1Soudain, vers 1900, sous la double influence des géométries non–euclidiennes et de la théorie quantique, l’espace universel se peuple de trous, failles, vides, ruptures. Seuils, sauts, singularités critiques, deviennent les points de mire d’un monde où s’effrite la stabilité des anciens fondements. Déjà la cosmologie implicite du Coup de Dés, insérée dans le suspens d’une virtualité (“Le Maître [...] hésite [...] à n’ouvrir pas la main crispée”) nous avait plongés tout à la fois dans la dimension infinitésimale où se joue, “conjonction suprême avec la probabilité”, la gestation d’un être encore à venir, et dans la dimension macroscopique du cosmos tout entier d’où “PEUT-ETRE” résulterait, “issu stellaire, LE NOMBRE [...] commençât–il et cessât–il” (464-473)1. Le Livre aussi, à quoi le monde est fait pour aboutir (872, 378) est conçu selon l’idée de la totalité cosmique, universelle : “même il n’en serait qu’un — au monde, sa loi —” (376). Les feuillets sur lesquels Mallarmé jette les esquisses de son entreprise démesurée semblent déjà participer à l’intuition du grand bouleversement qui contemporainement s’empare de la pensée épistémologique.

1 - L’enjeu formel : résonances, correspondances

2Le Livre que Mallarmé patiemment élabore en cette fin de XIX^e siècle eût concrètement consisté en “séances” de “Lectures effectuées par un lecteur désigné par le terme d’“Opérateur”, devant des “assistants”. La série des feuillets 195, 193, 194, 192, 191, dans l’ordre ainsi rétabli, présente assez explicitement le rituel de 1’“Opération” :

3Le lecteur arrive salue à droite, d’un coup d’œil, observe six places [...] entre, par l’espace laissé vide par les sièges de droite et de gauche, et va directement un peu courbé au meuble - de laque - à demi plein évidemment en diagonale ainsi que suit

4Chacun de ces 6 casiers en diagonale, contenant 5 feuilles (nombre aisément visible d’un regard) - [celles d’en haut debout et celles d’en bas renversées ?] Il sait, dès lors, et se place [...] sous la lampe électrique unique, après avoir pris une première feuille des cinq de chaque casier, en haut – et en bas tenant ces six feuilles

5par moitié dans chacune de ses mains, le temps de les joindre, celles renversée redressée, comme la première, mais [...] comme s’il en confrontait le format total. Il a à ce moment un nombre de feuillets égal à une moitié des sièges de l’auditoire, soit 6, et de même que ces sièges sont doubles, encore que spécialement à un titulaire, les feuilles se dédoublent en deux feuillets. [Chaque feuillet dont l’un intérieur est de 8 pages – et 3 feuillets = 24 pages]. Il montre ceci, changeant le feuillet intérieur de l’une à l’autre feuille soit les premières deux, les secondes et troisièmes

posées momentanément à part, lit.

6à moins que ne se retournant par trois fois vers la gauche (sourire – patientez) à qui apparaît mieux cet acte successif – un peu voilé pour la droite, il ne prenne successivement les feuilles jusqu’au moment ou le tout rejoint, l’opérateur s’élance droit devant lui, d’où il vient, emportant [...] ce fascicule [...]

Le tout a duré trois quarts d’heure

7rentrée cette fois de l’opérateur rapportant le volume ainsi composé – c.à d. une opération inverse faite relativement à la deuxième partie de l’auditoire. Il le lira donc et le redistribuera aux casiers mais inverses

8— Telle la double séance ayant montré l’identité de ce volume avec lui même soi : elle comprit 24 personnes, chacune ayant à un moment donné

9représenté un des feuillets, ou les 12 sièges les douze feuilles (feuillets qu’on ne peut séparer des feuilles que pour les interpoler par un échange et c’est tout)

10pureté lumière électr – le volume, malgré l’impression fixe, devient par ce jeu, mobile – de mort il devient vie – Pour que tout ce qui est là en bloc y passe, il faut 5 lectures, soit 96 X 5 = 480 X 2 =960 pages [...] Une seconde série de lectures peut être donnée en sens inverse puis ”

11L’originalité de l’entreprise apparaît d’emblée, dans la forme résolument non-linéaire qu’eût adopté un tel type de lecture, réglée plutôt par une combinatoire de feuilles, de pages, de feuillets. La mobilité du Livre vient de ce que l’Opérateur interpole, intercale, Mallarmé allant jusqu’à calculer “le nombre d’intercalations ainsi formant des reduplications renforcements” (f99). Après avoir réfléchi sur la linéarité de la ligne ou la “foudre du vers” (334) de dimension 1, ou médité sur la “vision simultanée de la page” (455) de dimension 2, Mallarmé envisage le volume “bloc” (f 39, 40, 41, 42, 93, etc.) avec 3 dimensions spatiales :

