Le grand tour du monde des illustrateurs : Gaston Vuillier (1845-1915)

p. 95-111

Note de l’éditeur

[ « Le grand tour du monde des illustrateurs : Gaston Vuillier, rive sud », in Daniel Fabre (dir.), Gaston Vuillier ou le trait du voyageur [Catalogue d’exposition], Carcassonne, Garae Hésiode, 2002, pp. 59-67]

Note de l’auteur

Anthropologue d’une Europe rustique et populaire, Daniel Fabre était surtout un analyste aigu des imaginaires qui l’avaient produite et dont il voulait témoigner pour y avoir baigné. Ce sont ses enquêtes buissonnières, celles qu’il évoque dans son Bataille à Lascaux1, qui étaient son terrain et le guide de ses intuitions théoriques : car là aussi, il s’agissait de déquiller des œufs haut-perchés. C’était un professionnel travaillant ses dossiers avec application autant qu ’un animateur de thématiques collectives. Laboureur, peinant dans ses travaux de rédaction, il était aussi un jongleur, un homme d’éloquence et de malice méridionale – les deux, avec l’accent. Il savait, comme il se doit, combiner les dimensions de la haute de la petite culture, circuler entre une épistémologue historique aux ouvertures éblouissantes et un génie horticulteur2.

Il me convia ainsi à participer au séminaire qu ’il organisait à Carcassonne, en vue d’une exposition, sur le graveur audois Gaston Vuillier (1845-1915) qui avait été un collaborateur régulier des magasines de voyage créés par Edouard Charton (1807-1890). Ce fut pour moi l’occasion d’une excursion iconologique que je ne regrette pas. Car cet obscur mais tenace illustrateur des mondes ruraux de la Méditerranée dont il scrutait les poches de primitivisme, notamment celles que l’on trouve dans les iles (Corse, Sardaigne, Sicile, etc...), s’etait égayé dans le monde musulman qu ’il avait connu directement et dont, par contraste, il soulignait la dimension civilisée. En même temps que je découvrais le personnage, je cherchai à évaluer le rapport de ses imageries avec les paysages évoqués qu ’il rehaussait avec art.

À la mémoire de Daniel Fabre (1947-2016)


Extrait

1Comme entreprise intellectuelle, Le Tour du Monde soulève une difficulté critique à la thèse d’Edward Said sur cet « orientalisme » qui ne serait qu’une fiction à fin politique dans le cadre du projet colonial. On trouve en effet dans la revue d’Édouard Charton une représentation ethnographique des sociétés de l’Orient et, plus largement, de ce que l’on allait finir par appeler le Tiers-Monde. Mais celle-ci est balancée, en proportion à peu près égale, d’excursions dans des espaces beaucoup plus proches, et appartenant même dangereusement à l’Occident chrétien. À la périphérie des métropoles industrielles, les Alsaciens, les Bretons, les Corses, voire les Siciliens, qui appartiennent indiscutablement à l’Occident et allaient même compter parmi les agents les plus enthousiastes de la colonisation de l’Algérie, ont droit à la même époque, et selon les mêmes normes d’observation, à la curiosité d’un archivage ethnographique.

2Et c’est de la sorte une entreprise véritablement encyc

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