La reconstitution des pratiques scientifiques passées via l’iconographie
Les méthodes de décapage archéologique de l’école d’André Leroi-Gourhan
The reconstruction of the scientific practices of the past via iconography. The excavation techniques of the school of André Leroi-Gourhan
p. 285-329
Résumés
L’une des tentatives les plus polémiques de reprise des données anciennes est celle des fouilles de l’école d’André Leroi-Gourhan dans les grottes d’Arcy-sur-Cure (Yonne), datant de 1946-1963. Parce qu’ici sont contestées l’association de restes de Néandertal avec des vestiges considérés comme le témoignage d’un comportement humain moderne, et donc la capacité néandertalienne à participer à l’avènement de cette modernité comportementale et cognitive. Nous analysons dans cet article un corpus d’archives appartenant aux deux chantiers principaux de Leroi-Gourhan à cette époque (les grottes d’Arcy et des Furtins) pour, d’une part essayer de reconstituer les opérations de fouille dans les termes des fouilleurs des générations passées, et d’autre part tenter d’évaluer l’intégrité des données anciennes à l’aune des méthodes modernes. À travers l’analyse croisée des sources écrites (journaux de fouilles) et iconographiques (plans, photographies, films) – en tant que « témoignages involontaires », d’après Marc Bloch et Carlo Ginzburg –, mais aussi des écrits méthodologiques de Leroi-Gourhan, nous éclairons plusieurs « moments charnières » dans la généalogie des méthodes de décapage de l’école propre à ce dernier. Ce qui nous permet de préciser la capacité conceptuelle et technologique (des équipes de fouilleurs) pour construire des preuves de contemporanéité, à chacun des moments de l’évolution historique de leurs méthodes ; et d’esquisser les lignes générales du processus d’innovation scientifique qui a abouti à la « fouille planimétrique » ou à visée « ethnographique » en vigueur de nos jours. Ce type d’analyse historique est ainsi doublement nécessaire. Elle permet en effet d’exploiter les données anciennes, en précisant le caractère et le degré des différences qui les séparent de nos conceptions et pratiques scientifiques contemporaines. Et elle permet également d’étudier les répercussions de l’évolution des technologies d’imagerie dans l’histoire des techniques d’observation en sciences humaines et in fine dans les images qu’elles produisent sur le passé lointain.
One of the most controversial attempts of exploitation of the results of past archaeological excavations is that of André Leroi-Gourhan’s school at Arcy-sur-Cure (Yonne), 1946-1963. Because what is at stake is the participation of Neanderthal groups into the origins of modern human behavior and cognition. In this essay we analyze an archival corpus appertaining to two of the main sites excavated by the school of Leroi-Gourhan at that time (the caves of Arcy-sur-Cure and of the Furtins) in order to: reconstruct the excavation operations in the terms of the excavators of older generations; and to evaluate the integrity of their olden results on the light of modern techniques. We conduct a comparative analysis of written sources (excavation journals), visual sources (plans, photos, films) —treated as “involuntary proofs” (after Marc Bloch and Carlo Ginzburg)— and some methodological writtings of Leroi-Gourhan to: stablish the degree of technological and conceptual capacity (of the excavation teams) for constructing proofs of contemporaneity, throughout the historical development of their methodologies; and to outline the general traits of the scientific innovation process that conducted to the creation of “planimetric” or “ethnographic excavation” in vogue today. It appears that this kind of historical analysis is necessary. Because it authorizes us to exploit the results of past archaeological excavations, by means of stablishing the nature and the degree of differences that separate them from our contemporary scientific conceptions and practices. And because it allows us to study the repercussions of the evolution of illustration in the history of techniques of observation in the social sciences and, ultimately, in the images that this technologies contribute to create about distant past.
Entrées d’index
Mots-clés : histoire des sciences, technologies d’imagerie, archives de fouilles, Arcy-sur-Cure, Les Furtins, Néandertal, Châtelperronien, structures d’habitat, fouille planimétrique, Pincevent
Keywords : history of sciences, archaeological illustration, excavation archives, Arcy-sur-Cure, Les Furtins, Neanderthal, Châtelperronian, household structures, planimetric excavation, Pincevent
Note de l’éditeur
Ce texte est né d’une communication dans le séminaire « Archéologie et photographie » (Paris 1 Panthéon-Sorbonne 2020-2021) organisé par Anissa Yelles. Je remercie ses assistants pour la richesse de leurs commentaires, spécialement Nathan Schalanger pour l’échange de quelques pistes sur nos recherches en cours autour de l’œuvre d’André Leroi-Gourhan. Je remercie très chaleureusement Anie Landeros Zamudio pour avoir éclairé le biais un peu sombre de mon empirisme préhistorique avec la lumière de la philosophie critique de Walter Benjamin. Mille mercis à Philippe Soulier pour ses éclaircissements sur les origines de l’approche de terrain du « Patron » aux Furtins et pour le partage de quelques documents difficiles à trouver. Merci beaucoup au service des archives de la Maison des sciences de l’Homme Mondes (MSHM) – spécialement à Élisabeth Bellon, sa directrice – grâce au professionnalisme et la gentillesse desquels j’ai eu la chance d’analyser les sources primaires en ce temps de pandémie. Je remercie de tout cœur les membres de l’équipe Ethnologie préhistorique, spécialement Pierre Bodu, Fany Bocquentin, Ludovic Mevel pour leur accueil toujours chaleureux, ainsi qu’à ceux du Laboratoire d’excellence Création, Arts et Patrimoines (Labex CAP), université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialement Zinaïda Polimenova pour son interlocution toujours gentille et efficace. Un grand merci à mon cher collègue Claude Masset et sa famille pour leur hospitalité et pour le partage de ses expériences de jeunesse sous la houlette du « Patron » ; ainsi qu’à Nathalie Mutero, Gustavo Sandoval, Philippe Soulier et François Capelani pour leur relecture de mon manuscrit. Merci in fine à ma douce et chère Anie : sic itur ad astra.
Texte intégral
« […] On ne retient le passé que comme une image qui, à l’instant où elle se laisse reconnaître, jette une lueur qui jamais ne se reverra […]1. »
Iconographie archéologique : les œuvres d’art de la préhistoire
1Les images produites par le passé et qui persistent comme des vestiges dans le présent ont une puissance évocatrice qui en fait des objets privilégiés pour la construction de la mémoire historique. C’est le cas de celles créées par les groupes humains du passé lointain, mais également des images de « second degré » de ces dernières, réalisées par les artistes et les savants du passé récent dans leurs tentatives de s’approprier de l’aura de ces représentations anciennes – via la création ou le savoir. Les images de la préhistoire ont ainsi un pouvoir particulier de fascination qui émerveille et intrigue les historiens de l’art et les archéologues et cela, principalement, parce qu’elles semblent résister dans le silence de leur matérialité muette à toute tentative de les comprendre avec le langage de l’art et de la science de notre civilisation occidentale contemporaine. D’où provient ce problème de compréhension ?
2Depuis sa reconnaissance dans la deuxième moitié du xixe siècle, et plus encore depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’art préhistorique – notamment celui pariétal du Paléolithique européen – a été le sujet d’importantes réflexions en philosophie ainsi qu’en histoire et en théorie de l’art2. Leurs auteurs ont eu tendance à conceptualiser ces images comme un « art des origines3 » et ont même essayé de les incorporer dans la modernité comme une sorte de « préhistoire de l’art occidental4 ». Cependant les historiens de l’art, les philosophes et les artistes ont eu besoin de faire appel à l’anthropologie pour tenter de mener à bien leurs analyses. En effet, l’étrangeté de ces images provient du fait que, même si elles se situent dans le territoire actuel de l’Europe, elles appartiennent à un autre espace, à un autre temps et à d’autres cultures5. Ainsi, des modèles issus du comparatisme ethnographique ont nourri les essais d’interprétation de l’art préhistorique tout au long du xxe siècle et jusqu’à nos jours : de Chauvet à Lascaux et – à partir d’ici – jusqu’au Néolithique, « antichambre » des arts de l’Antiquité6.
3Quoi qu’il en soit, l’incompréhension persiste et, face à la pléthore de tentatives interprétatives existantes aujourd’hui – parfois contradictoires, voire irréconciliables7 –, l’impossibilité d’une compréhension scientifique de ces étranges images apparaît comme une fatalité. Laquelle semblerait les enfermer définitivement dans les domaines du collectionnisme et de la fiction. Toutefois, avant d’embrasser une telle position – sceptique et radicale –, il convient de considérer plus profondément la nature de cette étrangeté, laquelle est évidemment à l’origine de la perplexité artistique et scientifique. Ce retour réflexif doit nous permettre d’établir les limites de l’analyse de ces images et, par conséquent, les défis et les possibilités de développement de nouvelles perspectives.
4Ainsi, comme Alain Testart l’a brillamment éclairé8, il y a au moins deux raisons principales à cette étrangeté des images de la préhistoire : leur éloignement et leur caractère vestigial. Premièrement, pour appartenir aux mondes des chasseurs, des pêcheurs, des pasteurs et des agriculteurs d’avant l’écriture, les arts de la préhistoire se rapprochent plutôt de celui des mondes non occidentaux – dit anciennement « art primitif » – ainsi que de celui occidental d’avant la Renaissance. Par conséquent, ces images du passé ancien échappent aux canons et aux référentiels de compréhension de l’art occidental moderne, et elles partagent les défis posés par l’anthropologie de l’art et par l’idée d’une histoire globale de l’art9. Deuxièmement, parce qu’elles constituent aujourd’hui des vestiges matériels dépourvus de tout témoignage écrit ou oral sur leur contexte de production et sur leur signification originale, il est impossible d’accéder directement à la vision du monde et aux manières de faire des créateurs des images de la préhistoire. Celles-ci appartiennent en ce sens à l’ensemble de vestiges préhistoriques, obligeant par conséquent à emprunter des voies indirectes et relativement plus compliquées que les voies « traditionnelles » de l’histoire de l’art pour essayer de les appréhender (voir infra).
5Parler peinture : analyser et interpréter des œuvres d’art pour dévoiler des faux, pour réaliser des attributions ou pour établir le programme iconologique d’un auteur – et discuter sa place dans l’histoire de l’art – sont des activités intellectuelles qui impliquent un dialogue entre la matérialité de l’œuvre (le support, les matériaux, les instruments, les techniques, le style, etc.) et les textes qui nous renseignent sur la psychologie individuelle et collective de leur production10. Or, en l’absence de ces derniers, toute interprétation de la signification symbolique des productions artistiques de la préhistoire échappe au domaine de la preuve observationnelle, car la parole de leurs créateurs passés est absente pour contrôler nos reconstructions actuelles. Nous sommes ainsi limités à l’analyse de la matérialité résiduelle des œuvres : à ce que l’agencement de leurs éléments « internes » nous renseigne indirectement sur les circonstances « externes » de leur exécution matérielle. Comme l’observation des traces aide le chasseur à reconstituer l’allure de sa proie, ou comme l’analyse des symptômes informe le médecin sur la nature secrète et intime de la maladie ainsi que sur la thérapie à poursuivre11.
6Ainsi conçue, l’analyse des images de la préhistoire s’insère dans la généalogie de méthodes de lecture de traces mise en lumière par Carlo Ginzburg ; notamment, celle analytique de Giovanni Morelli et l’ekphrasis de Roberto Longhi12. Cependant, elle garde sa particularité : concentré sur la matérialité, le spécialiste de l’art préhistorique se sert de façon privilégiée de la représentation visuelle des œuvres, plutôt que de la description verbale et de l’étude discursive. En ce sens – dans une sorte de mise en abîme –, l’analyse de la matérialité muette des images de la préhistoire a conduit à la création d’une iconographie de second degré, scientifique, laquelle est le sujet de cet essai. En effet, ces images scientifiques des vestiges préhistoriques constituent un corpus privilégié pour explorer les rapports entre histoire de l’art et histoire des sciences : c’est en particulier le cas quand les gisements archéologiques ont disparu – ou ont été détruits – et quand les seules traces qui nous restent pour essayer de reconstruire la vie des peuples préhistoriques sont les collections, les archives et l’iconographie produite par les préhistoriens des générations passées.
Iconographie scientifique : les images modernes des vestiges préhistoriques
7L’étude des conséquences intellectuelles de l’avènement de nouvelles techniques de production et reproduction des images13 est un champ propice pour analyser l’interaction entre : 1) les changements technologiques et socio-économiques, et 2) les transformations dans les conceptions et les pratiques sociales de l’art et de la science14.
8En ce qui concerne l’archéologie, l’iconographie scientifique – la production d’images des vestiges archéologiques (œuvres d’art incluses) pour les rendre analysables et communicables – est un axe de développement technique qui accompagne toute sa trajectoire historique. Depuis les illustrations des monuments et des ruines de l’Antiquité classique et des « antiquités nationales » à l’époque des antiquaires du xvie au xviiie siècle ; en passant par les représentations « naturalistes », les plans, les profils, les perspectives, les schémas, les photographies et les films des archéologues et des préhistoriens du xixe et du xxe siècles ; jusqu’aux techniques de photogrammétrie, de relevé laser (Light Detection and Ranging, LIDAR) et d’imagerie et modélisation 3D modernes15. Comment expliquer cette prééminence de l’iconographie scientifique dans le développement historique de l’archéologie ? Bien sûr, elle provient à nouveau – en grande partie – du caractère étrange et vestigial de son corpus documentaire.
9En effet, en archéologie, les images ont le pouvoir de rendre sensible l’altérité des vestiges matériels du passé dans les termes des conventions visuelles contemporaines. Dans l’iconographie des archéologues, la fonction d’« illustration », en tant qu’éclaircissement ou explication visuelle d’un aspect de la vision du monde ou des coutumes des peuples préhistoriques, est en principe irréalisable parce que la parole de ces derniers est à jamais disparue. Quand les archéologues essaient, nonobstant, d’appréhender « l’homme derrière les objets », ils sont confrontés à un double défi qui relève tant du domaine des sciences de la nature que des sciences humaines. En effet, la construction des faits archéologiques est le résultat d’un dialogue entre : 1) les aspects physiques des vestiges et de leurs relations contextuelles dans les sédiments qui les contiennent, et 2) les méthodes d’observation archéologique, avant tout les techniques de fouilles.
10La première partie du défi consiste en la production de preuves de l’origine anthropique – intentionnelle – des vestiges et de leur structuration. Elle se fonde dans les analyses des sciences de la nature qui permettent de réaliser la critique des processus de formation et transformation des gisements archéologiques, distinguant ainsi les « faux artéfacts » (écofacts) qui découlent des patrons de fonctionnement naturel de ces processus16. La seconde partie du défi consiste en la mise en lumière de traces des actions humaines passées dans ces vestiges et leurs rapports structurants. Ces traces représentent à leur tour le corpus de « fragments de comportement » à partir duquel les archéologues construisent, dans un second moment d’analyse, des inférences d’ordre comportemental : sur les connaissances et les façons de faire des femmes et des hommes de la préhistoire, en se servant des référentiels comparatifs actuels fournis par l’ethnographie et l’archéologie expérimentale17.
11C’est dans la confrontation de ce double défi que les techniques de production d’images sont un outil privilégié pour l’étude du passé préhistorique. Parce qu’elles réalisent trois fonctions principales dans le cycle de production des données. Premièrement, de concert avec les analyses stratigraphiques et les techniques de décapage, elles contribuent à rendre visibles les vestiges et leurs rapports contextuels lors de la fouille. Deuxièmement, elles participent à enregistrer et à traduire en un langage visuel les aspects physiques et spatiaux mis en lumière sur le terrain et dans le laboratoire – à l’aide des techniques de traitement post-fouille des vestiges. Troisièmement, en partant des résultats des deux fonctions précédentes, elles servent à construire des corpus visuels pour l’analyse ultérieure et la communication scientifique des données ainsi produites.
12C’est ainsi que, en l’absence de la parole des acteurs du passé préhistorique, l’une des voies possibles pour faire entendre l’écho de leur altérité, préservée dans leurs vestiges, est de traduire la matérialité de ces derniers en langage visuel à travers les techniques d’imagerie actuelles. L’archéologie est une science humaine ; mais, paradoxalement, il est impossible pour elle d’analyser le discours ou le comportement de ses interlocuteurs passés pour contrôler la projection anachronique de ses préjugés contemporains dans ses interprétations. Par conséquent – au moment de la critique de ses sources primaires –, elle est obligée de se servir des analyses proches des sciences naturelles pour établir un dialogue avec les attributs physiques des vestiges dans le contrôle de ses interprétations.
