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Une internationale blanche

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Alexandre Dupont

Portrait de l’Internationale blanche

Chapitre 6. Une internationale en réseaux

Texte intégral

  • 1  Pío Baroja, Zalacaín l’aventurier…, op. cit., p. 145.

Les Français légitimistes l’imaginaient comme un nouvel Henri IV, et comme c’était de là, du Béarn, qu’étaient venus jadis les Bourbons pour régner en Espagne et en France, ils s’imaginaient que Carlos VII triompherait en Espagne, en finirait aussi avec la maudite République française, accorderait libertés et franchises à la Navarre, qui serait le centre du monde, et, en outre, rétablirait le pouvoir politique du Pape à Rome1.
Pío Baroja, Zalacaín el aventurero, livre II, chapitre ii.

1Les perquisitions menées chez les membres du Comité carliste de Bayonne aboutissent à la mise au jour de réseaux pro-carlistes dont les ramifications vont bien au-delà de la zone de la frontière franco-espagnole. Paul Laborde est ainsi en étroite correspondance avec l’un des membres de la famille de Coëtlogon, une famille investie dans l’aide aux carlistes depuis le conflit de 1833-1840. De même, il est en contact avec Philippe de Cazeneuve, un des pivots du dispositif pro-carliste européen. Deux lettres proviennent du journaliste J. Bourgeois, du quotidien légitimiste La Gazette de France, à Paris.

2Laborde est aussi en contact avec de proches collaborateurs de don Carlos. Au mois de juillet 1874, il reçoit ainsi un courrier du secrétariat de campagne de don Carlos, dirigé par Isidoro de Yparraguirre qui espère le voir rapidement pour échanger des informations. Une deuxième lettre, quelques jours plus tard, est signée par Demetrio Iribar, de la junte carliste de Navarre, qui propose à Laborde de se charger de répartir des titres de l’emprunt carliste auprès des comités légitimistes français.

3Personnes physiques et organisations contre-révolutionnaires des deux pays se croisent donc dans les réseaux de Paul Laborde. En outre, les actions du Comité ne se limitent pas à ménager une arrière-cour sûre pour les carlistes dans les départements frontaliers : elles se déploient à de multiples échelles. Le territoire de la frontière s’articule ainsi à des réseaux multiscalaires pour former un système d’aide au carlisme à la fois cohérent et protéiforme. Cette solidarité transnationale, par les spécificités politiques et culturelles de la contre-révolution, est un objet à part, original dans ses formes. S’il emprunte au répertoire d’actions des cultures politiques de son temps, il est aussi un lieu d’innovation permanente. Cette mobilisation internationale ne prend pas la forme d’une organisation centralisée. Elle est marquée au contraire par le foisonnement des actions, des logiques et des acteurs, par la simultanéité d’une multitude de processus dont le but est identique.

4Dès lors, un double objectif préside à ce chapitre. D’abord, éclairer la constitution des réseaux pro-carlistes : qui participe à cette internationale blanche et pourquoi ? Par-delà la sociologie de l’aide au carlisme, ce sont les motivations des acteurs qui sont au cœur du questionnement : les nobles du faubourg Saint-Germain et les aventuriers qui partent se battre auprès des carlistes, pour ne rien dire des paysans pyrénéens, n’ont sans doute en partage ni la même vision du monde, ni les mêmes motivations. Les idées ne font d’ailleurs pas tout et les déterminations personnelles n’épuisent pas non plus l’anthropologie de l’engagement.

5Ensuite, il s’agit de comprendre comment fonctionne un tel ensemble, comment par-delà l’apparent chaos des initiatives, on distingue une logique globale. Dans l’action coexistent des groupes et des individus, des réseaux formels et informels, des solidarités qui se forment dans l’aide au carlisme et des relations antérieures qui sont réorientées vers cet objectif. Des acteurs venus d’univers complètement différents se rencontrent et collaborent au sein d’une structure non formalisée qui s’avère pourtant efficace : dès lors, comment les différents réseaux qui la composent s’articulent-ils entre eux ? On verra aussi comment ces réseaux légitimistes et catholiques se ramifient bien au-delà de la France, sur tout le continent européen, et même au-delà de l’Atlantique. Cette brève incursion dans d’autres espaces de l’internationale blanche vise à rappeler que si la France est bien le cœur de la solidarité pro-carliste, elle n’en est que l’un des multiples théâtres.

Mobilisations nobiliaires

Un lieu de sociabilité : le salon

  • 2  Sur l’histoire des élites, voir Claude-Isabelle Brelot, La noblesse réinventée. Nobles de Franche- (...)

6Les liens personnels créés avec les légitimistes pendant le bref séjour de Carlos et Marguerite à Paris, ou ceux existant depuis plus longtemps, permettent au carlisme de bénéficier, dès le début de la guerre, d’appuis dans les couches sociales les plus élevées de la société2, en particulier dans la noblesse acquise aux idées contre-révolutionnaires. S’agrègent quelques bourgeois et de nombreux ecclésiastiques confortés dans leur catholicisme intransigeant par l’attitude de Pie IX.

  • 3  Images des Espagnols en Aquitaine : table ronde du 12 janvier 1987, Talence, Presses universitaire (...)

7Cette situation n’est pas exclusivement parisienne. Le consul espagnol à Bordeaux propose en mars 1873 un saisissant portrait de l’organisation pro-carliste dans la ville. Elle ne connaît pas une activité aussi foisonnante qu’à Paris où les réunions, les souscriptions et les recrutements de volontaires sont rendus plus faciles par une surveillance malaisée. Bordeaux n’est pas non plus propice à l’activisme permanent qui s’observe dans les villes de la frontière comme Bayonne ou Pau. Il s’agit néanmoins d’une ville importante pour les réseaux pro-carlistes, qui tire son intérêt de sa position géographique : un point de passage entre la capitale française et la frontière et un centre ancien de commerce et d’installation pour les Espagnols3.

8S’y développe donc une activité pro-carliste non négligeable. Le consul identifie deux foyers d’agitation. D’abord, les agents qui y passent peuvent compter sur les carlistes installés de longue date. Les châteaux des familles légitimistes de la région, « familles plus enthousiastes peut-être pour la cause carliste que les carlistes de notre Pays eux-mêmes », abritent à l’occasion ces agents. Tartifume sert ainsi de résidence à Marguerite et à ses enfants. Les grandes familles de la ville lui rendent visite et les catholiques révèrent sa piété. Ces Français s’impliquent aussi dans le recrutement de volontaires.

  • 4  Sur tout ce qui précède, AHN-AMAEC H 1854, despacho 40.

9Les prêtres carlistes en exil, mais aussi les carmélites, appuient financièrement la cause et en font la promotion dans le secret du confessionnal. Les couvents, qu’il est impossible de perquisitionner, et que le consul qualifie de « fourmilière[s] de moines » et d’« asiles du Moyen Âge », constituent aussi un refuge sûr. Là, la nationalité ne compte plus, et les moines français semblent au consul aussi fanatiques que les moines espagnols4.

  • 5  Respectivement Jules Barbey d’Aurevilly, Le chevalier Des Touches, Paris, Le Livre de poche, 2007  (...)
  • 6  Matthieu Brejon de Lavergnée, La Société de Saint-Vincent-de-Paul au xixe siècle. Un fleuron du ca (...)
  • 7  Le pupazzo est une marionnette italienne. L’interprétation n’est pas claire.
  • 8  José Aparici de Valparda, lettre à une légitimiste sur le carlisme, Pau, impr. Veronese, 1875, p.  (...)
  • 9  AHN-AMAEC H 1521, despacho 356.

10Quoique minoritaires et surtout influents au sein de la noblesse, les légitimistes ne correspondent pas tous aux stéréotypes qu’en a tracés la littérature du xixe siècle : reclus dans leurs châteaux de province à remémorer les exploits de l’époque révolutionnaire, confits dans la charité ou vivant encore à l’heure anté-révolutionnaire5. Bien au contraire, les recherches récentes sur leur présence en ville signalent leur inclusion dans des réseaux de sociabilité qui dépassent le cercle de leurs coreligionnaires politiques, ainsi que l’importance de leurs actions, notamment charitables, dans les quartiers où ils résident et qui deviennent peu à peu de véritables « quartiers blancs6 ». S’y développe une sociabilité fondée sur la classe et l’identité catholique. Dans ce milieu, la diffusion d’opinions pro-carlistes passe par des pratiques traditionnelles. Le libéral Aparici de Valparda dénonce ainsi en 1875 les sympathies des nobles pour le carlisme : un « petit essai de despotisme théocratique en plein xixe siècle » qui se traduit par des « frais de dentelles, loteries, quêtes, pupazzi7, souscriptions à la Sainte-Œuvre8 ». Dans cette classe sociale, les opinions comptent moins que la conscience de son rang. Decazes l’affirme à l’ambassadeur d’Espagne : « il y a soixante-quinze ans que nous souffrons en France de ce mal (la protestation systématique des salons du faubourg Saint-Germain) et nous savons par expérience que l’indifférence est le seul remède qu’il soit à la fois pratique et efficace d’essayer contre lui9 ».

