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    Plan détaillé Texte intégral Typologie de la parole privée médiatisée L’espace public et privatisé L’espace privée publicisé Espace public/espace privé Notes de bas de page Auteur

    La vie privée à l’heure des médias

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Télévision de l’intimité et espace public

    Dominique Mehl

    p. 49-64

    Note de l’auteur

    Est repris ici un article légèrement modifié paru dans la revue Sociologie du travail, n° 2/97.

    Texte intégral Typologie de la parole privée médiatisée Le message personnel configure la première forme de passage de la parole privée sur la scène publique Le verbe thérapeutique représente la deuxième incarnation publique d’une parole privée La parole identitaire représente la troisième forme de parole privée muée en parole publique Enfin, le message collectif représente le quatrième type de parole privée portée sur la scène publique L’espace public et privatisé L’espace privée publicisé Espace public/espace privé Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    L’irruption à la télévision de la parole profane dans tous les magazines consacrés à des débats sur les mœurs, la morale et la vie quotidienne modifie l’espace public contemporain. La télévision de l’intimité, triomphante à la période des reality shows, omniprésente dans les talk shows contemporains, se caractérise par la promotion du témoignage : témoignage personnel concernant des questions privées formulées par des personnes « anonymes » issues de la société civile.

    Les médias ont toujours valorisé le témoignage mais celui-ci occupe désormais une fonction particulière. Il ne vient pas appuyer un propos, illustrer un point de vue. Il vaut, au contraire, pour lui-même. Alors que le témoignage habituel met en scène une parole illustrative, le témoignage de la télévision de l’intimité met en scène une parole argumentative : la seule présence et expression du témoin et de son récit vaut vérité.

    Pour être crédible dans l’espace public, le témoignage privé se doit de permettre, par delà l’histoire individuelle et le cas personnel d’accéder à la généralité. La télévision de l’intimité a mis en place trois dispositifs de généralisation. Le témoignage représentatif dans lequel le témoin ressemble le plus possible, par ses idées, ses aspirations, ses expériences au citoyen « moyen ». Le témoignage emblématique par lequel le témoin en laissant entendre toutes les aspérités de son histoire parvient à incarner lui-même un problème plus général : à travers son histoire singulière se dessinent des souffrances collectives. Enfin le témoignage relationnel dont l’objectif est de renouer, au moins symboliquement, des liens distendus dans le social ou dans l’entourage familier.

    L’irruption du témoignage privé dans l’espace public renvoie à des phénomènes proprement liés au médias : la création d’un rapport d’identification avec un public que la néo-télévision a promu acteur du pacte relationnel. Mais cette assomption du témoignage relève aussi de phénomènes sociaux contemporains que la télévision capte et diffracte. Elle signe le déclin de la confiance en l’expertise et la méfiance envers les paroles institutionnelles. Elle accompagne la montée de l’individualisme et incarne les valeurs du relativisme culturel. Elle manifeste enfin l’épanouissement d’une culture psychologique de masse qui se diffuse au-delà des sphères intellectuelles.

    Au début des années quatre-vingt-dix, de nouveaux programmes de télévision déferlent sur les écrans provoquant un certain trouble parmi les téléspectateurs et suscitant des polémiques publiques enflammées. Les reality shows font leur entrée sur notre territoire cathodique. Citons, dans l’ordre d’arrivée, les principaux titres : Perdu de vue, La nuit des héros puis Les marches de la gloire, L’amour en danger, Mea Culpa, Témoin numéro Un1. En 1997, ce genre télévisuel paraît en déclin. La plupart des émissions-phares ont disparu. Toutefois, la publicisation du témoignage fondé sur la parole profane et l’expérience intime infiltre l’ensemble des programmes.

    Ces spectacles mettent en scène des histoires particulières vécues par des citoyens ordinaires ; ceux-ci sont convoqués, qui parce qu’il a été le héros d’un fait divers, qui pour dénouer un conflit conjugal, qui pour démêler des problèmes de cohabitation résidentielle, qui pour recomposer une famille disloquée par la fugue d’un des siens, qui parce qu’il a des démêlés avec une justice jugée trop lente. La télévision met en scène des profanes, leur fait raconter des épisodes vécus de leur vie, les invite à revivre en direct leur malheur ou leurs mésententes. Ces spectacles affichent, souvent, une volonté réparatrice : soigner des couples en crise, retrouver des personnes disparues, créer un élan caritatif, aider la justice... Ces émissions consacrent une télévision qui n’est plus seulement un témoin ou un organisateur de spectacles, un intermédiaire et un passeur de message : le petit écran devient acteur social. Convoquant sur scène des psychothérapeutes, organisant la charité publique.

    Cependant, ni le témoignage privé, ni l’action thérapeutique, ni la volonté caritative ne sont l’apanage d’un genre télévisuel baptisé reality show. D’autres émissions mobilisent les mêmes ressources. Ainsi, France 2, avec l’émission de Mireille Dumas Bas les masques, en recueillant les aveux, témoignages, confidences de personnes inconnues, a mis en scène, pendant plus de trois ans, la confession cathodique. La Grande famille recueille aussi, à l’heure du déjeuner, sur Canal Plus, des paroles qui engagent l’intimité des personnes invitées sur le plateau. De façon plus générale, la parole privée, le témoignage fondé sur des expériences personnelles font désormais partie du paysage télévisuel dès que sont débattues ou montrées des questions relatives aux mœurs, à la santé, à la vie quotidienne. 52 sur la une de Jean Bertolino est en grande partie fondé sur le témoignage privé. Envoyé spécial n’échappe pas à la contagion lorsque sont traitées ce type de questions. Jean-Marie Cavada, François de Closet, Jean-Luc Delarue ou Paul Amar orchestrent désormais, à côté de la parole d’experts et de spécialistes, la parole de profanes dès qu’ils traitent de viol, de logement, de stérilité... Le documentaire qui, sur le petit écran, a, de tout temps, aimé montrer des gens ordinaires, illustrer des propos généraux par des cas particuliers et des histoires de vie s’engage avec plus de netteté aujourd’hui dans ce sillon. Daniel Karlin, dans ses longs documentaires2 met en scène des personnes lambda dans leur vie de tous les jours, leur fait évoquer leurs souffrances, leurs difficultés, les soumet à un questionnement souvent très psy. L’agence CAPA réfléchit aussi beaucoup sur la mise en scène du social à travers des figures emblématiques3.

