Préface

1L’ouvrage qui suit est le résultat - remanié - d’une thèse de doctorat soutenue fin 2010 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Comme toujours lors d’une publication, le directeur de recherche de ce travail est heureux de pouvoir brièvement l’introduire sans pour autant la dévoiler. Brièvement, car les longues préfaces s’avèrent souvent redondantes et il ne s’agit ici que d’une « mise en bouche », et sans la dévoiler, car la richesse de ce travail ne peut apparaître qu’à sa lecture complète.

2Il faut sans doute de prime abord souligner le parcours singulier de l’auteure de ce travail. Macédonienne, elle a vécu la présence d’une opération de maintien de la paix et, se trouvant ensuite en France, elle a constaté, durant ses études, ce que pouvait être l’action d’un pays qui contribue d’une manière conséquente à de telles opérations. En outre, son activité professionnelle comme ingénieur d’études puis responsable de projets au sein du centre de recherche en droit international de l’université Paris 1 (aujourd’hui, Iredies - Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne) l’a amenée à approfondir sa vision du droit international et son intérêt pour l’action onusienne de terrain. Elle s’est donc naturellement intéressée à la question des agents du maintien de la paix au sein de l’ONU, en envisageant cet aspect plus du point de vue normatif qu’institutionnel et en souhaitant mêler les trois ordres juridiques en cause, y compris d’une manière prospective. La rédaction de ce travail démontre comment on oscille en permanence entre l’articulation et la non-articulation entre ces ordres juridiques. À cet égard, Svetlana Zašova a été très attentive et a effectué un remarquable travail de reconstruction de cet ensemble complexe, le tout sur des bases très solides.

3Le sujet traité est évidemment complexe, puisque l’étude aboutit, mutatis mutandis, à constater qu’il n’existe pas de régime juridique uniforme, notamment dans l’accès au contentieux. On peut en être déçu, mais aurait-il fallu pour autant « construire » une thèse dans laquelle la volonté d’aboutir à une théorisation du sujet aurait mené à une falsification de la réalité ô combien empirique ? C’est souvent dans cette voie périlleuse que s’engagent les thèses portant sur les Nations Unies. Pour notre part, nous estimons qu’il était hautement préférable d’aboutir à ce constat et que le fait qu’il n’existe pas « un » régime juridique ne veut pas dire qu’il n’y avait pas matière à une recherche juridique. Au contraire, il fallait mener cette étude ardue qui emprunte à beaucoup de champs différents pour pouvoir l’affirmer. Dès lors, la précocité du traitement du sujet est sans doute un faux débat, car il n’est pas certain que le sujet soit un jour prochain prêt à être traité, du moins si l’on souhaite y voir une cohérence d’ensemble. À l’heure actuelle, trop d’incertitudes demeurent entre un droit international perfectible dans ce domaine, un « ordre » onusien finalement bien peu ordonné et des ordres juridiques nationaux encore trop centrés sur leurs particularismes (la France en est un excellent exemple) pour qu’une harmonie émerge. De même, si la problématique des atteintes à la sécurité des agents onusiens a été la préoccupation première (d’ailleurs inscrite dans le statut de la Cour pénale internationale), l’actualité renseigne plutôt - et malheureusement - sur les exactions commises par ces mêmes agents onusiens. Protection particulière et responsabilité particulière sont donc les deux faces d’une même problématique complexe qui n’a pas encore trouvé son point d’équilibre aujourd’hui.

4L’ouvrage qui suit n’est donc pas l’aboutissement faussement ambitieux d’une thèse globalisante, mais un état des lieux minutieux bien plus utile et qui donne de multiples pistes pour aboutir à une solution plus harmonieuse. In fine, Svetlana Zašova nous dit à juste titre que la question est essentiellement politique, puisqu’on ne peut pas se passer des États pour les opérations de maintien de la paix et qu’il faut donc leur passer leurs « petits défauts ». Il faut mettre en parallèle ce constat avec la question du système de maintien de la paix qui reste bancal, car jamais n’a été surmonté le péché originel dans ce domaine avec l’échec du système prévu au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

5C’est à la lecture d’un excellent travail, minutieux et passionnant, que nous vous convions. Ne boudons pas notre plaisir, il est rare d’avoir une telle richesse d’analyse sur un sujet aussi complexe.