Mythes des origines
| ,I. La création du monde et les origines du mal
L’île d’aventure, terre d’origine
Texte intégral
1La grande diffusion du roman de mer et sa réception presque universelle depuis trois siècles ont engendré d’authentiques mythes modernes : Robinson, les pirates et, plus globalement, l’aventure insulaire. Certes, les îles occupaient déjà une place essentielle dans la mythologie et la littérature grecques mais les éléments constitutifs du mythe, sa grammaire ne se sont vraiment mis en place qu’à partir du XVIIIe siècle, grâce à Daniel Defoe ; il est donc aisé d’analyser sa genèse à partir de celle des œuvres ; de cette source unique jaillissent les deux courants majeurs de l’île d’aventure qui prennent tous deux le sens d’un retour à l’origine ; ce n’est pourtant pas dans l’épisode du voyage mais dans celui, central, du séjour insulaire que se dessinent les significations majeures et les enjeux de ce retour.
1. Origines du mythe
2Si l’on examine la genèse des grands romans d’aventures insulaires, il semble bien que la plupart soient nés des rêveries d’un « enfant, amoureux de cartes et d’estampes », de souvenirs de voyages et de navigations. Ainsi s’élabore le mythe, dans l’entrecroisement de ces rêves et de ces expériences souvent partagés au point que l’écriture semble bien souvent ne pouvoir se faire qu’en équipe et en référence à un prodigieux réseau hypertextuel où chaque œuvre, nourrie des autres, vient à son tour prendre place.
De l’île au texte
- 1 Françoise Létoublon, Paola Ceccarelli et Jean Sgard, « Qu’est-ce qu’une île ? », in Impressions d’î (...)
- 2 Jules Verne, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, in Jean-Paul Dekiss, « La Loire et le merveilleux (...)
- 3 Ibidem.
3« On a vu les îles engendrer indéfiniment la littérature, depuis les récits de voyage chez Homère »1, écrivent Françoise Létoublon, Paola Ceccarelli et Jean Sgard. A douze ans, Jules Verne, à Chantenay-sur-Loire, voit de sa chambre « des bandes d’un beau sable jaune, tout un archipel d’îlots changeants. »2 Un jour, il tente de descendre le fleuve à bord d’une yole qui coule à proximité d’un « îlot aux grands roseaux touffus »3 et, pendant quelques heures, l’enfant rêve de revivre l’aventure de Robinson. Stevenson, au même âge, aimait à « crusoër » sur la plage de North Berwick ; il pouvait voir quatre îlots au large. Ainsi deux des îles de papier les plus célèbres, l’île Mystérieuse et l’île au Trésor, sont-elles nées de la contemplation, dès l’enfance, d’îles réelles, à la fois proches et lointaines, toujours associées en imagination à celle de Robinson.
- 4 Jules Verne, Textes oubliés, U.G.E., « 10-18 », 1979, p. 35.
- 5 Robert Louis Stevenson, « Mon premier livre, L’île au trésor », Essais sur l’art de la fiction, Par (...)
4Les deux hommes avaient aussi le goût des cartes : « J’ai toujours aimé la géographie »4, écrit Jules Verne. Robert Louis Stevenson évoque à plusieurs reprises, dans des textes autobiographiques, l’hiver 56-57 au cours duquel il conçut la carte de l’île au Trésor. « Il y avait là des criques, des ports, qui m’enchantaient autant que des sonnets »5, écrit-il. Le dessin de la carte, la rêverie sur ses contours relèvent déjà de la création littéraire. Les personnages, leurs aventures naissent, comme par magie, du papier :
- 6 Ibidem, p. 326.
« Qui ne se souvient d’avoir, enfant, plongé sa tête dans l’herbe, en imaginant y voir une forêt miniature, grouillante d’habitants, parcourue d’armées féeriques ? C’est un peu ainsi, tandis que je m’absorbais dans la contemplation de mon île au trésor, que je vis apparaître, sortant de bois imaginaires, les futurs personnages du livre. »6
- 7 Gaston Bachelard, L’Eau et les rêves, José Corti, 1942, p. 153.
- 8 J.-M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, Gallimard, Folio, 1985, p. 63.
- 9 « Ainsi, la créativité littéraire, aussi discrète soit-elle dans la description [...], commence d’a (...)
5C’est paradoxalement par cette médiation de la carte que s’amorce une rêverie sur la substance matérielle de Tîle. Gaston Bachelard souligne que « la mise en miniature de tous les êtres fantomatiques est une forme imagée de la rêverie des éléments. [...] [L]e petit joue un rôle de substance devant le grand, le petit est la substance intime du grand. »7 J.-M.G. Le Clézio rend hommage à la tradition du roman d’aventure dans Le Chercheur d’or et souligne l’importance de la carte ; le père du narrateur lui « parle pour la première fois de Rodrigues [...]. Sur le mur de son bureau, il a épinglé un relevé de Tîle, recopié par lui à l’encre de Chine et colorié à l’aquarelle, couvert de signes et de points de repère. »8 Cette permanence confirme l’idée que la fiction naît toujours d’un lieu, thèse formulée par Gilbert Durand dans « Les fondements de la création littéraire ».9 Le processus est particulièrement lisible dans le roman d’aventures insulaires, sans doute parce que l’île est un des symboles les plus universels ; voilà pourquoi la création d’une île est souvent une aventure collective.
Paternité collective
- 10 « Sur le sol du grenier, on avait tracé une carte avec des craies de différentes couleurs, où étaie (...)
- 11 « Ne devrions-nous pas chercher les premières traces d’activité littéraire déjà chez l’enfant ? L’o (...)
- 12 II est également intéressant d’observer que l’île du Trésor de Rackham le Rouge fut créée préciséme (...)
6Même lorsque la création littéraire semble s’enraciner dans une expérience individuelle – à travers la découverte d’îles réelles ou la lecture d’atlas et de cartes –, dès le XIXe siècle, l’élaboration du récit d’aventures devient souvent l’affaire d’équipes. Le rôle d’Auguste Maquet dans la création du Comte de Monte-Cristo ne fut pas négligeable ; il contribua notamment à la rédaction des premiers chapitres, où l’on découvre If et l’archipel marseillais puis Monte-Cristo. Stevenson n’eut pas à subir les mêmes accusations que Dumas ; pourtant lui aussi pratiquait l’écriture en équipe : il composa plusieurs de ses romans avec son beau-fils Lloyd Osboume. Leur complicité remonte à l’enfance de Lloyd. Robert Louis passa de longues heures avec lui, notamment à Davos, à élaborer des jeux de stratégie nécessitant l’invention d’une topographie10. Dans le jeu, la création de l’espace est commune et négociée ; elle est déjà collective. La topographie imaginaire de l’île au trésor, elle aussi fruit de la collaboration entre Stevenson et son beau-fils, doit beaucoup aux territoires créés dans le grenier de Davos : dans les deux cas, l’espace se complique de zones méphitiques, dangereuses. Cette filiation illustre l’analyse que Sigmund Freud proposera quelques années plus tard des liens qui unissent jeu et création littéraire.11 L’île d’aventure, est devenue un mythe parce que, née de la confrontation de sensibilités différentes12, elle éveille des échos dans les imaginations du plus grand nombre, mais aussi parce qu’à l’expérience individuelle se sont superposées des lectures dont la somme a très tôt constitué une tradition, avec ses thèmes et ses codes. Si le lecteur retrouve depuis trois siècles dans Defoe, Cooper, Dumas, Verne, Stevenson les îles qu’il portait déjà en lui, c’est que ces images se sont lentement élaborées par le croisement des œuvres au sein d’un immense réseau hypertextuel.
