Dynamiques du commun
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Philosophies du Commun
Texte intégral
1La référence aux « communs » ne s’entend pas sans une conceptualisation de ce qui est commun d’une part, de ce qui donne de l’importance au fait d’être commun d’autre part. La valorisation des choses qui sont mises en commun ou organisées sur une base commune emprunte évidemment des canaux divers, qui sont souvent les mêmes que ceux qui conduisent à apprécier les biens publics assurés par l’État et d’autres collectivités, ou les biens principalement régis par le droit privé et qui relèvent d’un domaine « privé ».
2Les frontières entre biens publics et biens privés sont notoirement difficiles à établir, et elles sont contestées. Elles appellent, on le sait, des efforts de démarcation d’un statut public ou national qui constituent des élaborations théoriques, à l’exemple de la théorie économique des « biens publics », de la doctrine juridique européenne au sujet des services d’intérêt économique général, des divers concepts relatifs à l’intérêt national ou aux biens nationaux, de la doctrine du droit public à propos de l’intérêt public ou de l’ordre public, ou encore de la théorie du bien public en philosophie politique. Or, quoi qu’il en soit des variations sémantiques ou critériologiques, ces développements ne se laissent guère appréhender sans une caractérisation de ce qui est commun et des raisons pour lesquelles ce qui est commun relève d’une communauté d’un certain type (nationale ou autre).
3Cela étant, ce type d’explication ne peut s’épuiser dans la détermination de formes d’organisation répertoriées dans les champs du droit public, de l’économie publique ou de la philosophie politique. Ce qui est public renvoie à des choses communes qui pourraient notionnellement - mais souvent, notionnellement seulement – relever d’un partage privé ou d’une mise en commun appartenant à un autre répertoire de formes d’organisation que ce que l’on connaît dans la sphère publique. En d’autres termes, alors même que la caractérisation de ce qui est « public » éclaire souvent d’une manière effectivement précieuse les raisons qui appuient la décision de donner un statut spécial à certaines formes d’organisation (celles du « public » et du « privé »), le caractère indispensable de la référence à une forme ou une autre de communauté et de mise en communauté dessine les contours de formes alternatives concevables de mise en commun, y compris celles qui ne relèvent ni de l’économie marchande, ni de l’organisation étatique.
4C’est pourquoi la réflexion sur la dynamique des communs doit passer en tout premier lieu par une étude de la constitution même de communs sur la base d’une visée communautaire – d’un « mode du nous » dans le rapport aux objets, pour emprunter à la philosophie sociale contemporaine une formulation frappante. Aussi devons-nous aborder la dynamique des communs en lien avec les origines et le déploiement contemporain du modèle du bien commun.
© Éditions de la Sorbonne, 2021