1La fantasy est un genre maintes fois taxé d’escapisme et de conservatisme tout à la fois. En effet, l’immersion qu’elle propose dans des mondes imaginaires relevant de temps mythiques ou d’ères anciennes serait de nature régressive. Le genre serait donc au mieux en apesanteur du monde réel ; au pire, il véhiculerait des idéologies conservatrices, voire douteuses. Pour autant, il semble aussi constituer un média par lequel s’expriment des façons de penser, des visions du monde que l’on pourrait qualifier d’alternatives, ce qui amène Anne Larue à cette double question : « La fantasy serait-elle une autre forme du cri de Seattle : “un autre monde est possible ?” La fantasy, avec ses autres mondes, serait-elle essentiellement… altermondialiste1 ? »

2Il nous semble que l’on peut se poser la même question concernant la fantasy pour la jeunesse contemporaine, qui s’adresse précisément à une catégorie de lecteurs en train de se construire, de se définir une identité personnelle mais aussi citoyenne. Nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponse en nous appuyant sur deux cycles contemporains pour la jeunesse à grand succès, His dark materials2 de l’anglais Philip Pullmann et Les Mondes d’Ewilan3 (précédé de la Quête d’Ewilan) du français Pierre Bottero, qui nous paraissent emblématiques d’une certaine fantasy de ce point de vue. En effet, à la faveur d’un jeu entre monde(s) fictionnel(s) et monde « réel », il semble bien que ces œuvres proposent à leurs lecteurs de réfléchir sur les dangers et les dérives du monde dans lequel ils vivent, voire d’oser rêver un monde différent4, un monde qui les engage, à l’image des jeunes héros — en l’occurrence des héroïnes — de ces fictions. L’immersion fictionnelle deviendrait alors le gage sinon d’une réflexion politique, au moins d’un positionnement civique et éthique.

Des autres mondes imaginaires à un autre monde possible

3Dans l’avant-propos à La théorie littéraire des mondes possibles, Françoise Lavocat s’interroge :

Peut-on assimiler toutes les fictions, ou seulement certaines d’entre elles, au développement d’une hypothèse ? Les territoires de la science-fiction et de la fantasy, qui dominent actuellement l’imaginaire planétaire, semblent bien être de celles-là5.

4En effet, constitutivement, les littératures de l’imaginaire et particulièrement la fantasy donnent à voir ou à imaginer de nouveaux mondes, en se plaçant « ostensiblement sous le signe d’une altérité construite, et plus ou moins radicale6 ». Or de plus en plus, les œuvres de fantasy, quel que soit le lectorat visé, jouent sur l’idée de pluralité des mondes ; ainsi, le ou les héros circulent au moins entre deux mondes, dont l’un constitue un miroir du monde « réel » comme c’est le cas dans Harry Potter ou dans Les Mondes d’Ewilan, voire entre plusieurs mondes. Ainsi, Philip Pullman s’appuie-t-il sur les théories de la physique quantique : chaque monde exploré par Lyra et Will est contigu de milliers de mondes parallèles7. Les autres mondes sont donc en pleine expansion en fantasy, et particulièrement en fantasy pour la jeunesse, comme le souligne un peu ironiquement l’article de Guillemette Tison intitulé « L’édition pour la jeunesse exploite les “autres mondes” »8. L’auteure observe en effet le nombre de collections consacrées aux autres mondes dans ce secteur éditorial ; elle met en évidence la place de plus en plus accrue des grands ensembles, sous la forme de cycles9 ou de séries, instaurant une durée dans le temps long. Parallèlement, elle attire l’attention sur la publication d’ouvrages secondaires et la fabrication de produits associés assurant de bonnes opérations commerciales. Ces œuvres semblent donc pour la plupart se définir avant tout comme des produits de consommation, à l’image de la société qui les engendre, relevant alors de ce qu’il est convenu d’appeler la paralittérature, sans qualité littéraire ni profondeur philosophique.