A literary mosaic
7Dans une nouvelle de sir Arthur Conan Doyle, Cypricm Overbeck Wells : a Literary Mosaïc, le narrateur obtient, pour écrire un roman de mer conforme à la tradition, l’aide de Swift, de Tobias Smollett, de Walter Scott, de Bulwer Lytton ; Stevenson est présent. Le texte ainsi composé est un patchwork des styles de ces auteurs et semble vouloir résumer cette gigantesque bibliothèque de Babel que constitue le roman de mer.
8Cette tradition de l’aventure insulaire comporte deux branches maîtresses qui trouvent toutes les deux leur origine dans l’œuvre de Daniel Defoe ; la première, la longue série des robinsonnades, a bien sûr pour texte fondateur le célèbre Robinson Crusoé ; la seconde regroupe les quêtes, les chasses au trésor et a pour référence I ’ Histoire générale des plus fameux pyrates du capitaine Johnson, pseudonyme récemment élucidé du même Daniel Defoe.
- 13 Gérard Genette, Palimpsestes, Seuil, Poétique, 1982, p. 351.
- 14 Raoul Ruiz, « A la poursuite de Stevenson », in J.P. Naugrette, Lectures aventureuses, La Garenne-C (...)
- 15 Gérard Genette, loc. cit. L’on pourrait citer des robinsons de toutes nationalités ; citons par exe (...)
- 16 Jacques Meunier, « Quand Robinson rencontre le mythe », entretien, Paris, Autrement, coll. Figures (...)
- 17 Ibidem, p. 123.
- 18 Que l’on songe au théâtre de Marivaux, aux romans de Longueville – Le Solitaire anglais ou Aventure (...)
- 19 Le roman de Wyss « devint un modèle en vertu du trait de génie consistant à naufrager une famille e (...)
- 20 Marc et Bob, échoués sur des récifs, dialoguent :
« – Mais alors que devenir ?
– Robinsonner un peu (...) - 21 « Bien des Robinsons ont déjà tenu en éveil la curiosité de nos jeunes lecteurs. Daniel de Foë, dan (...)
9Le champ de la robinsonnade est immense et se développe pendant près de trois siècles sur l’ensemble de la planète, constituant ce que Gérard Genette appelle dans Palimpsestes « l’immense tradition robinsonienne »13 et confirmant le jugement de Raoul Ruiz : « loin d’être ‘naturel’, l’espace de la fiction d’aventure semble bien être, dès l’origine, profondément ‘culturel’, citationnel, référentiel. »14 Le Robinson originel est adapté dans toutes les langues, ce qui constitue un véritable phénomène de « naturalisation »15 ; Jacques Meunier, ethnologue et collectionneur, déclare posséder « quatre cents robinsonnades et éditions de Robinson »16 ; il a donc choisi d’adapter la méthode de Lévi-Strauss aux sociétés occidentales « en prenant Robinson Crusoé pour mythe de référence »17. Le réseau hypertextuel se déploie aussi dans le temps, régulièrement revivifié par des œuvres qui dynamisent le mythe et engendrent de nouvelles ramifications. Les nombreuses robinsonnades françaises du XVIIIe siècle18 mettent plus nettement l’accent sur les personnages que sur l’espace insulaire, sa topographie, sa matérialité, et n’ont pas le retentissement universel du roman de Defoe. C’est VEmile de Jean-Jacques Rousseau qui, en réduisant l’œuvre à son épisode insulaire, contribue à réveiller l’intérêt du public pour Robinson Crusoé et à constituer l’histoire du naufragé en mythe moderne. Au début du XIXe siècle, deux romans engagent la robinsonnade dans des voies nouvelles : en 1813, les Robinsons suisses de Wyss, œuvre souvent jugée médiocre, obtient pourtant un succès mondial et constitue le véritable modèle de tous les récits d’aventures – ceux de Jules Verne, en particulier – qui jettent des groupes humains et non plus des solitaires sur les rivages d’îles désertes19. À peu près à la même époque, Fenimore Cooper publie Le Cratère ; l’œuvre est aujourd’hui presque oubliée mais fut lue par la plupart des romantiques, par Dumas et par Verne. Les personnages se réfèrent eux-mêmes au roman de Defoe et parlent de « robinsonner »20. Les aventures insulaires de Jules Verne – L’lie mystérieuse. Deux ans de vacances. Seconde patrie. Les Naufragés du Jonathan – doivent beaucoup à Defoe, mais aussi à Wyss et à Cooper ; l’auteur des Voyages extraordinaires ne s’en cache pas : il conçoit ses propres œuvres comme des variations paradigmatiques autour du mythe robinsonien.21 Le XXe siècle a-t-il tué le mythe ? Il le réfute et le réactive en même temps : Giraudoux, dans Suzanne et le Pacifique, puis Michel Tournier dans Vendredi ou les limbes du Pacifique, John Michael Coetzee dans Foe (1986) contestent la robinsonnade colonialiste mais la permanence du mythe n’est-elle pas précisément démontrée par cette plasticité ?
- 22 « Pas une seule des images ou des catégories mentales à travers lesquelles nous essayons de ressais (...)
- 23 Ibidem, p. 333.
- 24 L’île au trésor pour sa publication dans un magazine est signée Captain John North, référence au ca (...)
- 25 « En ce temps-là, je n’avais d’autres pensées que pour la mer, et pour le Privateer [...]. Je lisai (...)
10Une seconde branche de l’aventure maritime et insulaire trouve son origine dans l’Histoire générale des plus fameux pyrates du capitaine Johnson22. Les chasses au trésor de Poe, Stevenson, t’Serstevens, Mac Orlan, Margerit, Le Clézio, Larsson font toujours référence au texte fondateur : « C’est dans ce livre-là qu’est née la piraterie comme mythe. »23 Depuis Stevenson, l’allusion onomastique est devenue un jeu et une tradition : pseudonymes d’auteurs24, noms de pirates, d’îles, de bateaux renvoient aux îles et aux pirates réels ou fictifs. C’est Le Clézio qui rend le plus bel hommage à cette tradition et perçoit sa dimension mythique et poétique ; à plusieurs reprises, dans Le Chercheur d’or et Voyage à Rodrigues, il chante la litanie des noms de pirates, il la récite, au sens où Mircea Eliade parle de récitation25. Cette évocation de la légende pirate déclenche une rêverie sur les îles et leurs noms :
- 26 Ibidem, p. 108.
« Il y a les noms des îles aussi, noms fabuleux que je connaissais par cœur, simples îlots où s’étaient arrêtés les explorateurs et les corsaires à la recherche d’eau ou d’œufs d’oiseaux, cachettes au creux des baies, antres de forbans, où ils fondaient leurs villes, leurs palais, leurs États »26.
11La veine de la légende pirate, devenue mythe, donne naissance, au XXe siècle, à celle de la chasse au trésor dans l’île ; toujours l’aventurier doit remonter le temps, percer le secret originel, déchiffrer cryptogrammes et cartes anciennes avant d’explorer l’île où le trésor fut enseveli in illo tempore ; briser le chiffre, c’est pénétrer par effraction dans ce monde de l’origine, c’est remonter le temps et réitérer le voyage premier.
