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    Plan détaillé Texte intégral Le lien entre le bien-être de l’homme et le bien-être de l’environnementÉvolution de la notion de bien-être à travers le lien entre l’homme et l’environnement Notes de bas de page Auteur

    Le bien-être et le droit

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Bien-être de l’homme et bien-être de l’environnement : un jeu de miroirs ?

    Marta Torre-Schaub

    p. 55-74

    Texte intégral Le lien entre le bien-être de l’homme et le bien-être de l’environnementLa reconnaissance d’un lien de dépendanceLe reflet de l’interconnectivité dans les textesÉvolution de la notion de bien-être à travers le lien entre l’homme et l’environnementLes différentes acceptions du bien-êtreLes nouveaux paradigmes du bien-être : justice, équité et responsabilitéL’apport du droit au bien-être Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Le bien-être est souvent défini comme un « état agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit ». Il s’agit également, si l’on suit les définitions les plus courantes, d’une « aisance matérielle qui permet une existence agréable »1. Prenant la notion à rebours et non sans une provocation certaine, Ambrose Bierce, dans son Dictionnaire du diable, le définit comme l’« état d’esprit produit par la contemplation des ennuis d’autrui2 ». Notre tâche ici, consistant à explorer des pistes afin de saisir le bien-être du point de vue du droit, nous conduit à nous écarter de ces définitions et à ne pas nous satisfaire des chemins qu’elles pourraient ouvrir : la première par son incomplétude, la deuxième par son cynisme évident.

    2Aussi, la question du bien-être appréhendée sous un angle juridique surprend-t-elle forcément, tant les juristes semblent peu s’intéresser à ce qui apparaît a priori comme un domaine du non-droit. Pour l’essentiel la notion du bien-être a été réservée aux études philosophiques, dans la recherche d’un meilleur accomplissement de l’homme, ou au domaine de l’économie, dans la recherche notamment d’utilités à l’homme3. Dans cette lignée, des critères de qualité de vie on été repris et amplifiés par des organismes internationaux, notamment l’Organisation des Nations unies (ONU), mais aussi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et dans une moindre mesure l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), invitant les États à prendre au sérieux l’élaboration de politiques publiques à la recherche d’une meilleure qualité de vie pour les citoyens4. Suivant cette démarche nouvelle des États, d’une recherche des critères de la qualité de vie - notion plus palpable que celle de bien-être -, on se trouve face à un phénomène nouveau qui consisterait à faire émerger des politiques publiques permettant de concrétiser ces notions.

    3D’un point de vue juridique, on assiste à une évolution du droit qui fait sienne la préoccupation de la protection d’un certain nombre des droits et libertés fondamentaux permettant à l’individu de mieux s’insérer dans la société et d’atteindre par là un certain bien-être social (au delà d’un bien-être purement individuel). On retiendra ici une approche juridique du bien-être comme proposition afin de développer les outils pour une meilleure cohésion sociale et une meilleure protection de l’environnement en améliorant par là les conditions de vie de l’homme5.

    4On pourra ainsi observer que le droit actuel s’inscrit dans une évolution s’évertuant à objectiver les conditions normatives de la réalisation du bien-être de l’homme dans son environnement. Ces conditions, nous le verrons, produisent un modèle d’organisation et de gouvernance de la vie sociale et participative plus transparente et égalitaire. La question nous conduira également à étudier le prisme de la justiciabilité du bien-être et la manière dont le juge parvient à saisir ce concept supposé au premier abord mou ou insaisissable. On verra ainsi qu’il existe une série de principes, de droits et de mécanismes juridiques rattachables au bien-être, lesquels, mis en cohérence, laissent entrevoir les potentialités d’un droit en construction pouvant servir à la cause du bien-être.

    5En ce sens, il convient d’évoquer le fait que l’Agence européenne de l’environnement vient de publier un rapport consacré à l’état et aux perspectives de l’environnement6. Le rapport dresse un état objectif des différents milieux écologiques et conclut au fait que l’environnement ne se porte pas bien. Il estime que notre arsenal environnemental est inadapté ainsi que notre modèle de développement. Et il fait des propositions de changement afin d’atteindre un état de bien-être de l’environnement et par conséquent de l’homme. Ce rapport nous invite, en somme, à changer de modèle de société. Dans cette perspective, proposer une réflexion sur le bien-être de l’homme et celui de l’environnement revient à repenser les rapports qu’entretiennent les êtres humains entre eux et ceux qu’ils entretiennent avec la nature. Mais il s’agit également de poser un regard critique sur le développement qui a trop souvent porté atteinte à l’environnement et a relégué une partie de l’humanité dans la pauvreté7.

    6La plupart des définitions du bien-être impliquent une évaluation. Le bien-être est bon et désirable. Le mal-être est mauvais et indésirable. La différence essentielle entre les nombreuses définitions reste en fin de compte l’objet d’évaluation. Certaines sont centrées sur des aspects spécifiques de la vie des sujets ou sur des capacités. Or, actuellement, le bien-être est considéré comme une évaluation globale sur la vie d’un individu à travers une pluralité d’aspects de sa vie8.

    7Par ailleurs, il est courant également de faire une distinction entre les définitions objectives et subjectives du bien-être. Les secondes font référence aux intérêts de la personne, ses besoins, ses préférences et ses désirs. Toutefois il peut y avoir des points communs aux deux définitions comme par exemple la santé, le fait de se nourrir correctement ou de disposer d’eau potable.

    8Il semble ainsi que définir le bien-être ne se réduit pas à une forme d’évaluation utilitariste : une sorte de maximisation des niveaux de bien-être des populations comme objectif essentiel des politiques. Nous avons voulu retenir ici une définition qui va au-delà et qui poursuit d’autres objectifs plus globaux. Ainsi, il peut être, par exemple, tout aussi important de promouvoir le bien-être des générations futures que celui des générations présentes. Il peut être également essentiel de promouvoir certains droits de l’homme dans la mesure où ils promeuvent le bien-être9.

    9Lorsqu’il s’agit de définir le bien-être pour l’environnement, l’expression n’est pas véritablement utilisée, elle fait toujours référence à l’homme par rapport à l’environnement. On préfère alors utiliser des termes comme « qualité environnementale » ou « intégrité écologique ».

    10Historiquement, on peut noter un certain divorce entre le bien-être de l’homme et celui de l’environnement dans la mesure où l’exploitation massive des ressources naturelles - composantes de l’environnement- au bénéfice de l’homme, si elle avait pour objectif d’augmenter un « état de confort » de ce dernier, réduisait considérablement le « bon état » de l’environnement. L’amélioration de la qualité de vie pour l’homme se faisait ainsi en tournant le dos à l’intégrité de l’environnement10.

    11Plus récemment, il a été admis que le bien-être de l’homme ne pouvait pas exister sans un certain respect voire un bon état de l’environnement. Le bien-être du second influençait sans aucun doute la qualité de vie et le bien-être du premier11.

    12La dégradation de l’environnement qui fournit nos atouts matériels essentiels et une base économique pour les activités humaines, compromet le bien-être de l’homme et sa santé. L’utilisation non durable des ressources naturelles englobant les terres, les eaux, les forêts et la pêche peut menacer les moyens d’existence individuelle ainsi que les économies locales, nationales et internationales. L’environnement peut contribuer au bien-être de l’homme mais il peut tout aussi bien en accroître la vulnérabilité en engendrant de l’insécurité et en provoquant des migrations humaines lors de tempêtes, de sécheresses ou d’une gestion écologique déficiente.

    13Actuellement, la qualité environnementale est un concept transversal qui regroupe, pour des choix de société concrets (urbanisme, logement, moyens de transport, énergie), des normes, des objectifs de respect de l’environnement, de développement durable ainsi que des critères plus subjectifs comme la qualité de vie12.

