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Matières à inventer

 | 
Jean-Philippe Garric

Substrat

Stratigraphie d’une fouille en Afrique du Nord

Les relevés photographiques d’Albert Ballu à Timgad

Stratigraphy from an excavation in North Africa. Albert Ballu’s photographic surveys in Timgad

Anissa Yelles

Résumé

Les sources qui permettent de restituer les premières fouilles systémiques des sites archéologiques romains de la période tardo-républicaine et impériale en Algérie sont particulièrement rares pour cette région d’Afrique du Nord. Avec les archives d’Edmond Duthoit, celles d’Albert Ballu figurent parmi les premiers corpus identifiés qui démontrent un relevé plus ou moins continu de l’exploration du site de Timgad. La Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP) conserve l’ensemble de la couverture photographique réalisée durant la trentaine d’années que dureront les travaux de Ballu. En nous appuyant sur une méthodologie d’analyse statistique et séquentielle et un système descriptif rigoureux, il s’agira d’étudier le protocole de relevés adopté entre 1892 et 1927, tout en questionnant l’usage matériel de la photographie pour la pratique de la fouille en archéologie romaine, entre la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle.

Texte intégral

Un grand merci à Yann Le Bohec, professeur émérite à l’université Paris-Sorbonne en histoire de l’Afrique romaine, à Jean-François Bernard, architecte archéologue à l’Institut de recherche sur l’architecture antique (IRAA), et à Max Luaces, chercheur postdoctorant rattaché au projet de recherche Grecia Púnica Redescubierta (Grepure), Universidad de Sevilla (US), pour leur aide.

  • 1 Alain Schnapp, La conquête du passé. Aux origines de l’archéologie, Paris, Passé-Poche, 1993.

1La photographie fait partie de l’outillage de formation de l’archéologue depuis le milieu du xixe siècle. Dans les limites qu’autorise sa dimension « objective », ce médium permet non seulement de produire une preuve matérielle de l’existence des vestiges, mais également de reconstituer une mémoire du sol. Le processus socio-intellectuel qui justifie le passage de la figure de l’antiquaire à celle de l’homo archeologicus1 n’aurait donc sans doute pas été possible sans l’aide de l’invention de Louis Daguerre. Et pourtant, les corpus photographiques constitués dans le cadre d’explorations archéologiques ont longtemps été considérés comme des sources secondaires, relégués au rang de simples documents d’illustration, accompagnant les rapports ou les carnets de fouilles. Alors même que l’usage de ce support iconographique est attesté sur les chantiers depuis près de deux siècles, les questionnements relatifs à l’utilité tangible de ces données ont rarement été posés. Aussi, la photographie archéologique en tant qu’objet de recherche demeure une niche dans la discipline.

  • 2 Albert France-Lanord « Le rôle de la photographie archéologique », dans Paul Courbin (dir.), Étud (...)
  • 3 René Ginouvès et Anne-Marie Guimier-Sorbets, « L’image dans l’archéologie », dans L’image et la s (...)
  • 4 Jean-Paul Demoule, « Images de l’archéologie et archéologie des images », Le Genre humain, 50/1, (...)
  • 5 Laurent Olivier, Le sombre abîme du temps. Mémoire et archéologie, Paris, Seuil, 2008.
  • 6 Frederick N. Boher, Photography and Archaeology, Londres, Reaktion Books, 2011.
  • 7 Claire L. Lyons et al., Antiquity & Photography: Early Views of Ancient Mediterranean Sites, Los (...)
  • 8 Lesley McFadyen et Dan Hicks, Archaeology and Photography: Time, Objectivity and Archive, Londres (...)
  • 9 Philippe Jokey, L’archéologie, Paris, Belin, 2008, p. 1.

2En France, les premières publications ayant permis de consacrer un ensemble de terminologies liées aux rapports entre archéologie et image ont notamment été produites par Albert France-Lanord2, René Ginouvès3, Jean-Paul Demoule4, ou encore Laurent Olivier5. À l’étranger citons l’étude de Frederick N. Boher, Photography and Archaeology6, l’ouvrage Antiquity & Photography7 publié par le Getty et plus récemment l’étude rédigée par Lesley McFadyen et Dan Hicks8. Ces essais ont permis de démontrer le lien intangible entre l’acte exploratoire et l’acte photographique. En effet, si l’archéologie repose avant tout sur l’étude du matériel produit en cours de fouille, elle se fonde également sur la compréhension du terrain à travers les sources visuelles que constituent le plan topographique, le dessin, le croquis, la photographie, la photogrammétrie, le LIDAR (Light Detection and Ranging) ou encore la 3D. En bref, l’ensemble des techniques de relevé, pratiquées pour pallier l’acte destructeur de la pelle et de la pioche. Il ne faut donc pas se limiter à une approche simpliste d’une archéologie jalonnée au seul champ de l’excavation et voir bien plus largement les palettes capables d’aider à l’appréhension structurelle du terrain. Ainsi selon Philippe Jokey, « sur le plan épistémologique […] l’archéologie ne peut se réduire à ce seul moment [la fouille], si important soit-il, sous peine de confondre l’une de ses méthodes favorites avec sa visée réelle9 ».

3S’agissant de la spécialité qui nous intéresse et plus spécifiquement de l’archéologie romaine, le chercheur a de la chance en la matière, dans la mesure où les corpus disponibles sont quasi infinis. En Algérie, les fouilles exécutées par Albert Ballu (1849-1939) sur les sites de Timgad, Tébessa, et Djemila entre 1889 et 1927 concordent avec le début de l’ère dite des grands chantiers. Ballu documente par la photographie la progression des travaux dont il a la charge durant plus de trois décennies. Notre étude se concentrera spécifiquement sur ceux réalisés à Timgad. En effet, le site bénéficie de la plus importante couverture photographique identifiée à ce jour relative aux premières fouilles systématiques entreprises en Algérie. En nous appuyant sur une méthodologie d’analyse statistique et séquentielle, et un système descriptif rigoureux, il s’agira d’analyser le protocole de relevés adopté par Ballu et d’explorer dans quelle mesure la photographie devient un relais nécessaire à la pratique de la fouille en archéologie romaine en Afrique du Nord entre la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle.

Thamugadi : historiographie et archéologie des sources

  • 10 Paul Albert Février, Approche du Maghreb romain, tome I, Aix-en-Provence, Edisud, 1989, p. 81.
  • 11 « à l’approche des Byzantins et pour les empêcher de s’installer dans la cité, les Maures en chas (...)

4Comparé à d’autres contrées de Méditerranée, l’Afrique du Nord n’a que peu passionné les auteurs latins, rendant la tâche des chercheurs bien compliquée lorsqu’il s’agit de reconstituer le passé de cette région. Ainsi, selon Paul Albert Février, « tout comme les Gaules et les Espagnes, les provinces d’Afrique n’occupent qu’une place très réduite dans la réflexion des historiens anciens, passés les temps de la conquête. Et elles ne deviennent le lieu d’une production littéraire du moins d’une production parvenue jusqu’à nous qu’avec le christianisme10 ». Et conformément à ce constat, le site de Timgad est malheureusement quasi absent des sources, l’un des rares témoignages est celui de Procope qui rappelle sa destruction par les Maures à la fin du ve siècle11. Il faut donc essentiellement s’appuyer sur les fouilles archéologiques et notamment sur le matériel épigraphique particulièrement riche pour comprendre l’histoire de cette ville.

  • 12 Yann Le Bohec, « Le plan de la Timgad primitive », Kolaios, 3, 1994, p. 81-94, repris dans id., L (...)
  • 13 Christian Courtois, Timgad. Antique Thamugadi, Alger, Direction de l’intérieur et des beaux-arts (...)
  • 14 Benjamin H. Isaac, The Limits of Empire: The Roman Army in the East, Oxford, Clarendon Press, 199 (...)

5Deux inscriptions, découvertes au pied des portes nord et ouest, nous indiquent que la cité fut fondée par l’empereur Trajan alors qu’il revêtait la puissance tribunitienne pour la quatrième fois et le consulat pour la troisième fois, soit en 100 après J.-C.12. La cité est baptisée du nom latin Colonia Marciana Trajana Thamugadi, en hommage à la sœur de l’empereur (Ulpia Marciana). Selon Christian Courtois, c’est à la IIIe légion Auguste dirigée alors par le légat Munatius Gallus que l’on doit l’établissement de la colonie13. Pour autant le rôle exact des militaires est encore discuté, se limitant peut-être à l’établissement du plan de la cité laissant aux civils le soin de construire les infrastructures14.