2. Retour à l’île d’origine
- 27 Pierre lourde, « Cythères mornes », Ile des merveilles ; mirage, miroir, mythe, colloque de Cerisy, (...)
- 28 Les premiers sont les héritiers de Robinson ; les seconds ceux de Philoctète, tradition que le roma (...)
- 29 Michel Serres, Jouvences sur Jules Verne, p. 96.
- 30 Ibidem.
12« Imaginer l’île revient souvent à rêver l’origine. Le voyage vers les îles prend la saveur d’un retour »27, écrit Pierre lourde. Ce retour n’a pourtant ni le même sens ni la même saveur selon qu’il s’agit de l’une ou de l’autre des deux branches de l’aventure insulaire héritées de Defoe. Les marins naufragés ou abandonnés28, aventuriers malgré eux, sont jetés sur une île inconnue. Michel Serres parle, dans ce cas, de « voyage premier », et place ce type d’aventure sous le signe d’Ulysse, « le découvreur »29. Télémaque, en revanche, « fait figure de chercheur » et son voyage est « second »30 : comme lui, le chasseur de trésor maîtrise son aventure et l’oriente.
Ulysse ou le « voyage premier »
13Dans la tradition de la robinsonnade, File est nécessairement vierge parce que la logique de ce type de récit l’exige. L’île, au moment du naufrage, représente le monde avant l’Histoire et l’aventurier malgré lui est ramené à un stade de dénuement adamique. Cet état est pour le romancier un idéal difficile à atteindre ; Jules Verne a recherché la perfection en ce domaine et s’est placé en situation de concurrence par rapport à ses modèles :
- 31 Jules Verne, L ’île mystérieuse, Genève, Crémille, t. 1, p. 59.
« Les héros naufragés de Daniel de Foé ou de Wyss, aussi bien que les Selkirk et les Raynal, naufragés à Juan Fernandez ou à l’archipel des Auckland ne furent jamais dans un dénuement aussi absolu. Ou ils tiraient des ressources de leur navire échoué [...], ou bien quelque épave arrivait à la côte. [...] Mais ici, pas un instrument quelconque, pas un ustensile. De rien, il leur faudrait arriver à tout ! »31
14Verne, pourtant, n’est pas allé aussi loin que Cooper : dans Le Cratère, le Rancocus s’échoue des récifs absolument stériles ; les naufragés doivent donc commencer par créer leur terre en associant algues et guano récupérés sur les rochers. Véritables dieux créateurs, ils élaborent leur propre monde. Comme si elle avait attendu cette fécondation, l’île va alors s’exhausser et s’étendre ; alors Marc pourra peupler son royaume.
- 32 Jules Verne, L ’île mystérieuse, op. cit., tome 1, p. 169.
- 33 Ibidem, p. 172.
15A partir de cet état adamique retrouvé, la civilisation recommence. Robinson Crusoé a la surprise de voir germer du blé et du riz après avoir secoué un sac ayant contenu du grain. Dans L ’île mystérieuse, de prodigieuses récoltes naissent d’un unique grain de blé retrouvé par Harbert au fond de sa poche. Au stade agricole succèdent généralement les arts du feu. L’activité éminemment prométhéenne de potier permet à Robinson de stocker ses récoltes. C’est par là aussi que les naufragés de l’île Lincoln commencent leur utilisation industrielle du feu : « Ce fut le 20 avril, dès le matin, que commença ‘la période métallurgique’, ainsi que l’appela le reporter dans ses notes. »32 Les compagnons de Cyrus Smith utilisent, pour extraire le minerai, « le procédé employé sans doute par Tubal Caïn et les premiers métallurgistes du monde habité. »33 Après avoir semé le premier grain de blé, les naufragés fabriquent ainsi le marteau qui forgera tous les autres outils. La robinsonnade concentre donc la terre entière dans une île pour mieux résumer l’aventure humaine dans la durée de l’épisode insulaire.
16Quel sens donner à ce rêve qui court de Defoe à Verne ? On présente souvent le roman d’aventure comme l’expression de l’idéologie colonialiste ; les héros de L ’île mystérieuse préfèrent d’ailleurs se baptiser « colons » que « naufragés ». Leur île sera une nouvelle étoile sur la bannière américaine. Le Robinson de Defoe était déjà, avant son naufrage, colon et esclavagiste.
- 34 C’est le titre d’un roman de Jules Verne.
- 35 Le récit de fondation était déjà un véritable genre littéraire chez les Grecs anciens : « les texte (...)
- 36 Voir par exemple F. Léguât, Voyage et aventures de François Léguât et de ses compagnons en deux île (...)
17L’accusation demande cependant quelques nuances. Plutôt que d’implanter une colonie, dépendance de la terre d’origine, il s’agit de fonder une « seconde patrie »34, de re-fonder ici ce qui a été mal fondé en d’autres lieux35. Ce rêve de fondation est fréquent chez les protestants bannis36. Dans l’Histoire générale des plus fameux pyrates, sous une réprobation affichée perce une certaine sympathie pour les forbans et en particulier pour l’expérience utopique du capitaine Misson sur l’île de Libertalia, chère au cœur de Le Clézio. Fenimore Cooper, déçu par son temps, rêve de refonder les Etats-Unis ; c’est l’un des enjeux majeurs du Cratère et l’on sait quelle influence ce roman a eue sur Jules Verne. Le discours de Cooper est réactionnaire ; au début du roman, il se répand en récriminations contre les prénoms à la mode qui tendent à supplanter ceux des premiers colons américains :
- 37 Fenimore Cooper, Le Cratère, op. cit., p. 5.
« Les Kate, les Daily, les Betty sont passées de mode ; aujourd’hui, nous n’entendons plus parler que de Philémas, d’Amindas, de Marindas, etc.
Heureusement pour le héros de cette histoire, il était venu au monde il y a soixante ans, avant cette invasion des noms modernes, dans la petite ville de Bristol, du comté de Bucks, en Pennsylvanie, il avait reçu tout simplement le nom de Marc. »37
18Ces choix de Cooper sont significatifs : la Pennsylvanie, on le sait, est un état de pionniers, fondé au XVIIe siècle par le quaker William Penn ; quant à Marc, c’est un des quatre évangélistes, qui fonda l’église d’Alexandrie. Avant même le naufrage, s’affirme donc une volonté de retour aux sources, à la pureté perdue des origines.
- 38 Jean-Michel Racault, « Robinson ou le paradoxe de l’île déserte », Autrement, op. cit., p. 113.
- 39 Ibidem, p. 104.
19Pourtant, ce rêve de l’origine absolue est illusoire et Jean-Michel Racault souligne combien l’idée même de l’île déserte est paradoxale : l’« apparent triomphe [du héros de Defoe] ne doit pas faire illusion. D’abord parce que, on l’a souvent relevé, l’expérience est truquée : Robinson est un héritier, non une origine absolue. »38 Robinson, Marc, les enfants de Deux ans de vacances tirent leurs graines et leurs premiers outils de l’épave ; Cyrus Smith dispose à la fois de son savoir d’ingénieur et du contenu de la caisse providentielle que Nemo lui fait parvenir. Le second paradoxe analysé par Jean-Michel Racault est l’impossibilité d’accéder à l’île vierge : « L’île robinsonienne est toujours déserte ou du moins donnée pour telle. Mais c’est précisément en cessant de l’être qu’elle devient représentable, la présence en son sein du naufragé pouvant seule en autoriser la description. »39
- 40 Daniel Defoe, Robinson Crusoé, P.O. L, 1994, p. 104.
