Le glaive enfin domestiqué par la robe ?
Le militaire au miroir de la littérature anti-absolutiste à la fin de l’Ancien Régime. L’exemple de la Bretagne prérévolutionnaire1
p. 79-94
Résumé
La pré-Révolution bretonne en 1788 suscite de multiples interrogations sur les représentations du militaire à la fin de l’Ancien Régime dans les écrits politiques et juridiques du temps. L’analyse de textes proparlementaires et anti-absolutistes permet d’observer la mutation indéniable de l’identité sociale du militaire et de ses valeurs, avant les bouleversements révolutionnaires : l’obéissance et l’attachement au roi, ainsi que le rapport à la patrie.
Texte intégral
« Oh ! défenseurs de la patrie : n’êtes-vous pas indignés qu’on vous étale aux yeux de l’univers comme des satellites soudoyés, comme les oppresseurs de votre pays, comme les aveugles instruments de votre propre dégradation1 ? ».
1Les édits du 8 mai 1788 sont consacrés à la réforme de l’organisation de la Justice (notamment la création des grands bailliages et l’humanisation partielle de la procédure criminelle) et au rétablissement de la cour plénière, privant les Parlements de leurs fonctions d’enregistrement pour les lois communes à toute la France et, par conséquent, de leurs facultés de blocage en matière fiscale. Ils se heurtent à l’hostilité unanime des cours supérieures. Pour la surmonter, le ministère décide de recourir à la force armée, comme lors des précédentes crises parlementaires de 1763 et de 1771. La même scène se reproduit alors aux quatre coins du royaume : l’intendant, accompagné du commandant en chef, se présente devant le parlement au milieu d’un grand concours de soldats en armes ; ceux-ci demeurent en position face au « sanctuaire des lois », pendant que les deux commissaires essayent, à l’intérieur du palais de justice, de hâter l’enregistrement des édits. Après quoi la cour est mise en vacances et les militaires doivent veiller, en empêchant l’accès au Palais, que les magistrats ne se réunissent pas subrepticement pour annuler l’enregistrement souvent arraché de haute lutte. Le pouvoir royal joue donc la carte de l’ordre. Néanmoins les choses se déroulent particulièrement mal en Bretagne, en Dauphiné, en Béarn et en Bourgogne2. Travail exploratoire qui doit conduire, dans le futur, à un approfondissement, cette contribution se limitera à l’exemple breton riche d’enseignements pour un questionnement plus général sur les représentations du militaire à la fin de l’Ancien Régime.
2Au cours du mois de mai à Rennes, capitale de la province et siège du Parlement, les deux porteurs d’ordres que sont l’intendant Bertrand de Molleville et le comte de Thiard, nouveau commandant en chef de Bretagne, paraissent manquer de résolution pour faire appliquer les volontés royales3. Henri-Charles de Thiard, à peine établi dans ses nouvelles fonctions, réunit les troupes (Rohan) pour leur enjoindre de ne faire usage de leurs armes qu’à la dernière extrémité4. Usuelles dans les missions de maintien et de gestion de l’ordre public, ces consignes de modération sont très vite connues en ville. Il en résulte que des centaines de « séditieux », c’est-à-dire des gentilshommes, leurs valets, les clercs de la basoche et des étudiants, giflent les soldats, leur arrachent leurs armes, à tel point que certains, écœurés, mettent la crosse en l’air. Une première fois, le 10 mai, Thiard, en dépit de toutes ces précautions, est pris à partie par cette foule à la sortie du Palais, insulté, puis frappé et blessé, ainsi d’ailleurs que l’intendant. Après ces incidents graves, qui se répètent encore au début du mois de juin, les deux commissaires du roi sont enfin décidés à faire montre de plus de fermeté. Ils obtiennent du secrétaire d’État de la Guerre, sur ordre de Louis XVI, l’envoi de renforts de troupes d’infanterie et de cavalerie, détachés de trois régiments (Forez, Penthièvre et Orléans) et arrivés de Saint-Malo et de Dinan. Le comte de Thiard a désormais sous ses ordres près de deux mille hommes. Rennes est traitée comme une ville conquise. L’effet, à l’égard de la population, de ces simulacres guerriers en temps de paix semble avoir été négatif5. Et surtout, depuis l’affaire de Bretagne suivie par la délicate mise en place de la réforme Maupeou, la moindre velléité assimilable à un coup d’autorité est interprétée comme la preuve de noirs desseins nourris par le « despotisme6 ». Les parlementaires bretons s’emploient en tout cas à accréditer de tels sentiments dans l’opinion publique en se présentant sous les traits d’opprimés. À grand renfort de lettres et d’arrêtés répandus à profusion, ils dénoncent dans un style emphatique les exactions dont eux-mêmes et leurs concitoyens auraient été victimes. Il est hors de doute que, au moyen de cette « guerre littéraire7 », les magistrats entretiennent l’effervescence et l’instrumentalisent à leurs fins. Après quelques semaines, ils sont bientôt réduits au silence et exilés par lettres de cachet remises sous bonne escorte. Le bureau central de la commission intermédiaire des États de Bretagne, établi à Rennes et emmené par le zélé procureur général syndic le comte de Botherel, prend alors officiellement la tête de l’opposition aux édits de mai et manifeste sa solidarité à l’égard de la Robe. Dans ce combat qui s’annonce, outre son expérience du rapport de force avec Versailles, la commission intermédiaire dispose d’un atout important : un réseau de correspondants sûrs et répartis dans toute la province (les bureaux diocésains). Durant quatre mois, des dizaines de mémoires et libelles paraissent à l’instigation de ce « parti nobiliaire » anti-absolutiste pour engager contre les deux ministres honnis, Loménie de Brienne et Lamoignon, une polémique intense et finalement victorieuse8.
3Plusieurs de ces ouvrages manuscrits ou publiés clandestinement évoquent l’enregistrement forcé des édits, qualifié de promulgation « à main armée9 » et le déploiement de « l’appareil menaçant de la guerre10 » en Bretagne, en particulier dans la capitale de la province. À cette occasion, ils utilisent un champ sémantique très particulier qui est le reflet de représentations du militaire travaillées à l’aune d’un certain anti-militarisme (I) et de l’utilisation de concepts juridico-politiques repeints au goût du jour comme ceux de citoyenneté et de patriotisme (II).
