En effet, la charpente en bois du chœur, de la nef et des clochers a été détruite et à l’époque, les architectes pensent que la résistance du bois au feu est moins bonne que celle du métal. L’architecte Édouard Baron met en place une charpente en fer et en fonte ainsi qu’une couverture en cuivre64. Ce fait technique se diffuse ensuite dans un nombre important de cathédrales et de monuments, notamment à la basilique Saint-Denis, à l’initiative de François Debret, ce que Viollet-le-Duc critique, non pas pour des motifs archéologiques, mais pour une mise en œuvre qu’il juge fautive65. Pourtant, sur le chantier de Notre-Dame de Paris qu’il conduit avec Lassus, l’emploi de la fonte s’impose : après en avoir récusé l’usage et revendiqué l’usage des matériaux d’origine, la décision de rétablir une flèche sur l’édifice fait basculer la décision dans le sens d’une introduction des « perfectionnements fournis par l’industrie moderne ». Dans l’article « Charpentes » du Dictionnaire, il fait observer que « [les charpentes de combleS] n’ont qu’une fonction utile, n’étant pas vues à l’intérieur de l’édifice ; elles doivent, par conséquent, tout sacrifier à la solidité66 ».

    22Deux décennies plus tard, la modernité est bien implantée. Lorsqu’Émile Boeswillwald restaure, dans les années 1870-1875, la cathédrale de Laon et le palais ducal de Nancy, il emploie dans les deux cas une charpente métallique de conception moderne67. À Nancy, où la charpente en bois a été détruite par un incendie, le profil de la nouvelle charpente est très proche de celui de l’ancienne tout en intégrant des détails de mise en œuvre spécifiques au métal. Pour le matériau de couverture de la galerie des Cerfs, Boeswillwald choisit l’ardoise de Fumay, qu’il fait poser au crochet alors que la technique traditionnelle est la pose au clou. À Laon, il fait détruire l’ouvrage médiéval. La charpente métallique reprend le profil extérieur de la toiture d’origine, mais n’emploie pas les techniques médiévales.

    23Les transformations radicales des charpentes et des couvertures faites pendant le xixe siècle ont affecté de manière irréversible la nature même des monuments. Si la toiture doit être solide, elle est aussi partie intégrante de l’aspect extérieur d’un bâtiment. Dissimulées à l’extérieur, les charpentes en bois offrent un éventail de techniques traditionnelles, des procédés mis au point par des traités d’architecture pendant l’époque moderne et des esthétiques remarquables qui sont détruites par les restaurations. L’emploi du fer s’appuie au xixe siècle sur l’argument de la solidité. Les recréations de flèches sur les cathédrales, qui impliquent de fortes poussées, contribuent au basculement vers les charpentes métalliques. Le goût pour l’ornementation des faîtages va dans le même sens. Enfin, l’argument de la résistance de l’acier au feu est systématiquement avancé pour les justifier. Mais cet argument est affaibli, à partir des années 1880, par les nouvelles connaissances techniques forgées aux États-Unis, suite au perfectionnement de la technologie des gratte-ciels. Les incendies et les connaissances scientifiques montrent que le métal, en fait, est très inflammable. William Le Baron Jenney fait présenter une conférence sur les techniques de protection contre le feu – par des matériaux enrobant l’acier et par des structures de barrage – au Congrès international des Architectes tenu à Paris en 190068. Les atouts des charpentes en métal, lorsque celui-ci n’est pas enrobé, sont en voie d’être renversés.

    24C’est dans cette temporalité du renversement des atouts du métal, qu’Anatole de Baudot met au point ses recherches sur le ciment armé. Il construit l’église Saint-Jean de Montmartre avec ce matériau en 1904, et forme des architectes diocésains qui commencent à l’employer dans leurs restaurations. En raison des difficultés d’approvisionnement du bois, et aussi pour des raisons de coût, Henri Deneux, disciple de Baudot, emploie le ciment armé en 1914 pour remplacer la charpente de la cathédrale de Reims, détruite par l’incendie provoqué par le bombardement du 19 septembre 1914. La démarche de Deneux dans cette restauration constitue un moment technique remarquable dans l’histoire des restaurations. La modernité vise une position humble face à une tradition dont la création matérielle est détruite. Deneux recherche les plans de la charpente authentique pour être en mesure de la restaurer avec sincérité, avec un nouveau matériau qui possède une qualité d’effacement que n’a pas le métal. Ce moment correspond à une reconquête de l’équilibre du mariage entre la modernité et la tradition.

    Techniques modernes, hygiène urbaine réactive et invention du passé pendant le Second Empire : les moments du traitement de la tour Saint-Jacques à Paris et de la consolidation de la tour de la cathédrale de Bayeux

    25La consolidation des fondations des édifices médiévaux en sous-œuvre a aussi été un terrain où la modernité technique a pu se déployer. Le cas de la tour Saint-Jacques à Paris, et celui de la cathédrale de Bayeux correspondent au moment pionnier de l’intégration de ces avancées dans les chantiers de monuments, pendant le Second Empire, en France. Mais chacun de ces moments a une signification plus globale, en termes d’histoire sociale.

