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    Plan détaillé Texte intégral Mémoire sur le fort de l’île d’Aix par Marc René de Montalembert, maréchal de campBibliographieInstruments de travail Bibliographie Notes de bas de page Notes de fin Auteur

    Les lumières de la guerre, Volume 1

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    L’île d’Aix et la « fortification perpendiculaire » de Montalembert

    L’héritage de Vauban remis en question

    Pol Vendeville

    p. 353-371

    Texte intégral Bibliographie Études Notes de bas de page Notes de fin Auteur

    Texte intégral

    1Dans L’essor des marines de guerres européennes, Martine Acerra et André Zysberg définissent la marine de guerre comme « permanente, étatique et composée d’outils spécifiques au combat »1. Il n’y a donc pas de marine de guerre sans ports et sans arsenaux pérennes pour abriter, entretenir et préparer les flottes. À l’époque moderne, l’évolution des navires de guerre, notamment l’augmentation du tirant d’eau, réduit considérablement la quantité de ports accessibles2. Le bon havre doit être naturellement favorisé par la nature et bien entendu défendable. C’est dans cette optique qu’est retenu le site de Rochefort, où les travaux de construction de l’arsenal commencent en 1666. Se pose alors la question de la mise en défense des installations. Le premier projet de fortification est ainsi déposé l’année suivante, en 1667. Il propose la construction de deux forts, l’un sur le banc de sable de Boyard et l’autre sur l’île d’Aix. Cette dernière se trouve dès lors, et ce jusqu’au début du xxe siècle, au cœur du réseau de fortifications tissé pour défendre les accès à la Charente.

    2Le mémoire qui suit concerne l’un de ces épisodes de mise en défense de l’île d’Aix. L’auteur en est Marc-René marquis de Montalembert (1714-1800), officier de cavalerie qui ne revendique cependant pas moins le droit, et surtout la capacité, à traiter de fortification. Dans l’avant-propos de son ouvrage, la Fortification perpendiculaire, il écrit ainsi :

    Tels sont, à peu-près, les objets que nous présentons dans cet essai. Nous avons dit essai, quoique la matière y soit traitée assez à fond, parce que ce titre est convenable à toute production nouvelle et peut-être convient-il encore plus aux idées d’un militaire qui n’est pas dans la classe de ceux auxquels ces sortes de matières sont plus particulièrement dévolues, et qui semblent seuls avoir le droit d’en traiter. Mais, de même qu’un bon ingénieur doit avoir les connoissances d’un bon officier, de même nous pensons qu’un bon officier doit avoir celles d’un bon ingénieur. D’où nous prétendons n’être sorti, en aucune façon, des bornes de nostre sphère3.

    3Cette prétention à jouer les ingénieurs, Montalembert la fonde en particulier sur son expérience militaire. Quelques pages plus loin, il revendique ainsi quarante-cinq années de service, quinze campagnes dans les rangs français, suédois et russes, et surtout d’avoir participé à de nombreux sièges et d’avoir « été dans le cas de mettre en pratique avec succès, quelques-unes de [ses] méthodes pour la défense » de quelques places4. Mais elle s’appuie également sur ses connaissances théoriques. Montalembert est en effet un homme des Lumières, membre de l’Académie royale des sciences et de l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg5. Dans les années qui suivent la guerre de Succession d’Autriche il se lance dans la métallurgie avant de s’intéresser à la fortification6. Entre 1776 et 1796, il publie ainsi 11 volumes d’un traité de fortification intitulé L’art défensif supérieur à l’offensif, ou la fortification perpendiculaire, dans lesquels il expose ses théories.

    4Au cœur de celles-ci se trouve la notion de « fortification perpendiculaire », justifiée dans l’avant-propos du premier volume par le fait que dans ce nouveau système, « toutes les lignes se flanquent perpendiculairement »7. Un principe qui, joint au parcours atypique de Montalembert, lui vaut l’opposition des ingénieurs du corps royal du Génie. Le Mémoire sur la fortification perpendiculaire par plusieurs officiers du corps royal du Génie, publié en 1786, en est une parfaite illustration8. L’aspect « perpendiculaire » de la fortification de Montalembert attire en effet les critiques, car il s’oppose au tracé bastionné qui caractérise toutes les places fortes depuis le xvie siècle. Il ne constitue pourtant pas le seul élément important de la pensée de Montalembert. La primauté qu’il entend donner à la défensive sur l’offensive mérite notamment d’être soulignée. Le nouveau modèle qu’il propose cherche avant tout à donner la supériorité du feu aux assiégés sur les assiégeants. Cette idée constitue un défi particulièrement ambitieux pour l’espace littoral, alors que les navires sont, au xviiie siècle, de véritables batteries flottantes de 50 à 110 canons9. Elle lui vaut notamment, deux ans après la publication de son premier volume, d’être sollicité en pleine guerre d’Indépendance américaine, pour fortifier la pointe sud de l’île d’Aix.

    5Alors lieutenant général de Saintonge et d’Angoumois, Montalembert intervient ainsi à la demande du prince de Montbarrey, ministre de la Guerre de Louis XVI. L’île d’Aix est pour lui l’opportunité de démontrer la supériorité de son modèle sur celui développé par Vauban. En 1757, l’attaque de l’île par sept navires provenant d’une flotte anglaise d’une centaine de vaisseaux, dont sept de trois ponts de 90 à 110 canons, cinq de 70 à 80 canons, quatre de 64 canons, huit frégates de 16 à 30 canons, deux galiotes à bombes, deux brûlots et des bâtiments transportant 10 000 hommes, s’est en effet soldée par la reddition du fort en moins d’une heure10. Vingt ans plus tard, en pleine guerre d’Indépendance américaine, la protection des arsenaux français, en particulier celui de Rochefort, apparaît comme la condition nécessaire à l’intervention des troupes françaises sur l’autre rive de l’Atlantique. Un tel épisode ne doit pas se reproduire. Soutenu par le ministre de la Guerre, Montalembert applique donc les principes exposés dans son ouvrage et fait construire, de 1779 à 1783, un fort en bois abritant près de 200 pièces d’artillerie.

    6Côté terre, la défense est assurée par une demi-lune qui remplace celle de Vauban et par une série de batteries totalisant vingt-trois canons de 12, installés dans une tenaille angulaire, derrière un parapet avec embrasures en bois. Côté mer, la défense s’articule autour de trois pôles : le fort en bois, une batterie environnante et une autre batterie à l’anse de la Croix11. Le premier niveau du fort en bois compte cinquante canons, dont dix-huit de 36 face à la mer. Les autres sont destinés à la défense de la batterie environnante par des tirs à mitraille. Le deuxième niveau contient cinquante autres canons de 36 et vingt-six chambres pour 500 hommes. Le dernier étage, à l’épreuve des bombes, compte dix embrasures pour dix-huit pièces de 12, dont seize sont tournées vers la mer. La batterie environnante abrite pour sa part quarante-six canons de 36 et dix mortiers, derrière un parapet de huit pieds12 de haut destiné à abriter les servants du feu des hunes. Le fort pointe donc en direction de la mer quelques cent quarante canons pour repousser les navires ennemis. Enfin, l’ensemble du système de Montalembert repose sur l’utilisation d’affûts de son invention, qui peuvent être maniés par trois hommes au lieu de cinq. Malgré cet imposant attirail, son fort est abandonné dès la fin du conflit américain, probablement suite aux critiques de Charles-René de Fourcroy, alors directeur du Génie.

    7Le mémoire ci-dessous est rédigé par le marquis de Montalembert entre la fin de l’année 1789 et novembre 1790. Il est conservé sous la côte 1 M 1740 et intitulé Mémoire sur le fort de l’île d’Aix par Marc René de Montalembert, maréchal de camp13. Destiné au comité militaire de l’Assemblée nationale et au ministre de la Guerre, le comte de Paulin, ce document de quatorze pages, envoyé alors que la Révolution bouleverse l’échiquier politique, constitue une nouvelle plaidoirie en faveur des travaux de Montalembert. Celui-ci commence par rappeler la place essentielle de l’île d’Aix dans la défense de l’arsenal de Rochefort et l’échec des différentes tentatives de fortification des xviie et xviiie siècles. Il présente ensuite ses deux projets, l’un en pierre et l’autre en bois, la rapidité de son travail, de la construction et de l’armement de l’île. Il met par ailleurs en opposition les soutiens des plus hautes autorités à son projet et les « vaines allégations » immédiatement développées par les ingénieurs du corps royal du Génie. Contre les critiques de ces derniers, il insiste notamment sur les tests d’artillerie pratiqués dans le fort en 1781 et approuvés à la fois par des techniciens, des marins et des responsables politiques, dont il prend soin d’ajouter les lettres de recommandations. Si celles-ci n’ont pas empêché son éviction et la destruction immédiate, bien que partielle, de son fort dès la fin du conflit américain, Montalembert souligne néanmoins l’incapacité des ingénieurs du Génie à proposer un nouveau projet de fortification pour remplacer le fort en bois de l’île d’Aix entre 1783 et la rédaction de son mémoire.