13In fine, l’iconographie scientifique produite par les archéologues est un instrument indispensable de la construction des données archéologiques. Et logiquement, l’étude de l’utilisation des techniques de production des images et de leur impact dans l’évolution historique de notre regard moderne sur le passé est une condition nécessaire de la critique de l’intégrité des données et de leurs interprétations passées et présentes. Une critique qui, à notre avis, a une importance équivalente à la critique taphonomique18.
14Le champ d’analyse historique de cette iconographie scientifique est riche, vaste et complexe. Dans ce qui suit nous allons nous concentrer sur un seul de ses aspects à travers deux études de cas. Il s’agit du rôle de l’iconographie scientifique dans le problème de communication – ou de traduction – entre la vision et le langage scientifique des archéologues et des préhistoriens des générations passées et ceux d’aujourd’hui, au moment de la reprise et de l’exploitation des anciennes données de fouilles à travers les méthodes modernes. Les cas sont ceux des chantiers-école de fouilles d’André Leroi-Gourhan dans les grottes d’Arcy-sur-Cure et des Furtins (dans l’ordre d’analyse ici).
L’exploitation moderne des anciennes données de fouilles : un problème de traduction scientifique
15La reprise des données de fouilles anciennes concerne souvent des sites archéologiques exceptionnels, en raison de la richesse de leurs dépôts et de leurs vestiges et par leur place dans l’histoire de la discipline. Des sites comme la cité antique de Pompéi à Naples, le Grand Temple des Aztèques à Mexico, ou le campement de chasseurs magdaléniens de Pincevent en Seine-et-Marne, sont des gisements d’une richesse archéologique incomparable, laquelle les a transformés en des lieux de mémoire privilégiés bien au-delà de la seule histoire de la discipline19. Or, comme il est bien connu, la fouille archéologique constitue un acte destructeur par définition, et cette exceptionnalité de certains sites archéologiques devient paradoxalement l’une des causes principales de leur destruction. Il s’agit d’un paradoxe à double titre.
16Premièrement, parce que les mesures exceptionnelles prises pour garantir leur préservation devraient – en principe – les extraire et les protéger du cycle normal de destruction et dégradation des gisements archéologiques20. Deuxièmement, parce que la continuité de leur exploitation devrait – en principe toujours – produire des conditions propices pour l’accumulation progressive des résultats scientifiques. Néanmoins, il n’est pas banal de rappeler qu’en archéologie, en tant que science historique, il est impossible de répéter l’expérience de l’excavation21. Par conséquent, chaque fois qu’un changement méthodologique transforme la nature des données produites – ou arrive à la création d’un genre nouveau –, il est impossible de les appliquer aux gisements classiques : simplement parce qu’une grande partie de leurs sédiments a été « détruite » par les fouilles précédentes, lesquelles ont été conduites par des méthodes devenues « dépassées » et « inexactes » à l’aune du regard et des standards scientifiques actuels.
17Cependant, une question – en apparence vaine – plane au-dessus de cette perte des données scientifiques qui paraît irréparable : si la destruction des sites archéologiques, provoquée principalement par les fouilles anciennes, n’est jamais totale – sauf dans des cas extrêmes ! –, jusqu’à quel degré les fragments légués et les ruines épargnées sont-ils véritablement inexploitables par les méthodes modernes ? La pertinence de cette question est rehaussée au moins par deux considérations plus générales. La première est que cette destruction n’est pas exclusive des sites célèbres, mais elle est consubstantielle à tous les gisements à ce jour touchés par la main de l’homme. La seconde est que, par définition, la construction de données en archéologie implique la destruction de ses sources primaires. Donc à mesure que la recherche avance, son corpus devient de plus en plus constitué par les sources secondaires produites par les archéologues du passé, ainsi que par les débris et les archives qui les accompagnent.
18Les gisements préhistoriques sont une ressource non renouvelable. En ce sens, nous pouvons proposer que la critique des sources secondaires de l’archéologie – l’établissement du degré d’intégrité et d’exactitude des données produites par les générations passées d’archéologues, à l’aune du regard scientifique moderne – est une exigence méthodologique préliminaire, dont la nécessité croît à mesure de l’augmentation du recours à ce type secondaire de faits. En l’occurrence, il n’est pas rare de trouver des cas de sites – réputés ou inconnus – où les seuls témoignages qui restent de leur existence aujourd’hui sont les collections léguées par les fouilleurs d’autrefois, le socle dénudé de leurs chantiers et l’ensemble hétéroclite des archives produites par leurs recherches (manuscrits, iconographie, films, etc.).
19Or, sans nous concentrer pour le moment sur ces cas limite – même si statistiquement majoritaires ! –, nous devons souligner que la critique des sources secondaires est une exigence méthodologique préliminaire d’importance comparable à la critique taphonomique (pour les sources primaires), parce que les sources secondaires fonctionnent comme des intermédiaires. Elles font l’intermédiation entre, d’une part, l’altérité des acteurs du passé – fossilisée dans leurs vestiges et leur organisation dans le sol – et, d’autre part, les objectifs, les catégories et les outils analytiques des chercheurs d’aujourd’hui. En d’autres termes, en étant le produit des actions de recherche passées, les sources secondaires ajoutent une couche supplémentaire à l’étrangeté des vestiges archéologiques : celle de l’altérité propre à la vision du monde et aux façons de faire des chercheurs du passé22.
20La critique des sources secondaires en archéologie est, à nos yeux, une affaire de traduction. La recherche archéologique contemporaine a besoin d’exploiter les données des fouilles anciennes et elle n’a pas le droit de les rejeter en bloc, au risque – entre autres – d’embrasser et de réactualiser une vision simpliste et ingénue du progrès scientifique. Cette traduction est alors constituée par l’effort de reconstruire, dans la mesure du possible, les actes passés de création de données. Il s’agit là en quelque sorte de retrouver la perspective de leurs acteurs, laquelle est vouée à éclaircir les limites et les possibilités (théoriques et pratiques) existantes au moment des fouilles. En d’autres termes, l’objectif est d’arriver à une reconstitution « microhistorique » – la plus précise que possible – du contexte de production des données, pour avoir une compréhension des problèmes abordés par les acteurs de l’époque, des outils conceptuels et méthodologiques dont ils disposaient, ainsi que des réponses fournies.
21Un problème de traduction alors. Il paraît simple de l’énoncer, mais comment le réaliser dans la pratique ? La révision de nos cas d’étude est loin d’apporter une solution générale et encore moins définitive, néanmoins elle sert à illustrer les caractéristiques d’une voie méthodologique possible – centrée sur l’analyse des archives de fouilles, notamment les sources iconographiques – ainsi qu’à présenter quelques résultats préliminaires.
La polémique sur la place de Néandertal dans l’avènement de la modernité humaine : la question de la contemporanéité
22Dans une recherche précédente23 nous avons été confrontés à l’une des tentatives les plus polémiques de reprise et (ré)exploitation d’anciennes données de fouilles, laquelle agite la communauté internationale des préhistoriens depuis la décennie 1980. Il s’agit du débat sur le rôle de Néandertal dans l’avènement de la modernité comportementale et cognitive de l’espèce humaine. Cette recherche nous a plongé dans les racines épistémologiques du problème, lesquelles s’articulent autour de la construction de preuves de la contemporanéité des vestiges dans un « sol » archéologique, ainsi qu’autour des doutes sur l’intégrité des données des fouilles anciennes. Par ailleurs, nous avons développé une approche historique fondée sur la méthode d’analyse d’indices – éclairée par Carlo Ginzburg – pour exploiter les archives des chantiers anciens impliqués dans cette polémique, notamment leur iconographie scientifique. Mais, avant de parler de méthode, il est nécessaire de comprendre les éléments principaux du problème.
23Aujourd’hui, il est consensuellement reconnu, par les préhistoriens des quatre coins du monde, que les origines de ce que nous pouvons interpréter comme des comportements matériels et symboliques « modernes » – équivalents à ceux des groupes humains connus par l’histoire et/ou l’ethnographie – sont indiquées par l’affirmation et la généralisation d’un faisceau de vestiges archéologiques dans une période comprise aux alentours du seuil radiométrique de 40 000 ans avant le présent (AP), et dans une zone – diffuse et intercontinentale – à extension apparemment circumméditerranéenne24.
24Les éléments principaux de ce faisceau de vestiges consistent en la mise en évidence et la reconnaissance de plusieurs traditions concomitantes :
a) obtention de supports laminaires et lamellaires standardisés pour la fabrication d’outillage lithique composite (notamment les armatures en lamelles de silex pour le tranchant des sagaies en bois de renne)25 ;
b) fabrication d’outils en matières dures animales (sagaies, aiguilles, poinçons, etc.)26 ;
c) fabrication de parures en support organique et minéral (pendants en coquillages – actuels et fossiles – dents, phalanges, fragments de stalagmite, etc.)27 ;
d) production d’un art figuratif et « abstrait » : mobilier (sculptures, plaques gravées et peintes, outils décorés) et pariétal (grottes ornées)28.
25Un élément secondaire et concomitant s’ajoute à ce faisceau de vestiges : l’apparente synchronisation de la disparition de Néandertal et la généralisation de l’Homme anatomiquement moderne (HAM) en Europe occidentale aux alentours du seuil de 40 000 ans AP29.
26Cette contiguïté radiométrique est devenue l’un des fondements des arguments en faveur d’une relation de cause à effet entre ces deux catégories différentes de données – l’une archéologique, l’autre paléo-anthropologique –, mais concomitantes spatialement et synchroniques en termes radiométriques. Même si l’identité biologique des auteurs des traditions techniques et artistiques comportant ce faisceau de vestiges n’est pas établie incontestablement30 – et bien qu’il existe un recouvrement partiel des datations31 –, la tendance a été de considérer l’avènement de ces traditions comme l’apanage de HAM et, par conséquent, la cause de la disparition de Néandertal. Soit de façon directe – par remplacement et élimination de la population indigène –, soit de façon indirecte – par son acculturation et incorporation – avec l’« expansion » d’une nouvelle espèce détentrice d’une civilisation matérielle et spirituelle tenue comme « supérieure » ex post facto32.
27Cette identification des différences dans les capacités culturales et dans la biologie est soumise à controverse – sur le terrain paléo-anthropologie, tout comme archéologique33. Cependant elle résonne avec la tradition centenaire qui voit dans l’avènement de ce faisceau de données l’indice de la première des grandes transitions de la fin de la préhistoire : le passage au Paléolithique supérieur34. Quoi qu’il en soit, la discussion empirique a eu tendance à se focaliser sur la construction de preuves de la capacité néandertalienne (ou son absence) de produire (ou pas) des expressions techniques et symboliques complexes, comme celles représentées par le faisceau de vestiges discuté.
28Concrètement, cette construction de preuves a consisté, principalement, à prouver la contemporanéité de restes de Néandertal avec les vestiges des traditions techno-culturelles du Paléolithique supérieur, notamment la plus ancienne connue, en Europe occidentale : le Châtelperronien35. Ici « preuve de contemporanéité » veut dire – par essence – démonstration de la coexistence des restes humains et des vestiges dans le même sol archéologique36. Cependant, les quatre décennies de controverse passées depuis la découverte des restes d’un enfant néandertalien « dans » le niveau châtelperronien de la Roche à Pierrot, à Saint-Césaire (Charente-Maritime) à la fin des années 197037, ont conduit à prouver que, en préhistoire, contiguïté dans l’espace ne veut pas dire – par elle-même, toute seule – simultanéité d’occupation à l’échelle de la vie humaine (décennies, siècles). En effet, sauf cas exceptionnels, le « niveau » contenant des restes est un continuum sédimentaire qui réduit et compresse, dans l’ampleur de son épaisseur, la totalité des événements produits lors de sa durée géologique de vie, laquelle est mesurée, selon les cas, en années, décennies, siècles, millénaires, dizaines de millénaires et au-delà38.
29En effet, comme en préhistoire les aménagements humains (constructions et terrassements) sont des facteurs « mineurs » de l’évolution géomorphologique des paysages, les responsables principaux de la formation des niveaux – en grotte ou en plein air – sont les processus physiques et biologiques de sédimentation et d’érosion. Ordinairement, leur fonctionnement entraîne la création de résidus puis de palimpsestes qui entremêlent de façon complexe la totalité d’occupations et d’actions humaines et non humaines (ours, hyènes, fouisseurs en tout genre, chauves-souris dans le cas des grottes) réalisées in situ39. Par conséquent, l’idée de démêler la mince pellicule d’une occupation particulière à l’intérieur du continuum sédimentaire se révèle être une impossibilité méthodologique dans la plupart de cas, et dans l’état actuel de l’art. Néanmoins, il s’agit d’une nécessité et, par conséquent, d’un défi méthodologique majeur pour l’ensemble des sciences archéologiques.
30Quoi qu’il en soit, dans la polémique sur le rôle de Néandertal dans l’avènement de la modernité humaine, les arguments archéologiques se sont focalisés sur la critique des preuves de la contemporanéité des restes osseux néandertaliens avec les vestiges des techno-complexes de la transition au Paléolithique supérieur, notamment le Châtelperronien. Parce que de l’affirmation ou l’infirmation de cette contemporanéité dépend la démonstration de la capacité (ou son absence) par Néandertal de produire les manifestations culturelles complexes du Châtelperronien. On comprend alors que le problème de contemporanéité soit l’une des composantes clé de la critique des sources primaires en archéologie en général. Sa résolution contribue à établir que la contiguïté spatiale des vestiges est anthropique – produite par l’homme, intentionnellement ou non – et que nous pouvons interpréter leur structuration spatiale, dans une étape ultérieure de l’analyse, en termes des conséquences matérielles des actions humaines passées. Il est par conséquent normal que sa confrontation soit l’un des axes d’innovation conceptuelle et méthodologique les plus importants dans les recherches préhistoriques des dernières décennies.
31Ainsi, à côté des innovations plus proches des sciences naturelles (géo-archéologie, archéozoologie, radiochronologie, paléogénomique, photogrammétrie et LIDAR), il existe aussi des développements importants en sciences humaines, notamment l’approche technologique et les remontages à valeur taphonomique40. Or un problème capital persiste : la plupart de ces techniques nouvelles requièrent l’exploitation moderne de gisements inédits ; mais la majorité de cas éventuels d’association – de Néandertal avec les techno-complexes de la transition au Paléolithique supérieur – provient de fouilles anciennes. Au problème de contemporanéité s’ajoute alors celui de l’intégrité des données provenant de chantiers passés. C’est le cas de la mise en doute récente de celui de la Roche à Pierrot à Saint-Césaire, mais aussi des restes de Néandertal dans les niveaux châtelperroniens de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure, fouillée par Leroi-Gourhan et son équipe de 1946 à 1963.
Les fouilles d’André Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure : des doutes sur l’intégrité des données anciennes
32Le Châtelperronien de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne) [fig. 1] est une pièce centrale de la discussion sur le rôle de Néandertal dans l’avènement de la modernité humaine du fait de la richesse exceptionnelle de ses vestiges et de sa proéminence dans la mémoire de la discipline41. Excavés de 1949 à 1963 par Leroi-Gourhan et son école de fouilles, les niveaux châtelperroniens de la grotte du Renne42 ont apporté une association de plusieurs restes néandertaliens – notamment des dents et des fragments du squelette crânien de plusieurs individus43 ainsi que différents fragments du squelette crânien et postcrânien d’un enfant, récemment confirmés par des analyses paléoprotéomiques44 – avec un faisceau de manifestations culturelles complexes : notamment, une industrie lithique fondée sur un schéma d’obtention de supports laminaires destinés à la fabrication de pointes transversales à dos, dites « pointes de Châtelperron » ; une industrie en os et bois de renne ; une production de parures en matières dures organiques et minérales ; et une exploitation multiple de colorants rouges d’origine minérale45.
33Avec les restes néandertaliens mis au jour dans les niveaux moustériens de la grotte de l’Hyène, Arcy-sur-Cure est devenu un exemple presque unique de la présence néandertalienne pendant le moment charnière de la « transition », dans le panorama des recherches des années 1950-1960. L’apparente persistance de caractères biologiques « primitifs » à travers ces niveaux de transition, ainsi que la perception d’une certaine perméabilité et continuité dans l’« évolution » des vestiges ont conduit Leroi-Gourhan à adopter une vision plus continuelle et cumulative – sans rupture et changement abrupts – des origines de la modernité symbolique et comportementale de l’espèce humaine46.
