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Environnement et santé

 | 
Maryse Deguergue
, 
Marta Torre-Schaub

Première partie. Inégalités et injustices environnementales face au progrès

Innovations technologiques et inégalités sociales et environnementales

Catherine Larrère

Texte intégral

  • 1  Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001 [1986], (...)
  • 2  Marc Audétat (dir.), Sciences et technologies émergentes. Pourquoi tant de promesses ?, Paris, Her (...)

1Biotechnologies, nanotechnologies, biologie synthétique, robots, intelligence artificielle : tous les jours, ou presque, une nouvelle « révolution technologique » est annoncée dont nous devrions attendre des changements considérables. À l’inverse, lorsqu’il s’agit de désigner la transformation complète de la société qu’exige la détérioration de nos rapports avec la nature, c’est tout juste si l’on parle, modestement, de transition, et, plutôt qu’écologique, on préfère souvent la qualifier d’énergétique, ce qui, une fois de plus, met l’accent sur l’importance du changement technique. Comme l’a remarqué Ulrich Beck, le développement technique a absorbé l’imaginaire social et politique qui, au xixe et encore au xxe siècle, nourrissait les utopies, comme si toute la puissance de transformation sociale était maintenant au seul pouvoir des changements scientifiques et techniques1. L’avenir radieux que l’on nous fait entrevoir aujourd’hui est porté par les promesses technologiques2.

2Ce qui était auparavant l’objet d’un débat politique portant sur les modalités du changement social et leur légitimité devient le résultat automatique d’un progrès technique dont on envisage surtout les effets individuels : vivre plus longtemps, sinon toujours, en bonne santé, voir ses potentialités physiques et intellectuelles considérablement augmentées, ne manquer de rien… Ces progrès en sont-ils véritablement ? Et si c’est le cas, seront-ils accessibles à tous ? La promesse d’une humanité augmentée ne provoque-t-elle pas souvent la crainte d’une humanité divisée en deux espèces, dont l’une serait soumise à l’autre ? Et si l’imaginaire de l’esclavage continue ainsi de hanter l’humanité, cela ne tient-il pas à ce que la technique qui s’affiche comme une promesse de libération se révèle un vecteur de domination non seulement de la nature mais aussi des hommes entre eux ?

3Interroger le contenu social des innovations technologiques, plus particulièrement du point de vue des inégalités qui peuvent en résulter, c’est mettre en cause l’optimisme technologique et ouvrir la boîte noire de l’articulation présumée entre changement technique et développement économique, pour faire apparaître le milieu social, autant qu’environnemental, auquel sont liées les techniques.

I. L’optimisme technologique : des inégalités temporaires ?

  • 3  Allen Buchanan et al., From Chance to Choice : Genetics and Justice, Cambridge, Cambridge Universi (...)
  • 4  « A rising tide lifts all the boats », cité par Marie Duru-Bellat, Pour une planète équitable. L’u (...)

4Les promesses techniques sont anciennes : on peut faire remonter au moins à René Descartes et au Discours de la méthode (1637), l’annonce que, grâce à des connaissances scientifiques orientées vers l’utilité pratique, les humains vivront plus longtemps, plus confortablement, plus heureusement… Pourquoi refuserait-on pareils avantages ? Mais l’objection surgit bien vite : tout le monde pourra-t-il en profiter ? À cette question de justice, la réponse est classique. Sans doute les innovations technologiques profitent-elles d’abord aux privilégiés, mais peu à peu, elles deviennent accessibles au plus grand nombre, tout particulièrement dans les démocraties soucieuses d’égalité des chances. C’est ce qui s’est passé avec les automobiles ou les voyages en avion qui, d’abord réservés à une minorité, se sont peu à peu généralisés. Il n’y a pas de raison que ce ne soit pas à nouveau le cas avec les nouvelles technologies comme la génétique, que celle-ci soit au service de la thérapie ou de l’amélioration des capacités humaines. Tel est l’argument avancé, entre autres, par l’économiste Allen Buchanan dans sa justification de l’eugénisme libéral3. L’idée de base en est que la diffusion marchande des innovations technologiques en fait baisser le prix et augmente leur diffusion. Sont ainsi associés les changements scientifiques et techniques et la croissance économique. La même idée se retrouve dans l’argumentaire libéral en faveur des inégalités : du moment que l’égalité des chances est raisonnablement assurée et que la concurrence sur le marché n’est pas faussée, les inégalités économiques peuvent être au profit des plus pauvres car l’enrichissement des plus riches les tire vers le haut, à la façon dont la marée montante finit par « soulever tous les bateaux4 », comme disait Kennedy dans un discours de 1963. C’est ainsi que le développement technique couplé à une économie de marché est censé apporter le progrès social (plus d’égalité, moins de pauvreté et diminution des maux – ignorance, mauvaise santé – qui y sont associés).

  • 5  Thomas Piketty, Le capital au xxe siècle, Paris, Seuil, 2013.
  • 6  Jean Gadrey, Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, Paris, Les petits matins, (...)

