La querelle des Bleus et des Rouges
Controverse scientifique et réforme de l’artillerie
p. 311-352
Texte intégral
1Le nouveau système d’artillerie organisé, et même créé, par Gribeauval dans les années 1770 est reconnu par tous les historiens comme étant une des clés de la réussite des campagnes napoléoniennes. La légèreté des nouvelles pièces adoptées – en comparaison des lourds canons du xviiie siècle – offraient en effet aux armées françaises l’avantage d’une plus grande mobilité sur le terrain par rapport à leurs ennemis européens. Pourtant, il serait erroné de croire, au vu de son triomphe final, que le « système Gribeauval » s’est imposé de manière évidente face à l’ancienne artillerie. Son adoption n’intervient en effet qu’à l’issue d’une vive polémique dont les principaux acteurs furent Joseph-Florent de Vallière et Jean-Baptiste de Gribeauval.
2Né en 1717, le premier se distingue par sa bravoure lors de la guerre de Succession d’Autriche. Il succède en 1747 à son père, Jean-Florent de Vallière, comme directeur général de l’artillerie, et dirige à ce titre les batteries au cours du siège de Berg-Op-Zoom. Nommé maréchal de camp deux jours après la chute de la ville, il devient lieutenant général dès 1748. Si la guerre de Sept Ans le voit chargé du commandement en chef de l’artillerie durant les cinq premières années du conflit, elle cause néanmoins également sa disgrâce, qu’officialise en 1761 la décision de l’envoyer en Espagne procéder à la réforme de l’artillerie de Charles III. La guerre a en effet révélé la faible efficacité de l’artillerie française. Se pose dès lors la question de la pertinence du système défendu par Joseph-Florent de Vallière, système hérité de son père et défini notamment par l’ordonnance de 1732. Si cette dernière a contribué à une plus grande uniformisation des pièces d’artillerie, en ne conservant que cinq calibres : ceux de 4, 8, 12, 16, et 24 livres, elle a également maintenu le principe de pièces polyvalentes, par conséquent relativement lourdes et peu maniables. Elles doivent en effet servir tant pour les sièges, qui exigent des pièces robustes, que pour les opérations de rase campagne, où la mobilité est plus essentielle. Il résulte de ce système une certaine pesanteur de l’artillerie française sur le champ de bataille, à l’origine des critiques formulées dans les années 1760 contre Joseph-Florent, défenseur de l’héritage paternel.
3Face à ce dernier, Gribeauval s’affirme au contraire comme le partisan d’une artillerie renouvelée, où la légèreté et la spécialisation des pièces doit l’emporter. Né en 1715, il entre comme volontaire dans le régiment de Royal-Artillerie en 1732. Au-delà des fonctions d’officier qu’il ne tarde pas à y remplir, il poursuit sa formation scientifique par divers lectures et travaux. Nommé capitaine en 1752, il est envoyé en Prusse afin d’observer les essais qu’effectue alors cette puissance pour mettre au point des pièces d’artillerie plus légères. De retour à Paris, il procède à une première démonstration d’un canon plus léger devant le roi. Mais c’est la guerre de Sept Ans qui assure véritablement sa réputation. Envoyé au service des Autrichiens, il s’illustre en particulier au siège de Schweidnitz (1761-1762), dont il assure la défense, résistant plusieurs mois à une armée prussienne bien plus nombreuse. Devenu l’ingénieur le plus célèbre d’Europe, il est appelé par Choiseul au lendemain de la guerre afin de contribuer au renouvellement de l’artillerie auquel songe alors le ministre, qui le nomme maréchal de camp, puis inspecteur général de l’artillerie en 1764.
4La disgrâce de Vallière et l’appel à Gribeauval marquent le début de ce qui a pu être qualifié de « querelle des bleus et des rouges », les premiers étant les partisans de Gribeauval, tandis que les seconds, désignés comme tels en raison de la couleur des anciens uniformes des officiers d’artillerie, soutiennent Vallière. Démarrée en 1763, celle-ci s’étend jusqu’en 1776, date du triomphe définitif des idées de Gribeauval, ultimement retenues par Saint-Germain. Véritable controverse, cette querelle est l’occasion de la rédaction de divers mémoires dont quatre sont ici réunis.
5Le premier, écrit entre 1772 et 1774 – après les épreuves de Douai de 1771 –, est un mémoire de Gribeauval sur le canon de bataille, dans lequel l’auteur propose de procéder au raccourcissement des pièces, afin de les rendre plus légères et d’améliorer leur manœuvrabilité. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un manuscrit tiré de la sous-série 1 M, mais d’un mémoire extrait d’un imprimé conservé à la Bibliothèque nationale, sa retranscription a paru nécessaire afin de comprendre l’enjeu des autres documents, pour leur part issus de cette sous-série et qui constituent autant de réponses à ce premier texte1.
6Ainsi, le deuxième mémoire, tiré du carton 1 M 17422, présente d’un côté, les objections de Vallière au projet de Gribeauval et de l’autre les répliques de ce dernier à ces mêmes objections.
7Il est suivi d’un autre mémoire, issu du carton 1 M 17393, qui constitue pour sa part une réponse aux répliques de Gribeauval. Si l’auteur n’est pas indiqué explicitement, plusieurs passages du texte laissent penser qu’il s’agit de Vallière, soucieux de donner une nouvelle fois son opinion sur les remarques de son confrère. Le document n’est pas un original, mais une copie, effectuée vraisemblablement au début de l’année 1774 pour être remise aux Maréchaux de France, alors chargés de se réunir pour trancher définitivement la querelle.
8Le dernier mémoire est enfin celui rédigé par les Maréchaux de France à l’issue de cette réunion4. Daté du 26 mars 1774, il se prononce en faveur de Gribeauval.
9Ces différents documents témoignent du rôle des mémoires comme instruments au service d’une controverse, et en l’occurrence d’un débat technique. Ceux réunis ici constituent ainsi autant de plaidoyers, appuyés en particulier sur les épreuves effectuées dans les années précédant leur rédaction − notamment celles de 1764 à Strasbourg et celles de 1771 à Douai – et adressés aux Maréchaux et au ministre, à qui revient en dernier lieu le droit de trancher la querelle. C’est en effet avant tout aux arcanes du pouvoir que s’adresse ce type d’écrits, bien que leur influence puisse gagner la sphère publique, comme l’atteste ici le fait que tous ces mémoires aient été repris dans un imprimé paru en 1774. Mais au-delà de cette fonction rhétorique, ces mémoires rendent surtout apparent les hésitations qui accompagnèrent une réforme controversée, dont l’issue fut longtemps loin d’être évidente, et qui s’inscrivait en dernier lieu à l’intérieur d’un débat ancien. De fait, loin de se présenter pour la première fois, la décision de développer des pièces d’artillerie plus légères avait déjà été plusieurs fois envisagée et repoussée.
10Dès 1679, François Frézeau de La Frézelière proposait à Louvois une nouvelle pièce inspirée des travaux d’un capitaine d’artillerie espagnol : Antonio Gonzales. Jusqu’à cette époque, la charge de poudre destinée à chaque salve était égale à la moitié ou aux deux tiers du poids du boulet. Ayant remarqué que le boulet était éjecté avant que toute cette poudre ne soit entièrement consumée – surtout la partie située loin de la lumière –, Gonzales développa l’idée d’une chambre sphérique et non plus cylindrique. Son innovation permit de réduire la charge de poudre à seulement un tiers du poids du boulet. La violence de l’explosion étant réduite d’autant, il fut dès lors possible de diminuer l’épaisseur de la pièce et de la raccourcir. Partiellement adoptées et défendues par certaines grandes personnalités militaires, en particulier Louvois, ces nouvelles pièces n’étaient cependant pas sans poser problème. Leur légèreté était en effet obtenue au détriment de leur précision, de leur portée et de leur résistance. Les affûts, sans lesquels les canons sont inutilisables, s’abîmaient et étaient détruits bien plus rapidement à cause du recul plus violent des pièces. Quant aux nouvelles chambres sphériques, elles étaient difficiles à écouvillonner et présentaient le risque qu’il ne restât de la poudre allumée lors de l’introduction de la charge suivante, ce qui favorisait les explosions et les accidents. Ces différents facteurs expliquent que de telles pièces ne furent pas employées pour les sièges et qu’elles furent condamnées par Jean-Florent de Vallière en 1720, qui réprouvait ces inconvénients propres aux pièces plus légères.
11Plus tard, ce fut l’apparition des pièces de 4 à la suédoise qui relança le débat de la légèreté des pièces, à la fin des années 1730. Ces pièces, particulièrement légères et mobiles, accompagnaient tous les régiments d’infanterie. Cependant, mises à l’épreuve pendant la guerre de Succession d’Autriche, elles ne donnèrent pas entière satisfaction et finirent par être quelque peu délaissées.