34D’après Leroi-Gourhan, cette continuité et cette persistance représentaient – au moins dans le cas d’Arcy – un processus de co-évolution des caractères biologiques et culturels in situ. La ressemblance et l’apparente progression dans l’évolution des formes d’outils (couteaux à dos, spatules, poinçons, baguettes en os), des parures (pendants en dents ou coquillages percés ou sciés), des « habitations » (dallage apparent et fondations semi-circulaires en défenses de mammouth47), de la morphologie dentaire des restes humaines (de caractères robustes à caractères plus fins)48, ainsi que certaines intuitions sur les techniques éventuelles de fabrication (rainurage d’os longs pour extraction de supports) et d’usage des outils (conditionnement fonctionnel de la morphologie des « couteaux à dos »)49 ont été le fondement de l’idée d’une évolution par enchaînement cumulatif chez Leroi-Gourhan. En effet – d’après lui – les données d’Arcy étaient la preuve de l’existence d’un milieu technique commun à partir duquel se sont développées des innovations techniques et symboliques, lesquelles se sont ajoutées progressivement – comme des maillons supplémentaires de complexité intellectuelle et physique –, entraînant la transformation qualitative du milieu technique princeps et, avec lui, l’évolution biologique des groupes humains qui se le partageaient50.
35En d’autres termes, pour Leroi-Gourhan, il n’y avait pas de rupture dans les origines de la modernité humaine, mais une continuité de co-évolution d’un faisceau d’éléments biologiques et culturels qui plongeaient leurs racines dans certaines traditions du Paléolithique moyen. Une co-évolution qui, en atteignant un certain seuil de complexité, avait donné naissance aux comportements techniques et symboliques considérés comme modernes. Ceux-ci se caractérisent – notamment d’après lui – par la reconnaissance archéologique de l’existence d’une multiplicité de traditions culturelles avec des trajectoires diverses de développement historique, ainsi que d’une accélération de la création et la transmission des innovations par le biais de moyens de communication sociale et symbolique plus performants51.
36L’expérience et les résultats des fouilles d’Arcy ont été l’un des fondements paléo-anthropologiques et archéologiques de la conception de l’évolution humaine – et de l’importance qu’en elle jouait la transmission cumulative des chaînes opératoires – dans la pensée de Leroi-Gourhan, notamment comme il l’a exprimé dans sa contribution à l’histoire des techniques de Maurice Daumas52 puis dans son chef-d’œuvre Le geste et la parole. Néanmoins, cette vision d’une continuité de l’évolution biologique et culturelle est restée originale tout le long des années 1960 et 1970. Dans cette période, même si les discussions sur les origines du Paléolithique supérieur (indigènes ou exogènes : ex oriente lux) continuaient, il existait un consensus dans la communauté des préhistoriens à propos de l’identité et l’exclusivité des auteurs des productions techniques et symboliques complexes : c’était Cro-Magnon (HAM) le seul auteur des industries du Paléolithique supérieur, tandis que Néandertal était considéré comme celui de la plupart des réalisations moustériennes du Paléolithique moyen. Et donc, la transition au Paléolithique supérieur était censée représenter une rupture biologique et culturelle radicale – remplacement de Néandertal par HAM –, même si ses origines et ses mécanismes étaient ouverts à discussion53.
37La mise en lumière de l’enfant néandertalien dans le niveau châtelperronien principal de la Roche à Pierrot à Saint-Césaire, à la fin des années 197054, a produit un tournant dans la polémique. Comme il s’agissait d’une découverte réalisée par les méthodes les plus récentes de fouilles, d’enregistrement et de datation, elle a été acceptée par la majorité de la communauté des chercheurs comme la preuve de la « paternité néandertalienne » d’au moins cette première tradition du Paléolithique supérieur : le Châtelperronien. Les discussions se sont focalisées alors, premièrement, sur la détermination du « degré de modernité » (ou son absence) du faisceau de vestiges qui intègrent le Châtelperronien, pour établir leur signification quant aux capacités physiques et cognitives des Néandertaliens – un Néandertal aculturé ?55 Et, deuxièmement, les débats ont porté sur la reconsidération des instances – anciennes et récentes – d’association éventuelle Néandertal-Châtelperronien, ainsi que sur la reprise des anciennes collections pour évaluer leur intégrité et cohérence à l’aune des préoccupations et des méthodes modernes56.
38Dans ce renouvellement de la polémique, le Châtelperronien de la grotte du Renne est devenu un fer de lance des défenseurs de la modernité des capacités de Néandertal et de leur équivalence avec celles de HAM. Notamment, parce que la composante dominante de son industrie lithique correspond pleinement aux schémas de production de supports laminaires, et lamellaires, que caractérisent toutes les industries du Paléolithique supérieur – comme il a été expliqué par Jacques Pelegrin57. Et parce que les outils en matières dures animales et la parure possèdent un degré de sophistication stylistique et technique étonnement analogue à leurs homologues dans l’Aurignacien.
39En revanche, dans le champ opposé, cette ressemblance « étonnante » a été l’un des éléments principaux des doutes lancés contre l’intégrité des niveaux châtelperroniens de la grotte du Renne. Plus que de ressemblance ne s’agit-il pas plutôt d’identité ? Une pollution provenant de la « migration » de vestiges appartenant au niveau aurignacien sus-jacent58. De plus, l’approfondissement de la critique des résultats des fouilles de Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure a mis en lumière un ensemble de preuves allant à l’encontre de leur intégrité : notamment, des remontages ponctuels des produits du débitage lithique avec ceux du niveau aurignacien59, des décalages et des erreurs dans l’enregistrement des coordonnées 3D pour certains vestiges60, et des incohérences dans la série de datations radiométriques réalisées61.
40Le fait que plusieurs circonstances historiques – dont la découverte du site de Pincevent – ont empêché la publication de synthèse des résultats des fouilles de Leroi-Gourhan, et de son équipe, à Arcy-sur-Cure a été l’un des obstacles majeurs à la résolution des doutes sur l’intégrité de leurs données : leur traitement n’a pu aboutir et les collections sont restées en friche à côté de l’ensemble de la documentation de terrain et d’analyse préliminaire accumulé pendant plus d’un demi-siècle62. En somme, cet éloignement temporel – couplé aux problèmes mis en lumière par les tentatives successives de reprise des résultats de ces fouilles – a créé une sensation généralisée d’étrangeté, de dépaysement, face à ces données anciennes. Ce qui contribue à augmenter les doutes sur leur intégrité, voire à considérer leur obsolescence.
41In fine, le problème paraît se résumer ainsi : qu’est qui est contesté, l’intégrité des données ou celle des fouilleurs ? Est-ce que nous pouvons rejeter l’une sans rejeter aussi l’autre ? Est-ce qu’il s’agit de la seule alternative possible ? La plupart des sédiments et des témoins de l’époque ont disparus aujourd’hui : nous ne pouvons pas revenir sur eux pour les réinterroger avec nos méthodes modernes. Toutefois, la nécessité de reprendre ces anciennes données persiste, et – comme nous avons argumenté plus haut – le défi est de comprendre leur processus de production dans les termes des fouilleurs de l’époque, pour arriver ainsi à les traduire aux nôtres. Le problème est donc une question de traduction : entre la vision et le langage scientifique des préhistoriens de la génération des Trente Glorieuses et ceux des chercheurs d’aujourd’hui. Comment le faire avec le principal médiateur dont nous disposons – à part les collections et la matérialité résiduelle des gisements : les archives de fouilles ?
Sources écrites, iconographiques et audiovisuelles dans les fonds de l’équipe Ethnologie préhistorique
42Presque quatre-vingts ans nous séparent des premiers travaux de l’école de fouilles de Leroi-Gourhan, ce dernier étant sorti au terrain dès l’année scolaire de 1945, au lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pendant ces huit décennies, son Centre de documentation et de recherche préhistorique (CDRP), puis son équipe d’Ethnologie préhistorique, ont réalisé d’innombrables fouilles, dont les chantiers-école phares d’Arcy-sur-Cure (1946-1963) et Pincevent (1964 à nos jours) [fig. 1]63. Parallèlement aux résultats scientifiques, qui ont amené à la création de l’une des écoles les plus prestigieuses de préhistoire (l’école « Leroi-Gourhan » d’Ethnologie préhistorique64), ces travaux ont abouti à la construction d’un corpus considérable de documents de terrain préservés dans des archives de fouilles.
43Ces quelques lignes laissent entrevoir déjà l’immensité, la richesse et la multiplicité de cet ensemble exceptionnel d’archives, ainsi que les possibilités, mais aussi les limites et les difficultés, qu’un tel corpus représente pour l’historien qui essaye d’apprivoiser ces sources inédites pour l’histoire des sciences. Les archives de fouilles sont majoritairement des documents de terrain, témoins préliminaires – toujours inachevés – des tentatives ou expériences multiples réalisées avant l’achèvement des résultats scientifiques communicables. Ces derniers (critiques d’ouvrages, communications préliminaires réalisées dans des manifestations scientifiques, rapports administratifs, etc.) représentent les sources « classiques » de l’histoire des idées, car ils nous donnent accès au jeu des confrontations des arguments émis dans la sphère publique des savoirs scientifiques, ainsi qu’à leurs évolutions. En revanche, les documents de terrain – ou de laboratoire – sont une voie d’accès privilégié aux actes quotidiens de la vie scientifique : scène sur laquelle se jouent des tentatives souvent vouées à l’échec et, par conséquent, destinées préférablement à rester dans les coulisses du domaine privé de la science en train de se faire.
44Par conséquent, ce caractère inachevé et expérimental des documents de terrain – et de laboratoire –, en général, nous offre la possibilité de se servir de ces sources inédites et privées pour accéder à la réalisation quotidienne des actes scientifiques passés, dans une sorte de (paléo-)ethnographie (ou sociologie rétrospective) des communautés scientifiques. En le faisant toujours dans le cadre comparatif de leur confrontation et analyse croisée avec les autres sources plus classiques de l’histoire des idées. Or, pour mener à bien une telle étude, il faut être prêt à adopter le biais méthodologique que la spécificité de ces sources nous présente. En effet, par leur nature inachevée et expérimentale, ces dernières gardent un lien problématique et indirect avec les résultats finalement obtenus et rendus publics à partir d’elles. Donc, les documents de terrain se prêtent – plus que d’autres sources – à une analyse en tant que témoignages involontaires, en se servant de la méthode de lecture indirecte des traces, comme il a été proposé par Marc Bloch, puis développé par Carlo Ginzburg (voir infra). Mais avant de faire quelques remarques sur la spécificité de cette méthode – particulièrement en ce qui concerne l’analyse de l’iconographie scientifique –, il nous faut décrire les principaux aspects quantitatifs et qualitatifs de notre corpus.
45Une partie considérable des archives de fouilles produites par tous les chantiers de l’équipe de Leroi-Gourhan est préservée dans le fonds Équipe « Ethnologie préhistorique » (EP) au service des archives de la Maison des sciences de l’Homme Mondes (MSHM) à Nanterre. Ici, des dizaines de milliers de documents ont été classés et systématisés et beaucoup d’entre eux ont été l’objet de campagnes de numérisation. À part certains documents préservés dans des institutions publiques ou privées (archives départementales, nationales, Collège de France), ce fonds contient la plupart des archives des chantiers les plus célèbres de l’équipe : la grotte des Furtins à Berzé-la-Ville, l’hypogée des Mournouards au Mesnil-sur-Oger et les grottes d’Arcy-sur-Cure, mais aussi d’autres comme Curtil-sur-Burnant, Auvernier, ou Saint-Romain qui permettent de suivre pas à pas les avancées méthodologiques mises en œuvre65. L’énorme travail d’analyse et de systématisation princeps du fonds a été réalisé par Philippe Soulier66, avec les conseils du service des archives de la MSHM67. Les archives d’Arcy ont ensuite été l’objet d’importants projets de traitement numérique et d’analyse historique dans le cadre du projet 2ARC68 sous la direction de Nejma Goutas, Pierre Bodu et Ludovic Mevel ; et celles de Pincevent – continent archivistique à part entière ! – sont l’objet d’un projet de systématisation, numérisation et analyse historique en cours sous la direction d’Olivier Bignon-Lau69.
46En termes de support technologique, nous classifions cet ensemble d’archives de fouilles en trois grandes catégories documentaires. Premièrement, des sources manuscrites et des textes inédits : journaux et carnets de fouilles, rapports d’opération, demandes de financement, documents administratifs, lettres, textes préparatoires, ébauches de publications, etc. Deuxièmement, des sources iconographiques : plans de distribution, relevés topographiques, profils et coupes stratigraphiques, perspectives, dessins, schémas, séries photographiques, (verticales et systématiques, obliques et ciblées), restitutions photogrammétriques, relevés LIDAR et représentations numériques 3D, etc. Troisièmement, des sources audiovisuelles : films, enregistrements sonores et vidéo du processus d’excavation, entretiens filmés et audio-enregistrés, restitutions 3D animées, films documentaires, etc.
47Ces documents de terrain sont les traces de la vie de tous les jours de ces communautés scientifiques sur leurs chantiers de fouilles. Comment franchir les difficultés d’analyse posées par leur caractère pouvant sembler étrange, parfois inachevé et expérimental, pour approcher le point de vue des préhistoriens des générations passées ?
Les témoignages intentionnels et involontaires, et la généalogie des antiquaires
48Il y a toujours un écart entre ce que l’on dit et ce que l’on fait… entre actes intentionnels et actes inconscients ou involontaires. Et, ici, l’iconographie scientifique est un moyen privilégié d’accéder au domaine de la vie quotidienne dans le chantier de fouilles : en la croisant à l’analyse des sources plus classiques, elle nous permet de jeter un regard furtif sur ce qui se passait dans les coulisses de la science. Mais ceci à condition de dépasser le domaine de l’intentionnalité originelle de sa production et de s’en servir comme un témoignage involontaire et indirect.
49C’est Bloch le premier qui a théorisé la différence entre témoignages intentionnels et involontaires70. Les premiers sont l’ensemble de documents et de monuments produits et laissés intentionnellement à la postérité, pour transmettre et faire perdurer dans la durée des aspects considérés « dignes de mémoire » par ceux qui ont les moyens, l’intérêt et le pouvoir d’écrire l’histoire. Les seconds sont l’ensemble de textes et de traces matérielles de la vie humaine, produits spontanément par son fonctionnement quotidien, mais qui – par les aléas de l’histoire – ont survécu à la fin de leur époque et se voient utilisés involontairement comme des témoins historiques par les historiens du futur.
50En réalité les témoignages involontaires sont les plus abondants et les plus divers des sources historiques, car ils comprennent tous les domaines des productions de culture matérielle, des mœurs et des traditions populaires qui sont aujourd’hui partagées par une pléiade de disciplines des sciences humaines. Mais leurs origines plongent leurs racines chez les antiquaires du xve au xviiie siècle. En effet, à rebours de la connotation péjorative accordée ordinairement – depuis le xixe siècle – au terme « antiquaire », Bloch et Arnaldo Momigliano ont montré71 que la tradition des antiquaires est la source de plusieurs vagues de renouvellement méthodologique concernant l’analyse de ce domaine matériel et involontaire des actions humaines72.
51Et même, pour Bloch, le biais que l’analyste doit adopter, quand il confronte les témoignages involontaires, reste utile pour approcher toutes les sources quand il s’agit de lire « entre les lignes » les traces involontaires qui font contrepoids à l’intention primaire du document. Soit parce qu’il faut se méfier de cette intention, soit parce qu’elle délaisse les aspects de la vie humaine (passée et présente) qui nous intéressent73.
52Quoi qu’il en soit, l’archéologie est l’une des lignées privilégiées dans cette généalogie d’innovations méthodologiques pour l’analyse des témoignages involontaires. Comme Bloch l’avait souligné dès la fin des années 1930 :
Mieux que beaucoup de récits, ces gestes professionnels [du marchand qui tient à jour son livre de comptes] ou ménagers [de « l’homme qui précipitait dans le lac des débris de sa vaisselle »] nous ont livré de quoi reconstituer une structure économique, une mentalité religieuse, une civilisation matérielle74.
53Dans la perspective technologique contemporaine, les préhistoriens de la génération actuelle (des années 1980 à nos jours) ont perfectionné l’une des plus puissantes méthodes de lecture des témoignages involontaires contenus dans les vestiges archéologiques, laquelle se prête parfaitement pour être appliquée à l’analyse des indices involontaires contenus dans les archives de fouilles, particulièrement, l’iconographie scientifique.
