Dire l’homme d’armes du xve siècle
L’exemple des mémoires et biographies chevaleresques franco-bourguignons
p. 19-34
Résumé
Si le capitaine attire très souvent l’attention des historiens, ses subordonnés sont, eux, trop souvent, négligés par la recherche. Et l’on ignore beaucoup de choses de la considération dont ils bénéficiaient de la part de leurs contemporains. Pourtant, lorsque l’on interroge les mémoires militaires et les biographies chevaleresques, on constate que même si dans ces textes leur place reste somme toute minime, ils sont loin d’y être ignorés. Les auteurs médiévaux, au contraire, se livrent à de régulières plongées dans la vie des « sociétés militaires » que constituent les armées. Et ils nous permettent de découvrir combien les valeurs et les qualités propres aux élites chevaleresques circulent et trouvent à s’illustrer à tous les niveaux de la hiérarchie. Aussi, même lorsqu’ils demeurent anonymes, les subordonnés se révèlent, en puissance, des hommes tout autant dignes d’éloges que le sont leurs commandants. Eux aussi se voient reconnaître les mérites des plus grands chevaliers, quand ils ne se voient pas adoubés par la plume d’un auteur. C’est entre autres pour cette raison que les guerres trouvent, pour les livrer, des contingents d’hommes d’armes qui ambitionnent de se hisser dans le monde grâce au métier des armes. À eux, sous les bannières, de se faire remarquer par leurs qualités : vaillance au combat, succès sur le champ de bataille, loyauté absolue au prince encore se trouvent célébrés et recherchés aussi bien dans le chef du capitaine que dans celui de son subordonné. L’homme de troupe, à tout niveau de l’armée, n’est donc pas une machine anonyme, mais bien un potentiel héros.
Texte intégral
1Dépasser le capitaine pour étudier les membres d’une armée médiévale a longtemps constitué un véritable obstacle pour les spécialistes d’histoire militaire. La figure du commandant a attiré l’attention des auteurs médiévaux et l’intérêt des historiens. Mais ceux qui en suivaient les ordres demeurent les parents pauvres de la recherche. On soulignera, toutefois, la qualité de plusieurs enquêtes biographiques qui nous offrent les premières clefs pour accéder à ce milieu de subordonnés1. Ces travaux, reposant principalement sur des sources d’archives, des actes de la pratique, ne disent que peu de chose de la considération dont jouissaient ces hommes, non seulement de la part de ceux qui les dirigeaient, mais, plus largement, de la part du milieu militaire.
2Dans cette contribution, nous n’étudierons pas la place de ceux qu’on doit, faute de mieux, qualifier d’« hommes de troupe » dans l’institution militaire. Notre objectif sera plutôt de mettre en évidence la façon de peindre leur portrait. Pour ce faire, nous recourrons à deux types de sources complémentaires, à savoir d’une part aux mémoires rédigés par des vétérans des guerres du temps et de l’autre aux biographies chevaleresques composées en vue de célébrer une carrière vouée au métier des armes. De la première catégorie dépendent les œuvres de Guillaume de Villeneuve, Jean de Haynin et Olivier de La Marche ; de la seconde les Livres des fais de Jean le Maingre, dit Boucicaut, et de Jacques de Lalaing ainsi que la chronique que Guillaume Gruel composa en l’honneur d’Arthur de Richemont. Ces mémoires et biographies portent une grande attention à la pratique de la guerre et à la place qu’y occupent les individus ou les groupes armés. De plus, les auteurs des premières partagent leurs origines sociales avec les héros des secondes, et ce malgré les différences nettes entre l’excellence du lignage de Bretagne et la modestie de celui de Haynin, par exemple. On notera encore le fait que ces livres sont généralement rédigés au soir des carrières des personnages dont ils suivent les pas : Boucicaut gouvernait Gênes, sommet de sa carrière aux ordres de Charles VI, et Villeneuve revenait du voyage de Naples de Charles VIII, Jean de Haynin et Olivier de La Marche avaient mis un terme à leur carrière sous les bannières tandis qu’Arthur de Richemont et Jacques de Lalaing étaient décédés. Toutes ces raisons - les modalités de la composition des œuvres, la proximité sociale des auteurs et des héros de biographie, leur partage d’une façon de faire la guerre et comme de concevoir leur place dans la société - amènent à considérer ces textes comme formant un corpus cohérent. Tous ont cherché à dire une expérience militaire particulière, dans le respect des conventions qu’ils étaient précisément en train de fonder2 ; la volonté d’éduquer ou d’inspirer un public, selon les axes qu’ils jugeaient à propos3, ici ceux de la guerre4. Ces textes ont par ailleurs la particularité, à l’exception de la biographie de Boucicaut, achevée dans la première décennie du xve siècle, d’avoir été composés dans la seconde moitié de celui-ci, soit au moment où se mettent en place les premières armées permanentes, en France comme en Bourgogne5. La reconfiguration profonde du statut et de la place du combattant ouvrait alors une période propice à la réflexion sur son identité. Le défi fut bien de trouver comment dire un nouveau type de militaire. Une nouvelle typologie, de nouvelles conceptions étaient-elles nécessaires ? Or, on constate que malgré cet hiatus chronologique entre première et seconde moitiés du siècle, et les évolutions majeures de l’art de la guerre advenues au cours de cette période, les mêmes sujets d’inquiétude et les mêmes considérations se répètent. Les nouveautés trouvent donc leur place dans des cadres qui leur préexistent, sans doute ponctuellement redessinés, ce qui explique, aussi, la capacité de la guerre chevaleresque à les assimiler6.