    26Théodore Ballu se voit confier la tour Saint-Jacques l’année même du vote de la loi du 4 août 1851 qui décide le prolongement de la rue de Rivoli de la place du Louvre à la place de l’Hôtel de Ville. Le marché construit sur les plans de l’architecte Lelong, entourant la tour qui subsiste de l’ancienne église Saint-Jacques de la Boucherie [Fig. 13], vu comme un foyer urbain agité, est détruit. Le traitement de la tour est saisi dans les grands travaux de voirie parisiens : en effet, étant construits sur une butte, l’édifice et ses abords vont se trouver en surélévation de deux mètres environ avec le tronçon nouvellement percé de la rue de Rivoli. Cette donnée non anticipée du chantier urbain oblige Ballu à reprendre la tour en sous-œuvre, une prouesse technique pour l’époque : les fondations sont dégagées sur deux mètres de profondeur et entourées d’un mur de soutènement, après quoi Ballu fait créer une plate-forme qui ceinture la tour, et un escalier qui relie le sol du square à la plate-forme. Il n’y a évidemment pas là une action de « restauration », mais un changement qui produit une novation de l’objet. Les abat-sons qui signalaient la fonction de clocher de l’édifice sont supprimés et remplacés par des vitraux. L’ornementation gothique est amplifiée, avec une profusion de statues de saints insérées dans les niches (dans l’esprit de l’église Sainte-Clotilde), dont certains liés aux anciennes confréries de métiers, une statue de Blaise Pascal est créée à la base de l’édifice parce que le physicien a fait exécuter des expériences à la tour Saint-Jacques en 1653.

    Fig. 13 : La tour Saint-Jacques. J. Meurgey, Histoire de la paroisse Saint-Jacques de la Boucherie, Paris, Lib. H. Champion, 1926. Bib. de l’INHA

    © Cl. F. Chevallier.

    27Le traitement de la tour Saint-Jacques révèle le désir d’amplifier le vocabulaire flamboyant qui au xvie siècle à Paris restait sobre, retenu, et le besoin d’une imagerie de saints proliférante, qui soit le support à une improbable hagiographie à l’usage d’un peuple parisien moderne, sans que les archives révèlent une attention de dévotion dans les choix qui sont faits, ceux-ci révélant plutôt un désir d’accumulation. Le relèvement monumental tente de mêler le profane, le sacré, la glorification scientifique, l’identité municipale, en comptant que cette scénographie puisse créer un « objet d’utilité locale69 », selon les mots d’un archéologue de l’époque, Troche, qui entraînera l’allégresse populaire et la curiosité des touristes. Le voyage de Ballu en Belgique en été 1854, où il visite les beffrois, notamment celui de Bruges, l’incite à aller dans le sens de cette hagiographie municipale, qui migre à partir des objets architecturaux du nord de la France et de la Belgique.

    28À Bayeux, en 1853, une polémique émerge lorsque Victor Ruprich-Robert, chargé de la restauration de la cathédrale, envisage de démolir les parties supérieures de la tour centrale70. En effet, celle-ci, dont les fondations sont insuffisantes, exerce une pression telle sur les piliers de la croisée du transept qu’elle entraîne des désordres et un risque d’effondrement. Cette perspective entraîne l’hostilité du clergé et de la population, qui débouche sur une forte mobilisation et une pétition. La démolition, qu’approuve Viollet-le-Duc, commence en 1855, mais grâce à un revirement du ministre des Cultes, Hippolyte Fortoul, le chantier est interrompu. La consolidation de la tour est alors confiée à l’ingénieur ferroviaire Eugène Flachat. Il utilise des techniques de pointe : il reprend les fondations de la tour en enterrant des tubes en fonte remplis de béton jusqu’à une couche plus solide, à près de 6 m de profondeur, puis il reconstruit les piliers de la croisée en pierre dure d’Aubigny.

    29Les techniques qu’utilise Flachat permettent donc de conserver la tour, mais l’étage supérieur, un dôme classique construit au xviiie siècle qui surmonte l’étage gothique du xve siècle, a été détruit. Gabriel Crétin, choisi en 1859 par concours, construit un étage d’invention, néo-gothique, surmonté d’un dôme métallique terminé par une courte flèche [Fig. 14]. C’est toute la cathédrale qui prend alors une allure hyper-gothique.

    Fig. 14 : Bayeux, état actuel dû à l’intervention de Gabriel Crétin (1859)

    © Cl. F. Chevallier.

    L’entreprise Monduit : faîtages ornés et flèches, de nouveaux standards de l’unité de la nation71

    30Viollet-le-Duc lance l’entreprise Monduit, en l’invitant dans ses chantiers. Elle fait pratiquer par ses ouvriers l’estampage manuel des ornements et des sculptures en cuivre et en plomb, une technique que l’entreprise fait revivre à partir des années 1850. L’entreprise, très attentive à sa publicité, obtient un succès considérable, à la fois dans les chantiers de restauration et dans les nouvelles constructions publiques. Elle obtient de nombreux prix et exalte le travail manuel dans les expositions internationales, mais en même temps elle intègre des innovations techniques et dépose des brevets. Elle sort du champ de la tradition réinventée, en se diversifiant dans des secteurs modernes intéressant l’ingénierie urbaine moderne. La tradition est parfois utilisée pour faire la promotion de la modernité.