    Nous assistons donc, depuis quelques années, à la montée d’un phénomène, dont les reality shows ne forment que l’écume. Ce phénomène est bien plus général. Il se caractérise par une nouvelle forme d’articulation de la parole privée et de la parole publique. La parole privée ne vient plus seulement illustrer un propos, accompagner une démonstration. Elle vaut en elle-même comme parole publique, c’est-à-dire comme parole susceptible de nourrir le débat collectif, de s’intégrer à l’espace public.

    Cette articulation que la presse et la radio avaient découverte depuis déjà quelques années, gagne le petit écran, y acquiert, à cause de l’image, un statut particulier. Ainsi naît la télévision de l’intimité4 (Mehl, 1996) qui se caractérise, quel que soit son support, par deux traits fondamentaux :

    • elle porte la confidence sur la place publique, met en scène des histoires privées, des malaises, des mal-êtres, des difficultés, des problèmes vécus et racontés à la première personne ;

    • elle sollicite le témoignage de citoyens ordinaires qui exhibent leurs expériences, infléchissant ainsi le débat public dans une direction bien différente de celle mise en œuvre par les experts.

    Typologie de la parole privée médiatisée

    L’étude des émissions, les rencontres avec leurs principaux protagonistes (professionnels, spécialistes, témoins anonymes) conduisent à proposer une typologie des diverses formes de cette nouvelle parole publique. Typologie qui prend en compte le destinataire du message et les effets de celui-ci pour le messager, pour le public et plus généralement pour le corps social.

    Le message personnel configure la première forme de passage de la parole privée sur la scène publique

    Dans cette configuration, le témoin5 s’installe pour annoncer à ses proches quelque chose qu’il n’a pu formuler en face-à-face. Révélation d’une maladie, revendication d’une sexualité particulière... ; le biais de la télévision a souvent été utilisé par des personnes séropositives pour avouer à leurs familles qu’elles avaient contracté le virus. Cette confidence n’avait pu s’énoncer en privé, tant leur environnement leur paraissait lointain, muré ou hostile. Ou, tout simplement, la nouvelle semblait tellement effrayante quelle ne pouvait se formuler yeux dans les yeux. La culpabilité et la peur d’un jugement ont souvent sous-tendu ces secrets familiaux. La scène publique qui protège du regard et du jugement devient alors un moyen pour annoncer l’indicible.

    Cette forme de message qui emprunte les voies les plus publiques pour atteindre le noyau le plus proche n’est pas la formule la plus fréquente sur nos écrans. Mais elle a toujours fortement impressionné les téléspectateurs et les critiques. Car, bien quelle représente un faible nombre de ces témoignages, elle s’avère paroxystiquement symbolique d’un malaise dans la communication. Les personnes qui ont recours aux médias pour parler à leur entourage avouent, en effet, leur extrême solitude, leur difficulté à trouver des oreilles attentives, le caractère fort ténu de leurs relations sociales. Ils n’ont pas de confidents, souvent pas d’amis, parfois pas de copains. Leur vie sociale, professionnelle et familiale s’inscrit dans un vide communicationnel. De plus, ils vivent, de façon douloureuse, l’écart entre la discrétion, voire le silence, qui, dans leur famille, entoure la parole sur soi et la légitimité que la société actuelle semble accorder à ce type d’échange. Avant de tout enfouir, de tout refouler, ils s’adressent à cette télévision qui leur donne la parole sans les juger comme à un palliatif de cette absence de communication interpersonnelle. Ce faisant, ils accostent sur la scène publique pour aborder la scène privée.

    Le verbe thérapeutique représente la deuxième incarnation publique d’une parole privée

    Les témoins se rendent sur les plateaux avec une demande de prise en charge curative, tandis que les professionnels de la télévision inventent des dispositifs publics qui miment la démarche psy. Deux mises en scène prévalent sur nos écrans.

    La première, initiée par Psy show en 1983, reprise par L’amour en danger en 1992, porte à l’écran des éléments de la cure. Dans Psy show, le psychanalyste Serge Leclaire participait, avec ses mots, à l’interrogatoire des personnes venues raconter leurs difficultés. En fin de parcours, il émettait une interprétation de la crise qui venait d’être jouée et racontée sur scène. Plus tard, la même équipe conçoit L’amour en danger qui pousse plus loin la mise en scène du discours psy. Les couples en crise sont invités à jouer sur scène des psychodrames à éventuelle vertu thérapeutique. Puis la psychologue, Catherine Muller, conduit la seconde moitié de l’émission, pendant laquelle elle alterne questionnement sur leur enfance, leur rencontre... et interprétation de la discorde actuelle par des éléments de leur histoire relationnelle.

    La deuxième mise en scène est focalisée sur l’écoute. La télévision montre, dans ce cas, quels attitudes, dispositifs, et modes d’interrogation sont mis en œuvre dans un face-à-face psychothérapeutique. Les interviews conduites par Mireille Dumas, dans le cadre de Bas les masques, en étaient une illustration éloquente. Regard compréhensif, signes de tête encourageants ou approbateurs, écoute neutre où ne perce jamais l’ombre d’un jugement, relance à partir du discours même de l’interviewé, rythme lent du dialogue qui respecte les silences, les pauses, les hésitations, les sanglots. La posture physique de l’animatrice, le corps penché vers son interlocuteur, les gestes de mains encourageants, indiquent une attitude de compréhension. Nous sommes loin du rythme saccadé de l’interview médiatique qui redoute les longueurs, les tunnels, les digressions.

    Mime en temps express de la thérapie psy ou mode d’écoute psy, ces deux mises en scène s’inscrivent au cœur d’une contradiction typique de la société française contemporaine : la difficulté qu’éprouvent certaines personnes à accéder à l’institution psy. Nourries de « culture psychologique de masse »6, parlant spontanément le langage de Freud, elles évoquent, sans effort l’Œdipe de leur fils, leurs transferts, leurs pensées inconscientes, leurs lapsus et leurs fantasmes. Elles n’ont cependant pas accès à l’institution de soins. Soit que cette dernière leur semble trop distante, trop élitaire, trop intellectuelle. Soit qu’elles n’envisagent la cure que dans le cadre de pathologies lourdes : « On n’est pas fous » disent-elles. Pour traiter le petit malheur quotidien, la crise relationnelle, elles ne savent pas à qui s’adresser. Le petit écran, en leur offrant une écoute et une promesse de mieux-être, s’inscrit dans cette fissure.