3Au-delà d’une attention à la politique conduite par les ducs de Bourgogne et rois de France, la focale de ces textes est régulièrement pointée vers l’expérience quotidienne de la vie des camps, des campagnes et des divertissements chevaleresques. Dans un cas comme dans l’autre, les auteurs ont cherché à dépasser l’énumération des hauts faits et des manifestations du courage individuel pour évoquer une « société militaire » dans laquelle chacun, capitaine comme artisan, cavalier comme canonnier, avait sa place. C’est dans cette attention témoignée à tous, et pas seulement aux premiers des combattants, que se trouve l’une des richesses de ces sources en même temps qu’un de leurs points communs. L’intérêt d’une telle enquête est donc de quitter les prescriptions des théoriciens pour approcher les valeurs qui circulaient au sein même des armées du temps. Malgré les profondes différences entre les auteurs - tant d’un point de vue social que culturel -, les mots qu’ils utilisent et la place qu’ils réservent aux subordonnés, bien que minime, permettent d’isoler un certain nombre de données et de constantes grâce auxquelles on peut répondre à trois questions capitales. Le subordonné était-il uniquement bon à exécuter des ordres ? Se trouvait-il chargé d’autres responsabilités ? Comment était-il perçu par ceux qui avaient à le commander ?
La valeur des mots
4Lorsqu’il s’agit d’évoquer celui qui obéit aux ordres, les mots utilisés ne sont, au vrai, guère variés. Ce sont les mêmes termes qui apparaissent dans tous les textes étudiés. Cela étant, il ne nous semble pas que cette relative pauvreté lexicale traduise une pauvreté du discours. Si les formules se répètent, c’est parce qu’elles traduisent parfaitement les valeurs communes au milieu des hommes de guerre auquel appartiennent tant les auteurs étudiés ici que leurs lecteurs et auditeurs. Il nous est donc possible de comprendre l’importance que ces termes revêtent, en fonction de la fréquence de leur utilisation et du contexte de leur mise en scène. En somme, de faire ressortir les traits par lesquels se caractérisent, avec plus ou moins de force, les membres de l’armée.
5Dans tous ces textes, les auteurs s’attachent avant tout à décrire ceux avec qui ils ont fait campagne ou qui se sont trouvés à combattre aux côtés de leur héros. L’attention qu’on leur témoigne est sans commune mesure avec celle que l’on porte aux troupes adverses, ce qui s’illustre entre autres dans une tendance certaine à l’enjolivement et aux longs développements. Pour cette raison, c’est avant tout à cette première catégorie que nous nous intéresserons, n’utilisant la description de l’adversaire que comme un utile contrepoint.
6On observe en premier lieu que le jugement négatif demeure assez rare lorsque l’auteur parle des hommes de son propre camp. Pour un peu, il semblerait que nul défaut ne puisse venir enlaidir le portrait de l’armée. Ce quasi-silence ne doit pas être mal interprété. Il ne provient pas d’une volonté d’autocélébration dépourvue de toute imagination, mais plutôt d’une autocensure. Nos auteurs paraissent en effet régulièrement choisir de passer sous silence les événements les moins glorieux auxquels ils ont assisté ou dont ils ont été informés. Agir autrement reviendrait à « trahir », certes a posteriori, la fidélité qui les liaient, voire les lient encore, à leurs compagnons d’armes7. L’ennemi est, au contraire, très souvent caractérisé par ses défauts, ce qui, dans certains cas, est justifié. Signalons ainsi que Jean de Haynin, seigneur hennuyer présent dans les armées des ducs Philippe et Charles de Bourgogne, qualifie les Liégeois de la bataille de Montenaeken (1465) de « gens d’asses legier conseil8 ». Il est vrai que ces derniers étaient sortis à la rencontre de l’armée bourguignonne, persuadés que celle-ci se résumait à ce qu’ils pouvaient en voir, soit son avant-garde. La méprise leur fut fatale9. Lorsque les auteurs formulent des reproches à l’égard de leurs propres rangs, ils accablent de honte celui, gentilhomme comme archer, qui abandonne son chef10, le « traistre et lache11 » ou celui qui refuse au capitaine la confiance qui lui est due12. Pour autant, le nom des coupables n’est que rarement cité, l’incapacité de s’en souvenir faisant figure d’excuse bien commode, et peut-être fondée13. On constate donc qu’il importe moins de se souvenir des coupables que de souligner, en négatif, ce qui doit, idéalement, toujours être respecté, à savoir la fidélité aux capitaines et aux frères d’armes.
7Lorsqu’il s’agit de mettre à l’honneur des hommes de guerre, le procédé le plus courant est de citer leurs noms. Cela peut se faire sans même préciser de quelles qualités ils firent montre au combat14. La seule mention de leur participation suffit à les distinguer du reste des combattants et à faire comprendre que leur conduite fut digne de mémoire15. Toutefois, ce procédé ne nous permet pas d’approcher les causes de cette distinction et nous maintient à l’extérieur de la microsociété qu’est l’armée.
8Moins obscures sont les expressions « bel assaut », ou « belle emprise »16. Elles signalent les auteurs de ces actions comme des experts dans les voies de la guerre. Mais on peine encore à voir plus loin puisque c’est le résultat qui est mis en évidence, et non la façon dont celui-ci fut obtenu. Plus claire est la comparaison, même si elle apparaît très rarement dans nos sources. Ainsi, lors de la bataille de Nicopolis (1396), s’il faut en croire l’anonyme biographe du maréchal Boucicaut, on put voir de « nobles jouvenciaulx de la fleur de lis qui la se combatoient, non mie comme enfans, mais comme se ce fussent tres endurcis chevaliers17 ». Les qualités de ces derniers ne sont pas rappelées, sans doute parce que cela était inutile pour les lecteurs et auditeurs de ce genre de texte, déjà membres ou proches du milieu chevaleresque. Ce qui importe ici est que l’on adoube virtuellement les « jouvenceaux », les faisant de la sorte accéder au sommet de la hiérarchie sociomilitaire.