Haro sur le « despotisme militaire » au nom de la liberté
4À la lecture de ce corpus documentaire, ce qui frappe d’emblée est la virulence de l’antimilitarisme qui s’y exprime parfois. On n’y perçoit pas seulement les ressentiments du civil envers « une soldatesque effrénée11 » ou bien l’animosité latente du noble de Robe à l’encontre de l’homme d’épée12. Les parlementaires et leurs suppôts maudissent les militaires comme « d’odieux satellites13 » du despotisme qui s’exposent ainsi à devenir les « assassins et bourreaux des peuples » prêts à répandre le sang breton et français14 ! Notons l’emploi du terme satellites qui est d’ailleurs assez récurrent dans nos sources15. Entendu, comme ici, au sens d’hommes aux gages d’un maître puissant, de vulgaires auxiliaires armés, il est évidemment très péjoratif pour les gens de guerre16. Selon les auteurs de ces écrits, les soldats qui ne se battent pas exclusivement pour défendre l’État contre des attaques venant de l’extérieur ne sont que des « oppresseurs stipendiés17 », soudoyés18, rabaissés au rang de vils esclaves, suspectés de vouloir asservir à leur tour les Bretons19. Cet « effrayant spectacle » se déroule, enfin, sous les yeux de « la France entière » et de « l’Europe étonnée »20. L’invocation de « l’opinion publique » en vue de discréditer l’action gouvernementale clôt ce réquisitoire implacable.
5Des similitudes avec les brochures de Barnave, du comte d’Antraigues ou du vicomte de Chastenay, confectionnées au même moment, sont plus qu’apparentes21. Mais, au-delà, quelles sont les sources qui ont forgé un tel style d’écriture et cet état d’esprit bien particulier ? Ici, nous voudrions simplement ouvrir quelques pistes, parmi d’autres, qui peuvent contribuer à éclaircir la question. La fréquentation d’ouvrages issus du courant humanitariste et pacifiste au sein des Lumières tardives constitue peut-être une première hypothèse à suivre. Ces textes, empreints de philanthropie et de sensibilité, prennent l’exact contrepied du discours diffusé pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763)22 et entendent expurger l’amour de la patrie de tout sentiment agressif, voire belliqueux. Ils exaltent à cette fin la fraternité chrétienne ou philosophique entre les hommes23. Les rédacteurs de ces mémoires ont sans doute puisé également des arguments et un vocabulaire chez les tenants du « républicanisme classique », préoccupés par la dénonciation des armées permanentes ou des troupes réglées, très en vogue depuis la Révolution américaine. Au nom de la liberté et de la sécurité, Marat ou Mirabeau entre autres n’ont eu de cesse de mettre en garde leurs lecteurs, depuis le milieu des années 1770, contre le danger d’un assujettissement du pouvoir civil au pouvoir militaire24. Enfin et surtout, on entrevoit une filiation naturelle et évidente avec les thèses bien connues de la littérature parlementaire, entendue au sens large, qui, depuis le milieu du siècle, érigent la magistrature en rempart de la « liberté publique » contre le fait du prince, le « despotisme ministériel » et ses agents militaires25.
6Ce ton indigné et ces expressions volontairement terrifiantes, parfois jusqu’à l’outrance, tentent de réveiller les consciences. Néanmoins, ils laissent, en retour, le champ libre à l’adversaire pour formuler le reproche de l’exagération. Il nous est apparu intéressant de compléter cette analyse de textes proparlementaires par un examen de quelques ripostes absolutistes suscitées par le ministère sur la question. Une brochure adressée À la noblesse bretonne parue durant l’été 1788 dénonce les audacieux qui veulent à la fois échauffer la population et lui « faire redouter jusqu’à [ses] propres soldats26 ». De son côté, le publiciste Simon-Nicolas Linguet insiste pour préciser, dans son fameux journal, les Annales politiques, que l’appareil des armes n’a été déployé « que dans une seule ville de Bretagne, à Rennes », que cela a été rendu absolument nécessaire à cause de la « résistance ouverte » qu’ont essuyé les dépositaires de l’autorité, contraints « de s’appuyer sur ce secours », et qu’enfin ce déploiement l’a été avec « des égards » et « des ménagements recommandés sans doute en tout pays par les bons princes, mais quelquefois oubliés ailleurs par le militaire »27. L’ancien avocat au parlement de Paris, qui fut défenseur du duc d’Aiguillon contre La Chalotais, achève son plaidoyer par un éloge indirect de la maîtrise du militaire français28. Sur ce point particulier, les ripostes absolutistes n’innovent guère. Elles prennent appui sur le discours traditionnel de la monarchie absolue. La liberté civile bien comprise se repose à l’ombre de l’autorité du prince : tant que celle-ci sera assurée et absolue, les sujets jouiront de l’ordre intérieur et pourront ainsi vivre en toute sûreté, la condition de leur bonheur public29. Un discours rappelé par Louis XVI lui-même dans sa réponse écrite aux plaintes présentées par les députés des États de Bretagne au début du mois de juin :
Je ne fais pas marcher des troupes contre mes sujets, mais pour mes sujets, pour protéger le citoyen soumis et tranquille, pour imposer à celui qu’une fermentation passagère pourrait égarer, pour le préserver ainsi contre lui-même et pour maintenir la sécurité30.
7En d’autres termes, l’obéissance rigoureuse des sujets au souverain est synonyme de passivité politique plutôt que de participation active de chacun aux affaires publiques qui conduirait inéluctablement aux troubles civils. Conformément à cet esprit, les militaires ne sont donc déployés à Rennes que pour préserver cet ordre harmonique. Remarquons, enfin, dans cette dernière citation l’usage du terme citoyen, assez exceptionnel chez Louis XVI avant 1789. Un débat aussi virulent que celui-ci entraîne fréquemment la contamination terminologique d’un discours par celui de l’adversaire. La polysémie des termes au xviiie siècle apporte une clé supplémentaire de compréhension. Même si une mutation profonde de son sens politique est en cours, ce terme est souvent encore entendu, à plus forte raison par la rhétorique absolutiste, dans son acception strictement civile, c’est-à-dire comme un quasi-synonyme de sujet31. Tel n’est plus le cas dans nos textes à propos du militaire.