12Ce bloc est rendu mobile par la combinatoire des échanges de feuillets, et en fonction de cycles de lectures étalées sur 4 ans, “5 ans le lustre” (f50), ou 7 ans (f144) ; par exemple : “4 ans + 1 an de repos – et répéter indéfiniment ou trois fois” (f138). Le Livre est donc un espace-temps de dimension 4, un espace-temps résonant, car des correspondances s’établissent :

13En vertu d’un mécanisme de preuve du Livre par lui-même ou d’autolégitimation dont nous établirons tout à l’heure la nécessité, “la séance implique la confrontation d’un fragment de livre avec lui-même [...] prouvant que c’est cela” (f112) ; ainsi, “il y a 5 lectures dans un sens – déploiement – et 5 en l’autre sens – reploiement – soit 10 doubles lectures” (f155).

14A cette correspondance strictement interne à la matière textuelle, s’ajoute une autre, celle qui unit feuillets et assistants. Mallarmé y revient souvent. Par exemple : “24 personnes — chacune ayant à un moment donné représenté un des feuillets” (f191-192), “une place se rapporte à une feuille, une séance à un volume” (f112), “chaque séance implique 24 feuilles, autant que d’invités qui à leur insu représentent le secret de la séance” (f107), “identité de la place et de la feuille (f138), “fond=salle” (f20). Aux 24 feuilles s’ajoute une vingt-cinquième, en fait inexistante car elle correspond à l’Opérateur, effacé du fait du principe de “disparition élocutoire du poète” (366)2 :

2 - La crise métaphysique : le Drame

15Si l’Opération est Lecture publique, elle est aussi, plus fondamentalement, Drame, un Drame dont l’Opérateur lui-même figure le Héros, et dont la Lecture réalise l’acte :

16L’Opération et l’Opérateur acquièrent alors une fonction métaphysique : il s’agit de

17L’opération de la Lecture accomplit elle-même un Drame de dimension métaphysique, un Mystère (au triple sens herméneutique, sacré, et théâtral), le Mystère de l’Idée.

18En effet, les projets mallarméens du Livre relèvent d’abord d’une intention à la fois idéaliste et eschatologique ; il s’agit de réaliser un livre qui soit le Livre, “il n’en serait qu’un — au monde, sa loi — bible” (367), il s’agit de réaliser le Livre total, unique, la Synthèse universelle, “le Grand Œuvre comme disaient les Alchimistes nos ancêtres” (Correspondance, 14 Mai 1867), un Livre qui accomplirait la transmutation du Monde en l’Absolu, “la divine transposition [...] [qui] va du fait à l’idéal (522, souligné par Mallarmé), un Livre qui permette de “transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire [...] pour qu’en émane [...] la notion pure” (368).

19De ce Drame l’Absolu est le Héros ; mais “héros à tort scindés en deux” (f5, sic) : lui-même dans sa pureté idéale, et lui-même chu dans le monde physique (“la nature, Idée tangible”, - 402). La Lecture du Livre est alors l’opération rédemptrice qui permet de “racheter cette scission” (f5), c’est à dire l’opération par laquelle l’Absolu “scindé en deux” (une part dans la pureté de l’œuvre, une part dans l’humanité mondaine ou public : d’où la correspondance des assistants et des feuillets du Livre) entre en relation spéculaire avec lui-même, prend conscience de lui-même, s’identifie spéculairement à lui-même, et retrouve son unité originelle, son “Identité (Idée) Soi” (f4). L’Opération (au sens mathématique du terme cette fois) a pour fonction de réaliser une équation métaphysique, équation sous un dieu Janus, totale, se prouvant” (f105) : “le Dr est en le mystère de l’équation suivante faite d’une double identité équation ou idée si ceci est cela cela est ceci” (f5). On comprend aussi la nécessité des réduplications dans ce mécanisme spéculaire qui permet une “réciprocité de preuve” (545) ou “preuve nuptiale de l’Idée” (387) pour éviter, grâce à l’impersonnalité de l’Opérateur, “ce qui sinon au volume successif ne présenterait pas de sens ou par un hasard en présenterait un de faux” (f200).

20L’opération, littéraire, de Lecture du Livre, qui passe par le Langage et par l’Humanité, doit donc réaliser, à travers l’Opérateur, la Lecture de l’Absolu par lui-même. Elle doit accomplir, pour racheter l’Absolu de la Schize qui l’a scindé et séparé de lui-même, une parousie eschatologique et sotériologique par laquelle l’Esprit Absolu se réunit et se réidentifie à lui-même, retrouve le Sens, fait son “Salut” (mot clé chez Mallarmé) après la traversée du Mystère et de l’angoisse du non-sens. “Sans quoi tout serait vain”, dit Mallarmé (522) ; “tout est vain en dehors de ce rachat par l’art”, écrit-il à l’un de ses correspondants le 10 Septembre 1885.