9Le recours à des adjectifs et des substantifs pour évoquer les qualités des combattants traduit mieux encore les idées des auteurs. Le terme « gentil » est ainsi utilisé pour décrire non seulement l’élite chevaleresque, mais aussi des personnages d’extraction moins remarquable qui, par leurs actions, se sont signalés aux yeux de leurs contemporains. C’est de ce terme que l’on qualifie aussi bien un anonyme archer de la compagnie du comte de Saint-Pol, particulièrement redoutable lors de la guerre du Bien public (1465)18, que le chevalier Antoine de Halewyn lorsqu’il combattit dans la ville de Liège en 146819. De la même façon utilise-t-on l’expression « de bonne estoffe20 » ou les adjectifs « beau », « grand », « bon » ou « honorable »21. Il arrive également que les auteurs recourent à des superlatifs, comme pour établir une gradation dans la valeur martiale. C’est ainsi que l’on voit des hommes d’armes se comporter « tres bien » tandis qu’en même temps d’autres, plus âgés et déjà renommés, le font « tres vaillanment »22. De façon plus ou moins absolue, on tend à associer le combattant, quel que soit son état, quelle que soit son origine ou sa spécialité, au chevalier, qui sert donc de mètre étalon. Au vrai, Jean de Bueil ne disait pas autre chose quand il affirmait que le service des armes anoblissait autant que le sang23. C’est par rapport à ce modèle, comme on pouvait déjà le deviner avec les comparaisons, qu’est évaluée la qualité des membres de l’armée.
10Derniers éléments complétant ce tableau, deux qualités chevaleresques sont régulièrement mises en avant par nos auteurs. La vaillance, sur laquelle nous allons revenir, et la hardiesse. Si cette dernière peut, parfois, être mauvaise conseillère, comme lorsqu’elle inspira les Liégeois qui tentèrent, en 1468, de prendre le camp bourguignon d’assaut et furent presque tous tués sur place24, elle est généralement valorisée par les théoriciens de la pratique de la guerre25, et ce d’autant plus qu’elle occupe le centre de la culture chevaleresque26. D’ailleurs souvent associée à la vaillance27, elle apparaît comme une qualité indispensable du combattant qui, sans elle, se trouve pratiquement désarmé28. Les auteurs de mémoires et de biographies chevaleresques paraissent donc refuser d’entrer dans le débat opposant prouesse et sagesse, qui se cristallise pourtant au même moment autour de la figure du capitaine, lorsqu’ils ont à aborder la figure du subordonné29.
11Enfin viennent la « vaillance » et ses dérivés, véritables champions au sein du vocabulaire mobilisé par les auteurs. Pour reprendre les mots d’Olivier de La Marche, « vaillance est entre les bons si privilegiée et de telle aucthorité, qu’elle doit estre manifestée, publiée et dicte de petite personne ou de petit estat comme de plus grans30 ». C’est cette qualité, sans contredit, qui rallie les suffrages et devient le dénominateur commun de nos auteurs31. Presque toujours rehaussée d’adverbes tels que « moult » ou « tres », elle s’applique aussi bien aux héritiers de familles prestigieuses32 qu’à des personnages de moindre importance, parfois anonymes33, et même qu’à des groupes de combattants. Les Suisses aux ordres de Charles le Téméraire se montrent ainsi une « tres vaillan gent » lors des affrontements de la Ligue du Bien public et y gagnent même le si précieux « onneur34 », de la même façon que le seigneur de fiennes et Jean de Rubempré se comportent « tres vaillanment » et acquièrent « bon bruit »35 ou que Mathieu, le Grand Bâtard de Bourbon, combat « moult vaillamment et vertueusement » dans le royaume de Naples36. Ce prestige ne s’obtient d’ailleurs pas uniquement dans et par la victoire. Même lorsque la défaite est au rendez-vous, les actes de bravoure ne sont pas absents. Ainsi en va-t-il à Huy, en 1467, tandis que les révoltés liégeois expulsent l’élu de Liège Louis de Bourbon et les capitaines bourguignons qui le protègent. Ceux-ci, de haut parage ou de rang plus modeste, s’y illustrent par leur vaillance et sont pour cela dignes d’un « tres grant honneur37 ». Le combattant de valeur, quel que soit son extraction sociale ou son rôle à la guerre, se trouve donc à même d’acquérir l’honneur, qualité essentielle de la chevalerie qu’il est en mesure d’illustrer par ses moindres actions38.
12De la sorte, tous ces combattants, des hommes d’armes aux archers, se montrent, par leurs vertus, mais aussi, peut-être, par leur appartenance à la compagnie de tel grand capitaine et courtisan, dignes de confiance dans le métier des armes39. De la même façon que le nom du capitaine est adopté par les hommes sous ses ordres40, ses qualités sont, jusque dans une certaine mesure, transférées, par proximité physique pourrait-on dire, à ceux qu’ils dirigent et inspirent41. Plus largement, et le fait que certains hauts faits ont sans aucun doute été inventés ou à tout le moins « améliorés » ne vient que le confirmer, elles rattachent leurs hérauts au monde de la chevalerie.
Une loyauté armée
13L’attention témoignée à des actions souvent très limitées dans le temps n’empêche donc pas nos auteurs d’avoir une vision d’ensemble des actions qu’ils décrivent. Transparaît au fil de leurs lignes un discours par lequel ils donnent forme au monde qui est le leur. Et même si cette capacité à prendre de la hauteur n’est pas également partagée par tous, le point focal de leur réflexion demeure l’interaction entre ces valeurs et l’efficacité globale de l’armée. Il ne s’agit pas uniquement d’acquérir l’honneur l’épée à la main, mais, avant tout, de contribuer à la réussite d’une entreprise collective impliquant des frères d’armes, des personnes dont l’auteur ou son héros dépendent autant qu’elles dépendent de lui. On le voit lorsque sont évoqués l’exemple que donnent de vaillants chevaliers à des compagnons d’armes ou la capacité d’un renfort à restaurer le courage parmi des premiers rangs bousculés par l’adversaire42. Réaliser de beaux faits d’armes, ce n’est pas uniquement acquérir la gloire. C’est veiller à la sauvegarde des frères d’armes43, c’est contribuer à la solidarité militaire.