    8Si Montalembert n’exprime pas ouvertement ses attentes, son mémoire apparaît bien comme un instrument de réhabilitation qui vise à la remise en état de son fort, dont il espère sans doute être chargé. Un objectif d’autant plus important qu’au moment où il rédige ce document, il travaille encore aux derniers volumes de la Fortification perpendiculaire. Dès lors, la rénovation du fort de l’île d’Aix, seule réalisation concrète qu’il ait effectuée, apparaît comme le meilleur moyen d’assurer la reconnaissance scientifique de son travail.

    Mémoire sur le fort de l’île d’Aix par Marc René de Montalembert, maréchal de camp

    Répondre sans entrer dans aucuns détails. Accuser seulement réception et qu’il en sera rendu compte au roi14.

    9[Page 1] Monsieur le comte15,

    10Le baron de Montalembert16 allant de Nantes à Bordeaux s’embarquer pour Saint Domingue, et passant par la Rochelle, étoit trop près de l’île d’Aix pour ne pas aller voir le fort que j’y ai fait construire. Il l’a trouvé en aussi bon état qu’il étoit il y a dix ans17, aucun bois n’a fléchi18. Il est donc bien prouvé actuellement qu’il est de toute solidité et qu’il durera autant de tems qu’on voudra le laisser subsister. Et comme il n’en a jamais existé qui fût capable de réunir une aussi grande quantité de feux couverts, sa conservation me semble devoir mériter votre attention. Je prends donc la liberté de vous addresser un mémoire à ce sujet, qui contient les observations les plus importantes, faites d’après le compte exact que le baron de Montalembert m’a rendu de l’état actuel où se trouve ce fort. Et comme tout ce qui est relatif au rétablissement et à l’entretien des fortifications demande, depuis les derniers décrets, le concours de l’Assemblée Nationale, j’addresse ce même mémoire à son comité militaire pour qu’il concerte avec vous les moyens de statuer sur l’objet dudit mémoire19.

    11J’ai l’honneur d’être, avec respect, Monsieur le comte, votre très humble et très obéissant serviteur,

    12Monsieur de Montalembert

    13[Page 3] L’objet de ce mémoire est de faire connoître l’importance du fort de l’île d’Aix et d’indiquer les moyens faciles de le conserver. Nous osons dire qu’il mérite la plus grande attention.

    14La rade de l’île d’Aix étant celle du port de Rochefort, il n’en peut sortir un seul vaisseau en tems de guerre si cette rade n’est deffendue par un fort construit à la pointe méridionale de cette île20, puisque c’est sous le canon de ce fort qu’il faut que les vaisseaux viennent prendre leur artillerie et munitions de guerre et de bouche21.

    15L’ancien fort de Monsieur de Vauban avoit été pris et détruit en 1757 en une heure de tems, par un seul vaisseau dont les feux plongeants avoient éteint ceux de la batterie à ciel découvert22, destinée à la deffense de cette rade23. On avoit donc à en construire un autre, capable de plus de résistance s’il étoit possible. Monsieur Filley24, directeur général des fortifications, lieutenant général et grand croix de l’ordre de Saint Louis, ingénieur d’une grande réputation justement méritée et à la tête de son corps, avoit donné en 1762 le projet d’une forteresse dans cette île, qui n’offroit pour la deffense de la rade qu’une batterie à ciel découvert, dont l’effet sur chacun de ses points n’étoit que de un, deux, quatre et huit coups de canons par déchargea. Les devis de cet ingénieur, restés déposés au bureau de la Guerre, font monter la dépense de la seule [Page 4] forteresse à 16 152 646 livresb. Ce projet reçut en 1763 les plus grands applaudissemens du ministère, et ce ne fut que l’impossibilité de fournir à une dépense aussi considérable qui en empêcha l’exécution. L’on doit d’autant plus s’en applaudir aujourd’huy, que ce même projet de Monsieur Filley a été déclaré par le corps du Génie ne valoir rien du tout, dans le mémoire que les officiers de ce corps ont fait imprimer sur la fortification perpendiculairec.

    16Mais la guerre avec l’Angleterre s’étant déclarée à la fin de 177825, il n’étoit plus tems d’adopter pour l’île d’Aix l’exécution d’un fort en maçonnerie, ni aucun projet d’une pareille étendue, quelque bon qu’il eût pu être. Il falloit qu’un fort y fut élevé en très peu de tems et qu’il fût en état sur le champ de deffendre cette rade importante. Depuis 16 ans, elle avoit été oubliée et laissée sans aucune protection. Ce ne fut cependant qu’à la fin de janvier 1779 que Monsieur le prince de Montbarey jugea à propos de me consulter. L’état de la guerre où l’on étoit alors rendant toute construction en pierre trop longue et trop dangereuse à la pointe d’une île dont les gros vaisseaux peuvent approcher à la distance d’une portée de pistolet, il me fallut sortir des routes ordinaires. J’eus donc recours à d’autres moyens, tout à fait différens de ceux mis en usage, différens même de ceux déjà donnés dans mon ouvrage relativement à ce cas particulier et, en moins de 5 jours, je présentai à ce ministre les plans et les modèles d’un fort en bois d’une construction entièrement nouvelle. Ce fort, fait à Rochefort sans aucun [Page 5] risque, devoit s’y embarquer pour l’île d’Aix, où il seroit monté en si peu de tems que l’ennemi n’auroit jamais celui de venir en troubler la construction avant qu’il fût en état de se deffendre lui-même. Et ce projet fut accepté avec la plus grande satisfaction par Monsieur le comte de Maurepas26, Monsieur le prince de Montbarey27 et Monsieur de Sartines28.

    17C’est ainsi qu’ayant eu recours à moi dans un besoin pressant où toutes les méthodes en usage par Messieurs les ingénieurs étoient impraticables, je fus chargé de l’exécution du projet de ce fort dont la construction fut commencée à Rochefort au mois de mai 1779. Les 1ers bois transportés à l’île d’Aix le furent seulement en septembre et cependant, dès le mois de novembre, il étoit déjà armé de deux batteries couvertes montées de 52 pièces de canons du calibre de 36. Ce fort, ayant été achevé depuis, s’est trouvé armé de 142 canons, tous placés dans des batteries couvertes, de façon qu’il n’en existe en aucun lieu du monde qui puisse réunir et conserver une aussi grande quantité de feux29.

    18Cependant, à peine fut il élevé à 3 à 4 pieds de terre30, que Monsieur de Fourcroy31 se hâta de faire un mémoire dans lequel, sans dire ce qu’il eût été possible de faire de mieux, il osa prétendre, en se fondant sur de vaines allégations, que je n’avois employé que de mauvais moyens. Il désapprouva tout. Il déclara qu’un pareil fort ne pouvoit jamais être d’aucune utilité pour le service du roi. Enfin, pour combler la mesure des reproches qu’il avoit à faire à ce fort, il n’a pas craint de s’exprimer ainsi au n° 39 de son mémoire : « nous ne serions pas [Page 6] étonnés d’apprendre que le 1er essai de notre canon dans la gallerie supérieure de ce fort en eût déterminé la chute totale », et au n° 40 : « nous craignons donc également de voir dévaster et anéantir subitement tout cet édifice ». Il avoit encore affirmé de plus au n° 41 : « que la fumée des canons (qu’il qualifioit de pestilencielle) ne pourroit manquer d’étouffer tous les canonniers ». Toutes ces erreurs lui parurent si certaines, qu’il ne douta point qu’une explosion faite de toute l’artillerie de ce fort n’opérât son entière destruction. Mais ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que le ministre l’ayant cru, l’ait ordonné. Car si le fort en eût été renversé, cette rade importante eût resté [sic] sans deffense pendant toute la guerre.