    31L’estampage à la main des ornementations d’architecture est un îlot de tradition dans un courant traversé de manière consciente par la modernité. On observe des phénomènes voisins en Hongrie, avec l’entreprise Zsolnay qui poursuit au xixe siècle des procédés de fabrication de tuiles vernissées venant de l’époque de la Renaissance, et les enrichit vers 1850 par de nouvelles inventions pour lesquelles elle dépose des brevets. Les tuiles vernissées et colorées de Zsolnay couvrent l’église du roi Matthias à Budapest, restaurée et recréée par Frigyes Schulek72. Elles ornent aussi, de manière non moins spectaculaire, les nouveaux édifices phares de Budapest construits par Ödön Lechner : le musée des arts décoratifs et la Caisse d’Épargne de la Poste. Ces inventions participent au processus de création de l’architecture et des monuments de la nation.

    32En France, les couvertures d’édifices, avec leurs faîtages élancés, leurs épis, leurs poinçons, leur ornementation entre le néo-gothique et le néo-Renaissance, comme celle du palais ducal de Nancy [Fig. 15], se diffusent sur l’ensemble du territoire, à la fois dans les monuments restaurés et dans les bâtiments publics qui font appel à Monduit. On a mentionné aussi, plus haut, la diffusion des flèches sur les cathédrales restaurées. Les commandes publiques provenant des chantiers aboutissent à créer de nouveaux standards qui, visibles de loin, expriment l’unité de la nation. La généralisation de ces standards est réalisée pendant la Troisième République, qui dans ce domaine reprend, et systématise, une œuvre commencée pendant les régimes précédents.

    Fig. 15 : Palais des ducs de Lorraine à Nancy, restauration É. Boeswillwald (1875) avec les faîtages de Monduit

    Anatole de Baudot et Alfred Perrault-Dabot, Archives de la commission des monuments historiques. Tome III. Champagne, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, Nivernais, Orléanais, Touraine, 1898-1903.

    © Cl. F. Chevallier.

    33Les sources du fait monumental au xixe siècle montrent l’omniprésence de désir de tradition. Le mariage entre la modernité et cette tradition souvent réinventée, et sans cesse communiquée, est un fait culturel du xixe siècle. L’historiographie a mis très longtemps avant de questionner de manière critique les attributs de la « modernité ». Celle des institutions publiques du xixe siècle semblait amener une histoire lisse des restaurations et, au-delà, du fait monumental. L’histoire matérielle et sociale élargie des chantiers appelle aujourd’hui des questions nouvelles. La qualité entretenue dans la relation créée avec le passé, et l’analyse des valeurs et des messages qui sont injectés dans le présent, sont des interrogations très actuelles.

    Vers l’indemnisation des ouvriers blessés dans les chantiers de travaux publics et de restauration (1812-1848) : l’impossible conquête sociale ?

    La série F/21/2011 (Archives Nationales de Pierrefitte) informe sur l’émergence de l’attention donnée par les institutions publiques modernes, en France, aux ouvriers blessés dans des chantiers de travaux publics et de restauration, parfois lourdement handicapés, entraînant les familles dans l’engrenage de la misère. La notion de secours apparaît pendant le Premier Empire, dans une lettre-circulaire du 25 juin 1812 adressée par le maître des requêtes au Conseil d’État, chargé de diriger les travaux publics de Paris, à une liste d’architectes de la ville, dont Gisors et Gauché. Il est demandé aux architectes de rendre compte « sur le champ » des accidents impliquant des « blessures graves » qui mettent des ouvriers « hors d’état de travailler ». Le texte stipule qu’un « secours » pourra être distribué au « malheureux » par le ministère de l’Intérieur – dont dépendent les travaux publics –, en précisant qu’il ne s’agit « que de bienfaisance ». Une lettre-circulaire du 7 août 1826, dans le même esprit, est diffusée pendant la Restauration.

    Proclamée le 9 août 1830 après les Trois Glorieuses, la monarchie de Juillet semble d’abord aller dans le sens des réformes sociales souhaitées par les Républicains : la notion d’« indemnité » aux ouvriers blessés apparaît, remplaçant celle de « secours ». Mais une lettre-circulaire 21 août 1830 fait référence à une décision tout juste prise par le ministre de l’Intérieur, François Guizot, qui nomme le docteur Carteaux chirurgien des ouvriers blessés sur les chantiers de travaux publics. Cet acte traduit, par ses intentions explicites, un refus des conquêtes sociales : si le Ministère veut désigner son expert médical, c’est pour éviter que les avis sur les blessures des ouvriers ne soient donnés par des chirurgiens qui prendraient plus en considération, pour déterminer la durée des traitements, « l’intérêt des ouvriers que celui de la vérité ». Le corps médical comporte à l’époque des membres éminents de la Société des Amis du Peuple, comme Philippe Buchez et Ulysse Trélat73, que le parti de la résistance, incarné par Guizot, veut éliminer.