14Cette diffusion des valeurs propres à l’élite de la société militaire - les grands chevaliers et les princes - nous apparaît également comme l’un des moyens de discipliner la troupe en l’attachant à ses commandants. Certes, dans une large proportion, le milieu d’origine - la noblesse - était commun à tous les membres de l’armée, et ceux qui n’y appartenaient pas ne désiraient rien tant que s’y agréger. Mais le fait même que les termes usités pour désigner les élites le soient pour désigner leurs subordonnés traduit une cohérence interne au sein de l’armée indispensable à l’existence de cette microsociété en en excluant, autant que faire se peut, les facteurs de dissension et de faiblesse. Ce phénomène, qui dérive très certainement de l’isonomie unissant « tous les gens d’armes dans une communauté de statut44 », double très certainement l’attention portée par les pouvoirs centraux à l’encadrement disciplinaire des troupes qu’ils mobilisaient à leur service45. Il dit aussi, « à hauteur d’hommes », ce qu’entraîne une évolution de la pratique de la guerre qui remonte, au moins, au xive siècle, à savoir la place progressivement conquise par la roture dans les armées qui s’accompagne de la diminution du nombre d’adoubés dans ces mêmes troupes46. Si nos auteurs ne sont pas unanimes dans leur appréciation de cette nouveauté, il ressort toutefois de leur lecture que la tendance est plutôt à l’accepter en l’inscrivant dans des cadres - élitistes - établis et légitimés par la tradition.
15Discipliner la violence et les hommes de guerre apparaît donc comme indispensable. Les considérations de nos auteurs sur les subordonnés viennent ainsi compléter le portrait que l’on dresse du capitaine47. Celui-ci se voit chargé de l’organisation de l’armée (ravitaillement, transmission des ordres, disposition sur le champ de bataille…), ce qui ne peut que passer par l’établissement de son autorité, ainsi que le souligne entre autres Olivier de la Marche48. Or, à bien y regarder, le meneur ne peut rien sans une armée déjà formée, au moins pour une partie de ses membres, à l’art de la guerre. La société militaire se compose donc d’experts, de professionnels avant la lettre aussi bien au sommet qu’au bas de sa hiérarchie49. Et le fait que cette affirmation sorte de la plume de capitaines ou soit, plus ou moins directement, dictée par eux indique bien que, dans cette tentative de représentation du monde par le prisme des élites50, une réelle considération était apportée à la troupe, incarnée plutôt que réifiée. En somme, alors que le titre de chevalier tendait à devenir avant tout « une décoration distribuée par les princes et les souverains en vue de récompenser des mérites, souligner ou susciter des liens de fidélité et de compagnonnage51 », les valeurs de la chevalerie se diffusent dans la troupe et trouvent à s’illustrer dans chacun de ses membres. Dès lors, les armées ne se conçoivent nullement comme des masses qui se commandent mécaniquement, suivant scrupuleusement les ordres de leur capitaine comme le feraient des automates, mais sont investies de personnalités et donc de qualités - et de défauts - propres aux personnalités qui les composent. Il nous est donc possible de répondre aux deux premières questions qui ouvraient notre enquête. Le subordonné fait plus qu’exécuter les ordres, il peut se montrer l’égal des chevaliers. En cela, sa responsabilité est de contribuer par ses propres mérites à la victoire de son parti. Il devient donc le sujet de l’attention de nos auteurs, qui le hissent au niveau de l’élite guerrière. On constate donc qu’une culture visant une strate particulière de la société refuse de se limiter à ses destinataires premiers et s’attarde sur ceux qu’elle ne peut directement atteindre. Reste encore à savoir - par le biais d’une enquête que l’on devra mener sur base d’autres matériaux, telles les lettres de rémission52 ou actes de la pratique judiciaire53 - si ces derniers ont assimilé cette culture chevaleresque.
16Plus encore, l’honorable action peut trouver à se sublimer au-delà même de la réussite sur le terrain. Guillaume de Villeneuve, vétéran de la première Guerre d’Italie (1494-1495), le dit d’ailleurs clairement à Fornoue (1495)54 :
[Charles VIII] fust promptement secouru de bons et hardis cap pitaines et autres gens de guerre, qui estoyent à tours de luy, et aussi de plusieurs gentilshommes qu’il avoit nourris, qui point ne l’abandonnèrent, mais bien et vaillament, comme bons et loyaux subjets et serviteurs, le servirent pour le jour.
17Au final, c’est à cette fin que toutes ces belles et chevaleresques qualités doivent être mobilisées. Le service, loyal55, du capitaine ou du prince devient le souverain bien. Cela peut échapper aux auteurs eux-mêmes qui, à force d’écrire « à hauteur d’homme », négligent parfois les mutations de l’appareil militaire. Toutefois, célébrants des campagnes le plus souvent décidées par le prince, ils font de celles-ci de véritables gestes chevaleresques, leur offrant de la sorte un surcroît de légitimité. Puisque les seules guerres qu’il est légitime de conduire sont celles décidées par le prince, le roi ou le pape, elles ne peuvent qu’être menées de la meilleure des façons, en mobilisant ce qui fait la grandeur de la chevalerie.
Une société sous tensions
18Est-ce à dire, pour autant, que la vision de l’armée est unanimement positive ? Que rien ne vient trahir cette belle uniformité de propos ? Non. Car même si les remarques allant en sens contraire sont rares, elles traduisent sans doute une tension interne à la sociabilité des armes que, précisément, on cherche à taire sans tout à fait y parvenir. Ou plutôt que l’on évoque à titre préventif.