  • 10  Sur cette affaire, et pour ce qui suit : AHN-AMAEC H 1521, despachos 354, 356 et 373 ; APP-BA 401, (...)
  • 11  AHN-AMAEC H 1521, despacho 373.
  • 12  Sur les salons, Anne Martin-Fugier, Les salons de la IIIe République. Art, littérature, politique, (...)
  • 13  Alexandre Dupont, « Soignantes et consolatrices. Femmes contre-révolutionnaires pendant la seconde (...)
  • 14  Sur le catholicisme social, voir Jean-Marie Mayeur, « Catholicisme intransigeant, catholicisme soc (...)

11Cet échange a lieu à l’occasion d’un bal donné en mai 1875 chez la duchesse de Chevreuse pour recueillir des dons d’argent pour les « blessés des deux camps10 », selon ce qu’indiquent les cartons d’invitation. Il s’agit en réalité de récolter de l’argent pour fournir le carlisme en armes, note l’ambassadeur. Le printemps 1875 est fécond en manifestations de ce genre, et le diplomate s’inquiète de « la série de fêtes qui, échelonnées de semaine en semaine, s’organisent dans ces magnifiques hôtels11 ». Le bal chez la duchesse de Chevreuse est bien documenté, du fait de son ampleur et des tentatives de l’ambassade pour l’empêcher. Il met en valeur le rôle spécifique que jouent les femmes dans les salons12 et les réintroduit de plain-pied dans l’aide au carlisme13. Cinquante dames envoient des cartons d’invitation qui mentionnent un motif humanitaire, pour ne pas s’exposer à une interdiction et pour rencontrer plus d’écho au sein d’un milieu où les pratiques charitables sont un signe de distinction14. L’annonce initiale de la venue de Marguerite au bal joue sans doute en faveur du succès de la soirée, qui rassemble deux mille personnes et permet de récolter quarante-deux mille francs.

12La dimension sociale, plus que politique, de cette réunion est soulignée par les observateurs. L’ambassadeur, qui envoie au ministre la liste des dames patronnesses, précise qu’il y a parmi ces dernières des légitimistes mais aussi des orléanistes. Ces bals lèvent le voile sur l’importance des pratiques du quotidien dans la politisation de ces milieux élitaires. C’est toutefois au sein du légitimisme et du catholicisme intransigeant que se recrutent les zélateurs de don Carlos. Différentes pratiques déployées dans le cadre de l’internationale blanche et propres à cette culture politique permettent la syntonie entre engagement sur la scène politique intérieure et engagement en faveur du carlisme.

  • 15  El Cuartel Real, 16 janvier 1875.
  • 16  L’Union, 27 janvier 1874.
  • 17  L’Union, 28 janvier 1874.

13On y retrouve des pratiques traditionnelles réinvesties dans l’aide au carlisme. La sociabilité de salon entre dans ces catégories, tout comme les phénomènes de cour qui se développent autour de don Carlos, mais aussi autour de Marguerite à Pau, où elle réside pendant de longs mois15. Ces pratiques de révérence et de dévotion s’accompagnent de manifestations religieuses. Le 21 janvier 1874, Marguerite assiste ainsi à la messe d’expiation en mémoire de Louis XVI dans l’une des églises de Pau16. Six jours plus tard, légitimistes et carlistes se réunissent en l’église de la Madeleine, à Paris, pour prier à la mémoire de la princesse de Beira, morte le 17 janvier. À côté de carlistes comme la famille d’Algarra, sont présents des acteurs de l’aide au carlisme, comme Charette ou la rédaction de L’Union17.

  • 18  L’Union, 13 mai 1874 ; Le Drapeau français, 17 mai 1874 ; L’Union, 25-26 mai 1874 pour la réponse (...)

14L’internationale blanche recourt aussi aux codes de manifestations plus politiques, et suscite parfois l’investissement de cercles légitimistes. Le 10 mai 1874, les légitimistes marseillais organisent une messe à Notre-Dame-de-la-Garde pour appeler la protection divine sur l’armée de don Carlos. À l’issue de la cérémonie, une adresse est envoyée à Marguerite, accompagnée d’une médaille en or prise au sanctuaire. Le texte associe aux vœux de victoire pour don Carlos des vœux pour une prompte restauration du comte de Chambord18.

  • 19  ACSG-AB, cassetta 216, dossier « Carlos ».
  • 20  Bruno Dumons et Gilles Pollet, La fabrique de l’honneur. Les médailles et les décorations en Franc (...)
  • 21  AGUN-FMF, caja 111.
  • 22  L’Union, 29 avril 1875.
  • 23  Sur ce qui précède, BRAH-Fondo Pirala, legajo 6904, « Cartas del diputado francés legitimista Sain (...)

15Cet engagement est pérennisé par un système de rémunération symbolique fondé sur la remise de décorations. Distinguant les mérites personnels de celui qui la reçoit, elle permet au prétendant d’agir en souverain et renforce son image de monarque19. Ces décorations actent la création d’une élite définie par ses services20. La contre-révolution introduit dans ses pratiques une distinction démocratique, puisque tout le monde peut recevoir ces décorations, et l’adapte à sa vision du monde. La multiplicité des médailles créées pendant la guerre – pas moins de sept21 – souligne que le prétendant a conscience de ces enjeux. Au premier semestre 1875, le mouvement connaît une accélération considérable. Carlos décore ainsi de la médaille d’argent qui porte son nom plusieurs membres des comités carlistes et de nombreuses dames engagées dans la Caridad22. Début juin 1875, le Comité carliste de Bayonne envoie à l’état-major carliste quarante-deux diplômes de la médaille de Charles VII pour signature. Le Comité légitimiste de Bretagne veut une décoration pour chacun de ses membres. À la fin du mois, Suárez Bravo croule sous les diplômes et transmet à Yparraguirre les remerciements de trente-trois légitimistes, dont le président du Comité de Nantes et celui des Comités de la Bretagne ainsi qu’Henri de Chevasnerie, du Comité de Poitiers23.

  • 24  Sur ce dossier : APP-BA 415 et APP-BA 337.

16Le système des décorations devient même une source de financement pour le carlisme. Pour faire face aux difficultés financières, Luis Mon y Velasco, chargé des Finances dans le gouvernement carliste, décide en août 1875 de monnayer les brevets et les décorations. La remise de ces décorations et la gestion des paiements sont confiées au journaliste J. Libman, qui apporte cent soixante-dix mille francs aux carlistes à la fin du mois d’octobre. Cela représente, au vu des prix demandés, plusieurs centaines de médailles24.

Réseaux châtelains

  • 25  AHN-AC 947.

17Il est assez facile pour les élites légitimistes de s’engager en faveur du carlisme : cela s’inscrit dans des sociabilités déjà existantes et de fortes similitudes existent entre les cultures politiques carliste et légitimiste. Les princes jouent ainsi un rôle majeur dans l’établissement des réseaux du fait de leur aura. Ils suscitent une forme d’obligation chez ceux à qui ils font appel. Au cours du second semestre 1872, alors que l’armée de Catalogne manque cruellement d’argent, Alfonso décide de créer son propre réseau de financement et écrit à de nombreuses personnalités légitimistes. Se mêlent dans ces destinataires des individus qu’Alfonso a déjà rencontrés et des personnalités de premier plan du légitimisme. Six modèles de lettres sont envoyés. Un des modèles est destiné aux journalistes. Un deuxième est envoyé aussi bien à des députés comme Carayon-Latour qu’à des légitimistes inconnus. Dans un troisième modèle, Alfonso fait jouer son expérience dans les Zouaves pontificaux pour convaincre ces derniers, notamment Athanase de Charette. Le quatrième modèle, plus religieux, est envoyé à plusieurs évêques. Le cinquième vise des responsables importants du légitimisme comme le comte de Nicolaï, qui dirige le comité de Paris. Enfin, un sixième modèle de lettre s’adresse à des légitimistes déjà engagés en faveur du carlisme25.