5Mais ces arguments en faveur de la croissance économique, pour répandus qu’ils soient, ont été sérieusement remis en question. Des études sur l’accroissement des inégalités au xxie siècle, menées notamment par Thomas Piketty5, il ressort que les effets de la croissance sont de moins en moins largement distribués, et n’enrichissent que ceux qui sont déjà les plus riches, alors que les stratégies économiques conduisant à transporter les activités productives dans les pays où la main-d’œuvre est la moins chère alimentent le marché international sans profiter aux plus pauvres des pays producteurs. À ce doute sur la généralité des effets bénéfiques de la croissance et sur la possibilité de sa poursuite indéfinie6 s’ajoutent des interrogations sur les limites de celle-ci, ce qui touche plus directement aux conséquences des changements techniques et tend à mettre en question la confiance dans leur diffusion et leur accessibilité au plus grand nombre.

  • 7  Fred Hirsch, Les limites sociales de la croissance, préface par Jean Gadrey, Paris, Institut Veble (...)

6C’est la question des limites sociales de la croissance mise en évidence par un économiste, Fred Hirsch7. Il appelle cela le « paradoxe de l’abondance », qui est aussi celui de l’égalité : l’accès garanti également à chacun ne signifie pas l’accès pour tous. Il y a des biens, dits « positionnels », dont la jouissance dépend précisément de l’impossibilité pour le plus grand nombre d’y avoir accès. Il existe donc un certain type de rareté sociale absolue. L’innovation technologique en fait partie.

  • 8  David Hume, « De la naissance et du progrès des arts et des sciences » [1742], dans Essais moraux, (...)
  • 9  Adam Smith, Théorie des sentiments moraux, Paris, Puf, 1999, part. IV, chap. 1, p. 252-253.

7Comme l’ont montré David Hume et Adam Smith, dans des sociétés inégalitaires (comme l’étaient les monarchies de leur époque et comme le sont encore – même si c’est différemment – les démocraties d’aujourd’hui), l’imitation qui est à la base du changement social vient d’en haut : on veut ressembler aux plus riches ou aux mieux placés8. C’est l’estime comparative qui entretient, pour chacun, le désir d’améliorer son sort. Le goût pour la perfection ou la nouveauté technique joue un grand rôle dans cette course à l’imitation : si certains sont, comme le remarquait Smith, prêts à payer très cher pour avoir la montre la plus exacte possible, ce n’est pas qu’ils aient vraiment besoin d’être d’une ponctualité extrême, c’est plutôt que la perfection ainsi réalisée les séduit comme elle séduit leurs voisins9. L’innovation technologique entretient donc une compétition des acheteurs qu’aucune égalisation des avantages n’arrêtera. Au contraire, la diffusion de plus en plus large de la dernière nouveauté en date rend plus attirante la nouveauté suivante dans la recherche indéfinie de la distinction. Le développement technologique ne met pas fin aux inégalités, il les entretient.

  • 10  Voir Catherine Larrère, Les inégalités environnementales, Paris, Puf, 2017.
  • 11  Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, Paris, La Découverte, 2017.

8Cette course en avant à la consommation distinctive et ostentatoire stimule certes la production, mais elle est ruineuse pour la planète. Elle accélère la consommation de ressources naturelles, produit des déchets polluants et contribue à la détérioration des grands cycles bio-géo-physiques du système Terre. Aux limites sociales de la croissance s’ajoutent donc ses limites matérielles, ou écologiques. Celles-ci invalident la justification libérale des inégalités par la poursuite indéfinie de la croissance. La détérioration d’ensemble de la situation écologique, si elle se fait sentir pour tous, frappe plus lourdement les plus pauvres, qui sont à la fois plus vulnérables et moins résilients, elle tend ainsi à accroître les inégalités ou à en créer de nouvelles10. On ne peut donc attendre indéfiniment que l’enrichissement des plus favorisés profite aux plus défavorisés. L’urgence écologique oblige à prendre un certain nombre de mesures visant à modifier la consommation, à en diminuer l’empreinte écologique. Or, dans un monde où dominent les plus riches, et où, comme le dit Latour, ils agissent comme si la planète était trop petite pour que chacun y ait sa place11, l’attitude qui risque de l’emporter est celle qui consiste à réduire autant qu’il est possible la consommation des plus pauvres ou des moins puissants. Bien loin donc que les nouveautés techniques deviennent de plus en plus accessibles au plus grand nombre, on risque au contraire de revenir en arrière et de voir réapparaître des consommations privilégiées : les voyages aériens pourraient bien, à nouveau, être réservés à une minorité.

  • 12  Philippe Bihouix, L’âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable, Paris, Seuil (...)