19Jean de Haynin s’attarde ainsi, aux premiers temps de la guerre du Bien public, sur les accrochages qui opposent plusieurs membres de l’armée bourguignonne, au point de faire un mort, dont le nom est même donné : Didier, un archer, originaire de Mons. Celui-ci n’est pas pleuré, l’auteur évitant de livrer son avis, du moins en toutes lettres, sur les événements, préférant souligner les qualités de ceux qui s’y distinguèrent56. On pourrait croire que même la violence opposant des compagnons d’armes est considérée comme légitime, comme naturelle. Un élément nous semble toutefois devoir être soulevé à l’encontre de cette vision des choses. Le fait que le nom de la victime soit enregistré. Certes, le pauvre archer ne peut être lié à aucune famille, aucune structure socioprofessionnelle. On a pu, précédemment, reprocher à Haynin une plume besogneuse et occupée à l’accumulation d’informations inutiles57. Il semble toutefois plus judicieux de voir ici un discret rappel. L’homme est Montois, donc Hennuyer, comme l’auteur qui l’évoque et, potentiellement, ses lecteurs. L’effet de proximité ne peut être innocent. Pourquoi, sinon, prendre la peine de le mentionner ? L’avertissement est ici très discret. Il est inconcevable pour l’auteur de détruire, dès l’entame de son ouvrage, les bases de la construction théorique qu’il entend défendre. Toutefois, il refuse que ses lecteurs l’ignorent. Les qualités martiales ne sont pas toujours utilisées à de bonnes fins. Aux personnes en charge de la discipline donc, de prendre les mesures pour que cela ne se produise pas, ou point trop souvent58.
20Remarquons également que si Didier n’est pas oublié, cela n’est pas vrai de tous. Quelques pages plus loin, Haynin évoque l’attaque d’une place forte dont l’artillerie fait parmi les rangs des ligueurs « aucune menue gens tues et blechies59 ». Il reste donc une classe inférieure d’hommes de guerre, celle que constituent les petits qui n’eurent pas le temps de se hausser dans la hiérarchie martiale. Mais aussi, peut-être, ceux qui n’ont pu tenir leur rang60.
21Revenons, pour conclure, à l’homme d’armes. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, les mots qui définissent les qualités des combattants ne sont pas utilisés comme des marqueurs de distinction des individualités par rapport à une masse indistincte et donc forcément peu valeureuse. Le processus est différent. Il n’exclut nullement les anonymes, qu’il s’agisse d’individus dont le nom n’est pas parvenu jusqu’à nos auteurs ou de groupes trop importants pour que chacun de leurs membres soit nommément cité. Tout combattant, même le plus petit, est au contraire, en puissance, aussi remarquable que ceux qui le commandent. Il peut prétendre à leurs mérites et gagner sa part de gloire chevaleresque, quand il ne se trouve pas adoubé par la plume de quelque auteur61. Il n’est d’ailleurs pas insignifiant qu’à plusieurs reprises les entreprises militaires soient recherchées par des hommes d’armes « desireux d’actroistre leur honneur et renommee62 », au point qu’il arriva à Philippe le Bon de faire « seoir messire Jaques de Lalain emprès luy et au dessus de luy, et [dire] qu’il vouloit tenir les anciennes bonnes coustumes, qui estoient que l’on debvoit honorer le meilleur chevalier du jour63 ». Si elle apparaît, discrètement, de temps à autre, par exemple par le biais des adoubements au soir de la bataille64, la notion de progrès dans la hiérarchie militaire grâce à l’accumulation de hauts faits n’est pas clairement exprimée dans nos textes. Pour autant, il nous paraît difficile de l’exclure entièrement. Un certain nombre d’éléments concordants - certes le plus souvent trouvés dans d’autres catégories de documents65 - tendent en effet à prouver cet état de fait. La vaillance au combat, les succès sur le champ de bataille au service du prince, la loyauté absolue sont autant d’éléments qui déterminent aussi bien le capitaine que le subordonné. La relation de tous ces hauts faits ne pouvait que jouer le rôle d’aiguillon dans la pratique de la guerre de leurs lecteurs, que ceux-ci soient amenés à commander ou à être commandés66. Et l’attachement aux aspects les plus prosaïques de la guerre67 relève en fait de la même logique, qui est de préparer à l’exercice de la guerre, autant du moins que le permet l’écrit. finalement, ces textes offrent l’image d’une troupe composée non de machines, mais de potentiels héros. Voilà pourquoi l’armée apparaît comme un « réservoir à exploits », que ceux-ci soient individuels ou collectifs. Au moment où le prince tend à organiser à son service une armée qui lui serait un outil permanent, les auteurs que nous avons étudiés s’efforcent de maintenir vivants, en leur donnant une nouvelle aire d’expansion et d’expression, les usages et la morale de la chevalerie. Il ne s’agit pas de s’opposer à une décision venant chambouler l’ordre des choses - encore que, dans les faits, la prolongation du service armé tendait à faire de certains capitaines des guerriers, presque, permanents - mais bien de lui offrir un « complément d’âme », de définir ce que devrait être la condition de l’homme de guerre, pour ne pas écrire la condition militaire.
22Malgré cela, sans doute observe-t-on ici l’une des limites de ce qui constituerait autrement un adoubement de masse proposé par nos auteurs. Si les qualités chevaleresques résident potentiellement dans chaque soldat, les auteurs ne peuvent que reconnaître, à tout le moins, que tous n’en font pas le même usage. Aussi la volonté de chacun de nos auteurs, qui traduit évidemment des conceptions communes à la société dans laquelle ils évoluent, ne permet-elle pas de considérer la pratique guerrière comme une activité ne ressortissant qu’aux règles chevaleresques et offrant une voie morale exemplaire à ceux qui y prennent part, les traces sont là d’une dichotomie évidente entre ce qui devrait être et ce qui est. L’effort est donc patent non de masquer mais d’offrir une solution, ou au moins une esquisse de solution, à l’ouverture sociale et à la prolongation du métier des armes. Peut-être d’ailleurs est-ce aussi dans ce choix que réside l’une des clefs de la survie de la société militaire française créée par les ordonnances de Charles VII par-delà la victoire de 145368. Néanmoins, cette volonté d’offrir une chevalerie virtuelle à tout membre des armées françaises et bourguignonnes se heurte aux contingences de la guerre et n’empêchera pas la relégation et la disqualification sociales futures d’une part certaine de ceux qui feront de la guerre leur métier.