12Lorsqu’il défend, avec l’aide d’officiers comme du Puget et Saint-Auban, le principe de pièces polyvalentes, lourdes, mais solides et plus précises, Joseph-Florent de Vallière ne fait donc pas simplement preuve d’un conservatisme étroit. Le système qu’il prône a fait ses preuves durant de nombreuses années et dispose d’indéniables atouts qui ont conduit à le maintenir. Dans cette perspective, le triomphe final des idées de Gribeauval, qui insiste en particulier sur l’allègement des canons par le biais de leur raccourcissement, ne doit pas être simplement considérée d’un point de vue technique. Il témoigne également de la progressive mise en œuvre d’une autre forme de guerre, plus offensive. En effet, si les canons de Vallière étaient utiles pour les sièges qui ont prédominé à la fin du xviie siècle et au début du xviiie siècle, ils s’avèrent moins adaptés à une guerre de mouvement et de rase campagne qui tend à s’imposer à la fin du siècle. Au-delà d’une controverse technique, c’est donc plutôt deux manières de mener la guerre qui s’affirment dans les mémoires ici présentés.
Premier mémoire de Monsieur de Gribeauval, communiqué à Monsieur le marquis de Vallière, pour avoir son avis : Sur le canon de bataille
[Page 1] Raccourcissement des pièces de bataille. S’il convient de mener les pièces de 165 en bataille6.
A7
13Ayant été attaché pendant toute la dernière guerre8 à des armées qui ont beaucoup opéré avec du canon de toute longueur, c’est-à-dire depuis 12 diamètres de boulets jusqu’à 209, j’en ai observé les effets avec beaucoup d’attention et il m’a paru que le canon des calibres de 12, 6 et 3, qui avoit 18 diamètres de boulet de longueur de la plate-bande de culasse à la bouche10, étoit préférable à tout autre pour canon de batailles.
B
14Parce qu’il joint beaucoup de portée à beaucoup de mobilité. Cette seconde qualité doit nécessairement entrer pour beaucoup dans la combinaison à faire pour se déterminer sur le choix du canon de bataille. En adoptant ces longueurs, on regagnera, et bien au-delà, la [Page 2] très-petite [sic] perte que ce raccourcissement de nos pièces pourroit occasionner dans les portées11.
C
15Par les avantages de marcher mieux, d’arriver plus tôt en bataille, de manœuvrer et s’y mouvoir avec facilité, et d’augmenter la vivacité du feu dans les momens pressans où l’on en vient à la cartouche12. Quant à la justesse du tir il restera sûrement toute la longueur nécessaire pour la procurer telle qu’on l’a à présent.
D
16La différence entre les calibres autrichiens et les nôtres ne pourroit rien changer à ce que nous avons observé. De leur 12 au nôtre, il n’y a qu’environ 1 ligne de différence dans le diamètre13. Ainsi on peut les regarder comme égaux.
E
17L’usage de notre pièce de 4 suédoise14, qui se trouve avoir pour longueur les 18 diamètres de boulet, confirme que l’observation sur le 6 et 3 est applicable au calibre de 4. Ainsi, il ne paroît pas douteux qu’elle ne le soit aussi au calibre de 8. Supposant les longueurs des pièces des trois calibres ainsi déterminées, afin de nous procurer la mobilité devenue si nécessaire depuis que les armées ont acquis tant de légèreté dans la manœuvre, il suffira, à ce que je crois, d’employer 600 livres15 au plus de métal pour la pièce de 4, 1200 livres16 au plus pour la pièce de 8 et 1800 livres17 au plus pour celle de 1218.
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18Je n’ai point d’expériences assez suivies sur la durée des pièces à 18 diamètres de longueur et qui ne pesoient que 1600 livres environ19. Mais j’en ai qui ne laissent rien à désirer sur la solidité de celles à 16 diamètres de longueur. [Page 3] Ces pièces, du calibre de 12, pèsent 1400 livres20. Celles de 6 pèsent 600 livres à 650 livres au plus21. Elles ont été employées pendant cette guerre plus qu’artillerie de bataille l’ait jamais été – on peut en juger par le nombre des actions qui se sont passées – et j’ai vu presque toutes ces pièces faire deux ou trois campagnes sans être ruinées. Et comme nous estimons ici 400 livres22 d’augmentation de métal pour les deux diamètres d’augmentation de longueur, qui sont au calibre de 12 [de] 8 pouces ⅔23, nous comptons que cela sera plus que suffisant. Les autres pièces sont estimées aussi richement à proportion de leur calibre.
G
19Charges des pièces raccourcies : Nous croyons que la charge qui conviendra à cette pièce de 12 sera de 4 livres de poudre24, que celle de 8 sera de 2 livres ¼, ou 2 livres ½25 et celle de 4, de 1 livre ¼ ou 1 livre ½26. C’est d’après les expériences à faire qu’on sçaura si des charges plus fortes donnent des augmentations de portée qui méritent attention.
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20Portées : À ce sujet, nous observons que pendant les guerres de 173327 et 174128, on étoit très-content [sic] des portées de nos pièces longues telles qu’elles étoient alors. Nous comptions en ce genre être supérieurs à l’ennemi. Mais depuis ce tems, les nations voisines n’ont fait autre chose que de raccourcir leur canon pour lui donner plus de légèreté et le rendre plus propre à la manœuvre. Celui que nous proposons sera encore plus long que le leur. Ainsi nous conserverons la supériorité en ce genre (si la longueur la donne) et nous serons beaucoup plus en état de marcher et de manœu-[Page 4]vrer que nous ne le sommes à présent, ce qui paroît être un point essentiel.
I
21Peut-être aussi seroit-il possible de conserver les portées des pièces telles qu’elles étoient aux guerres de 1733 et 1741, en diminuant cependant ces pièces de longueur, de poids et même de charge, comme nous l’avons proposé ci-dessus.
22Premièrement, nous avons vu à Douay29 en dernier lieu que l’étoupille, ou fusée d’amorce30, étant alongée de façon à porter le feu au centre de la pièce, les portées en augmentoient. Alongeons donc nos fusées d’amorce et nous regagnerons partie de la perte occasionnée par le raccourcissement, si nous ne regagnons pas le touta.
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23Secondement, lors des guerres de 1733 et 1741, on donnoit deux lignes31 de vent32 au boulet. Retranchons-en ½ ligne33, accordant au fournisseur ½ ligne d’erreur en dessus et ½ ligne en dessous du diamètre fixé ; dans le cas le plus désavantageux, il restera encore une ligne34 de vent, plus que suffisante pour l’épaisseur de la croix qui attache le boulet au culot35. Gagnant donc ½ ligne sur le vent, on gagnera beaucoup sur la portée (si cela n’est déjà fait par les améliorations faites dans les forges depuis la fin de la guerre de 1741). Cette augmentation, jointe à celle procurée par les longues fusées d’amorce, rendra nos portées selon toute apparence au moins aussi fortes que celles qu’on avoit aux guerres de 1733 et 1741, et dont on étoit alors si content.
24Il semble qu’on désire sur toute chose de [Page 5] conserver et même d’étendre les grandes portées. Mais avons-nous assez de justesse pour en faire usage ? Nos pièces de 24 par exemple portent très-loin [sic], et l’on a senti par l’usage qu’il falloit dans les sièges (où l’on sert le canon avec plus de précision qu’en bataille) ne pas éloigner les premières batteries à plus de 300 toises36 si l’on vouloit conserver la justesse nécessaire pour attaquer avec fruit les batteries de l’ennemi. Le canon de 12 porte bien au-delà de 4 et 500 toises37. Si l’on examine ses effets en bataille, on verra que la meilleure partie de ce que l’on tire au-delà de 400 toises est sans effet par défaut de justesse et que ce n’est que vers 300 toises qu’on commence à canonner la ligne ennemie avec profit. Quoiqu’on ne puisse avoir qu’une quantité de munitions déterminée, il arrive presque toujours qu’on en consomme la meilleure partie en grandes portées et en pure perte, malgré l’espèce de certitude d’en manquer au bon moment. Mais venons au fait et voyons quelles seront les différences dans les portées.
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25Si l’on consulte les épreuves faites à Douay au mois d’octobre dernier, on verra que l’ancienne pièce − longue de 25 diamètres de boulets, chargée à 4 livres et à 4 livres ½38 de poudre qui sont les charges d’usage – porte sous 6 degrés39 à 863 et 881 toises40 ; que la pièce très-courte [sic] ayant l’âme cylindrique et 16 diamètres de boulets de longueur, pointée sous le même degré et chargée à 4 livres de poudre seulement, porte à 856 toises41. Mais ces vingt-cinq toises42 de différence, sous 6 degrés, n’en seroient pas [Page 6] 10 ou 1243 si l’on tiroit sous 3, et peut-être pas 3 toises44 à l’horison [sic]. Et quand même en tirant à l’horison on auroit 20 à 30 toises45 de portée de plus, ce qui en produiroit plus de 15046 sous six degrés, cela devroit-il faire obtenir la préférence aux pièces longues pesant 3200 livres47, ou à celles qu’on appelle légères et qui pèsent 2400 livres48, sur celles que nous proposons, qui ne pèseront que 1800 livres49 et auront en longueur deux diamètres de plus que celle de l’expérience que nous venons de citer, et par conséquent plus de portée si la longueur la donne ?
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26Si nous proposons de leur conserver 18 diamètres de longueur, ce n’est pas que nous comptions gagner beaucoup par là sur les portées, mais soit prévention ou réalité, il nous a paru que les pièces autrichiennes à 16 diamètres de longueur n’avoient pas autant de justesse que les nôtres ; ce qui pourroit bien venir de l’inexactitude du foret50, puisqu’il y a des obusiers qui portent fort juste avec beaucoup moins de longueur.