    En droit, les textes n’obligent en rien l’administration puisque le régime ne légifère pas, préférant des circulaires internes ; l’action publique invoque le principe de bienfaisance, ou même la charité chrétienne, qui ont l’avantage pour l’État « moderne » qui va bientôt être totalement gagné par les partisans politiques de la résistance, dont Guizot est le chef de file, de ne créer ni un droit dont les ouvriers pourraient se réclamer, ni un budget. Les institutions tâtonnent cependant, frôlent la mise en place d’un droit social. Une circulaire du ministère de l’Intérieur aux architectes, en date du 14 février 1839, prémonitoire de l’invention juridique de l’accident du travail, mentionne l’ouvrier « qui a droit à l’indemnité et qui, à ce titre, est créancier direct de l’État ». En septembre-octobre 1830, Héricart de Thury, qui assure encore la direction des travaux de Paris, met au point une grille indemnitaire qui privilégie les soutiens de famille, sans rien prévoir sur la durée des versements ; il est accordé la moitié de la rémunération de la journée de travail aux hommes mariés, contre un quart aux célibataires qui sont traités dans les hôpitaux, trois quarts aux hommes mariés et la moitié aux célibataires lorsqu’ils sont traités à domicile. Une circulaire du 8 décembre 1837 du ministre de l’Intérieur rappelle aux architectes qu’ils doivent informer systématiquement le Ministère des accidents, car trop souvent, ce sont les ouvriers eux-mêmes qui les signalent. Le rôle du docteur Carteaux est souligné y compris pour donner son avis sur les indemnités à donner. L’administration parisienne développe sa réglementation, en prévoyant dans les cahiers des charges des adjudications l’obligation pour les entreprises de payer une indemnité aux ouvriers blessés, équivalente à la moitié du prix de la journée. Dans une lettre adressée au directeur des Monuments publics le 28 mars 1840, l’ingénieur à la préfecture de la Seine Emmery, félicité pour l’implication qu’il a montrée pour l’amélioration du sort des ouvriers blessés, répond que cette action est un « appel à l’humanité et à la justice de l’administration en faveur des ouvriers qui ont eu le malheur d’être blessés, ou de tomber malades dans nos grands ateliers ».

    Une lettre du docteur Carteaux au ministère de l’Intérieur (Direction des monuments publics et historiques), en date du 10 août 1838, a trait à des accidents survenus sur le chantier de Saint-Denis, pendant le chantier de restauration dirigé par François Debret. Un ouvrier a subi une chute de pierres sur les pieds, le docteur a pu lui conserver un orteil et en éviter l’amputation. Un tailleur de pierres est tombé de l’échafaudage qui entoure la flèche ; il a subi des contusions légères aux épaules et aux jambes, mais aussi une « commotion cérébrale des plus graves ». Cependant, après une dizaine de jours d’un « traitement actif » administré par le docteur Carteaux, il a repris connaissance et a pu être « parfaitement guéri ».

    L’évolution entre le « secours » et « l’indemnisation » traduit le basculement du rapport de forces qui s’opère à partir des Trois Glorieuses entre les classes au pouvoir et les travailleurs, qui commencent à s’organiser collectivement. Le régime résiste finalement à cette évolution, le départ de Jacques Lafitte du gouvernement en 1831 consommant la rupture. Néanmoins, des pratiques d’indemnisation sont en place, et les chantiers de restauration, qui sont une conséquence de la liste des monuments établie en 1840, sont alors identifiés dans cet embryon frileux de politique sociale.

    Réflexions sur la réinvention de la tradition dans les chantiers de restauration au xixe siècle : le cas de l’entreprise Monduit

    L’histoire de l’entreprise Monduit, spécialisée dans la plomberie d’art et les couvertures d’édifices, est connue par des travaux qui ont suivi deux donations à l’État réalisées par Gabrielle Pasquier-Monduit, arrière-petite-fille de Philippe Monduit, dont la première (une collection d’ornements d’architecture en plomb et en cuivre), en 1970, est déposée au château de Pierrefonds, et la deuxième (des lavis, dessins, catalogues de l’atelier Monduit), en 1983, est affectée au musée d’Orsay74.