    La parole identitaire représente la troisième forme de parole privée muée en parole publique

    Les propos tenus sur scène par les témoins relèvent, dès lors, de la divulgation d’un secret. La confidence prend la forme de l’aveu. Sur des questions de mœurs, de maladie, de sentiments cachés, la parole publique revêt, alors, une fonction cathartique. « Le simple fait d’en parler, fait du bien », disent les témoins pris dans ce processus. Cette parole, toutefois, se distingue du message personnel. Ces personnages, en effet, ne se plaignent pas de difficultés à communiquer en face-à-face. Ils ont des amis, des parents, voire des psychothérapeutes avec qui ils ont parlé de ces questions. Mais c’est leur identité sociale qui est mal assurée. Eux-mêmes se situent difficilement dans la société ; à l’inverse, celle-ci ne sait quel statut leur accorder. Dans ce scénario, l’aveu d’une maladie, d’un mode de vie particulier, d’une souffrance n’est pas une annonce aux proches mais une sorte d’appel au regard social, une demande d’assurance ou de réassurance dans un contexte où la norme est incertaine.

    Cette forme de parole privée muée en parole publique s’inscrit en effet dans un contexte de flou des références normatives. Non que les valeurs aient disparu ou que la morale soit en berne. Mais les valeurs se sont dispersées, la morale est devenue plurielle, les modes de vie et choix normatifs s’équivalent désormais. L’« individu incertain » devient, ainsi, l’« entrepreneur de sa propre vie »7. Dès lors, toute exposition publique inscrit cette recherche identitaire dans le social au lieu de la cantonner à la sphère privée où souvent elle s’englue. Une attestation par la collectivité de la légitimité de comportements choisis, même déviants, devient un moyen de réinscription sociale. En ce sens, la confession cathodique s’inscrit dans la même logique que les confessions laïques, tels l’autobiographie, les journaux intimes ou la cure analytique8. Exempte du sceau de la faute et donc du pardon, elle s’affilie néanmoins à un processus de décul-pabilisation et de réinscription sociale.

    Enfin, le message collectif représente le quatrième type de parole privée portée sur la scène publique

    Là, les témoins accèdent aux sunlights pour parler d’eux, mais également, à travers eux, d’une expérience plus collective. Ils se présentent au titre de l’exemplarité de leur expérience. Ils parlent à la première personne dans la mesure où ils sont investis d’une identité emblématique. Par delà leurs aventures individuelles ou leurs malheurs particuliers, ils essaient de transmettre un message valable pour d’autres. La grande majorité des émissions de Mireille Dumas s’inscrit dans cette perspective. Pour la période qui s’étend de septembre 1992, date du premier Bas les masques à fin juin 1995, trois quarts environ des thèmes traités par l’émission se situaient dans cette logique. Sur des questions très intimes, comme la jalousie, sur des problèmes plus partagés, comme la drogue ou l’avortement, ou sur des thèmes portés déjà sur la scène publique par l’action associative tels la séropositivité ou l’alcoolisme, les témoignages personnels visent à raconter des histoires édifiantes, à populariser des expériences partageables. Derrière le cas particulier, se glisse le message collectif.

    Là encore, ce mode d’inscription dans l’espace public a des racines sociales. En effet, ces discours ont une parenté avec l’action des associations constituées sur des enjeux identitaires et fondées sur l’échange d’expériences. Ces « groupes de parole » initiés par les mouvements critiques des années post-soixante-huit, notamment par le mouvement féministe, ont éclos timidement sur notre territoire. La parole télévisuelle recrute souvent ses témoins au sein de ce tissu associatif. Mais elle se loge encore plus fréquemment au creux de cette présence associative. Car le développement de ces lieux de rencontre et de partage connaissent en France un faible développement. Contrairement aux États-Unis où tout thème privé peut donner lieu à la formation d’un groupe de conscience. Ainsi, le message collectif véhiculé par le canal cathodique s’inscrit en place, et parfois à la place, de ces corps intermédiaires, issus de la société civile et qui gèrent ou régulent, des manières de vivre ensemble ou des façons de vivre ses différences.

    L’espace public et privatisé

    Ces nouvelles formes de parole publique contribuent à modifier l’espace public. Sans entrer dans les débats théoriques qui scandent l’histoire du concept, nous voudrions montrer en quoi la télévision de l’intimité donne à l’idée d’espace public médiatisé un contour, une allure, une configuration qui le distingue des conceptions issues de la tradition des Lumières.

    Louis Quéré9, suivant en cela les traces de Hannah Arendt10, souligne la nécessaire double caractérisation de l’espace public comme creuset du débat collectif, d’un côté, et comme scène d’apparition, de l’autre. "La notion d’espace public comporte deux idées essentielles, précise-t-il : celle d’une sphère publique de libre expression, de communication et de discussion, cette sphère constituant une instance médiatrice entre la société civile et l’État, entre les citoyens et le pouvoir politico-administratif ; celle d’une scène publique, c’est-à-dire d’une scène d’apparition où accèdent à la visibilité publique aussi bien des acteurs et des actions, que des événements et des problèmes sociaux. C’est par les dispositifs de « publicisation » qui soutiennent cette scène que le pouvoir reste soumis au regard et au contrôle de tous. Ce qui suppose la présence d’un public doté d’un intérêt pour la chose publique, d’une capacité de perception et de jugement et d’une capacité d’initiative ou de réaction ».

    L’espace public fondé en raison s’appuie sur des savoirs, des expertises, des connaissances, des opinions et connaissances argumentées, des références à des systèmes de pensée. Lorsqu’il donne à voir des cas particuliers, lorsqu’il valorise une histoire singulière, ceux-ci viennent à titre d’exemple ou d’illustration renforcer l’argumentaire abstrait. Les situations, les personnages, les histoires individuelles se doivent d’être instructives pour ne pas laisser le débat collectif sombrer dans l’anecdotique. L’espace public fondé en raison donne la parole à des savants, des experts, des spécialistes, des responsables, des intellectuels, des artistes... Tous incarnent une certaine vision de l’intérêt général.

    L’espace public médiatique consacré par la télévision de l’intimité installe une autre configuration qui place au centre du débat collectif, la promotion de l’expérience. Il valorise les émotions, exalte la singularité, encourage le discours profane. Il donne à voir des cas individuels, des exemples suggestifs, des personnages emblématiques qui incarnent à eux seuls des idées, des opinions, des conceptions. Il cède la parole à des usagers, des consommateurs, des citoyens ordinaires. Toute la télévision contemporaine est emportée par ce mouvement. Sonia Livingstone et Peter Lunt l’ont eux aussi observé sur d’autres écrans. Ils parlent d’une « reformulation des règles du débat médiatique, dans le sens d’un éloignement par rapport à la tradition qui privilégie l’expertise et les formes scientifiques du savoir élitiste, chasse gardée typiquement masculine, au profit d’un discours fondé sur le savoir des gens ordinaires, qui s’appuie sur l’expérience personnelle, l’observation directe et un mode d’expression narratif »11.

