Voiles d’islam

p. 249-252

Note de l’éditeur

[d’après « Le tchador est toujours debout », Libération, 26.10.1989, p. io (« rebonds ») ; rèed. IN La laïcité dévoilée. Quinze années de débat

EN QUARANTE REBONDS, SOUS LA DIR. DE Jean-Michel Helvig, paris, Éd. de l’Aube, 2004, pp. 17-21 (« Les dossiers de Libération »)]

Note de l’auteur

À la rentrée des classes de 1989, une émotion collective manifestement disproportionnée entoura l’expulsion du collège de Creil de trois jeunes marocaines qui entendaient porter dans l’établissement ce foulard réglementaire – celui dont la mode s’était récemment épandue au Maghreb, sous l’influence des mouvements dits intégristes-on qualifiait là-bas les jeunes femmes vêtues de la sorte de « 404 bâchées »... Je ne suis pas, comme certains de mes collègues, un habitué de l’expertise en matière de débats de société. Sur ces questions, je ne pense pas que les « spécialistes » soient appelés plus que d’autres à éclairer la décision. Mais, pour le coup, une sainte colère me prit à voir le débat enfermé dans un strict cadre hexagonal, sur la part à faire au relativisme culturel face aux normes du jacobinisme laïque. Je pensais qu ’il fallait plutôt inscrire ce petit drame dans les mouvements sociaux de l’islam contemporain. C’est donc moins pour trancher sur une question anthropologique et historique évidement complexe, que par solidarité avec mes amis maghrébins « modernistes », que je me sentis devoir d’intervenir. Par connivence entre anciens maoïstes, Alexandre Adler, responsable alors, dans Libération, de la rubrique « Rebonds », accueillit ce papier – le seul que j’ai jamais pu placer dans ce journal. Avec le temps, je ne regrette pas ce texte « républicain », que je reproduis, évidemment, sans y apporter de modifications, même de pure forme (il a été repris en ouverture d’un recueil d’interventions de Libération/ Je me rends compte cependant que je n’ai pas sur le moment pris la mesure des arrières fonds politiques de l’affaire. Car la réclamation du père, fondée pourtant sur de grandes déclarations de principe, cessa après à l’envoi d’une délégation musclée de l’ambassade du Maroc – il était alors question de candidature à l’association à la communauté européenne – et le Directeur du collège de Creil y gagna un poste de député d’un parti de droite.


Extrait

1Dans le jeu un peu théâtral de guerre scolaire provoquée par l’affaire du « foulard islamique », il semble que les acteurs aient décidément échangé leurs rôles : ce sont cette fois les intégristes qui invoquent la liberté, tandis que les tenants du pluralisme laïque, suspectés d’exercer une infâme répression, expriment un embarras coupable. L’inquiétude s’accroît quand on entend les représentants du Front national pérorer contre toutes les calottes. Gageons qu’il s’agit là d’un libéralisme de circonstance, qui n’apparaît pas moins emprunté que les appels à la liberté auxquels se tient, très habilement, le père des fillettes de Creil.

2Il est évident que toutes les croyances raisonnables doivent être admises à l’école. Mais on doit se demander pourquoi une injonction aussi intangible de l’islam fait problème aujourd’hui seulement, alors que l’école républicaine gère des élèves musulmans depuis au moins un siècle. C’est que la question ne relève pas du droit mais de l’histoire. E

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