    19Quoi qu’il en soit, cette fameuse épreuve fut faite le 7 d’octobre 1781. Mais heureusement que Monsieur de Fourcroy se trompa dans cette imputation, comme il s’étoit trompé dans toutes les autres. L’épreuve eut le plus grand succès. Son procès verbal, signé des commandans de la province32 et de la Marine à Rochefort33, ainsi que des directeurs des fortifications et de l’artillerie34, se trouve imprimé au ve volume de mon ouvrage. Il ne se fit aucun mouvement dans le fort, malgré les 523 coups de canons du calibre 36 qui y furent tirés par feux roulants, par feux de salve de chaque batterie et par feux de salve générale de toute l’artillerie35. Il en fut de même de l’effet de la fumée pestilencielle, qui ne donna la peste à personne et qui n’étouffa aucun des canonniers. Il fut même déclaré unanimement par un grand nombre d’officiers de la Marine présens, que la fumée dans les entreponts [Page 7] des vaisseaux s’y trouvoit en beaucoup plus grande quantité, de façon qu’aucune des fatales prédictions de cet ingénieur ne fut accomplied et les lettres suivantes en fournissent des preuves incontestables.

    20Monsieur le marquis de Voyer36, en envoyant le procès verbal de cette épreuve au ministre, y joignit une lettre remplie d’éloge sur le fort et sur son auteur, dans laquelle il s’exprime ainsi :

    À l’île d’Aix le 7 octobre 1781
    Monsieur le marquis37,
    Vous apprendrez avec satisfaction en lisant le procès verbal dressé par Monsieur Dyvoley (directeur d’artillerie38), et dont je joins un double à cette lettre, que l’épreuve ordonnée du fort en bois de l’île d’Aix a eu un succès complet.
    On est unanimement convenu qu’il eût été inutile de la pousser plus loin et que ce n’auroit été qu’une consommation superflue de boulets, dont nous avons très peu.
    Il faut convenir d’abord que la fumée du canon dans les première et seconde batteries (couvertes) est, de l’aveu même de Messieurs de la Marine, beaucoup moindre et moins incommode qu’elle ne l’est dans celles des entreponts des vaisseaux. Cette artillerie est montée sur des affûts très ingénieuxe. Il paroit certain que [Page 8] le feu du fort de Monsieur le marquis de Montalembert, joint à celui de la batterie environnante et surtout à celui de la batterie de l’anse de la Croix, que l’on doit regarder comme un chef d’œuvre, feroit taire le feu de l’ennemi.
    Il faut convenir que cette nouvelle théorie rassemble une plus grande masse de feux dans un moindre espace que le système de fortification généralement reçu, et qu’il [sic] semble exiger moins de troupes pour sa deffense39.
    Ce qui est fait est solide et bon, à en juger par l’épreuve. Je dois à la vérité de dire que, si dans cette nouvelle théorie plusieurs détails ont dérouté mes foibles connoissances en fait de fortificationf, beaucoup d’autres m’ont paru le résultat d’idées longtems digérées par un militaire qui a savamment approfondi les principes connus de l’artillerie et du génie, avant de se permettre de les combattre et de mettre en pratique ceux qu’il a publié [sic] en 1776 dans son ouvrage en 4 volumes in 4° intitulé La Fortification perpendiculaire40.
    Je suis avec un respectueux attachement, Monsieur le marquis, votre etc.
    Signé : Voyer d’Argenson

    21Monsieur le marquis de Ségur en rendit compte au roi et reçut [Page 9] ordre de m’écrire de sa part la lettre suivante :

    Lettre de Monsieur le marquis de Ségur à Monsieur le marquis de Montalembert, à Versailles le 24 octobre 1781 :
    J’ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 8 de ce mois, au sujet de l’épreuve qui a été faite le 7 du fort en bois que le roi a fait construire à l’île d’Aix et dont le travail a été dirigé par vos soins, et sur les plans que vous en avez formé [sic]. Je me suis empressé d’en rendre compte à Sa Majesté. Elle a vu avec plaisir que cette épreuve avoit eu un succès complet et que, malgré le feu considérable qui est sorti du fort pendant l’espace de deux heures, il n’a souffert aucune avarie ni commotion préjudiciable, et Elle m’a chargé de vous en marquer toute sa satisfaction.
    J’ai l’honneur d’être, avec un très parfait attachement, Monsieur, etc.
    Signé : le marquis de Ségur

    22On ne peut donc former aucun doute que mes travaux à l’île d’Aix n’aient eu l’approbation du roi et du ministre, ainsi que des commandans de la province, qui en avoient jugé par leurs propres yeux, et dans l’épreuve qu’ils avoient eu ordre d’en faire. Monsieur le marquis de Voyer dit formellement « qu’il paroit certain que le feu du fort, joint à celui de la batterie environnante et surtout à celui de la batterie de l’anse de la Croix, que l’on doit regarder comme un chef d’œuvre, feroit taire le [Page 10] feu de l’ennemi ».

    23Il dit encore, ce qui est bien digne d’être remarqué, que la nouvelle théorie rassemble plus de feux dans moins d’espace que l’ancien système et qu’il [sic] exige moins de troupes pour sa deffense.

    24Ainsi donc, la nouvelle théorie, donnant plus de feux, exige moins de troupes : avantages sans doute inappréciables. Et où se trouvent-ils ? Dans un fort élevé en moins d’un an en tems de guerre41, un fort dont les feux couverts sont jugés par tous les marins présens à l’épreuve supérieurs aux feux des escadres ennemies et capables de les faire taire. Que ceux qui ont osé le critiquer citent donc un seul endroit où il ait été construit un fort capable de semblables effets, ni même rien qui en approche. Cependant, malgré les succès de cette épreuve, on n’en conserva pas moins l’espérance de parvenir à ne pas laisser vestige d’un ouvrage dont la bonté et l’utilité avoient été désavouées, et la paix survenue en 1783 donna les plus grands avantages pour parvenir à cette fin si désirée.

    25On prétendit donc qu’il falloit profiter du tems qu’elle donnoit pour faire quelque chose de beaucoup meilleur. On vouloit d’abord détruire42. C’étoit ce qu’il y avoit de plus pressé. On ne dit point comment on feroit pour faire mieux. Mais jamais ministre jusqu’à nos jours n’a voulu douter que le projet de quelqu’ingénieur que ce soit ne fût toujours tout ce qu’il étoit possible de faire de plus parfait. On obtint donc pour préalable que l’île d’Aix ne fut plus à ma disposition et que je ne fusse plus écouté sur aucun des moyens qu’il y avoit à prendre pour assurer la durée du fort que j’y avois fait construire. Et comme par les mémoires que j’addressois au ministre je démontrois évidemment, 1er : que rien ne seroit plus préjudiciable à l’État que de ne pas conserver [Page 11] un fort d’une deffense aussi supérieure à tous ceux qui aient jamais existé, 2e : que d’en construire un autre, ce seroit occasionner une dépense très considérable sans aucune nécessité, pour avoir un fort dont l’effet seroit indubitablement fort au dessous de celui déjà construit, 3e : que de plus je m’engageois de prouver cette dernière vérité, si le ministre vouloit me faire communiquer les plans des projets qui lui seroient présentés43, le ministre44 étoit bien éloigné d’une pareille idée. Cependant, on craignit l’effet de ces mémoires et l’on eut recours au moyen le plus certain de n’être plus à l’avenir embarassé de combattre tout ce que je pouvois proposer d’avantageux. Ce fut celui d’obtenir du ministre qu’il m’écrivit nettement que, ne jugeant point à propos que je continuasse à être chargé de rien de relatif à cette île, il ne pouroit plus correspondre avec moi.

    26Ce fut ainsi que se terminèrent les fonctions importantes que j’avois remplis, j’ose dire avec tant de succès pendant la guerre. Ainsi donc, j’avois élevé un fort à l’île d’Aix dans le moment le plus urgent, avec une promptitude qui n’a jamais eu d’exemple. Un fort contenant 142 pièces de canons, dans des batteries couvertes, et montées sur autant d’affûts de mon invention qui n’exigent que 3 hommes pour servir une pièce de 36, au lieu des 5 qui sont nécessaires pour les servir sur des affûts marins. Et l’on ne voulut plus m’écouter. J’avois élevé un fort, la guerre étant déclarée, dans la partie de nos côtes la plus exposée à l’attaque des vaisseaux ennemis. Mais en moins de 6 mois, il avoit été mis en état de se deffendre et de deffendre la rade. Sa composition étoit entièrement nouvelle, il n’y avoit aucune possibilité d’employer les méthodes déjà connues dans une pareille position.