5Mais qu’est-ce qui caractérise, plus précisément, ces autres mondes ? Assurément, ils répondent à un désir d’évasion et l’herbe littéralement, y est plus verte10. Ainsi, à propos du cycle d’Ewilan, une jeune lectrice, Angelina, déclare qu’elle aime l’atmosphère de « cet univers moyenâgeux sans technologie11 » et qu’elle aimerait vivre à Gwendalavir, monde sans pollution ni déchets, où l’air est pur. À l’instar du modèle tolkienien, la grande majorité des œuvres de fantasy – et notamment d’heroic fantasy – offre aux lecteurs un autre monde à la fois dépaysant et rassurant, comme le décrit bien Angelina. En effet, bien que menacé par le chaos ou par les ténèbres, il s’agit d’un monde lisible, proche de celui des contes, dans lequel chaque chose et chaque être ont leur place précisément définie, sauf peut-être, justement, pour le héros. Les relations entre les héros sont fraternelles, conviviales, animées par des valeurs chevaleresques. Mais surtout, le merveilleux y tient toute sa place et s’y trouve même complètement naturalisé. On voit bien en quoi ces mondes consolateurs se définissent par opposition au monde « réel », en l’occurrence celui du jeune lecteur.

6Cependant, il convient de remarquer que, dans ces mondes imaginaires, les héros mûrissent et se construisent par différentes épreuves qui leur apprennent en particulier le renoncement, l’acceptation de soi-même et de l’autre et surtout, l’idée de finitude ; autrement dit, ces mondes imaginaires, au sein desquels les héros règlent des conflits qui leur permettent d’entrer dans le monde des adultes, montreraient symboliquement comment l’imagination, notamment par le biais de la lecture et de l’immersion fictionnelle, vient nourrir des capacités d’action, de réflexion et de création profitables tant à l’individu qu’à la collectivité12.

7Enfin, imaginer d’autres mondes fictifs et proposer un monde différent, entendu comme un monde meilleur, peuvent constituer les deux facettes d’un idéal politique et philosophique : ainsi, en 1884, le socialiste révolutionnaire et architecte décorateur William Morris, auteur des célèbres Nouvelles de nulle part (1890), que Roger Bozzetto identifie comme le premier auteur d’heroic fantasy13, prononçait une conférence intitulée « Comment nous pourrions vivre ». Décrivant les affres de la guerre économique, opposant entre elles les firmes et les nations, il prônait l’association ; il revendiquait le droit de chacun à la santé, à des conditions de vie décentes, et à du temps libre pour des loisirs et de la réflexion personnelle ; il évoquait le droit à l’instruction mais aussi celui de vivre dans un monde de beauté, où l’on ferait toute leur place à la nature et à l’art. C’est la raison pour laquelle, Serge Latouche, professeur d’économie et objecteur de croissance, voit en lui un précurseur de la décroissance14.

8On pourrait se demander alors si, à l’aube du xxi^e siècle, une certaine fantasy pour la jeunesse ne conjugue pas à sa manière imagination créatrice et engagement. En effet, dans les deux cycles de Bottero et de Pullman, l’abandon ou le renouvellement de certains paradigmes narratifs traditionnels, mais aussi la présentation, sur un plan plus « existentiel », de modèles différents, voire alternatifs, sur le plan individuel ou collectif, semblent suggérer au jeune lecteur qu’il est possible d’explorer d’autres voies que celles tracées par le modèle économique et social de l’ultralibéralisme qui tend à s’imposer en Occident, conjugué à des représentations du monde, de l’homme et de la femme héritées du judéo-christianisme15.