Notes de bas de page
1 On prendra pour exemple Bertand Schnerb, « Fortune et infortune de messire Tassin Gaudin », dans Jacques Paviot et Jacques Berger (dir.), Guerre, pouvoir et noblesse au Moyen Âge. Mélanges en l’honneur de Philippe Contamine, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2000, p. 629-639, où le sujet de l’enquête se hissera à des postes de commandement au fil de sa carrière.
2 Pour le cas de Villeneuve, voir ainsi Cristian Bratu, « Revisiting Guillaume de Villeneuve’s Viatique », The Explicator, 68/4, 2010, p. 207-211.
3 Joël Blanchard, « Nouvelle histoire, nouveaux publics : les mémoires à la fin du Moyen Âge », dans Jean-Philippe Genet (dir.), L’histoire et les nouveaux publics dans l’Europe médiévale, xiiie-xve siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 41.
4 Ce qui explique notre choix de ne pas retenir, entre autres, Philippe de Commynes, dont les considérations sur la guerre ne se situent pas au même niveau que celles des auteurs ici choisis.
5 Notons que Jacques de Lalaing disparaît avant leur introduction en Bourgogne, mais pas en France. Et l’on constate que son biographe tend, dans le choix de sa narration, à faire - déjà - un guerrier permanent de Jean le Maingre.
6 On pourrait par ailleurs objecter que les termes de comparaison sont trop déséquilibrés entre auteurs ou sujets antérieurs aux compagnies d’ordonnances et auteurs ou sujets ayant servi à leur époque. Une telle remarque serait recevable si les deux Livre des fais étaient sensiblement différents dans leurs idéaux des autres textes traitant en premier lieu de questions militaires, chroniques comme textes de droit. Or, il n’en est rien.
7 Voir, pour le cas des défaites et de l’arsenal discursif mis en œuvre dans un contexte bourguignon, Christophe Masson, « Écrire la défaite militaire en pays bourguignon. Pour une réévaluation du discours sur la guerre », dans Paul Delsalle, Gilles Docquier, Alain Marchandisse, Bertrand Schnerb (dir.), Pour la singuliere affection qu’avons a luy. Études bourguignonnes offertes à Jean-Marie Cauchies, Turnhout, Brepols, 2017, p. 311-317.
8 Jean de Haynin, Mémoires. 1465-1477, éd. par D. D. Brouwers, Liège, Société des bibliophiles liégeois, 1905, p. 121. Cette édition, incomplète, devrait bientôt être remplacée par celle, en préparation, de Françoise Vieillard, publiée par la Société de l’histoire de France.
9 Claude Gaier, Art et organisation militaires dans la principauté de Liège et dans le comté de Looz au Moyen Âge, Bruxelles, Palais des Académies, 1968, p. 339-341.
10 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., t. 2, 1906, p. 74.
11 Guillaume de Villeneuve, Mémoires, éd. par Joseph-François Michaud, Jean-Joseph-François Poujoulat, Paris, Éditeur du commentaire analytique du Code civil, 1837, p. 385.
12 Guillaume Gruel, Chronique d’Arthur de Richemont, connétable de France, duc de Bretagne (1393-1458), éd. par Achille Le Vavasseur, Paris, Renouard, 1890, p. 149.
13 Ainsi en est-il lors de la première phase de la bataille de Montlhéry (1465). Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 68-69.
14 Par exemple dans Guillaume Gruel, Chronique d’Arthur de Richemont, op. cit., p. 105.
15 Voir Yuval Noah Harari, Renaissance Military Memoirs. War, History and Identity, 1450- 1600, Woodbridge, The Boydell Press, 2004, p. 175-178, pour lequel cette habitude est principalement réservée aux nobles, ce qui n’est pas le cas dans les textes que nous avons étudiés.
16 C’est ce genre d’expression qu’utilise avant tout Guillaume Gruel, Chronique d’Arthur de Richemont, op. cit., p. 131 (pour un exemple).
17 Le livre des fais du bon messire Jehan le Maingre, dit Bouciquaut, mareschal de France et gouverneur de Jennes, éd. par Denis Lalande, Genève, Droz, 1985, p. 110.
18 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 36.
19 Ibid., t. 2, p. 80.
20 Le livre des fais, op. cit., p. 353.
21 « Le livre des faits de Jacques de Lalaing », dans Georges Chastellain, Œuvres, t. 8, éd. par Joseph Bruno Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, Victor Devaux, 1866, p. 255 (bon) ; Olivier de La Marche, Mémoires, éd. par Henri Beaune, Jules d’Arbaumont, II, Paris, Renouard, 1883, p. 11-12, 21 (beau) ; III, 1885, p. 15 (grand), 239 (honorable), 268 (beau).
22 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 71.
23 Cité par David Potter, « Chivalry and Professionalism in the French Armies of the Renaissance », dans David J. B. Trim (dir.), The Chivalric Ethos and the Development of Military Professionalism, Leyde, Brill, 2003, p. 16.
24 Ainsi qu’en juge Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 77.
25 Par exemple sous la plume de Christine de Pizan, Le livre des fais d’armes et de chevalerie, Bibliothèque nationale de France, Paris, Manuscrit français 603, ff. 5v, 7r ; ou dans Le livre de l’art de chevalerie de Vegesce. Traduction anonyme de 1380, éd. par L. Löfstedt et al., Helsinki, Suomalainen Tiedeakatemia, 1989, p. 45.