    14La notion de qualité environnementale prend en compte aujourd’hui non seulement la dimension de l’impact des choix de société sur son environnement au sens large (économique et écologique), mais aussi son impact sur la manière dont la population concernée par ces choix les vit et les ressent au quotidien.

    15On peut considérer que la qualité environnementale se mesure par le rapport entre les bienfaits économiques et sociaux des choix de société considérés et leurs conséquences écologiques, sanitaires et en qualité de vie, pondéré par la capacité de faire durer ces choix dans le temps.

    16De son côté, la qualité de vie d’une population est considérée aujourd’hui comme un enjeu majeur en sciences économiques et en sciences politiques. On utilise les notions proches d’utilité et de bien-être. La qualité de vie est mesurée par de nombreux indicateurs socio-économiques. Elle dépend dans une large partie de la capacité à acheter des biens et services, mais aussi des situations dans les domaines de la liberté, du respect des droits de l’homme, du bonheur, de la santé, etc.

    17Les définitions ont ainsi évolué aux cours des dernières décennies. De même, le lien de dépendance entre le bien-être de l’homme et celui de l’environnement n’a pas toujours existé et mérite d’être étudié ainsi que leur apparition dans les textes. La notion de bien-être s’est enrichie d’un contenu éthique, proche du juste, de l’équité et de la responsabilité. On peut alors observer comment le droit a été saisi par cet élargissement en fournissant une série d’outils juridiques.

    Le lien entre le bien-être de l’homme et le bien-être de l’environnement

    18L’environnement est généralement entendu comme « l’ensemble des éléments naturels ou artificiels qui conditionnent la vie de l’homme ». Il est considéré aujourd’hui comme inséparable de la santé de l’homme, avec des objectifs à protéger de manière connectée. C’est ce qui ressort notamment dans un certain nombre de textes.

    La reconnaissance d’un lien de dépendance

    19Le bien-être de l’homme et celui de l’environnement n’ont pas toujours été considérés comme interdépendants puisque l’homme a exploité les ressources et utilisé l’environnement sans se soucier de son état et en pensant seulement à son propre confort et à son propre bien-être.

    20Par ailleurs les indicateurs concernant l’environnement ne tenaient pas compte forcément des effets sur la santé de l’homme. Et, inversement, les indicateurs de santé de l’homme ne prenaient en compte que des maladies, des expectatives de durée de vie, des épidémies, etc. Le bien-être de l’un n’impliquait pas forcément celui de l’autre : la qualité de vie passait par une augmentation de la consommation, des ressources, des énergies, des déchets, ce qui allait à l’encontre de la qualité environnementale.

    21Au fil du temps, différentes études verront le jour mettant en rapport la santé, la durabilité et l’état de l’environnement, marquant par là un progrès. La science commence à devenir assez proactive et capable de mieux prévoir les conséquences des changements environnementaux. Toutefois, l’utilisation des méthodes d’analyse du bien-être, assez bureaucratiques et classiques, a persisté au sein des institutions et la plupart des politiques publiques se sont fondées pendant encore longtemps sur ces méthodes toujours pas suffisamment soucieuses de faire le lien entre la santé environnementale et humaine, le bien-être environnemental et humain13.

    22À partir des années 1970 et surtout dans les années 1980, les premiers liens se créeront à partir de certaines politiques publiques. La connexion se fera grâce à l’apparition de textes, en amont, qui lient le bien-être de l’homme et celui de l’environnement, notamment ceux faisant appel au développement durable14. De même, la promotion d’une santé durable lie l’environnement au sanitaire mais également au social, au culturel et à l’économique. On peut noter aussi l’avènement de certaines expressions dans les années 1990, comme celle d’« empreinte écologique » pour désigner l’influence de l’homme sur la nature et l’environnement.

    23Parallèlement, on constate également la mise en œuvre de politiques internationales consacrant ce nouveau lien entre bien-être environnemental et bien-être de l’homme. Les institutions internationales, notamment au niveau des Nations unies et de l’OMS, ont fait remarquer que pour renforcer les liens entre les deux et bâtir des politiques effectives, il fallait favoriser les politiques environnementales du point de vue de l’amélioration des processus démocratiques. De plus en plus d’institutions, en collaboration avec des associations et des chercheurs, ont bien intégré cette nécessité d’imbriquer. C’est évidemment au niveau local (Agendas 21) que les politiques d’intégration sont les plus efficaces. Ce qui est certain, comme cela apparaît dans les rapports de l’OMS et de l’Agence européenne de la santé, c’est que bien-être de l’homme et bien-être environnemental sont étroitement dépendants et connectés. Le premier peut être accompli sans tenir compte de l’intégrité environnementale mais uniquement à petite échelle, locale, et seulement à condition que le second soit observé au moins à un niveau supérieur (régional par exemple).

    24Ainsi, récemment, les problèmes affectant directement l’environnement sont évalués comme des facteurs à risques pour la santé humaine : réchauffement climatique, augmentation des zones désertiques, accidents écologiques, disparition de certaines espèces et perte de la biodiversité.

    25Le constat ne s’est pas fait attendre et la situation a été considérée comme insoutenable avec la nécessité de trouver des paradigmes d’évolution parallèle. Il a été dès lors reconnu que le bien-être de l’environnement est inséparable de celui de l’homme. L’interface entre les deux concepts est intimement liée et ils doivent être envisagés ensemble. Il existe un consensus aujourd’hui dans le monde scientifique pour soutenir que l’intégrité de l’environnement, sa « bonne santé » et le bien-être des êtres humains sont interconnectés et interdépendants.

    26Toutefois, si la tendance actuelle est de relier les deux notions et les considérer comme interdépendantes, il demeure des difficultés à surmonter qui freinent leur assemblement. S’il est admis que le bien-être de l’homme est atteint lorsque celui-ci possède un certain niveau de développement et de confort, ce développement peut cependant être contraire au bien-être de l’environnement ou à son intégrité. On retrouve, par exemple, l’exploitation massive des ressources naturelles, ou l’utilisation de certaines substances comme les pesticides, les antibiotiques ou les cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM). De multiples difficultés, liées au fait que ces phénomènes menaçant le bien-être de l’environnement sont entourés de grandes incertitudes scientifiques, subsistent : quant à leur degré et leur intensité, quant à leur irréversibilité et évidemment quant à leurs effets y compris sur le bien-être de l’homme ou sa santé. En tout état de cause, ce qui est certain est que les liens entre les deux notions deviennent plus forts lorsqu’ils se reflètent dans les textes.

    Le reflet de l’interconnectivité dans les textes

    27Le lien entre le bien-être de l’homme et un « bon état » de l’environnement, on l’a dit, était déjà énoncé dès 1972 dans la déclaration de Stockholm suite à la conférence des Nations unies sur l’environnement en reconnaissant que « les éléments de l’environnement sont indispensables au bien-être de l’homme, à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux y compris le droit à la vie même15 ». La protection et l’amélioration de l’environnement sont des questions d’importance majeure qui affectent le bien-être des populations et le développement économique dans le monde entier.

    28De son côté, la Convention sur la diversité biologique a établi en 1992 des engagements pour la préservation de la biodiversité, l’utilisation de ses éléments et le partage équitable et juste de ses bénéfices16.