La reconstitution des chaînes opératoires de la fouille archéologique
54Sans recours à des témoignages oraux ou écrits, toute recherche d’intentionnalité en préhistoire est obligatoirement indirecte. Cependant, il y a des degrés dans l’interrogation « oblique » des vestiges. Ainsi, en premier lieu, dans leur matérialité directe les vestiges nous informent de leur morphologie et de leur chronologie. C’est le fondement des approches typologiques et de chronostratigraphie classiques qui ont donné ses lettres de noblesse à la science moderne de l’archéologie de la fin du xixe siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais aussi, en deuxième lieu – et de façon indirecte et involontaire –, les vestiges peuvent nous renseigner sur les intentions techniques, les connaissances et les façons de faire propres à une tradition d’artisans du passé : à travers la reconnaissance, le raccord et le remontage des résidus de fabrication. C’est l’approche technologique des préhistoriens français contemporains75.
55Dans le premier cas, l’analyse morphométrique et statistique des vestiges lithiques, par exemple, va déterminer si un « couteau à dos oblique sur support laminaire plat et large » correspond au type « de Châtelperron »76. Sa représentation statistique et sa position stratigraphique vont ensuite assurer son identité et sa chronologie77. Dans le second cas, c’est la lecture des traces technologiques inscrites sur les vestiges qui va permettre de remonter les chaînes opératoires du débitage et d’identifier les schémas mentaux, les techniques et les façons de faire traditionnelles propres à un groupe d’artisans préhistoriques78.
56En partant de cette analogie, le cœur de notre approche d’analyse est de ne pas nous limiter à interroger nos sources iconographiques seulement dans le sens de leur intentionnalité directe de production (en tant que données scientifiques), mais de les questionner en tant que témoins indirects et involontaires des intentions scientifiques, des connaissances et des façons de faire particulières à la communauté scientifique qui les a produites.
57Ainsi, par exemple, au lieu de se restreindre à interroger des photos ou des dessins dans leur intentionnalité scientifique première – en tant que représentations visuelles de la stratigraphie et de la structuration spatiale des vestiges (d’après leur compréhension et les interprétations scientifiques de l’époque) –, il faut les questionner en tant que témoins involontaires de l’agencement du terrain, de l’outillage et des techniques de fouilles utilisées dans le passé, des rythmes et de la division du travail, des conflits internes et externes au chantier, des alliances et des amours tissées, etc. Bref, de les appréhender dans le domaine – riche en détails – de la vie quotidienne, dans une sorte de (paléo-)ethnographie des pratiques scientifiques.
58Cependant, la clé de la réussite de cette interrogation indirecte de nos sources d’iconographie scientifique consiste en une analyse croisée avec :
a) l’ensemble des autres sources d’archives « classiques » ;
b) les interprétations scientifiques actuelles des vestiges archéologiques ;
c) la compréhension de la matérialité des paysages archéologiques comme ils existent aujourd’hui et comme ils sont représentés par les méthodes d’imagerie moderne (photogrammétrie, relevé 3D, SIG, etc.) ;
d) une connaissance « depuis l’intérieur » (par expérience propre) des méthodes et pratiques modernes de terrain ;
e) un référentiel comparatif de la diversité actuelle et de l’histoire de ces méthodes et pratiques contemporaines.
59En effet, pour arriver à appréhender le « point de vue » des artisans du passé – en technologie préhistorique –, outre les connaissances et les compétences techniques particulières au métier de préhistorien/archéologue (techniques de fouilles et typologie), le technologue a besoin du recours à un référentiel expérimental et ethnographique des savoir-faire passés. Bref, il est obligé d’avoir un minimum de connaissances et des compétences dans les domaines des artisans79. Comme dans notre cas, l’historien des sciences est obligé d’avoir un minimum de compétences et de formation dans le domaine particulier de la discipline sujet d’étude.
Rendre visibles « les surfaces sur lesquelles les hommes ont marché » : un manque méthodologique
60Notre recherche précédente sur les archives des chantiers de Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure a montré qu’en se servant de la reconstitution de la chaîne des opérations de fouilles il est possible d’appréhender la logique originaire de la production des données, pour en cerner leurs limites et leurs possibilités et évaluer leur degré d’exploitabilité par les méthodes modernes80. Cependant, le travail est ardu et requiert l’application d’une approche microhistorique pour l’ensemble des archives concernées. Or, au-delà des « vraies » erreurs, dues à des maladresses évitables dans les conditions de l’époque, nos résultats suggèrent, par ailleurs, l’existence d’une lacune capitale concernant les instruments d’observation stratigraphique d’alors, laquelle risque d’empêcher toute traduction de leur compréhension de la séquence stratigraphique aux termes et à la hauteur des degrés de précision des analyses modernes81.
61Les erreurs résident notamment dans le manque d’établissement d’un système fixe de carroyage pour l’enregistrement des coordonnées des vestiges. Au départ établi par un simple niveau à eau et une chaîne d’arpenteur, il n’a été amélioré par théodolite qu’en 1956 par le topographe et dessinateur Roger Humbert ; et son absence au début des opérations a produit des décalages dans le repérage horizontal et vertical des vestiges accumulés d’année en année. La lacune dans l’appareillage d’observation, quant à elle, consiste dans le fait que l’équipe de Leroi-Gourhan manquait des instruments de critique nécessaires pour établir le degré de contemporanéité des vestiges dans un même niveau et prouver ainsi l’existence d’éventuels « sols d’habitat ».
62Dès les années 1950-1960 Leroi-Gourhan avait souligné que l’originalité de son « école » était l’ambition d’atteindre une compréhension (paléo-)ethnologique de la vie des peuples préhistoriques, ce qui impliquait la mise en évidence et l’analyse des surfaces d’habitat sur lesquels se déroulaient les activités domestiques quotidiennes. Il l’a exprimé clairement lors de ses premières réflexions sur les techniques de fouilles aboutissant à l’élaboration de son « manuel » publié en 1950 :
[…] le but de la préhistoire est de comprendre comment vivaient les hommes : les hommes ne vivaient pas comme des mouches collées à un mur vertical : tout niveau d’habitat est a priori une surface qui tend vers l’horizontale82.
63Et dès ces années – en partant de ses expériences dans ses deux chantiers préhistoriques principaux de l’époque (Les Furtins et Arcy-sur-Cure) –, il a expliqué que le moyen pour atteindre ces espaces domestiques de la préhistoire était l’utilisation d’une méthode de décapage horizontal. Celle-ci consistait à concevoir la fouille comme une « dissection », laquelle avait pour but de mettre en lumière « les surfaces souvent pelliculaires sur lesquelles les hommes ont marché83 ». Pour ce faire, il fallait tout d’abord enlever progressivement les sédiments de toute la zone fouillée, en suivant les contours des surfaces successives des niveaux mis en évidence par les sondages, puis laisser la totalité des vestiges – reconnaissables et prélevables – dans leur position originale in situ pour procéder, finalement, à l’enregistrement cartographique et iconographique :
L’enregistrement, en réalité, n’est que l’autre face de la dissection, car s’il est un fait que la pratique montre constant, c’est qu’une dissection archéologique n’est bonne que si l’on a conservé à tout instant le désir de la rendre exprimable graphiquement, par le secours du croquis, du plan, des coupes, de la photographie, du cinéma, de la maquette. Le minimum pour l’enregistrement, c’est par conséquent d’avoir su conduire sa vision en surface de telle sorte qu’elle soit traduisible en courbes de niveau dans le détail de tout ce que les vestiges immobilisés par leur abandon à une certaine époque peuvent conserver encore des raisons qui ont animé en un temps leur existence84.
64Cette réflexion – publiée à la veille de la découverte de Pincevent – nous montre qu’à la fin de l’expérience d’Arcy-sur-Cure, Leroi-Gourhan avait conscience que l’un des moyens pour atteindre les surfaces d’habitat était de décaper à l’horizontale en gardant la cohérence spatiale des vestiges, pour traduire leur structuration dans les termes du langage cartographique et des représentations iconographiques disponibles à l’époque. Les principes de la « fouille ethnographique » ou « fouille planimétrique »85 étaient ainsi esquissés ; néanmoins la complexité des séquences stratigraphiques confrontées dans les contextes karstiques des Furtins et d’Arcy-sur-Cure montrait aussi que la mise en évidence de la contiguïté spatiale – par l’analyse planimétrique – était insuffisante pour prouver la contemporanéité des vestiges.
65L’« immobilité » des vestiges après leur abandon est toujours relative – voire exceptionnelle –, surtout en contexte karstique. Car comme nous avons vu (voir supra), une fois abandonnés, ceux-ci sont intégrés dans le continuum des processus de sédimentation et d’érosion qui transforment à perpétuité la séquence stratigraphique. Or, pour démêler « les raisons qui ont animé en un temps » leur existence – lesquelles sont « conservées encore » dans ce palimpseste sédimentaire –, à part la confirmation de la contiguïté spatiale qu’apporte l’analyse planimétrique, nous avons besoin de preuves externes de leur cohérence stratigraphique et de preuves internes de leur cohérence techno-culturelle. Les premières correspondent à la critique de la sédimentologie, de la géomorphologie et de la taphonomie. Leroi-Gourhan et son équipe en avaient conscience, et pour cette raison ils ont essayé de développer la sédimentologie, la taphonomie et la palynologie dans les laboratoires du CDRP86. Les secondes manquaient à l’époque ; aujourd’hui nous savons qu’elles correspondent aux principes d’analyse des structures « évidentes » et « latentes », mis au point par Leroi-Gourhan grâce à l’expérience des fouilles de Pincevent dans les années 1960-197087.
La mise en évidence des structures latentes : groupement, répétition, liaison
[…] une hutte châtelperronienne est une structure d’organisation collective ; la récolte des huit ou dix défenses de mammouth qui en ont constitué la charpente […] impliquait la participation de plusieurs chasseurs […] mais on peut penser aussi que les défenses ont été ramassées par un ménage et ses enfants à plusieurs kilomètres de distance […].
Si nous pouvions fouiller Arcy, après l’expérience de Pincevent, nous verrions beaucoup plus de chose qu’à l’époque, en particulier dans le domaine des relations […]88.
66Au moment de sa « consécration institutionnelle » – avec son entrée au Collège de France en 1969 –, les recherches et l’enseignement de Leroi-Gourhan s’organisaient en deux axes principaux : d’une part, l’analyse et l’interprétation de l’art préhistorique et, d’autre part, l’étude des structures d’habitat, notamment à travers les fouilles du campement magdalénien de Pincevent89. En effet, dans ses premières années au Collège de France, Leroi-Gourhan préparait sa monographie sur les résultats des fouilles de la section 36 de Pincevent. Paru en 1972, l’Essai d’analyse ethnographique d’un habitat magdalénien90 est bien alors une étape fondamentale des ambitions (paléo-)ethnologiques établies par Leroi-Gourhan et son équipe dès la création de son école de fouilles à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
67Car, dans cet ouvrage, Leroi-Gourhan n’a pas seulement proposé des interprétations sur l’organisation sociale des chasseurs – à l’intérieur de l’espace domestique de leur habitat – en se fondant sur la reconstitution des activités techno-économiques inscrites dans la structuration spatiale des milliers des vestiges qui parsemaient les près de 600 mètres carrés de surface décapés. Mais il a eu l’occasion de profiter des conditions extraordinaires de ce gisement – les restes d’un campement miraculeusement préservé par des limons d’inondation ! – pour aboutir à la systématisation des méthodes de critique permettant de rendre visibles « les surfaces sur lesquelles les hommes ont marché ». C’est-à-dire la construction de preuves de la contemporanéité des vestiges ainsi que des techniques pour mettre en lumière les structures d’habitat préservées dans les sols archéologiques.
68De plus, Leroi-Gourhan s’est servi de sa position nouvelle pour approfondir collectivement ses réflexions sur les structures d’habitat dans son Séminaire sur les structures d’habitat au Collège de France. Si les deux premières sessions (1970 et 1971) consistaient essentiellement en une répétition annonçant la publication de la « section 36 », la suivante (13 janvier-24 février 1972) a été organisée autour du sujet « Problèmes de technique et d’interprétation »91, fixant l’esprit et le programme général de toutes les sessions ultérieures. D’après Leroi-Gourhan, l’ambition (paléo-)ethnologique partagée par le « courant actuel » des préhistoriens comporte un problème méthodologique majeur92. L’ambition est de construire des interprétations d’ordre socio-historique sur les groupes humains de la préhistoire à partir de l’interprétation de leurs vestiges93 ; le problème est celui de l’intégrité des sources primaires sur la structuration de ces vestiges. En d’autres termes : premièrement, comment prouver que la raison principale des structures mises en évidence par la fouille est les actions humaines passées ? Et, deuxièmement, comment passer de l’analyse de ces structures présentes à l’interprétation des comportements humains passés et, par conséquent, absents ?
69En se posant ces questions, le cœur du programme d’étude a été 1) de réfléchir aux problèmes posés par la mise en évidence des structures d’habitat (fouille, enregistrement, interprétation), et 2) de systématiser un vocabulaire descriptif « d’attente » pour la critique des sources94. La dynamique du séminaire consistait en l’élaboration de ces deux axes thématiques à partir de la présentation de cas concrets par différents préhistoriens, archéologues et ethnologues. Au cours des premières années (1972-1977)95, Leroi-Gourhan a développé ses réflexions en faisant un contraste entre le cas d’Arcy-sur-Cure et celui de Pincevent. C’est dans ce contexte d’échange intellectuel qu’il a présenté et élaboré collectivement deux principes basiques de l’établissement critique des structures d’habitat, ainsi que les procédés techniques nécessaires pour sa mise en œuvre : la distinction entre structures évidentes et structures latentes, ainsi que l’analyse « microtopographique » des plans de distribution des vestiges à l’aide des principes de répétition et liaison. Leur énonciation définitive aura lieu dans le « Vocabulaire » publié à la fin de l’Essai d’analyse ethnographique d’un habitat magdalénien96. Cependant, leur présentation dans le séminaire a été l’occasion d’une discussion et d’une élaboration collectives plus approfondies.
70Les structures évidentes sont : « […] les faits d’organisation qui apparaissent au cours de la fouille (comme les positions respectives des foyers, des nappes d’ocre, des amas de déchets97 […] » tandis que les structures latentes sont celles : « […] qui ressortent de l’analyse topographique ultérieure des témoins (comme la dispersion des burins)98 […] ».
[…] La mise en lumière des structures évidentes dans un sol simple comme celui de Pincevent n’offre aucune difficulté […] il en est autrement pour les sols d’accumulation d’Arcy : reconstruites de nombreuses fois sur le même emplacement, les huttes successives ont accumulé leurs témoins sur plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur de sorte que la lecture des structures évidentes nécessite une interprétation très délicate des images de sol qui apparaissent progressivement au cours du décapage : amas circulaire de plaques de calcaire, défenses de mammouth de la superstructure écrasées sur le sol, sol proprement dit, enfin trous d’implantation de la charpente de défenses99.
71Les structures latentes sont, par conséquent, la démonstration de la contemporanéité et de l’intentionnalité de l’organisation des vestiges sur une surface de décapage donnée : elles sont la preuve que les rapports spatiaux – qui lient les vestiges sur la surface – sont « pertinents » et « significatifs », c’est-à-dire qu’ils sont le résultat des activités humaines dans un moment sédimentaire précis. Sur le plan méthodologique, la mise en évidence des structures latentes consiste en deux étapes. Premièrement, l’application de la dissection par décapage horizontal, prônée dès le manuel de 1950 : enlever les sédiments en suivant les contours de surfaces et en laissant la totalité des vestiges dans sa position originelle100 (voir supra). Deuxièmement, l’application de l’analyse microtopographique mise au point dans l’expérience de Pincevent : relevé planimétrique et photogrammétrique de détail de la « surface optimale de décapage » et la recherche de rapports spatiaux significatifs grâce à l’élaboration de plans et d’images rendant visibles les connexions révélées par les principes de groupement, répétition et – le plus important – liaison.