- 41 Le Sphinx des glaces emprunte à Poe – Arthur Gordon Pym – le motif des champs magnétiques perturban (...)
- 42 Ce mythe, qui remonte aux Histoires naturelles de Pline, connut une fortune remarquable au Moyen-Ag (...)
- 43 Dans Le Cratère de Cooper, le Rancocus se trouve engagé dans un dédale de récifs basaltiques que de (...)
20La tradition de la robinsonnade semble donc dire le rêve impossible du retour à l’origine, du recommencement absolu ; en ce sens, elle est aussi problématique que l’utopie. L’échec du retour à l’origine est d’autant plus inévitable que l’aventurier est perpétuellement en résistance contre les événements ; dès le début, l’aventure est subie ; le Robinson de Defoe comme la plupart des œuvres qu’il a engendrées commence par une perte de tout repère : « Un violent tourbillon nous désorienta entièrement. [...] Pendant douze jours de suite nous ne fîmes que dériver, courant devant lui et nous laissant emporter partout où la fatalité et la furie des vents nous emportaient. »40 Dérive, navigation déboussolée caractérisent aussi, fort logiquement, Le Cratère de Cooper et plusieurs Voyages extraordinaires de Verne41. La robinsonnade prolonge donc le mythe de Philoctète – insulaire prisonnier – mais aussi celui de la Montagne d’aimant : dans les Mille et une nuits, Agib, le troisième calender est drossé contre une île magnétique qui attire clous et ferrures de son bateau42. Comme la Montagne d’aimant, qui retient le navigateur contre son gré, l’île d’aventure peut capturer les navires modernes : le volcanisme et ses conséquences ont permis une résurgence moderne du mythe.43 La critique freudienne aurait vraisemblablement beaucoup à dire sur la peur d’être ainsi avalé par « l’origine du monde » ; nous nous contenterons d’opposer à cette aventure subie la trajectoire héroïque des « chercheurs ».
Télémaque ou le « voyage second »
21La seconde branche du roman d’aventure insulaire propose elle aussi une rêverie sur l’origine, mais sa signification semble diamétralement opposée à celle de la robinsonnade : loin de chercher une île vierge, l’aventurier veut trouver les traces et les signes d’une île fécondée in illo tempore par l’aventurier primordial.
22La chasse au trésor, voyage « second », suppose en effet un voyage « premier ». Dumas, dans Le Comte de Monte-Cristo, fait remonter l’épisode primordial à la Renaissance : c’est César Spada, contemporain des Borgia, qui est venu déposer son trésor dans les grottes de Monte-Cristo. Edgar Poe, Stevenson, t’Serstevens, Hergé, Le Clézio imaginent des trésors de pirates du XVIIe ou du XVllIe siècle : Kidd, Flint, Rackham, le Privateer. D’une certaine façon, c’est même dans l’île de Robinson que les naufragés retournent, l’un des premiers trésors dans l’île étant celui que l’illustre naufragé cache dans sa grotte.
- 44 Jean Giraudoux, Suzanne et le Pacifique, L.G.F., Le Livre de Poche Biblio, 1977, p. 121.
- 45 Ibidem, p. 123.
23L’aventurier « second » ne cherche pas une nature vierge, mais un réseau de traces et de signes. Edmond Dantès trouve avec émotion des entailles gravées dans la roche trois siècles plus tôt. Dans Le Scarabée d’or, c’est un crâne humain posé sur un arbre qui permet de localiser le trésor, idée reprise par Stevenson dans L Lie au trésor : le squelette d’une victime de Flint, soigneusement disposé, indique la direction à prendre. Dans le roman de Giraudoux, Suzanne elle aussi rencontre « les traces du naufragé qui [l’]a [...] précédée »44, à commencer par « un sou italien »45. Tintin et le capitaine Haddock trouvent de nombreux objets laissés par le chevalier. Le Clézio a saisi toute la poésie de cette quête des signes ; le chercheur d’or ne cesse de découvrir dans l’île de Rodrigues un mystérieux organeau gravé par le corsaire inconnu :
« Là, devant moi, sur une grande roche noire, brille le triangle de l’organeau, magnifique, inscrit dans la roche dure avec une régularité que seule peut obtenir une main armée d’un ciseau. Tremblant d’émotion, je m’approche de la pierre, je l’effleure du bout des doigts. Le basalte est chaud de lumière, doux et lisse comme une peau, et je sens sous mes doigts le bord du triangle, comme ceci :
Je dois nécessairement trouver le même signe de l’autre côté de la vallée, selon une ligne est-ouest. »
24Cette magie des signes gravés faisait déjà tout le charme d’un roman de Jules Verne, Les Mirifiques Aventures de Maître Antifer ; Kamylk-Pacha cache son trésor dans une île :
- 46 Jules Verne, Les Mirifiques de Maître Antifer, in Revue Jules Verne n° 4, p. 80-81.
« Cependant il importait qu’une marque fût faite, – une marque ineffaçable que l’intéressé pût reconnaître un jour. Aussi, sur la paroi verticale du rocher qui se dressait en arrière de l’excavation, le maître d’équipage grava-t-il, au moyen d’un ciseau, un monogramme dont voici le fac-similé exact :
C’étaient les deux K de Kamylk-Pacha, accolés l’un à l’autre [...]. »46
- 47 Jean-Jacques Wunenburger explique dans « L’imaginaire de la philosophie » comment le schème du cerc (...)
25Les deux dessins se ressemblent étonnamment : les lignes convergent vers un point central. L’aventurier premier introduit la géométrie dans le chaos insulaire, en fait un cosmos centré. Ainsi, la matière de l’île se trouve unifiée comme le sphairos d’Empédocle. Elle devient cercle et le trésor est son centre47.
- 48 Jean-Jacques Wunenburger, ibidem, p. 297.
- 49 J.-M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, op. cit., p. 226.
26Le trésor concentre en un point presque abstrait la substance désirée de Lile : c’est la croix rouge sur la carte. La quête, rectiligne, tend vers le centre et donc vers la totalité, trace le rayon du cercle en un geste diaïrétique : « l’unité du rond se laisse diviser en deux moitiés. »48 La lecture du paysage conduit le voyageur second, Télémaque, de la perception d’un monde unitaire à une aventure apollinienne qui tranche, soumet la nature indivise à la raison. Les instruments de mesure, d’orientation et de visée font partie de l’arsenal de l’aventurier. Legrand confectionne un fil à plomb avec le scarabée ; Long John Silver invite ses compagnons à utiliser une boussole ; le chercheur d’or de Le Clézio, fidèle à cette tradition, parcourt Rodrigues avec un théodolite et « pose des jalons. Ce sont des roseaux préparés à cet effet, et qu’il faut placer tous les cent pas pour tracer les lignes droites. »49 Dès lors l’aventurier superpose ses traces et ses signes à ceux qu’il cherche ; c’est lui-même qu’il rencontre et non pas l’origine. L’échec était ici en germe dans l’excès de maîtrise, déjà sensible dans la manière dont le voyage du chercheur d’or est organisé. Françoise Graziani distingue « quatre grands thèmes » dans la topique de la navigation :
- 50 Françoise Graziani, article « Découvertes », Dictionnaire des mythes littéraires, éd. du Rocher, 19 (...)