    29Depuis, le lien a été renouvelé à de multiples reprises au niveau international et européen. Ainsi, la Communauté européenne a adopté une Stratégie en matière d’environnement et de santé en 2003, ainsi qu’un Plan d’action européen17. La Stratégie, également dénommée initiative SCALE18 a pour but d’approfondir les connaissances sur l’interaction complexe entre l’environnement et la santé et, par la suite, de prendre des mesures adaptées pour réduire les contraintes des facteurs environnementaux sur la santé des personnes. Le Sixième Programme d’action pour l’environnement n’a pas seulement comme objectif d’améliorer la qualité de l’environnement, mais il vise aussi « à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé humaine ». On note ainsi que la politique communautaire de l’environnement est centrée sur l’homme, mais fait également le lien avec le bon état de l’environnement. Le programme explique ainsi qu’« il est devenu de plus en plus largement manifeste que la qualité de notre air, de notre eau, de notre sol et de notre alimentation affecte la qualité de notre santé et de notre vie »19. Enfin, l’adoption du Septième Programme d’action général de l’Union européenne pour l’environnement à l’horizon 2020 intitulé Bien vivre, dans les limites de notre planète a pour objectif précisément de combler les lacunes du précédent programme et indique une série de buts à atteindre en matière environnementale, considérés comme « indispensables » au bien-être de l’homme comme réduire les émissions de gaz à effet de serre, enrayer la perte de la biodiversité, lutter contre la déforestation ou encore maintenir un bon état des eaux.

    30Pour sa part, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a été également confrontée à cette problématique « environnement/santé ». Elle a su par exemple, à plusieurs reprises, interpréter les objectifs de la Politique agricole commune (PAC) et y intégrer la protection de la santé. L’analyse de sa jurisprudence met en évidence le fait que l’évolution des maladies liées à la pollution ainsi que les crises alimentaires de la vache folle et du poulet à la dioxine ont certainement contribué à cette tendance de « réappropriation » de l’environnement par la santé20.

    31Cette connexion laisse la place à une interdépendance inscrite dans différentes constitutions. Ainsi, dans la Charte de l’environnement en France, il est dit que « l’avenir et l’existence de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ». Il est également considéré « que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution » ; et que « la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ». L’on peut aussi lire que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

    32Sur le plan international, le constat était fait dans le Rapport scientifique de consensus de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire en 2005 : « Le bien-être humain dépend fortement des écosystèmes et des bienfaits qu’ils fournissent. » Il existe depuis un consensus scientifique pour dire qu’une série de changements se sont produits dans les écosystèmes affectant ce qu’on entend par services écosystémiques. Ces changements ont affecté autant l’environnement lui-même que les hommes et leur bien-être.

    33Selon le rapport, le bien-être de l’homme dépend de son bien-être matériel, sa santé, ses bonnes relations sociales, sa sécurité, sa liberté. Toutes ces composantes sont affectées par les changements dans les services qui procurent les écosystèmes, mais également par la quantité et la qualité des moyens disponibles en termes de capital social, de technologie et d’institutions. Quand l’offre de services que fournissent les écosystèmes dépasse la demande, une augmentation de cette offre n’a tendance à améliorer le bien-être humain que de façon marginale. À l’inverse, quand l’offre de services est faible, une petite baisse peut affecter le bien-être humain de façon significative. Les changements produits du fait de l’homme dans les services écosystémiques peuvent être négatifs pour le bien-être humain. Leurs effets sur l’environnement le seront aussi - une utilisation irrationnelle de certaines ressources affectera ensuite négativement d’autres éléments de l’environnement. Mais inversement, certains changements positifs introduits dans l’environnement (par exemple la construction d’un parc dans une zone urbaine) peuvent produire des changements positifs dans les services écosystémiques et avoir des effets positifs sur le bien-être de l’homme et de l’environnement.

    34Pour sa part, le Quatrième Rapport sur l’avenir de l’environnement mondial L’environnement pour le développement et publié en 2007 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), a placé le concept de bien-être de l’homme au cœur des débats politiques. Le bien-être humain est le résultat du développement et il est étroitement lié à l’état de l’environnement. Déterminer l’impact des changements environnementaux sur le bien-être humain, et montrer l’importance du bien-être des populations figurent parmi les objectifs-clés de ce rapport. Le bien-être y est défini comme la capacité et la possibilité pour les individus de vivre le genre de vie auquel ils aspirent. L’environnement est apprécié au-delà de son rôle de source de revenu et son impact sur le bien-être est considéré comme multidimensionnel. Le bien-être humain englobe la sécurité personnelle et environnementale, l’accès aux ressources nécessaires pour une vie agréable, une bonne santé et de bonnes relations sociales, des éléments étroitement liés entre eux qui donnent la liberté de choix et d’action. Parmi les autres éléments importants dans l’analyse du bien-être figurent la pauvreté, l’inégalité et le sexe. Le rapport met le développement durable au centre de l’évaluation, particulièrement les questions ayant trait à l’équité intra et inter-générationnelle.

    35On voit bien qu’avec le temps les liens d’interconnectivité sont bien établis au niveau des textes. Il n’en demeure pas moins que pour être en phase, le contenu des définitions faisant référence à un bon état de l’environnement et au bien-être pour l’homme doit être parfaitement clair, faute de quoi, atteindre un bien-être global resterait une chimère. C’est pourquoi il est intéressant d’analyser les évolutions de la notion de bien-être.

    Évolution de la notion de bien-être à travers le lien entre l’homme et l’environnement

    36La notion de bien-être n’est pas stabilisée ni homogène. Son contenu varie selon les contextes et les institutions. Toutefois on retrouve des traits communs aux différentes acceptions. En outre, la notion a évolué et s’est enrichie en se dotant d’un contenu plus large et plus global, impliquant de manière plus explicite les individus dans l’exercice de leurs droits et libertés. Le droit a intégré cette évolution, contribuant par là à renforcer le lien entre l’environnement, l’homme et une société écologique plus démocratique et plus transparente.

    Les différentes acceptions du bien-être

    37Le bien-être n’est pas défini d’une manière absolue mais on trouve, dans les textes, des éléments qui contribuent à atteindre un état de bien-être optimal.

    38Le Septième Programme d’action général de l’Union européenne pour l’environnement utilise l’expression « bien vivre » et la qualité de vie fait partie des éléments que cette expression recoupe. De plus, il est affirmé qu’un environnement propre est vital pour la santé humaine et le bien-être. Font partie des éléments essentiels : le changement climatique et la couche d’ozone, la perte de biodiversité et la dégradation des sols. Ces éléments, parmi d’autres, sont assimilés aux composantes d’un bon état de l’environnement. Ils contribuent au bien-être de l’homme. On notera que « bien-être » est énoncé séparément de la santé. Il ne s’agit donc pas simplement de jouir de bonnes conditions de santé mais de quelque chose de plus.

    39S’agissant du bon état de l’environnement, on trouve souvent l’expression « intégrité écologique » qui ferait partie du bien-être comme objectif à atteindre. Elle désigne d’une manière générale le degré d’intégrité d’un milieu naturel (un écosystème, un paysage, un cours d’eau). Un territoire est « intègre » s’il n’est pas écologiquement fragmenté, ou si sa connectivité écologique est suffisamment conservée pour que son éco-potentialité ou ses fonctionnalités puissent s’exprimer et continuer à fournir ses services écologiques. C’est donc l’une des conditions nécessaires au « bon état écologique » visées par plusieurs textes européens et déclinées en droit interne, comme par exemple en France avec les trames verte ou bleue.

    40D’autre part, il existe un « indice d’intégrité écologique » qui est l’un des outils scientifiques de l’évaluation environnementale. La notion d’intégrité écologique évoque ainsi la non-fragmentation des écosystèmes par des infrastructures de transports ou par des zones polluées ou très artificialisées. Elle implique en somme que toutes les composantes des écosystèmes soient normalement actives et préservées.

    41Depuis peu, on y associe aussi la notion de « continuum temporel », qui pour l’instant reste peu explorée. L’intégrité spatiale et fonctionnelle de l’environnement contribue ainsi à la biodiversité, élément essentiel d’un bon état de l’environnement et nécessaire à la qualité de vie de l’homme mais aussi de la planète.