Des paradigmes traditionnels à des modèles alternatifs

9Dans « Fantasy et science-fiction : transcendance et appareil, révolution et conservation16 », Isabelle Périer montre que traditionnellement, le héros de fantasy se situe du côté de la conservation, c’est-à-dire qu’il essaie de faire perdurer un état de choses, tandis que le héros de science-fiction se situe du côté de la révolution. Bien que l’auteur souligne certaines grandes tendances historiques et nuance son propos, les héroïnes des deux trilogies étudiées paraissent bien davantage s’inscrire du côté de la « révolution ». Par leur appartenance au sexe dit faible, Lyra et Camille, alias Ewilan, manifestent déjà de la part des auteurs une certaine volonté de changement, même s’il est à noter que la tendance semble générale en littérature de jeunesse. Lyra, garçon manqué, voire sauvageonne au début du roman et Ewilan17, à la silhouette très androgyne, ont pour point commun leur caractère bien trempé et leur besoin absolu d’indépendance. Par ailleurs, Salim, l’ami de Camille, est Camerounais : si ce genre de situation est désormais monnaie courante dans les romans réalistes, elle l’est moins en fantasy, bien que la question de la différence (interindividuelle ou intercommunautaire) soit au cœur du genre. Enfin, des communautés marginales et historiquement réprimées sont positivement connotées dans Pullman : les sorcières, les gitans. Dans cette œuvre qui ébranle l’héritage judéo-chrétien et cartésien tout à la fois, même l’animal acquiert un nouveau statut ontologique18.

10De manière plus générale, « l’exaltation de la capacité de changement, de renouvellement, à l’opposé des héritages sclérosants19 », est au cœur de l’œuvre ; n’oublions pas que la trilogie est d’abord fondée sur la révolte de Pullman lui-même contre les Chroniques de Narnia20, œuvre qu’il juge sexiste, rétrograde et aliénante. Dans la trilogie de Bottero, les positions ne sont pas aussi tranchées, et les héros assument bien le rôle de garant d’un ordre social menacé. Mais ils font cependant des choix individuels inattendus au dénouement. Ainsi, Edwin Till’Illan, Maître d’armes de l’Empereur, commandant des armées alaviriennes, après avoir repoussé l’ennemi qui menaçait et assuré une paix durable dans le royaume, renonce à tous les honneurs et aux fonctions suprêmes ; il part voyager dans les bien nommées Plaines du Souffle, aux côtés d’Ellana. Ewilan fait aussi partie de ce voyage, après avoir renoncé pour sa part à la fonction très convoitée de Sentinelle, qui ne lui correspondait pas. Ces héros font délibérément le choix de l’épanouissement personnel et renoncent au prestige21.

11De ce point de vue, la rencontre de Camille et de Salim dans le tome 1 de la trilogie avec Maximilien Fourque, un berger de 77 ans22, qui les recueille après leur fuite de l’Institution, paraît extrêmement significative. Sans rien leur demander, il leur prodigue tous les soins possibles et partage avec eux le peu qu’il a ; les jeunes gens restent quelques semaines auprès de lui, se liant d’une profonde amitié avec cet hôte inattendu23, comblé par une vie pourtant austère en apparence, dans des lieux et des paysages aimés. Maximilien, qui conjugue frugalité et épanouissement, est-il un adepte de la décroissance sans le savoir ? En tout cas, il pratique visiblement la « sobriété heureuse24 » ou encore la simplicité volontaire, concept dû à Richard Gregg et repris entre autres par Serge Mongeau25. Loin d’apparaître comme un marginal, à l’écart du progrès et ignorant tout de la civilisation et de la modernité – à laquelle sont particulièrement sensibles les adolescents, Maximilien est présenté comme un personnage d’une grande humanité. Solitaire, mais infiniment tolérant et généreux, il semble incarner l’individualisme non plus comme un égoïsme et un repli, mais comme un humanisme, au sens où le définit François de Singly :

Ainsi conçu, l’individualisme est donc intrinsèquement politique, se situant dans le camp opposé au libéralisme politique et économique puisqu’il doit créer les conditions autorisant tout individu, quelles que soient sa couleur, sa nationalité, son origine sociale […] à avoir le droit d’être un “homme” (au sens des droits de l’homme)26.

12Dans la trilogie de Pullman, c’est en explorant un univers parallèle et donc sous le couvert du merveilleux que Mary Malone découvre une communauté d’êtres menant selon ses propres termes, « une existence digne et heureuse27 ». Il s’agit des mulefas, créatures en forme de losange28. Les mulefas vivent sobrement avec des instruments qu’ils se fabriquent mais ne connaissent pas le fer ou ne l’utilisent qu’en ornement. Ils ne sont pas sans évoquer par analogie l’ère paléolithique de notre monde et l’apparition de l’homo faber. Or Mary a le loisir d’observer la façon dont cette communauté vit en symbiose avec la nature qui l’entoure29, de même que les relations harmonieuses entre les individus et les familles au sein du groupe30.