    L’espace public fondé sur la raison, même s’il incorpore l’émotion12, entraîne le débat collectif sur les sentiers des savoirs constitués et de leur transmission ; l’instruction est au cœur de son dispositif. L’espace public fondé sur l’expérience engage, lui, sur les voies de l’initiation, de l’éveil, de la découverte ; l’apprentissage en constitue le rouage essentiel. Dans ce cas, la monstration l’emporte sur la démonstration, la compréhension prévaut sur l’information, l’idée d’authenticité supplante celle de véracité.

    Roger Chartier distingue deux psychologies : « l’une de l’enthousiasme et de la fusion, l’autre de la délibération et du raisonnement », ainsi que deux types d’épistémologies, « d’un côté celle de la persuasion, où ce qui est manié c’est un ensemble de preuves qui doivent entraîner la conviction et qui n’ont d’autre validité que leur efficacité au regard de cette conviction, et, d’un autre, celle de la démonstration qui est un raisonnement de type déductif à partir d’un certain nombre de prémisses ». La première se situe du côté du « régime de la parole », la seconde du côté du « régime de l’écrit »13. Les médias de masse, et tout particulièrement la télévision de l’intimité, s’inscrivent entièrement dans le premier registre.

    L’espace public fondé sur l’expérience pose la question du statut de l’expertise et du rôle du témoignage dans le débat d’idées. Le savoir, la connaissance, la relation pédagogique ont à la fois des effets de vérité et des effets d’imposition. Ils fondent la rationalité de l’espace public, en même temps qu’ils dévaluent, d’une certaine façon, les discours profanes. À l’inverse, l’expérience valorise le cas particulier et les affects. Vecteur de l’« authenticité »14, elle génère des effets (le découverte et d’apprentissage, mais aussi des effets d’obscurantisme et de partialité. L’expérience alimente la prise de conscience et, éventuellement, la réflexion. Elle n’enrichit pas un savoir constitué.

    Ainsi, l’expérience portée sur la place publique contribue à faire accéder au patrimoine collectif des intuitions, sensations, modes de lecture profanes. En ce sens elle enrichit le débat public. François Dubet le souligne : « À cette représentation émotionnelle de l’expérience, se juxtapose une seconde signification : l’expérience est une activité cognitive, c’est une manière de construire le réel et surtout de le "vérifier", de l’expérimenter. C’est une activité qui structure le caractère fluide de la "vie". »15

    Toutefois, à l’inverse, l’expérience se présente aussi comme une source possible d’appauvrissement de l’argumentaire collectif. Elle hypertrophie des points de vue partiels et ponctuels, prête à l’adhésion mais peu à la controverse. En effet, toute expérience se vaut et si le témoin peut se tromper, il ne peut pas tromper son auditeur. Le témoignage requiert adhésion et ne peut être contredit par des argumentations rationnelles. Aussi, l’espace public modelé d’abord, voire seulement par la relation d’expérience, apparaît comme un espace consensuel où le conflit et la contradiction risquent d’occuper une place ténue.

    Telles sont les questions et les réponses en demi-teinte que suggère la privatisation de l’espace public médiatique.

    L’espace privée publicisé

    Les frontières entre vie publique et vie privée sont historiquement et culturellement changeantes16. Les territoires de l’intimité fluctuent d’une période à l’autre, d’une société à l’autre, d’un milieu à l’autre, d’un sexe à l’autre. Les idées, les pratiques, les convictions, les mœurs, les sentiments s’exposent ou se cachent au gré des évolutions sociales, psychologiques, religieuses, éthiques.

    La reconnaissance d’une séparation entre les sphères publiques et privées résulte d’un long processus de différenciation. Pour Philippe Ariès, l’émergence progressive de la sphère privée comme sphère autonome représente l’aboutissement de trois processus. Le premier qui se déroule aux XVIe et XVIIe siècles marque la conquête de l’intimité individuelle. Un certain individualisme des mœurs s’affiche, tandis qu’apparaissent des lieux (privés) retranchés du regard et du contrôle social. Le deuxième processus débute au XVIe siècle pour s’épanouir au XVIIIe. Il consacre le développement de la conversation, marqué par l’éclosion de petites sociétés vouées à la discussion, la correspondance et la lecture à haute voix. Enfin, le troisième volet qui mène jusqu’au XXe siècle concerne la famille. Elle tend à devenir une identité affective, un refuge des individus contre les agressions de la société17

    Alain Corbin a minutieusement étudié la lente assomption du privé qui imprime tout le XIXe siècle. Elle se marque d’abord par la délimitation progressive d’une identité individuelle grâce à la multiplication des prénoms, le développement du portrait, le succès de la photographie. L’individualisation se traduit également par la valorisation du corps, impliquant simultanément des progrès de l’hygiène intime et la recherche d’une modestie de l’apparition en public. En même temps, l’introspection et les loisirs solitaires se banalisent. La sexualité devient centrale, tandis que le sentiment se réinvente. Ces nouvelles pratiques et conceptions s’entourent d’un halo de secret afin d’échapper à l’emprise cléricale ; c’est désormais à la famille qu’est confié le soin d’abriter et de protéger ces nouvelles valeurs18. Trois figures centrales qui, jusque dans les années 1920, géraient au plus proche la vie privée, disparaissent : le directeur de conscience pour le spirituel, le notaire pour le matériel et le médecin pour le corporel19. Le XIXe siècle consacre, dès lors, le triomphe de la famille.

    Le XIXe siècle enclenche un processus inverse de socialisation ou resocialisation de nombreuses fonctions privées. L’éducation, la santé, l’alimentation, l’hygiène, l’entretien physique, la sexualité, la reproduction, tous ces aspects de la vie personnelle, demeurés jusqu’alors l’apanage de choix individuels, échappent désormais en grande partie aux familles. L’État, les institutions sociales, les associations volontaires prennent en charge, au moins en partie, ces fonctions. L’école, l’hôpital, la médecine, les organismes sociaux... enlèvent au monopole des familles la définition des normes, l’encadrement des comportements, l’acquisition des apprentissages sur toutes ces questions qui touchent aux savoirs et l’inculcation aux mœurs et à la vie hors travail.