  • 15 Yann Le Bohec, La Troisième Légion Auguste, Paris, Éditions du CNRS, 1989.
  • 16 Ibid., p. 335-336.
  • 17 Elsa Rocca, « Le rôle de la IIIe Légion Auguste dans l’aménagement du territoire et de la colonie (...)
  • 18 Ibid.

6Le rôle de la IIIe légion dans la diffusion de la romanisation en Afrique du Nord et la mise en place de positions stratégiques en Maurétanie césarienne et en Afrique proconsulaire n’est plus à prouver, l’ouvrage de référence de Yann Le Bohec a largement permis d’éclairer ce sujet, encore aujourd’hui complexe sur bien des aspects15. L’historien émet l’hypothèse selon laquelle la légion aurait fait partie de l’armée mise à la disposition de Lépide, avant de passer aux côtés d’Octave16. Sa présence est attestée dès le début du ier siècle par la découverte, dans la région de Sabratha, d’un milliaire daté du proconsulat de A. Caecina Severus. On sait par ailleurs qu’elle effectue dans la région de Tacape des travaux de voirie sous le commandement du proconsul L. Nonius Asprenas en 14 après J.-C.17. Elle établit son premier camp à Ammaedara en 6 de notre ère18 avant de le déplacer à Théveste (actuelle Tébessa) vers 80, puis d’installer un détachement vers 81 à Lamabaesis, pour enfin construire un grand camp permanent vers 115-120 après J.-C. Les dernières recherches confirmeraient que Timgad hébergeait d’ores et déjà des civils avant l’arrivée plus tardive de vétérans de la IIIe légion.

  • 19 Y. Le Bohec, La Troisième Légion Auguste, op. cit., p. 374-375.
  • 20 Ali Guerbabi, « Il y a dix neuf siècles… Thamugadi », Dossiers d’archéologie, 286, 2003, Algérie (...)
  • 21 Ch. Courtois, Timgad, op. cit., p. 19.
  • 22 Charles Picard définit deux phases décisives dans la romanisation du territoire, en reprenant la (...)

7En s’appuyant sur l’analyse topographique, Yann Le Bohec reconsidère le rôle militaire de Timgad, ainsi « le plan [initial] choisi ne s’apparentait en rien à celui d’une forteresse : il exprimait plutôt une philosophie politique de Trajan, qui voulait prendre sa place dans une vieille tradition républicaine, celle des colonies, et pensait qu’une cité de ce statut devait assurer une triple fonction, la sécurité par la romanisation, la richesse et une certaine égalité19. » On estime que la ville primitive occupait une délimitation de forme carrée d’une douzaine d’hectares, d’une dimension de 328 mètres d’est en ouest et de 357 mètres du nord au sud20. Le plan hippodamien caractéristique des colonies romaines comprenait des rues rectilignes coupées par un cardo maximus et un decumanus maximus, ainsi que 36 insulae organisées en îlots de 20 mètres carrés chacune. Dès le iie siècle, la superficie est démultipliée jusqu’à atteindre les 80 hectares. Ses habitants, dont on estime le nombre à 15 000 au début du iiie siècle21, appartenaient à la tribu Papiria. Ils possédaient la citoyenneté romaine et bénéficiaient d’infrastructures semblables à celles que l’on trouvait dans une cité latine traditionnelle tant du point de vue architectural qu’institutionnel. La colonie illustrant ainsi parfaitement la politique de conquête et d’acculturation promue sous les Antonins et les Sévères22.

  • 23 Thomas Shaw, Voyage dans la régence d’Alger, ou Description géographique, physique, philologique, (...)
  • 24 James Bruce, Travels in the Footsteps in Algeria and Tunisia, Londres, Kegan Paul, 1877.
  • 25 La découverte d’une inscription au pied de l’arc, identifiée comme appartenant au monument, a lon (...)

8Même si Timgad est référencée dans la table de Peutinger, la ville est pendant des siècles oubliée des circuits des voyageurs. L’ouvrage de Thomas Shaw, édité en 1738, présente dans son introduction une carte de la régence d’Alger qui propose une première géolocalisation des sites de Cherchell, Sétif, Bône ou encore Guelma, mais sans faire aucune référence à Timgad23. La nomination de James Bruce en tant que consul britannique est un pas supplémentaire vers la connaissance scientifique de l’Algérie antique. En effet, de 1762 à 1765, Bruce effectue un grand nombre de voyages dans la région visitant les sites archéologiques du pays en compagnie d’un artiste italien, Luigi Balugani24. Les deux compagnons de route réalisent un certain nombre de dessins du Medracen, du Tombeau de la Chrétienne ou encore de l’aqueduc de Cherchell. À Timgad, ils témoignent de l’état d’enfouissement du site en reproduisant son capitole – qui compte alors encore cinq colonnes intactes contre seulement deux aujourd’hui. Bruce propose également une reconstitution de l’arc dit de Trajan25 – édifice alors aux trois quarts enseveli.

  • 26 Annie Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord des premiers voyageurs au (...)
  • 27 « Les inexactitudes que l’on a constatées dans ses relevés sont, en somme, peu nombreuses. Elles (...)

9En 1850, Léon Renier, accompagné du capitaine Adolphe Delamare, effectue une courte mission de quelques jours pour effectuer un inventaire des inscriptions présentes sur le site. Renier parvient à reproduire 70 inscriptions, et Delamare quelques dessins26. Renier réalise une seconde mission à Timgad en compagnie de l’artiste Guillet, qui produit plusieurs croquis de l’arc de triomphe. En 1850, Delamare publie les résultats de la commission d’exploration scientifique de l’Algérie pour la section archéologie (voir infra), en réunissant plusieurs centaines de dessins réalisés entre 1841 et 1845. Le circuit emprunté par l’expédition ne fait pas mention d’un passage à Timgad. En revanche, dans le second volume de l’Exploration scientifique de l’Algérie (Archéologie), paru seulement en 1900 sous la direction de Stéphane Gsell, est mentionnée une fouille d’un mois effectuée en 1851 par Delamare sur le site. Durant ce séjour, le militaire produit plusieurs dessins du théâtre et de l’arc de triomphe. L’immense production documentaire proposée par Delamare fut longtemps saluée par la communauté savante non seulement pour le travail laborieux proposé, mais également pour la précision des dessins, qui font de ce corpus l’un des plus fidèles consacré aux vestiges romains d’Algérie réuni à ce jour 27.

  • 28 Jacques-Antoine Moulin, L’Algérie photographiée. Publication nationale sous les auspices de S. Ex (...)
  • 29 Léon Renier, « Mission de M. Héron de Villefosse en Tunisie et en Algérie », Comptes rendus des s (...)

10On connaît par ailleurs quelques rares photographies de Timgad réalisées avant les fouilles de Ballu. Ainsi, l’un des premiers photographes identifiés à s’être rendu sur le site est Jacques-Antoine Moulin, qui réalise le tour des trois provinces d’Algérie en 1856 dans le but de produire une documentation complète du patrimoine ethnographique, architectural et naturel de la colonie. Dans son Algérie photographiée28 publiée en trois tomes, il se propose de réaliser le premier véritable inventaire des vestiges romains, numides et médiévaux du pays. Dans son corpus figure un unique tirage de Timgad, qui représente l’arc de triomphe encore à moitié enfoui [fig. 1]. En 1873, c’est au tour de Jules de Laurières de se rendre à Timgad avec René Héron de Villefosse pour une mission scientifique dont l’objectif est « de rapporter en France, pour le musée du Louvre, trois monuments conservés à Lambèse, où ils sont exposés à beaucoup de chances de destruction : le tarif de douane, la tribune militaire, et une série de six bustes impériaux29 ».

Fig. 1 : Jacques-Antoine Moulin, Arc de triomphe à Thamugas (subdivision de Bathna), 1856.

Fig. 1 : Jacques-Antoine Moulin, Arc de triomphe à Thamugas (subdivision de Bathna), 1856.

Bibliothèque nationale de France.

La colonisation française et les débuts de l’archéologie romaine en Algérie

  • 30 Saddek Benkada, « Savoirs militaires et modernité urbaine coloniale. Le rôle des ingénieurs du gé (...)
  • 31 Amable Ravoisié produit plus de 700 planches, relevés et dessins.