Le militaire à l’école de la patrie et de la citoyenneté
8La seconde partie de notre contribution consacrée aux concepts de nation, de patrie et de citoyenneté en débat, doit être entendue, à notre sens, en priorité à travers le prisme du politique. En effet, nous formulons ici l’hypothèse qu’une majorité de ces écrits nobiliaires, qui émanent pour certains de la commission intermédiaire, ambitionne in fine de placer le glaive à la disposition de l’administration provinciale. Il n’est pas absurde de penser, en effet, que les États cherchent à accroître leur influence existante. On songe aux prérogatives importantes de la commission intermédiaire bretonne bien décrites par Stéphane Perréon, par exemple en matière de casernement des troupes32. Bien plus que par le passé encore, la mainmise sur l’armée deviendrait ainsi, au soir de l’Ancien Régime, un réel enjeu de pouvoir entre les États de Bretagne et l’administration royale. Mais comment parvenir à ce que l’armée ne soit plus placée sous l’autorité exclusive du roi et à ce qu’elle ne joue plus le rôle d’un bras coercitif du gouvernement ?
9À la veille de l’ouverture des États généraux, un auteur anonyme préconise, sous les traits d’un militaire partisan d’une régénération nationale de l’armée royale, de s’attaquer à son « esprit », à l’image d’un « édifice dont on veut conserver les matériaux pour en reconstruire un autre33 ». Armés des concepts de nation, de patrie et de citoyenneté, les parlementaires et leurs partisans nobiliaires ont, semble-t-il, suivi la même tactique quelques mois auparavant : opérer une véritable révolution intellectuelle dans l’esprit des militaires français. Ainsi, au traditionnel lien sacré et personnel qui unissait les gens de guerre à leur chef suprême, symbolisé par le serment, espèrent-ils substituer une loyauté nouvelle qui les attache en priorité à la nation et à ses lois. Du reste, s’interroge le rédacteur d’un libelle parlementaire, n’est-ce pas la collectivité nationale qui finance et entretient l’armée pour la défendre contre ses ennemis34 ? La métaphore classique de la mère-patrie, cette allégorie du sein maternel qui a nourri le soldat et attend de lui en retour d’être protégé, est également employée35. Se réappropriant une autre métaphore traditionnelle, celle du royaume-famille, la commission intermédiaire déplore dans une lettre adressée à Louis XVI de voir « le fils militaire qui porte ses armes contre le père citoyen, le frère qui assiège le frère, le Français qui immole le Français36 ». Agitant le spectre de la guerre civile, la pire de toutes les guerres, celle qui libère les plus bas instincts de l’homme, avec son cortège d’atrocités (barbarie, carnages, parricides, etc.), cette réflexion s’inspire de la peur du chaos profondément ancrée dans l’opinion collective des Français depuis le dernier quart du xvie siècle, y compris en Bretagne37. Le patriotisme pourrait bien en être le principal remède. Les avocats du barreau de Rennes, majoritairement solidaires de la haute-robe, estiment qu’il est « le ressort qui doit […] diriger [les militaires français], il faut l’augmenter et non l’affaiblir38 ». À cette fin, patriotisme, citoyenneté et fraternité s’agrègent et se confondent bientôt : « Au nom de la patrie en danger, à ce mot de patrie que notre bouche a la consolation de prononcer encore, Bretons ou non, officiers, soldats, citoyens sont tous frères39. » Pénétrés de cette conscience néopatriotique aux accents rousseauistes et prérévolutionnaires, les militaires ne pourront plus oublier que, avant d’être soldats, ils sont Français et citoyens40. Ces guerriers, dont la « première vertu41 » est d’être des citoyens, deviendront eux-mêmes les garants que la force armée ne sera jamais employée pour méconnaître les « droits de la patrie42 ».
10C’est bien la question de l’intensité de l’obéissance du militaire et ses limites éventuelles, et donc celle d’une possible désobéissance, qui sont posées ici. Concernant le sujet épineux du serment, l’obéissance inconditionnelle aux ordres serait une mauvaise interprétation de celui-ci. Le serment prêté au souverain aurait-il des bornes ? Un écrit proparlementaire indique qu’il ne peut être « un serment d’injustice et de cruauté43 ». Conscience morale et serment peuvent donc entrer en conflit. Face à un ordre reçu, les militaires-citoyens doivent reprendre l’habitude d’écouter en priorité la voix de la raison. Une brochure ministérielle, qui a parfaitement saisi les intentions à peine voilées du parti nobiliaire, lui reproche d’inciter les officiers à renoncer à leur serment et de vouloir les rendre « parjures44 ». De surcroît, dès lors qu’il n’y a pas d’ennemi à combattre, le degré de soumission exigé de la part du soldat ne serait nécessairement plus le même. Or, les Bretons n’étant ni des « ennemis45 », ni des « sujets rebelles et révoltés46 », mais au contraire des citoyens47, « armés seulement de la loi48 », « soumis49 » et « bons Français50 », les militaires ont-ils le devoir d’obéir aveuglément comme sur le champ de bataille ? La réponse est non. Ils ne doivent participer en aucune façon à la mise en œuvre des édits de mai et encore moins à la répression de ceux qui s’y opposent à Rennes et partout ailleurs dans la province. Il s’agit au fond d’une authentique invitation à la désobéissance au nom de l’amour de la patrie.
11Qualifiée de passive ou de servile, l’obéissance imposée par le serment, le respect de la hiérarchie régimentaire et une discipline stricte, encore réaffirmée par l’ordonnance royale du 25 mars 177651, ne saurait plus être invoquée par le militaire français comme une excuse pour justifier des actes contraires aux intérêts nationaux. Il risquerait d’être retranché du corps de la nation et mis à l’index par le tribunal de l’opinion publique précédemment évoqué52. Un aveuglement complet pourrait être poursuivi comme un « délit53 ». L’arrêt du Parlement de Rennes du 31 mai 1788 enjoint ainsi Thiard et ses troupes de cesser de faire usage de la force armée et de quitter la province sous peine d’être reconnus « coupables de lèse-majesté et de lèse-patrie54 ». L’effervescence prérévolutionnaire et en particulier la rhétorique intelligemment ciselée des robins bretons concourent ici à l’élaboration du futur délit de lèse-nation55.
