Présentation

1« Peut-on encore parler de magie aujourd’hui ? » Cette interrogation liminaire du bel ouvrage d’Yves Vadé sur L'Enchantement littéraire, nous avons décidé de la reprendre à notre tour en prolongeant la réflexion de notre ami dans ce qui constitue un hommage multiple. Comme en écho à L’Enchantement littéraire, Enchantements regroupe un ensemble de contributions destinées à non seulement rappeler l’importance, la profondeur et la finesse du travail d’Yves Vadé sur les relations entre magie et écriture au XIX^e siècle ; non seulement a rendre hommage au fondateur du groupe de recherches Modernités pour son dynamisme et son efficacité au sein de l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, mais aussi à remercier l’homme, l’ami, le maître, pour la cordialité des relations qu’il a su instaurer avec l’ensemble de ses collègues, pour sa générosité sans faille, pour sa présence tout simplement. Sous un ciel limpide ou au sein des bourrasques, cette seule présence était un gage d’unité, apaisant les inquiétudes et donnant à chacun la force sereine d’un détachement salutaire.

2Comment ne pas saluer aussi le directeur de recherches que ses anciens « thésards » ne pourront pas oublier ? L’acuité de ses suggestions et la richesse de ses observations auront aidé plus d’un chercheur à éviter les chemins tortueux et les impasses, à surmonter les difficultés et les découragements. Yves Vadé a trop le respect des opinions et des convictions d’autrui pour vouloir imposer son point de vue ; les propositions qu’il avançait étaient toujours en accord avec la pensée de ses interlocuteurs. La fermeté de ses principes n’était pas en contradiction avec la tolérance à l’égard d’autres principes. Tous ceux qui ont travaillé avec lui ont été sensibles à son intelligente courtoisie et à la chaleureuse amitié avec laquelle, en tout modestie, il savait donner quelques conseils.

3C’est cette même modestie que nous retrouvons chez le chercheur. Nul tapage, nulle voix claironnante, mais un mélange de fermeté et de prudence permettant aux idées les plus neuves, les plus novatrices de s’imposer d’elles-mêmes, toujours avec la même intelligence. De l’inventeur du concept de « chronotype » pour une meilleure compréhension des structures temporelles aux recherches sur les mediolanum gaulois, nous retrouvons un archéologue de l’esprit, toujours aux aguets de ce qui enrichit nos connaissances et s’articule dans uns structure qui prenne sens. Et l’on pourrait étendre ces remarques aux travaux portant sur Péguy, le poème en prose et les grands textes littéraires que plus de quatre-vingts articles explorent avec bonheur.

4Tous ces aspects de la personnalité d’Yves Vadé montrent à quel point son départ à la retraite a causé un grand vide à l’Université Michel de Montaigne, un vide que ce volume d’hommages cherche un peu à combler. Ecrire sur l’enchantement, n’est-ce pas continuer d’une autre façon le dialogue que chacun de nous avait établi avec lui ? N’est-ce pas aussi partager avec lui ce goût particulier pour tout ce qui, dans la littérature, relève du principe de plaisir et de la jubilation intellectuelle ? Si la littérature, dans son rapport avec les hommes, avec les sociétés, avec l’Histoire, ne cesse de signifier en donnant un surplus de sens qu’aucun texte non littéraire n’est capable de révéler, c’est aussi, c’est surtout par sa capacité à métamorphoser, à rédimer, à transcender, par cette aptitude toute particulière à établir un lien « magique » entre auteur, texte et lecteur.

5Ce livre est donc aussi le merci que nous adressons au chercheur qui a su nous entraîner dans cette invitation au voyage au sein des contrées de l’imaginaire enchanté. Des collègues de Bordeaux, d’anciens collègues de Nantes, des amis récents et des amis de toujours ont voulu ici témoigner de leur reconnaissance à l’égard de celui qui leur a apporté amitié, humanité et soutien.