11La colonisation de l’Algérie va dès ses débuts s’accompagner d’une étude raisonnée des vestiges à but scientifique, mais également d’une appropriation identitaire du passé latin. Cette pénétration militaire et savante30 se manifeste notamment par la création en 1837 d’une « commission chargée de l’exploration scientifique de lAfrique », placée sous l’autorité conjointe des Académies et du ministère de la Guerre, et dont la mission est de recueillir les « objets dart et antiquités ». En 1838, elle est intégrée au « comité des travaux historiques et scientifiques ». Constituée de vingt membres, elle réunit aussi bien des scientifiques que des militaires et se compose de deux sections, lune pour les beaux-arts (larchitecture et la sculpture) dirigée par Amable Ravoisié, l’autre pour larchéologie sous la direction de Delamare. Tous deux vont permettre de grandes avancées dans la connaissance archéologique du pays. Dès 1840, ils sillonnent la province dAlger et de Constantine et établissent un relevé des grands monuments et sites présents sur le territoire31. Durant cette période, les découvertes en matière d’archéologie romaine se font principalement dans le domaine de l’épigraphie. Grâce à l’« Exploration scientifique de lAlgérie » organisée dès 1840 par Ravoisié et Delamare et à lenvoi de corps expéditionnaires dans les provinces, des milliers de textes inédits sont découverts et enregistrés, en grande partie par Rénier qui référence plus de 4 400 textes – publiés entre 1855 et 1858 dans les Recueils des inscriptions romaines de lAlgérie.

  • 32 Ève Gran-Aymerich, Naissance de l’archéologie moderne 1789-1945, Paris, Éditions du CNRS, 1998, p (...)
  • 33 Théodore Reinach, « La Grèce retrouvée par les Grecs », 1907, cité par Roland et Françoise Étienn (...)

12Avec la création de l’école française de Rome en 1875, les décennies couvrant les années 1880-1920 représentent une période de grande production scientifique pour le développement des études latines en Afrique du Nord, avec l’Algérie et la Tunisie comme « laboratoire dapplication32 » dans le champ de larchéologie romaine. La création en 1880 de l’école supérieure des lettres d’Alger, fondée par Albert Dumont et placée sous la direction d’Émile Masqueray, marque définitivement le début de l’ère de « l’archéologie militante33 » dans le pays. Le service des monuments historiques, créé la même année et confié successivement à Edmond Duthoit et à Ballu, est l’institution centralisatrice pour tout ce qui a trait aux questions liées aux travaux archéologiques, suppléé par la commission d’Afrique du Nord et remplacée par la suite par la commission d’exploration de l’Algérie dirigée par René Cagnat.

La photographie de fouilles en Afrique du Nord : trois exemples de protocoles documentaires appliqués

  • 34 Philippe Collet, « La photographie et l’archéologie : des chemins inverses », Bulletin de corresp (...)
  • 35 Eugène Trutat, La photographie appliquée à l’archéologie. Reproduction des monuments, œuvres d’ar (...)

13Même si les protocoles de relevé sont encore loin d’égaler le niveau de ceux pratiqués aujourd’hui, on observe à partir de la fin du xixe siècle une tendance à documenter de façon plus intensive et continue les fouilles, permettant ainsi une production de données iconographiques plus abondante. C’est ainsi que l’école française d’Athènes se dote pour la première fois d’appareils photos entre les années 1890 et 190034. L’utilisation généralisée de ce médium dans les chantiers s’explique en raison de l’usage de plus en plus aisé des caméras. Ajoutons à cela l’idée de plus en plus répandue dans la sphère savante de l’utilité de la preuve photographique dans le protocole scientifique, grâce à des publications pionnières comme celle d’Eugène Trutat dans laquelle est exprimée pour la première fois la nécessité « que l’archéologue doit exécuter lui-même la plus grande partie du travail photographique35 ».

  • 36 Howard Carter, La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon, Paris, Libretto, 2019.
  • 37 Ibid., p. 65.

14À cet égard, les fouilles d’Howard Carter ont certes été célèbres par la nature de leur découverte, mais ont surtout fait l’objet d’une couverture photographique particulièrement importante pour l’époque. En effet, l’exploration du tombeau de Toutânkhamon instaure la figure du photographe archéologue rattaché spécifiquement à un site. Engagé par la Metropolitan Egyptian Expedition, Harry Burton rejoint en 1922 l’équipe de Carter en tant que photographe avec pour mission de relever l’ensemble des objets découverts. Le récit de fouilles de Carter36 reflète parfaitement le rôle central accordé au relevé photographique par l’égyptologue dans ses travaux : « Le plus urgent était de trouver un photographe, puisqu’on ne pouvait rien entreprendre tant que les objets n’avaient pas été photographiés sur place37. » Plus que de décrire ses fouilles dans la vallée des Rois, Carter présente consciencieusement la méthode employée pour extraire les milliers d’objets conservés dans la sépulture royale. Dès son ouverture, l’archéologue mesure la quantité de matériel à inventorier et à dégager, et le protocole d’enregistrement rigoureux qu’il faudra appliquer :

  • 38 Ibid., p. 63.

Ce n’était pas là une découverte ordinaire que nous pourrions inventorier en une saison de travail. Il n’existait pas non plus de précédent pour nous indiquer la marche à suivre. Pour tout dire l’entreprise nous semblait surhumaine. Nous avions été pris par surprise et nous n’étions absolument pas prêts à classer cette multitude d’objets, dont beaucoup étaient endommagés et nécessitaient un traitement avant qu’on puisse les déplacer. […] Il faudrait encore dresser un plan à l’échelle et prendre des photographies pendant que tout était encore en place ; disposer, enfin, d’une chambre noire pour le développement des photos38.

  • 39 Marie Grillot, « Harry Burton : “LE” photographe de Toutankhamon », 2014 (https://egyptophile.blo (...)
  • 40 H. Carter, La fabuleuse découverte…, op. cit., p. 80.

15Burton réalise près de 14 000 clichés, 5 398 artefacts (mobiliers, bijoux, statues, vases, éventails, cannes, armes, chars, etc.39) sont ainsi méticuleusement reproduits et numérotés dans le laboratoire installé dans « la cachette d’Akhenaton40. » Carter comprend par ailleurs la nécessité de la photographie dans la construction d’archives pour documenter les données matérielles dans leur relation contextuelle avec la stratigraphie. Il établit ainsi tout un programme de relevé photographique :

  • 41 H. Carter, La fabuleuse découverte…, op. cit., p. 80.

[…] il fallut adopter une méthode efficace pour enregistrer la place de chaque objet, afin de savoir plus tard exactement de quelle partie de la tombe ils provenaient. Nous les avions tous numérotés, mais cela n’indiquait pas forcément leur position. Autant que possible, les numéros devaient suivre un ordre particulier, en commençant par l’entrée et en faisant systématiquement le tour de l’antichambre, mais nous savions que nous allions nécessairement trouver des objets encore invisibles, et qu’il faudrait numéroter à leur tour. Nous tournâmes la difficulté en photographiant les objets numérotés par petits groupes, en sorte que tous les numéros apparaissent au moins une fois sur une photographie. Ainsi, en faisant plusieurs tirages, nous pouvions placer, avec les notes accompagnant chaque objet, une photo rappelant la position qu’il occupait dans la tombe41.

  • 42 Éloïse Lettellier-Taillefer, « Le théâtre et l’odéon de Carthage dans le fonds Poinssot. II : Les (...)
  • 43 « Une tranchée ouverte dans l’axe du monument a permis à M. Gauckler de reconnaître que l’édifice (...)
  • 44 « Vendredi dernier a été découverte la première statue : un Apollon debout à côté du trépied auto (...)

16Autre exemple avec les fouilles de Paul Gauckler à Carthage qui sont souvent citées comme l’un des meilleurs exemples en matière de protocole d’enregistrement en Afrique du Nord. La bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) conserve une partie des archives relatives à ce programme. Directeur du service des antiquités de la régence de Tunis, Gauckler est en charge, de 1895 à 1905, du dégagement des nécropoles de Carthage et des fouilles de Dougga, Bulla Regia et Gightis. La série qui concerne les campagnes consacrées à l’odéon (1900-1901) et au théâtre de Carthage est particulièrement intéressante pour comprendre les principes qui dictent encore à cette époque les relevés, en matière de fouilles en archéologie romaine. Composée de 591 éléments42, la plupart des tirages y sont des vues générales, et rares sont celles qui documentent la stratigraphique du terrain. On note cependant une série consacrée à la tranchée qui reprend la découverte du théâtre en 1904-190543 [fig. 2], ainsi que la mise au jour d’une statue colossale d’Apollon44 que Gauckler prend soin de documenter dans son contexte d’origine et son extraction par les terrassiers. Le corpus réuni par Gaukler n’en demeure pas moins un véritable outil d’étude pour l’archéologie des édifices de spectacles dans le monde romain.

