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Danger pollutions !

 | 
Jean-Noël Salomon

Conclusion

Texte intégral

1Depuis quelques années des progrès ont été réalisés mais plus dans la prise de conscience que dans les actions concrètes. Mais ces progrès, réels, sont plus lents que souhaités et prévus. La pollution de l’eau par les rejets industriels ou urbains est en recul notable et la superficie des espaces protégés augmente. Par contre la pollution d’origine agricole se développe et la France reste souvent en retard par rapport à ses voisins européens. L’avenir reste sombre car presque tous les indicateurs de la qualité écologique sont au rouge et la plupart semblent devoir se dégrader (détérioration des sols, pollutions des nappes phréatiques, croissance de la quantité des déchets et dissémination des points noirs de pollution), ce que confirme le rapport de l’Agence européenne de l’environnement dans son rapport du 24 juin 1999 présenté à Luxembourg devant les ministres de l’environnement.

2Heureusement les mentalités changent et les hommes sont de plus en plus sensibles à la prise en compte législative et politique de la pollution (Fig. 33). Au début du siècle, seuls quelques cadres sectoriels étaient fournis et ce n’est que dans la seconde moitié du xxe siècle que l’on a commencé à prendre conscience de la nécessité de prendre en compte le fonctionnement des milieux et leur gestion. Enfin, plus récemment, ce sont les valeurs paysagères, bien que mal définies, qui sont intégrées dans l’approche environnementale. Il reste encore à tenir compte des concepts de principe de précaution et de développement durable.

Fig. 33 – La prise en compte progressive de l’environnement dans la législation française

3Ils se montrent également plus attentifs à l’environnement lors de leurs choix de consommateurs. La progression constante des achats de produits « biologiques », de papier recyclé, le choix des transports en commun pour des raisons écologiques, la constitution d’associations de consommateurs, sans compter le rôle du vote « écolo » sont autant de signes qui ne trompent pas. Mais les actions déclarées ne sont qu’un aspect de la sensibilité écologique. Depuis quelques années, le débat sur l’environnement s’est déplacé : d’une forte mobilisation sur les risques globaux (effet de serre), on est passé aux préoccupations quotidiennes et locales, liées à la santé, la vie en ville et la consommation.

4On sait l’héritage que le xixe siècle avait légué aux pays les plus anciennement industrialisés : villes noircies par la poussière, rivières transformées en égouts, régions marquées par les mono-industries (il convient de rappeler que dans certaines villes industrielles (Black Country, Ruhr, bassin de Lens, Silésie), la pollution était de 3 à 5 fois supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui. Mais l’on n’avait guère conscience, la plupart du temps par ignorance, des méfaits induits par la pollution même si l’on en constatait les dégâts (notamment les médecins).

5Pour sa part, le xxe siècle laissera sans doute au suivant précisément une conscience beaucoup plus aiguë des problèmes environnementaux. À cet égard, beaucoup de politiques engagées dans les années 70 devraient porter leurs fruits au début du xxie siècle, du moins on l’espère, notamment dans le domaine de la pollution de l’air, de l’eau ou de la protection des espaces les plus remarquables. Les stratégies de rigueur environnementale constituent de plus en plus un facteur d’attractivité et les règlements de zone exigeants ne font plus fuir les entreprises. On découvre aujourd’hui les problèmes hérités de la négligence, et l’on voit ce que cela coûte d’avoir à les gérer a posteriori. Être exigeant c’est aussi anticiper.

6Mais le combat contre la pollution et le conservatisme des mentalités sera long. Les mésaventures récentes de la loi sur l’eau ou de l’écotaxe française l’illustrent à merveille. La première a été vidée de sa substance en 2001. Créée en 1999, la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) devait incarner la volonté du gouvernement de se doter d’un véritable instrument fiscal de lutte contre la pollution (ce qu’ont fait l’Autriche, la Belgique, les Pays-Bas, la Finlande, le Danemark, l’Allemagne et la Suède ; l’Italie et le Royaume-Uni vont suivre). Moins de deux ans plus tard, sous la pression des lobbies industriels, patronaux et agricoles, elle a été réduite à la marginalité. Le rendement de la TGAP, prévu à l’origine à 1,91 milliards d’euros, a été revu à la baisse (1,07 milliard puis 0,35 milliard). Pourtant, grâce à la directive européenne du 20 décembre 2000, l’Europe s’est dotée d’un outil législatif puissant dont l’objectif est de garantir au moindre prix la qualité et l’accessibilité de l’eau. Les quinze États membres s’imposent pour la première fois une obligation de résultat : en 2015, toutes les rivières, nappes phréatiques, tous les lacs et eaux littorales doivent être en bon état. Les prochaines sessions parlementaires risquent d’être animées...

7Notre siècle léguera donc aux générations futures beaucoup de problèmes non résolus ou traités concernant les milieux naturels ou les infrastructures : déchets nucléaires et toxiques non ou mal éliminés, métaux lourds et pollutions chimiques (pesticides, engrais azotés) emmagasinés dans les sols, dans les sédiments ou dans les océans, bâtiments à « désamianter », plates-formes pétrolières ou centrales nucléaires à démanteler, gaz à effet de serre accumulés dans la haute atmosphère (leur durée de vie, 70 ans, en fait un héritage à long terme), stocks de pêche appauvris et sols érodés par une exploitation trop intensive, espaces et paysages artificialisés, friches agricoles, industrielles ou urbaines...

8De fait, alors que la priorité a été jusqu’ici légitimement donnée au traitement des flux (émissions de pollution ou prélèvement des ressources), le siècle à venir devra accorder une attention beaucoup plus grande à la gestion ou à la restauration des stocks. Cela passera à la fois par une redéfinition des droits de propriété, par une prévention beaucoup plus marquée des irréversibilités et par un effort de récupération et de réhabilitation des milieux dégradés. Cette attention portée aux problèmes des stocks, des patrimoines, se retrouve au cœur de la notion de « développement durable » à savoir produire aujourd’hui sans pénaliser l’environnement des générations futures.

9Mais cela prendra certainement du temps car, en attendant, à l’initiative des États-Unis, nous assisterons à la mise en place prochaine d’un marché mondial des droits à polluer...

Table des illustrations

Légende Fig. 33 – La prise en compte progressive de l’environnement dans la législation française
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