72Le groupement dessine des courbes de dispersion des vestiges, comme celle différentielle des taches d’ocre sur le sol en profilant des zones vides, ou celles des produits de débitage autour des foyers, dans les zones d’évacuation et contre les limites des espaces d’habitation à Pincevent. La répétition, quant à elle, met en évidence des coexistences réitératives de familles de vestiges « comme la fréquence de talons de sagaies à proximité des foyers101 ». Enfin, la liaison :
[…] fondée sur les mêmes bases de micro-topographie, marque un degré supérieur dans l’établissement des structures latentes. Elle constitue la trame temporo-spatiale qui unit les vestiges : reconstitution d’un bloc de silex débité, remontage d’un fémur de renne fragmenté à des fins alimentaires, morceaux éparpillés d’une pierre de bordure de foyer. Par la recherche des liaisons qui matérialisent un réseau de rapports entre les différentes parties de la surface de sol, on peut obtenir une structuration dynamique de l’habitat102.
73En dernière analyse, cette « trame temporo-spatiale qui unit les vestiges », laquelle est mise en évidence par les liaisons et nous autorise à obtenir « une structuration dynamique de l’habitat », constitue la preuve centrale de la contemporanéité. Elle prouve en effet que la cause de la coexistence spatiale des vestiges est une cohérence fonctionnelle profonde et métonymique qui les lie de façon nécessaire – à la manière dont la cause est liée à l’effet ou le tout à la partie –, comme les lames débitées sont associées au nucleus dont elles ont été extraites, ou les restes osseux au tout organique indiqué par leur connexion anatomique.
74Cette « trame temporo-spatiale » correspond au « canevas fonctionnel » dont parlait Leroi-Gourhan dans l’analyse de l’habitation magdalénienne no 1 de Pincevent103. En effet, il s’agissait du tissu de relations qui a servi à prouver, non seulement la contemporanéité des trois structures de combustion et de la pléiade de zones d’activité qui composaient ce premier sol magdalénien décapé, mais surtout leur intégration dans un même « ensemble fonctionnel » : une véritable « unité d’habitation » préhistorique laquelle a été le théâtre des activités diverses des chasseurs de rennes lors d’un séjour estival ou automnal. Sur le plan méthodologique, les instruments qui ont servi à construire les liaisons de ce « canevas fonctionnel » ont été – naturellement – l’analyse microtopographique, et tout particulièrement la recherche des raccords et des remontages lithiques, osseux et des pierres de foyer.
75Ultérieurement, le développement de ces instruments méthodologiques a été l’une des clés – avec l’analyse microstratigraphique mise au point par Michel Orliac104 – pour prouver la contemporanéité à des échelles de complexité exponentielle, notamment l’extraordinaire surface d’environ 4 500 mètres carrés du campement du niveau IV20 de Pincevent, fouillé jusqu’à la fin du xxe siècle par l’équipe fondée par Leroi-Gourhan105. Un autre développement de ces instruments se trouve par ailleurs à l’origine de l’une des méthodes modernes les plus puissantes de critique taphonomique : l’analyse statistique et topographique des raccords de la totalité de produits et déchets du débitage lithique, laquelle a été utilisée récemment pour mettre en doute la connexion Néandertal-Châtelperron à Saint-Césaire106.
76Quoi qu’il en soit, il est évident que tous ces développements méthodologiques, issus de l’expérience de Pincevent, étaient absents dans les années du chantier d’Arcy-sur-Cure (1946-1963). Néanmoins, avant cette analyse historique de la généalogie des méthodes de décapage des sols d’habitat, il n’était pas si évident de trancher la question du degré de résolution stratigraphique et de certitude des preuves de contemporanéité atteint par les fouilles de Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure. Mais aujourd’hui nous pouvons affirmer qu’il était matériellement impossible à l’époque de prouver l’existence de n’importe quel type de structure d’habitat. Leroi-Gourhan regrettait : « Si nous pouvions fouiller Arcy, après l’expérience de Pincevent, nous verrions beaucoup plus de chose qu’à l’époque, en particulier dans le domaine des relations […]107. » Mais nous ne pouvons pas le faire. Et, d’après notre analyse, une différence essentielle dans les techniques d’observation sépare :
1) les images que se sont faites les fouilleurs de la génération de Leroi-Gourhan du Châtelperronien : un ensemble intriqué d’habitations successives mais contemporaines d’une même tradition techno-culturelle et d’une même population humaine108 ;
2) de celles que nous nous faisons aujourd’hui : un palimpseste sédimentaire complexe imbriquant souvent deux ou trois techno-complexes différents (Aurignacien, Châtelperronien et Moustérien) et, en corollaire, plusieurs populations humaines.
La pertinence de la généalogie des méthodes de décapage à l’aune de l’histoire des sciences et de l’art
77Désormais, nous disposons de quelques repères dans la généalogie qui a conduit à la création des méthodes modernes de décapage, particulièrement dans leur formalisation en la fouille planimétrique ou à visée ethnographique de l’école de Leroi-Gourhan, lors du chantier de Pincevent. Nous avons évoqué également leur rôle central dans la construction de preuves de contemporanéité, dans les pratiques modernes de décapage des campements préhistoriques de plein air, mais aussi dans les innovations récentes en critique taphonomique grâce à l’analyse topographique et statistique des remontages lithiques. Rappelons qu’il est presque un lieu commun – dans l’historiographie des sciences archéologiques – de reconnaître l’importance de Leroi-Gourhan et de son école dans la généalogie des méthodes modernes de la fouille archéologique109. Cependant, mis à part les importants travaux récents de Philippe Soulier110, il y a un manque sérieux de recherches historiques approfondies qui éclairent le caractère particulier de leur apport, ainsi que son processus historique de création et d’innovation scientifique.
78Or, nous pouvons nous demander : quelle pertinence auraient ces recherches historiques sur la généalogie des méthodes de fouilles de l’école de Leroi-Gourhan au-delà de la satisfaction qu’elles pourraient apporter à la curiosité des historiens de l’archéologie ? En d’autres termes, quel intérêt pourraient avoir ces recherches pour l’ensemble des sciences humaines ? Deux arguments peuvent être avancés en guise de réponse.
79Premièrement, dans la perspective technologique des préhistoriens, la fouille planimétrique représente l’un des aboutissements les plus récents et les plus puissants de la généalogie d’innovations pour exploiter les témoignages involontaires – laquelle a été initiée par les antiquaires des xve-xviiie siècles, comme il a été expliqué par Bloch, Momigliano puis Carlo Ginzburg (voir supra). En effet, avec les données sur les actions humaines passées que ces méthodes archéologiques produisent, le répertoire des façons multiples d’être humain – d’où l’ensemble des sciences humaines vont puiser leurs corpus factuels, au moment de l’élaboration de modèles ou de généralisations transculturelles – a le potentiel d’être dilaté jusqu’aux profondeurs millénaires des temps préhistoriques dans les cinq continents111.
80Deuxièmement, la généalogie des méthodes de décapage des sols d’habitat représente l’un des exemples les plus nets de l’intrication des technologies de production et de reproduction des images avec les méthodes d’observation et de construction de données en sciences humaines. En effet, nous avons vu comment, lors de la fouille, l’enregistrement microtopographique, photogrammétrique et éventuellement LIDAR est à la fois l’intentionnalité et l’outil qui servent à conduire les décapages. Mais nous avons vu également comment ces enregistrements sont, après la fouille, l’instrument de production de corpus iconographiques nouveaux dont les archéologues se servent pour la mise en évidence et l’analyse des structures latentes.
81Pour ces raisons, et autant que nous sachions, la généalogie des méthodes de décapage des sols d’habitat est un cas assez bien situé pour entreprendre une analyse microhistorique du développement de cette branche contemporaine des stratégies d’exploitation des témoignages involontaires, dans le cadre de l’intrication : entre technologies d’imagerie et sciences humaines, entre présent récent et passé lointain, entre iconographie scientifique et vestiges matériels, entre histoire des sciences et histoire de l’art ; bref, entre science, art et société.
82Néanmoins, il s’agirait d’une recherche historique qui dépasse de loin les limites de cet article. Quoi qu’il en soit, celui-ci peut servir à préciser certains repères. Comme nous l’avons mis en évidence, nous pouvons désormais situer le moment charnière de la cristallisation des principes de la fouille planimétrique ou ethnographique : entre les débuts du chantier de Pincevent (1964) et la publication de l’Essai d’analyse ethnographique d’un habitat magdalénien (1972). Nous connaissons aussi quelques-uns des développements ultérieurs de cette approche dans les fouilles des campements préhistoriques de plein air et dans les analyses taphonomiques au moyen des remontages de nos jours. Et nous disposons de quelques éclaircissements sur les tâtonnements, les échecs mais aussi les conquêtes issues des expériences des fouilles d’Arcy-sur-Cure (1946-1963).
83Au final, sur les origines de cette généalogie des méthodes de décapage – outre les idées globales sur le renouvellement des pratiques de l’archéologie dans le creuset du second après-guerre112 –, nous bénéficions des pistes précieuses signalées par Philippe Soulier : le premier chantier préhistorique de l’école de Leroi-Gourhan à la grotte des Furtins, fouillée entre 1945 et 1948, ainsi que les débats autour de la notion de « stratigraphie artificielle »113. Quelle pertinence peut avoir cet éventuel retour aux origines ? Et quel profit pouvons-nous en tirer ?
Épilogue : les amoncellements de crânes d’Ursus spelaeus. Culte de l’Ours ou tanières d’ours dans la préhistoire ?
84La première publication de Leroi-Gourhan, concernant les fouilles de son école dans un gisement préhistorique, correspond à la présentation des résultats des premières « 5 campagnes » d’excavation dans la grotte des Furtins [fig. 2] à Berzé-la-Ville (Saône-et-Loire) de 1945 à 1946114. Il s’agit du texte d’une communication présentée lors de la séance de la Société préhistorique française du 24 octobre 1946115, transcription (presque) verbatim d’un « Rapport préliminaire » et reprise d’autres documents préparatoires préservés aux archives de la MSHM à Nanterre116.
85L’intérêt de ces résultats d’une équipe de débutants, pour l’audience de l’auguste Société préhistorique française, était que, malgré le caractère plutôt frustre et ingrat de la plupart de l’industrie lithique – laquelle avait été récoltée à l’intérieur d’une stratigraphie assez compliquée, et dans des conditions logistiques autant exigeantes que hasardeuses –, ce milieu karstique renfermait une riche séquence d’ossuaires d’ours dans les niveaux profonds. Ceux-ci semblaient alors offrir le témoignage d’un arrangement et d’un dépôt intentionnels de certains des crânes d’ours qu’ils contenaient. Par conséquent et en dernière analyse, si cette hypothèse de la disposition volontaire de ces ossements s’avérait confirmée, les Furtins deviendraient l’un des éléments exceptionnels de preuve – « sur le sol français » – de l’existence d’un éventuel « culte de l’Ours »117 dans le Paléolithique moyen. Une idée qui était principalement défendue à l’époque par le préhistorien suisse Emil Bächler dans son hypothèse du « culte et de la chasse de l’Ours » dans le « Moustérien alpin »118.
86Quoi qu’il en soit, pour argumenter en faveur de l’intentionnalité (éventuelle) de l’organisation des huit crânes d’ours, mis en lumière entre les blocs d’un « dallage » apparent dans la « couche ossifère » du sondage IV [fig. 2 à 5], Leroi-Gourhan a présenté un document iconographique comme preuve principale. Il s’agit d’un dessin [fig. 3] représentant la distribution et la position « en plan » des principaux vestiges découverts : crânes, dalles calcaires, os longs et éclats119. À notre connaissance – et en nous autorisant l’anachronisme –, ce document d’iconographie scientifique représente la première tentative d’élaboration et d’utilisation d’un plan de distribution de vestiges sur un sol d’habitat (de la part de Leroi-Gourhan et son équipe) pour prouver la contemporanéité du dallage, des crânes, des os et des éclats et, par conséquent, pour prouver l’intentionnalité de leur structuration spatiale120.
87D’après Leroi-Gourhan, la conclusion qui découlait de cette tentative de démonstration à l’aide des représentations spatiales [fig. 3 et 4] était la suivante :
La découverte des Furtins n’est donc que la confirmation, sur le sol français, d’un ordre de faits qui pourrait modifier profondément les notions acquises sur le développement mental des auteurs de l’industrie tayaco-moustérienne. L’interprétation de ces faits exige une grande prudence car ils ne correspondent pas avec les constatations très méthodiques de F.-Ed. Koby dans les cavernes du Jura. Il me semble, en attendant des découvertes nouvelles, que l’hypothèse des dispositions intentionnelles doit être prise en sérieuse considération mais non élevée à la hauteur d’une démonstration.
L’ensemble des crânes est resté en position dans le niveau où il a été découvert121.
88Ainsi se dégagerait un argument fort pour parler de l’existence de comportements symboliques et « rituels » complexes à l’époque du Tayacien et du Moustérien, au moins dans cette région de la France. Néanmoins – comme Leroi-Gourhan l’indique dans ses lignes conclusives – si « l’hypothèse des dispositions intentionnelles doit être prise en sérieuse considération », elle ne doit pas être « élevée à la hauteur d’une démonstration ». Notamment, parce qu’elle semble être en conflit avec « les constatations très méthodiques de F.-Ed. Koby dans les cavernes du Jura ».
89En fait, l’enthousiasme de cette première communication-publication est passé très rapidement. Premièrement, parce que, dès la séance de présentation, l’abbé Breuil a conseillé de se garder de l’éventualité des « mélanges » occasionnés par la complexité des processus géomorphologiques – évoquant des exemples suisse et charentais122. Deuxièmement, parce que Leroi-Gourhan a pris au sérieux les puissantes critiques taphonomiques lancées – notamment par l’ophtalmologue et paléontologue suisse Frédéric-Édouard Koby – contre l’idée de l’origine anthropique des amoncellements d’os et de crânes d’ours, dans les grottes du Moustérien alpin proposé par Bächler. En effet, comme Leroi-Gourhan l’a expliqué postérieurement, à côté de ses importants travaux sur la paléontologie des ours fossiles et leurs liens avec ceux actuels, Koby a réalisé des observations éthologiques sur les représentants modernes de cette espèce dans leurs tanières (notamment lors de leur d’hivernage), ainsi que sur les mécanismes physiques du « charriage » des os dans les dépôts d’ossuaire en grotte. Et à partir de cette approche – que nous qualifierons aujourd’hui d’« archéozoologique » –, il a créé un répertoire d’indices pour « lire » dans l’organisation des restes osseux, leur composition démographique et les traces inscrites dans les sédiments, parois et plafond des grottes, les conséquences de l’occupation naturelle (non anthropique) de ces lieux par les ours à travers les millénaires123.
90Leroi-Gourhan a appris sa leçon, et dans les campagnes ultérieures à la grotte des Furtins (1947-1948) il a mis en place une triple approche critique de l’intégrité stratigraphique des vestiges. Premièrement, en suivant les recherches de Koby125 – et en se servant de sa formation ancienne en morphométrie, ostéologie et anatomie comparée126 –, il a réalisé sa propre analyse de la structure (paléo-)démographique des populations d’ours des Furtins, ainsi qu’une lecture et un enregistrement « systématiques » des traces taphonomiques dues au comportement des ours fossiles. Deuxièmement, avec la collaboration de Sperando Bozzone – agrégé d’histoire naturelle et professeur du lycée de Mâcon127 –, Leroi-Gourhan a réalisé un relevé assez détaillé et précis de la topographie de la cavité [fig. 2], ainsi qu’une prospection et un relevé géologique du milieu environnant. Ces éléments lui ont permis d’avoir une compréhension assez sophistiquée des processus de formation et de transformation géomorphologiques du milieu karstique et ses dépôts sédimentaires. Troisièmement, Leroi-Gourhan a pris une distance critique pour réviser son expérience personnelle de la fouille [fig. 5] – en suivant en quelque sorte le procédé littéraire de l’estrangement éclairé par Carlo Ginzburg128 – et, dans ce moment d’« illumination scientifique », il a pris conscience d’un biais inconscient qui menaçait de façon involontaire l’intégrité stratigraphique des vestiges lors de l’acte même de la fouille :
La fouille dans un ossuaire se déroule suivant un processus qui est à peu près toujours le même : on aperçoit à un moment donné une pièce importante, crâne ou os long et l’on procède, pour le dégager, à l’élimination de plusieurs dizaines de vertèbres, phalanges, côtes et mandibules avant de pouvoir l’approcher. Au bout d’un certain temps il y a sur le chantier un petit nombre de ces grosses pièces bien nettoyées qui paraissent occuper des positions souvent insolites, par le seul fait qu’on les a en quelque sorte privées de leur « contexte » en éliminant toute la broutille de cailloutis et de petits ossements. Le jour où j’ai eu conscience de ce mécanisme inconscient nous avons décidé de ne plus enlever le plus petit ossement sans l’avoir préalablement dessiné sur plan : les découvertes de dispositions intentionnelles se sont extraordinairement raréfiées. En dessinant du même coup toute la blocaille nous nous sommes protégés contre le risque d’en éliminer une partie autour des pièces principales129.