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27Une autre raison, plus essentielle, est le trop de recul qu’ont les pièces autrichiennes quand on les charge à 4 livres51. Et, si malgré l’augmentation de 400 livres52 de métal que nous proposons, il restoit encore un peu trop de recul, il faudroit y remédier par quelques changemens dans les montures53 : nous les proposerons lorsqu’il s’agira de fixer les proportions des affûts.
28Ce qui me donne de la confiance dans les dernières épreuves de Douay sur les portées, [Page 7] c’est qu’elles sont d’accord avec celles qu’on m’a communiquées à Vienne, et d’après lesquelles on a fixées la longueur des pièces de bataille à 16 diamètres de boulet.
On m’a demandé s’il convenoit de mener à l’armée des pièces du calibre de 16 ?
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29J’ai vu mener du 24 et du 18 légers, on s’en est bientôt lassé. Si l’on menoit du 16, il faudroit qu’il eût assez de solidité pour servir pendant tout le cours d’un petit siège, ou attaque brusquée, qu’il eût assez de longueur pour être mis en batterie au besoin et qu’il eût par conséquent environ 9 pieds de long54, alors il pèsera environ 3600 livres55. Ce canon ne pourra être que posté à demeure en bataille, le service en sera lent et la manœuvre presque nulle. Il portera à la vérité plus loin que le 12 et fera plus d’effet de loin, mais il en fera moins de près. On inquiète l’ennemi par des canonnades éloignées, mais on ne décide rien par là : c’est entre la bayonnette et 200 toises56 que se décident les actions. Et comme deux pièces de 16 entraîneront autant d’attirails que 3 pièces de 12 ou 4 pièces de 8, à 300 toises57 on aura 3 et 4 boulets de 12 contre deux de 16. L’avantage sera encore plus grand vers 200 toises de distance, puisqu’au lieu d’une cartouche de 16, on en aura environ 2 de 12, ou 3 de 8, qui feront bien plus d’effet. Les pièces de 8 et de 12 se déposteront très légèrement pour être replacées, soit que l’ennemi gagne ou perde du terrein. Celles de 16 ne pourront que tourner, pour ainsi dire, sur leur centre ou se déplacer [Page 8] qu’avec des chevaux et du temps dont on manque toujours en bataille.
30Pour mener une douzaine de ces pièces à l’armée, il faudroit se priver de 24 pièces de 8 très-capables [sic], si elles sont bien employées, de décider une action. D’ailleurs, ce gros canon ruine les chevaux, ruine les chemins et appesantit prodigieusement les marches, sur-tout [sic] à l’arrière saison. Il semble qu’il vaudroit mieux se tenir prêt à atteler par les chevaux du pays dans le dépôt le plus voisin.
31Le canon de 12 de bataille suffit pour ouvrir les bicoques58. Si celui de 16 est nécessaire pour une attaque brusquée sur quelque poste plus considérable, ce sera sûrement une entreprise prévue ; alors on aura le tems de faire approcher le canon de 16 et l’on ne sera pas obligé de diminuer sur celui de la ligne.
On a demandé si l’on devoit préférer le calibre de 3 au calibre de 4 pour canon de régiment ?
32La pièce de 3, avec ses 200 coups, sera traînée par quatre chevaux, dont deux sur la pièce et deux sur le caisson.
33Huit hommes manœuvrent ce canon pendant la durée de la plus longue action, sans le secours des chevaux.
34Il faut six chevaux pour la pièce de 4 et son caisson.
35Huit hommes attachés au service de cette pièce seront obligés, dans le courant d’une longue action, de se servir de tems en tems de leurs chevaux. C’est un inconvénient qui fait quelquefois perdre du tems, mais le canon de 4 fait [Page 9] plus d’effet que celui de 3, sur-tout par sa cartouche qui porte des balles de 2 onces au moins59. Celles de la cartouche de 3, ne pouvant peser qu’une once ⅓60 au plus, auront moins de portée et moins d’effet. Il est essentiel que la cartouche prévienne autant qu’il est possible le coup de fusil, car dans ces derniers instants, la mousqueterie dérange et ralentit prodigieusement le service du canon.
36Comme le canon de 4 a des avantages assez grands sur celui de 3 et que sa manœuvre est assez légère, nous pensons qu’il seroit avantageux de conserver ce calibre et qu’il n’y auroit que la raison d’économie des deux chevaux par pièce qui pût engager la cour à préférer celui de 3 ; mais on y perdroit dans l’action, par la diminution des effets.
37Le résultat de nos observations et réflexions sur le canon à employer dans les différentes occasions de la guerre, est :
De ne mener en bataille que du canon des calibres de 4, 8 et 12, qui n’ait pas plus de longueur que 18 diamètres de boulets, depuis la plate-bande de culasse, jusqu’à la volée61.
De conserver notre canon de 24 tel qu’il est, ou à peu de chose près, pour les sièges, sauf à en affecter une partie à la défense des places, afin de pouvoir s’en aider au besoin pour remplacer promptement les pertes ou consommations dans les équipages de siège.
De conserver pour la défense des places notre canon de 12 et celui de 16 long après, tels qu’ils étoient ci-devant, ce dernier devant aussi servir aux petits sièges, ou attaque brus-[Page 10]quée. Ces deux sortes de pièces doivent composer tout l’armement de nos places, n’y ajoutant que quelques pièces de 8 et de 4, mais en très-petite quantité, et seulement pour occuper des flancs de retranchements intérieurs, en attendant qu’on puisse y placer du 12 ; car ce sont des munitions perdues que celles employées avec du petit canon à tirer sur la tranchée et les batteries.
« Répliques de Monsieur de Gribeauval… »
[Page 1] Objections de Monsieur de Vallière contre le mémoire de Monsieur de Gribeauval sur le canon de bataille | Répliques de Monsieur de Gribeauval |
Les opinions différentes de Messieurs de Gribeauval et Saint Auban62 sur le fait de l’artillerie ont occasionné depuis longtems des discussions, qui ont donné lieu à des mémoires respectifs, dont quelques uns ont été imprimés63. Après avoir pris connoissance de ces différentes opinions, je ne puis disconvenir que le mémoire qui est à la suite du procès verbal des épreuves faites à Douai en 177164 (page 22 et suivantes d’un imprimé intitulé Procès-verbal des épreuves faites à Douai sur les portées des pièces de 4 longues et de celles de 4 courtes du nouveau modèle65, page 31 et suivantes d’un imprimé intitulé Lettres en réponse aux observations sur un ouvrage attribué à feu Monsieur de Vallière etc. et à un livre intitulé Artillerie nouvelle66), la Lettre en réponse aux observations, etc67. et quelques mémoires manuscrits ne contiennent les vrais principes et les plus avantageux pour le service de l’artillerie. | Il n’a pas plus été question de Monsieur de Saint Auban que de Monsieur de Vallière dans la discussion et les épreuves de la nouvelle artillerie. La cour avoit nommé Messieurs de Mouy68, chevalier de Bron69, Désalmons70, de Beauvoir71, Le Duc72, La Mortière73 et Manson74, tous officiers qui avoient sa confiance, dont le mérite étoit avoué non-seulement dans l’artillerie, mais encore reconnus de la plupart des officiers généraux de la ligne75. Chargés de discuter d’abord le système, ils l’ont été ensuite de faire eux-mêmes les épreuves avec ceux des officiers supérieurs les plus éclairés qui se trouvoient alors à Strasbourg, en présence de tout un régiment du Corps76. Tous y ont fait leurs objections, et il n’en est sorti aucun qui ne fut bien convaincu des résultats qu’ils ont signés et adressés à la cour. Les mémoires et autres ouvrages imprimés qui ont paru depuis deux ans contre les décisions de la cour77 n’auroient pas mérités notre attention si Monsieur de Vallière n’en avoit parlé [sic]. Un officier d’artillerie, après avoir fait un précis de tous les changemens depuis 1764, y a joint une [Page 2] réfutation de tous les faux raisonnemens et des erreurs en géométrie, en méchanique, en physique et même en arithmétique, qui fourmillent dans ces ouvrages78. |
[Page 2] A | A |
[Page 3] B | B |
C | C |
D | D |
E | E |
[Page 5] F | F |
[Page 6] G | G |
H | H |
I | I |
L | L |
M | M |
[Page 11] N | N |
O | O |
[Page 12] P | P |
Observations sur les répliques faites à l’examen précédent
[Pages 4] A
38C’est à Nos Seigneurs les maréchaux de France qu’il appartient de juger, sur ce qu’ils ont vu eux-mêmes, sur la publicité des événemens, sur le témoignage des militaires sans partialité, de l’expérience en fait de guerre et des services d’un officier assez heureux pour avoir bien mérité de la patrie.
B
39Les tableaux des épreuves d’après lesquels on a fait les réponses n’ont point de notes à la marge. Mais il ne s’agit point de notes, puisque le texte porte expressément que les pièces longues ont été tirées sous trois degrés et les courtes sous trois degrés et demi – même celles de 4 sous trois degrés ⅔ – pour leur faire regagner ce qu’elles avoient perdu quand l’élévation étoit la même pour les unes et pour les autres, et les boulets égaux.