  • 26  María de las Nieves de Braganza y de Borbón, Mis memorias…, op. cit., vol. 1, p. 8-47.

18Les réseaux procèdent ainsi de liens déjà existants, d’opérations pour en établir de nouveaux et de la tentative de profiter des réseaux légitimistes. Dans les Pyrénées-Orientales, où Alfonso et sa femme arrivent dès avril 1872, la famille de Lazerme, une riche famille du département, est la première à les accueillir. Dès que le séjour chez cette famille devient trop dangereux, les infants profitent des réseaux légitimistes de la région et sont d’abord logés chez la mère de la comtesse de Nattes, à Aix, en mai, puis au château de Poussan, près de Béziers, où vit la mère du comte de Nattes, en juin. En juillet, ils se rendent à Bédarieux chez les frères de Vernazobres, puis près de Nîmes chez le baron et la baronne de Fontarèches, oncle et tante de la comtesse de Lazerme. En août, ils sont dans la maison de campagne des Lazerme, à Elne, après être passés dans une propriété de la marquise de Nattes, à Perpignan. Ils résident ensuite de nouveau dans cette ville chez le comte de Rovira, qu’ils avaient rencontré chez les Lazerme, avant de repartir pour le château de Poussan. Ils y restent jusqu’en novembre, lorsque les poursuites les obligent à partir pour « Le Lac », près de Narbonne, propriété du duc de Sabran – dont le fils avait été zouave pontifical avec Alfonso. Ils y demeurent jusqu’à leur départ pour l’Espagne fin décembre 1872. Ces déplacements font apparaître une multiplicité de réseaux qui permettent un séjour prolongé des infants près de la frontière (voir carte 13)26.

  • 27  APP-BA 401, rapport du 21 septembre 1874.
  • 28  AMAE- 18 MD 360. Voir les communications du mois de juillet.
  • 29  Voir les instructions secrètes adressées par Charette aux anciens zouaves dans ADLAtl - 200 J 12.

19La création de réseaux transnationaux ne repose pas sur la seule action des princes. La majorité se crée à partir de relations horizontales. Ces relations sont moins documentées, mais elles apparaissent dans le cas des ecclésiastiques. Les évêques français sont ainsi, pour une part, favorables à la cause27. Les jésuites sont soupçonnés, en juillet 1875, d’héberger Dorregaray dans un de leurs couvents dans le sud-ouest de la France28. À l’aide fournie par ces communautés, qu’on imagine habituées aux relations transnationales, s’ajoute l’activité des anciens zouaves pontificaux. Sous la houlette du général de Charette, ils conçoivent leur combat comme européen, et sont prêts à reprendre les armes29.

20Du point de vue des individus, la sociabilité joue un rôle indéniable dans l’engagement et dans son intensité. De fait, l’inclusion dans des cercles de sociabilité pro-carlistes et l’incitation à s’engager poussent certains acteurs à prêter leur concours, mais ces caractéristiques classiques n’épuisent pas les spécificités de l’engagement pro-carliste.

  • 30  AN-F7 12576, « Extraits des communications adressées par les Consuls d’Espagne de la frontière à M (...)
  • 31  Melchor Ferrer, Historia del tradicionalismo español…, op. cit., t. 23-1, p. 86.
  • 32  AHN-AMAEC H 1992, despacho 21 ; AHN-AMAEC H 1519, lettre de l’ambassadeur au ministre, 18 mai 1872 (...)

21Le comte de Barraute et sa famille vivent dans le château de Rivehaute, dans les Basses-Pyrénées. Le comte, qui tient un établissement de bains fréquenté par de nombreux Espagnols30, a épousé la sœur du général carliste Elio31. Ils ont eu quatre enfants. La famille tout entière est légitimiste et investie dans l’aide au carlisme. Le comte de Barraute fait de son château et de son établissement de bains un refuge pour les carlistes. Outre son beau-frère et don Carlos, nombre d’Espagnols passent à Rivehaute malgré les perquisitions32.

  • 33  Louis de Joantho, Don Carlos et les carlistes…, op. cit., p. 88-92.

22Les quatre fils sont, eux, volontaires dans l’armée carliste, et cet engagement familial est souvent mis en avant dans la propagande. L’aîné, Louis, a fait partie des Zouaves pontificaux, puis a participé à la guerre de 1870- 1871. Xavier, le cadet, chef des guides de la garde royale, a auparavant pris part à l’expédition du Mexique et à la guerre des Dix Ans à Cuba. Charles, le troisième, a combattu dans l’armée de l’Est en 1870. Le benjamin, Tristan, plus jeune, connaît son baptême du feu avec la guerre carliste33. Dans le cas des Barraute, l’engagement est presque naturel, dans la mesure où la famille est, par la branche maternelle, une famille carliste. Leur éducation fait que les Barraute sont partie prenante du combat de leur oncle Elio, et ce d’autant plus qu’ils résident près de la frontière. Le château de Rivehaute devient ainsi un nœud de la géographie pro-carliste dans les Basses-Pyrénées.

  • 34  Voir Victoire de Kermel comtesse de Cathelineau, Le général comte de Cathelineau : chevalier de la (...)

23Henri de Cathelineau, lorsqu’il rencontre don Carlos à Lucerne en 1871 et lui prête allégeance, a une longue carrière de soldat de la légitimité derrière lui. Après avoir participé à l’expédition de la duchesse de Berry en 1832, il a combattu avec les miguélistes portugais avant de s’engager en faveur du premier don Carlos. Dans les années 1860, il combat le Risorgimento34. En 1871 enfin, il crée les Volontaires vendéens pour lutter contre l’avancée des Allemands. À près de soixante ans, la guerre carliste lui permet de reprendre du service.

  • 35  Sur Cathelineau : Julio Nombela, Detrás de las trincheras. Páginas íntimas de la Guerra civil desd (...)
  • 36  AN-F7 12576, voyage de l’agent du ministère.

24Son rôle n’est pas très clair, et se concentre dans les premiers mois de la guerre. Le vieux chef vendéen s’installe dans une de ses propriétés à Bassussary, à quelques kilomètres au sud de Bayonne, avec plusieurs de ses fils. Il observe l’armée carliste en formation et organise des réunions avec ses chefs. Il est également membre de la junte militaire vasco-navarraise, créée en avril 1872 et dissoute quelques mois plus tard par don Carlos. Ses liens avec don Carlos se distendent rapidement. Au cours des années suivantes, il persiste cependant dans son soutien depuis Paris où il tâche d’obtenir des financements35. Ses fils restent actifs sur le terrain ; l’un d’eux aurait séjourné à Rivehaute en septembre 187436. Cathelineau incarne ainsi une dimension plus individuelle de l’engagement. Rien n’annonce son implication, si ce n’est son parcours de volontaire. Par ailleurs, la stature qu’il a acquise auprès des légitimistes du fait de ses multiples expériences participe de la construction sociale du personnage comme paladin de la légitimité auprès de l’opinion légitimiste et catholique.

  • 37  Ludivine Bantigny et Arnaud Baubérot (dir.), Hériter en politique. Filiations, générations et tran (...)
  • 38  Voir Steven D. Kale, Legitimism…, op. cit.
  • 39  Voir notamment Karine Rance, « Mémoires de nobles français émigrés en Allemagne pendant la Révolut (...)

25En revanche, l’engagement de plusieurs de ses fils, comme celui des fils Barraute, souligne la place de la cellule familiale dans les processus d’engagement37. La transmission de l’aide aux carlistes de génération en génération est cruciale. L’implication d’un membre de la famille entraîne souvent celle de plusieurs autres membres. Cette place de la famille s’inscrit dans une double réalité propre aux milieux légitimistes. D’abord, la mémoire de l’engagement et sa transmission familiale se constituent en impératif pour les partisans du légitimisme, qui se vit en citadelle assiégée38. Ensuite, ces phénomènes sont liés à la préservation de la mémoire familiale au sein de la noblesse. Outre la valorisation du lignage, il s’agit au xixe siècle de compenser la perte de pouvoir effectif de ces familles39.

  • 40  Francisco Javier Ramón Solans, La Virgen del Pilar dice…, op. cit.
  • 41  Pour un bilan : Bruno Dumons, « Histoire des femmes et histoire religieuse de la France contempora (...)
  • 42  Le début du xxe siècle a été très bien étudié : Bruno Dumons, Les dames de la Ligue des femmes fra (...)
  • 43  Jeremy MacClancy, The Decline…, op. cit.
  • 44  Pedro Rújula, « La guerra como aprendizaje político. De la guerra de la Independencia a las guerra (...)