Fig. 2 : Paul Gauckler, La grande tranchée transversale, partie supérieure.

Fig. 2 : Paul Gauckler, La grande tranchée transversale, partie supérieure.

Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, archives 106/48/1/6

  • 45 Comité des travaux historiques et scientifiques, Recherche des antiquités dans le Nord de l’Afriq (...)
  • 46 Comité des travaux historiques et scientifiques, Recherche des antiquités…, op. cit., p. 219.

17La création de « la commission de publication des documents archéologiques de l’Afrique du Nord », présidée par Georges Perrot puis par Antoine de Villefosse, encadre la parution d’un ouvrage intitulé Recherche des Antiquités dans le Nord de l’Afrique. Conseils aux archéologues et aux voyageurs45. Publié en 1890, avec le soutien du comité des travaux historiques et scientifiques, le volume, pionnier dans son genre, participe d’un processus déjà bien engagé d’accélération de l’inventaire généralisé des sites archéologiques romains du Maghreb. Rédigée par un collectif d’archéologues, architectes et topographes (Salomon Reinach, Ernest Babelon, René Cagnat, Henri Saladin, Henri Duveyrier et Victor Derrécagaix), l’étude se présente comme un guide spécialisé dispensant des conseils techniques pour le relevé des vestiges à toute personne ayant pour intention de réaliser une fouille. L’objectif étant de limiter la spoliation des sites : « Il faut par dessus tout éviter la dispersion des objets trouvés ensemble, car c’est la réunion seule des documents qui peut donner des lumières sur les civilisations perdues. On doit, en un mot, traiter les antiquités, non comme des curiosités, mais comme des documents et comme des matériaux de la science46. »

  • 47 Comité des travaux historiques et scientifiques, Recherche des antiquités…, op. cit., p. 222.
  • 48 Ibid., p. 114.

18L’essai introduit la question fondamentale de l’acquisition des données archéologiques et des techniques à appliquer selon le terrain et les ères chronologiques rencontrées, encourageant ainsi la documentation systématique d’une région du monde dont les vestiges sont encore, à la fin du xixe siècle, dans leur majorité, inexplorés. « On devra photographier […] toutes les statues et tous les bas-reliefs que l’on rencontrera. On peut les considérer tous ou presque tous comme inédits47. » L’étude établit des principes fondamentaux de prises de vue en fonction du type d’objets (stèle, bas-relief, statuette, bâtiment en entier). Elle indique également les règles de relevé iconographique qui doivent accompagner les séquences d’exploration de l’archéologue en fonction de ses découvertes. Elle identifie par ailleurs une première approche des techniques de relevé propre à l’archéologie du bâti, en soulignant l’importance du matériel de construction : « On remarquera que dans une même partie de l’Afrique les constructions de la même époque peuvent être de matériaux ou d’appareils différents, suivant les ressources offertes par la localité où ils ont été élevés et la possibilité d’employer tels ou tels matériaux. Nous recommandons tout spécialement aux voyageurs de ne pas négliger de noter les détails techniques de la construction ou la décoration des édifices48. »

  • 49 Lucie Bonato et Monique Dondin-Payre, La Méditerranée d’Edmond Duthoit, archéologue et architecte (...)
  • 50 Lucie Bonato, « Edmond Duthoit à Chypre (1862 et 1865) : l’exploration de l’île et la découverte (...)
  • 51 A. Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord…, op. cit., p. 67.

19Ainsi, lorsque Duthoit est nommé au poste d’architecte des monuments historiques d’Algérie en 1880, la photographie ne pouvait qu’accompagner ses fouilles. Il s’était illustré déjà, en 1862, à Chypre dans le cadre d’une mission en Phénicie continentale confiée par Ernest Renan à Eugène Melchior de Vogüé. Duthoit accompagne alors l’homme de lettres pour procéder à des relevés de terrain49. Au cours de ce voyage, il réalise des fouilles à Golgos qui vont permettre lenrichissement de la collection phénicienne du musée du Louvre50 – notamment l’acquisition du grand vase Amathonte. En Algérie, les fouilles de Timgad dont Duthoit a la charge débutent en 1880 jusqu’en 1889. L’architecte produit une importante documentation photographique ainsi que de nombreux relevés et plans de fouilles. La centaine de photographies – conservée à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP) – témoigne de travaux encore préliminaires. L’essentiel des tirages rend compte de prospections dans différents secteurs et d’un site encore en majorité enfoui. Durant les premières années de sa mission, Duthoit – accompagné de ses élèves et collaborateurs, Maintenay et Bernard – se concentre sur le dégagement du forum51 et des voix principales du cardo et du decumanus. Il parvient par ailleurs à dégager les premiers gradins du théâtre entre 1886 et 1887. Les tirages témoignent de techniques de fouilles encore rudimentaires pour l’époque, avec notamment l’extraction des gravats à dos de mulets. Le chantier s’interrompt brutalement au décès de Duthoit en 1889, et c’est dans ces tristes circonstances que Ballu se voit alors confier le poste. Ce dernier a également en charge les fouilles de Tébessa et de Lambèse, mais Timgad occupera sans conteste la plus grande partie de son temps durant les trois décennies que couvrira son « mandat ».

  • 52 « Pendant sept ans, l’architecte Duthoit, l’ancien collaborateur du marquis de Vogué en Syrie, av (...)
  • 53 Agnès Groslambert, L’archéologie algérienne de 1895 à 1915. Les rapports d’Albert Ballu publiés a (...)
  • 54 Albert Ballu, Les ruines de Timgad. Antique de Thamugadi. Sept années de découvertes (1903-1910), (...)
  • 55 Albert Ballu, Guide illustré de Timgad. Antique Thamugadi, Paris, Neurdein frères, 1910.

20Élu au poste d’architecte des monuments historiques d’Algérie en 1889, Ballu ne prend possession de ses fonctions de chef de chantier qu’en 1892 [fig. 3]. Contrairement à Duthoit qui n’a jamais publié ses notes52, Ballu rend compte de chacune de ses campagnes à travers différents supports de communication. Dès 1892, l’architecte publie chaque année un compte rendu de ses travaux dans Le Journal officiel53 ; il va également éditer un ouvrage de synthèse consacré aux campagnes des années 1903-191054. Par ailleurs il produit un certain nombre de guides illustrés à destination des touristes55. Mais Ballu procède avant tout à un relevé photographique complet des opérations, année par année et par secteur dégagé. La Médiathèque de l’architecture et du patrimoine conserve l’ensemble de ses archives qui sont composées de 464 négatifs sur verre et souples datés de 1890 à 1909.

Fig. 3 : Fouilles de 1892, personnages, wagonnet, éléments d’architecture (capitole).

Fig. 3 : Fouilles de 1892, personnages, wagonnet, éléments d’architecture (capitole).

Médiathèque de l’architecture et du patrimoine

Reconstitution graphique de la chronologie du relevé photographique d’Albert Ballu

  • 56 François Djindjian, Manuel d’archéologie, Paris, Armand Colin, 2011.

21Tout matériel de fouilles fait l’objet d’une classification rigoureuse basée sur un principe de typologie par région de production, matière, forme, datation et usage. Selon François Djindjian, les données archéologiques doivent être divisées en deux catégories bien distinctes : « l’objet archéologique », qui renvoie à tout mobilier découvert dans le cadre de prospection ou de fouilles, et « l’objet méthodologique » qui définit l’ensemble des relevés nécessaires à l’étude du terrain dans sa globalité tridimensionnelle, historique et géomorphologique, incluant photographie, échantillonnage, prélèvement, croquis, carnets de fouilles, mesures géophysiques, géomagnétiques, etc.56. Dans ces conditions, la documentation photographique, en tant qu’objet méthodologique, relèverait-elle des mêmes normes de classement sériel que le matériel de fouilles ?

  • 57 Michel Py, « Principes d’enregistrement du mobilier archéologique », dans id. (dir.), Système d’e (...)
  • 58 Gérard Siebert, « Les bols à relief. Une industrie d’art de l’époque hellénistique », dans Cérami (...)