    Dans le champ monumental du long xixe siècle, l’entreprise Monduit s’est fait connaître par des ornements d’architecture de plomb et de cuivre – épis de faîtage, lucarnes, flèches, statues, poinçons, etc. –, œuvres souvent spectaculaires commandées pour couronner les édifices restaurés. La recréation de la flèche en plomb, la réalisation en cuivre martelé des seize statues du chevet et celle des gargouilles en plomb sur le chantier de Notre-Dame de Paris, à la demande d’Eugène Viollet-le-Duc, intronisent l’entreprise qui reprend celle de Durand en 1860, dans ce nouveau secteur économique, tout comme dans celui de la création architecturale où les ornements sont aussi appréciés (comme à l’Opéra-Garnier), et popularisent la recréation des flèches dans les chantiers de restauration des cathédrales françaises. L’entreprise démontre son savoir-faire pour fabriquer des statues dans le goût de la statuaire du xiiie siècle. Viollet-le-Duc est conquis. Il fait appel à nouveau à Monduit à Pierrefonds, pour la couverture et l’ornementation du beffroi, les épis de faîtage, les crêtes en plomb dans les parties hautes, ainsi que l’ange couronnant la chapelle. Dorothea Kaiser a souligné aussi, parmi les restaurations les plus emblématiques intégrant des motifs d’architecture et des ornementations en cuivre martelé, la flèche et l’ensemble statuaire de Sainte-Bénigne de Dijon réalisés par Monduit vers 1880 sous la maîtrise d’œuvre de l’architecte Charles Susse75. L’entreprise travaille avec les architectes restaurateurs les plus connus, sur un nombre considérable de chantiers76, ceci jusque dans l’entre-deux-guerres lorsqu’elle réalise la statue d’un Lion, emblème de la ville, sur le beffroi de l’hôtel de ville d’Arras restauré par Pierre Paquet.

    Monduit est propulsée au cœur des discussions à la mode pendant la deuxième moitié du xixe siècle, sur la conciliation de l’art et de l’industrie. Les statues sont le résultat d’une collaboration entre un artiste et les ouvriers de Monduit – appelés les « gothiqueurs ». Pour fabriquer ces statues et tous les ornements, l’entreprise n’emploie pas des machines, mais utilise des techniques de martelage du plomb ou cuivre (ou estampage) à la main, qui préservent la teneur du matériau tout en obtenant une épaisseur égale dans toutes les parties traitées. Le travail manuel, celui de l’ouvrier « gothiqueur », est mis en avant dans les notices présentées par l’entreprise aux expositions internationales77, dans lesquelles Monduit présente ses fabrications systématiquement et obtient de nombreuses récompenses qui contribuent à son succès commercial.

    L’éloge du travail manuel se confond alors avec le thème de la tradition retrouvée, très recherché dans la culture de l’époque ; le folklore, une notion voisine, fait ainsi l’objet d’une utilisation qui préfigure le marketing moderne lors de l’Exposition universelle de Vienne en 187378 ; le thème de la tradition, sous l’angle du rapport émotionnel à l’histoire si important après les Révolutions, est omniprésent dans l’horizon d’attente de Viollet-le-Duc, où il contrebalance la modernité, la salubrité et la rationalité par un ancrage au passé idéalisé.

    Même si Monduit sanctuarise le travail manuel des ouvriers ornemanistes « gothiqueurs », travail dont la transmission a d’ailleurs été interrompue à la fin du xviiie siècle avant d’être réinventée au milieu du xixe, elle fait aussi faire des bonds à la technique. Dès le chantier de la Sainte-Chapelle, où Honoré Monduit est présent auprès du charpentier Bellu, l’arrimage de la statue de l’archange Saint-Michel sur le couronnement de l’édifice nécessite une armature qui est un tour de force technique, pour ne pas fragiliser la couverture par un poids excessif. L’entreprise réalise les couvertures en plomb des toits : elle introduit et perfectionne des innovations dans ce domaine. Les feuilles des ornements en plomb sont livrées, laminées industriellement79. Des innovations techniques brevetées – armatures internes en fer forgé, assemblage de clous invisibles, étamage pour une meilleure solidité – viennent à l’appui des fabrications ornementales80.

    Enfin, l’activité ornemaniste de Monduit, îlot de « tradition réinventée », tradition où se mêle une stratégie de marketing sincère, exaltant la noblesse du travail manuel, coexiste avec des secteurs beaucoup plus modernes, témoignant à la fois de l’engagement de la lignée Monduit dans son époque et d’une volonté de diversification délibérément industrielle : dès 1861, l’entreprise se lance dans les appareils de chauffage au gaz, puis dans les décennies suivantes dans le confort domestique et dans les ouvrages d’art liés à l’hygiène urbaine (canalisations souterraines et distribution d’eau), en plein essor, sans parler des appareils d’éclairage. Cette implication dans le temps industriel se marie avec un engagement tiré du catholicisme social, Henri Monduit mettant en place en 1872 l’intéressement de son personnel aux bénéfices de l’entreprise81.

    Les réalisations de Monduit ont ponctué les monuments restaurés de signes évoquant le passé médiéval. L’exaltation des ouvriers « gothiqueurs » de l’entreprise, qu’on observe dans les milieux de l’architecture, est un révélateur de la passion de l’époque pour l’idée de tradition. Cette tradition était à la fois réinventée, préservée et hybridisée avec les techniques les plus modernes, et donc avec la modernité. Le cas de l’entreprise Monduit est une illustration de la manière dont le xixe siècle assemblait ces deux mondes, pourtant contradictoires.