    42Du point de vue législatif, en Europe, on tente de mettre en place un « réseau écologique paneuropéen » pour la mise en œuvre de cette intégrité écologique en créant des corridors écologiques : c’est l’objet des directives Natura 200021 et des récents programmes pour l’environnement. En France, ce sont les lois Grenelle I et II modifiant le code de l’urbanisme qui mettent en place l’idée de « cohérence des continuités écologiques ».

    43Un environnement « intègre » est, en fin de compte, celui qui revêt les capacités nécessaires pour se recomposer ou récupérer dans les situations où il aurait subi des dommages ou un certain degré de « stress ».

    44Un autre sens qui est donné souvent au bien-être de l’environnement est celui qui s’opposerait à une perte. Autrement dit, le contraire d’un cas de « mauvais traitement » ou « mauvais état ». Il s’agit des situations où l’environnement a été dégradé ou appauvri : par exemple des sols pollués, des eaux contaminées ou des habitats dégradés. Plus récemment et à une échelle plus large, il s’agit du réchauffement climatique ou de l’altération des cycles biochimiques. On arrive ainsi à des métaphores comme « la planète comme patiente », « la santé de la planète » ou « un écosystème en bonne santé ». Toute une série de programmes pour promouvoir ce bon état de l’environnement se sont développés dans des nombreux pays et également à échelle internationale et régionale22. Dans ces programmes, le bon état de l’environnement est indissociable du bon état des sociétés et par conséquent de l’homme.

    45Par ailleurs, l’environnement en tant que fondement du développement est consacré par le rapport Brundtland de l’ONU en 1987. Auparavant il en était considéré plutôt comme un frein. Il ressort du rapport que le développement est un processus permettant aux personnes d’améliorer leur bien-être mais seulement s’il s’agit d’un développement durable. Le bien-être de l’homme, connecté à celui de l’environnement, est au cœur de la durabilité qui se déclinerait en trois objectifs : premièrement par le maintien de l’intégrité de l’environnement ; deuxièmement par le fait d’assurer l’équité puis en dernier lieu en visant l’efficience économique.

    46On y trouve donc l’équité sociale qui doit permettre l’épanouissement des êtres humains, l’essor des communautés mais également le respect de la diversité. Enfin, dernier élément, pour viser une efficience économique, la durabilité doit être innovante et prospère, mais surtout écologiquement et socialement responsable. On constate ainsi l’introduction des nouveaux paradigmes dans la définition du bien-être. Ce constat est renforcé par le rapport de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire qui conduit à repenser les liens de l’homme à l’environnement en introduisant les notions d’équité, de solidarité et de responsabilité23.

    Les nouveaux paradigmes du bien-être : justice, équité et responsabilité

    47Le constat qu’un environnement de qualité améliore le bien-être de l’homme ne semble plus être remis en question. Pourtant toute la difficulté revient à trouver des indicateurs de niveau et de qualité de vie satisfaisants qui puissent dépasser les notions d’utilité et couvrir tous les aspects de la vie en société.

    48Une autre difficulté réside dans l’évaluation de l’environnement et la difficulté à lui accorder une valeur intrinsèque en dehors d’une valeur utile24. Il existe ainsi une nécessité d’évaluer l’impact de l’environnement sur la qualité de vie des individus25. Cette opération dépend en partie du concept d’environnement retenu. Pour les économistes, par exemple l’environnement est considéré comme un « stock ». Plus cet environnement est riche et sain, plus la production de bien-être est importante. L’environnement est considéré également comme un « flux des services ». Il sert ainsi par exemple à absorber le CO2 rejeté dans l’atmosphère. Mais comment mesurer ces fonctions ou services, ou leur accorder une valeur par rapport au bien-être produit ? L’opération est loin d’être simplement économique dans la mesure où l’environnement n’est pas un « bien » traditionnel : il est un bien commun26.

    49On voit bien que la conception utilitariste a longtemps dominé la pensée concernant le bien-être. Cette conception met l’accent sur les besoins des hommes dans leur recherche de bien-être et sur les moyens concrets de les satisfaire. S’agissant des préoccupations environnementales, le courant utilitariste se met au service de la poursuite d’une certaine qualité de vie partagée équitablement entre les hommes et des moyens efficaces pour la réaliser. Ainsi le bien-être de l’individu et sa maximalisation se traduiraient dans le droit contemporain par le droit de chacun à un environnement sain, le droit de respirer un air et de consommer de l’eau qui ne nuisent pas à sa santé27.

    50Cependant, si la recherche du bien-être relève de ce qui est utile, un accord existe aujourd’hui pour considérer que cette conception est quelque peu incomplète et qu’elle mérite d’être élargie28. Le bien-être de l’homme a tendance à être compris dans le sens qui lui est donné par l’OMS selon laquelle la santé « est un état de complet de bien-être physique, mental et social et pas seulement la seule absence de maladie ou infirmité29 ». Il existe en effet actuellement un débat tendant à donner un prisme plus écologique à la notion de santé et à celle de bien-être de l’homme afin de pouvoir mesurer les aspects les moins tangibles de la notion de santé comme celui du bien-être social et de l’harmonie sociale. C’est pourquoi l’on a constaté cette dernière décennie un mouvement qui voudrait renouveler les indicateurs de santé publique en y intégrant d’autres dimensions comme notamment le bien-être social. De ce fait le bien-être est associé également à ce qui est équitable et juste. Les courants qui prônent la justice environnementale vont dans ce sens30.

    51Ainsi, l’introduction d’une certaine éthique dans la norme environnementale va changer le sens du bien-être, en l’élargissant. Aujourd’hui il nous semble que la notion entretient des connexions avec la pauvreté, la liberté, la dignité, la solidarité, la justice et l’équité31. On peut ainsi parler d’un changement de paradigme dans la relation entre bien-être environnemental et bien-être de l’homme. La notion de bien-être qui s’en dégage constitue d’une certaine façon une « norme » éthique produite dans le cadre de ce nouveau paradigme et s’applique alors au décideur, mais aussi à l’ensemble des personnes susceptibles d’intervenir à quelque niveau que ce soit dans le cadre de la relation environnement-homme. Elle a pour spécificité par exemple d’intégrer la « responsabilité » des décideurs et des acteurs. Il s’agit en effet d’une éthique de responsabilité qui cherche à poser les principes du « bien-faire » pour le « bien-être » et qui devient une composante d’importance du système de régulation dans ce domaine.

    52La formulation pionnière de Franck Ramsey à la fin des années 1920 proposait de mesurer le bien-être des générations futures dans une quête de justice intergénérationnelle en introduisant une inconnue dans sa formule d’« épargne du bien-être » : une sorte de prévoyance du bien-être de la part des générations présentes envers les générations futures32. La prévoyance - qui pourrait se traduire juridiquement par la prévention, voire par la précaution - deviendrait un élément important dans l’équation permettant de trouver le bien-être actuel et futur. Si les générations présentes prévoyaient comme une sorte d’attitude d’« épargne responsable » suivant laquelle leur croissance économique devrait toujours se faire en introduisant un facteur inconnu, en prévision des risques futurs, à long terme cela les conduirait à un plus grand bien-être et contribuerait à celui des générations futures. Les générations présentes en effectuant cette sorte de « prévoyance » dans leurs prévisions de croissance économique se rendraient compte qu’une telle attitude contribuerait également à leur bien-être présent.

    53C’est par ce biais là que les notions d’équité et de justice apparaissent. Les pouvoirs publics cherchent à atteindre un objectif de bien-être généralisé à partir de la recherche d’un bien-être de l’homme en harmonie avec l’environnement. Le bien-être, en tant qu’objectif d’intérêt général des politiques environnementales, se met au service de l’homme afin que ce dernier jouisse d’un environnement de qualité en exerçant une série de droits et libertés en toute équité et de manière juste33.