« [c]es thèmes mythiques sont la figure du héros découvreur, inventeur ou conquérant ; le thème de l’hybris qui pousse les hommes en quête d’inconnu ; le rôle de la Fortune ou Némésis dans cette quête ; et le thème de l’or qui syncrétise l’objet de cette quête. »50
- 51 Ubalde et le Danois, dans La Jérusalem délivrée.
27Cette analyse s’applique, évidemment aux chercheurs de trésors plus qu’aux naufragés. Les premiers organisent minutieusement leur expédition, s’efforcent de ne rien laisser au hasard et ne projettent pas de s’attarder dans l’île. Leur trajectoire est aussi rectiligne que celle des deux guerriers du Tasse51 en route pour les îles Fortunées. S’ils reviennent vainqueurs, chargés d’or, auront-ils pour autant rencontré l’Origine ? Et si, comme Stevenson et Le Clézio l’ont bien compris, on n’épuise jamais tout le mystère d’une île – Le Chercheur d’or n’a rien trouvé, Jim Hawkins sait qu’il a laissé un second trésor –, c’est dans l’épisode central du séjour insulaire, qu’il convient de chercher la réponse et la signification véritable du mythe.
3. Au cœur de l’île d’origine
28Le séjour dans l’île vierge, déserte est souvent présenté comme un retour à l’innocence originelle, à l’Éden. Peut-on se contenter de cette définition ? L’île n’est-elle pas plutôt un Purgatoire ? De quoi, au fond, l’aventurier cherche-t-il à se débarrasser, une fois franchie la ligne du rivage ?
Paradis et Purgatoire
29L’île d’aventure apparaît certes comme un monde pur, préservé, en raison de sa circularité, de sa clôture, de son éloignement. Dans les robinsonnades, le naufrage s’apparente à un rite lustral ; l’aventurier est dépouillé de son passé ; ses attaches avec le vieux Monde sont rompues.
- 52 « L’un d’eux s’appelait Pishôn ; c’est lui qui entoure tout le pays de Hawila où se trouve l’or – e (...)
- 53 Gilgamesh, dont le nom signifie, selon les interprétations, Celui qui a découvert la source ou Celu (...)
- 54 « Recueil de choses anciennes ».
- 55 « Chroniques du Japon ».
- 56 Sukuna Bikona.
- 57 Tokoyo no kuni.
- 58 Jean Peyras, « L’île et le sacré dans l’Antiquité », L’Insularité ; Thématique et représentations, (...)
30Le roman d’aventures, en faisant de l’île un paradis, rejoint la plupart des mythologies qui font du Paradis une île. Dans le second récit de la Genèse, l’Éden est irrigué par un fleuve qui se partage en quatre bras dont les deux premiers enserrent chacun un territoire52 ; la Navigatio Sancti Brandani Abbatis propose plus nettement l’image d’un paradis insulaire, terre d’abondance ; l’épopée babylonienne Gilgamesh situe la terre d’immortalité sur une île lointaine53 ; la mythologie chinoise a aussi son Éden ; le Lie-Zi (IIIe siècle av. J.C.) le situe au-delà des mers, c’est le Penglai, que les Japonais ont adopté et baptisé le Horai ; selon les chroniques du VIIIe siècle (Kojiki54, Nihon Shoki55), le dieu civilisateur56 serait arrivé par la mer et reparti au pays étemel57 dont les Japonais, sous l’influence des Chinois, ont fait une île ; Hayy ben Yaqdhân, le personnage du roman d’Ibn Tofaïl, s’est élevé seul à la connaissance de dieu dans une île ; Jean Peyras rappelle que « la mythologie grecque privilégie l’île [...] puisque la plupart des Olympiens sont des îliens »58 ; enfin, Francis Dubost note une
- 59 Francis Dubost, « Insularités imaginaires et récit médiéval », L’Insularité, op. cit., p. 53.
« étrange correspondance [...] entre le destin d’Achille et celui d’Arthur, tous deux transportés sur une île après leur mort. Achille, sur lïle Blanche ; Arthur, sur lïle d’Avallon. Le point commun à ces deux récits est de développer, en situation d’insularité, c’est-à-dire dans un ailleurs inaccessible, ou accessible aux seuls initiés, un mythe d’immortalité. »59
31Le naufragé du roman d’aventures accède lui aussi, sinon à un Éden, du moins à un monde pur ; on rapproche souvent Robinson Crusoé du roman d’ibn Tofaïl, écrit au Xlle siècle. Frank Lestringant songe à d’autres rapprochements :
- 60 Frank Lestringant, « L’île de Jonas, ou Robinson prophète malgré lui », in Autrement, op. cit., p. (...)
« Dans son traité De la vocation des pasteurs, texte qui date de 1618 et précède donc d’un siècle exactement le Robinson Crusoé de Defoe, Pierre du Moulin, ministre de la religion réformée, imagine une situation qui préfigure la robinsonnade. »60
- 61 Ibidem, p. 51.
- 62 Ibidem.
- 63 Ibidem.
- 64 Ibidem, p. 49.
32Ce récit vise à « illustrer [l]e caractère subit et inopiné de la vocation »61. Il met en scène un « chrétien jeté sur une île à la suite d’un naufrage, exactement comme Robinson plus tard, et qui se trouve avoir affaire à des indigènes qui ne sont pas convertis. »62 L’île est le lieu où il peut recevoir une « vocation verticale »63. Frank Lestringant voit dans l’aventure de Robinson une expérience similaire ; il la rattache au mythe de Jonas qui « revêt une importance capitale dans le protestantisme, où le salut vient de Dieu seul. »64
33Cette dimension mystique de l’île survit au XXe siècle ; l’un des avatars modernes de Robinson est le magicien du roman d’Henri Bosco Le Renard dans l’île ; dans son île, Cyprien recrée le paradis terrestre à partir des secrets que lui ont confiés les habitants d’une terre australe.
34En dépit de toutes ces similitudes, le rapprochement du récit d’aventures avec les mythologies du monde entier et les quêtes mystiques doit être nuancé. Le héros n’aspire pas à un séjour étemel dans l’île ; il souhaite au contraire la quitter dès que possible : l’île de Robinson s’appelle Despair Island et File au Trésor de Stevenson n’est pas particulièrement accueillante. Séjour tout provisoire, elle apparaît essentiellement comme un espace de purgation.
35Le Purgatoire de Dante est une île-montagne qu’il faut gravir ; or l’île d’aventure présente presque toujours ce relief central, souvent volcanique ; et l’aventurier, toujours ou presque, monte au sommet.
36Y a-t-il incohérence à voir dans l’île d’aventure à la fois un Paradis et un Purgatoire ? Après tout, File-montagne de Dante était déjà à la fois l’un et l’autre comme le note Henriette Levillain : elle est
- 65 Henriette Levillain, « Le symbolisme de l’île dans Le Purgatoire », Impressions d’îles, op. cit., p (...)