9Sans doute, fera-t-on remarquer, l’innovation technologique vise aussi à remédier à la détérioration de la situation écologique. Il y a peu de secteurs, qu’il s’agisse des biotechnologies, des nanotechnologies, de la robotique ou de l’intelligence artificielle dont on ne souligne l’utilité environnementale : diminuer la consommation énergétique, remplacer les énergies fossiles, dépolluer les sols, produire à moindres frais… Mais, curieusement, ceux qui font si volontiers ressortir les finalités pro-environnementales se soucient fort peu des effets involontaires de ces technologies : on annonce rarement l’empreinte écologique des robots par exemple, et on raisonne souvent comme si les ordinateurs effectuaient des communications purement immatérielles alors que ce sont de gros consommateurs d’énergie, et que leur fabrication fait appel à de nombreux métaux rares difficilement recyclables12. On sait également que faire baisser la consommation énergétique par unité n’entraîne pas nécessairement une baisse de la consommation globale. C’est ce que l’on appelle l’effet rebond, l’économie réalisée sur chaque unité autorisant à consommer plus d’unités. Ainsi, le monde associé aux promesses technologiques se révèle assez indifférent aux problèmes écologiques et aux inégalités sociales qui y sont liées. L’imaginaire technologique représente plus une façon de fuir ces problèmes que d’y faire face. Il en est ainsi de l’idée que, pour échapper à la catastrophe écologique, l’humanité se modifiera si considérablement qu’elle pourra vivre dans un environnement complètement différent, et qu’il sera possible de quitter la Terre dévastée pour aller s’installer sur une autre planète qu’il s’agira de « terraformer » pour pouvoir y vivre. Peut-on vraiment faire de telles promesses alors que nous sommes en train, en quelques dizaines d’années, d’épuiser les ressources fossiles et de détruire une biodiversité qui ont mis des centaines de millions d’années à se réaliser ? En tout cas, quelle que soit la crédibilité de semblables solutions, on peut être assuré que tous n’y auront pas accès : on imagine difficilement les 7, 8 voire 9 milliards d’humains s’installant tous dans des vaisseaux spatiaux et quittant la Terre en masse !

10Il semble donc bien que l’avenir radieux des promesses technologiques ne soit ni écologiquement viable, ni socialement équitable. Mais est-il vraiment désirable ?

II. Mais où sont passées les voitures volantes ? David Graeber et la déception technologique

  • 13  Pierre-BenoîtJoly, « Lerégimedespromessestechnoscientifiques », dansM. Audétat (dir.), Sciences et (...)

11À l’heure de la révolution technologique permanente, mille merveilles se profilent à l’horizon. Bientôt, nous annonce-t-on, des nanorobots, auto-assemblés, traqueront les cellules cancéreuses au sein du corps humain. La réalité est quelque peu différente : en ce qui concerne les nanotechnologies, on en est toujours à la fabrication de matériaux et ceux-ci ont des fonctions plus banales : des nanoparticules d’argent aux propriétés bactéricides sont incorporées aux emballages alimentaires, du dioxyde de titane à l’état nano dans les crèmes solaires pour les rendre plus faciles à étaler, d’autres particules sont mélangées au fil des chaussettes pour écarter les odeurs de transpiration… Les attentes entretenues par les annonces hyperboliques sont si régulièrement déçues que le régime même des promesses technologiques prend en compte le décalage entre les anticipations et les réalisations et intègre l’inévitable déception ainsi provoquée13.

  • 14  David Graeber, Bureaucratie, Paris, Les liens qui libèrent, 2015, p. 125-129.
  • 15  Ibid., p. 130.

12Mais, pour l’anthropologue David Graeber, la déception technologique est plus profonde. Elle n’est pas seulement liée au mode de promotion des nouvelles technologies, elle marque un véritable tournant dans la créativité technique. Celle-ci qui, sur la base de toute une série de bouleversements conceptuels (théories de l’évolution et de l’hérédité, psychanalyse, relativité, mécanique quantique…), n’avait pas cessé depuis le xixe siècle, s’est effondrée au xxie. Dans les années 1960, on était sûr que les années 2000 seraient marquées par toute une série de changements technologiques merveilleux : voitures volantes, colonies sur Mars, téléportation, appareils de transformation de la matière14… Rien de tout cela n’a été réalisé. Où sont passées les voitures volantes ? demande Graeber qui constate que la science-fiction elle-même a changé. Elle n’est plus la mise en forme de l’imaginaire scientifique et technique mais a laissé place aux utopies négatives (technofascisme ou barbarie primitive) ou aux projections délibérément ambiguës dans un avenir qui est plutôt un ailleurs. Cette trahison des attentes n’est pas, selon lui, passée complètement inaperçue : il voit dans ce que l’on nomme postmodernisme « une méditation prolongée sur les changements technologiques qui n’ont jamais eu lieu15 ».

  • 16  Ibid., p. 157.

13À l’objection attendue, « mais les ordinateurs ! », il répond que personne n’est encore arrivé à avoir une discussion intéressante avec un ordinateur, et que les technologies de l’information sont le seul domaine où quelques percées intéressantes ont pu avoir lieu. Faute de faire, on simule, on se réfugie dans le virtuel. Et Internet sur lequel tout le monde s’extasie n’est pas si révolutionnaire que cela. Ce n’est finalement qu’« une combinaison extrêmement rapide et accessible partout dans le monde de la bibliothèque, de la poste et du catalogue de vente par correspondance16 » et son principal effet a été de faire accomplir des tâches administratives à ceux qui, jusque-là employés à des fonctions jugées créatives, avaient l’habitude de les déléguer.