40Il n’est pas étonnant que les pièces courtes tirées avec des boulets d’une ligne119 de vent aient égalé la portée des longues tirées avec des boulets qui en avoient deux120. Mais par quel privilège les premières doivent-elles avoir des boulets plus exacts ? Nos pièces de l’ordonnance de 1732, avec les mêmes boulets, ont conservé leur avantage à l’égard de la portée − les tableaux en font foi − et elles les conserveront partout. Au surplus, la diminution du vent des boulets a eu lieu plus de 20 ans avant qu’il fût question de l’artillerie nouvelle.
41Une phrase121 qui ne présente qu’une allégation sans preuve ne fait rien contre des faits connus et confirmés par des raisonnemens justes. Qu’a-t-on fait de précis à Strasbourg dans le tems des épreuves pour juger de la régularité des coups et de la justesse du tir ?
C
42Pourquoi ne parler que de l’arrière saison ? On ne manque pas de chevaux en entrant en campagne, puisqu’il y en a de haut-le-pied122. On n’en manque pas non plus [Page 5] dans le courant de la campagne par la même raison. À la fin, s’il en manque sur la totalité, on peut s’en procurer pour le canon, dans les cas mentionnés, par le renvoi des voitures de bois de remontage123 et des autres voitures dont on n’a plus besoin.
43À la bataille de Raucoux124, les pièces de gros calibres furent menées au galop et devancèrent les troupes.
44Monseigneur le maréchal de Contades est prié de se souvenir avec quelle promptitude nos pièces de 12 précédèrent la colonne qu’il menoit à l’attaque d’Astembeck125, avec quelle célérité elles furent portées et placées sur la hauteur qui domine la plaine où étoit le corps des Hessois, et avec quelle vivacité leur feu rompit ce corps.
45À Frauvillers126, sous ses ordres, elles devancèrent aussi les troupes (de même que le reste de l’artillerie). Elles furent transportées de la gauche à la droite, comme il l’avait ordonné, avec une vitesse qui fit plaisir à toute l’armée. Ainsi de tant d’autres occasions.
46Un officier d’artillerie devoit au moins rendre à son corps la justice qui lui étoit rendue de toutes parts. S’il n’a pas eu l’avantage de partager ces succès, il les a entendus publier.
47Les nouvelles voitures à munitions pèsent autant, et peut-être plus, que les anciennes. Si les parties en bois ont été un peu allégées, les essieux de fer, la tôle qui les couvre et les autres ferrures rétablissent au moins l’égalité, et elles portent le même poids en munitions, poids égal à celui d’une pièce de 4 ancienne.
48L’auteur en revient aux pièces de canon dont il ne s’agissait pas dans cet endroit.
D
49L’auteur veut bien admettre ce qui a été dit.
E
50Ce n’est point par entêtement que feu Monsieur de Vallière127, homme célèbre dans toute l’Europe et qui méritoit en particulier les hommages de l’auteur des répliques, a défendu la pièce de 4 ordinaire contre la pièce à la Suédoise, mais par de solides raisons que l’expérience de guerre a confirmées. Ce n’est point par entêtement que Monsieur le maréchal de Saxe s’est rendu enfin au sentiment de Monsieur de Vallière, mais après ce qu’il avoit vu dans la suite de ses opérations glorieuses. Ce n’est point par entêtement, mais par conviction, que les officiers d’artillerie, et les soldats même, se récrioient aux exercices et dans les batailles contre l’irrégularité du tir de ces pièces, et contre la difficulté de leur pointement. On ne devait donc pas prendre leur longueur pour déterminer celles des nouvelles pièces de bataille.
F
51Les commissaires, aux épreuves de Strasbourg, étoient si convaincus (indépendamment des accidens arrivés aux pièces de 12) du peu de durée des pièces nouvelles en comparaison de celle des anciennes, qu’ils demandèrent pour elles un meilleur usage.
52Il ne suffit pas de dire combien de coups ces pièces ont tiré jusqu’à leur dépérissement total, il faut spécifier après combien de coups elles ont commencé à perdre leur direction, ce qui les met hors de service.
53[Page 6] Les expériences sur leur durée ont été faites avec beaucoup de ménagement. Elles ne tiroient que 100 coups avant midi et 100 coups après, et de 30 coups en 30 coups, ou environ, on les remplissoit d’eau pour les rafraîchir.
54Feu Monsieur de Vallière a fait pousser à bout en 1740, à Lyon128, des pièces de 12 et d’autres coulées suivant les dimensions de l’ordonnance de 1732. Elles tirèrent 1500 à 1600 coups sans être entièrement hors de service. Le doute de l’auteur des répliques est donc mal fondé.
55On sait assurément ce qu’il ajoute sur l’examen des pièces avant d’entrer en campagne, mais on sait aussi qu’une des nouvelles pièces de 12 toute neuve a péri après 42 coups tirés en sept jours d’exercice dans une de nos écoles. Cet événement en fait craindre de pareils dans des occasions plus importantes.
56Une économie prétendue qui nuit à l’effet n’indemnise pas d’une grande dépense que prévient la durée convenable des pièces. D’ailleurs, l’auteur a-t-il bien calculé ce que coûte la refonte d’une pièce de 12 et ce que produit l’épargne de 300 ou 400 livres129 de poudre ?
G
57Je croyois m’être suffisamment expliqué touchant les conséquences que je refuse d’admettre sur les épreuves de Strasbourg, en admettant cependant les faits. Les voici réunis130 [sic] :
Les pièces longues et les pièces courtes ont été éprouvées exactement suivant les mêmes procédés et les mêmes lois.
Les pièces courtes portent aussi loin que les longues sous la même élévation et avec les mêmes boulets.
La durée des pièces nouvelles est suffisante pour le service auquel elles sont destinées.
Les pièces courtes tirent aussi juste que les longues et leur pointement est aussi facile.
Les pièces courtes méritent d’être préférées aux longues pour la guerre de campagne.
58Nosseigneurs les maréchaux de France sauront sans doute apprécier les raisonnemens de part et d’autres. Les termes d’école sont ici hors de place.
H
59Ce que l’on a dit de la dernière guerre n’en est ni moins vrai, ni moins concluant en faveur de l’ancienne artillerie, quoique l’auteur des répliques ne l’ait pas vu.
60La question ne roule ici que du plus au moins et le raisonnement qu’on a fait n’est point détruit par la réplique. Il reste toujours vrai que si les pièces de 16 diamètres portent moins loin et moins juste que celles de 18 diamètres, celles-ci portent à leur tour moins loin et moins juste que nos pièces de 1732.
I
61On a raisonné sur le texte et non sur la note, et on a bien raison. Mais ce n’est pas ici le lieu de disserter sur un pareil sujet.
L
62Le mélange des boulets étrangers avec les nôtres a occasionné la grande quantité de boulets irréguliers qui s’est trouvée dans nos arsenaux, mais les commandans d’artillerie avoient la plus sévère attention à ce que ceux de nos calibres fussent choisis pour approvisionner les armées.
63Les officiers chargés de recevoir les boulets dans les forges ne se conduisoient [Page 7] point par caprice dans les réceptions qu’ils faisaient. Ils avoient ordre de ne recevoir que les boulets du poids déterminé et qui remplissoient exactement les lunettes ou passe-boulets131. Ils leur étoit aussi spécialement ordonné de vérifier souvent le diamètre de ces lunettes, et ils exécutoient avec soin ce qu’il leur étoit prescrit.
64Il n’est pas douteux que les ricochets ne puissent être très meurtriers dans une bataille. Cela empêche-t-il que dans les occasions où il se trouve de forts obstacles à détruire, il ne faille avoir égard à la plus grande force des boulets ?
65On ne s’est pas borné dans l’examen du mémoire à considérer les inconvéniens du plus grand recul dans les plaines, quoique certainement ils n’y soient pas à négliger, mais dans des lieux serrés, dans des redoutes de campagnes, etc.132. L’auteur des répliques passe légèrement là-dessus, ou plutôt il n’en dit rien.
66L’artillerie de bataille ne va point en embrasures ? Quoi donc ? N’y a-t-il point de circonstances dans la guerre de campagne où les embrasures soient utiles, nécessaires même ?
67L’induction tirée de la longueur des pièces de 24 subsiste dans sa force. L’auteur s’autorise d’une règle vraie sous le point de vue qu’avoit le célèbre maréchal de Vauban, mais qui n’exclut point les ressources que procure dans certains cas la longue portée des pièces.
68Encore une fois, cette longue portée n’est qu’une des raisons qui font préférer l’ancienne artillerie à la nouvelle, et l’auteur des répliques n’oppose rien de solide ni à celle-là, ni aux autres. Il se contente de mettre en preuve ce qui est en question.
69Par quel prestige les pièces courtes peuvent-elles être pointées contre un objet placé à 500 toises133 et les longues seulement contre un objet placé à 300 toises134 ? C’est sans doute par le moien de la hausse mobile135. Il n’est assurément pas démontré que la hausse soit une invention utile, mais en le supposant, qui empêcheroit de l’adapter aux pièces longues ?
M
70On a insisté sur cette théorie uniquement parce que l’auteur paroissoit s’y être attaché lui-même, mais on en connoit toute l’inutilité.