12Obéir, en l’espèce, cesserait donc d’être honorable pour les gens de guerre. À ce sujet, il n’est pas rare de lire dans nos textes un appel à l’honneur des soldats, la vertu militaire par excellence56, lorsque sont mises en exergue les tâches « humiliantes57 », « déplorables58 » et « honteuses59 » qui leur sont ordonnées depuis le début du mois de mai. L’idée est d’attiser la répugnance que manifestent habituellement beaucoup d’officiers et de soldats lorsqu’ils sont chargés d’opérations de police. La verve antimilitariste auparavant observée cède subitement sa place à un éloge appuyé de la fonction du militaire, « la plus noble des professions60 » et un métier « honorable61 ». Ainsi, est-on persuadé que « l’uniforme français, toujours considéré comme la distinction du véritable honneur, ne sera pas teint du sang français62 ». Cette réhabilitation ambivalente n’est pas nouvelle. Elle trouve sa source dans l’épanouissement des pensées libérale et utilitariste au cours des années 1760-1770. En effet, ce n’est pas tant le modèle du guerrier ou du conquérant qui est encensé ici par une idéologie nobiliaire passée au tamis de l’esprit du siècle, mais bien plutôt la figure, plus modeste, du soldat payé par la nation pour être utile à la société en protégeant les propriétaires et les producteurs63.
13Enfin, une ultime réflexion peut être soulevée : quelles sont les suites de ces appels vibrants à l’insubordination ? Impossible de le savoir avec certitude. Certes, la fidélité des unités militaires est sérieusement mise à l’épreuve par la propagande pressante qui s’exerce auprès d’elles. En effet, quelques-unes de ces brochures sont rédigées spécifiquement à l’intention des officiers et soldats, puis distribuées subrepticement dans les garnisons. Mais il est très difficile d’évaluer l’influence exacte de tels écrits sur les comportements. Ce qui est avéré, en revanche, c’est qu’un petit nombre d’officiers nobles bretons de Penthièvre appelé en renfort ont averti les autorités qu’ils ne désiraient pas servir à Rennes pour ne pas avoir à affronter les manifestations favorables au Parlement64. Une mauvaise volonté qui peut aussi s’expliquer dans les faits par d’autres facteurs indépendamment associés : les liens familiaux, le rejet des innovations du « despotisme ministériel », le mécontentement à l’égard des réformes récentes de l’armée royale65, l’évolution de carrière et le clivage générationnel. Plus intéressante encore est la lettre du 18 juin 1788, adressée au comte de Botherel par le chevalier de Couëtin, capitaine au régiment Royal-la-Marine présent à Grenoble, contresignée par plusieurs officiers bretons (un manuscrit jusqu’à présent inédit)66. Rédigée onze jours après la terrible journée des Tuiles, cette missive constitue à la fois l’expression de sérieux doutes sur la nature de la mission en cours et un témoignage de soutien très fort à l’égard de la cause bretonne. Après avoir réaffirmé leur dévouement patriotique absolu67, les signataires déplorent devoir exercer « un métier bien cruel dans la circonstance présente » et, que, d’après eux, « il est affreux d’être forcé de servir le despotisme et d’être des instruments de la vexation, de la cruauté »68. Ils évoquent, enfin, l’hypothèse de la démission, « si la chose devient nécessaire », malgré les lourdes conséquences financières d’une telle décision69. Néanmoins, en dépit de ce malaise perceptible chez certains, l’obéissance des officiers et des hommes du rang semblerait avoir été plutôt la règle dans la Bretagne de 1788 comme ailleurs70. Cette assertion prudente méritera toutefois d’être pleinement confirmée à l’appui de futures recherches dans d’autres provinces.
14Terminons sur le cas particulier de Thiard, copieusement haï dès son arrivée en Bretagne au printemps 1788, qui connaît une forme de rédemption politique inattendue, devenant en quelque sorte un héros national du tiers état breton - « l’idole du peuple71 » selon l’avocat rennais Legars - grâce à son rôle central dans la résolution pacifique des violents heurts qui ont opposé à la fin du mois de janvier 1789 dans les rues de Rennes les « jeunes gens » du Tiers à la noblesse et ses domestiques (« journée des Bricoles »)72. Cédant à son tour à l’enthousiasme rhétorique ambiant, le ministère entend bien lui attribuer le nom de Britannicus pour son entreprise de pacification de « la malheureuse Bretagne73 ». Il n’est pas exclu que, tout en agissant efficacement pour préserver l’ordre public, le commandant militaire profite ainsi habilement des circonstances pour prendre sa revanche des vexations subies en mai-juin 1788.
15En conclusion, à travers le prisme du champ lexical, l’analyse de ces textes proparlementaires et anti-absolutistes, tirés de l’exemple breton, permet d’observer la mutation indéniable des représentations du militaire, de son identité sociale et de ses valeurs : l’obéissance et l’attachement au roi, ainsi que le rapport à la patrie. Tout à la fois, elle résulte d’un discours porté par différents courants idéologiques et prépare un nouvel état d’esprit bientôt consacré sous la Révolution avec les soldats-citoyens de l’armée nationale. Plus particulièrement, on entrevoit même ici, au sujet de l’obéissance du subordonné aux ordres du supérieur, les prémices de la fameuse théorie des « baïonnettes intelligentes74 ». Pourtant, il faut noter également la persistance même résiduelle d’une idéologie nobiliaire traditionnelle (le sens de l’honneur et l’importance de l’exemplarité), au service de la cause du Parlement et des États particuliers, à peine remise en cause par un antimilitarisme allergique au pouvoir arbitraire. Après tout, le libéralisme aristocratique est loin de considérer l’honneur et la liberté comme deux valeurs contradictoires. Il se propose bien au contraire de les concilier au cœur de la synthèse politique qu’il promeut en cette fin d’Ancien Régime.