26À l’aune de cette réalité, la place des femmes dans l’internationale blanche change. Le catholicisme, surtout dans sa version mariale de l’époque40, offre aux femmes41 dans le domaine social et dans le domaine politique42 un rôle qu’elles n’ont pas dans d’autres cultures politiques plus avancées. Ce constat se retrouve dans la transmission de l’engagement. Le rôle dévolu à la mère au sein de la famille catholique en fait un agent décisif de cette transmission puisqu’elle est chargée de l’éducation des enfants43. À côté de la transmission des pères aux fils d’un idéal combattant44, celle des mères aux enfants tient toute sa place.

27Les processus d’engagement, les réseaux dans lesquels ils s’inscrivent, et les logiques individuelles qui les sous-tendent ne répondent donc pas à une trame prédéfinie. L’engagement se laisse d’autant moins circonscrire que, dans certains cas, il n’est pas pensé comme tel. Dès lors, seule une approche micro-historique et par en bas de ces processus permet de rendre compte de leur richesse et de leur foisonnement. À la diversité des engagements informels, répond en effet une grande variété d’engagements plus formalisés.

Les comités carlistes

Une structure formelle ?

28Les comités carlistes sont la preuve que la solidarité pro-carliste a connu une forme d’élaboration partisane, que l’internationale blanche ne désigne pas seulement un ensemble de liens informels, mais aussi des structures locales, des cellules. Les comités carlistes ne sont pas le produit d’une organisation uniforme et planifiée. Ils diffèrent parfois beaucoup les uns des autres et ne sont pas les seules structures existantes. Ils s’inscrivent dans une triple généalogie : la structuration des mouvements légitimistes en Europe ; les précédents de l’entraide franco-espagnole ; l’inventivité des défenseurs de la papauté.

  • 45  Scipion de Dreux-Brézé, Notes et souvenirs pour servir à l’histoire du parti royaliste, 1872- 1883(...)
  • 46  Voir APP-BA 401, rapport du 27 janvier 1875.

29De part et d’autre des Pyrénées, les légitimistes et les carlistes avaient su, au cours des années précédentes, mettre en place des structures de mobilisation politique qui, sans être des partis, en constituaient une sorte de préfiguration. Les premières années du Sexenio avaient été un moment de bouillonnement politique pour les carlistes. En France, les débuts de la Troisième République conduisent à l’établissement de comités royalistes, dont l’organisation et le fonctionnement sont progressivement définis, en lien avec le comte de Chambord45. Ces comités légitimistes ne sont pas les derniers à prêter leur concours au combat de don Carlos46.

  • 47  Des mentions dans Guy Coutant de Saisseval, La Chouannerie espagnole : les guerres carlistes (1832 (...)

30La solidarité pro-carliste n’apparaît pas en 1868. La première guerre carliste avait déjà vu des structures dont l’objectif était d’aider les carlistes ; elles n’ont pas été étudiées en profondeur et l’on en sait trop peu sur leurs caractéristiques pour distinguer des continuités47. En revanche, les années 1860 avaient vu fleurir des comités visant à défendre la souveraineté temporelle du pape. Ils s’occupaient principalement d’envois d’argent et d’envois d’armes. Des comités d’artillerie pontificale se transforment, à l’occasion de la guerre carliste, en comités d’artillerie carliste, avec des permanences remarquables. Des comités carlistes ont sans doute été coulés dans le moule de comités de défense de Pie IX.

  • 48  AGUN-FMF, caja 80.
  • 49  Antonio Pirala, Historia contemporánea…, op. cit., t. IV, p. 107 et suiv.

31Les années précédant la guerre avaient convaincu les responsables carlistes de la nécessité de créer des structures sur la frontière visant à faciliter l’organisation d’un éventuel soulèvement à grande échelle. En 1871, à Saint-Jean-de-Luz, avait été créée une junte pour préparer le soulèvement, complétée en 1872 par une organisation semblable établie à Céret48. La disparition de ces juntes, peu après le début du soulèvement, précède l’apparition des comités carlistes. Il faut par ailleurs souligner la plasticité du vocabulaire. Antonio Pirala désigne ainsi une même structure par trois noms différents : junte militaire basco-navarraise, junte carliste auxiliaire de la Frontière de Bayonne et Comité carliste de Bayonne49. Tout au long de la guerre, la variété est de mise dans les termes, les formes et les temporalités.

  • 50  El Siglo Futuro, 26 juin 1875.
  • 51  La Voix de la Patrie, 7 octobre 1874.
  • 52  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6868, « Cartas de Silvio desde Roma enviando dinero a los Carlistas, ofr (...)

32Les comités ne sont pas une spécificité française et sont même un bon moyen d’observer l’extension transnationale du soutien au carlisme, puisqu’ils sont présents dans plusieurs pays où ils organisent l’aide à la cause. On trouve un comité à New York, composé en grande partie d’Irlandais50. En Belgique, un comité est actif en Flandre occidentale, avec des auxiliaires dans plusieurs villes de Belgique51. Il est fréquent qu’un petit nombre de personnes composent un comité, qui se ramifie ensuite. Silvio, qui tente de créer un comité à Rome, insiste d’ailleurs pour qu’il soit limité à quelques personnes52.

  • 53  Sur le Comité de Londres, voir : Edward Kirkpatrick de Closeburn, Souvenirs…, op. cit., p. 211-213 (...)
  • 54  Daniel Feldman, « L’immigration, les immigrés et l’État en Grande-Bretagne aux xixe et xxe siècles (...)

33Le comité le plus important hors de France est celui de Londres, qui revêt une double importance par l’intensité de son activité et par la précocité de sa création puisqu’il naît dès la fin de l’année 187253. L’installation de ce comité au Royaume-Uni n’est pas innocente : Londres, érigée au fil du siècle en capitale mondiale de l’exil politique54, reçoit également les exilés de la contre-révolution européenne. Don Juan ou Cabrera avaient été du nombre dans les décennies précédentes ; la guerre conduit ces milieux exilés à se mobiliser.

  • 55  Pour un bilan sur la question, Fabrice Bensimon et Robert Tombs (dir.), « L’ère victorienne revisi (...)

34Le Comité de Londres est le résultat de l’investissement d’Edward Kirkpatrick de Closeburn. Il rencontre le comte de Crouel de Prez à Paris, au début du mois de novembre 1872, et convient avec lui de la nécessité de venir en aide au carlisme. Les deux hommes choisissent Londres pour des raisons stratégiques liées aux principales missions assignées au comité, la propagande et la récolte de fonds. Le régime libéral avancé au Royaume-Uni assure aux agents de la solidarité pro-carliste une liberté dont ils ne disposent pas ailleurs55.

  • 56  Il s’agit du fils de Charles Manning Allen, qui se prétendait descendant des Stuarts et a joué un (...)
  • 57  Mary Heimann, Catholic Devotion in Victorian England, Oxford, Clarendon Press, 1995.

35À la fin du mois de novembre, le comité est fondé par les deux hommes ainsi que par Charles Edward Stuart, comte d’Albanie56, d’une famille convertie au catholicisme, et Edward Purcell, rédacteur en chef d’une feuille catholique intransigeante, la Westminster Gazette. Ce journal, fondé en 1866, était financé par Henry Edward Manning, archevêque de Westminster et ardent défenseur du pouvoir temporel. Les carlistes ont profité d’un contexte marqué par un important mouvement de conversion au catholicisme dans les élites anglaises57, ce qui leur a fourni des réseaux acquis aux idées intransigeantes. Le Comité se structure rapidement. Une commission exécutive est présidée par Kirkpatrick, le comte de Crouel de Prez en est le trésorier et le comte d’Albanie le secrétaire. Le nombre d’adhérents n’est pas limité, mais la destinée du comité est remise entre les mains des plus actifs de ses membres. En l’occurrence, la conservation d’un procès-verbal de séance, le 27 mars 1873, souligne ce hiatus puisque ce sont au moins quinze personnes qui assistent à la réunion, principalement des nobles et des ecclésiastiques, Espagnols et Anglais mêlés. Isidro Ortiz de Urruela, envoyé de don Carlos, dénombre un an plus tard vingt-trois personnes membres du Comité de Londres, dont la liste ne recoupe pas complètement la liste des présents du 27 mars 1873. Les comités carlistes apparaissent donc comme des structures ouvertes et adaptables.