N
71On a laissé à l’auteur en examinant son mémoire toute la force de sa restriction sur la conséquence à tirer de ce qu’il avoit vu, ou cru voir, de l’incertitude dans le tir des pièces autrichiennes. Revenir aujourd’hui à l’inexactitude du fait, c’est une pure défaite. On ne s’est donc pas écarté de la vérité en assurant qu’il a fourni une preuve de fait touchant l’irrégularité du tir des pièces courtes, irrégularité qui de plus est prouvée par le raisonnement comme par l’expérience de guerre.
O
72L’auteur a dit dans son mémoire que c’est un défaut considérable aux pièces [Page 8] autrichiennes d’avoir trop de recul et qu’il l’a corrigé en rendant les siennes plus pesantes de 400 livres136. On n’a pas dit autre chose, on n’a pas altéré le sens de ses paroles, mais on a ajouté, ce qui est incontestable, que nonobstant les moyens qu’il a pris, ses nouvelles pièces reculent beaucoup trop pour ne pas nuire au service par là.
P
73On n’a point eu intention de proposer les pièces de 16 pour le service ordinaire des armées. On a dit seulement, comme l’auteur, qu’elles sont utiles pour certaines opérations de campagne.
74En réponse aux questions qu’il s’est cru en droit de faire, on dira :
Que quelques pièces de 16 ouvriront plus facilement et plus promptement des bicoques que des pièces de 12.
Que les murs des bicoques sont quelquefois très-difficiles à renverser.
75Et on ajoutera qu’une affaire brusquée pour un poste plus important n’est pas toujours une affaire prévue.
76Toutes les fois qu’on a mené du 16 en campagne, on l’a fait à la demande des généraux ou par leurs ordres.
77Les conclusions qu’on a tirées ne sont pas de simples allégations, puisqu’elles sont fondées sur des principes et confirmées par des faits.
78Tout ce que l’auteur ajoute n’est qu’une répétition de ses propres allégations, auxquelles on croit avoir opposé des raisons concluantes.
« En conséquence des ordres du roi… »
79[Page 1] En conséquence des ordres du roy qui nous ont été communiqués par Monsieur le duc d’Aiguillon137, nous nous sommes assemblés chez Monsieur le maréchal de Richelieu138 pour procéder à l’examen des deux systèmes qui partagent actuellement le corps de l’Artillerie.
80Nous avons reçu de Messieurs de Vallière et de Gribeauval les mémoires qu’ils ont cru devoir nous présenter139. Nous les avons communiqués réciproquement à ces deux officiers généraux, ainsy que les réponses et observations qu’ils y ont faits [sic]. Et nous les avons entendus séparément l’un et l’autre dans plusieurs séances consécutives.
81Nous avons examiné ces différents mémoires avec l’attention que demandoit l’importance de la matière et nous en avons discuté tous les points dans plusieurs assemblées.
82Nous avons reconnu d’abord que les partisans des deux systèmes étoient d’accord que l’on devoit conserver les pièces de 24 et de 16, ainsy que les pièces de 12 destinées à l’attaque et à la [Page 2] deffense des places, dans les mêmes proportions réglées par l’ordonnance de 1732.
83En conséquence, nous avons pensé qu’elles devoient être conservées, en supprimant cependant dans les nouvelles pièces qu’on fondra les petites chambres qui ont été jugées dangereuses140.
84Quand [sic] aux affûts à donner à ces pièces pour la deffense des places, le résultat des épreuves fait [sic] à Strasbourg en 1765 et 1766141 regardant comme préférable les nouveaux affûts que l’on proposoit, nous avons pensé qu’il falloit les adopter.
85À l’égard des pièces de 16 courtes et légères, les partisans des deux systèmes les réprouvent également. Nous croyons qu’elles doivent être rejettées, tant pour l’attaque et la deffense des places que pour les équipages de campagne.
86Nous regardons cependant comme nécessaire qu’il y ait toujours dans les dépôts les plus à portée des armées quelques pièces de 16 longues, pour y être conduite [sic] lorsque les généraux croiront en avoir besoin pour leurs opérations.
87Les partisans des deux systèmes étoient encore [Page 3] d’accord sur ce point.
88Pour ce qui est des pièces de bataille, nous pensons que les puissances contre lesqu’elles la France peut avoir la guerre ayant adoptées pour leurs armées l’usage d’une artillerie extrêmement nombreuse et assés légère pour être manœuvrée à bras d’hommes dans les actions et suivre les troupes dans tous les mouvements et évolutions sans être obligé de l’atteler de chevaux, il est indispensable de ne point leur être inférieur quand [sic] au nombre et à la légèreté de l’artillerie que l’on mènera en campagne.
89Nous avons cependant considéré que cette légèreté et cette facilité de les servir et de les transporter, qu’on ne peut refuser aux pièces du modèle de 1765, ne suffisoient pas pour les faire adopter si elles n’y réunissoient la justesse du tir, une durée convenable et surtout des portées suffisantes à l’usage auqu’el elles étoient destinées.
90La décision de ces différents articles n’étant point du ressort du raisonnement, [Page 4] mais appartenant exclusivement à l’expérience et aux épreuves, nous avons consulté celles faites à Strasbourg en 1764 et nous avons cru devoir les regarder comme un point fixe duqu’el nous pouvions partir, le nom des officiers du corps Royal qui en ont signé les résultats ne pouvant laisser de doute sur l’exactitude avec laqu’elle elles ont été exécutées, et le témoignage que Monsieur le maréchal de Contades142 − qui y a été présent − rend de la bonne foy avec laqu’elle il y a été procédé ajoutant encore beaucoup à la confiance qu’on doit y avoir.
91Nous avons reconnu que les partisans des deux systèmes avouoient comme un principe certain que l’on ne pouvoit tirer avec un grand effet sur des troupes à des distances plus longues que 500 toises143.
92Les résultats des épreuves multipliées de Strasbourg en 1764 ont prouvé que les pièces de 4 courtes, pointées seulement à 3 degrés, portoient avec justesse à 500 toises, celles de 8 et de 12 à plus de 600144, et que toutes ces pièces avoient respectivement des [Page 5] portées beaucoup plus longues pointées à 6 degrés.
93Ainsy, il nous a paru démontré et certain que toutes ces pièces avoient des portées suffisantes pour l’usage auquel on les destinoit. Nous avons même observé que ces pièces ayant 18 calibres de longueur, tandis que celles des Prussiens n’en avoient que 14 et celles des Autrichiens 16, elles conserveroient encore sur elles quelque supériorité.
94Les épreuves de 1764 ont aussi constaté que les pièces courtes avoient tirés [sic] avec justesse 800, 900 et 1000 coups, quoique servies aussi vivement qu’on pouvoit le faire dans une action, et que par conséquent elles étoient en état de résister [sic] au moins deux campagnes.
95Ainsy, les pièces courtes réunissant la célérité du service, la légèreté, et par conséquent l’économie dans les attelages, et une justesse de tir, une longueur de portée et une durée suffisante, nous pensons que les pièces de 12, de 8 et de 4 courtes du modèle approuvé en 1765 méritent [Page 6] la préférence pour les équipages de campagne.
96Cependant, les pièces de 4 longues ayant toujours été regardées comme très bien proportionnées et ayant été reconnu qu’elles avoient quelque’avantage [sic] pour la longueur des portées sur les pièces courtes, nous avons pensé qu’il sera convenable d’en conserver dans les équipages de campagne dans la proportion de deux cinquièmes de pièces de 4 courtes.
97Nous avons en même tems regardé comme nécessaire de changer les affûts de ces pièces de 4 longues et de leurs [sic] en substituer qui fussent proportionnellement conformes aux affûts du modèle suivi avant 1772145, que nous avons adoptés pour toutes les pièces de bataille, ainsy que les avantrains et autres attirails de ces pièces, dont les avantages sont de même constatés par les résultats des épreuves faites à Strasbourg − qui doivent avoir d’autant plus de poids pour cet objet qu’elles ont été exécutées [Page 7] sous les yeux de sept officiers du corps Royal, qui ayant été commissaires du parc146 et capitaines d’ouvriers147 sont infiniment plus capables que tous autres de juger de ce qui regarde les constructions.
98Nous regarderons en même tems comme nécessaire de rétablir les atteliers de construction sur le même pied et les mêmes règles qui leurs avoient été données avant 1772148.
99Par les mêmes raisons dites cy dessus, et partant des résultats des épreuves faites à Strasbourg en 1765 et 1766, nous croyons qu’il faut adopter les obusiers149 de 6 pouces150 et leurs affûts.
100À l’égard des mortiers151, il nous a paru que les mêmes épreuves ayant été plus favorables à ceux de 10 pouces152 qu’aux anciens mortiers de 12 pouces153, ils doivent être préférés, ainsy que leurs affûts.
101Cependant, comme il est certain que les bombes de 12 pouces, pezants [sic] 40 livres154 de plus que celles de 10 pouces, sont plus capables par leurs poids d’écraser les magazins et souterrains, il est à souhaiter qu’on travaille à [Page 8] perfectionner la fonte, de manière à donner à des mortiers de 12 pouces la solidité nécessaire pour soutenir les charges qu’exigent leurs bombes et de leurs [sic] procurer une résistance, et une durée, qui a été reconnue leurs manquer dans les épreuves de Strasbourg de 1765 et 1766.
102Les mortiers de 8 pouces155, dont les bombes pèzent environ 42 livres156, ayant été jugés propres dans les épreuves à servir pour les expéditions pendant les campagnes et avoir une portée suffisante, nous pensons qu’on doit les conserver, ainsy que les affûts qui leurs ont été réglés.