« le lieu où la vie prend le dessus sur la mort. La vie sous toutes ses formes y est sacralisée [...]. Présente sous la forme unique de la nuit, la mort, par contre y est comme en suspens. C’est dire que L’île est le miroir à peine terni de ce qu’était très exactement le jardin d’Éden avant que la mort ne fût instituée comme tragique conséquence du péché originel. »65
37Voilà pourquoi, sans doute, le comte de Monte-Cristo s’appelle Dantès ; il passe successivement par trois îles : la première, If, est une prison infernale ; il renaît à la vie, après son évasion, en se hissant péniblement sur l’îlot rocheux de Tiboulen. Sur la troisième, il découvre un trésor et institue son pouvoir : le nom de Monte-Cristo n’en fait-il pas un espace sacré ?
Opposition
- 66 « Le Saturne d’allure satyrique qui illustre les traités d’histoire religieuse du XVIIIe siècle est (...)
38La purgation ne doit pourtant pas être nécessairement associée à une dimension religieuse. L’épisode du naufrage ou du débarquement, le franchissement des récifs ou du ressac symbolisent une rupture avec la civilisation et donc, aussi, avec la religion. Dans la plupart des romans d’aventure, même dans Robinson Crusoé, les références explicites au dogme chrétien sont relativement rares. En débarquant, l’aventurier découvre un monde païen, marqué par l’abondance et le chaos : il réintègre le temps de Saturne. Le vêtement de Robinson, son chapeau conique, sa pelisse de chèvre sont bien ceux d’un sujet de Saturne66 ; ils sont le signe de son affranchissement plutôt que de sa régression.
- 67 Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, José Corti, 1948, p. 1.
39Retrouvant cette liberté, loin des regards et des conventions sociales, le naufragé se livre tout entier au bonheur élémentaire de se mesurer physiquement avec l’île, dont la réalité solide suscite ce que Gaston Bachelard appelle les gestes du « contre » : l’objet de la quête, c’est d’abord l’ensemble des images, des schèmes et des gestes qui peuvent se déployer dans ce monde originel, « les sollicitations dynamiques qui s’éveillent en nous quand nous formons les images matérielles des substances terrestres. »67 Voilà pourquoi le travail, l’une des activités majeures du naufragé, n’est pas une punition mais un bonheur :
- 68 Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté, José Corti, 1947, p. 25.
« Un des grands attraits du roman Robinson Crusoé, c’est qu’il est le récit d’une vie laborieuse, d’une vie industrieuse. Dans la solitude active, l’homme veut creuser la terre, percer la pierre, tailler le bois. Il veut travailler la matière, transformer la matière. Alors l’homme n’est plus un simple philosophe devant l’univers ; il est une force infatigable contre l’univers, contre la substance des choses. »68
40L’activité du robinson prométhéen est marquée par la séparation : on creuse, on édifie, on fortifie. Béatrice Battaglia voit dans cette débauche d’énergie l’indice de la schizophrénie de Vhomo faber \ elle pourrait apparaître comme un moyen de purgation, voire d’expiation. Pourtant les gestes utiles sont indissociables des gestes agréables.
41Sans doute la clôture du territoire insulaire, la rupture avec le monde ancien aident-elles à briser les inhibitions, à retourner à la nature et à l’enfance. C’est le programme que propose Long John Silver à Jim, en vue de l’île au Trésor :
- 69 Robert Louis Stevenson, L’ile au trésor, in Stevenson, Robert Laffont, Bouquins, 1984, p. 97.
« Ah ! me dit-il, c’est un joli coin, cette île ! Un joli coin pour un bébé comme toi. Tu vas pouvoir te baigner, grimper dans les arbres, chasser les chèvres, et tu escaladeras ces collines comme une vraie chèvre, tiens ! Ma foi, cela me rajeunit. J’en oubliais ma jambe de bois. »69
- 70 Alain Corbin, Le Territoire du vide ; l’Occident et le désir du rivage, 1750-1840, Paris, Flammario (...)
- 71 Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, op. cit., p. 32-33.
42Jean-Jacques Rousseau avait déjà cédé à ce bonheur en grimpant dans les arbres de l’île Saint-Pierre. De même, Flaubert et Maxime du Camp visitant Belle-Île sont saisis d’une irrésistible envie de dévaler les pentes qui mènent à l’océan ; l’un des grands moments de bonheur de Jim Hawkins est celui où il court sur les pentes de l’île aux côtés de Ben Gunn. Le caractère chaotique du paysage insulaire engendre un comportement chaotique et le contact intime du corps avec les éléments. Gaston Bachelard baptise du nom d’Atlas cette « action de nos muscles » suscitée par « certains spectacles de l’univers ». Cette « verve du corps », régulièrement évoquée au XIXe siècle, doit beaucoup à la perception nouvelle du rivage mise en évidence par Alain Corbin70, les romans d’aventures disant de plus en plus souvent les voluptés de la baignade dans une crique aux eaux limpides. Par de tels gestes, plus agréables qu’utiles, « les intimités du sujet et de l’objet s’échangent ».71
- 72 Mircea Eliade, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, Folio-Essais, 1963, p. 116.
43La gratuité de cette activité la rapproche du jeu ; jeux d’ilinx et cValea, pour reprendre la célèbre terminologie de Roger Caillois mais, dans les œuvres du XIXe siècle et plus encore dans celles du XXe, jeux de mimicry : on robinsonne, nous l’avons vu – dans les œuvres anglo-saxonnes on crusoe – on joue au pirate, au chercheur de trésor. L’aventure n’est pas vierge de références, elle est éminemment culturelle ; c’est ce qui facilite la quête du héros ; il réitère une geste mythique : « la connaissance de l’origine ou de l’histoire exemplaire des choses confère une maîtrise magique sur les choses » écrit Mircea Eliade72. Voilà aussi pourquoi l’on passe progressivement de la force prométhéenne des robinsonnades à la légèreté dionysiaque de l’aventure stevensonienne.
44La plasticité du mythe de l’île d’aventure lui a donc permis d’épouser les grandes dominantes mythiques qui, comme Gilbert Durand l’a souligné, se sont succédé au cours des siècles ; né à l’aube de la révolution industrielle en Angleterre, il constitue bien l’un des mythes fondateurs de la civilisation moderne. Il s’est progressivement éloigné de sa signification religieuse pour rendre compte du rêve prométhéen de maîtrise de la nature puis du désir dionysiaque de renouer avec elle en réintégrant l’âge d’or de l’enfance. La disparition des derniers blancs sur la carte semblait le condamner ; un temps concurrencé par la veine des mondes perdus puis celle de la science-fiction, il connaît pourtant aujourd’hui un renouveau qui témoigne de sa vitalité : auteurs du monde entier, éditeurs et manifestations littéraires n’en finissent pas de réciter la geste des pirates, des doublons enfouis et des naufragés solitaires. Ainsi résonnera longtemps encore « la voix rauque et perçant de Capitaine Flint qui me glapit aux oreilles :
- 73 Robert Louis Stevenson, L’île au trésor, trad. de Genviève Pirotte, Babel, 1993, p. 328.
45– Pièces d’huit ! Pièces d’huit ! »73
Notes
1 Françoise Létoublon, Paola Ceccarelli et Jean Sgard, « Qu’est-ce qu’une île ? », in Impressions d’îles, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, « Cribles », 1996, p. 24.
2 Jules Verne, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, in Jean-Paul Dekiss, « La Loire et le merveilleux », Amiens, revue Jules Verne n° 4, 1997, p. 37.