22Le système d’indexation et l’analyse propre au mobilier céramique pourraient à bien des égards s’appliquer à l’étude des données iconographiques recueillies sur le terrain en partie en raison de points communs spécifiques à ces deux types de documents. En tant que matériel le plus abondant dans les gisements protohistoriques et romains, la céramique est considérée comme étant « le meilleur fossile de datation57 » et l’élément qui permet le mieux de déterminer un terminus post quem d’un fait archéologique. Même principe pour la photographie qui caractérise la provenance de l’objet en recueillant la date de prise de vue, le lieu de la découverte et – quand cela est possible – l’unité stratigraphique rattachée. Par ailleurs, la céramique, tout comme la photographie de fouilles, figure parmi les documents les plus nombreux traités par les archéologues dans la phase de la post-fouille. La question de la gestion de données de masse est donc centrale, les procédés d’analyse nécessitant de travailler par échantillonnage. Ainsi donc : « un fait s’impose d’emblée avec force et soulève les premières difficultés : celui de la masse globale du matériel à traiter, dès le moment où il s’agit plus seulement de publier un groupe de trouvailles, mais de considérer dans son ensemble un genre céramique et toute une industrie58. » Dans notre cas, les archives de fouilles de Ballu, qui réunissent plusieurs centaines d’images, nous imposent d’appliquer une méthode par « carottage ». Ce premier niveau d’étude s’appuie sur une analyse graphique du corpus pour faire émerger des unités d’enregistrements et déterminer de façon empirique une chorologie de production et ainsi tenter de comprendre quel modèle de constitution de données s’est appliqué.

  • 59 Suzanne Germain-Warot, Les mosaïques de Timgad. Étude descriptive et analytique, Paris, Éditions (...)
  • 60 A. Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord…, op. cit., p. 67.

23Le protocole de fouilles adopté à Timgad a été particulièrement bien analysé par Suzanne Germain-Warot59 et Annie Arnaud-Portelli qui déterminent quatre phases séquentielles : « correspondant à trois plans du site successivement publiés par Ballu puis par C. Courtois […] suivant un ordre a) Intérieur, b) Extérieur Est, Nord, Ouest, Sud60 ». La comparaison des rapports et des archives de fouilles de Ballu témoigne d’un relevé photographique parcellaire. Le relevé graphique [fig. 4] ne démontre pas une utilisation continue de la documentation photographique au fur et à mesure de l’avancée des travaux : certaines campagnes sont enregistrées par seulement quelques images, voire même un unique tirage à l’exemple de l’année 1907. La nature fragmentaire du corpus se justifie probablement par le peu de temps passé par Ballu sur le chantier. En 1920, une motion déposée par Luciani au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts dénonçait à cet égard une situation « bizarre » :

  • 61 Luciani, Motion adressée au ministère de l’instruction Publique et des Beaux-arts, 1920, archives (...)

L’architecte en chef des Monuments historiques et l’inspecteur général des antiquités résident l’un et l’autre à Paris […] viennent en Algérie une à deux fois par an. Ils y passent rapidement, si l’on peut penser qu’ils prennent le temps de visiter toutes les ruines et tous les monuments qui les intéressent, il paraît impossible qu’ils séjournent assez longtemps sur chaque point pour se rendre compte de la direction utile à imprimer aux recherches et aux travaux de fouilles61.

Fig. 4 : Production des relevés photographiques d’Albert Ballu par année

Fig. 4 : Production des relevés photographiques d’Albert Ballu par année

24Le tableau graphique établit par ailleurs que les campagnes 1896-1903 ont été les plus documentées, ces années étant marquées par des découvertes significatives. En effet, en 1896, Ballu se concentre sur l’exploration des voies romaines comprises entre le decumanus maximus, le forum, le théâtre au nord, les thermes au sud, le capitole et les marchés à l’ouest, sans oublier le cardo maximus et la voie de la curie [fig. 5]. Il procède également à la fouille d’une insula, qu’il suppose être des thermes pour femmes. En 1897, deux colonnes du capitole sont remontées. En 1898, Ballu procède à la fouille du théâtre et de l’arc de triomphe, émettant l’hypothèse d’un second monument triomphal en découvrant du matériel au pied de l’édifice (morceaux de colonnes et architraves). La même année, l’architecte procède à la restauration de l’arc de triomphe et du temple du Génie. L’année suivante, Ballu entame une seconde campagne de fouilles autour de l’arc et découvre des vestiges de la porte de la ville côté est, identifiant un nouveau point de délimitation de la cité. Il procède également aux fouilles de thermes d’une dimension de 4 000 mètres carrés, et des édifices qu’il identifie comme étant des constructions de nature commerciale dans le secteur du capitole. Durant l’année 1900, les travaux de Ballu se concentrent principalement dans le secteur des grands thermes et de la maison de Sertius. Les années 1901-1902 vont s’avérer particulièrement riches en découvertes : Ballu met à jour la domus de Sertorius et la domus d’Hermaphrodite. Deux établissements thermaux sont également découverts, le premier à l’est, le second près de la porte nord, d’une dimension de 400 mètres carrés. Les années suivantes sont consacrées principalement à la poursuite du dégagement des voies et par la découverte en 1904 des grands thermes est et sud.

Fig. 5 : Tableau des campagnes de fouilles d’Albert Ballu

Fig. 5 : Tableau des campagnes de fouilles d’Albert Ballu

Un protocole documentaire confus et peu précis

  • 62 Solenn de Larminat, « Un regard du présent sur les fouilles du passé en Afrique du Nord », Carnet (...)
  • 63 Selon Charles Picard la question des insula en Afrique du Nord est très complexe « étant donné qu (...)
  • 64 A. Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord…, op. cit., p. 61.

25Dans un article consacré à la question des archives de fouilles en Afrique du Nord, Solenn de Larminat souligne la difficulté pour l’archéologue d’analyser ce type de documentation en traitant le cas particulier des nécropoles d’Algérie fouillées entre la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle. L’un des obstacles étant le vocabulaire employé par les archéologues des siècles précédents « qui ne correspond plus aux mêmes faits archéologiques et qui induit donc en erreur le lecteur daujourdhui62 ». Dans le cas des fouilles de Timgad, on observe – pour exemple – une certaine confusion de la terminologie adoptée par Ballu pour décrire les types d’habitats romains, avec une utilisation du terme « insula » ou « îlot » pour désigner les domus et/ou les quartiers d’habitations collectives63. Durant les années 1880-1920, la direction des travaux en Algérie étant confiée à un architecte et non à un archéologue, le protocole de fouilles qui en résulte en a été forcément impacté. En effet, les rapports publiés chaque année par Ballu dans Le Journal officiel témoignent d’« une conception de l’archéologie rigoureusement monumentale64 », qui place le dégagement des constructions d’apparat au premier plan. À cet égard, le corpus photographique ne relève pas au sens propre d’une technique documentaire qui permet une description méticuleuse des travaux, Ballu s’attachant avant tout à photographier les monuments et secteurs majeurs du site, ne produisant qui plus est qu’un nombre restreint de tirages par campagne. La plupart des images ne cherchent pas à reconstituer le caractère scientifique de la fouille, mais davantage à présenter la biographie de celle-ci en en proposant des instants clés.

  • 65 Abdel Bouchareb, « Timgad : Renouveau urbain, nouvelle urbanité (À partir du iie s.) », Réflexion (...)
  • 66 Albert Ballu, « Rapport sur les travaux de fouilles et de consolidations exécutés en 1902 aux mon (...)

26L’analyse statistique du corpus met en évidence seize thématiques documentées [fig. 6]. Les photographies produites sont des relevés qui enregistrent l’archéologie du bâti romain, témoignant de prises de vue réalisées après la fouille. Ballu s’intéresse particulièrement au réseau viaire, ses rapports transcrivant un protocole de recherche qui repose sur un principe de suivi progressif des deux voies principales, decumanus et cardo, comme en témoigne le plan produit en 1900 qui démontre le dégagement complet du cardo maximus depuis le forum jusqu’aux grands thermes nord [fig. 7]. L’architecte réalise toute une série de vues générales, qui démontrent la linéarité du plan urbain appliqué à Timgad par les agrimensores, corps dingénieurs et de géomètres rattachés aux légions augustéennes65 [fig. 8]. Ainsi, à la suite d’une découverte au pied de l’arc dit de Trajan, Ballu détermine un réseau de voies qui se caractérise par deux phases d’implantation, la première en plan hypodammien, avec un quadrillage des rues remontant aux origines de la cité, la seconde de type dissymétrique66.