103N’y ayant eu aucune épreuve faites [sic] sur les pieriers157 [sic], nous ne pouvons donner notre avis sur ce qui les concerne.
104Les résultats des mêmes épreuves ayant donné la préférence aux pontons, batteaux portatifs et haquets158 proposés sur les anciens, nous croyons qu’on doit s’en tenir aux dimensions qui leurs ont été alors donnée [sic].
105Les puissances étrangères ayant adopté [Page 9] l’usage d’attacher deux pièces de canon à chacun de leurs [sic] bataillon nécessitent [sic] à attacher de même aux nôtres deux pièces de 4 courtes et légères.
106Il nous a paru incontestable que des officiers et soldats du corps Royal étoient préférables à tous autres pour être chargés du service de ces pièces, puisque étant continuellement exercés dans les écoles, ils seront mieux instruits que ne pourront jamais l’être des officiers et soldats tirés de l’infanterie.
107En conséquence, nous croyons nécessaire de porter les régimens du Corps Royal à la composition qui leur avoient [sic] été réglée en 1765159, qui nous a semblé être calculée d’après un principe très simple, très suivi et très analogue aux différents services auquel [sic] ce corps est destiné.
108Nous regardons aussi comme nécessaire de rétablir l’instruction des écoles d’artillerie sur le pied où elles étoient [sic] avant 1772160, qui est conséquente, et à la composition de ce corps, et au service du canon qu’on adopte.
109Nous pensons encore qu’il ne peut qu’être très utile pour la perfection du corps de l’Artillerie de rétablir l’école des élèves161 ; rien n’étant plus capable de former des sujets pour devenir un jour de bons officiers.
110Nous croyons également nécessaire de rétablir les compagnies d’ouvriers dans la composition et service qui leur avoient été réglée [sic]162.
111Nous pensons enfin qu’il est de la plus grande nécessité de réunir promptement dans la même garnison toutes les compagnies de mineurs163 sous un même chef et état major, pour leur procurer une instruction uniforme qu’il est impossible qu’elles reçoivent étant séparées, et de les remettre, quand [sic] à leur composition, service et études, au même état où elles étoient avant 1772.
112À Paris, ce 26 mars 1774j

Source : Naulet, Frédéric, L’artillerie française (1665-1765), naissance d’une arme, Paris, 2002, annexes.
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Naulet Frédéric, L’artillerie française (1665-1765), naissance d’une arme, Paris, Economica, 2002.
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Notes de bas de page
1 Collection des mémoires authentiques qui ont été présentés à Messieurs les Maréchaux de France assemblés en comité, pour donner leur avis sur les opinions différentes de MM. de Gribeauval et de Saint Auban, au sujet de l’artillerie, Alethopolis (Paris), Isaac Neumann, 1774, p. 1-10.
2 SHD, GR 1 M 1742, « Répliques de Monsieur de Gribeauval… », s.d., 6.
3 SHD, GR 1 M 1739, Observations sur les répliques faites à l’examen précédent, s.d., 38.
4 SHD, GR 1 M 1739, « En conséquence des ordres du roi… », 1774, 37.
5 Le calibre d’une pièce est défini par le poids de son boulet : une pièce de 16 est une pièce tirant un boulet de 16 livres, c’est-à-dire 8 kg (1 livre = 0,5 kg).
6 Ce sous-titre présente visiblement une erreur d’impression. Le raccourcissement des pièces en bataille concerne en effet les paragraphes A à M, tandis que le canon de 16 n’est évoqué qu’au paragraphe P en amont duquel se trouve un sous-titre consacré à cette question. Une autre erreur d’impression figure en amont du paragraphe B où l’on trouve le sous-titre suivant : « Si le calibre de 3 est préférable à celui de 4. Sur le calibre du canon à employer dans les différentes occasions de la guerre ». Ce sous-titre renvoie à un passage situé à la fin du mémoire. Il n’a donc pas été retranscrit ici.
7 Le mémoire de Gribeauval est structuré en seize parties, désignées par des lettres qui correspondent en général aux différentes questions abordées. Les mémoires suivants reprennent ce plan.
8 Guerre de Sept Ans (1756-1763).
9 Le diamètre de boulet sert d’unité de mesure proportionnelle pour évaluer la longueur des canons de tous les calibres.
10 Consulter le schéma du canon à la fin du mémoire.
11 Rappelons que les pièces de l’ordonnance de 1732 ont une longueur de plus de 20 diamètres de boulet.
12 La cartouche est une enveloppe en papier renfermant une certaine quantité de poudre. Les cartouches permettent de tirer plus rapidement pendant la bataille.
13 1 ligne = 2,26 mm.
14 La pièce de 4 à la suédoise est un canon de petit calibre particulièrement léger utilisé en Suède et introduit en France dans les années 1730 par le chevalier de Belac, pour suivre les troupes d’infanterie. Le canon ainsi que son affût forment un tout si léger qu’il peut être déplacé à bras d’hommes, et non pas seulement par des chevaux.
15 600 livres = 300 kg.
16 1200 livres = 600 kg.
17 1800 livres = 900 kg.
18 L’ordonnance de 1732 avait fixé le poids de chaque pièce : 1150 livres pour celle de 4 ; 2100 pour celle de 8 ; 3200 pour celle de 12.
19 1600 livres = 800 kg.
20 1400 livres = 700 kg.
21 600 à 650 livres = 300 à 325 kg.
22 400 livres = 200 kg.
23 1 pouce = 2,71 cm. 8 pouces ⅔ ≈ 23,48 cm.
24 4 livres = 2 kg. L’explosion de la poudre est encore un phénomène peu connu à la fin du xviie siècle. La charge de poudre utilisée pour chaque calibre est donc le résultat d’habitudes et d’observations plus que d’études véritables. Cette charge communément admise correspond aux ⅔ du poids du boulet. Dans les années 1670, Antonio Gonzales avait déjà proposé de diminuer la charge de poudre à ⅓ du poids du boulet, ce qui avait abouti aux pièces de la nouvelle invention, défendues par le marquis de La Frézelière, beaucoup plus légères, mais dont le succès fut cependant mitigé.
25 2 livres ¼ = 1,13 kg. 2 livres ½ = 1,25 kg.
26 Une livre ¼ = 625 g. Une livre ½ = 750 g.
27 Guerre de Succession de Pologne (1733-1738).
28 Guerre de Succession d’Autriche (1740-1748).
29 Il est probable qu’il s’agisse des épreuves réalisées à Douai en 1771, quelques mois avant la rédaction de ce mémoire, pour comparer les capacités des pièces dites longues, ou anciennes, avec celles des courtes, ou nouvelles.
30 L’étoupille ou la fusée d’amorce est une sorte de mèche portant le feu dans la lumière plus rapidement.
31 2 lignes = 4,52 mm.
32 Le vent est l’espace qu’il y a entre le boulet et l’âme du canon. S’il y a trop de vent, cela nuit à la portée du boulet. S’il n’y en a pas assez, le frottement est trop important et la portée est également amoindrie.
33 ½ ligne = 1,13 mm.
34 1 ligne = 2,26 mm.
35 À partir de 1772, on utilise dans l’artillerie française les boulets ensabotés, c’est-à-dire fixés par une croix en fer blanc à une pièce en bois cylindrique, évitant au boulet de tourner et d’abîmer le canon en sortant de l’âme. Le culot désigne sans doute ici la pièce en bois en question, habituellement appelée sabot.
36 1 toise = 1,95 m ; 300 toises = 585 m.
37 400 à 500 toises = 780 à 975 m.
38 4 livres = 2 kg ; 4 livres ½ = 2,25 kg.
39 La question de l’élévation des pièces occupe une place importante dans les débats et durant les épreuves, car la portée des pièces dépend en partie d’elle. Les épreuves de Strasbourg et de Douai mettent en lumière la différence de portée des pièces longues et des pièces courtes, les pièces courtes ayant le désavantage. Gribeauval tente de minimiser ce désavantage en montrant que la différence de portées entre les deux pièces diminue lorsque leur élévation est moindre.
40 863 toises ≈ 1683 m. 881 toises ≈ 1718 m.
41 856 toises ≈ 1669 m.
42 25 toises ≈ 49 m.
43 10 toises ≈ 20 m. 12 toises ≈ 23 m.
44 3 toises = 5,85 m.
45 20 toises = 39 m. 30 toises ≈ 59 m.
46 150 toises ≈ 293 m.
47 3200 livres = 1600 kg.
48 2400 livres = 1200 kg.
49 1800 livres = 900 kg.
50 Le foret est une pièce d’acier intervenant dans la fabrication des canons : ceux-ci sont fondus pleins, puis, une fois refroidis, l’âme est forée par cette machine, dont la plus grande exactitude est évidemment requise, puisqu’un défaut du foret signifie une inaptitude de la pièce à tirer juste.
51 4 livres = 2 kg.
52 400 livres = 200 kg.
53 L’un des plus gros reproches fait aux nouvelles pièces est que leur légèreté provoque au moment de l’explosion un recul bien plus violent que les pièces longues. Par conséquent, les affûts, sans lesquels les pièces sont inutilisables, sont abîmés et détruits trop vite. L’adoption des pièces légères entraîne nécessairement une réflexion sur de nouveaux affûts.