Notes de bas de page
1 [Antoine Barnave], Esprit des édits enregistrés militairement au Parlement de Grenoble le 10 mai 1788, s.l.n.d., p. 22. Cette brochure au style grandiloquent fut composée à la fin du mois de mai 1788 et répandue avec profusion à Grenoble le 7 juin lors de la fameuse journée des Tuiles.
2 Parmi l’abondante littérature sur les édits de Mai, voir notamment les études classiques de Marcel Marion, Le garde des Sceaux Lamoignon et la réforme judiciaire de 1788, Paris, Hachette, 1905 et Jean Égret, La pré-révolution française, 1787-1788, Paris, PUF, 1962, auxquelles on peut toujours se reporter avec profit pour mettre en œuvre une recherche sur le sujet.
3 Sur le comte de Thiard, gentilhomme éclairé au passé militaire glorieux, voir Bernard Alis, Les Thiard, guerriers et beaux esprits, Paris, L’Harmattan, 1997. Prudente et ferme à la fois, l’action du commandant militaire durant la prérévolution bretonne y est présentée de manière détaillée (p. 209-231), contribuant ainsi à rectifier le portrait peu flatteur exécuté par Bertrand de Molleville dans le premier tome de l’Histoire de la Révolution de France. Pendant les dernières années du règne de Louis XVI, Paris, Giguet et Cie, an IX, t. I, p. 81 : « l’homme de France le moins propre aux affaires ». Pour des précisions sur le rôle de Molleville en cette occasion, voir notamment la notice que nous lui avons consacrée dans Jean-Pierre Zanco (dir.), Dictionnaire des ministres de la Marine, 1669-1958, Paris, SPM, 2011, p. 149-152.
4 Une position qui lui vaut les félicitations du ministère. AN O1 484, Lettre du baron de Breteuil, secrétaire d’État de la Maison du roi et chargé du département de la province de Bretagne, au comte de Thiard, 18 mai 1788, f° 200 v°.
5 Le déploiement de troupes dans une ville en paix, loin de faire décroître les troubles, semble les avoir aggravés. Favorable aux réformes en cours, Le Courrier de l’Europe rapporte qu’« il y a eu à Rennes quelque tumulte. On y a affiché dans la nuit divers placards répréhensibles, et qui ont été brûlés par la main du bourreau. On ajoute même qu’il y a eu plusieurs affaires particulières entre de jeunes gentilshommes et des officiers de la garnison. Le commandant de la province a pris des mesures pour remédier aux disputes particulières, dont l’unique et triste effet est d’augmenter la fermentation », [Charles Thévenau de Morande], Courrier de l’Europe, gazette anglo-française, Londres, E. Cox, 1788, 23/48, 13 juin 1788, p. 377. Voir également Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, fait en commission, à Rennes le 22 juin 1788, Rennes, Vatar, 1788, p. 43. Rennes et ses environs ne connaissent un apaisement tout relatif qu’avec l’établissement, à la fin du mois de juillet, d’un corps composé de plus de huit mille hommes. Quoique conservant son commandement, Thiard est alors relevé par le maréchal-duc de Choiseul-Stainville. Dans un mémoire composé longtemps après les faits, l’ancien avocat général au Parlement, Loz de Beaucours, prête à ce dernier des paroles prémonitoires : « Ce que les baïonnettes n’ont pu faire, le Tiers le fera ». Aperçu sur la Révolution, août 1820 dans Yves de Boisboissel, Le dernier avocat général au parlement de Bretagne, Hippolyte Loz de Beaucours 1746-1830, Paris, Mémoires d’Hommes, 2009, p. 209.
6 « Quelle entreprise nouvelle peuvent-ils donc encore méditer contre la liberté publique ? Quel peut être l’objet de toutes ces incursions militaires ? », Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 43. Voir également AN K 684 (177), Lettre adressée au roi par les commissaires des États de Bretagne, Rennes, 1er août 1788, f° 4 ; ainsi que les propos attribués au chevalier de Guer, l’une des figures de l’opposition nobiliaire aux nouveaux édits, dans La cour plénière, héroï-tragi-comédie, en trois actes et en prose ; jouée le 14 août 1788, par une société d’amateurs, dans un château aux environs de Versailles, par M. l’abbé de Vermond, lecteur de la reine : « Vous envoyez vingt-mille soldats en Bretagne ! Avez-vous le projet de la conquérir ou de la dévaster ? ». Basville et Paris, Veuve Liberté, à l’enseigne de la Révolution, 1788, p. 65.
7 Mon coup d’œil, s.l., 1788, p. 26.
8 Pour de plus amples développements sur ce paragraphe, voir Arthur Le Moy, Le Parlement de Bretagne et le pouvoir royal au xviiie siècle, Paris/Angers, H. Champion, Burdin, 1909, p. 541 et suiv. ; Jean Égret, « Les origines de la Révolution en Bretagne (1788-1789) », Revue historique, 213, 1955, p. 189-215 ; Roger Dupuy, La Bretagne sous la Révolution et l’Empire (1789-1815), Rennes, Éditions Ouest-France, 2004, p. 11-31 ; Sylvain Soleil, « La Bretagne nationalisée. Droit et idéologie dans le débat parlementaire des 8-11 janvier 1789 », dans J. Quaghebeur, S. Soleil (dir.), Le pouvoir et la foi au Moyen Âge en Bretagne et dans l’Europe de l’Ouest, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 579-599 ; et notre étude avec Ahmed Slimani, « La Bretagne : un autre laboratoire juridique et politique de la Révolution française (1788-1789) », Revue française d’histoire des idées politiques, 29, 2009, p. 95-148.
9 Dialogue entre le principal ministre et le père Séraphin, gardien des capucins, de la rue Saint-Honoré, s.l., 1788, p. 13.
10 Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 43.
11 Ibid., p. 6.
12 Voir notamment Bailey Stone, « Robe against Sword : the Parlement of Paris and the French Aristocracy, 1774-1789 », French Historical Studies, 9-2, 1975, p. 278-303.