91Pour se protéger de la destruction du contexte des vestiges – occasionnée par le biais de ce « mécanisme inconscient » de « dégagement » des « pièces importantes », via l’élimination de « toute la broutille de cailloutis et de petits ossements » –, Leroi-Gourhan a posé ainsi, et de façon en grande partie involontaire, les prémisses de ce qui par la suite allait devenir la fouille planimétrique :
1) décaper en suivant les contours des surfaces et en laissant la totalité des vestiges en place dans leur position originelle ;
2) pour ensuite enregistrer leurs coordonnées tridimensionnelles sur des plans et des coupes, ainsi que dans des représentations iconographiques : schémas et perspectives dessinées [fig. 3], mais surtout photographie [fig. 4 et 5] et cinéma.
92Cet ensemble de nouvelles technologies de production des images intégrées aux techniques de décapage allait donner des pouvoirs nouveaux d’observation aux archéologues et aux préhistoriens, comme nous l’avons vu tout au long de cet article. Des pouvoirs pour parvenir à matérialiser – à travers les images – les sols d’habitat et les structures qui étaient latentes dans le continuum sédimentaire, mais qui restaient invisibles à l’œil nu et à la truelle lors de la fouille. Des pouvoirs, in fine, pour percer la dimension de la matérialité immédiate de la chronologie et la typologie des vestiges et approcher – par le biais du canevas de leurs liaisons fonctionnellement organiques – les espaces quotidiens de la vie domestique dans les habitats de la préhistoire.
*
93Une première exploration des archives de fouilles des Furtins nous montre qu’à partir de 1947 – après ce « déclic méthodologique » dans la façon d’approcher le problème de contemporanéité – l’école de Leroi-Gourhan a en effet commencé à expérimenter des voies multiples pour enregistrer le contexte spatial des vestiges sur les surfaces décapées. Notamment par l’implémentation de nouvelles technologies de relevé topographique et d’imagerie : photogrammétrie, photographie stéréoscopique, films, etc.130.
94Quels renseignements sur l’histoire des techniques d’exploitation des témoignages involontaires, ainsi que sur l’imbrication des technologies de production d’images dans les méthodes d’observation en sciences humaines, pourrait nous révéler l’analyse historique de ces archives de fouilles ? Et, à son tour et dans une sorte de mise en abîme, quels éclaircissements, sur la vie des femmes et des hommes du passé lointain – préhistorique – peut nous apporter l’analyse des images que sur eux ont construites les chercheuses et chercheurs du passé récent ?
95On constate que la reprise critique des images vestigiales du passé récent – des données et des interprétations des fouilles anciennes – possède un « potentiel rédempteur131 » des images oubliées (voire niées) du passé lointain qu’il ne faut pourtant mépriser à l’aune des méthodes et du regard scientifique modernes.
Notes de bas de page
1 Walter Benjamin, « Thèse V », dans Walter Benjamin : Avertissement d’incendie. Une lecture des thèses « Sur le concept d’histoire », trad. de l’all. par Michael Löwy, Paris, L’Éclat (Poche, 28), 2018.
2 Ernst H. Gombrich, The Story of Art, New York, Phaidon, 16e éd., 1995 ; Walter Benjamin, Œuvres, t. 3, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique : version de 1939, Paris, Gallimard (Folio Essais, 374), 2000.
3 Suzanne Guerlac, « The Useless Image: Bataille, Bergson, Magrite », Representations, 97/1, 2007, p. 28-56.
4 André Leroi-Gourhan, Préhistoire de l’art occidental, Paris, Lucien Mazenod (L’art et les grandes civilisations), 1965.
5 Randall White, Prehistoric Art: The Symbolic Journey of Humankind, New York, Harry N. Abrams, 2003.
6 Alain Testart, Art et religion de Chauvet à Lascaux, Paris, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), 2016 ; id., « Interprétation symbolique et interprétation religieuse en archéologie : L’exemple du taureau à Çatal Höyük », Paléorient, 32/2, 2006, p. 23-57.
7 Carole Fritz, L’art de la préhistoire, Paris, Citadelles & Mazenod, 2017 ; Emmanuel Guy, Ce que l’art préhistorique dit de nos origines, Paris, Flammarion (Au fil de l’histoire), 2017.
8 A. Testart, Art et religion…, op. cit., « Introduction : Art et religion », p. 13-42.
9 Carlo Ginzburg, « Storia dell’arte, da vicino e da lontano », Mitteilungen des Kunsthistorische Institut in Florenz, 61/3, 2019, p. 275-285. Voir aussi ce que dit André Leroi-Gourhan des rapprochements entre art contemporain et art paléolithique dans La civilisation du renne, Paris, Gallimard (Géographie humaine), 1936 (Philippe Soulier, comm. pers., 2021).
10 Carlo Ginzburg, Enquête sur Piero della Francesca. Le Baptême, le cycle d’Arezzo, la Flagellation d’Urbino, Paris, Flammarion (Nouvelle Bibliothèque scientifique), 1992.
11 Id., Mythes, emblèmes et traces. Morphologie et historie, Paris, Flammarion, 1989, chap. 5, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire ».
12 Carlo Ginzburg, « On Small Differences. Ekphrasis and Connoisseurship », Visual History, 2, 2016, p. 11-29.
13 W. Benjamin, Œuvres, t. 3, op. cit.
14 Les polémiques récentes sur les représentations nouvelles des corps célestes et du corps humain – issues de la synthèse d’instruments et de techniques nouvelles d’observation (télescope, anatomie) avec des innovations dans la reproduction mécanique des images (gravure, imprimerie) – et leur rôle dans l’avènement de la science moderne, dans le contexte « global » de l’interaction entre Occident et Orient, sont un exemple notable de la fécondité de ce champ à la croisée entre science, art et société, entre mondes occidentaux et non occidentaux, entre microhistoire et macrohistoire. Voir Perri Sparnon, « Science and Art: Anatomical Illustrations in Early Islamic Optics », dans Samer Akkach (ed.), ‘Ilm: Science, Religion and Art in Islam, Adelaïde, University of Adelaide Press, 2018, p. 19-38 ; Toby E. Huff, Intellectual Curiosity and the Scientific Revolution: A Global Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 2010 ; H. Floris Cohen, « From West to East, from East to West? Early Science Between Civilizations », Early Science and Medicine, 17/3, 2012, p. 339-350.
15 Stuart Piggott, « Archaeological Draughtsmanship : Principles and Practice. Part I : Principles and Retrospect », Antiquity, 39/155, 1965, p. 165-176 ; Gabrielle Feyler, « Contribution à l’histoire des origines de la photographie archéologique : 1839-1880 », Mélanges de l’École française de Rome. Antiquité, 99/2, 1987, p. 1019-1047 ; Alain Schnapp, La conquête du passé. Aux origines de l’archéologie, Paris, Carré (Références, 546), 1993 ; Nathan Schlanger et Jarl Nordbladh (ed.), Archives, Ancestors, Practices: Archaeology in the Light of Its History, New York, Berghahn Books, 2008 ; Robert Vergnieux, « L’usage scientifique des modèles 3D en archéologie. De la validation à la simulation », Virtual Archaeology Review, 2/4, 2011, p. 39-43 ; Garstki Kevin, « Virtual Representation: The Production of 3D Digital Artifacts », Journal of Archaeological Method and Theory, 24/3, 2017, p. 726-750 ; Colleen Morgan et Holly Wright, « Pencils and Pixels: Drawing and Digital Media in Archaeological Field Recording », Journal of Field Archaeology, 43/2, 2018, p. 136-151 ; Lesley McFadyen et Dan Hicks (ed.), Archaeology and Photography: Time, Objectivity and Archive, Londres, Routledge, 2020.
16 Voir par exemple Lewis R. Binford, Bones: Ancient Men and Modern Myths, New York, Academic Press, 1981 ; Thierry Tillet et Lewis R. Binford (dir.), L’ours et l’homme. Actes du colloque d’Auberives-en-Royans, 1997, Liège, Université de Liège (Études et recherches archéologiques de l’Université de Liège, 100), 2000 ; Jean-Guillaume Bordes, Les interstratifications Châtelperronien/Aurignacien du Roc-de-Combe et du Piage (Lot, France). Analyse taphonomique des industries lithiques, implications archéologiques, thèse de doctorat dirigé par Jean-Philippe Rigaud, Université de Bordeaux 1, 2002.
17 Jean-Paul Demoule et al., Guide des méthodes de l’archéologie, Paris, La Découverte (Repères), 2020.
18 Les études taphonomiques sont une branche des sciences archéologiques qui a pour but d’éclaircir les processus naturels (géomorphologiques, physico-chimiques et biologiques) qui interviennent dans la formation d’un gisement ainsi que dans ses transformations post-enfouissement. La taphonomie sert notamment à expliquer comment et à quel degré ces processus ont perturbé l’agencement original des vestiges, ou comment certains d’entre eux sont la cause de structurations considérées erronément d’origine anthropique. Par exemple, l’éclatement mécanique des roches siliceuses (par charriage, compression, etc.) pris à tort comme le produit d’un débitage intentionnel, ou l’accumulation de vestiges (lithiques, osseux, etc.) mélangés sur une surface d’accumulation créée par cryoturbation (modification de la structure du sol sous l’effet du gel). Voir Pascal Bertran et al., « Géoarchéologie et taphonomie des vestiges archéologiques. Impacts des processus naturels sur les assemblages et méthodes d’analyse », dans Jean-Philip Brugal (dir.), Thaphonomies, Paris, Éditions des Archives contemporaines (Sciences archéologiques), 2017, p. 125-166.
19 Charlotte Roberts, « Living with the Ancient Romans : Past and Present in Eighteenth-Century Encounters with Herculaneum and Pompeii », Huntington Library Quarterly, 78/1, 2015, p. 61-85 ; Leonardo López Luján, La casa de las Águilas : Un ejemplo de la arquitectura religiosa de Tenochtitlán, Mexico, CONACULTA/INAH/FCE, 2006, 2 vol. ; Philippe Soulier, Pincevent 1964-2019. Cinquante-cinq années d’ethnologie préhistorique, Paris, Société préhistorique française (Mémoires, 68), 2021.
20 Marie Laroche et al., Paysages pour l’homme. Actes du colloque international en hommage à Paul Ambert (Cabrières, Hérault, 15-19 octobre 2019), Cabrières, Association culturelle des amis de Cabrières, 2019.
21 André Leroi-Gourhan, Les fouilles préhistoriques. Technique et méthodes, Paris, Picard, 1950.
22 Sachant que ces visions et manières de faire ont évolué chez les chercheurs du passé comme elles évoluent encore aujourd’hui, en complément des différents contextes institutionnels et sociologiques dans lesquels ils agissent (Philippe Soulier, comm. pers., 2021). Voir Carlo Ginzburg, « Our Words, and Theirs: A Reflection on the Historian’s Craft, Today », dans Susanna Fellman et Marjatta Rahikainen (ed.), Historical Knowledge: In Quest of Theory, Method and Evidence, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2012, p. 97-119.
23 Alfonso Ramírez Galicia, « Revisiter le chantier-école de fouilles d’Arcy-sur-Cure (Yonne) : 1946-1963. Essai (paléo-)ethnologique d’histoire des techniques et des pratiques de la préhistoire contemporaine », Bulletin de la Société préhistorique française, 116/2, 2019, p. 215-254.
24 Nicolas Teyssandier, François Bon et Jean-Guillaume Bordes, « Within Projectile Range: Some Thoughts on the Appearance of the Aurignacian in Europe », Journal of Archaeological Research, 66/2, 2010, p. 209-229 ; Francesco D’Errico et Chris B. Stringer, « Evolution, Revolution or Saltation Scenario for the Emergence of Modern Cultures? », Philosophical Transactions of the Royal Society B, 366/1567, 2011, p. 1060-1069 ; Randal White, Raphaëlle Bourrillon et François Bon (dir.), Aurignacian Genius. Art, technologie et société des premiers hommes modernes en Europe, Actes du symposium international (New York, 8-10 avril 2013), P@lethnologie, 7, 2015 (https://blogs.univ-tlse2.fr/palethnologie/2015-revue/, consulté le 20 avril 2021).
25 Jacques Pelegrin, « Les techniques de débitage laminaire au Tardiglaciaire : critères de diagnose et quelques réflexions », dans Boris Valentin, Pierre Bodu et Marianne Christensen (dir.), L’Europe centrale et septentrionale au Tardiglaciaire. Confrontation des modèles régionaux de peuplement, Nemours, APRAIF (Mémoires du musée de préhistoire d’Île-de-France, 7), 2000, p. 73-86.
26 Élise Tartar, « Origine et développement de la technologie osseuse aurignacienne en Europe occidental : bilan des connaissances actuelles », dans R. White, R. Bourrillon et F. Bon (dir.), Aurignacian Genius… op. cit., p. 34-56.
27 João Zilhão, « The Emergence of Ornaments and Art: An Archaeological Perspective on the Origins of “Behavioral Modernity” », Journal of Archaeological Research, 15/1, 2007, p. 1-54 ; Randal White et Christian Normand, « Les parures de l’Aurignacien ancien et archaïque de la grotte d’Isturitz : perspectives technologiques et régionales », dans R. White, R. Bourrillon et F. Bon (dir.), Aurignacian Genius…, op. cit., p. 140-166.
28 Carole Fritz, L’art de la préhistoire, Paris, Citadelles & Mazenod, 2017 ; Randall White, Prehistoric Art: The Symbolic Journey of Humankind, New York, Harry N. Abrams, 2003 ; Harald Floss, « Le plus ancien art mobilier : les statuettes aurignaciennes du Jura souabe (sud-ouest de l’Allemagne) », dans R. White, R. Bourrillon et F. Bon (dir.), Aurignacian Genius… op. cit., p. 322-336.
29 Paul Mellars, The Neanderthal Legacy: An Archaeological Perspective from Western Europe, Princeton, Princeton University Press, 1996 ; Wil Roebroeks et Marie Soressi, « Neandertals Revised », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 113/23, 2016, p. 6372-6379 ; Federico Sánchez-Quinto et Carles Lalueza Fox, « Almost 20 Years of Neanderthal Paleogenetics: Adaptation, Admixture, Diversity, Demography and Extinction », Philosophical Transactions: Biological Sciences, 370/1660, janvier 2015, Discussion Meeting Issue: Ancient DNA: The First Three d-Decades, p. 1-8.
30 Nicolas Teyssandier, Les débuts de l’Aurignacien en Europe. Discussion à partir des sites de Geissenklösterle, Willendorf II, Krems-Hundssteig et Bacho Kiro, thèse de doctorat, dirigé par Jean-Michel Geneste, Paris, Université de Paris X-Nanterre, 2003 ; Ofer Bar-Yosef « Who Were the Makers of the Châtelperronian Culture ? », Journal of Human Evolution, 59, 2010, p. 586-593.
31 João Zilhão et Francesco, F. D’Errico, « The Chronology and Taphonomy of the Earliest Aurignacian and Its Implications for the Understanding of Neanderthal Extinction », Journal of World Prehistory, 13/1, mars 1999, p. 1-68 ; Thomas Higham et al., « Chronology of the Grotte du Renne (France) and Implications for the Context of Ornaments and Human Remains within the Châtelperronian », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 107/47, 2010, p. 20234-20239 ; Jean-Jacques Hublin et al., « Radiocarbon Dates from the Grotte du Renne and Saint-Césaire support a Neandertal Origin for the Châtelperronian », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 109/46, 2012, p. 18743-18748.
32 P. Mellars, The Neanderthal Legacy… op. cit. ; Francesco D’Errico et al., « Neanderthal Acculturation in Western Europe? A Critical Review of the Evidence and Its Interpretation », Current Anthropology, 39/1, 1998, The Neanderthal Problem and the Evolution of Human Behavior, p. 1-44 ; Paul Mellars, « The Impossible Coincidence: A Single-Species Model for the Origins of Modern Human Behavior in Europe », Evolutionary Anthropology, 14, 2005, p. 12-27.