54 1 pied = 32,48 cm ; 9 pieds ≈ 2,92 m.
55 3600 livres = 1800 kg.
56 200 toises = 390 m.
57 300 toises = 585 m.
58 Une bicoque est une place sans fortifications ni défense.
59 1 once = 30,59 g. 2 onces = 61,18 g.
60 1 once ⅓ ≈ 40,78 g.
61 La volée désigne la partie du canon entre la culasse et la bouche. Consulter le schéma du canon en fin de chapitre.
62 Antoine Baratier, marquis de Saint-Auban (1712-1783) : maréchal de camp en 1761, inspecteur d’artillerie en 1765, lieutenant général en 1780, il est partisan de l’ancienne artillerie.
63 La liste des imprimés ayant trait à la défense de l’ancienne ou de la nouvelle artillerie est donnée notamment dans l’ouvrage d’Heinrich Otto van Scheel, Mémoires d’artillerie, contenant l’artillerie nouvelle ou les changements faits dans l’artillerie françoise en 1765, Paris, 1796, à la page 3 de la seconde partie.
64 Les épreuves de Douai de 1771 ont été réalisées pour comparer la portée des pièces de 4 longues et courtes. La portée et la durée des pièces sont au cœur des débats sur la nouvelle artillerie. La portée est d’autant plus difficile à mesurer qu’elle est liée à la question de la charge des pièces, dont dépend également la durée : les pièces de la nouvelle invention, en raison de leur poids, ne peuvent supporter une charge de poudre aussi importante que les pièces anciennes. Ainsi, les épreuves, dont le but est de comparer les pièces sur des critères absolument identiques, ne le peuvent pas réellement et elles sont l’objet de discussions vives.
65 A. du Puget, Procès-verbal des épreuves faites à Douai sur les portées des pièces de 4 longues et de celles de 4 courtes du nouveau modèle, Paris, 1772.
66 Lettres en réponse aux observations sur un ouvrage attribué à feu Monsieur de Vallière etc. et à un livre intitulé Artillerie nouvelle, Amsterdam, 1772.
67 Voir note précédente.
68 Monsieur de Mouy : lieutenant général des armées du roi et inspecteur général du corps royal de l’artillerie. Il assiste en 1764 aux épreuves à Strasbourg, tout comme les officiers cités ci-après.
69 Jean-Jacques, chevalier de Bron de La Romignière : en 1764, il est sous-aide major.
70 Joseph Perrin des Almons (1717-1793) : sous-directeur de l’artillerie de Strasbourg au moment des épreuves. Il est nommé en 1777 commandant en chef de l’école d’artillerie de sa ville natale, Metz, puis maréchal de camp en 1780 et lieutenant général peu d’années après.
71 Monsieur de Beauvoir : brigadier des armées du roi.
72 Monsieur Le Duc : également brigadier des armées du roi.
73 Jean Marc Antoine de Verton de La Mortière : né en 1714, il est chevalier de Saint-Louis, colonel du régiment d’Auxonne du Corps Royal-Artillerie, et brigadier des armées du roi en 1770.
74 Jacques Charles de Manson (1724- 1809) : auteur, après l’adoption du système Gribeauval, de plusieurs écrits sur l’artillerie, et notamment avec Gribeauval lui-même d’une Table des constructions des principaux attirails de l’artillerie proposées ou approuvées depuis 1764 jusqu’à 1789, Paris, 1792. Capitaine au moment des épreuves de Strasbourg, c’est un officier reconnu qui a fait ses preuves pendant la guerre de Sept Ans.
75 La ligne désigne ici les armes régulières : infanterie et cavalerie.
76 De l’artillerie.
77 Les pièces courtes sont adoptées pendant le ministère Choiseul, en 1765, puis rejetées en 1772. Gribeauval parle donc ici de la décision de 1764 d’adopter les pièces de la nouvelle invention.
78 Il est possible que Gribeauval fasse ici allusion à l’Artillerie nouvelle de Charles Tronson du Coudray (voir ci-après). La première partie informe le lecteur sur les nouveautés de l’artillerie, et la seconde critique l’ouvrage de du Puget, Essai sur l’usage de l’artillerie dans la guerre de campagne et dans celle des sièges, par un officier du corps, Amsterdam, 1771.
79 C. Tronson du Coudray, L’Artillerie nouvelle ou Examen des changements faits dans l’artillerie française en 1765, Amsterdam, 1772.
80 Gribeauval fait sans doute allusion à un autre ouvrage de Tronson du Coudray : Lettres d’un officier du corps royal de l’artillerie sur les changements introduits dans l’artillerie française depuis 1765 jusqu’en 1770, [Paris], 1774.
81 Vallière s’adresse à l’auteur du mémoire sur le canon de bataille, c’est-à-dire Gribeauval.
82 Guerre de Sept Ans (1756-1763).
83 Les maréchaux en charge de décider quelle artillerie doit être adoptée sont : les maréchaux de Richelieu, de Contades, de Soubise et de Broglie.
84 Transeat : expression latine pouvant se traduire par « passe ». Elle signifie que la propisition est vraie, sans que l’on en convienne absolument d’après l’Encyclopédie.
85 Le comte Maurice de Saxe dirige pendant la guerre de Succession d’Autriche l’armée qui envahit les Pays-Bas autrichiens et la Hollande. Pendant cette guerre, la pièce de 4 est loin de faire l’unanimité, en raison non seulement des inconvénients propres aux pièces légères, mais aussi des usages répandus dans le corps de l’artillerie, dont les membres sont habitués aux pièces longues, lourdes et puissantes.
86 Monsieur du Brocard : lieutenant général de l’artillerie, il contribue largement à introduire la pièce de 4 à la suédoise en France. Il meurt à la bataille de Fontenoy, où il commande l’artillerie sous les ordres du maréchal de Saxe.
87 En 1765 et 1766, Gribeauval dirige des épreuves à Strasbourg pour connaître les différents défauts de toutes les pièces d’artillerie, et ainsi chercher à les corriger.
88 4 à 5 lignes = 9,04 à 11,3 mm.
89 Jean II Maritz (1711-1790) : fondeur de canons, fils de Jean IMaritz, lui aussi fondeur de canons d’origine suisse ayant travaillé pour Vallière (père) et mis au point une technique révolutionnaire pour forer les canons et les rendre ainsi plus solides et performants. Jean II, qui continue le travail de son père, bénéficie d’une grande expérience ainsi que d’un crédit précieux dans le monde des artilleurs. Il est anobli en 1750, et est alors à la tête des plus grandes fonderies françaises, en particulier celles de Lyon et Strasbourg.
90 La lumière est le trou percé dans la culasse par lequel on met le feu à la poudre (consulter le schéma du canon). Lorsque les explosions sont trop fortes ou trop fréquentes, la lumière s’abîme et s’ouvre, c’est l’« évasement ».
91 Voir la note e qui indique en marge : « Cela ne s’est pas confirmé dans nos expériences ».
92 1 point = 0,19 mm ; 1 ligne 9 points ¾ ≈ 4,11 mm.
93 1 ligne 5 points ½ ≈ 3,31 mm.
94 1 ligne 9 point ¾ ≈ 4,11 mm ; 2 lignes = 4,52 mm.
95 Le mobile est à prendre ici au sens de corps en mouvement, il s’agit donc du boulet.
96 300 toises = 585 m.
97 500 toises = 975 m.
98 2 lignes = 4,52 mm.
99 4 lignes = 9,04 mm.
100 2 lignes ½ = 5,65 mm.
101 3 lignes = 6,78 mm.
102 Edme Jean Antoine du Puget (1742- 1810) : officier d’artillerie et théoricien militaire, il soutient Vallière et l’ancienne artillerie. Il est l’auteur d’un ouvrage reconnu : Essai sur l’usage de l’artillerie, dans la guerre de campagne et dans celle de sièges, par un officier du corps, Amsterdam, Arckstée et Merkus, 1771. La question du tir à ricochet y est abordée p. 150.
103 Gribeauval, par ce terme, fait directement allusion à ce que dit Vallière dans l’article A concernant les écrits des officiers de son entourage.
104 Le tir à ricochet est une innovation de Vauban, qui a l’idée de charger les canons avec une quantité de poudre suffisamment faible pour que les boulets arrivent dans les rangs adverses en rebondissant, causant ainsi bien plus de dommages qu’un tir plus puissant.
105 En 1765, date à laquelle le matériel de Gribeauval est adopté une première fois, il y a sept écoles destinées à former les officiers d’artillerie. Elles sont situées à La Fère, Strasbourg, Metz, Besançon, Grenoble, Auxonne et Toul.
106 Gribeauval fait référence à l’article F, dans lequel il répond déjà à Vallière sur l’argument de la durée des pièces.
107 20 toises = 39 m ; 30 toises ≈ 59 m.
108 150 toises ≈ 293 m.
109 Vallière réfute ici l’argument de Gribeauval selon lequel la différence des portées entre les pièces courtes et les pièces longues diminue au fur et à mesure où l’élévation de la pièce est abaissée. Les portées moindres des pièces courtes par rapport aux pièces longues de même calibre est le principal reproche adressé aux défenseurs de la nouvelle artillerie.