  • 17  Ibid., p. 143.
  • 18  Ibid., p. 167.

14Tel est, pour Graeber, le tournant qui a marqué les années 1970 : on est passé de « technologies associées à la possibilité d’avenirs différents à des technologies qui ont renforcé la discipline du travail et le contrôle social17 ». Les technologies « poétiques » ont fait place aux technologies « bureaucratiques »18. Le moyen (il n’y a pas de grande réalisation technique sans un contrôle administratif du travail et des travailleurs) est devenu la fin.

  • 19  David Harvey, A Brief History of Neoliberalism, Oxford, Oxford University Press, 2005.

15Ce tournant peut s’expliquer par des raisons économiques. Les capitalistes ont préféré (pour lutter contre la baisse du taux de profit, donnant ainsi raison à Marx ?) délocaliser les usines dans des sites à technologie peu avancée mais à main-d’œuvre très bon marché, plutôt que de construire des usines entièrement robotisées. Dans cette phase du capitalisme que l’on qualifie de néolibéralisme, les impératifs politiques ont la priorité sur les impératifs économiques. Il s’agit de remporter une victoire définitive dans la lutte de classes au niveau mondial19 et, pour cela, les objectifs de contrôle social, de discipline du travail, de surveillance l’emportent sur l’incessante transformation des forces productives. S’effondre ainsi une des idées reçues sur le capitalisme (à laquelle adhérait Marx), selon laquelle le capitalisme serait technologiquement progressiste. Ce n’est plus le cas à l’époque de la déception technologique.

  • 20  Voir Vincent de Gaulejac, La recherche malade du management, Versailles, Quae, 2012 ; Albert Ogien (...)

16Une autre idée reçue sur le capitalisme est également mise en question : celle qui, assimilant capitalisme et marché, en fait l’ennemi de la bureaucratie, produit de l’État. C’est le contraire, montre Graeber, dont l’idée centrale est que capitalisme et bureaucratie se renforcent mutuellement, et que la fin de la Guerre froide, si elle a marqué la victoire du capitalisme sur le bloc soviétique, n’a pas consacré l’hégémonie du marché, mais la domination d’élites managériales fondamentalement conservatrices. C’est particulièrement net en ce qui concerne la recherche scientifique et technique qui obéit de plus en plus à des impératifs politiques, administratifs et publicitaires. Ce qu’on appelle l’économie de la connaissance se caractérise moins par la libre concurrence au sein du marché, comme voudrait le faire croire le mythe des start-up, que par des projets bureaucratiques géants où la part des responsabilités administratives est croissante, suite à l’introduction des techniques de management des entreprises20. Les chercheurs passent leur temps à vendre et à se vendre, ce qui se fait au détriment de leur créativité. D’une part, cela conduit à une privatisation de la recherche qui est une forme d’enclosure de ce bien public, ou commun, qu’est la connaissance, et celle-ci en pâtit. D’autre part, les chercheurs, obligés de courir après les financements, s’investissent dans des tâches administratives auxquelles les technologies bureaucratiques donnent de plus en plus d’importance.

17Il n’est pas impossible que beaucoup de chercheurs passent plus de temps à répondre à des appels d’offres qu’à développer des recherches effectives. Et même si tous n’en étaient pas encore là, la créativité ne serait guère encouragée. Les modes d’évaluation (commissions d’experts, comités de lecture, évaluation par les pairs) favorisent le conformisme. Les propositions qui ont des chances d’être retenues sont celles qui se situent dans des voies déjà explorées, si bien qu’une percée conceptuelle trouvera difficilement un écho. Et Internet n’aide pas forcément : si une proposition est présentée comme nouvelle, il est facile de repérer avec Internet qu’elle a déjà été essayée, et dans ce cas, soit cela a été suivi par un échec (et on ne s’y réessaiera pas), soit ce fut avec succès et cela a conduit à un brevet auquel il vaut mieux ne pas se heurter. Cela laisse peu de place aux projets vraiment originaux. Il n’y a plus de place pour les « excentriques créatifs » : les articles novateurs d’Albert Einstein ne seraient sans doute pas acceptés aujourd’hui par les revues à comité de lecture. Moins la bureaucratie américaine s’est montrée tolérante pour ses marginaux, plus la créativité technologique a décliné, conclut Graeber.

18La boucle est bouclée : les promesses technologiques ont siphonné l’imaginaire social et politique, mais, à y regarder de plus près, elles se révèlent creuses. Quand l’imaginaire technologique, de poétique, devient bureaucratique, on n’y trouve plus que des façons de renforcer la domination. C’est pire que les inégalités (car la domination caractérise les sociétés clivées quand les inégalités sont compatibles avec une certaine mobilité des positions) et, surtout, cela conduit à renverser la question. Celle-ci, au départ, était d’examiner si les nouvelles technologies pouvaient avoir des effets inégalitaires. Il s’agit maintenant de se demander si des rapports sociaux moins inégalitaires, moins orientés vers la domination, pourraient encourager la créativité technologique oblitérée par le conformisme bureaucratique. Comment rouvrir l’imaginaire sur la diversité des mondes possibles ?