36Comme pour les autres comités, trois activités se dégagent. Une place particulière est accordée au travail de propagande : la présence du rédacteur en chef de la Westminster Gazette n’en est que plus importante. Le Comité tâche d’influencer l’opinion publique et les autorités. Sur ce dernier plan, le Comité londonien obtient, dès le mois de février 1873, une déclaration défavorable à la jeune République espagnole de la part de l’attorney general puis, fin mars, la reconnaissance de la liberté du commerce des armes par le Parlement. La présence dans les rangs du Comité du jeune député irlandais Patrick Keyes O’Clery n’est pas étrangère à cette capacité à pénétrer les cercles parlementaires.

37Ensuite, il s’agit de prospérer. Le 23 mars 1873, la commission délègue un membre pour établir des sous-comités à Anvers, Bruxelles, Gand, Aix-la-Chapelle et Munich. Le lendemain, les regards se tournent vers l’Irlande et les possibilités de mobilisation qu’elle offre, et un sous-comité est créé à Dublin. Au début du même mois, le Comité avait déjà fait des émules et provoqué la création à Paris d’un nouveau Comité.

  • 58  Voir L’Univers des 27 février, 11 mars et 13 mars 1873 ; L’Union des 28 février et 11 mars 1873.

38Le Comité de Londres s’assigne une troisième mission, la collecte de fonds pour les carlistes. Bénéficiant d’une législation beaucoup moins répressive qu’en France, il peut aisément lancer des souscriptions. C’est lui qui diffuse dans la presse légitimiste et catholique française, au début du mois de mars 1873, un appel à souscription rédigé par le comte de Crouel de Prez et repris par nombre de ces journaux58. L’initiative connaît un grand succès et constitue la meilleure opération de popularisation de la cause auprès du public en France.

  • 59  Sur cette structure : BRAH-Fondo Pirala, legajo 6869, « Documentos del English Carlist Commitee y (...)

39Le Comité de Londres ne dure pas. Dès 1874, il est remplacé par un English Carlist Committee, à la fondation duquel participent Edward Purcell et le colonel J. Bertrand Payen-Payne, anciens du Comité59. La création du nouveau comité révèle des conflits au sein de l’aide au carlisme. Kirkpatrick de Closeburn se montre plus que réservé sur leur honnêteté et rappelle qu’ils ont été expulsés du Comité de Londres. Il affirme par ailleurs que le président de ce comité, Sir Gilbert E. Campbell, un Irlandais, n’est pas très connu. Il est possible qu’il y ait eu conflit au sein du Comité de Londres, que la fondation de l’English Carlist Committee en soit le résultat, et que Kirkpatrick ne voie pas cette nouvelle structure d’un bon œil.

  • 60  Enrique Roldán González, Un corresponsal en España…, op. cit., p. 33.
  • 61  Vincent Kennett-Barrington, Letters from the Carlist War (1874-1876), Exeter, University of Exeter (...)

40Ce n’est pas le cas des responsables carlistes, qui reconnaissent très vite ce comité. Le rapport au prétendant est une préoccupation importante de l’English Carlist Committee. Il tente par tous les moyens de s’assurer une relation privilégiée avec le sommet de la hiérarchie carliste. Le financement de la cause et le soutien aux réfugiés et aux blessés passent au second plan. L’opération réussit d’ailleurs parfaitement puisque Sir Campbell est fait duc de la Real Ayuda par don Carlos dès 187460 ; il faut dire que le président du comité réside à l’hôtel Legarralde d’Hendaye pendant une bonne partie de la guerre61.

La Société de Jésus-Roi : sociabilité et politique

  • 62  AHN-AC 948, lettre d’Alexis Souvras à Alfonso, 11 mars 1873.
  • 63  AHN-AMAEC H 2014, despacho 157.
  • 64  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6898, lettre du sergent Francisco Plasencia à Don Carlos, Montauban, 21  (...)
  • 65  AMAE- 18 MD 357, annexes à la lettre d’Alger, 10 octobre 1874.
  • 66  APP-BA 929.
  • 67  AMAE- 18 MD 358, lettre du 6 décembre 1874 et annexes ; L’Union, 19 septembre 1875.

41Le territoire français est véritablement maillé par les comités carlistes. Si on laisse de côté le Comité de Bayonne, des comités sont actifs dans de nombreuses villes, notamment du sud de la France. À Perpignan, Alexis Souvras crée deux comités, un pour les hommes et un pour les femmes, dirigé par Charlotte de Lazerme et Madame de Rovira62. À Toulouse, le comité carlo-légitimiste est dirigé par le comte de Randoud63. À Montauban, une « junte légitimiste » prend la défense des réfugiés carlistes64. À Oran, la junte n’est composée que d’Espagnols65. C’est aussi le cas à Paris, où la junte carliste est présidée par Algarra et dont le secrétaire est Juan Dameto, ancien secrétaire de Marguerite66. Parallèlement, le comité légitimiste de cette ville, dirigé par le comte de Nicolaï, agit en faveur du carlisme. À Marseille enfin, un comité carliste présidé par le comte de Castellane est actif tout au long de la guerre67. Les informations ne dépassent cependant pas, en général, la simple mention.

  • 68  AHN-AC 964.
  • 69  Les pages qui suivent s’appuient d’une part sur le dossier sur la Société de Jésus-Roi conservé à (...)

42Il existe donc un réseau d’organisations se dédiant à l’aide au carlisme en guerre, surtout en France. Les lettres adressées par don Carlos aux comités en décembre 1875, pour leur demander de fournir vingt millions de cartouches, soulignent que les responsables carlistes ont conscience de l’existence de ce réseau et du profit qu’ils peuvent en tirer68. Le manque de sources, dû à la clandestinité du mouvement, empêche d’étudier la construction de ces organisations et le monde dans lequel elles recrutent, fonctionnent et évoluent. Une organisation, pourtant, a laissé des sources abondantes : la Société de Jésus-Roi. Comme souvent pour les organisations non autorisées, les sources la concernant proviennent de la répression dont elle a été victime au début de l’année 187669. Un informateur s’était en effet rendu chez l’ambassadeur d’Espagne pour lui expliquer, pièces à l’appui, que la Société était impliquée dans le financement du carlisme. L’ambassadeur déclenche une enquête qui permet d’obtenir des informations et de saisir un certain nombre de documents internes.

43Les débuts de la Société sont incertains. Trois récits se font concurrence. Dans le premier, la Société de Jésus-Roi serait le nouveau nom du Comité carliste de Poitiers, choisi par son président, Henri de Chevasnerie. Ce comité, actif dans le financement de l’armée carliste, aurait créé à Paris une annexe de la Société dont il aurait confié la direction à Gustave de Ponton d’Amécourt, un légitimiste aux opinions catholiques bien affirmées.

44Une autre hypothèse dégagée par l’enquête est qu’elle serait le nouveau nom de la Société des Amis, que dirige Ponton d’Amécourt, qui est présenté comme un contre-révolutionnaire extrêmement actif, possesseur de cent cinquante mille livres de rentes, dont trente à quarante mille sont consacrées au financement de sociétés qu’il a créées ou dont il est membre. Cela lui donnerait des entrées dans les milieux légitimistes et catholiques. La Société dissimulerait ses objectifs sous le couvert d’une association caritative.

45Une troisième hypothèse fait naître la Société le 16 juin 1875, jour de la pose de la première pierre de la basilique du Sacré-Cœur, lors d’une réunion de deux cents catholiques à Notre-Dame. Elle est d’abord une société de propagande légitimiste et de bonnes œuvres. Ce n’est qu’au mois de septembre 1875 qu’elle se serait lancée dans l’aide au carlisme avant de changer à nouveau d’objectifs après la défaite de février 1876.

46Toutes ces hypothèses confirment en tout cas que les organisations de soutien au carlisme sont insérées dans un ensemble vivace d’organisations et de sociabilités. La Société de Jésus-Roi affirme dans sa profession de foi sa triple vocation catholique, légitimiste et carliste. Ses liens avec d’autres organisations sont révélateurs : elle rend compte de son action au Comité carliste de Bayonne, mais elle serait aussi en lien avec les Cercles catholiques d’ouvriers d’Albert de Mun et avec l’œuvre de Propagation de la Foi, deux organisations emblématiques du catholicisme social. Par ailleurs, elle est en contact direct avec l’état-major carliste. Elle est également liée au comte de Chambord à travers le marquis de Dreux-Brézé.