13C’est la raison pour laquelle on ne peut manquer d’être frappé par la convergence qui apparaît entre l’évocation de cette communauté et l’ouvrage iconoclaste de l’ethnologue américain Marshall Sahlins31, intitulé Âge de pierre, âge d’abondance. Allant à rebours de la définition classique de l’économie archaïque comme économie de subsistance et de pauvreté, due au sous-développement des moyens techniques, l’auteur s’attache à monter combien cette vision est tributaire d’un parti pris idéologique, celui que seule l’économie capitaliste génère l’abondance, alors que son fondement même est de provoquer la rareté32. Au contraire, ces sociétés, qui auraient fait le choix de ne pas détenir plus que ce qui suffit à leurs besoins, seraient les premières et les seules sociétés d’abondance. Elles se caractérisent par du temps libre, de l’entraide, par l’absence de groupes inégaux et opposés et par une certaine insouciance33. À l’aune de ces analyses, on peut se demander si la communauté en apparence préhistorique des mulefas ne représente pas un horizon plutôt qu’un passé, bousculant alors l’appartenance générique du récit et opérant comme un mouvement de bascule vers la science-fiction.

14Les mulefas, tout comme Maximilien, évoqué plus haut dans le cycle de Bottero, apparaissent alors comme des modèles d’épanouissement individuel et collectif reposant sur une existence libre et simple. On retrouve à travers ces vies exemplaires les principes d’un courant à la fois philosophique et économique tel que celui de la décroissance34.

De l’exercice du pouvoir et de la science sans conscience

15Parallèlement aux nouveaux paradigmes qu’ils proposent, les deux cycles expriment le rejet de toute forme de totalitarisme ou d’extrémisme, phénomène qui caractérise aujourd’hui la plupart de la production en fantasy. Les deux trilogies abordent ainsi conjointement les questions de l’exercice du pouvoir et de l’instrumentalisation des sciences, qui les mènent alors aux frontières de la science-fiction et de la dystopie.

16Dans son ouvrage consacré à l’alter-mondialisme, Eddy Fougier rappelle que « les idées et les suggestions des altermondialistes ont d’ores et déjà un impact loin d’être négligeable à l’échelle globale35 » et qu’ils ont « contribué à délégitimer en partie l’idéologie de la “mondialisation heureuse” » ou le « fondamentalisme du marché » :

Ils ont incité la population à développer un regard plus critique et vigilant par rapport au processus de mondialisation, à l’activité de ses principaux “protagonistes” – gouvernements des pays riches, firmes multinationales et grandes institutions économiques internationales – et à certains de leurs excès, et à exiger de ces acteurs qu’ils soient plus transparents, responsables et représentatifs36.

17Ils ont aussi pesé dans le débat sur les orientations et les impacts de la recherche scientifique, notamment dans le domaine du vivant et des technologies. Indéniablement, la réflexion développée dans les cycles de Pullman et de Bottero sur le pouvoir et les contre-exemples proposés en matière de recherche scientifique ou de recherche aveugle du profit participent en ce sens des valeurs et des principes altermondialistes.

