Enquêtes anthropologiques d’aujourd’hui... au Maroc

p. 57-67

Note de l’éditeur

[d’après « En tribu : Anthropologie politique d’une société maghrébine » :

À propos de Raymond Jamous, Honneur et baraka. Les structures sociales Traditionnelles dans le Rif (Paris, Éd. DE LA Maison DES SCIENCES DE l’Homme/ Cambridge, Cambridge University Press, 1981), Critique, n° 430,1983, pp. 190-200]

Note de l’auteur

Au début des années soixante-dix, un groupe de jeunes chercheurs enquêtant au Maghreb vint à se réunir de façon quasi-clandestine mais non moins régulière, pour ce qui prit la forme d’un séminaire hebdomadaire. Ils étaient rassemblés par un projet anthropologique commun, à la fois historique et critique. Projet ambitieux et travail désintéressé : c’était l’époque. Élément central de ces séances qui se déroulaient le plus souvent chez Raymond Jamous : elles se concluaient par un repas partagé – notamment de ces précieux « mezzés » libanais dont notre hôte s’approvisionnait à l’épicerie cosmopolite de la rue François Miron.

L’imagination sociologique était reine dans ces réunions. Jamous, notamment, nous exposa longuement la matière de sa thèse qu ’il devait soutenir en 1977. Le groupe avait éclaté depuis longtemps quand elle fut publiée. Pour rendre à César ce qui lui revenait, j’ai pris l’occasion d’un compte-rendu pour faire une sorte de reconnaissance de dette concernant ce qu’il m’avait appris – et aussi de quelques réticences durables que j’éprouvais déjà face à sa démarche. Je dus à la chaleureuse insistance de ma collègue Viviane Alleton de le voir paraître dans la prestigieuse revue Critique, encore animée par Jean Piel.


Extrait

1L’ethnologie, parce qu’elle se nourrit de modèles, a tendance à se répéter. Il faut toutes les vertus du « terrain », divine surprise, pour qu’elle innove tant soit peu. Avec les sociétés maghrébines, sociétés arabes et musulmanes, la difficulté est, on peut dire, doublée, car ce sont des sociétés qui prennent un malin plaisir à se ressembler. Non pas qu’il n’y ait pas entre elles, en fait, des différences fondamentales mais que, dans l’effort qui les habite depuis longtemps à se rattacher à une culture globale, elles en sont arrivées à tenir à leur endroit à-peu-près le même discours : un discours officiel où les distinctions entre le licite et l’illicite, le public et le privé, le théorique et le pratique, finissent par dessiner socialement une aire d’indicible et, finalement, d’inconscient. À ne pouvoir dépasser l’obstacle du discours que la société tient sur elle-même, les ethnologues finissent par parler aussi plus ou moins – plus ou moins bien – des mêmes choses. Aux var

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