Fig. 6 : Classement thématique du corpus photographique d’Albert Ballu

Fig. 6 : Classement thématique du corpus photographique d’Albert Ballu

Fig. 7 : Fouilles de Timgad, plan général à la fin de 1900. Albert Ballu, « Les fouilles de Timgad », Bulletin monumental, tome 65, année 1901, p. 418

Fig. 7 : Fouilles de Timgad, plan général à la fin de 1900. Albert Ballu, « Les fouilles de Timgad », Bulletin monumental, tome 65, année 1901, p. 418

Fig. 8 : Albert Ballu, vue panoramique de Timgad, 1903. MAN

Fig. 8 : Albert Ballu, vue panoramique de Timgad, 1903. MAN
  • 67 « Thamugadis, ville populeuse au levant du mont Aurasius, à l’entrée de la plaine, avait été rend (...)

27Au cours de ces plus de trente années de fouilles, Ballu va totalement réinvestir le site de Timgad en effectuant des travaux qu’il désigne comme étant des interventions de consolidation et de restauration. Dans ses rapports, l’architecte justifie son action par la nécessité de la sauvegarde des vestiges, en soulignant l’état de destruction de certains secteurs dû aux invasions vandales vers 429 et à l’installation des Maures67 :

  • 68 Albert Ballu, « Fouilles de Timgad 1905 », Journal officiel de la République française, 26 févrie (...)

Lorsque nous avons terminé une fouille de maison, nous nous trouvons, on ne saurait trop le répéter, dans de toutes autres conditions qu’à Pompéi qui n’a pas été démolie, bouleversée, saccagée comme Thamugadi par la main des hommes. Chez nous, un délai achevé n’est souvent que le commencement de la besogne : et il nous faut exécuter des travaux de réparation, de remise en état de redressement de murs ou de colonnes que nous ne sommes pas obligés d’effectuer dans nos autres chantiers de fouilles d’Algérie, notamment à Lambèse68.

  • 69 Stéphane Gsell, « Chronique archéologique africaine », Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. 2 (...)
  • 70 S. Germain-Warot, Les mosaïques de Timgad, op. cit., p. 2.
  • 71 « J’ai donné des instructions pour l’organisation du Musée et la rédaction du catalogue de tous l (...)

28Gsell va s’attaquer à ces pratiques abusives, devenues systématiques durant la période coloniale en Afrique du Nord, qui ont considérablement dénaturé les édifices romains, détruisant des éléments précieux d’informations relatifs aux séquences de construction. Dans ses « Chroniques africaines », il critique en particulier les travaux réalisés au niveau de l’arc dit de Trajan, « restauré d’une manière peu discrète », ajoutant que « Timgad […] menace de devenir une fabrique de fausses ruines »69. À cet égard, la documentation photographique produite par Ballu démontre parfaitement l’impact de ces interventions dans le secteur en question. L’architecte procède à un relevé plus minutieux, proposant une vingtaine de tirages qui documentent l’édifice avant et après restauration, par un séquençage plan par plan du monument [fig. 9]. Tout au contraire, la mosaïque de la salle des pas perdus figure parmi les éléments les plus mal documentés, Germain-Warot, soulignant l’aspect « confus » et « peu précis » des rapports de Ballu à ce sujet, note par ailleurs qu’« il n’est pas rare que [celui-ci] se contredise […] Nous ne savons jamais à quel niveau ont été trouvés les pavements, et lorsque deux panneaux proviennent de la même pièce, Ballu n’en indique pas les emplacements et les niveaux respectifs »70. La notion de stratigraphie n’étant évidemment pas encore appliquée, Ballu se contente le plus souvent de les documenter une fois entièrement dégagés [fig. 10] et déposés dans le musée du site créé en 189471.

Fig. 9 : Albert Ballu, « Face ouest restauré » de l’arc dit de Trajan, 1900.

Fig. 9 : Albert Ballu, « Face ouest restauré » de l’arc dit de Trajan, 1900.

Médiathèque de l’architecture et du patrimoine

Fig. 10 : Mosaïque de la salle des pas perdus : mosaïque de sol, décor géométrique, 1897.

Fig. 10 : Mosaïque de la salle des pas perdus : mosaïque de sol, décor géométrique, 1897.

Médiathèque de l’architecture et du patrimoine

Une stratégie de fouilles impactante pour la lisibilité du site ?

  • 72 Archives du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts, Direction de l’enseignement su (...)
  • 73 « Je tiens à vous faire savoir que en ce qui concerne les travaux d’architecture, c’est-à-dire de (...)

29Le principe même de confier la direction des sites archéologiques à un architecte des monuments historiques, et non à un archéologue, a forcément eu des conséquences sur la stratégie de fouilles appliquée à Timgad. La création en 1899 d’une direction des antiquités, dirigée dès 1900 par Gsell, cantonne l’archéologue au simple rang de conseiller et non d’acteur. Ainsi, Gsell, en tant qu’inspecteur des antiquités, doit se contenter de « surveiller et diriger les recherches […] recommande[r] en vue de subventions à obtenir [et] enfin facilite[r] la conservation des antiquités72 ». La pratique de la fouille relève ainsi de l’entière prérogative de l’architecte des monuments historiques73. Cette délimitation administrative va induire une lutte permanente entre les deux institutions en charge de l’administration des antiquités algériennes. En publiant dans les mélanges de l’école française de Rome une « chronique » annuelle présentée comme un rapport critique des campagnes de fouilles réalisées par Ballu, Gsell fait usage de sa plume comme contre-pouvoir à la puissante figure de larchitecte en chef, mettant en lumière un certain nombre de fragilités et d’incohérences dans la gestion des travaux archéologiques conduits en Algérie. Ainsi, en 1902, Gsell dénonce une centralisation des fonds pour la recherche archéologique principalement octroyés au site de Timgad, ajouté à une mauvaise administration du budget, indiquant :

  • 74 Stéphane Gsell, « Chronique archéologique africaine », Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. 2 (...)

Je n’irai pas nier l’importance des travaux exécutés à Timgad depuis vingt ans, surtout de ceux qui ont été habilement dirigés, pendant les neuf premières années, par Duthoit. À vrai dire, ils ont coûté fort cher, surtout dans ces dernières années : je ne crois pas me tromper en calculant que les crédits affectés à Timgad ont dépassé 500,000 francs. On aurait pu certainement faire autant avec moins d’argent : il y a eu beaucoup de gaspillage, des frais généraux excessifs, des restaurations coûteuses, inutiles et déplaisantes à l’œil. […] Ce qu’il importe surtout de dire aujourd’hui, c’est que le Service des monuments historiques fait fausse route en s’obstinant à consacrer à Timgad la majeure partie de ses crédits de fouilles74.

30Les années faisant, les billets acerbes semblent avoir progressivement sensibilisé le ministère de l’Instruction publique en faveur de la création, en 1920, d’une direction des antiquités algériennes avec à sa tête un titulaire de la chaire de civilisation romaine, Eugène Albertini.

*

31En comparaison des autres chantiers archéologiques romains d’Algérie de cette période, Timgad a certes bénéficié d’un relevé photographique important, mais la constitution de ces données documentaires reste lacunaire. L’étude statistique du corpus a en effet démontré le peu de tirages produits par campagne et par secteur. Le chercheur doit donc se contenter d’informations parcellaires. Les relevés de Ballu ne sont en rien des images démonstratives qui tentent de prouver un propos scientifique, ou une théorie vis-à-vis d’un secteur excavé. À cet égard, le corpus photographique ne sert pas l’argumentaire d’un fait archéologique comme nous avons pu l’observer dans d’autres chantiers d’Afrique du Nord à la même époque, à Carthage ou au Caire par exemple. Le relevé produit par Ballu semble davantage se présenter comme un simple élément d’appui permettant d’illustrer ses publications régulières.

32Il n’en demeure pas moins que ces documents, en tant qu’archives de fouilles, sont des points d’observation privilégiés pour l’étude des débuts de l’archéologie romaine nord-africaine. En effet, même si les relevés de Ballu sont fragmentaires, même s’ils documentent les restaurations de l’architecte et les dégagements des structures a posteriori, ce corpus participe à la mémoire scientifique du site de Timgad.