21Cette réunification de l’Esprit passe par un processus de communion de l’Humanité toute entière, une communion dans la Lecture universelle du Livre : “la communion par le livre. A chacun part totale” (656), “notre communion d’abord esthétique en le héros du Drame divin” (396), “notre communion ou part de tous à un et de un à tous” (393). L’espace théâtral où se joue ce Drame n’est pas tant celui du Texte que l’Esprit lui-même, la totalité de l’Esprit de l’Humanité conçu sur le modèle d’une topique spatiale et dynamique : c’est “le milieu mental identifiant la scène et la salle” (298), le “Saint des Saints mais mental” (545), et s’il faut un théâtre pour que soit joué le Mystère du Livre : “cette Salle or elle existe, mentalement, en la mémoire de tous” (418). Ce qui établit “l’équation suivante que th est le développement du héros” (f5).

22Mallarmé accomplit ici son dépassement de Wagner, en trouvant non plus des mythes, mais “un, dégagé de personnalité car il compose notre aspect multiple” (545), le mythe unique à quoi se réduisent tous les “purs motifs rythmiques de l’être” (345) : Drame solaire, processus mort-résurrection, perte du sens et redécouverte du sens, Mystère-Salut, hésitation d’Hamlet, “toute l’aventure de la différence sexuelle” (305), etc. : ce mythe est la scission de l’Absolu-Héros et sa réidentification à lui-même. On reconnaît ici un schème d’inspiration hégélienne, celui d’une division, séparation, schize de l’Absolu, et d’une Réunion de l’Absolu, d’un Retour de l’Absolu en Soi, pour Soi, chez Soi, par prise de conscience de soi. Dès ses années hégéliennes, dès 1869, Mallarmé s’était proposé d’“étudier [...] ce qu’est l’homme par rapport aux choses de l’esprit et de la matière” (852), et “ce qu’est l’esprit par rapport à sa double expression de la matière et de l’humanité, et comment notre monde peut se rattacher à l’absolu” (853) ; dans le même texte programmatique, Mallarmé établissait que la prise de conscience de l’Absolu par lui-même devait avoir lieu spéculairement, par une réflexivité qui permet de parvenir “à l’état de notion” (849), et cela “à travers les phases de l’Idée [...] selon la Vie et l’Esprit [...] par la lecture” (854).— Mallarmé retrouve d’ailleurs, dans les brouillons du Livre, la comparaison déjà employée par Schelling pour caractériser les deux phases (scission-retour) du Drame de l’Esprit : “Iliade Odyssée modernes” (f163).

23Nous sommes en fait ici en présence, bien au-delà de Hegel auquel Mallarmé avait été initié, d’un vieux schème métaphysique dont la généalogie remonte, à travers Jakob Bœhme et les mystiques médiévales, jusqu’au néoplatonisme au moins, avec l’idée plotinienne d’un double mouvement de l’Un-Absolu : Catastrophe / Epistrophe. Mallarmé retrouve donc très naturellement, dans l’élaboration du Livre total et unique, l’univers de la mystique néoplatonicienne des Correspondances. En effet, ce Livre, “quel est-il : l’hymne, harmonie et joie, comme pur ensemble groupé dans quelque circonstance fulgurante, des relations entre tout” (378) : fulgurance et relationalité universelle qui fondent métaphysiquement la non-linéarité de la structure du Livre, dont nous présentions tout à l’heure la description formelle. L’établissement de ces relations par la Lecture du Livre fait accéder l’Humanité à une dimension supérieure : “l’homme chargé de voir divinement, en raison que le lien [...] n’a d’expression qu’au parallélisme, devant son regard, de feuillets” (378, Le Livre, instrument spirituel). Le Livre doit donc figurer “l’ensemble des rapports existant dans tout” (368) pour aboutir à l’“Idée ou rythme entre des rapports” ; il doit non seulement “saisir des rapports” (647), mais montrer des “raccords — rapports” (f43), et ainsi l’Unité, l’Identité, est-elle reconstituée par l’établissement d’“analogies secrètes” (8 Août 1891), de “correspondances” (646), de “deux à deux” (8 Août 1891) : l’Equation métaphysique réalise l’Hymne d’un Hymen (passim) universel.