    27[Page 12] Il n’y eût donc eu aucun fort pendant toute la guerre si je n’eus [sic] imaginé celui là. Aucun de nos vaisseaux n’auroit pu sortir du port de Rochefort et nos flottes marchandes eussent été la proie des corsairesg. J’ai enfin imaginé et fait construire un fort qui a dispensé pour toujours de l’exécution de celui projetté par Monsieur Filley. Mais pour juger du mérite de ce service rendu à l’État, il faut se rappeller ce qui a déjà été dit cy dessus : que le devis du projet de cet ingénieur montoit à 16 152 646 livres. Et il faut savoir, pour le comparer à mon projet, que le département de la Guerre ne m’a fourni pour son exécution que 589 283 livres 6 sols 6 deniers, celui de la Marine ayant fournis les bois pris dans ceux de la dernière qualité, appelés bois de tin45, et choisis parmi ceux des bas des piles, détériorés par l’humidité de la terre. Ainsi, en évaluant la dépense totale de ce fort de 8 à 900 000 livres, ce seroit la porter au delà de ce qu’elle a dû être. Cependant, j’aurois encore opéré une œconomie pour les finances de plus de 15 millions 2 à 300 mille livres.

    28Tel est celui qu’on n’a plus voulu écouter, et tandis qu’il pouvoit seul indiquer les meilleurs moyens et les plus œconomiques de conserver son ouvrage, de perpétuer l’existance [sic] d’un fort si utile, un ministre se laisse persuader de lui écrire qu’il ne veut plus correspondre avec lui. Il fait plus : il livre un établissement aussi important à la disposition de qui ? De celui qui n’a cessé de l’égarer par de vaines [Page 13] allégations contre un fort dont le mérite a été prouvé par une expérience authentique.

    29Qu’est-il résulté d’une conduite si étrange de la part de ce ministre ? Qu’on en a détruit la 3e batterie, ou la batterie supérieure, sous les prétextes les plus frivoles. J’en ai dans les tems démontré inutilement les fâcheuses conséquences, en indiquant ce qu’il falloit faire pour la conserver. Il en est résulté qu’on n’a plus assigné aucuns fonds pour son entretien. Ce fort, construit sur un terrein de rocher qui n’est jamais battu de la mer, peut durer autant de siècles qu’on voudra y remplacer les pièces de bois à mesure qu’elles pourront manquer. L’expérience des ponts sur les rivières le prouve, ils y sont bien favorablement placés puisque les eaux, les glaces, sont des causes de destruction qui n’ont pas lieu dans le cas dont il s’agit. Il en est résulté qu’on a sur le champ ordonné un désarmement total de toute l’artillerie de ce fort, qu’on a entassé les canons au rez de chaussée et empilé au 1er étage tous les affûts les uns sur les autres, sans laisser une seule pièce de batterie pour la deffense du fort, de façon que dans l’état actuel, il faudroit plus de 8 jours pour être en état d’y tirer un seul coup de canon. Mais ce n’étoit pas assez que d’en démonter l’artillerie. On en a vuidé les magazins à poudre et l’on en a embarqué la plus grande partie des boulets, en même temps qu’on a pris 60 canons de 36 et 60 affûts pour les envoyer à Cherbourg, où ils sont depuis 4 ans. De façon que l’artillerie nécessaire à la deffense de ce fort, pour rendre son feu supérieur à celui des vaisseaux ennemis, ayant été diminuée d’un tiers, est restée sans munitions et sans personne en état de la servir. Car il faut [Page 14] savoir que depuis 6 ans, la garnison occupant cette île a été réduite à 20 hommes, commandés par un seul lieutenant. Et souvent il n’y en a eu que 12.

    30Cet état dans lequel on a réduit le fort de l’île d’Aix étant très connu des nations voisines, dont les vaisseaux de commerce viennent continuellement mouiller à cette rade, 100 hommes envoyés subitement dans une barque pourront s’emparer de toute l’artillerie du fort et n’en feront qu’un monceau de cendres avant de se rembarquer. Quel affront à recevoir ! Et quelle perte ! Elle peut cependant s’opérer d’un moment à l’autre, pour cette imprudente sécurité.

    31Je demande donc, pour l’honneur de la nation et pour la conservation des grands avantages qu’elle a à retirer du fort qui deffend la rade de l’île d’Aix, qu’il soit pourvu à sa deffense le plutôt [sic] possible. Et c’est à moi, qui l’ai construit, à en indiquer les moyens. Il faut pour cet effet :

    1. er : Que toute l’artillerie qui a été enlevée de ce fort y soit renvoyée avec ses affûts. Ils sont inutiles à Cherbourg, puisque Monsieur Meunier est autorisé à en faire de neufs avec les changemens qu’il a adopté46.

    2. e : Que la poudre et les boulets y soient envoyés en quantité suffisante pour l’exécution de son artillerie.

    3. e : Que le magazin à poudre dans le flanc du fort soit réparé, en plaçant un nouveau ciment sous les dalles de pierre dont la voûte est couverte. Et, afin qu’aucune filtration ne puisse avoir lieu, on demande que la platteforme [sic] au dessus de ce magazin soit couverte d’une lame de plomb ou de cuivre, ou de feuilles de tôle vernie à l’épreuve de la rouille. Et en attendant que cette réparation de première [Page 15] nécessité soit exécutée, il faut placer des poudres dans la tour du Moulin du Roi, où il y en a toujours eu [sic].

    4. e : Que le fort soit tenu en demi armement, c’est-à-dire que les deux batteries du rez de chaussée et du 1er étage dans son intérieur soient montées en canons placés sur leurs affûts, et lesquels affûts seront préalablement remis en état autant qu’il sera nécessaire pour qu’ils puissent être servis facilement ; l’abandon où on les a laissé depuis 6 ans ayant dû en rendre la plupart défectueux.

    5. e : Qu’il sera à cet effet envoyé à l’île d’Aix, le plutôt possible, un détachement de compagnie d’ouvriers du corps royal de l’Artillerie pour opérer ce rétablissement, commandés par Monsieur de Colonge47, employé cy devant aux constructions d’artillerie à Cherbourg.

    6. e : Qu’il sera également envoyé un détachement de 5 soldats du corps royal d’Artillerie pour exercer les soldats de la garnison au service du canon, commandés par un des officiers employés à l’île d’Aix lors de la construction du fort, avec Monsieur Trainpol, lieutenant en 3e au régiment de Toul, qui y étoit également.

    7. e : Que la garnison de cette île ne soit jamais en tems de paix moins de 160 à 200 soldats, commandés par un capitaine en 1er, un capitaine en second, avec deux lieutenants en 1er et un en second, tirés alternativement des garnisons de La Rochelle, Rochefort, l’île de Ré et l’île d’Oleron.

    8. e: Qu’il sera envoyé le plutôt possible à l’île d’Aix un officier du corps du Génie, choisi parmi les impartiaux, qui soit chargé d’examiner l’état où se trouve le fort, afin de déterminer ce qu’il est nécessaire de faire de plus urgent pour sa conservation [Page 16] et pour qu’il soit mis dans un premier état de deffense.

    9. e : Qu’il soit établi dans l’île un commandant pour l’artillerie qui y réside, constamment choisi parmi les officiers du corps royal en résidance dans les places.

    10. e : Qu’il soit enfin ordonné de rétablir la troisième batterie placée sur le haut du fort comme ayant un effet plus préjudiciable que les deux autres, en ce qu’étant plus élevée, ses feux sont plongeants sur la dunette et les ponts des vaisseaux attaquants, tan[dis]h que par sa construction particulière, elle ne peut être elle même plongée des feux des hunes.

    32Tels sont les objets principaux auxquels il est important de pourvoir pour la sûreté d’un des points le plus important de nos côtes, puisque l’usage du port de Rochefort dépend de sa conservation. Il est en même tems un des plus exposés, attendu qu’en 24 heures, un vaisseau partant du port d’Angleterre peut venir mouiller dans cette rade. Ce poste pourroit donc nous être enlevé, restant dans l’estat où il est, sans qu’il y eût aucune possibilité de le secourir. Et il pourroit l’être avant même aucune déclaration de guerre, puisqu’il y a plus d’un exemple qu’on ne s’est fait aucun scrupule d’en annoncer la guerre que par des actes d’hostilité les plus décisifs.

    33Il est de la prudence du ministre et de l’Assemblée Nation nale [sic] de prendre en considération cet objet important et d’ordonner ce qui est jugé nécessaire pour prévenir que l’État ne reçoive un aussi grand préjudice.

    34Après avoir dit ce que je pense à ce sujet, je ne peux que m’en reposer sur la sagesse des administrateurs.