Bibliographie

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Notes

1 Alain Schnapp, La conquête du passé. Aux origines de l’archéologie, Paris, Passé-Poche, 1993.

2 Albert France-Lanord « Le rôle de la photographie archéologique », dans Paul Courbin (dir.), Études archéologiques, Paris, SEVPEN, 1963.

3 René Ginouvès et Anne-Marie Guimier-Sorbets, « L’image dans l’archéologie », dans L’image et la science, Paris, Éditions du CTHS, 1992, p. 231-248.

4 Jean-Paul Demoule, « Images de l’archéologie et archéologie des images », Le Genre humain, 50/1, 2011, p. 31-54.

5 Laurent Olivier, Le sombre abîme du temps. Mémoire et archéologie, Paris, Seuil, 2008.

6 Frederick N. Boher, Photography and Archaeology, Londres, Reaktion Books, 2011.

7 Claire L. Lyons et al., Antiquity & Photography: Early Views of Ancient Mediterranean Sites, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2005.

8 Lesley McFadyen et Dan Hicks, Archaeology and Photography: Time, Objectivity and Archive, Londres, Bloomsbury Visual Arts, 2019.

9 Philippe Jokey, L’archéologie, Paris, Belin, 2008, p. 1.

10 Paul Albert Février, Approche du Maghreb romain, tome I, Aix-en-Provence, Edisud, 1989, p. 81.

11 « à l’approche des Byzantins et pour les empêcher de s’installer dans la cité, les Maures en chassèrent tous les habitants et la détruisirent de fond en comble », René Cagnat, « Les fouilles de Timgad, séance du 15 mai 1891 », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 35e année, no 3, 1891, p. 210. Christian Courtois situe l’événement « entre le moment où les Vandales ont dû abandonner l’Aurès, c’est-à-dire après 477, et 539 date de la dédicace du fort » : Christian Courtois, Les Vandales et l’Afrique, Paris, Arts et métiers graphiques, 1955, p. 315, cité par Jean Lassus, La forteresse byzantine de Thamugadi, 1. Fouilles à Timgad 1938-1956, Paris, Éditions du CNRS, 1981, p. 15.

12 Yann Le Bohec, « Le plan de la Timgad primitive », Kolaios, 3, 1994, p. 81-94, repris dans id., L’armée romaine en Afrique et en Gaule, Stuttgart, Steiner (Mavors, 14), 2007, p. 319-332 ; id., « La fondation de Timgad (100 après J.-C.) », dans Ioan Piso et Rada Varga (hrsg.), Trajan und seine Städte, Colloquium Cluj-Napoca, 29. September-2. Oktober 2013, Cluj-Napoca, Mega Verlag, 2014, p. 91-99.

13 Christian Courtois, Timgad. Antique Thamugadi, Alger, Direction de l’intérieur et des beaux-arts (service des antiquités), 1951, p. 17.

14 Benjamin H. Isaac, The Limits of Empire: The Roman Army in the East, Oxford, Clarendon Press, 1990.

15 Yann Le Bohec, La Troisième Légion Auguste, Paris, Éditions du CNRS, 1989.

16 Ibid., p. 335-336.

17 Elsa Rocca, « Le rôle de la IIIe Légion Auguste dans l’aménagement du territoire et de la colonie d’Ammaedara (Haïdra) », dans L’Africa romana XIX. Trasformazione dei paesaggi del potere nell’Africa settentrionale fino alla fine del mondo antico. Atti del XIX Convegno di studio (Sassari, 16-19 dicembre 2010), Rome, Carocci Editore, 2021, p. 567.

18 Ibid.

19 Y. Le Bohec, La Troisième Légion Auguste, op. cit., p. 374-375.

20 Ali Guerbabi, « Il y a dix neuf siècles… Thamugadi », Dossiers d’archéologie, 286, 2003, Algérie antique de l’époque humide à la conquête vandale, p. 39.

21 Ch. Courtois, Timgad, op. cit., p. 19.

22 Charles Picard définit deux phases décisives dans la romanisation du territoire, en reprenant la théorie de Jacques Gascou : « celle de la “romanisation autoritaire” sous les Flavien et Trajan, encore dominée par des impératifs stratégiques et celle que nous appellerions de la “romanisation culturelle”, d’Hadrien à Septime Sévère, qui vise à l’assimilation des Africains et Romains », Charles Picard, La civilisation de l’Afrique romaine, Paris, Études augustéennes, 1990, p. 53.

23 Thomas Shaw, Voyage dans la régence d’Alger, ou Description géographique, physique, philologique, etc. de cet état, Paris, Marlin, 1830.

24 James Bruce, Travels in the Footsteps in Algeria and Tunisia, Londres, Kegan Paul, 1877.

25 La découverte d’une inscription au pied de l’arc, identifiée comme appartenant au monument, a longtemps attribué de façon abusive l’arc de triomphe à Trajan. L’inscription atteste en réalité de la date de fondation de la colonie, et non pas celle de l’édifice en question dont la construction est « antérieure aux premières années du iiie siècle », Ch. Courtois, Timgad, op. cit., p. 50.

26 Annie Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord des premiers voyageurs au xviiie s. à l’indépendance (Maroc, Algérie) d’après les documents publiés, thèse de doctorat, dirigée par René Rebuffat, université Paris-Sorbonne, 1991, p. 65.

27 « Les inexactitudes que l’on a constatées dans ses relevés sont, en somme, peu nombreuses. Elles portent surtout sur les inscriptions : on sait que les textes épigraphiques africains sont souvent d’une lecture difficile et il ne faut pas oublier que Delamare n’était pas un spécialiste… » Stéphane Gsell, Exploration scientifique de l’Algérie pendant les années 1840-1845. Archéologie : texte explicatif des planches de Ad.-H.-Al. Delamare, Paris, E. Leroux, 1912, p. 2.

28 Jacques-Antoine Moulin, L’Algérie photographiée. Publication nationale sous les auspices de S. Exc le Ministre de la guerre…, Paris, chez Moulin, 1859.

29 Léon Renier, « Mission de M. Héron de Villefosse en Tunisie et en Algérie », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 18e année, no 1, 1874, p. 17.

30 Saddek Benkada, « Savoirs militaires et modernité urbaine coloniale. Le rôle des ingénieurs du génie dans la transformation des villes algériennes : le cas d’Oran (1831-1870) », Insaniyat, 23-24, 2004 (https://doi.org/10.4000/insaniyat.5478).

31 Amable Ravoisié produit plus de 700 planches, relevés et dessins.

32 Ève Gran-Aymerich, Naissance de l’archéologie moderne 1789-1945, Paris, Éditions du CNRS, 1998, p. 248.

33 Théodore Reinach, « La Grèce retrouvée par les Grecs », 1907, cité par Roland et Françoise Étienne, La Grèce antique. Archéologie d’une découverte, Paris, Gallimard, 1990.

34 Philippe Collet, « La photographie et l’archéologie : des chemins inverses », Bulletin de correspondance hellénique, 120, 1996, p. 329.

35 Eugène Trutat, La photographie appliquée à l’archéologie. Reproduction des monuments, œuvres d’art, mobilier, inscriptions, manuscrits, Paris, Gauthiers-Villars, 1879, p. 8.

36 Howard Carter, La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon, Paris, Libretto, 2019.

37 Ibid., p. 65.

38 Ibid., p. 63.

39 Marie Grillot, « Harry Burton : “LE” photographe de Toutankhamon », 2014 (https://egyptophile.blogspot.com/2014/06/harry-burton-le-photographe-de.html).

40 H. Carter, La fabuleuse découverte…, op. cit., p. 80.

41 H. Carter, La fabuleuse découverte…, op. cit., p. 80.

42 Éloïse Lettellier-Taillefer, « Le théâtre et l’odéon de Carthage dans le fonds Poinssot. II : Les papiers Gauckler et les fouilles de 1900-1905 », dans Monique Dondin-Payre et al., Autour du fonds Poinssot. Lumières sur l’archéologie tunisienne (1870-1980), Paris, Publications de l’Institut national d’histoire de l’art, 2017 (https://books.openedition.org/inha/7171).

43 « Une tranchée ouverte dans l’axe du monument a permis à M. Gauckler de reconnaître que l’édifice comportait quatre galeries concentriques superposées, reliées par des escaliers voûtés et surmontés d’un portique et pourtour, à colonnades ornées d’acrotères avec têtes d’acteurs masqués. » Paul Gauckler, « Découverte du théâtre romain de Carthage », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 48e année, no 4, 1904. p. 399.