    La famille et les individus n’en sont pas, pour autant, déchargés de tout contrôle, de toute gestion, de toute marge de manœuvre dans le domaine des modes de vie. Au contraire, tandis que certains enjeux se publicisent, d’autres se privatisent. Ainsi, tandis que la mort et la maladie s’expatrient des domiciles pour être prises en charge dans des lieux publics, hôpitaux ou cliniques, par des personnels spécialisés sans attache affective avec les patients ou les mourants, à l’inverse, le deuil se privatise. Aucun rite reconnu par l’ensemble du corps social n’accompagne plus la perte d’un proche. Même le ruban noir a disparu des cols de manteaux. Les individus demeurent seuls face à la disparition de leurs proches et réinventent, chacun pour soi, leurs propres repères20. Autre exemple : le mariage et sa dissolution. Le divorce, juridicisé de bout en bout, est géré par la société selon des normes et des procédures collectivement établies. À l’inverse, le lien matrimonial devient purement privé. Échappant en grande partie à l’institutionnalisation, par la cohabitation et le concubinage, il devient pure affaire élective et affective. Le démariage s’accompagne de la privatisation de la conjugalité21. De même, les mouvements féministes et l’action politique ont contribué à inscrire, dans la loi, l’égalité entre hommes et femmes, à pénaliser des atteintes à l’intégrité féminine comme le viol. Pourtant, dans le même temps, les nouveaux rôles masculins et féminins, la délimitation de leurs identités proprès, de leurs territoires et de leurs rapports s’expérimentent dans des cadres strictement privés22.

    La télévision de l’intimité s’inscrit, elle, dans un mouvement de publicisation. Elle recule les frontières de la vie privée. Le petit écran accueille des confidences indiscrètes sur les relations conjugales et la sexualité de nos contemporains. Les caméras se braquent sur des scènes réputées jusqu’alors inaccessibles au regard d’autrui. Les secrets s’échappent des alcôves, les mystères du colloque singulier entre malade et médecin, entre patient et psy, s’exposent au grand jour. Aveux de faiblesse, souffrance intime, malheur de la marginalité, tensions et déchirements relationnels passent la rampe. C’est dans la monstration du relationnel que la télévision actuelle atteint des sommets jusqu’alors interdits. La télévision de l’intimité se démarque moins, en effet, par les propos qu’elle colporte que par les relations interpersonnelles qu’elle exhibe. Les journaux féminins, la radio, avec Ménie Grégoire puis Françoise Dolto, avaient, depuis longtemps, brisé à l’oral certains tabous de l’intimité. Les propos tenus dans les studios de télévision ne sont guère plus audacieux. Mais la personnalisation du propos, la levée de l’anonymat, l’éclairage braqué sur les échanges gestuels et expressifs entre les protagonistes des émissions recèlent, eux, un accent de nouveauté et un parfum de scandale.

    En portant à l’écran l’interrelationnel, la télévision de l’intimité marque la scène publique du sceau de « l’inter-personnalité »23. Elle participe activement au mouvement de publicisation du privé.

    Espace public/espace privé

    De nombreux auteurs ont manifesté leur inquiétude et leur réprobation face à ce double mouvement de publicisation de l’espace privé et de privatisation de l’espace public. Richard Sennett diagnostique un déclin de l’esprit civique, une perte de substance de l’espace public consécutifs à la psychologisation des rapports sociaux, trait marquant de la société intimiste. « Notre culture urbaine moderne a perdu le sens du monde public et remplacé la vie expressive et l’identité de l’homme public par une nouvelle vie plus personnelle et plus authentique, mais finalement plus vide » déplore-t-il24. Christopher Lasch manifeste la même défiance en insistant, lui, sur les changements de personnalité induits par le triomphe du narcissisme. Cet amour de soi, ainsi que le culte des relations interpersonnelles, conduisent, selon lui, à un double processus de désaffectation. Sous la houlette de Narcisse, l’espace public est désinvesti, tandis que l’air intérieur se trouve raréfié. « Le culte des relations personnelles, qui s’intensifie à mesure que s’éloigne l’espoir de solutions politiques, cache un désenchantement profond vis-à-vis de ces relations, de même que le culte de la sensualité implique une répudiation de toute sensualité, excepté dans ses formes les plus primitives. L’idéologie du développement personnel, optimiste à première vue, irradie résignation et désespoir profond. Ont foi en elle ceux qui ne croient en rien », regrette-t-il25. Plus près de nous, Gilles Lipovetsky condamne, lui aussi, ce nouvel air du temps qui annonce, selon lui, « l’ère du vide » : « Dans un système organisé selon le principe de l’isolation « douce », les idéaux et valeurs publiques ne peuvent que décliner, seule demeure la quête de l’ego et de son intérêt propre, l’extase de la libération "personnelle", l’obsession du corps et du sexe : hyper-investissement du privé et conséquemment démobilisation de l’espace public », stigmatise-t-il26.

    Notre enquête dans les coulisses de la télévision de l’intimité invite à dessiner un autre tableau. L’espace public, nous l’avons vu, est amplement modifié par les nouvelles règles du débat public. En plaçant l’expérience au cœur de l’argumentation, il se trouve étroitement imbriqué avec l’espace privé. Cet entremêlement ne conduit cependant pas à l’extinction de l’espace public mais à son infléchissement, il ne produit pas son anesthésie, mais une autre forme de vivification. De même, l’espace privé n’est pas davantage vidé de sa substance par la révélation de ces secrets intimes. Les témoins, tous volontaires pour ces exhibitions, choisissent eux-mêmes l’endroit où ils placent la barre de leur intimité. Leur jardin secret reste, disent-ils, à l’abri du regard d’autrui. Ainsi, l’intimité en se socialisant, devient également socialement indéterminée. L’espace privé ne se réduit pas à ce fragment de vie, à ce bouquet de sentiments qui a accédé, un moment, à la place publique. Pour chacun demeure, à l’abri du regard extérieur, son moi profond, sa capacité à délibérer avec soi-même, ses pensées inconscientes. Cette socialisation / subjectivisation de l’intimité correspond à la conception que se fait le droit de la vie privée et de sa protection, conception exclusivement fondée sur le consentement de la personne27

    « Vie privée publique »/ « vie publique privée »28, cette double imbrication n’aboutit pas à la confusion, pas plus à la fusion des espaces. Aussi, la télévision de l’intimité incite-t-elle à penser, en d’autres termes l’articulation entre privé et public. Ce partage a toujours été conçu en termes de territoires et leur séparation en termes de frontières. Des espaces, des territoires, des frontières ; cette pensée géopolitique domine largement la réflexion. Quand les frontières se déplacent (trop ?) l’alarme est donnée. Les incursions du privé dans le public et du public dans le privé sont vécues comme une menace pour la démocratie.