33 W. Roebroeks et M. Soressi, « Neandertals Revised », art. cité.
34 Virginie Guillomet-Malmassari, D’une révolution à l’autre. Pour une épistémologie de la problématique de transition en Préhistoire, Paris, Société préhistorique française (Mémoire LIV), 2012.
35 F. D’Errico et al., « Neanderthal Acculturation in Western Europe? » art. cité.
36 François Caron et al., « The Reality of Neandertal Symbolic Behavior at the Grotte du Renne, Arcy-sur-Cure, France », PLoS ONE, 6/6, 2011 (https://doi.org/10.1371/journal.pone.0021545, consulté le 21 avril 2021).
37 Bernard Vandermeersch, « À propos de la découverte du squelette néandertalien de Saint-Césaire », Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, 14/1-3, 1984, p. 191-196.
38 Brad Gravina et al., « No Reliable Evidence for a Neanderthal-Châtelperronian Association at La Roche-à-Pierrot, Saint-Césaire », Nature. Scientific Reports, 8/15134, 2018 (https://doi.org/10.1038/s41598-018-33084-9, consulté le 21 avril 2021).
39 M. Laroche et al., Paysages pour l’homme…, op. cit. ; T. Tillet et L. R. Binford (dir.), L’ours et l’homme…, op. cit. ; André Leroi-Gourhan, « L’interprétation des vestiges osseux », dans Congrès préhistorique de France : Compte rendu de la XIVe session (Strasbourg-Metz, 1953), Paris, Société préhistorique française, 1955, p. 377-394 ; Pascal Bertran et al., « Experimental Archaeology in a Mid-Latitude Periglacial Context: Insight Into Site Formation and Taphonomic Processes », Journal of Archaeological Science, 57, mai 2015, p. 283-301.
40 J.-G. Bordes, Les interstratifications Châtelperronien/Aurignacien…, op. cit. ; B. Gravina et al., « No Reliable Evidence… », art. cité.
41 Michèle Julien et al. (dir.), Le Châtelperronien de la grotte du Renne (Arcy-sur-Cure, Yonne, France). Les fouilles André Leroi-Gourhan (1949-1963), numéro spécial, PALEO. Revue d’archéologie préhistorique, 2019.
42 Philippe Soulier, « André Leroi-Gourhan et le Châtelperronien », dans M. Julien et al. (dir.), Le Châtelperronien de la grotte du Renne…, op. cit., p. 15-22.
43 André Leroi-Gourhan, « Étude des restes humains fossiles provenant des grottes d’Arcy-sur-Cure (Yonne) », Annales de Paléontologie, 44, 1958, p. 87-148.
44 Frido Welker et al., « Palaeoproteomic Evidence Identifies Archaic Hominins Associated with the Châtelperronian at the Grotte du Renne », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 113, 2016, p. 11162-11167 (https://doi.org/10.1073/pnas.1605834113 consulté le 21 avril 2021) ; Bruno Maureille et Jean-Jacques Hublin, « L’Homme châtelperronien de la grotte du Renne et l’inventaire des vestiges humains des grottes d’Arcy-sur-Cure », dans M. Julien et al. (dir.), Le Châtelperronien de la grotte du Renne…, op. cit., p. 365-408.
45 Nelly Connet, « La production lithique châtelperronienne de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne, France), fouilles André Leroi-Gourhan », dans M. Julien et al. (dir.), Le Châtelperronien de la grotte du Renne…, op. cit., p. 431-504 ; Michèle Julien, Marian Vanhaeren et Francesco D’Errico, « Armes et outils en matières dures animales », dans ibid., p. 139-196 ; Marian Vanhaeren et al., « Les objets de parure », dans ibid., p. 259-285 ; Hélène Salomon, « Les matières colorantes », dans ibid., p. 213-258.
46 André Leroi-Gourhan et Arlette Leroi-Gourhan, « Chronologie des grottes d’Arcy-sur-Cure (Yonne) », Gallia Préhistoire, 7, 1964, p. 1-64 ; André Leroi-Gourhan, « Le Châtelperronien : problème ethnologique », dans Miscelanea en homenaje al Abate Henri Breuil, Barcelone, Instituto de prehistoria y arquelogía, 1965, p. 75-81 ; id., « La grotte du Renne à Arcy-sur-Cure », dans Les habitats du Paléolithique supérieur. Actes du colloque international en hommage au Professeur André Leroi-Gourhan (Roanne-Villerest, 22-24 juin 1982), édition et tirage pour les participants, 1982, p. 235-240.
47 Francis Hours, « Trous de poteaux dans un habitat châtelperronien à Arcy-sur-Cure (Yonne) », dans Congrès préhistorique de France, XVIe session (Monaco, 1959), Paris, s. n., 1965, p. 638-641.
48 A. Leroi-Gourhan, « Étude des restes humains fossiles… », art. cité.
49 André Leroi-Gourhan, « Le petit racloir Châtelperronien », dans La préhistoire. Problèmes et tendances, Paris, Éditions du CNRS, 1968, p. 257-282.
50 Alfonso Ramírez Galicia, « Una introducción a la tecnología prehistórica francesa : El análisis de las técnicas de excavación de André Leroi-Gourhan en Arcy-sur-Cure (Yonne) y los orígenes de la modernidad humana », à paraître.
51 André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, t. 1, Technique et langage, Paris, Albin Michel (Sciences d’aujourd’hui), 1964.
52 André Leroi-Gourhan, « Les sociétés primitives, apparition des premiers développements techniques », dans Maurice Daumas (dir.), L’histoire générale des techniques, t. 1, Les origines de la civilisation technique, Paris, Presses universitaires de France, 1962, p. 1-53.
53 François Bordes, « Le passage du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur », dans G. H. R. von Koenigswald (hrsg.), Hundert Jähre Neanderthaler, Neandertal Centenary, 1856-1956. Gedenkbuch der Internationalen Neanderthal Feier (Düsseldorf, 26-30 August 1956), Utrecht, Kemin en Zoon N.V., 1958, p. 175-181 ; id., « La question périgordienne », dans La préhistoire. Problèmes et tendances, op. cit., p. 59-70 ; id., « Du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, continuité ou discontinuité ? », dans François Bordes (dir.), Origine de l’homme moderne. Actes du colloque de Paris organisé par l’Unesco en collaboration avec l’Union internationale pour l’étude du Quaternaire (Paris, 2-5 septembre 1969), Paris, Unesco (Écologie et conservation), 1972, p. 211-218 ; A. Ramírez Galicia, « Una introducción a la tecnología prehistórica francesa », art. cité.
54 Bernard Vandermeersch, « À propos de la découverte du squelette néandertalien de Saint-Césaire », Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, 14/1-3, 1984, p. 191-196.
55 F. D’Errico et al., « Neanderthal Acculturation in Western Europe? », art. cité.
56 Alfonso Ramírez Galicia, « Revisiter le chantier-école de fouilles d’Arcy-sur-Cure (Yonne) », art. cité.
57 Jacques Pelegrin, Technologie lithique. Le Châtelperronien de Roc-de-Combe (Lot) et de la Côte (Dordogne), Paris, CNRS Éditions (Cahiers du Quaternaire, 20), 1995.
58 Randall White « Personal Ornaments from the Grotte du Renne at Arcy-sur-Cure », Athena Review, 2/4, 2001, Special Issue on the Middle/Upper Paleolithic Transition, p. 41-46 ; id., « Observations technologiques sur les objets de parure », dans Béatrice Schmider (dir.), L’Aurignacien de la grotte du Renne. Les fouilles d’André Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure (Yonne), Paris, CNRS Éditions (supplément à Gallia Préhistoire, 34), 2002, p. 257-266.
59 Pierre Bodu, « L’application de la méthode des remontages à l’étude du matériel lithique des premiers niveaux châtelperroniens de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne) », dans Catherine Farizy (dir.), Paléolithique moyen récent et Paléolithique supérieur ancien en Europe. Ruptures et transitions : examen critique des documents archéologiques. Actes du Colloque international de Nemours (9-11 mai 1988), Nemours, Association pour la promotion de la recherche archéologique en Île-de-France (Mémoires du musée de Préhistoire d’Île-de-France, 3), 1990, p. 309-312 ; François Bon et Pierre Bodu, « Analyse technologique du débitage aurignacien », dans B. Schmider (dir.), L’Aurignacien de la grotte du Renne, op. cit., p. 115-133.
60 F. Caron et al., « The Reality of Neandertal Symbolic Behavior… », art. cité.
61 Th. Higham et al., « Chronology of the Grotte du Renne… », art. cité ; J.-J. Hublin et al., « Radiocarbon Dates… », art. cité.
62 Et beaucoup de documents, plans et notes, ont hélas été alors « égarés » (Philippe Soulier, comm. pers., 2021).
63 Philippe Soulier, André Leroi-Gourhan (1911-1986). Une vie, Paris, CNRS Éditions (Le passé recomposé), 2018.
64 Gilles Gaucher, « Les écoles de fouille de Leroi-Gourhan », dans Alain Duval (dir.), La préhistoire en France. Musées, écoles de fouille, associations… du xixe siècle à nos jours, actes du 114e Congrès des sociétés savantes (Paris, 3-9 avril 1989), Paris, CTHS, 1992, p. 37-48.
65 Philippe Soulier, André Leroi-Gourhan (1911-1986). Une vie…, op. cit. . 211-229.
66 Id., « André Leroi-Gourhan par lui-même : Les archives de sa vie », dans Françoise Audouze et Nathan Schlanger (dir.), Autour de l’homme. Contexte et actualité d’André Leroi-Gourhan, Antibes, APDCA, 2004, p. 327-347.
67 Spécialement grâce à Élisabeth Bellon, sa directrice.
68 En ligne : https://versarcy.huma-num.fr/s/archives-d-arcy/page/le-projet-2arc.
69 Projet Mémoires archéologique, numérique et audiovisuelle (MANA) déposé au Labex « Les passés dans le présent ». Voir Philippe Soulier, Pincevent 1964-2019. Cinquante-cinq années d’ethnologie préhistorique, Paris, Société préhistorique française (Mémoires, 68), 2021.
70 Marc Bloch, « Apologie pour l’histoire ou métier d’historien » [1942], dans Annette Becker et Étienne Bloch (dir.), Marc Bloch. L’histoire, la guerre, la résistance, Paris, Gallimard (Quarto), 2006, p. 843-903.
71 Ibid. ; Arnaldo Momigliano, « Ancient History and the Antiquarian », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 13/3-4, 1950, p. 285-315 ; Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », dans id., Mythes, emblèmes et traces. Morphologie et histoire, Paris, Flammarion, 1989, p. 139-181.
72 Particulièrement, les antiquaires qui ont participé à la polémique contre le néopyrrhonisme – montrant que le témoignage des mœurs et des monuments pouvait résoudre le scepticisme contre les documents historiques – et la méthode de critique systématisée par Jean Mabillon – la « diplomatique », permettant d’identifier des faux à partir l’analyse des éléments matériels internes des documents.
73 Ainsi, par exemple, les Mémoires de Saint-Simon sont l’une des sources les plus riches de détails sur les événements de la cour du Roi-Soleil dont son auteur – duc et pair de France – a voulu faire la chronique. Néanmoins, elles sont en même temps – et de façon involontaire ou inconsciente – une source également riche en menus détails sur « le bagage mental des moines », la psychologie des personnages, les manières et la vie quotidienne à la cour à l’époque de Louis XIV, etc.
74 Marc Bloch, « Réflexions pour un lecteur curieux de méthode » [1939], dans A. Becker et É. Bloch (dir.), Marc Bloch. L’histoire, la guerre, la résistance…, op. cit., p. 510.
75 J. Pelegrin, Technologie lithique…, op. cit. ; Nicole Pigeot et Michel Philippe, « Bases documentaires et méthodologiques », dans Nicole Pigeot (dir.), Les derniers magdaléniens d’Étiolles. Perspectives culturelles et paléohistoriques, Paris, CNRS Éditions (supplément à Gallia Préhistoire, 37), 2004, p. 31-39 ; Sylvie Ploux et Claudine Karlin, « La gestion d’un savoir-faire, le débitage », dans Michèle Julien et Claudine Karlin (dir.), Un automne à Pincevent. Le campement magdalénien du niveau IV20, Paris, Société préhistorique française (mémoire 57), 2014, p. 113-134.
76 Voir Michel Brézillon, La dénomination des objets de pierre taillée. Matériaux pour un vocabulaire des préhistoriens de langue française, Paris, Éditions du CNRS (supplément à Gallia Préhistoire, 4), 1968.
77 François Bordes, « Principes d’une méthode d’étude des techniques de débitage et de la typologie du Paléolithique ancien et moyen », L’Anthropologie, 54, 1950, p. 19-23 ; Denise de Sonneville-Bordes et Jean Perrot, « Essai d’adaptation des méthodes statistiques au Paléolithique supérieur. Premiers résultats », Bulletin de la Société préhistorique française, 50/5-6, 1953, p. 323-333.
78 N. Connet, « La production lithique châtelperronienne… », art. cité.
79 Jacques Pelegrin, « Aspect de démarche expérimentale en technologie lithique », dans 25 ans d’études technologiques. Bilan et perspectives. Actes des XIe rencontres d’archéologie et d’histoire d’Antibes (Valbonne, 18-20 octobre), Juan-les-Pins, APDCA, 1991, p. 57-63 ; Valentine Roux, Cornaline de l’Inde, des pratiques techniques de Cambray aux techno-systèmes de l’Indus, Paris, Éditions de la MSH, 2000.
80 A. Ramírez Galicia, « Revisiter le chantier-école de fouilles d’Arcy-sur-Cure (Yonne) », art. cité.
81 Pour mieux comprendre le contexte épistémologique des notions de stratigraphie et décapage dans les années 1950, voir les débats autour du rapport Vaufrey et ce qu’en disait Leroi-Gourhan : Philippe Soulier, André Leroi-Gourhan, op. cit. p. 253-256.
82 André Leroi-Gourhan, Les fouilles préhistoriques (technique et méthodes), Paris, Picard, 1950, p. 6.
83 André Leroi-Gourhan, « Sur les méthodes de fouilles » [1963], dans id., Le fil du temps. Ethnologie et préhistoire 1935-1970, Paris, Fayard (Le temps des sciences), 1983, p. 139.
84 Ibid., p. 140.
85 Françoise Audouze et André Leroi-Gourhan, « France: A Continental Insularity », World Archaeology, 13/2, octobre 1981, Regional Traditions of Archaeological Research I, p. 170-189.
86 Ph. Soulier, André Leroi-Gourhan…, op. cit.
87 Ph. Soulier, Pincevent 1964-2019, op. cit.
88 André Leroi-Gourhan, « Introduction », dans Organisation collective. Actes du séminaire sur les structures d’habitat, chaire de préhistoire du Collège de France (séance de 1976), s. l., s. n., 1980, p. 1 (éd. polycopiée dans EP 2030, Service des archives MSHM, Nanterre).
89 Ph. Soulier, André Leroi-Gourhan…, op. cit., p. 519-535 ; id. Pincevent 1964-2019… op. cit.
90 André Leroi-Gourhan et Michel Brézillon, Fouilles de Pincevent. Essai d’analyse ethnographique d’un habitat magdalénien (la section 36), Paris, Éditions du CNRS (Supplément à Gallia Préhistoire, 7), 1972.
91 André Leroi-Gourhan (éd.), Analyse des structures d’habitat. Problèmes de technique et d’interprétation. Compte rendu du Séminaire sur les structures d’habitat de la chaire préhistoire du Collège de France (13 janvier-24 février 1972), s. l., s. n., 1972 (éd. polycopiée dans EP 2030, Service des archives MSHM, Nanterre).
92 « […] le courant actuel porte vers une compréhension technologique, économique, sociale des faits culturels révélés par la fouille, mais par la fragilité de son témoignage, la fouille, plus encore que l’exploitation des textes, est encore loin d’avoir atteint le développement qu’on peut légitimement exiger. » Ibid., p. 1.
93 André Leroi-Gourhan, « L’archéologie nouvelle gagne du terrain », La Recherche, 100, 1979, p. 539 ; id. « Préface » [à l’édition française], dans Andrew Sherratt (dir.), Encyclopédie d’archéologie de Cambridge, Paris, Fanal, 1981, p. 8.