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    Langins, J. (2000). Un discours prérévolutionnaire à l’Académie des sciences : L’exemple de Montalembert. In Annales historiques de la Révolution française (1–, Issues 320, pp. 159-171). OpenEdition. https://doi.org/10.4000/ahrf.159
    Langins, Jânis. “Un Discours prérévolutionnaire à l’Académie Des sciences : L’exemple De Montalembert”. Annales Historiques De La Révolution française. OpenEdition, June 1, 2000. https://doi.org/10.4000/ahrf.159.
    Langins, Jânis. “Un Discours prérévolutionnaire à l’Académie Des sciences : L’exemple De Montalembert”. Annales Historiques De La Révolution française, no. 320, OpenEdition, 1 June 2000, pp. 159-71. Crossref, https://doi.org/10.4000/ahrf.159.

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    Notes de bas de page

    1  M. Acerra, A. Zysberg, L’essor des marines de guerre européennes, 1680-1790, Paris, SEDES, 1997, p. 15.

    2  Le rapport de Charles Colbert de Croissy sur la Bretagne est particulièrement révélateur de ces problèmes. L’une de ses principales préoccupations concerne la profondeur des ports, rades, anses et autres sites qu’il visite, ainsi que l’impact des rochers et des marées sur leur accessibilité. Des cinquante-sept sites qu’il découvre, il retient surtout la rade de Brest, « elle est estimée l’une des plus belles du monde, capable de contenir grande quantité de navires de quelque port que ce soit » : J. Kerhervé, F. Roudaut, J. Tanguy (éd.), La Bretagne en 1665 d’après le rapport de Colbert de Croissy, Brest, CRBC, 1978, p. 186.

    3  M.-R. de Montalembert, La fortification perpendiculaire ou essai sur plusieurs manières de fortifier la ligne droite, le triangle, le quarré, & tous les polygones, de quelqu’étendue qu’en soient les côtés, en donnant à leur défense une direction perpendiculaire, Paris, P.-D. Pierres, 1776, t. i, p. xvii-xviii.

    4  Il commande notamment l’île d’Oléron en 1761, alors que les Anglais sont à Belle-Île : ibid., p. xxi-xxiii.

    5  Montalembert est associé libre de l’Académie royale des sciences à partir de 1747 : J. Langins, « Un discours prérévolutionnaire à l’Académie des sciences : l’exemple de Montalembert », Annales historiques de la Révolution française, 320 (2000), p. 159-171.

    6  P. Quantin, « La métallurgie dans la région d’Angoulême », Norois, 9 (1956), p. 51-70.

    7  M.-R. de Montalembert, op. cit., p. 1. La fortification de Montalembert repose sur une artillerie nombreuse et puissante, protégée des tirs adverses par des casemates. Montalembert part du principe que les soldats ont naturellement tendance à tirer perpendiculairement au rempart qui les protège. Pour accroître la puissance de feu, il propose donc de présenter à l’adversaire un front où se concentre l’artillerie et dont tous les flanquements sont perpendiculaires les uns aux autres. Consulter : J. Langins, Conserving the Enlightenment : French Military Engineering from Vauban to the Revolution, Cambridge, MIT Press, 2004, p. 281-324.

    8  Mémoire sur la fortification perpendiculaire par plusieurs officiers du corps royal du Génie, Paris, Nyon l’aîné, 1786. Ce mémoire est déposé en 1785 à l’Académie des sciences par Fourcroy, l’un des coauteurs. Voir à ce sujet : H. Vérin, La gloire des ingénieurs, l’intelligence technique du xvie au xviiie siècle, Paris, A. Michel, 1993, p. 368-378. Ce mémoire est destiné à s’opposer aux arguments de Montalembert et à obtenir la reconnaissance scientifique du calcul de la valeur défensive d’une place forte en fonction de sa capacité de résistance à une attaque.

    9  Sur les marines de guerre européennes consulter entre autres : M. Acerra, A. Zysberg, op. cit. ; M. Acerra, J. Meyer, J. Mérino (dir.), Les marines de guerre européennes : xviie-xviiie siècles, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1998 ; M. Acerra (dir.), L’invention du vaisseau de ligne, 1450-1700, Paris, SPM, 1997 ; J. Meyer, M. Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, 1994.

    10  J.-C. Devos, « La prise de l’île d’Aix par les Anglais en 1757 », dans Actes du quatre-vingt-septième congrès national des sociétés savantes, Poitiers, 1962, section d’histoire moderne et contemporaine, Paris, Imprimerie nationale, 1963, p. 417-430, voir p. 428.

    11  Le fort en bois de Montalembert était encadré par deux batteries à embrasures réunies sous l’appellation de batterie environnante. Elles étaient protégées par un parapet en bois afin de mettre les servants à l’abri des tirs plongeants des navires. La batterie ouest comptait vingt-six canons de 36 livres et celle de l’est avait vingt pièces de même calibre et dix mortiers. Une troisième batterie était installée hors du fort, au niveau de l’anse de la Croix.

    12  Environ 2,5 mètres.

    13  SHD, GR 1 M 1740, Montalembert (marquis de), Mémoire sur le fort de l’île d’Aix par Marc-René de Montalembert, maréchal de camp, s.d, 225.

    14  Annotation portée sur le mémoire de Montalembert par le comte de Paulin, secrétaire d’État de la Guerre.

    15  Jean-Frédéric de la Tour du Pin-Gouvernet, comte de Paulin, secrétaire d’État de la Guerre du 4 août 1789 au 16 novembre 1790.

    16  Jean-Charles, baron de Montalembert, est le frère de Marc-René.

    17  Les travaux du fort commencèrent en 1779 et son démantèlement commença en 1783.

    18  Les premières remarques sur le mauvais état du fort ne datent que de 1795.

    19  Le comité militaire de l’Assemblée nationale fut créé par un décret du 1er octobre 1789 : Notice historique sur l’organisation de l’armée depuis la Révolution jusqu’à nos jours, Imprimerie nationale, Paris, 1902, p. 1, cité dans : T. Sarmant (dir.), Les ministres de la Guerre, 1570-1792. Histoire et dictionnaire biographique, Paris, Belin, 2007, p. 508.

    20  Il s’agit de la pointe Sainte-Catherine.

    21  La faible profondeur de la Charente obligeait les plus gros navires à désarmer partiellement pour rejoindre Rochefort.

    22  Pour la description de l’attaque anglaise de septembre 1757, voir : J.-C. Devos, op. cit. En moins d’une heure, une partie de l’escadre anglaise réduisit au silence les canons du fort. La garnison se rendit et les Anglais détruisirent la quasi-totalité des fortifications de l’île en une semaine. Cependant Montalembert est inexact quant à la quantité de navires qui ont attaqué le fort et quant à l’attribution du fort à Vauban. Le côté mer du fort, inachevé sous Vauban, fut modifié en 1756-1757. En septembre, lorsque les Anglais approchèrent, la construction de la batterie avec ses bastions en amande n’était pas tout à fait terminée.

    23  Le mémoire souligne ici l’un des problèmes de la défense d’une place de mer, dont l’île d’Aix eut à souffrir en 1757 contre les Anglais. Du haut des mâts, des hunes et parfois des ponts, les marins pouvaient tirer sur les canonniers des batteries à ciel ouverts des fortifications côtières. L’utilisation de batteries casematées, préconisée par Montalembert dans son système « perpendiculaire », est d’autant plus justifiée.

    24  Pierre Filley de la Côte, 1695-1779, est ingénieur ordinaire en 1713, chevalier de Saint-Louis en 1735 puis Grand-Croix en 1763, maréchal de camp en 1759 et lieutenant-général en 1762. Il est chargé d’inspecter les fortifications des côtes de Dunkerque à Bayonne en 1777. Après la destruction du fort de la rade de l’île d’Aix, Filley propose d’enfermer le bourg de l’île derrière un rempart flanqué par des bastions et des demi-lunes et protégé par un fossé en eau. Il ajoute trois redoutes reliées à la fortification principale pour défendre les lieux favorables à un débarquement contre l’île.

    25  Après avoir aidé en sous-main les Insurgés, la France entre officiellement en guerre en 1778 contre l’Angleterre.

    26  Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas, 1701-1781, est secrétaire d’État de la Maison du roi et de la Marine de 1723 à 1749, ministre d’État de 1738 à 1749, puis de 1774 à 1781, période où il joue le rôle de principal ministre de Louis XVI.

    27  Alexandre-Marie-Léonor de Saint-Mauris, prince de Montbarrey (1732-1796) est secrétaire d’État de la Guerre de 1777 à 1780.

    28  Antoine-Raymond-Jean de Sartine, comte d’Alby, 1729-1801, secrétaire d’État de la Marine de 1774 à 1780 et ministre d’État en 1775.