III. Progrès technique ou expérimentation sociale ?

  • 21  Extrait d’une conférence du sous-secrétaire au Commerce des États-Unis, lors d’une conférence sur (...)
  • 22  Mikhail Roco, « Nanoscale Science and Engineering : Unifiying and Transforming Tools », AICHE Jour (...)

19Quand la rhétorique des promesses technologiques fait miroiter un avenir que les nanotechnologies rendront meilleur (grâce à elles, est-il assuré, les aveugles verront et les sourds entendront… )21, elle peut rendre plus attractives des réalisations présentes plutôt décevantes, et même justifier les recherches (fort coûteuses) entreprises : avec de tels espoirs, il est éthique de faire tout ce qu’on peut pour y arriver et immoral d’entraver ces efforts. On peut donc ainsi attirer les crédits. Mais cela permet également d’ajouter la crédibilité à la légitimité. Lorsque Mikhail Roco, un des responsables du programme fédéral américain pour les nanotechnologies (National Nanotechnology Initiative) introduisit une distinction (souvent reprise ensuite par de nombreuses administrations scientifiques) entre quatre « générations » de nanotechnologies, des nanoproduits de première génération, nanostructures passives, aux nanoproduits de quatrième génération, nanosystèmes moléculaires hétérogènes, en passant par les nanostructures actives (deuxième génération) et les nanosystèmes 3D et systèmes de nanosystèmes de troisième génération22, il ne présentait pas un calendrier de recherche (on n’y trouvait ni dates ni indications de durée) et, de toutes ces générations, seule la première avait alors une certaine réalité, mais la distinction des étapes, la référence que le terme « génération » fait à la succession temporelle structurent et installent dans le temps une vision qui prend la forme d’un processus : telles en sont les principales étapes et voilà dans quel ordre elles se succéderont. On ne peut qu’aller de l’avant, il n’est pas question de revenir en arrière.

20Cette rhétorique n’est donc pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire à première vue, celle du foisonnement des possibles. Au contraire : promouvoir une technologie implique souvent de masquer d’autres options possibles et de tenter de créer de l’irréversible. On assiste ainsi à une naturalisation du progrès technique, ou de ce que l’on nomme tel : il relève de la nécessité. Pour caractériser ce mouvement dans sa généralité, on le compare souvent à l’évolution biologique : comme dans celle-ci, ce sont les objets techniques les mieux adaptés qui sont sélectionnés. On n’hésite pas également, pour mieux insister sur la naturalité, à invoquer des lois. Ce peut être la loi de Moore (qui indique la cadence – toujours plus rapide à des coûts décroissants – de miniaturisation des composants électroniques depuis un demi-siècle) ou la loi de Gabor, selon laquelle tout ce qui est techniquement possible se réalisera.

  • 23  Bruno Latour, Aramis, ou l’amour des techniques, Paris, La Découverte, 1992.

21Si tel est souvent le discours, il ne correspond pas à la réalité. Bien des techniques, a remarqué Latour, subissent un sort cruel : elles sont abandonnées avant même d’avoir pu faire la preuve de leurs potentialités23. Ce n’est donc pas pour des raisons techniques – de performances inabouties – qu’elles ne sont pas retenues mais parce que les réseaux sociaux qui les avaient portées n’ont pas su les promouvoir, d’autant plus qu’elles ne venaient pas renforcer un réseau de techniques déjà existant. C’est ce que les sociologues des sciences nomment « dépendance de sentier » (path dependancy).

  • 24  Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Paris, Seuil, 2 (...)

Quand une technique se répand, on apprend toujours plus à son sujet et elle se développe et s’améliore […], les coûts de production diminuent ainsi que les risques de défaillance […]. Si la chance favorise une certaine technique au départ, celle-ci bénéficie d’un avantage sélectif […]. Elle peut finir par dominer le marché alors qu’une autre technique se fût révélée plus avantageuse pour tous24.

  • 25  Présentation plus développée dans Catherine Larrère, Raphaël Larrère, Bulles technologiques, Marse (...)
  • 26  B. Latour, Aramis, ou l’amour des techniques, op. cit.

22Un bon exemple de dépendance de sentier se trouve dans l’histoire de l’électricité25. Au début du xxe siècle, deux conceptions de l’utilisation industrielle et domestique de l’électricité ont été en concurrence, aux États-Unis comme en Europe. Celle de Thomas Edison prônait de petites stations productrices de courant continu distribué à un réseau local d’entreprises et d’habitations. Celle de George Westinghouse promouvait la mise en place d’un réseau de transport de l’énergie sur longue distance – ce qui supposait de grandes unités produisant un courant à haute tension et triphasé. Aucune des deux solutions n’était vraiment plus chère que l’autre ; toutes deux avaient leurs difficultés techniques propres (les accumulateurs pour Edison, les transformateurs pour Westinghouse). Si c’est finalement la solution de Westinghouse qui l’a emporté (transport à longue distance et transformateurs), ce n’est pas pour des raisons simplement techniques ou économiques, c’est parce que des réseaux de pouvoir, articulant des stratégies industrielles et politiques bien organisées, ont imposé leurs choix. En conséquence, un certain nombre d’objets techniques qui auraient pu être développés sur la base du courant continu n’ont pas vu le jour ou ont été mis au rancart comme l’ont été, dans d’autres contextes, le Zeppelin, l’aérotrain ou le métro Aramis, étudié par Latour26.