    Pourtant, les travaux historiques sur les documents écrits privés, comme les autobiographies ou les journaux intimes, signalent les racines de l’interpénétration entre le privé et le public. Michelle Perrot, Philippe Lejeune ou Marie-Françoise Lévy ont montré comment le journal intime a joué, dès le XVIIIe siècle, un rôle important dans le processus de socialisation des jeunes filles29. Anne Vincent-Buffault analyse comment la pratique la plus secrète, celle du journal intime, s’inscrit dans une relation tout à fait sociale : l’amitié30. Philippe Lejeune a mis en lumière le rôle social joué par l’acte autobiographique31. Plus récemment, les écritures ordinaires étudiées par Daniel Fabre, Jean-Pierre Albert ou Claude Fossé-Poliak révèlent les vives aspirations à l’identification sociale recelées par ces textes domestiques ou intimes32.

    La montée de la culture psychologique de masse et la télévision de l’intimité confirment cette approche. Plutôt que de parler en termes d’étanchéité et de séparation, les médias contemporains conduisent à penser en termes de processus et d’articulation. Plutôt que de désigner des zones, des lieux, des forteresses, des bastions, la télévision de l’intimité conduit à repérer des entrelacs, des interactions, des scènes et des mises en scène. Il n’existe pas, d’un côté, une personne se forgeant son identité à l’abri des regards et des écoutes, et un espace de débat où l’acteur préconditionné s’intégrerait selon des règles spécifiques à l’espace commun. Il y a, au contraire, modelage constant des rôles privés par les rôles publics et inversement.

    La formation de la singularité, d’un côté, la maturation de l’opinion publique de l’autre, s’opèrent à travers des mouvements de publicisation et de privatisation, c’est-à-dire de mise en débat et en visibilité d’un côté, de réappropriation et de repli de l’autre. Exposition et dissimulation de la personne alternent autour d’un même enjeu et contribuent, l’une comme l’autre, à l’identification personnelle et sociale du sujet.

    Selon que les scènes où se produisent les acteurs s’adressent à un public plus ou moins étendu et sont plus ou moins connectées avec des débats collectifs, ces enjeux seront plus ou moins socialisés. La scène domestique représente un lieu d’articulation du privé et du public à destination d’un public réduit. À l’inverse, la scène médiatique mêle les deux registres devant et pour un « grand public ». D’autres scènes, professionnelles, résidentielles, urbaines, culturelles, associatives, politiques... donnent à voir et à entendre des propos mi-privés / mi-publics à des auditoires spécifiques.

    L’articulation entre le privé et le public s’opère à plusieurs niveaux de la vie sociale. À chacun de ces niveaux, la singularité s’élabore en interaction avec une extériorité ; à l’inverse les référents sociétaux se forgent au contact des exigences du moi :

    • à un premier niveau, le tandem espace privé / espace public concerne le processus de formation des opinions et des valeurs. L’espace privé se nourrit, se percute, se noie, se déploie en symbiose avec l’espace public où s’affichent les opinions et valeurs en débat. Mais, à l’inverse, les grandes références de la société se fixent à l’aune de leur mise en forme privative ;

    • à un second niveau, le couple vie privée/vie publique désigne les mœurs et la vie quotidienne. La vie privée se miroite dans la vie publique où s’exhibent les mœurs reconnues, se glissent des comportements plus marginaux, se donnent à voir des vies contestataires. En retour, ces options de vie affichées inspirent l’individu dans ses choix de vie quotidiens ;

    • à un troisième niveau, le duo intimité/ « extimité » est associé aux sentiments et aux affects. L’intimité se formule et se reformule au gré de ses apparitions publiques. Sentiments et émotions se montrent ou se cachent, se montrent puis se cachent selon l’humeur de la personne mais aussi selon l’air du temps.

    • Enfin, à un dernier niveau, l’ensemble for interne/for externe qualifie le débat de conscience, la délibération de soi à soi. Le for intérieur ne constitue le siège d’un examen de conscience, d’une forme d’introspection et de tribunal érigé contre soi que dans la mesure où il entre en résonance avec les institutions extérieures, avec le for externe.

    Plusieurs auteurs insistent sur cette interaction. « Le for interne suppose la catégorie du privé comme condition nécessaire à la formulation publique d’une opinion mûrement pesée » annonce Jean Leca33. « L’institution s’insinue au cœur de la subjectivité de chacun en y installant un dispositif d’auto-surveillance et de contrôle qui assure sa reproduction » enchaîne Jacques Chevallier34. Ou, comme le souligne François Dubet : « L’activité critique du sujet ne se déroule ni dans un vide culturel ni dans un vide social et, même dans le secret des consciences, l’introspection n’est qu’un dialogue social intériorisé »35.

    Ainsi se trouvent renversés les termes du débat initial. La publicisation de l’espace privé et la privatisation de l’espace publie n’anéantissent pas ces deux espaces. Elles les déspacialisent. Le privé et le public, historiquement et culturellement variables, en interaction continue, désignent plutôt des processus de mise en débat et en visibilité d’un côté, de mise au secret et de dissimulation de l’autre. Exposition de la personne et retrait de la personne ne sont pas alternatifs mais interdépendants. Le modelage du débat social de même que le façonnement de la singularité naissent de cet enchevêtrement.

    Notes de bas de page

    1 TF1 a eu l’initiative en portant à l’antenne Perdu de vue, en octobre 1990. France 2, alors dirigée par Hervé Bourges, emboîte le pas avec La nuit des héros qui démarre en septembre 1991, sous la houlette de Laurent Cabrol, et poursuit sa carrière jusqu’en décembre 1992, avec Michel Creton pour animateur. TF1 reprend la même idée sous le titre Les marches de la gloire qui sont projetées de septembre 1992 à juin 1993. D’octobre 1992 à juin 1993, la première chaîne programme L’amour en danger, une émission vouée à la réparation conjugale où des couples viennent exposer leurs différends en public et écouter les conseils d’une psychothérapeute. Mea Culpa est mise à l’écran entre mars 1992 et juin 1993 ; l’émission confronte des habitants en conflit de cohabitation autour d’une question de mœurs et tente d’opérer en direct la réconciliation des parties adverses. Témoin numéro Un démarre en mars 1993 et se propose de faire de la télévision un auxiliaire de la justice, notamment par des appels à témoin dans des affaires non élucidées. Depuis la rentrée de septembre 1995, de nouvelles émissions voient le jour, qui intègrent le témoignage privé, voire le règlement de compte interpersonnel, dans des émissions vouées davantage au divertissement qu’à la réparation. Ainsi, Pour la vie ou Tout est possible en deuxième partie de soirée sur TF1. Au printemps 1997 ne subsistent à l’écran que Pour la vie, et Tout est possible.
    Les émissions labellisées reality shows ont toutes, à l’exception de La nuit des héros, été conçues par la première chaîne.