    29  Au terme du chantier, le fort de Montalembert devait être défendu côté terre par vingt-trois canons de 12 livres, installés sur une tenaille angulaire avec demi-lune, et côté mer par cent quarante pièces d’artillerie, dont cent quatorze canons de 36 livres et dix mortiers répartis entre le fort en bois et la batterie environnante.

    30  Environ 1 mètre.

    31  Charles-René de Fourcroy de Ramecourt, 1715-1791, ingénieur ordinaire en 1740, chevalier de Saint-Louis, directeur général du Génie pour la correspondance générale près le ministre de la Guerre en 1776, maréchal de camp en 1780, conseiller au conseil de la Guerre en 1787 et à celui de la Marine en 1788.

    32  Marc-René de Voyer de Paulmy d’Argenson (1722-1782) dit le marquis de Voyer. Directeur général des Haras de 1752 à 1773, puis inspecteur général de la cavalerie, il devient commandant en Saintonge, Poitou et Aunis en 1778. Il est le fils de Marc-Pierre de Voyer de Paulmy d’Argenson, comte d’Argenson, secrétaire d’État de la Guerre de 1743 à 1757.

    33  Le commandant de la Marine à Rochefort est alors Charles Auguste Levassor comte de la Touche Tréville (1712-1788). Il est absent le jour de l’épreuve pour raison de santé et remplacé par Marcel Ambroise Daubenton, brigadier des armées navales faisant alors fonction de directeur-général du port de Rochefort.

    34  Le directeur des fortifications est l’ingénieur en chef d’une province chargé de toutes les places fortifiées de sa circonscription. Lors de l’épreuve des canons du fort de Montalembert, la charge pour la province d’Aunis est détenue par Louis-Lazare Dajot (1717-1786), directeur des fortifications d’Aunis depuis 1779 et maréchal des camps et armées du roi depuis 1780. Les fonctions du directeur de l’artillerie sont similaires. Il s’agit en l’occurrence d’Hugues-Victor baron d’Ivoley (1722-1792), directeur de l’artillerie de la Rochelle depuis 1780. Voir : J. Le Rond d’Alembert, D. Diderot (dir.), Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres, Paris, Briasson, 1754, t. iv, p. 1028 et A. Ott, Dictionnaire des sciences politiques et sociales, Petit-Montronge, J.-P. Migne, 1855, t. 2, col. 1253.

    35  Dans un premier temps, chaque pièce a tiré un coup. Ensuite chaque batterie, c’està-dire chaque niveau du fort en bois, a effectué un tir à volonté pendant une demi-heure. Enfin, toutes les batteries ont tiré en même temps, dans une salve générale. Montalembert a publié cette épreuve à la suite de son Mémoire sur l’effet des canons dans les casemates, Paris, A. Jombert, 1784.

    36  Marc-René de Voyer de Paulmy d’Argenson, voir supra.

    37  Philippe-Henri, marquis de Ségur (1724-1801) : secrétaire d’État de la Guerre de 1780 à 1787.

    38  D’Ivoley, voir supra.

    39  Tous calibres confondus, le fort de Montalembert rassemblait environ deux cents pièces d’artillerie, dont une large majorité de 36 livres de balle. À titre de comparaison, lors de l’attaque anglaise de septembre 1757, il y avait trente-deux canons sur l’ensemble de l’île. Le fort de la Rade abritait pour sa part seize pièces de 24 livres et cinq mortiers côté mer, et six pièces de 18 livres côté terre. Les bouches à feux étaient moins nombreuses, mais aussi d’un calibre inférieur. Soulignons par ailleurs que le premier fort de la Rade, de Vauban à 1757, ressemblait plus à un camp retranché, avec magasins et casernes protégés par des fortifications, et occupait toute la pointe de la Rade. Montalembert rassemble les installations et la majorité de l’artillerie à l’intérieur de son fort en bois sur une surface bien plus restreinte.

    40  Les dix tomes de L’art défensif supérieur à l’offensif ou la fortification perpendiculaire ont été publiés par le marquis de Montalembert entre 1776 et 1796.

    41  Comme le rappel plus haut Montalembert, le fort n’était pas complètement terminé en un an, mais il cumulait déjà une quantité importante de canons de fort calibre.

    42  Malgré l’ordre du roi de démanteler le fort en bois, il ne lui fut enlevé que le dernier étage de batteries casematées et il fut couvert par un toit de tuiles.

    43  Ces trois points illustrent bien la position du marquis de Montalembert contre l’héritage intellectuel de Vauban, auquel le corps du Génie était alors attaché. S’il n’hésite pas à répondre à toutes les critiques avec un argumentaire technique, Montalembert entre également dans un registre plus polémique, via la publication d’une critique de l’éloge de Vauban de Lazare Carnot : Éloge de Sébastien Le Prestre, chevalier, seigneur de Vauban.... discours qui a remporté le prix de l’Académie de Dijon, le 2 d’août 1784, par Monsieur Carnot, ... Ouvrage enrichi d’observations par un amateur, s.l., s.d.

    44  Le marquis de Ségur.

    45  Le bois de tin est utilisé lors de la construction, la réparation et l’entretien des navires pour en soutenir la quille lorsqu’ils sont à terre : N. Aubin, Dictionnaire de marine contenant les termes de la navigation et de l’architecture navale, Amsterdam, P. Brunel, 1702, p. 721.

    46  Il s’agit d’Hugues-Alexandre-Joseph Meunier, 1758-1831, lieutenant-colonel du Génie puis général de division. Les travaux de Meunier auxquels Montalembert fait allusion ne portaient pas sur les canons mais sur leurs affûts. Il proposa pour la défense de Cherbourg des affûts inspirés de ceux à aiguille de Montalembert, qui devaient diminuer le recul et faciliter la remise en batterie : Voisins-La-Hougue et Vérusmor, Histoire de la ville de Cherbourg, Cherbourg, Boulanger, 1835, p. 213-215.

    47  Jean Alexandre baron d’Espiard de Colonge (1713-1788) est maréchal de camp depuis mars 1788. Il est notamment l’auteur d’un traité d’artillerie publié après sa mort par son petit-neveu, Alfred d’Espiard de Colonge, sous le titre Artillerie pratique employée sous les règnes et dans les guerres de Louis XIV et Louis XV, Paris, J. Corréard, 1846, 2 vol. Voir L. Susane, Histoire de l’ancienne infanterie française, Paris, J. Corréard, 1852, t. 6, p. 271.

    Notes de fin

    a  En note : « Le plan, figure 1re planche x du viiie volume de la Fortification perpendiculaire, le démontre ».

    b  En note : « Voyez le devis de Monsieur Filley imprimé pages 276 et 279 du ve volume de la Fortification perpendiculaire. Ce devis ainsi que tous les plans relatifs à ce projet sont au bureau de la Guerre ».

    c  En note : « Voyez ce mémoire imprimé grand in 4° pages 112 et suivantes ».

    d  En note : « Monsieur le baron de Menehoult, un des membres du comité militaire, s’étant trouvé à cette épreuve, peut attester la vérité de ces faits ».

    e  En note : « N. B. Cet affût de l’invention du marquis de Montalembert se trouve gravé tome v. de la Fortification perpendiculaire, planches vi et vii ». Il s’agit des affûts à aiguille, qui facilitaient le recul des pièces, leur rechargement et leur remise en position dans des délais plus rapide qu’auparavant. Ces affûts, plus simples d’utilisation, étaient conçus pour être maniés par trois personnes. Ainsi le système « perpendiculaire » ne devait pas demander plus d’hommes pour servir des pièces beaucoup plus nombreuses.

    f  En note : « N. B. : feu Monsieur le marquis de Voyer ayant ajouté foi à tout le mal que les officiers du génie, sous ses ordres, lui avoient dit de ce fort, avoit parlé comme eux tout le tems qu’il ne fut pas mieux instruit. Mais s’étant mis en état d’en juger par lui même, il n’a pas craint de se rétracter vis à vis même du ministre et de rendre authentiquement justice à cette nouvelle méthode. Une bonne foi si rare mérite sans doute les plus grands éloges ; que n’est-elle plus souvent imitée ».

    g  En note : « Depuis la démolition de ce fort en 1757 [l’ancien fort d’Aix] jusqu’en 1763, quelques vaisseaux ennemis mouillés à la rade des Basques ont empêché nos flottes marchandes de se réunir et elles ont été la proie des armateurs, tandis que celles de tous nos ports se sont assemblées pendant les 4 années de la dernière guerre sous la protection du nouveau fort, d’où elles sont parties en convoi avec leurs vaisseaux d’escorte. Ces flottes de la valeur de plus de 100 millions, ont été conservées au commerce par leur réunion sous le canon de ce fort ».

    h  Mot rogné.