24Mais, ce qui différencie fondamentalement la poétique mallarméenne du schème métaphysique qui l’a initialement inspirée, c’est que, au contraire de la dialectique hégélienne qui se reclôt parfaitement dans le retour de l’Absolu à lui-même à la fin de l’Histoire et de la Philosophie, — au contraire de l’achèvement de la réflexivité autotélique de l’Absolu chez Hegel, — cette réidentification de Soi à Soi, chez Mallarmé, n’aboutit pas : ne peut pas, ne doit pas, aboutir. L’équation demeure asymptotique, l’Absolu tend asymptotiquement vers son Identité à Soi “aussi loin qu’un endroit fusionne avec au delà” (476) comme on lit dans le Coup de Dés où tout reste en jeu dans l’indécision d’un “PEUT-ETRE” irréductible (476) et que rien jamais n’abolira. En effet : “Dr n’est insoluble que parce qu’inabordable” (f4), sinon il serait “résolu tout de suite le temps d’en montrer la défaite, qui se déroule fulguramment” (ibid.) : atteindre l’Idée, cela l’anéantirait comme telle : “idée opérée supprimée” (f85) comme “Hérodiade — épuisée en cette crise — noces uniques immédiates — elle est même tout de suite éclat” (feuillet 124 des Noces d’Hérodiade). Pour Mallarmé, cet Absolu est inattingible car “l’idéal n’existe que dans la poursuite qu’il fait naître”, c’est “un idéal qui par définition ne saurait être atteint” comme il l’écrit à Cazalis, et “la Matière s’élance forcenément vers le Rêve qu’elle sait n’être pas” (Avril 1866) ; l’Opérateur est alors comme “ce grand Mage inconsolable et obstiné chercheur d’un mystère qu’il sait ne pas exister et qu’il poursuivra pour cela du deuil de son lucide désespoir, car c’eût été la Vérité” (2 Février 1885, à Odilon Redon).

25Ce qui fait du Drame de cette Equation, de cette Identité, vraiment un Drame, c’est que ce Drame est “inabordable”, c’est que l’Identité ne peut jamais être atteinte. Ici la Poésie ne se définit plus comme œuvre réalisée, mais comme tension vectorielle vers l’Œuvre irréalisable. Le Livre n’existe que comme tension vers lui-même : non boucle autotélique achevée, mais spirale intégrant toujours un écart différentiel : “Lect de œ — fin de la même — retour mais presque autre” (f78). La Littérature étant essentiellement Fiction, que Mallarmé définit comme “le procédé même de l’esprit humain” (851), et l’Absolu n’existant qu’en tant qu’irréalisé, le processus qui eût accompli l’interrelationalité du Tout est fondé finalement sur “une attirance supérieure comme d’un vide” (647), sur “la pièce principale ou rien” (647). On comprend donc parfaitement que la feuille qui permettrait de compléter, de clore, d’achever et de relier chaque volume du Livre, soit “la 25° feuille idéale absente” (f112), correspondant à l’Opérateur élocutoirement disparu.

26Signalons au passage que cette nécessité-impossibilité de la réidentification spéculaire de l’Absolu à lui-même ne commande pas seulement la forme non-linéaire, la structure multidimensionnelle du mécanisme du Livre et de la Lecture ; c’est aussi ce qui constitue le contenu thématique et symbolique du Livre, élaboré par Mallarmé dans plusieurs séries de feuillets. Par exemple, la tension vers l’Idéal, ou “instinct de ciel” (654), étant souvent métaphorisée comme faim chez Mallarmé, l’impossibilité d’atteindre l’Absolu est symbolisée par la “mort de faim”, “le truc de la mort de faim” (f28) dont est victime le prêtre cloîtré en la tombe des feuillets 27 à 33 : “mais le truc est que pas trouvé le mystère cherché” (f30). Le feuillet 169 quant à lui présente un personnage invité à des noces par une “dame” symbolisant l’Idée : atteindre l’Absolu, atteindre l’Idée, ce serait “manger la dame” (f169), donc la tuer, la détruire : accomplir ces noces mystiques, ce serait “un crime” (ibid.). En effet, chez Mallarmé, l’Absolu est souvent féminisé en Idée ou Notion, qui est une Fiancée mystique : le processus métaphysique est alors fantasmatiquement métaphorisé sur le mode érotique, l’Equation métaphysique devient un Hymen mystique dans “le seul drame à faire, qui est celui de l’Homme et de l’Idée” (10 Septembre 1885). C’est ce que vit le personnage des feuillets de Mallarmé et le Rien3 : “Je veux — disait-il — je veux épouser la notion. En vain lui faisait-on entendre qu’elle n’existe que si vierge”. Comme Hérodiade. C’est pourquoi : “il s’arrête à temps dans cette opération” (f169), ce qui est valable tout à la fois pour l’Opérateur, Lecteur du Livre, et pour le personnage symbolique. Ou encore : “on l’arrête juste avant” (f100). Tel est donc exactement le Drame : l’interruption de l’Opération dans l’imminence de son accomplissement fulgurant, l’interruption de l’Hymen universel, de “l’hymne des relations entre tout” dans l’imminence de sa réalisation foudroyante. Le Drame du Livre est cette double contrainte, ce double bind.