44 « Vendredi dernier a été découverte la première statue : un Apollon debout à côté du trépied autour duquel s’enroule un serpent. Quelques fragments d’inscriptions en marbre blanc à caractères peints en rouge permettent d’espérer qu’on retrouvera bientôt tous les textes concernant la construction de l’édifice et permettent de la dater. » Ibid., p. 399.

45 Comité des travaux historiques et scientifiques, Recherche des antiquités dans le Nord de l’Afrique. Conseils aux archéologues et aux voyageurs / instructions adressées par le Comité des travaux historiques et scientifiques aux correspondants, Paris, Ernest Leroux, 1890.

46 Comité des travaux historiques et scientifiques, Recherche des antiquités…, op. cit., p. 219.

47 Comité des travaux historiques et scientifiques, Recherche des antiquités…, op. cit., p. 222.

48 Ibid., p. 114.

49 Lucie Bonato et Monique Dondin-Payre, La Méditerranée d’Edmond Duthoit, archéologue et architecte, xixe siècle, Paris, Geuthner, 2017.

50 Lucie Bonato, « Edmond Duthoit à Chypre (1862 et 1865) : l’exploration de l’île et la découverte des monuments gothiques des Lusignan », Cahiers du Centre d’études chypriotes, 29, 1999, p. 117-140.

51 A. Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord…, op. cit., p. 67.

52 « Pendant sept ans, l’architecte Duthoit, l’ancien collaborateur du marquis de Vogué en Syrie, avait procédé à un travail minutieux d’exploration et de fouilles ; mais, à sa mort, rien n’avait été publié et les fouilles avaient été interrompues. René Cagnat intervint, en 1891, d’une part auprès du directeur des Beaux-Arts, Gustave Larroumet, de l’autre au Comité des monuments historiques et il obtint la mission, de concert avec l’architecte Boeswillwald à qui succéda l’architecte Ballu, de publier les relevés de Duthoit et d’achever l’aménagement des ruines… » René Dussaud, « Notice sur la vie et les travaux de M. René Cagnat », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 81e année, no 5, 1937, p. 387-388.

53 Agnès Groslambert, L’archéologie algérienne de 1895 à 1915. Les rapports d’Albert Ballu publiés au Journal officiel de la République française de 1896 à 1916, Paris, De Boccard, 1997.

54 Albert Ballu, Les ruines de Timgad. Antique de Thamugadi. Sept années de découvertes (1903-1910), Paris, Neurdein frères, 1911.

55 Albert Ballu, Guide illustré de Timgad. Antique Thamugadi, Paris, Neurdein frères, 1910.

56 François Djindjian, Manuel d’archéologie, Paris, Armand Colin, 2011.

57 Michel Py, « Principes d’enregistrement du mobilier archéologique », dans id. (dir.), Système d’enregistrement, de gestion et d’exploitation de la documentation issue des fouilles de Lattes, Lattes, Éd. de l’Association pour la recherche archéologique en Languedoc oriental (Lattatar, 4), 1991, p. 90.

58 Gérard Siebert, « Les bols à relief. Une industrie d’art de l’époque hellénistique », dans Céramiques hellénistiques et romaines, t. 1, Paris, Les Belles Lettres, 1980, p. 58.

59 Suzanne Germain-Warot, Les mosaïques de Timgad. Étude descriptive et analytique, Paris, Éditions du CNRS, 1969.

60 A. Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord…, op. cit., p. 67.

61 Luciani, Motion adressée au ministère de l’instruction Publique et des Beaux-arts, 1920, archives du ministère de l’Instruction publique, F17 17155.

62 Solenn de Larminat, « Un regard du présent sur les fouilles du passé en Afrique du Nord », Carnet de l’école doctorale d’Histoire de l’art et archéologie, 2016 (https://124revue.hypotheses.org/2390?unapproved=429&moderation-hash=5ba8f5c8d15e9ad8ceb56781b6716d4f#comment-429).

63 Selon Charles Picard la question des insula en Afrique du Nord est très complexe « étant donné que toute maison riche comporte une partie publique, il est extrêmement difficile de distinguer une maison d’habitation d’un local à usage collectif », Ch. Picard, La civilisation de l’Afrique romaine, op. cit., p. 197.

64 A. Arnaud-Portelli, L’exploration archéologique de l’Afrique du Nord…, op. cit., p. 61.

65 Abdel Bouchareb, « Timgad : Renouveau urbain, nouvelle urbanité (À partir du iie s.) », Réflexion(s), septembre 2009, p. 1-2 (http://reflexions.univ-perp.fr/).

66 Albert Ballu, « Rapport sur les travaux de fouilles et de consolidations exécutés en 1902 aux monuments historiques de l’Algérie », Journal officiel de la République française, 4 avril 1903, p. 2164.

67 « Thamugadis, ville populeuse au levant du mont Aurasius, à l’entrée de la plaine, avait été rendue déserte par les Maures de ce pays, ses habitants transplantés, et ses maisons rasées », Procope de Césarée, Anecdota, ou Histoire secrète de Justinien, Paris, Firmin Didot frères, 1856, p. 578.

68 Albert Ballu, « Fouilles de Timgad 1905 », Journal officiel de la République française, 26 février 1906, p. 140.

69 Stéphane Gsell, « Chronique archéologique africaine », Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. 21, 1901, p. 226.

70 S. Germain-Warot, Les mosaïques de Timgad, op. cit., p. 2.

71 « J’ai donné des instructions pour l’organisation du Musée et la rédaction du catalogue de tous les objets et fragments provenant des fouilles opérées dans les diverses parties de la ville. » Albert Ballu, « Rapport sur les travaux de fouilles et de consolidation des ruines de Timgad, exécutés en 1894 par les services des Monuments historiques », Journal officiel de la République française, 1er mai 1895, p. 2511.

72 Archives du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts, Direction de l’enseignement supérieur, 5e bureau, note, 19 juin 1899, F17 17155.

73 « Je tiens à vous faire savoir que en ce qui concerne les travaux d’architecture, c’est-à-dire de fouilles de relèvement de constructions renversées, j’entendrai que soit conservée à l’Architecte en chef des Monuments historiques […] sous le contrôle de l’Inspecteur Général, son indépendance entière dans la direction de la section en vue de l’exécution des travaux… » Ibid.

74 Stéphane Gsell, « Chronique archéologique africaine », Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. 22, 1902, p. 334-335.

Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Jacques-Antoine Moulin, Arc de triomphe à Thamugas (subdivision de Bathna), 1856.
Crédits Bibliothèque nationale de France.
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Titre Fig. 2 : Paul Gauckler, La grande tranchée transversale, partie supérieure.
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Titre Fig. 3 : Fouilles de 1892, personnages, wagonnet, éléments d’architecture (capitole).
Crédits Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
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Titre Fig. 4 : Production des relevés photographiques d’Albert Ballu par année
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Titre Fig. 5 : Tableau des campagnes de fouilles d’Albert Ballu
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Titre Fig. 6 : Classement thématique du corpus photographique d’Albert Ballu
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Titre Fig. 7 : Fouilles de Timgad, plan général à la fin de 1900. Albert Ballu, « Les fouilles de Timgad », Bulletin monumental, tome 65, année 1901, p. 418
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Titre Fig. 8 : Albert Ballu, vue panoramique de Timgad, 1903. MAN
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Titre Fig. 9 : Albert Ballu, « Face ouest restauré » de l’arc dit de Trajan, 1900.
Crédits Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
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Titre Fig. 10 : Mosaïque de la salle des pas perdus : mosaïque de sol, décor géométrique, 1897.
Crédits Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
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Auteur

Anissa Yelles est docteure en archéologie et postdoctorante au Laboratoire d’excellence Création, Arts et Patrimoines (Labex CAP), Institut national d’histoire de l’art – École nationale des chartes. Elle a soutenu une thèse à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sous la direction d’Alain Schnapp, sur les débuts de la photographie archéologique intitulée Reproduire les ruines au xixe siècle. Pour une approche comparative de la représentation photographique des sites archéologiques en Méditerranée. L’exemple de l’Algérie et de l’Italie. Elle est l’auteure de plusieurs publications portant sur l’usage de la photographie dans les méthodes de documentation de l’archéologie romaine. Ses recherches l’ont conduite à explorer la photographie en tant que source primaire pouvant contribuer au renouvellement des connaissances matérielles des sites romains de la période tardo-républicaine et impériale (en Italie et en Algérie).

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