Introduction

1J’ai abordé en 2011 la rédaction de mon rapport de synthèse d’habilitation à diriger des recherches en histoire, avec intérêt, certes, mais, comme beaucoup de mes pairs soumis aux mêmes obligations, sans enthousiasme excessif. Non que m’échappât son intérêt d’un point de vue personnel : les occasions de s’expliquer sur son itinéraire intellectuel et professionnel ne sont pas si fréquentes dans une vie de chercheur ordinaire pour qu’on les dédaigne quand elles se présentent, et l’historien, qui parle abondamment des autres, a rarement l’occasion de parler de lui-même, lors même que ses lecteurs, pourvu qu’ils aient le regard un peu exercé et qu’ils en aient le goût, peuvent assez aisément le deviner dans ses écrits. Mais on connaît aussi les limites de l’exercice, principalement le risque d’introduire dans sa trajectoire et ses choix intellectuels successifs plus de cohérence et de rationalité qu’ils n’en comportent réellement, et, corrélativement, de minorer le poids des aléas et des circonstances, qui est souvent grand. Nul doute aussi que ces rapports ne constituent à l’avenir une source du plus grand intérêt pour la connaissance de l’historiographie française et de ses évolutions. De bons esprits sauront certainement en tirer un jour des analyses éclairantes sur ses tendances, ses générations et ses « moments » successifs. Mais, en attendant, pour nous autres, candidats à l’habilitation, qui avons surtout à en rassembler les matériaux, la consolation est un peu mince ! Aussi ai-je accueilli avec intérêt l’amicale proposition de Patrick Boucheron de transformer ce modeste mémoire, qui avait vocation a priori à finir ses jours paisiblement dans le disque dur de mon ordinateur, en un court essai historiographique dans lequel je raconterais, certes, mon itinéraire, comme le veulent l’exercice académique et l’esprit de la collection (tout piéton de la recherche que je sois), mais où je présenterais surtout, à partir du point de vue nécessairement personnel et limité qui est le mien, l’état présent de la discipline, en espérant faire avancer ainsi un peu la réflexion collective. L’ouvrage est donc divisé en deux grandes parties : une sur mon parcours, qui reprend pour l’essentiel le rapport de synthèse initial, et l’autre dans laquelle, après une courte présentation d’ensemble, je reprends des articles d’historiographie, parus précédemment, qui m’ont paru susceptibles de l’éclairer en le replaçant dans une perspective plus large.