47L’analyse des individus qui la composent montre qu’il ne s’agit en rien d’une organisation créée par une poignée de légitimistes retirés du monde. Certes, elle ne rassemble à Paris que cent à cent cinquante adhérents. Pour autant, elle fait preuve d’une grande vitalité. Une partie de ses efforts pour se développer est dirigée vers les classes populaires et vers les étudiants, avec peu de succès toutefois. Elle accorde une grande importance au recrutement, qui se fait par interconnaissance. Des instructions sont envoyées aux adhérents concernant la marche à suivre à ce sujet. Sont particulièrement visés ceux que leur métier conduit à se déplacer, médecins, géomètres, conducteurs ou encore voyageurs de commerce, signe de la volonté de la Société de ne pas se cantonner aux viviers traditionnels du légitimisme.

48Ce souci se retrouve dans l’architecture de la Société. La noblesse et la haute bourgeoisie sont bien représentées dans les instances dirigeantes. Ponton d’Amécourt est assisté de deux nobles, Senneville et Gabriel de Saint-Victor. On trouve, dans les membres éminents, le comte de Beaurepaire, Albert de Mun, et six députés chevau-légers en plus de Saint-Victor. Pour autant, l’ouverture sociale est tangible dans la sociologie des chefs de groupe, dont un seul appartient aux classes aisées. Le pharmacien Roussel, place de la Croix-Rouge, le libraire Matellier, rue du Cherche-Midi, Gaillard, photographe, Maigren, qui dirige le cercle catholique de Montparnasse, ou Belunze, qui dirige celui du Luxembourg, sont autant d’exemples de l’ouverture de la Société à toutes les couches sociales. Son organisation s’en ressent et s’appuie sur la sociabilité locale et les relations de voisinage. Les chefs de groupe dirigent des groupes de dix personnes au sein de comités de quartier, chapeautés par le comité général que préside Ponton d’Amécourt. La Société tente de s’enraciner en province et invite à créer des comités dès que trois adhérents habitent au même endroit.

49En ce qui concerne ses activités, la société est insérée dans plusieurs sphères différentes, bien que l’orientation pro-carliste soit mise en avant à la fin de l’année 1875. Une association créée par la Société qui visait à financer la propagande légitimiste, est ainsi purement et simplement dissoute après avoir récolté quelques centaines de francs qui sont versés à la caisse carliste. Cette pratique explique sans doute les accusations contre la Société, soupçonnée de dissimuler ses objectifs et la destination de l’argent qu’elle récolte. Si le placement auprès du public des bons carlistes est une des missions centrales des membres de la Société, le recrutement de nouveaux membres et la préparation des élections sénatoriales de décembre 1875 et législatives de février 1876 sont aussi au programme. L’aide au carlisme est donc un volet d’un projet plus large qui vise aussi la restauration en France.

50Le soutien au carlisme est principalement financier, par des envois d’argent, d’armes et de fournitures. Les services de police admettent d’ailleurs que ces envois ont été considérables. La Société ne se prive pas d’affirmer qu’elle a fait parvenir trente canons, un million de cartouches et des chevaux à don Carlos. Elle reçoit du prétendant une lettre de remerciements le 10 septembre 1875, qu’elle s’empresse de diffuser dans un de ses tracts.

51Au total, la Société de Jésus-Roi aurait fait parvenir cinq cent mille francs à l’armée carliste grâce à des intermédiaires anglais ou américains. Cette importante somme provient des cotisations, mais surtout du placement des bons carlistes. Ce travail s’effectue en étroite collaboration avec le Comité carliste de Bayonne. Les bons royaux ne sont pas les seules opérations financières pro-carlistes que la Société propose au public, puisqu’elle invite à participer à l’achat de neuf cents chevaux pour l’armée, ou à verser de l’argent à la Caridad.

52L’exemple de la Société de Jésus-Roi rappelle combien les organisations pro-carlistes sont insérées dans un monde contre-révolutionnaire actif, plus ouvert socialement que ne le laissent voir les bureaux des Comités, occupés par les vieilles familles légitimistes. Il rappelle aussi les marges de manœuvre dont disposent les légitimistes pour créer des structures pro-carlistes et la diversité du paysage de la solidarité contre-révolutionnaire transnationale.

Au cœur de l’internationale blanche

Les commis voyageurs du carlisme

53L’internationale blanche n’est pas une structure unifiée et fonctionne en bonne partie sur des réseaux informels. Les comités carlistes ne sont qu’un pan du mouvement et fonctionnent en parallèle et en syntonie avec des réseaux fondés sur l’interconnaissance. Elle est scindée en de multiples filières. Dès lors, quel sens y a-t-il à maintenir une désignation unique pour un ensemble de phénomènes que tout porte à ne pas confondre ? Plus encore, quelle légitimité y a-t-il à considérer ensemble des mobilisations qui correspondent à des réalités diverses ? Ce sont des individus et leurs réseaux qui permettent de faire le lien.

54Le soutien au carlisme dispose d’une indéniable force de projection. Le soutien français est le plus massif, mais le mouvement possède des ramifications européennes – de la Grande-Bretagne à l’Italie et du Portugal à l’Autriche-Hongrie –, méditerranéennes – en particulier en Algérie – et atlantiques – sur l’ensemble du continent américain – qui en font une organisation transnationale. Cette diffusion de l’aide au carlisme dans de multiples espaces tient au dévouement de quelques individus qui jouent un rôle de commis voyageurs.

  • 70  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6868, « Cartas de Silvio desde Roma enviando dinero a los Carlistas, ofr (...)
  • 71  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6868, « Carta de Ramón (Manterola) sobre asuntos carlistas en Lóndres y (...)

55Plusieurs agents sont affectés à la conquête de soutiens dans différents pays d’Europe. L’action de Kirkpatrick de Closeburn en Angleterre, centrée sur la propagande et sur l’établissement d’un comité carliste, est emblématique des missions qui leur sont données. Les rapports qu’envoie régulièrement le mystérieux Silvio depuis Rome aux responsables carlistes montrent les difficultés que comporte cette mission au sein d’une cour papale divisée entre zelanti, conservateurs plutôt favorables à don Carlos, et cardinaux plus modérés, prêts à se satisfaire d’une arrivée sur le trône du fils d’Isabelle II70. Vicente Manterola, le chanoine ancien député aux Cortès de 1869, est aussi chargé de susciter des soutiens dans la Curie71.

  • 72  Sur ces visites, voir par exemple Ildefonso Antonio Bermejo, Historia de la interinidad y guerra c (...)

56Son statut d’ecclésiastique offre à ce dernier une aura qui lui permet d’être reçu par des prélats de haut rang, comme le cardinal de Westminster ou l’archevêque de Malines, en Belgique. Le fait qu’il soit accompagné dans ses voyages par Simon Castella, ancien général de l’armée pontificale, souligne l’importance du capital symbolique acquis dans la défense de Rome et éclaire le choix des agents et l’attribution des missions72.

  • 73  Antonio Pirala, Historia contemporánea, t. V, p. 384.
  • 74  Melchor Ferrer, Historia del tradicionalismo español…, op. cit., t. 24, p. 37.
  • 75  AHN-AC 951.

57La visite à l’archevêque de Malines, qui a lieu à l’été 1872, n’est pas le seul voyage qu’effectue Manterola en Belgique73. La Belgique et les Pays-Bas sont étroitement liés, en termes de mobilisation, à la cour romaine. C’est la raison pour laquelle Manterola est un agent de choix pour se rendre dans l’ancienne capitale des papes et dans les deux royaumes du nord. De son côté, Philippe de Cazeneuve, d’une famille légitimiste des Bouches-du-Rhône engagée de longue date dans l’aide au carlisme74, homme de confiance d’Alfonso, s’y rend en août et en octobre 1872 puis à nouveau en janvier 1873. Ces voyages s’inscrivent dans une longue série de déplacements, notamment au cours du second semestre 1872 : les comptes d’Alfonso pour l’année 1872 montrent en effet que Philippe de Cazeneuve s’est rendu de Marseille en Belgique via Perpignan en août, de Perpignan à Rome et à Naples en septembre, en Belgique, à Rome et à Milan en octobre, à Paris en novembre et à Malte en décembre75.

  • 76  AHN-AC 946 ; AHN-AC 947 ; AHN-AC 948.