26 Craig Taylor, Chivalry and the Ideals of Knighthood in France during the Hundred Years War, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 129.
27 Guillaume de Villeneuve, Mémoires, op. cit., p. 397 ; Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 181 ; Le livre des fais, op. cit., p. 136 ; Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 324.
28 Guillaume de Villeneuve, Mémoires, op. cit., p. 383.
29 La question n’est pourtant pas évacuée, au même moment, par les auteurs de traités didactiques d’art militaire. À ce sujet, nous nous permettons de renvoyer à Christophe Masson, « Des chevaliers irréfléchis. Peur et témérité dans les traités d’art militaire (c. 1330- c. 1530) », dans Marion Trévisi, Laurent Vissière (dir.), Le feu et la folie. L’irrationnel et la guerre de la fin du Moyen Âge à 1920, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 101- 112. Pour le débat entre prouesse et sagesse chez le capitaine, voir Élisabeth Gaucher, La biographie chevaleresque. Typologie d’un genre. xiiie-xve siècle, Paris, Honoré Champion, 1994, p. 587-588.
30 Alors même que l’on sait que cet auteur se montre régulièrement plus enclin à évoquer les actions des classes sociales supérieures que celles des personnages de moindre importance. Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 324 ; Catherine Emerson, « Le rôle de quelques personnages mineurs dans les Mémoires d’Olivier de la Marche », Le Moyen Âge, 112/3-4, Jean Devaux, Alain Marchandisse (dir.), Littérature et culture historiques à la cour de Bourgogne, Bruxelles, De Boeck, 2006, p. 496.
31 Guillaume de Villeneuve, Mémoires, op. cit., p. 383 ; Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., II, p. 80, 144 ; Le livre des fais, op. cit., p. 95, 136 ; Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 21 et 35 (au milieu de l’énumération des qualités d’un chevalier), 31.
32 Comme Antoine de Halewyn et Baudouin II de Lannoy. Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., t. I, p. 59.
33 Guillaume de Villeneuve, Mémoires, op. cit., p. 383, 386 ; Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., II, p. 190 ; Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 39, 324.
34 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 100 (pour les Suisses) ; Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 21.
35 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 165 ; II, p. 136 (pour Philippe de Mastain).
36 Guillaume de Villeneuve, Mémoires, op. cit., p. 383.
37 Pierre de Hénin-Liétard, seigneur de Boussu, et Evrard de La Marck. Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 210-211. Pour d’autres exemples de vaillants hommes d’armes défaits, voir Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 39, 256.
38 Tel que défini par Craig Taylor, Chivalry and the Ideals of Knighthood, op. cit., p. 55.
39 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 37 ; Le livre des fais, op. cit., p. 45.
40 Ainsi lors de la bataille de Monthléry Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 68 nomme-t-il « Charolais » les hommes aux ordres du comte Charles et Bourguignons ceux que conduit le maréchal de Bourgogne.
41 C’est d’ailleurs l’avis des chroniqueurs du temps. Jean Devaux, « L’image du chef de guerre dans les sources littéraires », Publication du Centre européen d’études bourguignonnes (xive-xvie s.), 37, Images et représentations princières et nobiliaires dans les Pays-Bas bourguignons et les régions voisines (xive-xvie s.), Neuchâtel, Centre européen d’études bourguignonnes, 1997, p. 126-128.
42 Le livre des fais, op. cit., p. 109-110, 248, Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 227.
43 Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., t. II, p. 249.
44 Hervé Drévillon, L’individu et la guerre. Du chevalier Bayard au Soldat inconnu, Paris, Belin, 2013, p. 43.
45 Philippe Contamine, « Le combattant dans l’Occident médiéval », dans Le combattant au Moyen Âge, Nantes, Éditions CID, 1991, p. 21.
46 Id., Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Études sur les armées des rois de France. 1337- 1494, Paris, École pratique des hautes études/Mouton, 1972, p. 227-228 ; Id., « Points de vue sur la chevalerie en France à la fin du Moyen Âge », Francia, 4, 1976, p. 264-265.
47 Voir par exemple Aldo A. Settia, De re militari. Pratica e teoria nella guerra medievale, Rome, Viella, 2008, p. 67-88.
48 Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 320 ; Jean Devaux, « L’image du chef de guerre », art. cité, p. 117.
49 Ces observations font écho à celles posées par David J. B. Trim, « Introduction », dans Id. (dir.), The Chivalric Ethos, op. cit., p. 1.
50 Yuval Noah Harari, Renaissance Military memoirs, op. cit., p. 183.
51 Philippe Contamine, « Points de vue sur la chevalerie », art. cité, p. 285.
52 Pour la Bourgogne ducale, voir les thèses de doctorat suivantes : Rudy Beaulant, Les lettres de rémission des ducs de Bourgogne. Étude sur les normativités sociales, politiques et juridiques, Université Bourgogne Franche-Comté, 2018 et Quentin Verreycken, L’État de grâce. Guerre et usage du pardon en Angleterre, France et anciens Pays-Bas au xve siècle, université Saint-Louis Bruxelles-UCLouvain, 2018.
53 On renverra ici aux travaux de Valérie Toureille, dont Crime et châtiment au Moyen Âge, Paris, Seuil, 2013 et Vol et brigandage au Moyen Âge, Paris, PUF, 2006, tout en mentionnant la volonté de discipliner ses troupes qui émane des ordonnances militaires, qui ne s’appliquaient certes pas à toutes les parties de l’armée, de Charles le Téméraire ou de Charles VII. Fabien Delpu, « Les textes de l’ost, du milieu du xve siècle au début du xvie siècle », dans Sylvie Leluc, Antoine Leduc, Olivier Renaudeau (dir.), D’Azincourt à Marignan. Chevaliers & bombardes, 1415-1515, Paris, Gallimard/Musée de l’Armée, 2015, p. 32-39 ; Richard Vaughan, Charles the Bold. The Last Valois Duke of Burgundy, nelle éd., Woodbridge, The Boydell Press, 2002, p. 225-227. Était-ce là une manière de les rendre plus « chevaleresques » ?