23Il n’y a donc pas de concurrence ouverte entre des objets techniques indépendants, mais des réseaux d’objets techniques qui se renforcent en s’agrégeant de nouveaux objets. La dépendance de sentier écarte la libre concurrence, et elle n’est pas purement technique. Les réseaux techniques sont indissociables de réseaux de pouvoir, économiques, sociaux, politiques. Tendent ainsi à se former des technologies structurantes – comme l’est l’informatique, comme ambitionnent de l’être les nanotechnologies ou les biotechnologies – qui verrouillent toute innovation périphérique, qui ne se ferait pas en leur sein. C’est quand ce contexte social peut sembler aller tellement de soi qu’il en passe inaperçu que la rhétorique des promesses technologiques peut faire apparaître les innovations technologiques comme provenant d’un mouvement autonome, ayant sa nécessité propre, et capable de changer complètement la réalité sociale (ce qu’on appelle le déterminisme technologique).

  • 27  Amartya Sen, Poverty and Famine : An Essay on Entitlement and Deprivation, Oxford, Oxford Universi (...)

24C’est en effet ce à quoi tend la rhétorique des promesses technologiques : faire apparaître qu’à une situation dont on montre la gravité (famine, épidémies…), il n’est de solution que technique, et qu’il n’y en a qu’une seule. Il est rare, cependant qu’un problème social relève d’une solution purement technique. Quand les promoteurs des nanotechnologies ou des biotechnologies affirment que, grâce à elles, la famine va disparaître de la Terre, ils semblent oublier ce qu’ont établi Amartya Sen et Jean Dreze : si, à la fin du xxe siècle, 800 millions de pauvres souffraient de la faim, cela n’était pas dû à la quantité d’aliments disponibles, mais à la distribution inégalitaire des ressources et au gaspillage des consommateurs riches27.

  • 28  C. Larrère, R. Larrère, Bulles technologiques, op. cit., p. 100-103.
  • 29  Michel Griffon, Vers une révolution doublement verte, Paris, Cirad, 1996 ; id., Nourrir la planète(...)

25On peut prendre pour exemple le golden rice28, ce riz doré qu’une modification génétique enrichi en béta-carotène, un précurseur de la vitamine A, dont la consommation permettrait aux populations pauvres qui se nourrissent presque exclusivement de riz de surmonter les carences en vitamine A dont elles souffrent et qui les exposent à des maux graves (cécité, déficience immunitaire conduisant à une importante mortalité). À première vue donc, on ne voit pas pourquoi on s’opposerait à une modification technique qui permettrait d’améliorer la vie et la santé des plus pauvres. Mais pourquoi ces populations sont-elles à ce point privées d’une alimentation diversifiée ? C’est, peut-on montrer, une des conséquences de la révolution verte. Celle-ci, à la fin du siècle dernier, en favorisant l’introduction d’un petit nombre de variétés adaptées aux régions tropicales et ayant des débouchés dans le commerce international, a permis d’augmenter considérablement la productivité de leur agriculture. Mais seuls les agriculteurs les plus riches ont pu adopter ces variétés, ce qui a entraîné la paupérisation de ceux qui n’avaient pas les moyens de le faire, en même temps que cette agriculture très productiviste a eu des conséquences environnementales désastreuses (pollution, appauvrissement des sols). Ce sont ces populations appauvries qui sont réduites à une nourriture très peu diversifiée. Affirmer dans ces conditions qu’il serait immoral ou inhumain de se passer du riz doré (ce que font les promoteurs de la technique), ce n’est pas manifester un souci éthique, c’est se montrer complètement cynique, car c’est prendre comme allant de soi un rapport de force, celui qui impose la domination d’une agriculture productiviste menée par des agriculteurs qui ont la possibilité de s’y livrer (mais souvent au prix d’un endettement qui les rend dépendants du système). C’est faire comme s’il n’existait pas d’alternative, à la fois technique et sociale. Or ces alternatives existent. On pourrait fort bien lutter contre la carence en vitamine A en favorisant le développement d’une agroécologie, une « révolution doublement verte29 » qui soit à la portée des paysans les plus pauvres et en direction de laquelle pourraient se reconvertir des agriculteurs ayant adopté les méthodes de la révolution verte. La caractéristique de l’agroécologie est en effet d’associer élevage, culture et arboriculture, et de complexifier ainsi les systèmes de production, ce qui permet de produire une alimentation diversifiée.

  • 30  Arne Naess, Écologie, communauté et style de vie, Paris, Dehors, 2008 [1989], p. 150.