3 - La conséquence épistémologique

27Avec Mallarmé, ce n’est pas seulement la dialectique hégélienne qui est en crise ; ce n’est pas seulement la croyance définitive en la structure harmoniquement et hymniquement correspondante du Monde et de sa réfraction dans le Livre isomorphiquement résonant : c’est la crise plus générale de la notion de système qui éclate en cette fin de XIX^e siècle.

28Le Livre étant conçu comme l’analogon verbal de l’Univers (“au monde, sa loi”), et “les Lectures n’ayant d’autre but que de montrer ces rapports scientifiques” (f41), le Livre eût été réalisé par accomplissement combinatoire des potentialités de la parole et du monde, par permutation, arrangements, “intercalations” (f99) des fragments du Livre, et ce “jusqu’à épuisement du tout” (f175). Achever le Livre, ce serait donc atteindre combinatoirement l’“épuisement du tout” (f175), l’anergie finale, l’équivalent de la mort thermique de l’Univers : l’épistémologie implicite de l’élaboration du Livre est celle du Second Principe de la Thermodynamique de Carnot et Clausius (1842 : principe d’entropie, problématique du Hasard, dépense progressive de l’énergie disponible d’un système, par exemple l’Univers, “jusqu’à épuisement du tout”). Mais, surtout, si l’impossibilité de l’accomplissement du Livre est métaphysiquement inscrite en sa définition comme nous l’avons vu précédemment, Mallarmé nous sauve donc de cette mort entropique, de l’“épuisement du tout”, par l’inachèvement du Livre.

29La crise de la notion de système au sens laplacien du terme se double donc d’une crise de la notion de totalité. Car, d’un côté et dans un premier temps il y a dans l’intention initiale du Livre une tentative déterministe d’“éliminer le hasard” (366), d’accomplir “l’hymne des relations entre tout” (378), le “rythme total” (367) ou “rythme d’ensemble” (fl72), de “montrer que cela fait un tout” (f173), puisque “tout, au monde, existe pour aboutir à un livre” (378) qui en est “la Somme” (f63) ; — de l’autre côté, il n’y a jamais que tension asymptotique vers l’achèvement, vers le tout, il y a un irréductible résidu de Hasard qui nous sépare de l’achèvement et que jamais rien n’abolira (puisqu’on “s’arrête à temps dans cette opération”). Il faut donc compter avec le hasard, cet inépuisable réservoir d’indétermination, de vie, de régénération néguentropique. Avec Mallarmé, la crise du déterminisme scientifique se répercute déjà à la Littérature. Avec Mallarmé, l’Univers et le Livre échappent finalement aux contraintes du déterminisme et de l’entropie thermodynamique. Le Livre n’est plus pensé sur le modèle hégélien d’une dialectique close, ni sur le modèle laplacien d’un système déterministe, mais déjà et par intuition sur le modèle quantique du principe d’indétermination, d’indécidabilité : la plongée du Coup de Dés en 1897 ira d’ailleurs jusque “dans ces parages du vague où toute réalité se dissout” (475).

30Notre parcours métaphysique et épistémologique nous permet donc de comprendre pertinemment la non-linéarité structurelle du Livre, mais selon deux lumières contradictoires et irréductiblement liées : d’une part nous sommes ici devant la tentative de constitution d’un Livre-système, d’un Livre total, analogon verbal de l’Univers pensé sur le modèle thermodynamique et selon le schéma néoplatonicien des correspondances : ce qui implique la correspondance générale à l’intérieur du Livre conçu comme espace-temps de résonance où interfèrent toutes les dimensions : d’où une non-linéarité qui est d’abord dépassement de la dimension de la ligne par établissement de tous les liens, rapports, raccords et relations ; — mais d’autre part l’interdiction de l’accomplissement de l’ensemble universel de ces relations fait éclater les notions de système et de totalité, et réintroduit l’interruption, la faille, l’écart, la brisure dans un espace-temps finalement discontinu et travaillé de résurgences néguentropiques imprévisibles : d’où une non-linéarité seconde qui est rupture des liens, fracture des relations. Approfondissons maintenant chacune de ces deux conceptions contraires de la non-linéarité, qui sont antagoniquement et solidairement à l’oeuvre dans l’élaboration du Livre.