3 Ibidem.
4 Jules Verne, Textes oubliés, U.G.E., « 10-18 », 1979, p. 35.
5 Robert Louis Stevenson, « Mon premier livre, L’île au trésor », Essais sur l’art de la fiction, Paris, Payot, Petite Bibliothèque Payot/Documents, 1992, p. 325-326.
6 Ibidem, p. 326.
7 Gaston Bachelard, L’Eau et les rêves, José Corti, 1942, p. 153.
8 J.-M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, Gallimard, Folio, 1985, p. 63.
9 « Ainsi, la créativité littéraire, aussi discrète soit-elle dans la description [...], commence d’abord par élire un site. Le roman comme le poème ont besoin de se déployer dans un lieu que l’écriture crée de sa propre cursivité. » Gilbert Durand, « Les fondements de la création littéraire », Enjeux, Encyclopaedia Universalis, 1992, t. 1.
10 « Sur le sol du grenier, on avait tracé une carte avec des craies de différentes couleurs, où étaient représentés des montagnes, des fleuves, des villes, des ponts et des routes de deux catégories. » Lloyd Osboume, Stevenson at play, in L’Heme/Stevenson, éd. de l’Heme, 1995, p. 64. Le jeu favori des sœurs Brontë dans leur enfance consistait aussi à imaginer des îles australes.
11 « Ne devrions-nous pas chercher les premières traces d’activité littéraire déjà chez l’enfant ? L’occupation la plus chère et la plus intense de l’enfant est le jeu. Peut-être sommes-nous autorisé à dire : chaque enfant qui joue se comporte comme un poète, dans la mesure où il se crée un monde propre, ou, pour parler plus exactement, il arrange les choses de son monde suivant un ordre nouveau, à sa convenance. » Sigmund Freud, « Le créateur littéraire et la fantaisie » (1908) in L’Inquiétante étrangeté, Paris, Gallimard, Folio-Essais, 1985, p. 34.
12 II est également intéressant d’observer que l’île du Trésor de Rackham le Rouge fut créée précisément au moment où Hergé s’adjoignit un collaborateur de talent, Edgar Pierre Jacobs. Alors que la première version, dessinée par Hergé seul, représentait une île plate, un banc de sable, Jacobs obtint au terme d’une véritable lutte, que soit dessinée une île plus dense, plus riche.
13 Gérard Genette, Palimpsestes, Seuil, Poétique, 1982, p. 351.
14 Raoul Ruiz, « A la poursuite de Stevenson », in J.P. Naugrette, Lectures aventureuses, La Garenne-Colombes, éditions de l’Espace Européen, coll. « Anglophonia », 1990, note 158, p. 96.
15 Gérard Genette, loc. cit. L’on pourrait citer des robinsons de toutes nationalités ; citons par exemple le touchant Robinson tunisien d’issam Marzouki qui survit sur une île tropicale, « Bey sans sujets » de la « Nouvelle Tunisie », en compagnie de la chienne Zitouna, rêvant de courses dans la Médina et de « monceaux de beignets au miel » ; il apprend à son perroquet à dire : « le couscous est prêt ! » Issam Marzouki, Le Robinson tunisien, Tunis, éd. Cérès, « Le miroir d’encre », 1996.
16 Jacques Meunier, « Quand Robinson rencontre le mythe », entretien, Paris, Autrement, coll. Figures mythiques, 1996, p. 124. Il existerait selon Jacques Meunier « plus de deux mille titres » de romans mettant en scène des robinsons.
17 Ibidem, p. 123.
18 Que l’on songe au théâtre de Marivaux, aux romans de Longueville – Le Solitaire anglais ou Aventures merveilleuses de Peter Quarll (1725) –, de Guillaume Grivel – L’Ile inconnue ou Mémoires du chevaler de Gastines (1787) –, de Laurent-Joseph Gain de Montaignac – Mémoires du chevalier de Kilpar (1768)–.
19 Le roman de Wyss « devint un modèle en vertu du trait de génie consistant à naufrager une famille entière : du coup, plus de solitude et plus de Vendredi, mais on s’aperçoit à l’occasion que le thème majeur n’est peut-être pas celui de la solitude, mais celui de l’appropriation et de l’aménagement d’un espace vierge. » Gérard Genette, Palimpsestes, op. cit., p. 351.
20 Marc et Bob, échoués sur des récifs, dialoguent :
« – Mais alors que devenir ?
– Robinsonner un peu, monsieur Marc [...].
– Robinsonner ! répéta Marc, ne pouvant s’empêcher de sourire de l’expression de Bob, malgré la gravité de la situation ;
– mais, au moins, Robinson avait une île et nous n’en avons pas. » Fenimore Cooper, Le Cratère ou Marc dans son île, Paris-Genève, Slatkine-Reprints, coll. Ressources, 1980, p. 42.
21 « Bien des Robinsons ont déjà tenu en éveil la curiosité de nos jeunes lecteurs. Daniel de Foë, dans son immortel Robinson Crusoé, a mis en scène l’homme seul ; Wyss, dans son Robinson suisse, la famille ; Cooper, dans Le Cratère, la société avec ses éléments multiples. [...] Dans L’Ile mystérieuse, y ai mis des savants aux prises avec les nécessités de cette situation. On a imaginé le Robinson de douze ans, le Robinson des glaces, le Robinson des jeunes filles, etc. Malgré le nombre infini des romans qui composent le cycle des Robinsons, il m’a paru que, pour le parfaire, il restait à montrer une troupe d’enfants de huit à treize ans, abandonnés dans une île, luttant pour la vie au milieu des passions entretenues par des différences de nationalités, – en un mot, un pensionnat de Robinsons. » Jules Verne, Préface à Deux ans de vacances. Le livre de poche, s. d., pages non numérotées.
22 « Pas une seule des images ou des catégories mentales à travers lesquelles nous essayons de ressaisir quelque chose de la geste pirate qui ne vienne de Johnson », écrit Michel Le Bris dans « Les anges noirs de l’utopie », in Le Grand Dehors, Paris, Payot, Essais, 1992, p. 305.
23 Ibidem, p. 333.
24 L’île au trésor pour sa publication dans un magazine est signée Captain John North, référence au captain Johnson.
25 « En ce temps-là, je n’avais d’autres pensées que pour la mer, et pour le Privateer [...]. Je lisais alors les livres où l’on parlait des forbans, et leurs noms et leurs exploits résonnaient dans mon imagination : Avery, surnommé le ‘petit roi’, qui avait ravi et capturé la fille du Grand Mogol, Martel, Teach, le major Stede Bonnet, qui devint pirate ‘par désordre de son esprit’, le capitaine England, Jean Rackham, Roberts, Kennedy, le capitaine Anstis, Taylor, Davis, et le fameux Olivier le Vasseur, surnommé la Buse, qui, avec l’aide de Taylor s’était emparé du vice-roi de Goa et d’un vaisseau qui contenait le fabuleux butin de diamants provenant du trésor de Golconde. Mais celui que j’aimais par-dessus tout, c’était Misson, le pirate philosophe qui, aidé du moine défroqué Caraccioli, avait fondé à Diego Suares la république du Libertalia. » J.-M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, op. cit., p. 105.
26 Ibidem, p. 108.
27 Pierre lourde, « Cythères mornes », Ile des merveilles ; mirage, miroir, mythe, colloque de Cerisy, août 93, Paris L’Harmattan, 1997, p. 193.