58Le cas belge souligne l’importance cruciale de ces individus prêts à voyager pour la cause. En Belgique, les carlistes et leurs alliés français tentent de mettre la main sur les fonds que peuvent mobiliser les catholiques. Ils ont prouvé leur richesse tout au long des années 1860 en versant leur obole au Denier de Saint-Pierre. Or, les Belges sont réticents à financer le carlisme, notamment parce que leur catholicisme n’est pas synonyme de légitimisme. Ils veulent obtenir l’aval de Pie IX pour privilégier la cause carliste au détriment du Denier. Philippe de Cazeneuve est chargé de détourner ces fonds de leur destination principale, ce qui explique que ses voyages de 1872 se fassent surtout à Rome et en Belgique. Il finit d’ailleurs par obtenir gain de cause, et le carlisme récupère l’argent belge. Dans une lettre du 28 janvier 1873, Cazeneuve indique ainsi qu’il a encaissé cinquante mille francs, mais qu’il pourrait en obtenir deux cent mille avec l’aval de Pie IX76.

  • 77  Arthur de Lort de Sérignan, Don Carlos VII…, op. cit., p. 56.
  • 78  Melchor Ferrer, Historia del tradicionalismo español…, op. cit., t. 25, p. 150-151.
  • 79  María de las Nieves de Branganza y de Borbón, Mis memorias…, op. cit., vol. 2, p. 263.
  • 80  AHN-AC 953, lettre de Philippe de Cazeneuve à Alfonso, 12 juillet 1874.
  • 81  Ibid., lettre de Philippe de Cazeneuve à Alfonso, 30 juin 1874 ; L’Union, 27 janvier et 18 juillet (...)

59Il ne se contente pas de ces voyages pour la Cause ; il est de toutes les opérations et de toutes les missions confiées par Alfonso et fait partie de son état-major77 : il participe à la réunion des généraux de Catalogne le 29 avril 187478, et fait condamner Savalls lors de ses désaccords avec Alfonso79. Il organise la correspondance carliste en Catalogne80 et s’occupe de la propagande dans la presse81. Le reste de sa famille est de l’aventure puisque ses deux frères, Jules et Henri, montent une filière de contrebande d’armes depuis Marseille.

  • 82  Sur Souvras : AHN-AC 946, AHN-AC 947, AHN-AC 948 et AHN – 953 : sa correspondance avec Alfonso sou (...)
  • 83  Paul Laborde, « Une mission carliste en Catalogne. Souvenirs de la Seconde guerre carliste 1872 à  (...)
  • 84  María de las Nieves de Branganza y de Borbón, Mis memorias…, op. cit., vol. 2, p. 102.
  • 85  Sur Dubrocq : AMAE-18 MD 353 ; AMAE- 18 MD 359, lettre de l’ambassadeur au ministre des Affaires é (...)

60Il se distingue donc par son investissement européen. Il appartient à un petit groupe de Français que leur action singularise au sein de l’aide au carlisme. Côté catalan, outre Cazeneuve, on trouve Alexis Souvras, négociant de draps à Perpignan, qui organise tout dans les Pyrénées-Orientales : contrebande, réunions, accueil de chefs carlistes, récolte et envoi d’argent. Il constitue un rouage essentiel dans l’organisation82. Côté basque, deux hommes remplissent des fonctions semblables. Paul Laborde voyage de part et d’autre de la frontière pour les besoins de la cause. Il a d’ailleurs laissé un récit détaillé de l’un de ces voyages qui le conduit, à l’été 1875, de Guetaria, où don Carlos lui remet des lettres pour les généraux catalans, jusqu’à La Seo de Urgel, via la France et l’Andorre83. Marie des Neiges lui rend hommage en évoquant « les immenses mérites de Monsieur Paul de Laborde envers la cause carliste, qu’il servait avec un zèle illimité, de l’abnégation, de l’intelligence, en exposant de nombreuses fois sa vie dans ses audacieux voyages84 ». L’autre personnage central côté basque est Joachim Dubrocq, qui aide les carlistes qui passent par Bayonne, travaille au financement de la cause et fait passer la frontière à des responsables carlistes85.

  • 86  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6880, « Carta de Damato sobre el embarque en Nueva-York de armas para el (...)

61Ces quatre hommes sont au cœur de l’internationale blanche. Ils tiennent une place essentielle dans la possibilité qu’ont les deux armées carlistes – du Nord et de Catalogne – de communiquer. Par leurs incessants voyages, leurs efforts pour organiser la correspondance et par leur connaissance de la frontière, ils parviennent à combler la séparation entre provinces basques et Catalogne. Un projet d’achat d’armes aux États-Unis au printemps 1874 révèle d’ailleurs que des échanges existent entre Souvras, Dubrocq et Laborde86. De la frontière au monde atlantique, les échelles de déploiement de l’internationale blanche s’incarnent dans ces hommes, qui sont des pivots entre les sphères sociales qui participent à la mobilisation.

  • 87  A mis amigos de la frontera…, op. cit., p. 150 ; AMAE- 18 MD 353, note du ministère de l’Intérieur (...)

62C’est par leurs multiples réseaux qu’ils parviennent à faire de l’aide au carlisme un mouvement ordonné. Ils se trouvent en contact direct avec le prétendant, son frère et les principaux responsables du carlisme, ce qui fait d’eux des relais privilégiés de la Communion en France. Ils sont aussi en lien avec la noblesse de leurs départements et avec des aristocrates particulièrement engagés, ce qui assure la liaison avec l’élite légitimiste qui soutient dans tout le pays la cause de don Carlos. Enfin, ils sont issus des sociétés transfrontalières qui soutiennent le carlisme et sont donc intégrés dans des réseaux qui leur permettent de connaître les contrebandiers ou les gens de confiance dans tel ou tel village. Ce sont eux qui peuvent, par leur position sociale particulière – ils sont souvent responsables politiques locaux87 –, mettre en relation les deux niveaux sociaux, politiques et culturels de l’internationale blanche.

  • 88  A mis amigos de la frontera…, op. cit., p. 243.
  • 89  Julio V. Brioso y Mayral, « Títulos nobiliarios otorgados por la dinastía legitima », Aportes, 25, (...)

63Dans les raisons de leur engagement, la conviction politique est évidente. L’intérêt personnel est présent, qu’il s’agisse d’une stratégie de distinction – Laborde reçoit la médaille de don Carlos en février 187588 et Souvras est fait baron par don Carlos en 190189 – ou d’un intérêt socio-économique lié à leur insertion dans les sociétés pyrénéennes. Enfin, les risques inhérents à leur activité laissent penser que cette vie d’aventures n’est pas pour leur déplaire. Souvras, Dubrocq et Laborde sont enfin des membres importants des comités carlistes des Basses-Pyrénées et des Pyrénées-Orientales ; ils jouent un rôle de courroie de transmission entre réseaux informels et comités – en particulier dans le Comité carliste de Bayonne.

Le Comité carliste de Bayonne

  • 90  AGUN-FMF, caja 9, camisa 6 ; Antonio Pirala, Historia contemporánea, t. V, p. 102-107.

64L’action du Comité carliste de Bayonne, le comité carliste le plus important de France et même d’Europe, révèle comment les organisations de soutien au carlisme s’insèrent dans l’internationale blanche et comment elles coexistent avec les réseaux informels. Le Comité carliste de Bayonne constitue la dernière occurrence d’une série d’organisations établies dans les Basses-Pyrénées. Dès 1871, apparaît à Saint-Jean-de-Luz une junte destinée à préparer le soulèvement. En avril 1872, elle est remplacée par une junte militaire basco-navarraise qui rassemble d’importants responsables carlistes et un seul légitimiste, Henri de Cathelineau. Cette junte, chargée de trouver des financements et de préparer une nouvelle prise d’armes après l’échec de mai, se trouve rapidement en conflit avec don Carlos, qui décide alors de la dissoudre et provoque une crise importante avec ses membres, à l’été 187290.

  • 91  Voir l’interrogatoire de Germán Urbasos dans ADPyAtl - 3 U 1/43, dossier « Interrogatoires dans l’ (...)
  • 92  AGUN-FMF, caja 7, camisa 7.

65À la faveur du nouveau soulèvement fin 1872, une junte auxiliaire carliste de la Frontière est établie à Bayonne. Créée à la demande de don Carlos, elle est composée de six membres, également répartis entre Français et Espagnols : Paul Laborde et Joachim Dubrocq sont de l’aventure, ainsi que le marquis de Lalande ; côté espagnol, elle rassemble Germán Urbasos, Tirso de Olazábal et José Luis de Antuñano. Sa mission est, encore une fois, de trouver de l’argent, mais aussi des armes et des munitions91. Avec le début de la guerre dans les provinces basques, les Français sont amenés à s’impliquer davantage dans l’aide au carlisme, comme le montre leur place dans cette nouvelle instance. Il semble pourtant que la junte s’abstienne d’entretenir des rapports directs avec les comités carlistes français. Elle fonctionne pendant un an, jusqu’à ce que Carlos, qui tente d’organiser un semblant d’État, décide de la dissoudre, fin janvier 1874, à l’occasion de la création des ministères carlistes92.