31A) - Le Livre, ou “hymne des relations entre tout” (378), “ensemble des rapports existant dans tout” (368), eût donc atteint, par l’établissement de “rapports” (f119, f43, 647) à “l’idée ou rythme entre des rapports”. Les brouillons du Livre présentent de nombreuses tentatives, de la part de Mallarmé, pour réaliser dans les lectures le mécanisme combinatoire. Par exemple : “Les quatre volumes sont un livre, le même, présenté deux fois en tant que ses deux moitiés, première de l’un et dernière de l’autre juxtaposées à dernière et première de l’un et de l’autre : et peu à peu l’unité s’en révèle, à l’aide de ce travail de comparaison en deux sens différents, montrant que cela fait un tout en tant qu’une cinquième partie formée de l’ensemble de ces quatre fragments, apparents ou répétés : ceci aura donc lieu 5 fois ou 20 fragments groupés en 2 par 10, trouvés identiques” (f173). Ainsi se forme l’équation interne à la structure du Livre : “La séance implique la confrontation d’un fragment de livre avec lui-même [...] prouvant que c’est cela” (f112. souligné par Mallarmé). Ce syntagme, “C’est”, apparaît plusieurs fois, isolé ou sous la forme “1/2 C’est “, au feuillet 137 ; il est l’une des clés des projets du Livre. En effet, le 8 Août 1891, Mallarmé écrit à Viélé-Griffin : “C’est, titre d’une interminable étude et série de notes que j’ai là sous la main, et qui règne au dernier lieu de mon esprit. Tout le mystère est là : établir des identités secrètes par un deux-à-deux qui ronge et use les objets au nom d’une centrale pureté”. L’Hymne de l’Hymen universel eût établi un C’est universel, l’équation interne du Tout à lui-même. Nous retrouvons ici l’idée initiale des Notes de 1869 où Mallarmé projette une étude métaphysique sur le Langage en se fondant sur la Conversation (851-854) : par la Conversation de l’Universel, la Science est “tournée sur elle-même” (852) et “le Langage a eu conscience de lui” par “ces deux phases qu’elle réfléchit” (ibid.). Le vers, qu’on peut considérer, selon la polysémie du mot, comme rotation (vertere) et direction (versum), peut être l’instrument de cette Conversation Universelle, du reploiement du Tout sur lui-même. Le vers (“qui de plusieurs vocables refait un mot total”, 368), représente d’ailleurs une dimension médiane entre celles qui lui sont plus petites (le lettre, le mot, par exemple) et celles qui lui sont plus grandes (page, bloc, jusqu’au “livre, expansion totale de la lettre”, 380). Le feuillet 98 présente d’ailleurs des tentatives d’articulation entre ces différentes dimensions :

32Ce “bond inouï”, ou “bond énorme de la feuille dans” (f131), montre que chaque passage à la dimension supérieure suppose un saut quantitatif nouveau (qui n’est pas sans rappeler la discontinuité des degrés de complexification dans l’évolution de la matière). Ces dimensions du Livre sont d’ailleurs dépassées vers une autre plus abstraite :

33Du fait que le volume est “mobile” (f112, 113, 191,...), la dimension temporelle est elle aussi, nous l’avons vu, convoquée dans le Livre (4 ans, 5 ans, 7 ans). Mais la linéarité du temps est à son tour transgressée, puisque le temps du Livre doit être quasiment à la fois successif et simultané. Cela, Mallarmé l’avait déjà senti dans la physique du “vers, par flèche jeté moins avec succession que presque simultanément” (654), ou dans la “vision simultanée de la page” (455). Il en est de même pour le Livre : “Il faut que d’un coup d’œil par la succession des phrases — tout apparaisse sur ce Diagramme” (f47). Le temps lui-même est donc traité de façon non-linéaire, anhistorique, par correspondances internes : “deux alternatives d’un même sujet non pas traitées par suite, historiquement, mais toujours intelluectellement” (sic, f147). Il s’agit d’un temps non-linéaire, éventuellement réversible, qui permet indifféremment de “commencer par la fin” (f94), ou de “commencer par le milieu” (f175). C’est pourquoi : “un livre ne commence ni ne finit — tout au plus fait-il semblant” (f181). Il serait aisé (mais ce n’est pas notre propos d’aujourd’hui) d’établir à quel point le rituel des Lectures du Livre a été influencé par la réflexion de Mallarmé sur les lectures liturgiques de la Bible (voir ses trois articles intitulés Offices, et le feuillet 34 : “Lect. la messe”) : les textes bibliques, dans leur lecture ecclésiale, ne sont pas pris successivement du début à la fin, mais par résonances, échos, rapprochements, — le choix de tel texte du Nouveau Testament étant déjà lui-même une direction interprétative du texte de l’Ancien Testament lu le même jour.

34Les cycles des séances prévoient même la lecture de plusieurs volumes en même temps : “3 parties concurrentes données simultanément et formant un tout et offrant entre elles des communications et démontrer que ces trois œuvres concurrentes sont la même et du même” (f200). Les feuillets 175-176 envisagent “4 livres concurrents” lus “concurremment”, “un quadrige”. La Littérature passe ainsi du domaine de la linéarité, du dis-cours, à celui de la con-currence.