    Auteur

    Pol Vendeville

    Docteur en histoire moderne de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et ancien allocataire de recherches à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). Ses travaux portent sur la pensée et l’organisation défensive de la frontière maritime bretonne aux xvie et xviie siècles.

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    1  M. Acerra, A. Zysberg, L’essor des marines de guerre européennes, 1680-1790, Paris, SEDES, 1997, p. 15.

    2  Le rapport de Charles Colbert de Croissy sur la Bretagne est particulièrement révélateur de ces problèmes. L’une de ses principales préoccupations concerne la profondeur des ports, rades, anses et autres sites qu’il visite, ainsi que l’impact des rochers et des marées sur leur accessibilité. Des cinquante-sept sites qu’il découvre, il retient surtout la rade de Brest, « elle est estimée l’une des plus belles du monde, capable de contenir grande quantité de navires de quelque port que ce soit » : J. Kerhervé, F. Roudaut, J. Tanguy (éd.), La Bretagne en 1665 d’après le rapport de Colbert de Croissy, Brest, CRBC, 1978, p. 186.

    3  M.-R. de Montalembert, La fortification perpendiculaire ou essai sur plusieurs manières de fortifier la ligne droite, le triangle, le quarré, & tous les polygones, de quelqu’étendue qu’en soient les côtés, en donnant à leur défense une direction perpendiculaire, Paris, P.-D. Pierres, 1776, t. i, p. xvii-xviii.

    4  Il commande notamment l’île d’Oléron en 1761, alors que les Anglais sont à Belle-Île : ibid., p. xxi-xxiii.

    5  Montalembert est associé libre de l’Académie royale des sciences à partir de 1747 : J. Langins, « Un discours prérévolutionnaire à l’Académie des sciences : l’exemple de Montalembert », Annales historiques de la Révolution française, 320 (2000), p. 159-171.

    6  P. Quantin, « La métallurgie dans la région d’Angoulême », Norois, 9 (1956), p. 51-70.

    7  M.-R. de Montalembert, op. cit., p. 1. La fortification de Montalembert repose sur une artillerie nombreuse et puissante, protégée des tirs adverses par des casemates. Montalembert part du principe que les soldats ont naturellement tendance à tirer perpendiculairement au rempart qui les protège. Pour accroître la puissance de feu, il propose donc de présenter à l’adversaire un front où se concentre l’artillerie et dont tous les flanquements sont perpendiculaires les uns aux autres. Consulter : J. Langins, Conserving the Enlightenment : French Military Engineering from Vauban to the Revolution, Cambridge, MIT Press, 2004, p. 281-324.

    8  Mémoire sur la fortification perpendiculaire par plusieurs officiers du corps royal du Génie, Paris, Nyon l’aîné, 1786. Ce mémoire est déposé en 1785 à l’Académie des sciences par Fourcroy, l’un des coauteurs. Voir à ce sujet : H. Vérin, La gloire des ingénieurs, l’intelligence technique du xvie au xviiie siècle, Paris, A. Michel, 1993, p. 368-378. Ce mémoire est destiné à s’opposer aux arguments de Montalembert et à obtenir la reconnaissance scientifique du calcul de la valeur défensive d’une place forte en fonction de sa capacité de résistance à une attaque.

    9  Sur les marines de guerre européennes consulter entre autres : M. Acerra, A. Zysberg, op. cit. ; M. Acerra, J. Meyer, J. Mérino (dir.), Les marines de guerre européennes : xviie-xviiie siècles, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1998 ; M. Acerra (dir.), L’invention du vaisseau de ligne, 1450-1700, Paris, SPM, 1997 ; J. Meyer, M. Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, 1994.

    10  J.-C. Devos, « La prise de l’île d’Aix par les Anglais en 1757 », dans Actes du quatre-vingt-septième congrès national des sociétés savantes, Poitiers, 1962, section d’histoire moderne et contemporaine, Paris, Imprimerie nationale, 1963, p. 417-430, voir p. 428.

    11  Le fort en bois de Montalembert était encadré par deux batteries à embrasures réunies sous l’appellation de batterie environnante. Elles étaient protégées par un parapet en bois afin de mettre les servants à l’abri des tirs plongeants des navires. La batterie ouest comptait vingt-six canons de 36 livres et celle de l’est avait vingt pièces de même calibre et dix mortiers. Une troisième batterie était installée hors du fort, au niveau de l’anse de la Croix.

    12  Environ 2,5 mètres.

    13  SHD, GR 1 M 1740, Montalembert (marquis de), Mémoire sur le fort de l’île d’Aix par Marc-René de Montalembert, maréchal de camp, s.d, 225.

    14  Annotation portée sur le mémoire de Montalembert par le comte de Paulin, secrétaire d’État de la Guerre.

    15  Jean-Frédéric de la Tour du Pin-Gouvernet, comte de Paulin, secrétaire d’État de la Guerre du 4 août 1789 au 16 novembre 1790.

    16  Jean-Charles, baron de Montalembert, est le frère de Marc-René.

    17  Les travaux du fort commencèrent en 1779 et son démantèlement commença en 1783.

    18  Les premières remarques sur le mauvais état du fort ne datent que de 1795.

    19  Le comité militaire de l’Assemblée nationale fut créé par un décret du 1er octobre 1789 : Notice historique sur l’organisation de l’armée depuis la Révolution jusqu’à nos jours, Imprimerie nationale, Paris, 1902, p. 1, cité dans : T. Sarmant (dir.), Les ministres de la Guerre, 1570-1792. Histoire et dictionnaire biographique, Paris, Belin, 2007, p. 508.

    20  Il s’agit de la pointe Sainte-Catherine.

    21  La faible profondeur de la Charente obligeait les plus gros navires à désarmer partiellement pour rejoindre Rochefort.

    22  Pour la description de l’attaque anglaise de septembre 1757, voir : J.-C. Devos, op. cit. En moins d’une heure, une partie de l’escadre anglaise réduisit au silence les canons du fort. La garnison se rendit et les Anglais détruisirent la quasi-totalité des fortifications de l’île en une semaine. Cependant Montalembert est inexact quant à la quantité de navires qui ont attaqué le fort et quant à l’attribution du fort à Vauban. Le côté mer du fort, inachevé sous Vauban, fut modifié en 1756-1757. En septembre, lorsque les Anglais approchèrent, la construction de la batterie avec ses bastions en amande n’était pas tout à fait terminée.

    23  Le mémoire souligne ici l’un des problèmes de la défense d’une place de mer, dont l’île d’Aix eut à souffrir en 1757 contre les Anglais. Du haut des mâts, des hunes et parfois des ponts, les marins pouvaient tirer sur les canonniers des batteries à ciel ouverts des fortifications côtières. L’utilisation de batteries casematées, préconisée par Montalembert dans son système « perpendiculaire », est d’autant plus justifiée.

    24  Pierre Filley de la Côte, 1695-1779, est ingénieur ordinaire en 1713, chevalier de Saint-Louis en 1735 puis Grand-Croix en 1763, maréchal de camp en 1759 et lieutenant-général en 1762. Il est chargé d’inspecter les fortifications des côtes de Dunkerque à Bayonne en 1777. Après la destruction du fort de la rade de l’île d’Aix, Filley propose d’enfermer le bourg de l’île derrière un rempart flanqué par des bastions et des demi-lunes et protégé par un fossé en eau. Il ajoute trois redoutes reliées à la fortification principale pour défendre les lieux favorables à un débarquement contre l’île.

    25  Après avoir aidé en sous-main les Insurgés, la France entre officiellement en guerre en 1778 contre l’Angleterre.

    26  Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas, 1701-1781, est secrétaire d’État de la Maison du roi et de la Marine de 1723 à 1749, ministre d’État de 1738 à 1749, puis de 1774 à 1781, période où il joue le rôle de principal ministre de Louis XVI.

    27  Alexandre-Marie-Léonor de Saint-Mauris, prince de Montbarrey (1732-1796) est secrétaire d’État de la Guerre de 1777 à 1780.

    28  Antoine-Raymond-Jean de Sartine, comte d’Alby, 1729-1801, secrétaire d’État de la Marine de 1774 à 1780 et ministre d’État en 1775.

    29  Au terme du chantier, le fort de Montalembert devait être défendu côté terre par vingt-trois canons de 12 livres, installés sur une tenaille angulaire avec demi-lune, et côté mer par cent quarante pièces d’artillerie, dont cent quatorze canons de 36 livres et dix mortiers répartis entre le fort en bois et la batterie environnante.