13 Copie de la lettre dont un exemplaire fut mis sous la serviette de chaque officier de la garnison de Rennes à l’époque du trouble du mois de mai, s.l.n.d., p. 1. Cet imprimé est extrait d’un recueil factice de pièces consulté à la Bibliothèque municipale d’Aix-en-Provence (Méjanes) sous la cote Rec. B 270 tome III.
14 Voir Arrêté et protestation des dames de la noblesse de Rennes, séance du 30 juin 1788, s.l.n.d., p. 10 ; Lettre écrite au roi, le 28 août 1788, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, concernant l’éloignement du principal ministre, et la situation du royaume, Rennes, Vatar, 1788, p. 3.
15 Voir également Dialogue entre le principal ministre et le père Séraphin…, op. cit., p. 22 ; Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 8 et 44.
16 Voir par exemple Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres, mise en ordre par D. Diderot et J.-B. Le Rond d’Alembert, Paris, Briasson, 1751-1780, vo Satellite, t. 14, p. 686.
17 Très humbles et très respectueuses représentations de l’ordre des avocats au Parlement de Bretagne, au roi, Rennes, 9 août 1788, p. 50.
18 Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 44.
19 « Mais que veulent ces soldats ? Nous donner des chaînes ! », Mémoire présenté au roi, à Versailles, le 31 août 1788, par MM. les cinquante-trois députés des trois ordres de la province de Bretagne, s.l.n.d., p. 7.
20 Copie de la lettre dont un exemplaire fut mis sous la serviette de chaque officier de la garnison de Rennes…, op. cit., p. 1 ; AN K 684 (165), Lettre adressée au roi par les commissaires des États de Bretagne, Rennes, 31 mai 1788, f° 2 v°.
21 Voir [A. Barnave], Esprit des édits enregistrés militairement au Parlement de Grenoble le 10 mai 1788, op. cit. ; Id., Profession de foi d’un militaire. Discours prononcé dans un conseil militaire, s.l.n.d. [Grenoble, juillet 1788], 8 p. ; [Emmanuel-Henri-Louis de Launay, comte d’Antraigues], Mémoire sur les États généraux, leurs droits et la manière de les convoquer, s.l., 1788, p. 254-255 ; [François de Chastenay], Lettre d’un gentilhomme bourguignon à un gentilhomme breton, s.l., 1788, p. 13-14.
22 Voir à ce sujet Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme français, 1750-1770. La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans, Oxford, Voltaire Foundation, 1998.
23 Sur ce point, voir Ahmed Slimani, La modernité du concept de nation au xviiie siècle (1715- 1789). Apports des thèses parlementaires et des idées politiques du temps, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, p. 376-378.
24 Voir Bernard Gainot, « La critique de l’armée professionnelle comme armée privée du despote à partir des contributions de Jean-Paul Marat », dans J.-C. Romer, L. Henninger (dir.), Armées privées, armées d’État. Mercenaires et auxiliaires d’hier et d’aujourd’hui, Paris, Irsem, 2010, p. 81-96 ; François Quastana, La pensée politique de Mirabeau (1771-1789). « Républicanisme classique » et régénération de la monarchie, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2007, p. 106-121. Pour une mise au point récente et particulièrement intéressante sur le républicanisme classique, voir Dan Edelstein, The Terror of Natural Right. Republicanism, the Cult of Nature, and the French Revolution, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.
25 Voir Christian Cheminade, « Les Robes et le Sabre : du bon usage de l’armée selon la littérature parlementaire (1763-1774) », dans G. Goubier-Robert (dir.), L’armée au xviiie siècle (1715-1789), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1999, p. 123-133 ; Arnaud Vergne, La notion de constitution d’après les cours et assemblées à la fin de l’Ancien Régime (1750-1789), Paris, De Boccard, 2006, p. 68 ; Julian Swann, « “Silence, Respect Obedience” : Political Culture in Louis XV’s France », dans H. Scott, B. Simms (dir.), Cultures of Power in Europe during the Long Eighteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 242-247.
26 À la noblesse bretonne, s.l.n.d., p. 8.
27 Simon-Nicolas-Henri Linguet, Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle [désormais APCL], Bruxelles, 1788, t. 14, p. 312. Pour de plus amples développements sur les opinions politiques de cet absolutiste iconoclaste, nous nous permettons de renvoyer à notre article « “Le fameux Linguet, cet avocat des Néron et des Caligula” », dans L’histoire institutionnelle et juridique dans la pensée politique, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2006, p. 91-121.
28 Ce qui ne fut pas toujours le cas dans ses écrits précédents. Outré par les excès du « despotisme ministériel », voici comment il dépeignait les forces militaires une dizaine d’années auparavant : « La force impérieuse de la discipline en fait les tyrans de leur patrie, après en avoir fait l’effroi de ses rivaux. Une fois enrégimentés, ce ne sont plus que des instruments aveugles, à qui l’usage même du raisonnement est interdit. […] Eh ! nos soldats sont-ils moins esclaves, moins liés à l’obéissance passive, qui exclut l’examen [que les moines] ? […] N’est-ce pas à servir les passions les plus violentes [que le soldat] se dévoue par essence ? Son premier devoir, et son plus grand mérite, n’est-il pas d’être sourd, impitoyable, obéissant comme son fusil ? La discipline ne lui en fait-elle pas même une nécessité ? », APCL, Londres, 1777, t. I, Réflexions préliminaires, p. 23.
29 Pour une analyse en détail de ce discours, voir notre thèse dactylographiée, Défenses et justifications de la monarchie absolue en France au xviiie siècle (1715-1789), sous la direction de C. Bruschi et M. Ganzin, soutenue à l’université Paul-Cézanne - Aix-Marseille 3, 2007, à paraître.
30 AN K 684 (183), Réponse du roi aux représentations faites par MM. les députés et procureur général syndic des États de Bretagne, le 10 juin 1788, f°1.