    2 L’amour en France, Les enfants du juge Veron, Chroniques de l’hôpital d’Armentières, Les gens d’ici.

    3 À titre d’exemples récents citons Paroles de l’un à l’autre et Vies de toxicos.

    4 D. Mehl, La télévision de l’intimité, Paris, Le Seuil, 1996.

    5 Ainsi sont nommés par les professionnels du média les personnes anonymes, citoyens lambda qui participent à ces plateaux.

    6 R. Castel, J.-F. Lecerf, « Le phénomène psy et la société française », Le Débat, n° 1-2-3,1980. D. Sibony, Le peuple psy, Paris, Balland, 1993.

    7 A. Ehrenberg, L’individu incertain, Paris, Calmann-Lévy, 1995.

    8 A. Hahn, « Contribution à la sociologie de la confession et autres formes institutionnalisées d’aveu : autothéniatisation et processus de civilisation », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 62-63,1986. P. L. Assoun, « Le for intérieur à l’épreuve de la psychanalyse. Casuistique et inconscient », dans CURAPP, ouvr. cité., Paris, PUF, 1995.

    9 L. Quéré, « L’espace public : de la théorie politique à la métathéorie sociologique », Quaderni, n° 18, 1992.

    10 H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Presses Pocket, 1988.

    11 S. Livingstone, P. Lunt, « Se faire entendre dans l’espace public. Les femmes, la télévision et le citoyen spectateur », Réseaux, n° 63, 1994.

    12 P. Paperman, « Les émotions et l’espace public », Quaderni, n° 18, 1992.

    13 R. Chartier, « Dialogue sur l’espace public », Politix, n° 26, 1994.

    14 C. Taylor, Le malaise de la modernité, Paris, Le Cerf, 1994. A. Giddens, Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 1994.

    15 F. Dubet, Sociologie de l’expérience, Paris, Le Seuil, 1994.

    16 P. Ariès, G. Duby, Histoire de la vie privée (tomes 1 et 2, 1985 ; tome 3, 1986, tomes 4 et 5, 1987), Paris, Le Seuil, 1985.

    17 P. Ariès, « Pour une histoire de la vie privée », dans Ariès P. et Duby G. (sous la dir.), ouvr. cité, tome 3, 1987.

    18 A. Corbin, « Le secret de l’individu », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, tome 4, 1987. A. Corbin, « La relation intime et les plaisirs de l’échange », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, tome 4, 1987.

    19 G. Vincent, « Secrets de l’histoire et histoire du secret », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, tome 5, 1987. A. Corbin, « Cris et chuchotements », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, t. 4, 1987.

    20 P. Ariès, . L’homme devant la mort, Paris, Le Seuil, 1977.

    21 I. Thery, Le démariage, Paris, Odile Jacob, 1993.

    22 C. Castellain-Meunier, Les hommes aujourd’hui, Paris, Acropole, 1989.

    23 À côté du régime de l’impersonnalité puis de la personnalité définis par Richard Sennett (Sennett, 1979).

    24 R. Sennett, Les tyrannies de l’intimité, Paris, Le Seuil, 1979.

    25 C. Lasch, Le complexe de Narcisse, Paris, Robert Laffont, 1980.

    26 G. Lipovetsky, L’ère du vide, Paris, Gallimard, 1984.

    27 A. Bernard, « La protection de l’intimité par le droit privé, Éloge du ragot ou comment vices exposés engendrent vertu », dans CURAPP, ouvr. cité, Paris, PUF, 1995.

    28 D. Mehl, « La vie publique privée », Hermès, n° 13, 1994.

    29 M. Perrot, « Journaux intimes. Jeunes filles au miroir de l’âme », Adolescence, n° 4, 1986. P. Lejeune, Le moi des demoiselles. Enquête sur le journal de jeune fille, Paris, Le Seuil, 1993. M.-F. Levy, De mères en filles. L’éducation des françaises, 1850-1880, Paris, Calmann-Lévy, 1984.

    30 A. Vincent-Buffault, L’exercice de l’amitié. Pour une histoire des pratiques amicales aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Le Seuil, 1995.

    31 P. Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Le Seuil, 1975.

    32 J.-P. Albert, D. Fabre, Écritures ordinaires, Paris, POL, 1993. C. Fossé-Polliak, « Écritures populaires », Politix, n° 24, 1993.

    33 J. Leca, « Le for interne. Un essai de conceptualisation en situation », dans CURAPP, Le for intérieur, Paris, PUF, 1995.

    34 J. Chevallier, « For intérieur et contraintes institutionnelles », dans CURAPP, ouvr. cité. 35 F. Dubet, ouvr. cité.

    35 F. Dubet, ouvr. cité.

    Auteur

    • Dominique Mehl

      Directeur de recherche au CNRS

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    Table des matières

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    1 TF1 a eu l’initiative en portant à l’antenne Perdu de vue, en octobre 1990. France 2, alors dirigée par Hervé Bourges, emboîte le pas avec La nuit des héros qui démarre en septembre 1991, sous la houlette de Laurent Cabrol, et poursuit sa carrière jusqu’en décembre 1992, avec Michel Creton pour animateur. TF1 reprend la même idée sous le titre Les marches de la gloire qui sont projetées de septembre 1992 à juin 1993. D’octobre 1992 à juin 1993, la première chaîne programme L’amour en danger, une émission vouée à la réparation conjugale où des couples viennent exposer leurs différends en public et écouter les conseils d’une psychothérapeute. Mea Culpa est mise à l’écran entre mars 1992 et juin 1993 ; l’émission confronte des habitants en conflit de cohabitation autour d’une question de mœurs et tente d’opérer en direct la réconciliation des parties adverses. Témoin numéro Un démarre en mars 1993 et se propose de faire de la télévision un auxiliaire de la justice, notamment par des appels à témoin dans des affaires non élucidées. Depuis la rentrée de septembre 1995, de nouvelles émissions voient le jour, qui intègrent le témoignage privé, voire le règlement de compte interpersonnel, dans des émissions vouées davantage au divertissement qu’à la réparation. Ainsi, Pour la vie ou Tout est possible en deuxième partie de soirée sur TF1. Au printemps 1997 ne subsistent à l’écran que Pour la vie, et Tout est possible.
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    2 L’amour en France, Les enfants du juge Veron, Chroniques de l’hôpital d’Armentières, Les gens d’ici.

    3 À titre d’exemples récents citons Paroles de l’un à l’autre et Vies de toxicos.