    54Il est aujourd’hui indiscutable que les conditions de pauvreté comptent parmi les facteurs qui contribuent à la dégradation de l’environnement. Il faut s’attacher à cette pauvreté également parce que chaque être humain, en toute égalité, a le droit à un niveau de vie, de santé et de bien-être correct. Ceux qui vivent dans la misère subissent une perte de qualité de vie et de santé qui provient souvent d’une dégradation de leur environnement, alors que les personnes aisées peuvent choisir leur lieu de vie et plus facilement s’isoler de la pollution et de la contamination. C’est l’idéologie de not in my back yard (pas dans ma cour), à la base des théories mais aussi des politiques prônant la justice environnementale34.

    55Les liens entre pauvreté, équité et condition environnementale englobent également la capacité d’un individu ou d’un groupe à avoir accès aux divers éléments qui contribuent au bien-être. Ces éléments sont étroitement liés aux services écosystémiques tels que l’eau fournie en quantité et qualité suffisante pour être bue et utilisée.

    56Au prolongement de cette idée, on doit comprendre que le développement concerne les choix et la liberté des hommes de décider d’un avenir sans restrictions dues à la maladie, la faim, l’analphabétisme, l’oppression, etc. Le bien-être dans un contexte d’épanouissement du développement consiste à ce que les individus aient le choix de mener la vie qu’ils souhaitent35.

    57De ce fait, le terme « justice environnementale » peut venir en aide dans cette circonscription normative du bien-être. Il décrit en effet un système de normes, d’institutions et de procédures visant à maximiser le bien-être de la vie actuelle et future de la planète. Les principales modalités pour y parvenir comprennent l’allocation et la gestion des ressources rares, des restrictions sur l’exercice du pouvoir et l’application de la loi, en ayant pour objectif d’atteindre l’équité intergénérationnelle, intragénérationnelle et entre les espèces36.

    58Il s’agit également d’une application de l’équité37, laquelle commence par exemple dans l’allocation juste des droits et des devoirs (par rapport à l’environnement). De facto, cela peut se traduire dans un effort de juste allocation des ressources et de bonne gestion afin d’assurer que les bénéfices de celles-ci, les coûts liés à leur protection et toutes les dégradations soient équitablement partagés entre tous les membres de la société.

    59Ainsi, on voit par exemple que dans le rapport de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, un lien est établi entre pauvreté pour l’homme et perte ou diminution des services écosystémiques. Si ces derniers baissent ou deviennent rares, cela aura un effet direct sur la pauvreté et par conséquent sur le bien-être de l’homme38. Or, à mesure que la demande en services fournis par les écosystèmes a augmenté, les populations pauvres ont perdu l’accès à ces services. Une diminution du bien-être de l’homme a tendance à accroître sa dépendance immédiate aux services écosystémiques. Il en résulte une pression supplémentaire sur les écosystèmes qui peut endommager leur capacité à fournir des services. Cela peut provoquer une spirale descendante de pauvreté et de dégradation accrue des services fournis par les écosystèmes. Dans le même ordre d’idées, certains scénarios démontrent que des changements dans les politiques, les institutions et les pratiques permettent d’atténuer certaines des conséquences négatives des pressions croissantes sur les écosystèmes39.

    60Cette approche était déjà envisagée par certains auteurs comme John Rawls et Amartya Sen. Ainsi le premier écrivait dans les années 1970 que le bien-être est constitué d’une série de droits et de libertés auxquels tous devraient avoir égal accès. Certaines de ces libertés ne peuvent être exercées que si, au départ, il y a un accès égal aux ressources comme la dignité, le respect de soi ou la jouissance de certains biens premiers. L’auteur remet en cause la conception utilitariste du bien-être comme étant une simple somme d’utilités ou des plaisirs, conception dont on s’était jusqu’alors majoritairement servi afin de mesurer et d’évaluer le bien-être40.

    61Pour sa part, Amartya Sen explique que le bien-être est à la fois accomplissement d’un certain nombre de fonctions et la liberté de pouvoir les exercer41. La qualité de vie et le bien-être sont mesurés en termes de capabilités d’une personne. Une « capabilité » est l’habilité ou le potentiel à faire quelque chose ou, plus techniquement, à accomplir, une certaine fonction. Il y a une série de fonctions que toute personne devrait pouvoir accomplir et parmi elles la participation aux processus de prise de décision. Dans cette perspective, les notions d’équité et de distribution équitable sont essentielles. Ainsi l’accès équitable aux capacités, fonctions ou ressources fait partie de cette notion de bien-être. L’introduction de l’approche par les capabilités permet aux pouvoirs publics, par exemple en charge de l’élaboration des politiques publiques favorisant le bien-être, d’introduire certains de ces postulats. La proposition d’Amartya Sen, qui abandonne l’approche économique du bien-être et son évaluation standard proposées jusqu’alors, enrichit l’analyse avec des considérations sociales, philosophiques et politiques. Pour lui, le réel développement (social mais aussi personnel) ne se réduit pas à une question de revenus, de croissance économique ou d’indices de qualité de vie matérielle. Atteindre un réel épanouissement et une qualité de vie dans le sens d’un bien-être (social et environnemental) comprend un ensemble de mécanismes qui, tels des engrenages, permettent progressivement d’être dans la possibilité d’exercer un nombre élevé de libertés42.

    62Qu’en est-il de cette conception élargie du bien-être par rapport aux textes de droit positif ? En existe-t-il une appréhension juridique ?

    L’apport du droit au bien-être

    63Alors qu’il n’existe pas une définition juridique du bien-être, le droit, on l’a vu tantôt, s’en préoccupe de plus en plus notamment dans une approche liée à la qualité de vie. S’agissant du bien-être de l’environnement, on a relevé que les notions d’« intégrité écologique », « continuum écologique » ou encore « bon état écologique » tendent à donner la mesure d’un bien-être environnemental.

    64Le concept de résilience, pour sa part, permet également de penser à un état de l’environnement équilibré et souhaitable dans lequel éléments, fonctions écosystémiques et services fonctionneraient de la manière la plus harmonieuse possible.

    65Le droit a ainsi développé ces dernières années un certain nombre d’outils permettant de mesurer le bien-être, pris dans son acception première : celle de qualité ou bon état des choses. Il nous semble, toutefois, que le concept élargi du bien-être tel qu’étudié précédemment a pu également imprégner le droit, lequel a développé une série d’outils le rendant possible. De ce fait, si l’on tient compte de l’importance de la capacité de chacun à participer aux choix des politiques environnementales et d’amélioration de la qualité de vie comme une composante importante de la notion de bien-être élargie ou globale - pour reprendre les termes du rapport de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire), on est en mesure d’affirmer que le droit a contribué à la promotion de ce bien-être en élaborant une série de mécanismes permettant cette participation. Favorisant une meilleure intégration de l’individu dans les processus d’information et de participation à la prise de décision, et donc une meilleure insertion dans la vie sociale, ces mécanismes devraient procurer à terme un bien-être certain. Ceux par lesquels l’homme a accès à l’information en matière d’environnement et de santé font ainsi partie de cet outillage juridique. De même, les principes juridiques permettant de se prémunir contre des risques pour la santé et l’environnement contribuent à augmenter la capacité de choix et de liberté de l’individu. En somme, il s’agit des techniques juridiques permettant un meilleur accès à la citoyenneté écologique et à une véritable démocratisation des choix concernant l’environnement et la santé de l’homme.