31 Voir notamment Pierre Rétat, « The Evolution of the Citizen from the Ancien Régime to the Revolution », dans R. Waldinger, P. Dawson, I. Woloch, Wesport (dir.), The French Revolution and the Meaning of Citizenship, Westport (Conn.), Greenwood Press, 1993, p. 3-15 ; Frédéric Bidouze, « Polysémie et diachronie du terme de citoyen dans les discours parlementaires au xviiie siècle : essai d’interprétation », dans C. Fiévet (dir.), Invention et réinvention de la citoyenneté, Pau, J. Sampy, 2000, p. 97-112 ; Raymonde Monnier, Républicanisme, patriotisme et Révolution française, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 93-115.
32 Voir Stéphane Perréon, L’armée en Bretagne au xviiie siècle. Institution militaire et société civile au temps de l’intendance et des États, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 57-64.
33 Un militaire à la nation, s.l.n.d., 1789, p. 7, note I.
34 Dialogue entre le principal ministre et le père Séraphin…, op. cit., p. 22.
35 Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 44.
36 Lettre adressée au roi par les commissaires des États de Bretagne, Rennes, 1er août 1788, op. cit., f° 4-4 v°.
37 Voir, en dernier lieu, sur cet aspect, Philippe Hamon, « Paradoxes de l’ordre et logiques fragmentaires : une province entre en guerre civile (Bretagne, 1589) », Revue historique, 671, 2014, p. 597-628.
38 Très humbles et très respectueuses représentations de l’ordre des avocats…, op. cit., p. 50. Sur l’activisme des avocats rennais à cette époque, on peut se reporter à Hervé Leuwers, L’invention du barreau français 1660-1830. La construction nationale d’un groupe professionnel, Paris, Éditions de l’EHESS, 2006, p. 232-243 ; Id., « La liberté par les libertés. Trois barreaux parlementaires contre la réforme Lamoignon (Aix, Rennes, Toulouse. 1788) », dans A. J. Lemaitre (dir.), Le monde parlementaire au xviiie siècle. L’invention d’un discours politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 239-253.
39 Lettre écrite au roi par les commissaires de la Navigation, établis par les États de Bretagne, s.l., 3 juin 1788, p. 2.
40 Voir Itératives remontrances signées de plus de 1500 gentilshommes bretons, et portées au roi par douze députés, du 20 juin 1788, p. 3 ; Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 44 ; Lettre écrite au roi, le 28 août 1788, par la commission intermédiaire des États de Bretagne…, op. cit., p. 3.
41 Très humbles et très respectueuses représentations de l’ordre des avocats…, op. cit., p. 50.
42 Copie de la lettre dont un exemplaire fut mis sous la serviette de chaque officier de la garnison de Rennes…, op. cit., p. 1.
43 [Armand du Couëdic], Suite du précis historique des événements de Bretagne, dédié à M. Bertrand, intendant de cette province, seconde partie, Rennes, aux dépens de la province de Bretagne, 1788, épître dédicatoire, p. XV. L’auteur est un jeune conseiller au Parlement de Rennes, réfugié à Londres depuis le mois de juillet 1788.
44 À la noblesse bretonne, op. cit., p. 7.
45 Copie de la lettre dont un exemplaire fut mis sous la serviette de chaque officier de la garnison de Rennes…, op. cit., p. 2.
46 Urbain-René de Hercé, Discours fait au roi par M. l’évêque de Dol à la tête des députés, en lui présentant le mémoire ci-dessus le 30 juillet 1788, en Bretagne, 1788, p. 7. Le discours du prélat est imprimé à la suite du Mémoire remis au roi, le 30 juillet 1788, par les députés et commissaires des États de Bretagne, fait par nous commissaires des États de Bretagne, le 29 juillet 1788, 5 p.
47 Voir Lettre à Mgr de Lamoignon, Garde-de-Sceaux, s.l.n.d., p. 1.
48 Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 43.
49 Lettre écrite au roi, le 28 août 1788, par la commission intermédiaire des États de Bretagne…, op. cit., p. 3.
50 Au principal ministre, s.l., juin 1788, p. 3.
51 Ordonnance du roi, portant règlement sur l’administration de tous les corps, tant d’infanterie, que cavalerie, dragons et hussards […]. Du 25 mars 1776, Paris, Imprimerie royale, 1776, p. 41.
52 Voir Très humbles et très respectueuses représentations de l’ordre des avocats…, op. cit., p. 50.
53 Ibid., p. 51.
54 Arrêt de la cour du Parlement de Rennes, rendu le 31 mai 1788, chambres assemblées, s.l., p. 15.
55 « Depuis plusieurs mois, Messieurs de Rennes ont d’ailleurs pris l’habitude de manier cette incrimination pour mieux condamner les projets ministériels notamment en matière de fiscalité. » A. Slimani, La modernité du concept de nation au xviiie siècle (1715-1789)…, op. cit., p. 458. Après avoir remarqué que cette formule n’était pas « neuve », un imprimé ministériel rappelle que, durant la Fronde, des « bourgeois souverains » avaient déjà menacé les troupes du roi de crime de lèse-majesté. De la puissance monarchique, et du pouvoir judiciaire ; ou observations d’un conseiller au présidial de Rouen. Adressées à M. B…, avocat en Parlement, au sujet des Mémoires qu’il a publiés dans l’affaire du sieur de K., s.l., 1788, p. 10.
56 Voir Hervé Drévillon, L’impôt du sang. Le métier des armes sous Louis XIV, Paris, Tallandier, 2005, p. 430-436.
57 Itératives remontrances signées de plus de 1500 gentilshommes bretons…, op. cit., p. 3.
58 Très humbles et très respectueuses représentations de l’ordre des avocats…, op. cit., p. 50.
59 Mémoire adressé au roi, par la commission intermédiaire des États de Bretagne, op. cit., p. 43. Sur la dimension de maintien de l’ordre des devoirs militaires, voir les travaux de Catherine Denys.
60 Copie de la lettre dont un exemplaire fut mis sous la serviette de chaque officier de la garnison de Rennes…, op. cit., p. 1.
61 Très humbles et très respectueuses représentations de l’ordre des avocats…, op. cit., p. 50.
62 [A. du Couëdic], Suite du précis historique des événements de Bretagne…, op. cit., p. xv.