    Notes de bas de page

    43Fabienne Chevallier, « Les interventions sur l’église Saint-Germain l’Auxerrois à Paris du Moyen Âge à 1830 » et « Les interventions sur l’église Saint-Germain l’Auxerrois à Paris de 1830 à 1857 : Une restauration ou une “capitulation impérieuse” » ? » (1. et 2.), in Bruno Phalip et Jean-François Luneau (dir.), Restaurer au xixe siècle, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2021. Fabienne Chevallier, « L’invention du patrimoine après la Révolution », cours public de l’École de Chaillot (23 novembre 2017), https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/linvention-du-patrimoine-apres-la-revolution.

    44Jean-François Luneau, « Le château de Marienburg en Prusse », in Bruno Phalip et Jean-François Luneau (dir.), Restaurer au xixe siècle, op. cit.

    45Jean-Michel Leniaud et Françoise Perrot, La Sainte-Chapelle, Paris, Nathan / CNMHS, 1991, p. 18.

    46Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    47Jean-Pierre Chaline, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France xixe-xxe siècles, Paris, Éditions du CTHS, 1998, p. 125.

    48Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    49Miles Glendinning, The Conservation Movement: A History of Architectural Preservation, Antiquity to Modernity, Londres, Routledge, 2013, p. 65.

    50Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « La création de la Society for the Protection of Ancient Buildings ».

    51Arnaud Timbert, Viollet-le-Duc et Pierrefonds. Histoire d’un chantier, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, p. 141-142.

    52Diane Daussy, « Le journal du chantier de Notre-Dame de Paris. Apport à la connaissance de l’intimité d’un chantier », in Colloque INHA / Liège / Namur, Claudine Houbart, Mathieu Piavaux, Arnaud Timbert et Julien Noblet (dir.), Matériaux, Métiers et Techniques. Vers une histoire matérielle du chantier de restauration (1830-1914), 2018. À paraître dans Stéphanie Diane Daussy et Arnaud Timbert, Notre-Dame de Paris, Le grand chantier (1844-1865).

    53Martin Nadaud, Mémoire de Léonard, ancien garçon maçon, Bourganeuf, A. Duboueix, 1895. Son récit est un témoignage passionnant sur la vie difficile des ouvriers et des petits entrepreneurs du bâtiment pendant la monarchie de Juillet, et des liens entre ces corps de métier et les sociétés républicaines.

    54Diane Daussy, que je remercie, fait observer, notamment, un accident dû à la chute de matériaux de démolition, un autre à celle d’un marteau.

    55Lettre du 15 mai 1866 du secrétaire général du ministère de la Maison de l’Empereur au secrétaire général du ministère de l’Intérieur, en date du 15 mai 1866. A. N., Pierrefitte, série F/21/2011. Une indemnité ponctuelle peut être exceptionnellement allouée au-delà de trois mois.

    56Lettre d’H. Lefuel au ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts en date du 15 novembre 1864. A. N., Pierrefitte, série F/21/2011.

    57Note du directeur général de l’Assistance publique au Ministre d’État, ministre de la Maison de l’Empereur, s.d., A. N., Pierrefitte, série F/21/2011.

    58Edmond Du Sommerard, Exposition universelle de 1867 à Paris : Commission de l’histoire du travail, Paris, P. Dupont, 1867, p. 10-13.

    59Martin Nadaud, Mémoire […], op. cit., p. 57-60.

    60Arnaud Timbert, « Reconstruire Vézelay et restaurer la Bourgogne : le choix des matériaux chez E.-E. Viollet-le-Duc », Livraisons d’histoire de l’architecture [en ligne], 16/2008, http://lha.revues.org/186 ; DOI : 10.4000/lha.186, p. 3.

    61Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    62Karl Marx et Friedrich Engels, Le Capital, livre 1, chapitre XXIV, Éd. Sociales, 1985, p. 165-166.

    63César Daly, « Des grilles de Saint-Germain l’Auxerrois », Revue Générale de l’Architecture et des Travaux Publics, vol. XXI, 1863, p. 257.

    64Schéma d’Édouard Baron montrant un détail de la structure métallique, FR AD 28/V66, A. D. Eure-et-Loire.

    65Françoise Bercé, « La conservation des charpentes anciennes, une préoccupation tardive ? », Monumental, semestriel 1, 2016, p. 18.

    66Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’Architecture française du xie au xvie siècle, Paris, Bance, 1857, Tome troisième, p. 7.

    67Pierre-Yves Caillault, « Les toitures de la cathédrale de Laon et du palais ducal de Nancy. Deux projets simultanés d’Émile Boeswillwald », […], Monumental, semestriel 1, 2016, p. 62-64.

    68Compte rendu de la septième séance, cinquième session tenue à Paris du 29 juillet au 4 août 1900, Exposition universelle internationale de 1900, Congrès international des architectes, Imprimerie et librairie centrales des chemins de fer, Paris, p. 222-236. La conférence de W. Le Baron Jenney, retenu à Chicago, est lue par Pillet le vendredi 3 août 1900 à l’amphithéâtre de construction de l’École des Beaux-Arts.

    69N.-M. Troche, La Tour de S.-Jacques-La-Boucherie ou Mémoire historique, archéologique et critique sur ce monument et sur sa restauration, Paris, Julien, Lanier, Cosnard et Cie, 1857, p. 75.