35A la fois et paradoxalement succession et simultanéité, donc. 11 faut “avoir le tout successivement” (f179), mais avec le “maximum de simultanéité” (f201), ce qui suscite une “nouvelle façon de lire [...] ce qui sinon au volume successif ne présenterait pas de sens” (f200). Cette non-discursivité (1e la lecture suppose la formation du sens non plus par succession linéaire mais par liaisons transdiscursives, par une fulgurance transdiscursive de la totalité : “l’hymne, [...] comme pur ensemble groupé dans quelque circonstance fulgurante, des relations entre tout” (378). Tel est l’accomplissement de tous les plis du Monde et du Langage, “pli selon pli” (60), tel est l’achèvement de la parousie du Héros-Absolu, la réalisation totale du plérôme eschatologique : “qui se déroule fulguramment” (f4).

36B) - Or, nous le savons, c’est justement cela qui finalement ne doit pas avoir lieu : cet achèvement serait une “défaite” (f4). C’est cela qui est mis en crise, en question. Le système ne se referme pas, la totalité ne s’achève pas, puisqu’“il s’arrête à temps dans cette opération” (f169), puisqu’“on l’arrête juste avant” (f100) : “elle reste au seuil” (ibid.). Suspens dans l’imminence de cette fulgurance. Non seulement la linéarité de la ligne, du discursif, a été transgressée, mais voici que la compacité systématique des liens, correspondances et relations, est rendue impossible (ainsi que les liens de causalité du déterminisme, qui est un systématisme). Un nouveau type de discontinuité s’inerit soudain dans l’Univers, qui empêche in extremis de l’envisager sur le modèle néoplatonicien. Ceci, en cette fin du XIX^e siècle, contemporainement à la crise de l’espace euclidien (qui aura aussi ses répercussions en peinture) et à la résurgence de l’idée de discontinu dans les débuts de la physique quantique.

37Quitte à parler de discontinuité, risquons-nous ici et maintenant à en parler jusqu’au bout. Au milieu du XX^e siècle, les notions de non-linéarité et de discontinuité spatiale s’enrichiront considérablement du fait de la physique quantique à l’occasion d’un différent entre Heisenberg et Einstein sur une expérience constatant la possibilité qu’auraient deux électrons libérés du même choc de particules, d’interférer instantanément l’un sur l’autre, une modification sur l’un d’eux entraînant instantanément une modification sur l’autre : comme si le message de l’un à l’autre transgressait la vitesse de la lumière. Einstein, qui s’en tient prudemment à sa relativité, préfère supposer l’existence de “variables cachées”, Heisenberg quant à lui n’hésite pas à bouleverser la conception de l’espace et à parler de non-localité : il peut y avoir rapport instantané entre deux régions non-connexes de l’espace (ce qui non seulement brise encore plus toute idée de continuum spatial, mais provoque une mise en cause encore plus radicale du déterminisme et de la causalité). — Quelques dizaines d’années plus tôt, les brouillons du Livre envisagent déjà ce type inédit de relationalité : “vers le rapport en de la non-coexistence” (f56).

38Rien n’interdit légalement à une conception poétique de l’espace d’anticiper quelque peu, intuitivement, sur une conception épistémologique de l’espace. Un texte littéraire contient implicitement (il serait difficile de prouver le contraire) une cosmologie latente, une physique latente, en conformité ou pas avec la physique ou la cosmologie dominante de son époque, ou d’une époque passée, à moins qu’encore elle ne les prolonge, comme c’est le cas ici, vers leurs tout prochains développements. A l’époque des premiers travaux de Planck le Coup de Dés de Mallarmé met en relation les domaines de l’infinitésimal avec les immensités du cosmos constellé, – des “contrées nulles” (464) à la “surface vacante et supérieure [...] sidéralement” (477).

39Enfin, ce qui est en jeu ici, de façon à la fois poétique et épistémologique, c’est, bien sûr, la problématique, centrale, du Hasard. Nous devons analyser l’apparente contradiction mallarméenne qui propose tout à la fois qu’il faudrait “éliminer le hasard” (366) et que pourtant “Un Coup de Dés jamais n’abolira le Hasard” (et “toute pensée émet un coup de dés”). Le texte d’Igitur exprimait d’ailleurs explicitement le paradoxe : “Il y a et il n’y a pas de hasard” (442). La notion de hasard est complexe. Donc, décomposons.

40D’un côté, suivant l’injonction de Poe selon qui “tout hasard doit être banni de l’oeuvre moderne”, Mallarmé tente d’abolir le Hasard-contingence, c’est à dire ce qui s’oppose à l’Absolu : “une ordonnance du livre [...] élimine le hasard” (366), “niant d’un trait souverain le hasard” (368), “le hasard vaincu mot par mot” (387) ; il faut écrire “un livre architectural et prémédité, et non un recueil des inspirations de hasard” (663) : “ce bloc [...] il n’est pas chu au hasard” (f40). Cela, nous l’avons vu, s’inscrit bien sûr dans la perspective néoplatonicienne, hégélienne et déterministe de l’accomplissement du Tout par le Livre, du retour à l’Absolu par le Livre.