54 Guillaume de Villeneuve, Mémoires, op. cit., p. 383. Pour cette question, voir Benjamin Deruelle, De papier, de fer et de sang. Chevaliers et chevalerie à l’épreuve de la Modernité (ca 1460-ca 1620), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, entre autres p. 258-260 et, dans une perspective complémentaire, Sara Fourcade, « De l’utilité des lettres dans la carrière des armes. Guerre et culture écrite en France au xve siècle », Le Moyen Âge, 121/1, Jonathan Dumont, Christophe Masson (dir.), Le pouvoir par les armes, le pouvoir par les idées, 2015, p. 21-40.
55 Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 17, 293 ; III, p. 272, pour un contre-exemple.
56 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 24-25.
57 Cette vision négative transpire littéralement des pages de Marthe Bronckart, Étude philologique sur la langue, le vocabulaire et le style du chroniqueur Jean de Haynin, Bruxelles, Palais des Académies, 1933. Il convient d’y préférer les travaux de Claude Thiry, « Jean de Haynin », dans Hans U. Gumbrecht, Dagmar Tillmann-Bartylla (dir.), Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, 11/2, La littérature historiographique des origines à 1500 (Partie documentaire), Heidelberg, Carl Winter, 1993, p. 141-144 ; Anne-Catherine de Nève de Roden, « Les Mémoires de Jean de Haynin : des “mémoires”, un livre », dans Claude Thiry (dir.) « À l’heure encore de mon escrire ». Aspects de la littérature de Bourgogne sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire, Louvain-la-Neuve, Lettres romanes, 1997, p. 31- 52 ; Anh Thy Nguyen, « L’écriture de l’histoire à la fin du Moyen Âge : une étude textuelle et matérielle des Mémoires de Jean de Haynin », Questes, 36, 2017 [en ligne] et Id., Les Mémoires de Jean de Haynin. Une écriture, un discours et un témoignage dans l’entre-deux, travail de fin d’études de master en Histoire, université catholique de Louvain, 2012-2013.
58 On retrouve cette idée dans son commentaire des pillages commis contre les ordres du duc Charles par ses hommes lors de la prise de la ville de Liège en 1468. Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., II, p. 81. Voir, à propos de cette question en contexte bourguignon, Michael Depreter, « Moult cruaultéz et inhumanitéz y furent faictes. Stratégie, justice et propagande de guerre sous Charles de Bourgogne (1465-1477) », Le Moyen Âge, 121/1, p. 41-69.
59 Jean de Haynin, Mémoires, op. cit., I, p. 35.
60 À l’image des chevaliers et gentilshommes bourguignons déjà évoqués qui abandonnent le terrain dès le premier accrochage de la bataille de Monthléry. Ibid., p. 68-69.
61 Pour reprendre l’expression de David Potter, « Chivalry and Professionalism », art. cité., p. 16 : « Chivalry and professionalism (in the sense of expertise) were, then, for the French aristocracy, two sides of the same coin. »
62 Le livre des fais, op. cit., p. 45-46 (citation), 136 ; Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 32.
63 À l’occasion de la guerre de Gand. Olivier de la Marche, Mémoires, op. cit., II, p. 250.
64 Le livre des fais, op. cit., p. 222.
65 Ainsi dans les traductions de Végèce, qui viennent compléter l’exemple de Tassin Gaudin déjà évoqué. Christopher T. Allmand, « The De re militari of Vegetius in the Middle Ages and the Renaissance », dans Corinne Saunders, Françoise Le Saux, Neil Thomas (dir.), Writing War. Medieval Literary Responses to Warfare, Woodbridge, Boydell, 2004, p. 20.
66 Ces valeurs survivront à la première Modernité, ainsi que l’expose Benjamin Deruelle, De papier, de fer et de sang, op. cit., p. 125-129.
67 Justement souligné par Anh Thy Nguyen, « La pratique de la guerre et la guerre en pratique chez Jean de Haynin. Le récit des expéditions de Charles le Téméraire au pays de Liège (1465-1468) », dans Anne Besson, Emmanuelle Poulain-Gautret, Bien dire et bien aprandre, t. 33, Combattre (comme) au Moyen Âge, 2018, p. 119-130. Nous tenons à remercier ici l’auteur de nous avoir donné accès à son travail avant sa publication.
68 Philippe Contamine, Guerre, État et société, op. cit., p. 544-546.
Auteur
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Christophe Masson
FRS-FNRS/ULiège
Docteur en histoire, art et archéologie de l’université de Liège. Il consacre ses recherches à l’histoire militaire des anciens Pays-Bas, de la France et de l’Italie de la fin du Moyen Âge et du début des Temps modernes. Ses travaux envisagent les armées comme des microsociétés répondant à leurs propres lois, coutumes, usages, hiérarchies, structures sociales et normes. Cet axe de recherche est complété par son exploration de la culture militaire de cette époque au travers des mémoires rédigés par les vétérans des guerres de l’époque et des traités théoriques d’art militaire qui se diffusent à grande échelle à partir des derniers siècles du Moyen Âge. Il est l’auteur de Des guerres en Italie avant les guerres d’Italie. Les entreprises militaires françaises dans la Péninsule à l’époque du Grand Schisme d’Occident, École française de Rome, 2014, et de nombreux articles. Il a codirigé, avec J. Dumont, C. Masson, le volume 121/1 de Le Moyen Âge, Le pouvoir par les armes, le pouvoir par les idées, 2015, ainsi qu’un hors-série de la Revue du Nord : É. Bousmar, A. Marchandisse, C. Masson, B. Schnerb (dir.), La bâtardise et l’exercice du pouvoir (xiiie-début xvie siècle) (2015).
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