    70François Neveux, « La reprise controversée de la tour centrale. 1851-1858 », in Jean-Claude Boulanger et François Neveux (dir.), Bayeux, Joyau du gothique normand, La Nuée Bleue, 2016, p. 114-120.

    71Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Réflexions sur la réinvention de la tradition dans les chantiers de restauration au xixe siècle : le cas de l’entreprise Monduit ».

    72Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    73Fabienne Chevallier, Le Paris moderne. Histoire des politiques d’hygiène 1855-1898, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 354-356.

    74Robert Dulau et Dorothea Kaiser, L’Atelier Monduit. Une collection d’ornements d’architecture, Paris, Éd. du Patrimoine, 2011. Robert Dulau, « Diffusion, réception de l’œuvre d’un artisan-entrepreneur du xixe siècle : l’Atelier Monduit », Livraisons d’histoire de l’architecture. Ornements en architecture, Paris, association LHA, no 29, 2015, p. 9-31. Le présent article est redevable de ces travaux.

    75Robert Dulau et Dorothea Kaiser, L’Atelier Monduit. […], op. cit., p. 9.

    76237 chantiers entre 1850 et 1909 dont 104 sont des édifices cultuels, 61 des châteaux et 72 des édifices civils urbains, selon un inventaire établi en 1994 en France et à l’étranger par Gabrielle Pasquier-Monduit.

    77Emmanuelle Héran, « Ensemble de vingt médailles et plaquettes », La revue du Musée d’Orsay, no 21, automne 2005, p. 56.

    78Fabienne Chevallier, « Les architectures nationales en Europe (1850-1925). L’empreinte de l’histoire, le tropisme des peuples », in Jean-Yves Andrieux, Fabienne Chevallier et Anja Kervanto Nevanlinna (dir.), Idée nationale et architecture en Europe (vol. 2), Presses universitaires de Rennes, 2019, p. 329-376.

    79Robert Dulau et Dorothea Kaiser, L’Atelier Monduit. […], op. cit., p. 44.

    80Ibid., p. 13.

    81Robert Dulau, « Diffusion […] », art. cit., p. 22.

    Auteur

    • Fabienne Chevallier

      Historienne de l’Art, HDR, associée au CHEC (EA 1001)

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    43Fabienne Chevallier, « Les interventions sur l’église Saint-Germain l’Auxerrois à Paris du Moyen Âge à 1830 » et « Les interventions sur l’église Saint-Germain l’Auxerrois à Paris de 1830 à 1857 : Une restauration ou une “capitulation impérieuse” » ? » (1. et 2.), in Bruno Phalip et Jean-François Luneau (dir.), Restaurer au xixe siècle, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2021. Fabienne Chevallier, « L’invention du patrimoine après la Révolution », cours public de l’École de Chaillot (23 novembre 2017), https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/linvention-du-patrimoine-apres-la-revolution.

    44Jean-François Luneau, « Le château de Marienburg en Prusse », in Bruno Phalip et Jean-François Luneau (dir.), Restaurer au xixe siècle, op. cit.

    45Jean-Michel Leniaud et Françoise Perrot, La Sainte-Chapelle, Paris, Nathan / CNMHS, 1991, p. 18.

    46Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    47Jean-Pierre Chaline, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France xixe-xxe siècles, Paris, Éditions du CTHS, 1998, p. 125.

    48Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    49Miles Glendinning, The Conservation Movement: A History of Architectural Preservation, Antiquity to Modernity, Londres, Routledge, 2013, p. 65.

    50Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « La création de la Society for the Protection of Ancient Buildings ».

    51Arnaud Timbert, Viollet-le-Duc et Pierrefonds. Histoire d’un chantier, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, p. 141-142.

    52Diane Daussy, « Le journal du chantier de Notre-Dame de Paris. Apport à la connaissance de l’intimité d’un chantier », in Colloque INHA / Liège / Namur, Claudine Houbart, Mathieu Piavaux, Arnaud Timbert et Julien Noblet (dir.), Matériaux, Métiers et Techniques. Vers une histoire matérielle du chantier de restauration (1830-1914), 2018. À paraître dans Stéphanie Diane Daussy et Arnaud Timbert, Notre-Dame de Paris, Le grand chantier (1844-1865).

    53Martin Nadaud, Mémoire de Léonard, ancien garçon maçon, Bourganeuf, A. Duboueix, 1895. Son récit est un témoignage passionnant sur la vie difficile des ouvriers et des petits entrepreneurs du bâtiment pendant la monarchie de Juillet, et des liens entre ces corps de métier et les sociétés républicaines.

    54Diane Daussy, que je remercie, fait observer, notamment, un accident dû à la chute de matériaux de démolition, un autre à celle d’un marteau.

    55Lettre du 15 mai 1866 du secrétaire général du ministère de la Maison de l’Empereur au secrétaire général du ministère de l’Intérieur, en date du 15 mai 1866. A. N., Pierrefitte, série F/21/2011. Une indemnité ponctuelle peut être exceptionnellement allouée au-delà de trois mois.