26Si, comme le dit Arne Naess, « le progrès purement technique n’existe pas30 », ce n’est pas que les innovations techniques seraient des leurres ou qu’elles mèneraient nécessairement à la catastrophe. C’est qu’aucune technique nouvelle (ou aucun ensemble de techniques) n’est capable de s’imposer par sa force propre, comme voudrait le faire croire la thèse du déterminisme technologique. Pour qu’une technique réussisse, il faut des conditions à la fois environnementales (que la technique puisse s’intégrer dans des processus naturels qui en continuent les effets) et sociales (il n’est pas de technique sans milieu associé, et celui-ci est à la fois technique – comme les rails pour le chemin de fer – et social – il faut qu’existent à la fois les conditions économiques, juridiques, politiques, culturelles, de voyage ou de transport sur des distances plus importantes et leur besoin). Une technique est inséparable du contexte social dans lequel elle s’insère et qu’elle contribue à transformer. Or, le contexte technico-social existant tend à se renforcer au détriment d’innovations périphériques. D’une part, parce que les techniques se développent en réseaux qui brident les possibilités d’innovations différentes. D’autre part, parce que, comme le montre Graeber, la situation présente est celle d’un capitalisme qui, y compris à travers les techniques qu’il favorise, tend plutôt à reproduire sa domination qu’à révolutionner les forces productives, à la différence de ce que pensait Marx. Si l’on peut aider à renforcer l’initiative qui vient de la périphérie, les « excentriques créatifs » y trouveront plus facilement une place que dans les réseaux bureaucratisés de l’administration de la recherche scientifique.

27Pour rouvrir les possibles, il s’agit donc de quitter l’imaginaire technologique (qui, en devenant bureaucratique, s’est considérablement appauvri) et de faire revenir un imaginaire social. Pourront ainsi apparaître, en lieu et place du déterminisme de l’unique solution technique, l’existence de choix et la possibilité pour chacun de s’y impliquer.

  • 31  Frank Ackerman, Lisa Heinzerling, « Pricing the Priceless : Cost-Benefit Analysis and Environmenta (...)
  • 32  Catherine Larrère, « L’évaluation morale des technologies peut-elle se faire à l’aide d’un calcul (...)

28Envisager le traitement des questions sociales en termes de solution technique à un problème technique, c’est placer le public en position de spectateur ignorant dont les réactions, une fois que les experts scientifiques et techniques qui ont le contrôle de la situation ont donné leur avis, relèvent de l’irrationnel, puisqu’il n’est de rationalité que scientifique et technique, autrement dit instrumentale. Mais une fois que l’on prend en considération qu’il n’est pas de problème purement technique, qu’il y a toujours une dimension sociale, on fait intervenir la rationalité axiologique des questions de justice. Or celles-ci sont occultées par les modes d’évaluation des innovations technologiques en termes d’anticipation des risques et de calcul coûts-avantages, généralement proposés comme les seuls modes d’évaluation rationnels. Non seulement ces types d’évaluation ne permettent pas de comparer plusieurs types de solution, socialement différentes, mais l’évaluation coûts-avantages, qui repose sur un calcul économique, a deux défauts majeurs31 : elle ne permet pas de prendre en considération le long terme (et donc les conséquences environnementales), et elle est indifférente à la distribution des coûts et des avantages, donc à la dimension de justice sociale32. En ouvrant ces questions au débat public, on rend possible la discussion sur la dimension environnementale ou sur la justice sociale, pour laquelle le public a pleine compétence. La démocratisation des choix techniques ne relève pas seulement d’une pédagogie à l’égard d’un public ignorant mais des pratiques de jugement d’un public faisant usage de ses compétences démocratiques.

  • 33  Voir la présentation que fait Gorz de la distinction d’Illich entre technologies conviviales (reba (...)
  • 34  A. Naess, Écologie, communauté et style de vie, op. cit., p. 152.
  • 35  Marc Audétat, « Dessine-moi un futur ! Enjeux et ambiguïtés du régime des promesses scientifiques  (...)

29Celle-ci a également sa place dans l’expérimentation des techniques. Ivan Illich et André Gorz33, comme Naess, font une évaluation critique des techniques qui ne repose pas sur la différence entre les solutions qui font appel aux techniques et celles qui peuvent s’en passer, mais sur les usages sociaux qu’encouragent ou que découragent les différentes techniques. Alors que les techniques mises en œuvre par l’agriculture productiviste tendent à intégrer les acteurs agricoles dans un réseau économique mondialisé et dominé par une poignée de firmes multinationales dont ils deviennent les exécutants techniques, ce qui accroît leur dépendance, certaines formes d’agriculture biologique ou d’agroécologie aident au développement de ce qu’Illich appelait la convivialité et que Gorz qualifiait comme autonomie : la mise en capacité de l’agriculteur à se réapproprier les savoirs techniques en liaison avec d’autres agriculteurs et avec des réseaux de consommateurs. Naess, de son côté, pose à une technique la question de savoir si « elle renforce la coopération et la vie en harmonie avec les autres ouvriers34 ». Cela implique que l’évaluation des innovations technologiques ne fasse pas seulement appel à l’expertise scientifique et technique d’instances spécialisées, fût-elle accompagnée de l’expertise éthique de comités constitués à cette fin, mais qu’elle fasse l’objet d’une expérimentation sociale35. On pourra opposer au régime des promesses techno-scientifiques un régime d’expérimentations collectives ouvrant différents possibles, tant techniques que sociaux et relevant de ce fait de la compétence populaire, et ouvertes au débat démocratique.

