Première partie d’une idée vraie donnée à une idée autoproduite de la philosophie

« […] le concept n’est pas donné, il est créé, à créer ; il n’est pas formé, il se pose lui-même en lui-même, autoposition ».
G. Deleuze, Qu’est-ce que la philosophie ?, p. 16

1Saisir la nature de la philosophie chez Spinoza requiert, au préalable, de situer cette dernière dans le contexte de son émergence et de dégager les principales caractéristiques de la notion au xvii^e siècle. Notre dessein n’est pas de produire, si tant est que cela soit possible, une définition exhaustive et originale de l’idée de philosophie en ce siècle, mais d’en dégager certains traits caractéristiques. Voilà qui permettrait de situer le penseur hollandais, de juger d’une forme de continuité susceptible d’expliquer l’absence, en sa doctrine, d’une définition de la philosophie. Il ne s’agit pas de reprendre l’esquisse – qui s’est voulue sommaire – de notre introduction, laquelle nous a menés à poser les limites d’une comparaison externe. Nous proposons là une étude, certes forcément synthétique, mais qui entend s’attacher d’une façon plus précise à quelques éléments véritablement caractéristiques de l’idée de philosophie, tout en évitant d’évoquer, à titre général, « le xvii^e siècle ». S’il n’est de conception de la philosophie hors des doctrines singulières qui la supposent ou la produisent, il nous paraît justifié de nous attacher plus particulièrement à ces trois penseurs qui sont, explicitement comme implicitement, les interlocuteurs privilégiés de Spinoza : Bacon, Descartes et Hobbes. Relativement à l’idée même de philosophie, de quelle tradition ces philosophes « nouveaux » héritent-ils ? Que font-ils, en outre, d’un tel héritage ?

2La pensée de Spinoza ne manque sans doute pas de reprendre, à sa manière, les principaux traits avancés comme caractéristiques de l’idée de philosophie en son siècle. Cependant, interroger les limites d’une telle reprise doit permettre de mettre en évidence les différences, voire les points de rupture, amenant à affronter quelques-unes des grandes difficultés que nous avons commencé à relever.