Ahmour et Autorité

18Dans le tome 2 des Mondes d’Ewilan, se produit un étrange phénomène : l’héroïne ne peut plus accéder aux Spires, le monde de l’Imagination. Il s’avère que les Spires sont bloquées par un monstre représentant un danger mortel pour qui s’y aventure ; ce dernier prend la forme d’une immense pieuvre et se nomme Ahmour. Ce monstre est une création du peuple valinguite dont les dirigeants veulent conquérir les autres peuples et les soumettre37 ; l’homonymie avec le terme « amour » est, quant à elle, une coïncidence fortuite et malheureuse. Il semble bien que cette pieuvre immense s’offre à l’interprétation comme l’allégorie des pouvoirs totalitaires qui, sous des apparences séduisantes, endorment les individus et les peuples avant de les broyer implacablement. D’ailleurs Illian, le petit garçon d’origine valinguite qu’Ewilan a recueilli, a le don de pouvoir ordonner à quiconque ce qu’il attend de lui, y compris de mourir ; il a, de plus, été élevé dans le mépris des faibles et des étrangers. Ewilan doit donc lui apprendre à respecter l’humanité d’autrui et à maîtriser ce pouvoir, ce qui n’est pas une mince affaire, mais elle y parvient à force de confiance et d’affection prodiguées38. Quant à l’intrigue de A la croisée des mondes, elle est fondée sur la rébellion de Lord Asriel contre l’Autorité, reproduction explicite de l’Inquisition médiévale.

19Réifier l’autre, vouloir l’anéantir au nom d’idéaux, quelle que soit leur nature, ou pire encore, parce qu’il est autre, voilà ce qui caractérise tout pouvoir totalitaire. Si les œuvres s’emploient à montrer la faillite inéluctable des idéologies, elles montrent aussi le prix à payer pour cela, une fois qu’elles ont pu se mettre en place.

La question de l’instrumentalisation des sciences

20Il paraît significatif que dans les deux trilogies soit posée la question de l’utilisation de la science dans la perspective de développer, mais aussi de contrôler la conscience et les pouvoirs de l’esprit humain. Dans Les Mondes d’Ewilan, Elea R’ill Morienval, assoiffée de pouvoir et de vengeance, crée l’Institution, organisme secret affilié au Ministère de la Recherche et de l’Intérieur39, où de jeunes enfants doués de pouvoirs exceptionnels ont été enlevés à leurs parents et sont étudiés en vrais cobayes40. Dans A la croisée des mondes, la scientifique Mary Malone, qui travaille sur la Poussière, c’est-à-dire tout ce qui a trait aux manifestations de la conscience, reçoit dans son laboratoire la visite d’un certain Sir Charles, qui lui propose ni plus ni moins, en échange des subventions qu’elle recherche désespérément, d’orienter ses recherches vers la manipulation de la conscience et de travailler pour un complexe militaro-industriel41. Cette dernière s’indigne et refuse ces propositions, au risque de voir sa carrière sacrifiée ; son collègue Olivier Payn se montrera nettement plus coopératif. On a dans les deux cas l’impression d’un basculement des récits vers la science-fiction, longtemps considérée comme plus révolutionnaire et plus progressiste que la fantasy. Les deux récits posent explicitement la question de la science sans conscience ; cela ne peut manquer de faire écho dans notre monde à des craintes, des débats sur les possibles dérives de la science et des techniques, notamment dans les secteurs pharmaceutique, agricole, nucléaire, à l’origine de nombreux mouvements civils42.

Appât du gain et prédation humaine et écologique

21Dans Les Mondes d’Ewilan, un épisode est significatif : celui des démêlés de Maximilien Fourque avec la Flirgon, société minière d’exploitation, à laquelle il a refusé de concéder ses terres43. Un jour, il échappe de peu à des hommes armés qu’il a d’abord pris pour des chasseurs. Ceux-ci se révèlent être des tueurs à gages employés par la Flirgon44. La coïncidence avec les agissements de certaines multinationales expropriant des villageois, extorquant des terres dans les pays du Sud en particulier, et faisant régner dans certains cas la terreur ne paraît pas purement fortuite…

22La fantasy pour la jeunesse propose à ses jeunes lecteurs de s’évader d’un monde jugé banal et oppressant. Mais pour autant, certaines œuvres donnent à voir les apories d’un monde où menace la réification de l’homme au nom du pouvoir et/ou du profit ; elles proposent d’autres modèles de vie, de société, passant par le régime réaliste ou utilisant au contraire les ressources du merveilleux. Elles incitent à une vigilance qui est peut-être une première forme d’empowerment ; ainsi, ces dernières offrent des mondes à rêver mais aussi, certainement, de nouveaux mondes à construire.