28 Les premiers sont les héritiers de Robinson ; les seconds ceux de Philoctète, tradition que le roman d’aventure a perpétuée avec Ayrton/Ben Joyce, dans L’île mystérieuse. Ben Gunn, dans L’Ile au trésor.
29 Michel Serres, Jouvences sur Jules Verne, p. 96.
30 Ibidem.
31 Jules Verne, L ’île mystérieuse, Genève, Crémille, t. 1, p. 59.
32 Jules Verne, L ’île mystérieuse, op. cit., tome 1, p. 169.
33 Ibidem, p. 172.
34 C’est le titre d’un roman de Jules Verne.
35 Le récit de fondation était déjà un véritable genre littéraire chez les Grecs anciens : « les textes étaient réunis en recueils appelés ktiséis, ‘ (récits de) fondations’ ». Françoise Létoublon, Paola Ceccarelli, Jean Sgard, « Qu’est-ce qu’une île ? » in Impressions d’îles, op. cit., p. 22.
36 Voir par exemple F. Léguât, Voyage et aventures de François Léguât et de ses compagnons en deux îles désertes des Indes orientales (1708) ; Prévost.
37 Fenimore Cooper, Le Cratère, op. cit., p. 5.
38 Jean-Michel Racault, « Robinson ou le paradoxe de l’île déserte », Autrement, op. cit., p. 113.
39 Ibidem, p. 104.
40 Daniel Defoe, Robinson Crusoé, P.O. L, 1994, p. 104.
41 Le Sphinx des glaces emprunte à Poe – Arthur Gordon Pym – le motif des champs magnétiques perturbant les boussoles à l’approche du pôle ; les héros de Voyage au centre de la terre connaissent une situation semblable ; Un capitaine de quinze ans et Deux ans de vacances s’ouvrent sur la dérive de bateaux sans pilotes, occupés par des enfants. Les premières pages de L’Ile mystérieuse racontent la dérive d’un ballon emporté par l’ouragan au-dessus du Pacifique.
42 Ce mythe, qui remonte aux Histoires naturelles de Pline, connut une fortune remarquable au Moyen-Age.
43 Dans Le Cratère de Cooper, le Rancocus se trouve engagé dans un dédale de récifs basaltiques que des mouvements telluriques exhaussent, emprisonnant définitivement l’épave. Ce motif fascinera Jules Verne qui l’exploitera à deux reprises : dans Le Chancellor, c’est une vague prodigieuse qui a projeté le vaisseau éponyme par-dessus une barrière rocheuse de l’îlot Ham-Rock ; dans L’île mystérieuse, le Nautilus est prisonnier de sa grotte sous-marine par suite d’un relèvement du seuil provoqué par l’activité plutonienne.
44 Jean Giraudoux, Suzanne et le Pacifique, L.G.F., Le Livre de Poche Biblio, 1977, p. 121.
45 Ibidem, p. 123.
46 Jules Verne, Les Mirifiques de Maître Antifer, in Revue Jules Verne n° 4, p. 80-81.
47 Jean-Jacques Wunenburger explique dans « L’imaginaire de la philosophie » comment le schème du cercle a pu engendrer une vision du monde : « Le cercle n’est finalement qu’un point qui se dilate par apparition d’un rayon qui introduit une distance, de sorte que la circonférence peut toujours par diminution du rayon revenir vers le point central qui contient virtuellement l’infinité des points d’une circonférence dont le rayon serait infini. De même chaque point de la circonférence est une émanation du point central, et forme un point de vue perspectif sur lui. » Jean-Jacques Wunenburger, « L’Imaginaire de la philosophie », in Introduction aux méthodologies de l’imaginaire, publié sous la direction de Joël Thomas, Paris, Ellipses, 1998, p. 296.
48 Jean-Jacques Wunenburger, ibidem, p. 297.
49 J.-M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, op. cit., p. 226.
50 Françoise Graziani, article « Découvertes », Dictionnaire des mythes littéraires, éd. du Rocher, 1988, p. 412.
51 Ubalde et le Danois, dans La Jérusalem délivrée.
52 « L’un d’eux s’appelait Pishôn ; c’est lui qui entoure tout le pays de Hawila où se trouve l’or – et l’or de ce pays est bon – ainsi que le bdellium et la pierre d’onyx. Le deuxième fleuve s’appelait Guihôn ; c’est lui qui entoure tout le pays de Koush. » La Bible. Ancien Testament, L.G.F., Le Livre de poche, p. 5.
53 Gilgamesh, dont le nom signifie, selon les interprétations, Celui qui a découvert la source ou Celui qui a tout vu, veut vaincre la mort, dont il a peur. La déesse Sidouri Sabitou lui déconseille de chercher à gagner la terre d’immortalité ; c’est Ourshanabi, le batelier d’Outanapishtim, qui le guidera. « Pendant un mois et demi, les deux hommes voguèrent sur l’Océan ; ils arrivèrent ensuite aux eaux de la Mort qui entourent le paradis d’Outanapishtim et en défendent l’approche. » Félix Guirand, Mythologie générale, Paris, Librairie Larousse, 1994, p. 62.
54 « Recueil de choses anciennes ».
55 « Chroniques du Japon ».
56 Sukuna Bikona.
57 Tokoyo no kuni.
58 Jean Peyras, « L’île et le sacré dans l’Antiquité », L’Insularité ; Thématique et représentations, actes du colloque international de Saint-Denis de la Réunion, avril 92, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 28.
59 Francis Dubost, « Insularités imaginaires et récit médiéval », L’Insularité, op. cit., p. 53.
60 Frank Lestringant, « L’île de Jonas, ou Robinson prophète malgré lui », in Autrement, op. cit., p. 50.
61 Ibidem, p. 51.
62 Ibidem.
63 Ibidem.
64 Ibidem, p. 49.
65 Henriette Levillain, « Le symbolisme de l’île dans Le Purgatoire », Impressions d’îles, op. cit., p. 111.
66 « Le Saturne d’allure satyrique qui illustre les traités d’histoire religieuse du XVIIIe siècle est couvert d’une pelisse de poils et d’un chapeau conique. Selon Ovide et Macrobe, ce bonnet marque qu’il est le maître de l’astronomie et du temps. C’est aussi lepileus que portent les esclaves, lors des Saturnales, pour marquer leur affranchissement. » Claude Gaignebet, « Les éphémérides de Crusocronos », Autrement, op. cit., p. 38.
67 Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, José Corti, 1948, p. 1.
68 Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté, José Corti, 1947, p. 25.
69 Robert Louis Stevenson, L’ile au trésor, in Stevenson, Robert Laffont, Bouquins, 1984, p. 97.
70 Alain Corbin, Le Territoire du vide ; l’Occident et le désir du rivage, 1750-1840, Paris, Flammarion, Champs, 1988.
71 Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, op. cit., p. 32-33.
72 Mircea Eliade, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, Folio-Essais, 1963, p. 116.
73 Robert Louis Stevenson, L’île au trésor, trad. de Genviève Pirotte, Babel, 1993, p. 328.
Table des illustrations
URL | http://books.openedition.org/pub/docannexe/image/50310/img-1.jpg |
---|---|
Fichier | image/jpeg, 3,7k |
URL | http://books.openedition.org/pub/docannexe/image/50310/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,9k |
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.