    30  Environ 1 mètre.

    31  Charles-René de Fourcroy de Ramecourt, 1715-1791, ingénieur ordinaire en 1740, chevalier de Saint-Louis, directeur général du Génie pour la correspondance générale près le ministre de la Guerre en 1776, maréchal de camp en 1780, conseiller au conseil de la Guerre en 1787 et à celui de la Marine en 1788.

    32  Marc-René de Voyer de Paulmy d’Argenson (1722-1782) dit le marquis de Voyer. Directeur général des Haras de 1752 à 1773, puis inspecteur général de la cavalerie, il devient commandant en Saintonge, Poitou et Aunis en 1778. Il est le fils de Marc-Pierre de Voyer de Paulmy d’Argenson, comte d’Argenson, secrétaire d’État de la Guerre de 1743 à 1757.

    33  Le commandant de la Marine à Rochefort est alors Charles Auguste Levassor comte de la Touche Tréville (1712-1788). Il est absent le jour de l’épreuve pour raison de santé et remplacé par Marcel Ambroise Daubenton, brigadier des armées navales faisant alors fonction de directeur-général du port de Rochefort.

    34  Le directeur des fortifications est l’ingénieur en chef d’une province chargé de toutes les places fortifiées de sa circonscription. Lors de l’épreuve des canons du fort de Montalembert, la charge pour la province d’Aunis est détenue par Louis-Lazare Dajot (1717-1786), directeur des fortifications d’Aunis depuis 1779 et maréchal des camps et armées du roi depuis 1780. Les fonctions du directeur de l’artillerie sont similaires. Il s’agit en l’occurrence d’Hugues-Victor baron d’Ivoley (1722-1792), directeur de l’artillerie de la Rochelle depuis 1780. Voir : J. Le Rond d’Alembert, D. Diderot (dir.), Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres, Paris, Briasson, 1754, t. iv, p. 1028 et A. Ott, Dictionnaire des sciences politiques et sociales, Petit-Montronge, J.-P. Migne, 1855, t. 2, col. 1253.

    35  Dans un premier temps, chaque pièce a tiré un coup. Ensuite chaque batterie, c’està-dire chaque niveau du fort en bois, a effectué un tir à volonté pendant une demi-heure. Enfin, toutes les batteries ont tiré en même temps, dans une salve générale. Montalembert a publié cette épreuve à la suite de son Mémoire sur l’effet des canons dans les casemates, Paris, A. Jombert, 1784.

    36  Marc-René de Voyer de Paulmy d’Argenson, voir supra.

    37  Philippe-Henri, marquis de Ségur (1724-1801) : secrétaire d’État de la Guerre de 1780 à 1787.

    38  D’Ivoley, voir supra.

    39  Tous calibres confondus, le fort de Montalembert rassemblait environ deux cents pièces d’artillerie, dont une large majorité de 36 livres de balle. À titre de comparaison, lors de l’attaque anglaise de septembre 1757, il y avait trente-deux canons sur l’ensemble de l’île. Le fort de la Rade abritait pour sa part seize pièces de 24 livres et cinq mortiers côté mer, et six pièces de 18 livres côté terre. Les bouches à feux étaient moins nombreuses, mais aussi d’un calibre inférieur. Soulignons par ailleurs que le premier fort de la Rade, de Vauban à 1757, ressemblait plus à un camp retranché, avec magasins et casernes protégés par des fortifications, et occupait toute la pointe de la Rade. Montalembert rassemble les installations et la majorité de l’artillerie à l’intérieur de son fort en bois sur une surface bien plus restreinte.

    40  Les dix tomes de L’art défensif supérieur à l’offensif ou la fortification perpendiculaire ont été publiés par le marquis de Montalembert entre 1776 et 1796.

    41  Comme le rappel plus haut Montalembert, le fort n’était pas complètement terminé en un an, mais il cumulait déjà une quantité importante de canons de fort calibre.

    42  Malgré l’ordre du roi de démanteler le fort en bois, il ne lui fut enlevé que le dernier étage de batteries casematées et il fut couvert par un toit de tuiles.

    43  Ces trois points illustrent bien la position du marquis de Montalembert contre l’héritage intellectuel de Vauban, auquel le corps du Génie était alors attaché. S’il n’hésite pas à répondre à toutes les critiques avec un argumentaire technique, Montalembert entre également dans un registre plus polémique, via la publication d’une critique de l’éloge de Vauban de Lazare Carnot : Éloge de Sébastien Le Prestre, chevalier, seigneur de Vauban.... discours qui a remporté le prix de l’Académie de Dijon, le 2 d’août 1784, par Monsieur Carnot, ... Ouvrage enrichi d’observations par un amateur, s.l., s.d.

    44  Le marquis de Ségur.

    45  Le bois de tin est utilisé lors de la construction, la réparation et l’entretien des navires pour en soutenir la quille lorsqu’ils sont à terre : N. Aubin, Dictionnaire de marine contenant les termes de la navigation et de l’architecture navale, Amsterdam, P. Brunel, 1702, p. 721.

    46  Il s’agit d’Hugues-Alexandre-Joseph Meunier, 1758-1831, lieutenant-colonel du Génie puis général de division. Les travaux de Meunier auxquels Montalembert fait allusion ne portaient pas sur les canons mais sur leurs affûts. Il proposa pour la défense de Cherbourg des affûts inspirés de ceux à aiguille de Montalembert, qui devaient diminuer le recul et faciliter la remise en batterie : Voisins-La-Hougue et Vérusmor, Histoire de la ville de Cherbourg, Cherbourg, Boulanger, 1835, p. 213-215.

    47  Jean Alexandre baron d’Espiard de Colonge (1713-1788) est maréchal de camp depuis mars 1788. Il est notamment l’auteur d’un traité d’artillerie publié après sa mort par son petit-neveu, Alfred d’Espiard de Colonge, sous le titre Artillerie pratique employée sous les règnes et dans les guerres de Louis XIV et Louis XV, Paris, J. Corréard, 1846, 2 vol. Voir L. Susane, Histoire de l’ancienne infanterie française, Paris, J. Corréard, 1852, t. 6, p. 271.

    a  En note : « Le plan, figure 1re planche x du viiie volume de la Fortification perpendiculaire, le démontre ».

    b  En note : « Voyez le devis de Monsieur Filley imprimé pages 276 et 279 du ve volume de la Fortification perpendiculaire. Ce devis ainsi que tous les plans relatifs à ce projet sont au bureau de la Guerre ».

    c  En note : « Voyez ce mémoire imprimé grand in 4° pages 112 et suivantes ».

    d  En note : « Monsieur le baron de Menehoult, un des membres du comité militaire, s’étant trouvé à cette épreuve, peut attester la vérité de ces faits ».

    e  En note : « N. B. Cet affût de l’invention du marquis de Montalembert se trouve gravé tome v. de la Fortification perpendiculaire, planches vi et vii ». Il s’agit des affûts à aiguille, qui facilitaient le recul des pièces, leur rechargement et leur remise en position dans des délais plus rapide qu’auparavant. Ces affûts, plus simples d’utilisation, étaient conçus pour être maniés par trois personnes. Ainsi le système « perpendiculaire » ne devait pas demander plus d’hommes pour servir des pièces beaucoup plus nombreuses.

    f  En note : « N. B. : feu Monsieur le marquis de Voyer ayant ajouté foi à tout le mal que les officiers du génie, sous ses ordres, lui avoient dit de ce fort, avoit parlé comme eux tout le tems qu’il ne fut pas mieux instruit. Mais s’étant mis en état d’en juger par lui même, il n’a pas craint de se rétracter vis à vis même du ministre et de rendre authentiquement justice à cette nouvelle méthode. Une bonne foi si rare mérite sans doute les plus grands éloges ; que n’est-elle plus souvent imitée ».

    g  En note : « Depuis la démolition de ce fort en 1757 [l’ancien fort d’Aix] jusqu’en 1763, quelques vaisseaux ennemis mouillés à la rade des Basques ont empêché nos flottes marchandes de se réunir et elles ont été la proie des armateurs, tandis que celles de tous nos ports se sont assemblées pendant les 4 années de la dernière guerre sous la protection du nouveau fort, d’où elles sont parties en convoi avec leurs vaisseaux d’escorte. Ces flottes de la valeur de plus de 100 millions, ont été conservées au commerce par leur réunion sous le canon de ce fort ».

    h  Mot rogné.

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