    66Citons ainsi tout d’abord l’expertise. Le rapport de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire établit que parmi les principaux changements qui se sont produits du fait de l’homme et affectant l’environnement, on doit citer la science et la technologie. Le xxe siècle a été le témoin de progrès considérables dans la compréhension du fonctionnement de notre monde ainsi que dans les applications techniques de cette connaissance. Une grande partie de l’augmentation de la production agricole au cours des quarante dernières années est le fruit d’une augmentation du rendement par hectare plutôt que d’une expansion des terres. En même temps, les progrès technologiques peuvent aussi entraîner la dégradation de services fournis par les écosystèmes. Les progrès technologiques dans le domaine de la pêche par exemple ont contribué à réduire de façon significative les stocks de poissons marins. Les changements technologiques peuvent également avoir des conséquences négatives inattendues sur les écosystèmes et le bien-être humain. C’est pourquoi il est important de procéder à des évaluations prudentes avant d’introduire de nouvelles technologies. Les expertises scientifiques (indépendantes, transparentes et contradictoires) encadrées par le droit sont à cet égard un outil remarquable au service du bien-être.

    67En deuxième lieu, le principe de précaution nous apparaît également comme un mécanisme juridique intéressant dans le sens d’une plus grande autonomie de l’homme par rapport aux choix et aux risques ayant trait aux sciences et aux techniques et se rapportant à sa santé et à l’environnement. L’Agence européenne de l’environnement a affirmé récemment que si un environnement propre est essentiel pour la santé humaine et le bien-être, il n’en reste pas moins que les interactions entre l’environnement et la santé humaine sont extrêmement complexes et difficiles à évaluer43. L’application du principe de précaution, explique le texte, devient de ce fait particulièrement utile. Ainsi par exemple, si l’on connaît bien les effets sur la santé de la pollution de l’air ambiant, de la mauvaise qualité de l’eau et d’une hygiène publique insuffisante, on connaît beaucoup moins en revanche les effets des produits chimiques dangereux.

    68Dans une communication du 2 février 2000 sur le recours au principe de précaution44, la Commission européenne a proposé des lignes directrices sur l’application du principe de précaution afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, animale et végétale quand les données scientifiques disponibles ne permettent pas une évaluation complète du risque. Le principe de précaution associé à la gestion du risque permet de déterminer par exemple quel est le risque acceptable au-delà duquel un état de bien-être pour l’homme mais également pour l’environnement ne serait pas acceptable45. Une application du principe de précaution permet de prendre en considération les situations même incertaines et de faire des choix politiques susceptibles de conduire au maximum de bien-être par la réduction des effets négatifs provoquant un « mal-être ».

    69Citons en troisième lieu les instruments juridiques permettant l’épanouissement de la démocratie écologique et de la gouvernance du risque. Un changement dans les institutions et la gouvernance du risque fait partie des outils que le droit peut également mettre à la disposition du bien-être. Beaucoup d’institutions, à la fois au niveau mondial et national, sont mandatées pour s’occuper des problèmes liés à la dégradation des services fournis par les écosystèmes, mais elles sont confrontées à toute une série d’obstacles dans leur action. Les institutions actuelles n’ont pas été conçues pour prendre en compte les menaces qu’implique cette dégradation, ni pour s’occuper de façon adéquate de la gestion des ressources en libre accès. Des changements dans les cadres de gouvernance institutionnelle et environnementale sont parfois nécessaires pour permettre la gestion effective des écosystèmes. Dans ces actions prometteuses, on retrouve entre autres l’intégration des objectifs de gestion des écosystèmes au sein des autres secteurs et une meilleure coordination entre les accords environnementaux internationaux. De même, les actions sociales et comportementales impliquent généralement la participation des parties prenantes dans les efforts d’amélioration des écosystèmes et du bien-être humain. On y retrouve l’amélioration de la communication et de l’information ainsi que de la participation. L’efficacité de la gestion des écosystèmes peut être limitée quand l’information sur divers aspects les concernant fait défaut ou quand elle n’est pas utilisée de façon adéquate. Les informations doivent être accessibles et le public doit être capable de les interpréter. Il convient ainsi d’enquêter sur la transparence des informations ainsi que sur leur mise à disposition. De surcroît, leur justesse est importante. Il est nécessaire de vérifier la qualité des informations ainsi que la présence d’études émanant de sources plurielles.

    70La prise de décision, quant à elle, peut être améliorée grâce à des outils permettant la participation des parties prenantes, la récolte d’information et la planification. Citons dans ce sens la convention d’Aarhus du Conseil de l’Europe de 1998 sur le droit à l’information, à la participation et à l’accès à la justice en matière environnementale ainsi que la directive européenne 2003/4. La Convention a été définitivement intégrée dans le système juridique français par la circulaire du 18 octobre 2007 relative à l’accès à l’information en matière environnementale. Évoquons également la loi sur la démocratie de proximité du 28 février 2002 puis celle sur la participation du public en matière environnementale du 28 décembre 2012.

    71Le lanceur d’alerte constitue également à notre sens un outil remarquable au service de la participation des individus au bien-être social et environnemental. Le lanceur d’alerte, désormais reconnu par la loi du 13 avril 2013, permet à un individu de rentrer dans le circuit d’information sur les risques environnementaux. Il intègre également le cadre de la gouvernance environnementale puisqu’il se pose en acteur et ne demeure plus un observateur passif. Les obligations de vigilance et de responsabilité qui pèsent sur les décideurs et les pouvoirs publics et/ou privés pour leurs actions ou inactions sont accrues dans la mesure où le mécanisme du lanceur d’alerte permet un certain contrôle de la part des citoyens sur ces actions ou abstentions. Le lanceur d’alerte, bien évidemment, exacerbe le rôle croissant du principe de précaution et permet de lui donner des contours de plus en plus précis dans le système juridique.

    72N’oublions pas par ailleurs que des programmes concrets ont été élaborés visant à l’amélioration du bien-être de l’environnement et de la qualité de vie de l’homme. Ils recoupent une multitude des mesures englobant toute une série d’aspects de la vie, et ciblent notamment la gestion des espaces et des territoires. Il s’agit par exemple des « Smart Growth » aux États-Unis conçus comme le revers de l’idéologie not in my backyard précédemment évoquée. Ces programmes rejoignent des mesures globales d’amélioration de l’environnement en évitant sa dégradation, maximisant les services écosystémiques afin de promouvoir et d’améliorer la qualité de vie tout en respectant une série de conditions promouvant l’équité et la justice environnementale. Il s’agit de programmes qui régulent et planifient les terrains et l’urbanisme afin d’améliorer la qualité de vie dans ses aspects sociaux, culturels, écologiques et politiques46.

    73On doit enfin s’interroger sur le rôle du juge dans l’intégration de la notion de bien-être de l’homme en lien avec la qualité de l’environnement. La justiciabilité du bien-être consacre et assoit la notion dans le système juridique, la dotant d’une efficience certaine. C’est notamment le cas, récemment utilisé dans les cours, avec la consécration de la notion d’« angoisse » et de « préjudice d’angoisse » vis-à-vis de problèmes environnementaux. L’acceptation par les juges de l’existence d’un préjudice d’angoisse lié aux incertitudes concernant un certain nombre de risques pour la santé et l’environnement implique la consécration juridique des atteintes au bien-être.

    74Déjà en 2009, la cour d’appel de Versailles avait reconnu un trouble anormal du voisinage à cause de l’implantation d’une antenne-relais dans la mesure où cela était un « motif d’angoisse » et donc de « mal-être » pour les habitants des alentours. La cour avait bel et bien reconnu « la crainte légitime » chez les habitants du quartier et avait ainsi statué au regard « de l’angoisse créée et subie par les intimés du fait de l’installation » de l’antenne relais47. Le préjudice d’anxiété, quant à lui, remonte à un arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2010, reconnaissant que les préretraités de l’amiante « se trouvaient dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse48 ». Encore plus récemment, le conseil des prud’hommes de Longwy (Meurthe-et-Moselle) a également admis ce préjudice d’angoisse par une décision rendue le 6 février 2015 concernant des anciens travailleurs des mines49. D’autres affaires similaires sont en attente d’une décision.