110 À l’article G, Vallière admet reconnaître les épreuves de Strasbourg de 1764 – mais non pas les résultats. C’est probablement à celles-ci que Gribeauval renvoie.
111 Voir l’article B du mémoire de Gribeauval, dans lequel il admet qu’un canon raccourci (de 18 diamètres de longueur) pourrait occasionner une perte de portée.
112 400 livres = 200 kg.
113 Il est difficile de savoir à quelle bataille Vallière renvoie ici, mais il s’agit peut-être de celle de Kolin, du 18 juin 1757, où l’artillerie fut décisive.
114 Les principaux alliés de la France pendant la guerre de Sept Ans sont, à part l’Autriche, la Russie, la Suède, la Saxe et l’Espagne.
115 Henri Auguste de La Motte-Fouqué (1698-1774) : général prussien issu d’une ancienne famille huguenote normande et proche du roi de Prusse.
116 Frédéric II, Recueil de lettres de S. M. le roi de Prusse, pour servir à l’histoire de la guerre dernière, Leipzig, aux dépends des libraires associés, 1772.
117 La ville de Glatz est annexée par la Prusse à la fin de la guerre de Sept Ans. Elle est située dans la région de la Silésie.
118 Frédéric II, Recueil…, op. cit., p. 24-25.
119 1 ligne = 2,26 mm.
120 2 lignes = 4,52 mm.
121 La phrase dont il est question ici est celle tirée du résultat des épreuves de Strasbourg, en 1764, et citée par Gribeauval dans ses Répliques, à l’article B : « Les nouvelles pièces tirent aussi juste que les anciennes ».
122 Les chevaux de haut-le-pied sont des chevaux qui ne sont ni attelés, ni montés, et destinés à servir de chevaux de rechange.
123 Les bois de remontage sont des pièces de bois servant à construire ou réparer des affûts, des avant-trains ou des chariots.
124 La bataille de Raucoux a lieu le 11 octobre 1746 au nord de Liège, pendant la guerre de Succession d’Autriche. L’armée française est victorieuse face aux Autrichiens.
125 La bataille d’Astembeck (ou Hastenbeck) a lieu le 26 juillet 1757, près de Hamelin, pendant la guerre de Sept Ans. Il s’agit d’une autre victoire française contre les troupes de Hanovre.
126 Frauvillers est un bourg près duquel les troupes françaises placées sous le commandement du maréchal de Contades rencontrent celles de Ferdinand de Brunswick-Lunebourg. Les deux armées se mesurent, mais la bataille n’a finalement pas lieu et le général prussien se retire. Cet épisode est relaté à la page 57 du périodique Histoire de l’Académie royale des Sciences de l’année 1776, mais il est en revanche difficile de fixer la date exacte – qui doit se situer aux alentours de 1759 – ainsi que la région dans laquelle il a lieu.
127 Jean-Florent de Vallière (1667-1759).
128 Il s’agit peut-être des épreuves ordonnées en décembre 1740 et faites à Lyon, destinées à comparer les pièces coulées à noyau et celles qui sont forées.
129 300 livres = 600 kg ; 400 livres = 800 kg.
130 Bien qu’il n’y ait pas de « e » à « réunis », la liste qui suit est celle des conséquences que l’auteur refuse d’admettre, et non celle des faits qu’il accepte.
131 Les lunettes ou passe-boulets sont des instruments servant à vérifier que les boulets respectent exactement les dimensions de leur calibre.
132 Une redoute est un ouvrage de fortification ayant la forme d’un carré, d’un bastion ou d’une demi-lune.
133 500 toises = 975 m.
134 300 toises = 585 m.
135 La hausse est un instrument mis au point par Gribeauval permettant à l’officier pointeur de corriger la portée de ses tirs plus facilement et de les assurer une fois qu’elles sont bonnes, à l’aide du repère donné par la hausse. Cet instrument permet également d’augmenter l’angle de mire et donc la portée.
136 400 livres = 800 kg.
137 Emmanuel Armand de Vignerot du Plessis, duc d’Aiguillon (1720-1788) : maréchal de camp en 1748 et secrétaire d’État de la Guerre en 1774.
138 Louis François Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu (1696-1788) : maréchal de France en 1748.
139 Un grand nombre de mémoires sont présentés aux maréchaux pour leur réunion, et en particulier le mémoire sur le canon de bataille de Gribeauval, ainsi que toutes les répliques qui lui sont faites, qui constituent le centre du débat.
140 Les chambres sont des petits trous présents à la surface du métal, à cause de bulles d’air emprisonnées pendant la fonte. Dans l’âme, elles peuvent abriter des restes de poudre enflammée et provoquer ainsi des accidents.
141 Voir les notes précédentes.
142 Louis Georges Erasme de Contades (1704-1795) : maréchal de France en 1740.
143 500 toises = 975 m.
144 600 toises = 1170 m.
145 L’artillerie de Gribeauval, adoptée une première fois en 1765, est laissée de côté en 1772, date à laquelle est réintroduite l’ancienne artillerie de Jean-Florent de Vallière.
146 Lorsque le parc d’artillerie se forme, la fonction de commissaire du parc est assurée par un officier du Corps-Royal. Chargé de surveiller les détails, il est placé sous l’autorité du commandant de l’équipage.
147 Après l’ordonnance de 1765, chaque compagnie d’ouvriers (soixante-sept hommes) comprend six officiers, et est placée sous l’autorité d’un capitaine.
148 La fabrication des nouvelles pièces diffère beaucoup des anciennes, non seulement dans les proportions générales, mais aussi dans des détails, tels que les ornements, par exemple, qui sont supprimés.
149 L’obusier est une pièce d’artillerie plus longue que le mortier – voir ci-dessous – et dont le projectile est lancé suivant une trajectoire courbe.
150 6 pouces = 16,26 cm.
151 Le mortier est une bouche à feu courte, pointée vers le haut afin que le boulet expulsé suive une trajectoire courbe avant d’atteindre son but.
152 10 pouces = 27,1 cm.
153 12 pouces = 32,52 cm.
154 40 livres = 20 kg.
155 8 pouces = 21,68 cm.
156 42 livres = 21 kg.
157 Le pierrier fait partie des bouches à feu courte. Dans les sièges, il sert à envoyer des pierres chez l’ennemi.
158 Les haquets sont des voitures servant à transporter les bateaux et tout ce qui est nécessaire pour faire un pont.
159 En 1765, Gribeauval propose une réforme du personnel de l’artillerie. Les régiments d’artillerie sont alors au nombre de sept, situés dans les mêmes villes que les écoles, à La Fère, Metz, Strasbourg, Besançon, Grenoble, Auxonne, Toul. Chaque régiment comprend des canonniers, des sapeurs et des bombardiers, répartis dans les bataillons, brigades et compagnies selon un ordre précis.
160 Au moment où la nouvelle artillerie est adoptée pour la première fois en 1765, l’enseignement donné dans les écoles d’artillerie est revu et réadapté pour les futurs officiers d’artillerie.
161 Jusqu’en 1756, les officiers d’artillerie sont formés dans les écoles régionales situées dans les mêmes villes que les bataillons. À cette date est créée une école nouvelle à La Fère, qui devient la principale école pour les futurs officiers d’artillerie. L’école des élèves est transférée à Bapaume en 1766, avant d’être supprimée en octobre 1772.
162 Les ouvriers s’occupent des travaux concernant les affûts, les voitures et toutes les machines de l’artillerie, en temps de paix comme en temps de guerre. En 1765, Gribeauval fait passer le nombre de compagnies d’ouvriers de sept à neuf, réparties dans les brigades, chaque compagnie étant composée de cinquante-neuf hommes. En 1772, les compagnies sont réduites à quarante hommes.
163 Avant 1765, les sept compagnies de mineurs étaient réparties dans les différentes brigades. Avec la réforme, les compagnies, qui passent à six, se réunissent dans un seul corps, sous l’autorité d’un commandant général. En 1772, les compagnies, qui reviennent au nombre de sept, sont attachées chacune à un régiment.
Notes de fin
a En marge (précision ajoutée par l’auteur ou le transcripteur) : « Cela ne s’est pas confirmé dans nos expériences ».
b « Coups, l’autre 840 » : raturé.
c « Embrasures » : raturé. L’embrasure est l’ouverture par où l’on tire les canons.
d « À la même effet » : barré dans le texte.
e Rature juste après « coups ».
f « Qu’avaient les » : en interligne dans le texte au-dessus de « que les » barré.
g « Et qu’elles » : en interligne dans le texte au-dessus de « lesquelles » barré.
h « À des » : en interligne, au-dessus de « à l’ » barré.
i « Et si » : en interligne, au-dessus de « et » barré.
j Dans une autre écriture : « Signé par Messieurs les maréchaux de Richelieu, de Contades, de Soubise, et de Broglie ». Charles de Rohan-Soubise (1715-1787) : maréchal de France en 1758 ; Victor-François de Broglie (1718-1804) : maréchal de France en 1759.
Auteur
-
Clémence Engelmann
Titulaire d’une licence d’histoire de l’Institut catholique de Paris et d’une licence d’histoire de l’art de l’université Paris 4. Elle a soutenu un master d’histoire à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sous la direction d’Hervé Drévillon, portant sur la place des canons des fondeurs suisses Jean-Jacques et Balthasar Keller dans l’artillerie française du xviiie siècle.
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