41Mais, d’un autre côté, nous le savons, l’accomplissement de l’Absolu, l’achèvement du Tout sur le modèle déterministe-combinatoire-thermodynamique équivaudrait à l’“épuisement du tout” : selon le Second Principe de la Thermodynamique, le Système évolue vers son état le plus stable et le plus probable : maximum d’entropie, mort énergétique par dispersion de toute l’énergie devenue indisponible parce que utilisée, homogénéité désordonnée globale ; c’est une forme encore plus mauvaise de hasard, l’état de décomposition d’un système à l’état de cadavre.

42Mais justement (et c’est le troisième temps du raisonnement) “Il s’arrête à temps dans cette opération” (f169) : la tension vers l’achèvement reste asymptotique, toujours demeure donc une part irréductible et néguentropique de Hasard, comme le “PEUT-ETRE” (476) du Coup de Dés qui “jamais n’abolira le Hasard” : un hasard linalement régénérant, qui permet que perdure indéfiniment et infiniment la dynamique du processus de l’Univers et du Livre, et qu’adviennent encore des événements hautement improbables et hautement complexes, un hasard qui lutte contre la pente entropique de l’homogénéité figée et de la mort entropique.

43La part résiduelle inintégrable de hasard que rien jamais n’abolira et qui empêche l’asymptote d’atteindre le terme vers lequel elle tend, est le cœur vivant du processus, source de tous les imprévisibles surgissements qui empêchent l’“épuisement du tout”. Le Hasard, qu’on avait tenté d’éliminer lorsqu’on ne le concevait que comme dispersion mondaine opposée à l’Absolu, et qui, à mesure qu’il disparaissait sous cette forme, réapparaissait sous forme entropique d’indifférence, de dissémination, d’homogénéité, de statisme statistique, de mort énergétique, — le voici qui resurgit pout lutter contre cette entropie même, le voici qui resurgit pour susciter en des singularités privilégiées les structures les plus improbables et les plus belles et les plus vives, le voici qui resurgit in extremis pour empêcher l’Equation totalitaire qui finirait tout fulguramment, pour laisser filer l’asymptote dans les siècles des siècles, pour compenser l’épuisement prévisible par des combinaisons imprévisibles et plus complexes, pour interdire au Livre de se refermer en totalité, en Somme close, en Tout.

44“D’où infini” (f39). Le Livre, comme Igitur, “devait finir en infini” (434) : demeure essentiellement inachevé. Tant il est vrai qu “un livre fermé n’est qu’un bloc” (l 125), — bloqué.

45Le Système, ci-devant clos, s’entr’ouvre ; et échappe alors à la fois au déterminisme et au dilemne des deux lois thermodynamiques. Une faille, un rai, un écart, minime soit-il. Le cycle combinatoire s’ouvre en spire, disponible à nouveau à l’Inconnu, au Mystère :

46Le principe d’identité se lait flou, et la tangente prend des chemins de traverse, il suffit d’ouvrir l’angle de rotation du vers d’un écart infinitésimal. Une faille pour respirer, un rai pour laisser passer la lumière, — “la fente” (f44) qui permet au delà du hiatus le sursaut néguentropique “mort renaissance” (f44), le miracle : une faille, un rai, une fente dans la clôture du Livre-tombeau, pour qu’il y ait du jeu entre les feuilles, entre les blocs : “le volume [...] devient par ce jeu, mobile — de mort il devient vie” (f191). Laisser un peu de jeu pour continuer de jouer, de lancer les dés contre le déterminisme, de proroger le hasard au cœur du moteur qui motive et mobilise le Livre, qui suscite et ressuscite anastatiquement la vie.

47Chaque point peut être une singularité discontinue, un lieu de “saut”, de “bond” (f98 et 131), de discontinuité qui exclut toute tangente, un point de “crise”, de “catastrophe” (ce mot n’est pas enployé ici au sens néoplatonicien de séparation de l’Absolu, de Chute, mais au sens que lui a donné le mathématicien René Thom dans sa Théorie des catastrophes : point où deux variables à seuil critique font évoluer le système de façon brusquement discontinue).

48Seuil. Loin d’être la fin de tout, le Livre est seuil. Seuil d’une nouvelle façon de penser, au delà des systèmes et des totalités en crise. Coupez le début et la fin de tout ce que vous écrivez, conseille Mallarmé. Surtout n’achevez pas. Evitez de conclure. Arrêtez-vous à temps dans cette opération. Qu’en chaque point surgisse quelque nouveau départ. Multipliez les tangences imprévisibles, les Commencements d’autre chose. Ne claquez pas trop vite sur vous la porte du tombeau. Laissez un peu de jour, un peu de jeu, une brèche. Laissez surgir ici ou là des dimensions impossibles.

49L’Histoire continue, discontinue.