Notes

1  Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001 [1986], p. 471-472.

2  Marc Audétat (dir.), Sciences et technologies émergentes. Pourquoi tant de promesses ?, Paris, Hermann, 2015.

3  Allen Buchanan et al., From Chance to Choice : Genetics and Justice, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, cité par Gilbert Hottois, Le transhumanisme est-il un humanisme ?, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2014, p. 63.

4  « A rising tide lifts all the boats », cité par Marie Duru-Bellat, Pour une planète équitable. L’urgence d’une justice globale, Paris, Seuil, 2014, p. 28.

5  Thomas Piketty, Le capital au xxe siècle, Paris, Seuil, 2013.

6  Jean Gadrey, Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, Paris, Les petits matins, 2011.

7  Fred Hirsch, Les limites sociales de la croissance, préface par Jean Gadrey, Paris, Institut Veblen, Les petit matins, 2016 [éd. orig. Social Limits to Growth, 1976].

8  David Hume, « De la naissance et du progrès des arts et des sciences » [1742], dans Essais moraux, politiques et littéraires, Paris, Alive, 1999, p. 157-188.

9  Adam Smith, Théorie des sentiments moraux, Paris, Puf, 1999, part. IV, chap. 1, p. 252-253.

10  Voir Catherine Larrère, Les inégalités environnementales, Paris, Puf, 2017.

11  Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, Paris, La Découverte, 2017.

12  Philippe Bihouix, L’âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable, Paris, Seuil, 2014.

13  Pierre-BenoîtJoly, « Lerégimedespromessestechnoscientifiques », dansM. Audétat (dir.), Sciences et technologies émergentes, op. cit., p. 31-48, ici p. 37 et 41 (le cycle Hype/hope/disappointment).

14  David Graeber, Bureaucratie, Paris, Les liens qui libèrent, 2015, p. 125-129.

15  Ibid., p. 130.

16  Ibid., p. 157.

17  Ibid., p. 143.

18  Ibid., p. 167.

19  David Harvey, A Brief History of Neoliberalism, Oxford, Oxford University Press, 2005.

20  Voir Vincent de Gaulejac, La recherche malade du management, Versailles, Quae, 2012 ; Albert Ogien, Désacraliser le chiffre dans l’évaluation du secteur public, Versailles, Quae, 2013 ; Lawrence Bush, Le marché aux connaissances. Néolibéralisme, enseignement et recherche, Versailles, Quae, 2014.

21  Extrait d’une conférence du sous-secrétaire au Commerce des États-Unis, lors d’une conférence sur les nanotechnologies (septembre 2004), cité par P.-B. Joly, « Le régime des promesses technoscientifiques », art. cité, p. 37.

22  Mikhail Roco, « Nanoscale Science and Engineering : Unifiying and Transforming Tools », AICHE Journal, 50, 2004, p. 890-897.

23  Bruno Latour, Aramis, ou l’amour des techniques, Paris, La Découverte, 1992.

24  Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Paris, Seuil, 2002, p. 73-74.

25  Présentation plus développée dans Catherine Larrère, Raphaël Larrère, Bulles technologiques, Marseille, Wildproject, 2017, p. 52-53.

26  B. Latour, Aramis, ou l’amour des techniques, op. cit.

27  Amartya Sen, Poverty and Famine : An Essay on Entitlement and Deprivation, Oxford, Oxford University Press, 1981 ; Jean Dreze, Amartya Sen, The Philosophical Economy of Hunger : Selected Essays, Oxford, Clarendon Press, 1995.

28  C. Larrère, R. Larrère, Bulles technologiques, op. cit., p. 100-103.

29  Michel Griffon, Vers une révolution doublement verte, Paris, Cirad, 1996 ; id., Nourrir la planète, Paris, Odile Jacob, 2009.

30  Arne Naess, Écologie, communauté et style de vie, Paris, Dehors, 2008 [1989], p. 150.

31  Frank Ackerman, Lisa Heinzerling, « Pricing the Priceless : Cost-Benefit Analysis and Environmental Protection », University of Pennsylvania Law Review, 150, 2002, p. 1553-1584.

32  Catherine Larrère, « L’évaluation morale des technologies peut-elle se faire à l’aide d’un calcul coûts/avantages ? », L’Archicube, 19, 2015, p. 71-76.

33  Voir la présentation que fait Gorz de la distinction d’Illich entre technologies conviviales (rebaptisées « ouvertes ») et technologies hétéronomes (rebaptisées « verrou ») dans Ecologica, Paris, Galilée, 2008, p. 16.

34  A. Naess, Écologie, communauté et style de vie, op. cit., p. 152.

35  Marc Audétat, « Dessine-moi un futur ! Enjeux et ambiguïtés du régime des promesses scientifiques », dans id. (dir.), Sciences et technologies émergentes, op. cit., p. 68-87, ici p. 84.

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