    75On peut ainsi conclure avec une touche optimiste, en nous réjouissant de la prise au sérieux par les juges du bien-être des citoyens dans les affaires concernant la santé et l’environnement. S’il reste du chemin encore à parcourir, on remarque une juridicité certaine de la notion de bien-être, de même qu’une prise en compte par les textes dans son acception la plus globale et complète. Reste à savoir comment le concept évoluera et s’il sera définitivement consacré, d’une manière formelle, dans les textes de droit.

    Notes de bas de page

    1  Les deux définitions viennent du dictionnaire Larousse.

    2  A. Bierce, Le dictionnaire du diable, Paris, Payot et Rivages, 2014 [éd. originale, 1911].

    3  Ainsi dans une approche utilitariste Jeremy Bentham conçoit le bien-être en termes hédonistes comme une maximisation des plaisirs tandis que John Stuart Mill se soucie de l’étude d’un bien-être général. Plus récemment ont été mises en place de grandes enquêtes dans différents États utilisant des indices comme le produit intérieur brut (PIB) ou le bonheur national brut (BNB).

    4  E. Diener, J. Helliway, R. Lucas, U. Schimmack, Well-being for Public Policy, Oxford, Oxford University Press, 2009.

    5  « Une nouvelle stratégie de cohésion sociale », Comité européen pour la cohésion sociale. Communication du 31 mars 2004, http://www.cor.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/Revised.Strategy-fr.pdf.

    6  Agence européenne pour l’environnement, L’environnement en Europe, état et perspectives 2015, Copenhague, 2015.

    7  P. Dasgupta, Human Well-being and the Natural Environment, Oxford, Oxford University Press, 2001.

    8  Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, Rapport scientifique du consensus, Washington, 2005, disponible à l’adresse suivante http://www.millenniumassessment.org/en/Synthesis.html.

    9  Le droit au « bien-être » apparaît dans différents textes comme les déclaration françaises et américaines, les constitutions du Japon, du Brésil ou de la Corée du Sud.

    10  A. H. Neller, R. J. Neller, « Environmental Well-being and Human Well-being », dans R. C. Elliot (éd.), Institutional Issues Involving Ethics and Justice, vol. 2, Unesco Encyclopedia of Life Support Systems (EOLSS), Oxford, 2009, p. 137-155.

    11  A. H. Neller, R. J. Neller, « Environmental Well-being… », art. cité, p. 140.

    12  S. Fleuret (dir.), Espaces, qualité de vie et bien-être, Actes du colloque EQBE, Angers, Presses universitaires d’Angers, 2006.

    13  A. H. Neller, R. J. Neller, « Environmental Well-being… », art. cité, p. 137-155.

    14  Principe premier de la déclaration de Stockholm, 1972, suite à la conférence de l’organisation des Nations unies (ONU) sur l’environnement.

    15  P. Steichen, « Évolution du droit à la qualité de vie, de la protection de la santé, à la promotion du bien-être », Revue juridique de l’environnement, 3, 2000, p. 361-390.

    16  Convention sur la biodiversité adoptée à Rio de Janeiro en 1992 lors du sommet de la Terre.

    17  Plan d’action en matière d’environnement et de santé, 2004-2010 (http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/)

    18  Pour Science, Children, Awareness, Legal instrument, Evaluation.

    19  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/puri=VRISERV%3AI28

    20  Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), C-1/00, 13 décembre 2001.

    21  Directive Habitats naturels (Natura 2000), 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages.

    22  Voir par exemple : Cinquième Programme communautaire d’action pour l’environnement : vers un développement soutenable, 1992-2000, JOC138, 17.05.1993 et JOL 275, 10.10.1998.

    23  M. Desrousseaux, « L’écologisation du concept de qualité de vie », Chroniques de l’OMIJ, 6, 2015 L’environnement au secours du développement économique et social, p. 203-214.

    24  M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, thèse, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013, p. 133 et suiv.

    25  M. Torre-Schaub, « Les biens communs de la nature : argent, valeur, patrimoine », dans Biens communs et argent, Journée d’études organisées par le laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société (IDHES) et l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 10 juin 2015, ouvrage à paraître en 2016.

    26  E. Ostrom, La gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Bruxelles, De Boeck, 2010 ; M. Torre-Schaub, « Les biens communs de la nature… », art. cité.

    27  P. Steichen, « Évolution du droit à la qualité de vie… », art. cité ; D. Desrousseaux, « L’écologisation… », art. cité.

    28  Évolution des écosystèmes pour le millénaire, Rapport scientifique de consensus, op. cit.

    29  Préambule de la Constitution de l’OMS adoptée par la Conférence internationale sur la santé, NY, 19-22 juin 1946.

    30  A. Sen, M. Nussbaum, The Quality of Life, Oxford, Clarendon Press, 1995 ; M. Torre-Schaub, « Quelques apports à la notion de justice environnementale », dans C. Cournil, C. Colard-Fabregoule (dir), Changements environnementaux globaux et droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 69-88.

    31  D. Shelton, « Préface », dans A. Michelot (dir.), Équité et environnement. Quels modèles de justice environnementale ?, Bruxelles, Larcier, 2012.

    32  F. P. Ramsey, « A Mathematical Theory of Saving », Economic Journal, 38,1928, p. 543-549.

    33  A. Michelot (dir.), Équité et environnement…, op. cit., p. 123.

    34  M. Torre-Schaub, « Quelques apports à l’étude de la notion de justice environnementale », art. cité.

    35  M. Torre-Schaub, « Le droit de l’environnement à l’origine du renouvellement des droits économiques et sociaux : l’exemple de la démocratie environnementale et de la gouvernance durable », dans Chroniques de l’OMIJ, no 6, « L’environnement au secours du développement économique et social » (dir. C. Krolik et S. Nadaud), 2015, p. 103-116.

    36  A. Sen, M. Nussbaum, The Quality of life, op. cit. ; A. Boyle et M. Anderson (éd.), Human Rights Approaches to Environmental Protection, Oxford, Clarendon Press, 2003.

    37  A. Michelot (dir.), Équité et environnement, op. cit.

    38  G. Walker, K. Bickerstaff, « Polluting the Poor : An Emerging Environmental Justice Agenda for the UK ? », Goldsmith College, Université de Londres, 2000 ; B. Gagnon, N. Lewis, S. Ferrari, « Environnement et pauvreté : regards croisés entre l’éthique et la justice environnementale », Écologie et Politique, 35, 2008, p. 79-90

    39  A. H. Neller, R. Neller, « Environmental Well-being and Human Well-being », art. cité, p. 137-155.

    40  J. Rawls, Théorie de la Justice, Paris, Seuil, 1997.

    41  A. Sen, M. Nussbaum, The Quality of Life, op. cit.

    42  A. Sen, Developpement as Freedom, Oxford, Oxford University Press, 1999.

    43  Document Environnement et santé, Agence européenne pour l’environnement, Communiqué du 2 mars 2015.

    44  Communication sur le principe de précaution (COM [2000]), 2 février 2000 (http://www.eur-lex.europa.eu)

    45  Sur l’acceptabilité du risque, voir C. Noiville, Du bon gouvernement des risques, Paris, Puf, 2003.

    46  V. Been, « What’s Fairness Got to Do With It ? Environmental Justice and the Siting of Locally Undesirable Land Uses », Cornell Law Review, 78, 1993, p. 1001-10027.

    47  Cour d’appel de Versailles, 4 février 2009, no 08-08775.

    48  Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mai 2010 (09-42.241 à 09-42.257 joints).