    4 D. Mehl, La télévision de l’intimité, Paris, Le Seuil, 1996.

    5 Ainsi sont nommés par les professionnels du média les personnes anonymes, citoyens lambda qui participent à ces plateaux.

    6 R. Castel, J.-F. Lecerf, « Le phénomène psy et la société française », Le Débat, n° 1-2-3,1980. D. Sibony, Le peuple psy, Paris, Balland, 1993.

    7 A. Ehrenberg, L’individu incertain, Paris, Calmann-Lévy, 1995.

    8 A. Hahn, « Contribution à la sociologie de la confession et autres formes institutionnalisées d’aveu : autothéniatisation et processus de civilisation », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 62-63,1986. P. L. Assoun, « Le for intérieur à l’épreuve de la psychanalyse. Casuistique et inconscient », dans CURAPP, ouvr. cité., Paris, PUF, 1995.

    9 L. Quéré, « L’espace public : de la théorie politique à la métathéorie sociologique », Quaderni, n° 18, 1992.

    10 H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Presses Pocket, 1988.

    11 S. Livingstone, P. Lunt, « Se faire entendre dans l’espace public. Les femmes, la télévision et le citoyen spectateur », Réseaux, n° 63, 1994.

    12 P. Paperman, « Les émotions et l’espace public », Quaderni, n° 18, 1992.

    13 R. Chartier, « Dialogue sur l’espace public », Politix, n° 26, 1994.

    14 C. Taylor, Le malaise de la modernité, Paris, Le Cerf, 1994. A. Giddens, Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 1994.

    15 F. Dubet, Sociologie de l’expérience, Paris, Le Seuil, 1994.

    16 P. Ariès, G. Duby, Histoire de la vie privée (tomes 1 et 2, 1985 ; tome 3, 1986, tomes 4 et 5, 1987), Paris, Le Seuil, 1985.

    17 P. Ariès, « Pour une histoire de la vie privée », dans Ariès P. et Duby G. (sous la dir.), ouvr. cité, tome 3, 1987.

    18 A. Corbin, « Le secret de l’individu », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, tome 4, 1987. A. Corbin, « La relation intime et les plaisirs de l’échange », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, tome 4, 1987.

    19 G. Vincent, « Secrets de l’histoire et histoire du secret », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, tome 5, 1987. A. Corbin, « Cris et chuchotements », dans Ariès P. et Duby G., ouvr. cité, t. 4, 1987.

    20 P. Ariès, . L’homme devant la mort, Paris, Le Seuil, 1977.

    21 I. Thery, Le démariage, Paris, Odile Jacob, 1993.

    22 C. Castellain-Meunier, Les hommes aujourd’hui, Paris, Acropole, 1989.

    23 À côté du régime de l’impersonnalité puis de la personnalité définis par Richard Sennett (Sennett, 1979).

    24 R. Sennett, Les tyrannies de l’intimité, Paris, Le Seuil, 1979.

    25 C. Lasch, Le complexe de Narcisse, Paris, Robert Laffont, 1980.

    26 G. Lipovetsky, L’ère du vide, Paris, Gallimard, 1984.

    27 A. Bernard, « La protection de l’intimité par le droit privé, Éloge du ragot ou comment vices exposés engendrent vertu », dans CURAPP, ouvr. cité, Paris, PUF, 1995.

    28 D. Mehl, « La vie publique privée », Hermès, n° 13, 1994.

    29 M. Perrot, « Journaux intimes. Jeunes filles au miroir de l’âme », Adolescence, n° 4, 1986. P. Lejeune, Le moi des demoiselles. Enquête sur le journal de jeune fille, Paris, Le Seuil, 1993. M.-F. Levy, De mères en filles. L’éducation des françaises, 1850-1880, Paris, Calmann-Lévy, 1984.

    30 A. Vincent-Buffault, L’exercice de l’amitié. Pour une histoire des pratiques amicales aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Le Seuil, 1995.

    31 P. Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Le Seuil, 1975.

    32 J.-P. Albert, D. Fabre, Écritures ordinaires, Paris, POL, 1993. C. Fossé-Polliak, « Écritures populaires », Politix, n° 24, 1993.

    33 J. Leca, « Le for interne. Un essai de conceptualisation en situation », dans CURAPP, Le for intérieur, Paris, PUF, 1995.

    34 J. Chevallier, « For intérieur et contraintes institutionnelles », dans CURAPP, ouvr. cité. 35 F. Dubet, ouvr. cité.

    35 F. Dubet, ouvr. cité.

    La vie privée à l’heure des médias

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    La vie privée à l’heure des médias

    Ce livre est cité par

    • Robert, Pascal. (2005) La logique politique des technologies de l’information et de la communication. DOI: 10.4000/books.pub.31611
    • Robert, Pascal. (2005) La logique politique des technologies de l’information et de la communication. DOI: 10.4000/books.pub.31606
    • (2015) Memòria personal. DOI: 10.4000/books.cvz.1645
    • Mattart, Christophe. (2006) Le “sociologue-expert” à la télévision :un sens pour la posture sociologique ?. Recherches sociologiques et anthropologiques, 37. DOI: 10.4000/rsa.611

    La vie privée à l’heure des médias

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    Mehl, D. (2002). Télévision de l’intimité et espace public. In P. Baudry, C. Sorbets, & A. Vitalis (éds.), La vie privée à l’heure des médias (1‑). Presses Universitaires de Bordeaux. https://doi.org/10.4000/books.pub.31776
    Mehl, Dominique. « Télévision de l’intimité et espace public ». In La vie privée à l’heure des médias, édité par Patrick Baudry, Claude Sorbets, et André Vitalis. Pessac: Presses Universitaires de Bordeaux, 2002. https://doi.org/10.4000/books.pub.31776.
    Mehl, Dominique. « Télévision de l’intimité et espace public ». La vie privée à l’heure des médias, édité par Patrick Baudry et al., Presses Universitaires de Bordeaux, 2002, https://doi.org/10.4000/books.pub.31776.

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    Format

    Baudry, P., Sorbets, C., & Vitalis, A. (éds.). (2002). La vie privée à l’heure des médias (1‑). Presses Universitaires de Bordeaux. https://doi.org/10.4000/books.pub.31706
    Baudry, Patrick, Claude Sorbets, et André Vitalis, éd. La vie privée à l’heure des médias. Pessac: Presses Universitaires de Bordeaux, 2002. https://doi.org/10.4000/books.pub.31706.
    Baudry, Patrick, et al., éditeurs. La vie privée à l’heure des médias. Presses Universitaires de Bordeaux, 2002, https://doi.org/10.4000/books.pub.31706.
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