    56Lettre d’H. Lefuel au ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts en date du 15 novembre 1864. A. N., Pierrefitte, série F/21/2011.

    57Note du directeur général de l’Assistance publique au Ministre d’État, ministre de la Maison de l’Empereur, s.d., A. N., Pierrefitte, série F/21/2011.

    58Edmond Du Sommerard, Exposition universelle de 1867 à Paris : Commission de l’histoire du travail, Paris, P. Dupont, 1867, p. 10-13.

    59Martin Nadaud, Mémoire […], op. cit., p. 57-60.

    60Arnaud Timbert, « Reconstruire Vézelay et restaurer la Bourgogne : le choix des matériaux chez E.-E. Viollet-le-Duc », Livraisons d’histoire de l’architecture [en ligne], 16/2008, http://lha.revues.org/186 ; DOI : 10.4000/lha.186, p. 3.

    61Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    62Karl Marx et Friedrich Engels, Le Capital, livre 1, chapitre XXIV, Éd. Sociales, 1985, p. 165-166.

    63César Daly, « Des grilles de Saint-Germain l’Auxerrois », Revue Générale de l’Architecture et des Travaux Publics, vol. XXI, 1863, p. 257.

    64Schéma d’Édouard Baron montrant un détail de la structure métallique, FR AD 28/V66, A. D. Eure-et-Loire.

    65Françoise Bercé, « La conservation des charpentes anciennes, une préoccupation tardive ? », Monumental, semestriel 1, 2016, p. 18.

    66Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’Architecture française du xie au xvie siècle, Paris, Bance, 1857, Tome troisième, p. 7.

    67Pierre-Yves Caillault, « Les toitures de la cathédrale de Laon et du palais ducal de Nancy. Deux projets simultanés d’Émile Boeswillwald », […], Monumental, semestriel 1, 2016, p. 62-64.

    68Compte rendu de la septième séance, cinquième session tenue à Paris du 29 juillet au 4 août 1900, Exposition universelle internationale de 1900, Congrès international des architectes, Imprimerie et librairie centrales des chemins de fer, Paris, p. 222-236. La conférence de W. Le Baron Jenney, retenu à Chicago, est lue par Pillet le vendredi 3 août 1900 à l’amphithéâtre de construction de l’École des Beaux-Arts.

    69N.-M. Troche, La Tour de S.-Jacques-La-Boucherie ou Mémoire historique, archéologique et critique sur ce monument et sur sa restauration, Paris, Julien, Lanier, Cosnard et Cie, 1857, p. 75.

    70François Neveux, « La reprise controversée de la tour centrale. 1851-1858 », in Jean-Claude Boulanger et François Neveux (dir.), Bayeux, Joyau du gothique normand, La Nuée Bleue, 2016, p. 114-120.

    71Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Réflexions sur la réinvention de la tradition dans les chantiers de restauration au xixe siècle : le cas de l’entreprise Monduit ».

    72Voir dans ce volume Fabienne Chevallier, « Nouvelles questions sur les restaurations les plus spectaculaires du long xixe siècle en Europe ».

    73Fabienne Chevallier, Le Paris moderne. Histoire des politiques d’hygiène 1855-1898, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 354-356.

    74Robert Dulau et Dorothea Kaiser, L’Atelier Monduit. Une collection d’ornements d’architecture, Paris, Éd. du Patrimoine, 2011. Robert Dulau, « Diffusion, réception de l’œuvre d’un artisan-entrepreneur du xixe siècle : l’Atelier Monduit », Livraisons d’histoire de l’architecture. Ornements en architecture, Paris, association LHA, no 29, 2015, p. 9-31. Le présent article est redevable de ces travaux.

    75Robert Dulau et Dorothea Kaiser, L’Atelier Monduit. […], op. cit., p. 9.

    76237 chantiers entre 1850 et 1909 dont 104 sont des édifices cultuels, 61 des châteaux et 72 des édifices civils urbains, selon un inventaire établi en 1994 en France et à l’étranger par Gabrielle Pasquier-Monduit.

    77Emmanuelle Héran, « Ensemble de vingt médailles et plaquettes », La revue du Musée d’Orsay, no 21, automne 2005, p. 56.

    78Fabienne Chevallier, « Les architectures nationales en Europe (1850-1925). L’empreinte de l’histoire, le tropisme des peuples », in Jean-Yves Andrieux, Fabienne Chevallier et Anja Kervanto Nevanlinna (dir.), Idée nationale et architecture en Europe (vol. 2), Presses universitaires de Rennes, 2019, p. 329-376.

    79Robert Dulau et Dorothea Kaiser, L’Atelier Monduit. […], op. cit., p. 44.

    80Ibid., p. 13.

    81Robert Dulau, « Diffusion […] », art. cit., p. 22.

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    Chevallier, F. (2021). Contribution à une histoire sociale des restaurations pendant le long xixe siècle. In B. Phalip & F. Chevallier (éds.), Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle) (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/13i4a
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    Phalip, B., & Chevallier, F. (éds.). (2021). Pour une histoire de la restauration monumentale (xixe-début xxe siècle) (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/13hyx
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