    49  Conseil des prud’hommes de Longwy, 6 février 2015.

    Auteur

    • Marta Torre-Schaub

      Chargée de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au laboratoire Institutions et dynamiques de l’économie et de la société (IDHES) de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheure associée au Centre d’études et de recherches sur l’administration publique (CERAP) de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Auteure de l’Essai sur la construction de la catégorie juridique de marché (LGDJ, 2002), Le droit et le climat (Cahiers Droit, sciences et technologies, 2008), L’essentiel de la jurisprudence en droit de l’environnement (Gualino, LGDJ, à paraître). Elle assure la chronique « Responsabilité » pour la revue Cahiers Droit, sciences et technologies et est co-auteure du Bulletin de veille scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Elle enseigne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

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    Les inégalités environnementales : une approche par la justice

    Réflexions autour d’une démocratie environnementale

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    Présentation

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    Introduction

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    1  Les deux définitions viennent du dictionnaire Larousse.

    2  A. Bierce, Le dictionnaire du diable, Paris, Payot et Rivages, 2014 [éd. originale, 1911].

    3  Ainsi dans une approche utilitariste Jeremy Bentham conçoit le bien-être en termes hédonistes comme une maximisation des plaisirs tandis que John Stuart Mill se soucie de l’étude d’un bien-être général. Plus récemment ont été mises en place de grandes enquêtes dans différents États utilisant des indices comme le produit intérieur brut (PIB) ou le bonheur national brut (BNB).

    4  E. Diener, J. Helliway, R. Lucas, U. Schimmack, Well-being for Public Policy, Oxford, Oxford University Press, 2009.

    5  « Une nouvelle stratégie de cohésion sociale », Comité européen pour la cohésion sociale. Communication du 31 mars 2004, http://www.cor.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/Revised.Strategy-fr.pdf.

    6  Agence européenne pour l’environnement, L’environnement en Europe, état et perspectives 2015, Copenhague, 2015.

    7  P. Dasgupta, Human Well-being and the Natural Environment, Oxford, Oxford University Press, 2001.

    8  Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, Rapport scientifique du consensus, Washington, 2005, disponible à l’adresse suivante http://www.millenniumassessment.org/en/Synthesis.html.

    9  Le droit au « bien-être » apparaît dans différents textes comme les déclaration françaises et américaines, les constitutions du Japon, du Brésil ou de la Corée du Sud.

    10  A. H. Neller, R. J. Neller, « Environmental Well-being and Human Well-being », dans R. C. Elliot (éd.), Institutional Issues Involving Ethics and Justice, vol. 2, Unesco Encyclopedia of Life Support Systems (EOLSS), Oxford, 2009, p. 137-155.

    11  A. H. Neller, R. J. Neller, « Environmental Well-being… », art. cité, p. 140.

    12  S. Fleuret (dir.), Espaces, qualité de vie et bien-être, Actes du colloque EQBE, Angers, Presses universitaires d’Angers, 2006.

    13  A. H. Neller, R. J. Neller, « Environmental Well-being… », art. cité, p. 137-155.

    14  Principe premier de la déclaration de Stockholm, 1972, suite à la conférence de l’organisation des Nations unies (ONU) sur l’environnement.

    15  P. Steichen, « Évolution du droit à la qualité de vie, de la protection de la santé, à la promotion du bien-être », Revue juridique de l’environnement, 3, 2000, p. 361-390.

    16  Convention sur la biodiversité adoptée à Rio de Janeiro en 1992 lors du sommet de la Terre.

    17  Plan d’action en matière d’environnement et de santé, 2004-2010 (http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/)

    18  Pour Science, Children, Awareness, Legal instrument, Evaluation.

    19  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/puri=VRISERV%3AI28

    20  Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), C-1/00, 13 décembre 2001.

    21  Directive Habitats naturels (Natura 2000), 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages.

    22  Voir par exemple : Cinquième Programme communautaire d’action pour l’environnement : vers un développement soutenable, 1992-2000, JOC138, 17.05.1993 et JOL 275, 10.10.1998.

    23  M. Desrousseaux, « L’écologisation du concept de qualité de vie », Chroniques de l’OMIJ, 6, 2015 L’environnement au secours du développement économique et social, p. 203-214.

    24  M. Deffairi, La patrimonialisation en droit de l’environnement, thèse, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013, p. 133 et suiv.

    25  M. Torre-Schaub, « Les biens communs de la nature : argent, valeur, patrimoine », dans Biens communs et argent, Journée d’études organisées par le laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société (IDHES) et l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 10 juin 2015, ouvrage à paraître en 2016.

    26  E. Ostrom, La gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Bruxelles, De Boeck, 2010 ; M. Torre-Schaub, « Les biens communs de la nature… », art. cité.

    27  P. Steichen, « Évolution du droit à la qualité de vie… », art. cité ; D. Desrousseaux, « L’écologisation… », art. cité.

    28  Évolution des écosystèmes pour le millénaire, Rapport scientifique de consensus, op. cit.

    29  Préambule de la Constitution de l’OMS adoptée par la Conférence internationale sur la santé, NY, 19-22 juin 1946.

    30  A. Sen, M. Nussbaum, The Quality of Life, Oxford, Clarendon Press, 1995 ; M. Torre-Schaub, « Quelques apports à la notion de justice environnementale », dans C. Cournil, C. Colard-Fabregoule (dir), Changements environnementaux globaux et droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 69-88.

    31  D. Shelton, « Préface », dans A. Michelot (dir.), Équité et environnement. Quels modèles de justice environnementale ?, Bruxelles, Larcier, 2012.

    32  F. P. Ramsey, « A Mathematical Theory of Saving », Economic Journal, 38,1928, p. 543-549.

    33  A. Michelot (dir.), Équité et environnement…, op. cit., p. 123.

    34  M. Torre-Schaub, « Quelques apports à l’étude de la notion de justice environnementale », art. cité.

    35  M. Torre-Schaub, « Le droit de l’environnement à l’origine du renouvellement des droits économiques et sociaux : l’exemple de la démocratie environnementale et de la gouvernance durable », dans Chroniques de l’OMIJ, no 6, « L’environnement au secours du développement économique et social » (dir. C. Krolik et S. Nadaud), 2015, p. 103-116.

    36  A. Sen, M. Nussbaum, The Quality of life, op. cit. ; A. Boyle et M. Anderson (éd.), Human Rights Approaches to Environmental Protection, Oxford, Clarendon Press, 2003.

    37  A. Michelot (dir.), Équité et environnement, op. cit.

    38  G. Walker, K. Bickerstaff, « Polluting the Poor : An Emerging Environmental Justice Agenda for the UK ? », Goldsmith College, Université de Londres, 2000 ; B. Gagnon, N. Lewis, S. Ferrari, « Environnement et pauvreté : regards croisés entre l’éthique et la justice environnementale », Écologie et Politique, 35, 2008, p. 79-90

    39  A. H. Neller, R. Neller, « Environmental Well-being and Human Well-being », art. cité, p. 137-155.

    40  J. Rawls, Théorie de la Justice, Paris, Seuil, 1997.

    41  A. Sen, M. Nussbaum, The Quality of Life, op. cit.

    42  A. Sen, Developpement as Freedom, Oxford, Oxford University Press, 1999.

    43  Document Environnement et santé, Agence européenne pour l’environnement, Communiqué du 2 mars 2015.

    44  Communication sur le principe de précaution (COM [2000]), 2 février 2000 (http://www.eur-lex.europa.eu)

    45  Sur l’acceptabilité du risque, voir C. Noiville, Du bon gouvernement des risques, Paris, Puf, 2003.

    46  V. Been, « What’s Fairness Got to Do With It ? Environmental Justice and the Siting of Locally Undesirable Land Uses », Cornell Law Review, 78, 1993, p. 1001-10027.

    47  Cour d’appel de Versailles, 4 février 2009, no 08-08775.

    48  Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mai 2010 (09-42.241 à 09-42.257 joints).

    49  Conseil des prud’hommes de Longwy, 6 février 2015.

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