63 Une telle vision se retrouve particulièrement dans les Représentations de l’ordre des avocats, op. cit., p. 50 ; et, quelques mois plus tard, dans de nombreux cahiers de doléances de la noblesse et du Tiers à travers le royaume. Annie Crépin, Histoire de la conscription, Paris, Gallimard, 2009, p. 63-64. Cette évolution vers un « un nouveau lien national » résulte aussi, en partie, des dernières réformes de la monarchie visant à renouveler l’organisation militaire. Arnaud Guinier, « De l’autorité paternelle au despotisme légal : pour une réévaluation des origines de l’idéal du soldat-citoyen dans la France des Lumières », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 61/2, 2014, p. 150-175, notamment p. 171-174.
64 Voir Olivier Chaline, « L’armée de terre française, les révoltes et la Révolution », Le bouleversement de l’ordre du monde. Révoltes et révolutions en Europe et aux Amériques à la fin du 18e siècle, Paris, Sedes, 2004, p. 336.
65 En particulier la fameuse ordonnance du 17 mars 1788 marquée de l’empreinte du Conseil de la guerre où le comte de Guibert, « militaire-philosophe », exerça son zèle réformateur en tant que rapporteur. Pour une discussion sur cette réforme et ses conséquences, voir Rafe Blaufarb, « Le Conseil de la guerre (1787-1789) : aspects sociaux de la réforme militaire après l’édit de Ségur », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 43/3, 1996, p. 446-463.
66 ADIL 35 J 1, Lettre au comte de Botherel, Grenoble, 18 juin 1788, f° 278-279. Plusieurs signatures y figurent : le chevalier de Coüetin, capitaine au régiment Royal-la-Marine (rédacteur de la lettre) ; le chevalier de La Bourdonnaye, officier au régiment d’Austrasie (il s’agit de François-Régis de La Bourdonnaye [1767-1839], jeune officier depuis 1786, il participe en 1791 à des actions en faveur de Louis XVI, arrêté, puis libéré, de retour en Bretagne, il est ensuite une des figures de l’émigration militaire dans l’armée de Condé ; revenu définitivement en France en 1802, rallié à l’Empire ; conseiller puis président du conseil général du Maine-et-Loire jusqu’en 1830, chef de file des ultras à la Chambre des députés sous la Restauration, néanmoins, fidèle au libéralisme aristocratique de sa jeunesse, il est adepte d’une monarchie parlementaire et du respect des libertés individuelles, il entretient des rapports fort conflictuels avec les gouvernements successifs, et ne sera élevé que tardivement à la Pairie en janvier 1830 après une brève carrière ministérielle ; après la Révolution de juillet 1830 et la décision de Louis-Philippe d’annuler toutes les nominations de Charles X, il se retire en son château de Mesangeau près de Beaupréau en Anjou) ; le chevalier de Jacquelot du Boisrouvray, capitaine au régiment Royal-la-Marine (vingt années de service en 1788, il sera contraint de quitter ses fonctions en 1790) ; Poulpiquet de Kermen, lieutenant au régiment Royal-la-Marine ; Mauduit de Kervern, capitaine au régiment Royal-la-Marine (issu d’une famille normande établie en Bretagne depuis le milieu du xviie siècle) et Mauduit du Plessix, officier au régiment Royal-la-Marine (parent du précédent).
67 « Étant prêts à faire tous les sacrifices pour prouver à nos concitoyens qu’avant tout, nous chérissons notre patrie, que nous connaissons nos devoirs envers elle, et que nul intérêt ne nous retiendra jamais », ibid., f° 278.
68 Ibid., f° 278 v°.
69 Ibid.
70 Voir René Pillorget, « Les problèmes du maintien de l’ordre public entre 1774 et 1789 », dans Le règne de Louis XVI et la guerre d’Indépendance américaine, Angers, J. de Viguerie, 1977, p. 209-212. Pour un jugement plus réservé sur ce point, voir O. Chaline, « L’armée de terre française, les révoltes et la Révolution », art. cité, p. 336-337.
71 AN K 684 (187), Legars, avocat au Parlement, Lettre au comte de Thiard, s.l.n.d., f° 1 v°. Cette missive a sans doute été rédigée entre le 28 et le 30 janvier 1789.
72 Le comte de Thiard fait le récit détaillé des manifestations d’enthousiasme qu’il reçoit à Rennes dans deux lettres, l’une adressée à Laurent de Villedeuil le 13 février 1789 et l’autre le lendemain à Necker. S’il paraît un peu gêné dans un premier temps, craignant que cela ne contribue à renforcer les soupçons de la noblesse bretonne - AN H 419 (189), f° 1-1 v° - il semble finalement soulagé par la résolution pacifique des troubles et encore ému par les témoignages chaleureux du Tiers. AN H 419 (190), f° 1-1 v°. Dans sa réponse, Villedeuil l’exhorte à continuer « de faire le bien » sans prêter attention aux insinuations et aux « malhonnêtetés » à son endroit. AN O1 485, Lettre de Laurent de Villedeuil, secrétaire d’État de la Maison du roi et chargé du département de la province de Bretagne, au comte de Thiard, 20 février 1789, f° 145.
73 AN O1 485, Lettre de Laurent de Villedeuil au comte de Thiard, 6 février 1789, f° 102 v°.
74 Pour des éléments de réflexion sur l’émergence intellectuelle et juridique de cette théorie, on peut se reporter à l’étude du doyen Jacques Verhaegen, La protection pénale contre les excès de pouvoir et la résistance légitime à l’autorité, Bruxelles, Bruylant, 1969.
Notes de fin
1 Sauf précision particulière, les sources imprimées citées dans la présente étude ont été consultées à la Bibliothèque nationale de France et à la Bibliothèque municipale de Rennes (Les Champs libres).
Auteur
-
Stéphane Baudens
Maître de conférences de l’université d’Aix-Marseille/détaché aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan
Maître de conférences en histoire du droit de l’université Paul-Cézanne Aix-Marseille (UPCAM), détaché aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan depuis 2008. À travers la parution d’ouvrages et d’articles, il travaille actuellement sur les discours touchant la réforme de l’État absolutiste au xviiie siècle et les origines provinciales de la Révolution française.
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