94 « Lorsqu’on réfléchit sur les conditions d’une fouille qui ne méprise pas les perspectives ethnologiques, on est frappé par le manque d’un vocabulaire qui décrive ce qui est visible et non pas ce qu’on imagine avoir laissé les traces qu’on est en train de mettre au jour. Il faudrait pouvoir dire ce qu’on voit dans des termes qui laissent le temps d’un arrêt de réflexion entre la mise au jour et l’identification des structures […] un “trou de poteau” n’est qu’une cavité cylindro-conique dont la qualité “de poteau” est liée à un appareil critique qui ne peut plus jouer si l’on considère la question comme résolue par les mots. » Ibid., p. 4.
95 André Leroi-Gourhan (éd.), Interrogation directe et indirecte des données de fouille. Actes du Séminaire sur les structures d’habitat, Chaire de Préhistoire, Collège de France (séance de 1977), s. l., s. n., 1982 (éd. polycopiée dans EP 2030, Service des archives MSHM, Nanterre).
96 André Leroi-Gourhan, « Vocabulaire », dans A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, Fouilles de Pincevent, op. cit., p. 321-327.
97 André Leroi-Gourhan, « Les huttes châtelperroniennes d’Arcy-sur-Cure et les tentes de Pincevent (exposé du 13 janvier 1972) », dans id., Analyse des structures d’habitat, op. cit., p. 5. Dans le « Vocabulaire » définitif (art. cité, p. 325) les structures évidentes sont définies de la façon suivante : « […] groupe de témoins dont la structuration est directement perceptible (foyer, amas de débitage…). »
98 A. Leroi-Gourhan, « Les huttes châterperroniennes… », art. cité, p. 5. Dans le « Vocabulaire » définitif (art. cité, p. 325) les structures latentes sont définies comme : « […] structure dont la pertinence n’est décelable que par l’analyse microtopographique (répartition des os hyoïdes par rapport aux foyers, liaison des chutes de burin au burin d’origine…). »
99 A. Leroi-Gourhan, « Les huttes châterperroniennes… », art. cité, p. 5.
100 Francine David, Michèle Julien et Claudine Karlin, « Approche d’un niveau archéologique en sédiment homogène », dans L’homme, hier et aujourd’hui, recueil d’hommages à André Leroi-Gourhan, Paris, Cujas, 1973, p. 65-72.
101 A. Leroi-Gourhan, « Vocabulaire », art. cité, p. 325.
102 A. Leroi-Gourhan, « Les huttes châterperroniennes… », art. cité, p. 6.
103 André Leroi-Gourhan et Michel Brézillon, « L’habitation magdalénienne no 1 de Pincevent près de Montereau (Seine-et-Marne) », Gallia Préhistoire, 9/2, 1966, chap. « Éléments ethnographiques ».
104 Michel Orliac, « Empreintes au latex des coupes du gisement magdalénien de Pincevent : technique et premiers résultats », Bulletin de la Société préhistorique française, 72/9, 1975, p. 274-276 ; Alfonso Ramírez Galicia, « Faire de la préhistoire “sur le tas”. Quelques notes sur l’histoire intellectuelle de l’ethnologie et de la technologie préhistoriques françaises contemporaines », working paper, Programme Fernand Braudel IFER, Paris, Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH), 2015, dactyl. ; Ph. Soulier, Pincevent 1964-2019, op. cit.
105 M. Julien et C. Karlin (dir.), Un automne à Pincevent, op. cit.
106 J.-G. Bordes, Les interstratifications Châtelperronien/Aurignacien…, op. cit.
107 A. Leroi-Gourhan, « Introduction », art. cité, p. 1.
108 André Leroi-Gourhan, « Arcy-sur-Cure (Yonne), Les grottes de la Cure (Yonne) », dans André Leroi-Gourhan, Jacques Allain et Michel Brézillon (dir.), Livret-guide de l’excursion A 1 (Sud du Bassin Parisien) du IXe Congrès de l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques (Nice, 13-18 septembre 1976), Paris, CNRS, 1976, p. 120-136 ; Francis Hours, « Trous de poteaux… », art. cité.
109 Margaret Conkey, « André Leroi-Gourhan 1911-86: How Humans Make their World », dans Brian Fagan (ed.), The Great Archaeologists, Londres, Thames & Hudson, 2014, p. 268-271.
110 Ph. Soulier, « Pincevent, 50 ans de recherche », art. cité.
111 Par exemple, la haute résolution des recherches sur les campements des niveaux IV20 et IV0 de Pincevent ont permis de construire des inférences sur le comportement individuel et collectif des chasseurs magdaléniens. Il s’agit notamment d’inférences sur les processus d’apprentissage et le développement de degrés de performance dans la taille du silex ; sur les tactiques et les stratégies de chasse et leur saisonnalité ; ou sur l’organisation sociale des activités à l’intérieur du campement. Ces inférences atteignent le même niveau de détail (dans la description du comportement) que certaines des observations ethnographiques réalisées à l’intérieur de populations contemporaines ou subactuelles. Ainsi, il est possible de dépasser le piège du comparatisme ethnographique (la projection anachronique des comportements actuels vers le passé lointain), parce que – même si dépourvues de la richesse symbolique apportée par l’observation de populations vivantes et en se restreignant à la même échelle de résolution ethnographique – ces données permettent de confronter certaines types de comportements, présents chez les chasseurs d’aujourd’hui, avec ceux des chasseurs d’il y a environ 15 000 ans. Voir Alain Gallay, « Regard prospectif sur l’ethnoarchéologie francophone », Les Nouvelles de l’archéologie, 157-158, 2019, p. 90-99.
112 Arnaud Hurel, « Préhistoire, préhistoriens et pouvoirs publics en France : la tardive émergence d’une conscience patrimoniale spécifique », Histoire, Économie et Société, 29/2, juin 2010, p. 65-79.
113 Philippe Soulier, André Leroi-Gourhan (1911-1986). Une vie…, op. cit., chap. 9, « Le Centre de documentation et de recherches préhistoriques » ; id. « Dessins, photos, fichiers, cartes ou graphiques », Techniques & Culture, 71, 2019, p. 26-45.
114 André Leroi-Gourhan, « La grotte des Furtins. (Commune de Berzé-la-Ville, Saône-et-Loire) », Bulletin de la Société préhistorique française, 44/1-2, 1947, p. 43-55.
115 « Séance du 24 octobre 1946 », Bulletin de la Société préhistorique française, 43/9-12, 1946, p. 261-270.
116 « Rapport préliminaire (5 premières campagnes) », « Résultats des sondages (5 sondages de 45 à 46) », « Préparation textes », dans EP 152 « Rapports de fouille et publication (1947-[1950]) », Service des archives MSHM, Nanterre.
117 Pour la « fosse aux ours », voir les sources de la figure 3 infra.
118 Dominique Armand, « L’exploitation de l’ours au Paléolithique. Un point sur la question », dans Sandrine Costamagno et al., Animal symbolisé, animal exploité. Du Paléolithique à la Protohistoire, actes du 141e congrès du CTHS (Rouen, 11-16 avril 2016), Paris, CTHS, 2018, p. 13-27 (https://books.openedition.org/cths/4517, consulté le 26 avril 2021) ; Nadia Cavanhié, « L’ours qui a vu l’homme ? Étude archéozoologique et taphonomique du site Paléolithique moyen de Regourdou (Montignac, Dordogne, France) », Paleo. Revue d’archéologie préhistorique, 21, 2009-2010, p. 39-63 (https://journals.openedition.org/paleo/1742, consulté le 26 avril 2021).
119 Dans le corps du texte la description est la suivante : « Crânes : Sur la dalle centrale, trois boites craniennes [sic] d’oursons, deux sont en assez bon état et orientées le museau vers l’oues [sic] comme les crânes 1, 2, 4, 5. Autour de la dalle, quatre crânes d’adultes reposant au niveau du foyer sur ou au contact de pierres nettement plus larges que le cailloutis du foyer : les crânes 1 et 2 sont renversés, les dents en l’air, le mufle dirigé vers le centre, sensiblement Est-ouest, le crâne 3 est également renversé mais orienté Nord-sud, le mufle vers le nord, le crâne 4 est en position normale, le mufle vers l’ouest. Tous les crânes étaient au dessous [sic] de la couche ossifère principale les no 3 et 4 reposant très nettement sous un dallage serré de pierres plates, le long de la paroi Nord. Un crâne no 5, jeune, a été trouvé tout au début du sondage, orienté le mufle à l’ouest, dans une position stratigraphique mal déterminée. Un sixième crâne a été retrouvé en miettes à la dernière campagne, mis au jour clandestinement par un [mot barré] chercheur mâconnais qui l’avait brisé pour emporter les dents. Il parait provenir de la couche ossifère principale. Une très forte mandibule renversée a été trouvée à l’extrémité ouest de la fosse, sans rapport avec les autres crânes, mais intéressante parce que les deux moitiés, en connection [sic] rigoureuse, prouvent la stabilité générale des couches depuis le dépôt des ossements. » « Rapport préliminaire (5 premières campagnes) », EP 152, sous-dossier « La grotte des Furtins préparation de publications », tapuscrit, s/d, fol. 3-4, Service des archives MSHM, Nanterre.
120 Il a été publié originellement en 1947 dans A. Leroi-Gourhan, « La grotte des Furtins… », art. cité, p. 51.
121 A. Leroi-Gourhan, « La grotte des Furtins… », art. cité, p. 55.
122 « Séance du 24 octobre 1946 », art. cité.
123 André Leroi-Gourhan et al., « La caverne des Furtins (Commune de Berzé-la-Ville, Saône-et-Loire) », Préhistoire, 11, 1950, p. 17-143 ; Edmond Guéniat, « Frédéric-Édouard Koby 1890-1969 », Actes de la Société helvétique des sciences naturelles, 150, 1970, p. 301-307 (https://www.e-periodica.ch/digbib/view?pid=sng-006%3A1970%3A150#308, consulté le 22 juin 2021).
124 Pour le schéma de la « fosse aux ours » voir les sources de la figure 3 supra.
125 Il a même eu un échange épistolaire avec Frédéric-Édouard Koby. Comme il est attesté par une réponse tapuscrite datée « 7 août 1947 » et signée « Dr. Med. F. Ed. Koby », entre les feuilles du dossier sur l’étude de la faune, dans EP150, Service des archives MSHM, Nanterre : « […] vous verrez dans mon travail sur les ours fossiles arctos publiés jusqu’à présent, une diagnose résumée du [Ursus] Deningeri. Surtout ne prenez pas au sérieux les divagations du bonhomme Bächler sur cet animal. Tous les ours publiés par Bächler sont des Spelaeus purs, bien que, tout au moins dans le Wildenmannlisloch, il y a aussi de l’arctos qui n’a pas été reconnu […]. » (fol. 1)
126 Philippe Soulier, « André Leroi-Gourhan et l’anatomie humaine. De la craniologie à la fouille des sépultures », Revue archéologique de Picardie, 21, 2003, Sens dessus dessous, la recherche en préhistoire. Mélanges offerts à Claude Masset et Jean Leclerc, p. 33-50.
127 Sperando Bozzone est mentionné en tant qu’« agrégé d’histoire naturelle » dans la liste de collaborateurs de la monographie finale (A. Leroi-Gourhan et al., « La caverne des Furtins… », art. cité, p. 18). Dans la partie de l’analyse géomorphologique et stratigraphique qu’il a en charge (ibid., p. 20-27), Bozzone a utilisé comme source principale l’étude de Pierre Roché, L’Aalénien et le Bajocien du Mâconnais, Travaux du Laboratoire de Géologie de la Faculté de Sciences de Lyon 35 (mémoire 29), Université de Lyon, 1939. Il est évoqué comme « un professeur d’histoire naturelle du Lycée de Mâcon » dès le texte de la communication : « Rapport préliminaire (5 premières campagnes) », EP 152, sous-dossier « La grotte des Furtins préparation de publications », tapuscrit, s/d, fol. 1, Service des archives MSHM, Nanterre.
128 Carlo Ginzburg, « Straniamento : Preistoria di un procedimento letterario », dans id., Occhiacci di legno : Nove riflessioni sulla distanza, Milan, Feltrinelli (Storia Universale Economica), 2011, p. 15-39.
129 A. Leroi-Gourhan et al., « La caverne des Furtins… », art. cité, p. 74-75. Je remercie Philippe Soulier d’avoir attiré mon attention sur ce passage en particulier et, en général, de m’avoir montré l’importance des fouilles des Furtins dans les origines de l’approche de Leroi-Gourhan et son équipe au décapage des sols d’habitat. Dans « Dessins, photos, fichiers, cartes ou graphiques », art. cité, Philippe Soulier utilise ce passage dans sa discussion sur l’évolution des techniques de représentation dans l’œuvre de Leroi-Gourhan. Cette pratique élaborée aux Furtins a été déclinée vingt ans plus tard à Pincevent avec les plans de vestiges fugaces. Voir A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, Fouilles de Pincevent, op. cit., p. 13.
130 Voir notamment le sous-dossier « La grotte des Furtins, Berzé-la-Ville. Documents de terrain, rapports de fouilles (1962, 1946-1948) », contenu dans la boîte EP 150 : « Documents de terrain et étude (1946-1962) », de la série « Grotte des Furtins à Berzé la Vile (Saône-et-Loire) (1946-1962) », fonds Équipe « Ethnologie préhistorique », Service des archives MSHM, Nanterre. Ici, il est particulièrement intéressant d’analyser :
1. La série de plans contenus dans un petit dossier nommé « Plan avancée chantier » (et faisant partie d’un dossier un peu plus gros intitulé « avril 1947 »). Il s’agit d’une suite cumulative de perspectives orthogonales de la zone du « chantier 1 » (entrée est), dessinées sur calque à partir de prises photographiques. La superposition des images successives crée, comme dans un film, l’animation de l’évolution des états de décapage, d’août 1945 à août 1947.
2. La série de plans de distribution des vestiges dans le dossier : « Chantiers A B C, Mars-avril 48. Relevés mill. Calques quotidiens successifs ». Il s’agit de plusieurs petits dossiers avec des documents appartenant à plusieurs campagnes et non pas seulement à celle de 1948. Il contient, notamment, des suites cumulatives de plans de distribution des vestiges, dessinés sur du papier calque millimétré ; leur superposition permet d’animer (aussi comme dans un film) l’évolution des états successifs du décapage. Spécialement pour les chantiers A et B et le « sondage 5 » de mars 1948.
3. La série de clichés dans les albums contenus dans le dossier : « Photographies. Vues des structures. Vues du chantier. Photos d’objets et ossements. Photos de la vie du chantier ».
4. La série de journaux de fouilles de 1945 à 1948. Il s’agit de plusieurs cahiers manuscrits ainsi que de versions tapuscrites mises au propre. À côté des notes journalières, ils contiennent d’abondants schémas, tables et dessins accompagnés des descriptions : sur des découvertes ou observations remarquables ainsi que sur les avancements et les problèmes trouvés.
Une remarque préliminaire à propos d’un problème général qui semble propre à cette mise en œuvre expérimentale de nouvelles méthodes d’enregistrement est qu’il apparaît que le relevé des coordonnées des vestiges sur le plan se faisait par rapport à des accidents topographiques particuliers, propres aux alentours des « sondages », sans l’existence d’un système général et fixe de repérage topographique. Ce qui peut s’expliquer par les contraintes matérielles d’une fouille dans une galerie étroite et accidentée, encombrée de blocs (Philippe Soulier, comm. pers., 2021).
131 Walter Benjamin : Avertissement d’incendie…, op. cit.
Auteur
Alfonso Ramírez Galicia est historien des sciences (Universidad Autónoma Metropolitana, Mexico, 2014) et archéologue (Escuela Nacional de Antropología e Historia, Mexico, 2008). Spécialiste en histoire des techniques et des pratiques scientifiques contemporaines, notamment à travers l’étude comparée des traditions de recherche en préhistoire en France et au Mexique, de la fin du xixe siècle à nos jours. Chercheur postdoctorant à la Maison des sciences de l’Homme à Paris (Fernand Braudel International Fellowships for Experienced Researchers, 2015) et à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Laboratoire d’excellence Création, Arts et Patrimoines, 2020), il est actuellement chercheur associé à l’équipe Ethnologie préhistorique (UMR 7041, Archéologies et sciences de l’Antiquité, Maison des sciences de l’Homme Mondes de Nanterre) où il réalise des recherches sur les archives des fouilles d’André Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure (1946-1963) et à Pincevent (1964 à nos jours).
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