Les occurrences et les figures de l’accord amiable : ouverture
p. 21-22
Texte intégral
1Le désaccord après l’accord, n’est-ce pas là que le droit prend tout son sens ? N’est-ce pas la légitimité première de la règle de droit que de résoudre ce désaccord ? Le contrat, on le sait, se caractérise par la rencontre des volontés. Nul ne sait combien de contrats dégénèrent en conflit, mais ce n’est pas parce que ce pourcentage est infinitésimal qu’il ne faut pas être prévoyant. Ainsi que l’écrivait notre regretté collègue Jean-Marc Mousseron dans son livre de référence sur la technique contractuelle : « Même en admettant qu’un contrat sur 10.000, 100.000… suscite un différend, vu souvent la gravité des intérêts en cause, mieux vaut en prévoir correctement le traitement »1. C’est la raison d’être des clauses de litige qui permettent de se mettre d’accord sur la résolution du désaccord.
2Mais lorsque, en aval de la relation contractuelle, celle-ci est déjà fracturée et que le contrat n’a plus pour objet de mettre en forme un accord, mais au contraire de solder un désaccord, alors, a fortiori, les volontés ont sans doute été encore plus difficiles à se rencontrer. D’où la formule classique, maintes fois rappelée depuis que Balzac l’a faite sienne dans Les Illusions perdues2, l’empruntant lui-même à son auteur, l’avocat du xviie siècle Géraud de Maynard3 : « Mauvais arrangement vaut mieux que bon procès ». Cette maxime, qui a pour origine la sagesse populaire4, repose sur l’idée simple, résumée ainsi par Boncenne, que le procès est source « d’inquiétudes, de longueurs et de frais qui affligent les plaideurs »5, il vaut donc mieux l’éviter pour obtenir justice, ce qui a été ramassé sous l’adage : « Accord vaut mieux que plaid ». C’est ce qu’on appelle l’accord amiable.
3Celui-ci met donc fin à un différend. Pourtant, on s’interroge rarement sur le différend qui, à l’image de poupées gigognes, peut naître à son tour de l’accord amiable. L’accord amiable étant un contrat, il peut lui aussi générer un litige, quand bien même il a pour finalité de mettre fin à un premier litige. Ce nouveau litige peut être la reproduction du précédent, ou au contraire être spécifique à l’accord qui y a mis fin. Le schéma est le suivant : le contrat principal a engendré un litige, qui a donné lieu à un accord amiable, qui engendré à son tour un litige, qui peut aboutir à un accord amiable qui provoquera un litige, etc. Bref, il faut s’interroger sur ce qu’il se passe après l’accord amiable, quand bien même celui-ci avait eu pour but de mettre fin au litige.
4Tel est le thème du présent colloque. Très logiquement, celui-ci commence par identifier le phénomène de l’accord amiable, en tentant de discerner ses figures sous ses occurrences. Celles-ci sont multiples et les contributions qui suivent prennent soin, après la nécessaire opération de qualification juridique, d’analyser la manière dont l’accord amiable se négocie (Jean-Baptiste Racine), notamment par la voie numérique, et de scruter son régime juridique tant en matière interne (Florent Poulet) qu’internationale (Habib Gherari).
Notes de bas de page
1 J.-M. Mousseron, Technique contractuelle, Francis Lefebvre, 2e éd., 1999, spéc. n° 1863.
2 H. de Balzac, La comédie humaine, Gallimard, coll. La Pléiade, spéc. t. V, 1977, p. 123, spéc. p. 730.
3 G. de Maynard, Notables et singulières questions de droict escrit décidées et jugées par arrests mémorables de la Cour souveraine du Parlement de Tholose, Fouet éd., 1608, spéc. titre 1er, liv. 5, chap. 63.
4 H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, 4e éd., 1999, spéc. n° 218.
5 P. Boncenne, Théorie de la procédure civile, précédée d’une introduction, Catineau éd., spéc. tome 1er (1828), p. 7.
Auteur
Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1, Doyen honoraire de Faculté de droit
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Les sources complémentaires du droit d’auteur français
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