  • 93  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6869, « Oficio de Viñalet sobre establecimiento del Comité central Carli (...)

66Rapidement, le Comité carliste de Bayonne, également désigné comme Comité central carliste de Bayonne, prend la suite de la junte. Il est créé par décret par don Carlos le 2 mai 1874 puis approuvé par Romualdo Viñalet à la fin du mois. Les missions confiées au Comité sont au nombre de sept. Il doit susciter, recevoir et centraliser les dons des légitimistes français et européens ; s’occuper des fournitures de l’armée carliste ; constituer un lien pour les communications entre le quartier général et les comités carlistes ; assurer la transmission du courrier ; verser des aides aux soldats carlistes présents en France ; tenir informé de ses activités les délégués des juntes et des députations provinciales93. Ce programme, très précis, marque les rapports du Comité carliste de Bayonne et des responsables carlistes. Il n’est pas l’émanation directe de l’état-major carliste, comme l’était la junte, mais est pensé comme une courroie de transmission du carlisme en France. En cela, il tient une place à part dans le paysage des comités carlistes.

  • 94  Alphonse de Barrès Du Molard, Mémoires sur la guerre de Navarre…, op. cit., p. 421-427.
  • 95  Il est d’ailleurs décoré par Carlos dès avril 1868 pour son rôle dans l’accueil des réfugiés : AGU (...)
  • 96  Alphonse de Barrès Du Molard, Mémoires sur la guerre de Navarre…, op. cit., p. 421-427. ADPyAtl -3 (...)

67Il est exclusivement composé de Français. Les renseignements dont on dispose fournissent un tableau de leurs motifs d’engagement. Joachim Dubrocq et Paul Laborde, on l’a vu, font partie des Français les plus actifs dans le soutien au carlisme. On trouve dans ce comité des légitimistes convaincus qui s’engagent au nom de leurs idées, comme Hubert de Seissan de Marignan. Le marquis de Lalande, illustre la continuité du combat au fil du siècle puisque son engagement dans le comité prend la suite de son volontariat comme capitaine de cavalerie au cours de la première guerre carliste94 et de l’aide que son père et lui ont apportée aux réfugiés carlistes après 1839. En 1872, il se lance à nouveau dans le combat pour la légitimité espagnole95. C’est également le cas du vicomte de Barrès du Molard, qui avec d’autres de sa famille a pris part comme officier à la première guerre96, et qui déploie une activité intense.

  • 97  Voir leurs interrogatoires dans ADPyAtl - 3 U 1/43.

68Les deux derniers membres du comité occupent une place stratégique au sein de ce comité du fait de leur activité : Henri Poydenot est banquier et Marguerite Cournet est marchande d’armes97. Si l’on sait assez peu de choses sur le premier, la seconde est une redoutable activiste pro-carliste. Elle s’occupe de contrebande mais aussi d’achats pour les carlistes auprès des commerçants de la région. Au deuxième étage de son magasin se tiennent les réunions du comité ; au rez-de-chaussée, le magasin d’armements sert aussi de poste carliste et de point de vente du Cuartel Real.

  • 98  Sauf indication contraire, voir l’interrogatoire d’Henry Poydenot dans ADPyAtl -3 U 1/43, dossier (...)
  • 99  ADPyAtl -3 U 1/43, dossier « Laborde – Correspondance ».

69L’interrogatoire de Henry Poydenot révèle que l’engagement des uns et des autres dans le Comité carliste de Bayonne a été variable98. Lalande et Garro se sont peu impliqués, et se sont apparemment contentés d’héberger des carlistes. Marignan ne va pas au-delà d’une mobilisation de ses réseaux. En revanche, les autres membres développent une spécialisation en fonction de leurs compétences. Laborde et Dubrocq s’occupent des liens du comité avec le reste de l’internationale blanche, grâce à leurs incessants voyages99. La veuve Cournet est chargée des questions matérielles. Le vicomte de Barrès est directeur général de la frontière. À ce titre, il s’occupe de la correspondance officielle de don Carlos et accueille les Espagnols qui veulent traverser la frontière en leur fournissant des secours et des passeports. Quant à Poydenot, il s’occupe de la question financière. Trésorier de l’organisation, il centralise les dons et assure leur acheminement ; il tente également de soumettre un emprunt carliste.

  • 100  ADPyAtl - 3 U 1/43, « Procès-verbaux de la Junte de la frontière ».

70Les activités du comité, définies dans la lettre de Romualdo Viñalet, sont assez semblables à celles de la junte qui l’avait précédé. On dispose des procès-verbaux des réunions de cette dernière pendant cinq mois, ce qui fournit un aperçu du fonctionnement quotidien d’une telle organisation100. Les séances signalent la variété des activités de la junte. Lors de la première, le 26 décembre 1872, alors qu’un nouveau soulèvement se produit dans les provinces basques, ses membres s’accordent pour maintenir le secret sur leurs activités et en informent la presse carliste. Des relations sont établies avec plusieurs journaux français : les organes légitimistes parisiens L’Union et La Gazette de France, les feuilles locales La Guienne à Bordeaux et La Gazette du Languedoc à Toulouse, mais aussi l’agence de nouvelles contre-révolutionnaires dirigée par Alexandre de Saint-Chéron.

71Pour autant, le financement du carlisme et l’approvisionnement en armes et en munitions sont les principales missions de la junte. Dès la première séance, Fermín Urbasos propose ainsi un système de financement fondé sur des récoltes de fonds dans les diocèses en Espagne. Il est décidé de prendre contact avec le Comité central de Madrid pour en estimer la faisabilité et de prospecter pour mettre en place des souscriptions. En outre, des démarches sont engagées pour récupérer 14000 réaux déposés à Irun. Pour ce qui concerne les armes, Dubrocq se voit attribuer deux missions. D’une part, il doit récupérer cent fusils Berdan qui ont été offerts aux carlistes et qui se trouvent à Hendaye pour les acheminer à la frontière. D’autre part, la junte ayant eu vent de la présence à Marseille de 10000 fusils chassepots qu’il serait possible de faire passer en contrebande, il est demandé à Dubrocq d’en acquérir huit cents, dont quatre cents doivent être acheminés au plus vite, et de trouver des cartouches.

72D’autres missions sont abordées dès la séance suivante, qui a lieu le 28 décembre 1872 à l’hôtel de la Bilbaina. Dubrocq et Laborde deviennent les factotums de la junte et sont autorisés à prendre seuls des décisions, en particulier en ce qui concerne les achats d’armes et la fourniture de faux passeports. À l’ordre du jour, on trouve aussi la proposition faite par le baron de la Torre de fonder un comité carliste à Pau. La junte encourage le baron dans sa démarche, qui constitue un pas vers la création de structures destinées à organiser l’aide aux carlistes. D’ailleurs, des tractations secrètes sont engagées en direction des catholiques de Belgique et d’Angleterre pour les inciter à financer la cause ; cette entreprise doit se faire en coordination avec la secrétairerie de don Carlos. Ainsi, la coexistence entre initiatives individuelles et spontanées et entreprises collectives et organisées est une réalité tout au long de la guerre, mais la part relative des secondes tend à se renforcer.

73La construction d’un réseau de comités prouve la volonté de structurer les réseaux informels de l’aide au carlisme dans une organisation, certes décentralisée, mais qui serait chapeautée par la junte de Bayonne et, in fine, par l’état-major carliste. À bien des égards, la désignation par Viñalet du Comité de Bayonne comme d’un Comité central chargé de jouer le rôle de courroie de transmission entre les comités carlistes et l’état-major signale la réussite partielle de ce projet. Le Comité de Bayonne pousse plus loin encore les logiques déjà à l’œuvre du temps de la junte de la Frontière et devient véritablement le pivot de la solidarité pro-carliste en Europe. Les documents saisis lors de l’enquête contre la Société de Jésus-Roi le prouvent, qui font voir la centralisation des dons et des souscriptions par le Comité.

  • 101  ADPyAtl - 3 U 1/43, dossier « Laborde – Correspondance ».

74Pour autant, la véritable place du Comité de Bayonne dans l’internationale blanche n’apparaît qu’en tenant compte de la capacité de ses membres à s’insérer dans tous les aspects de la solidarité transnationale. L’éventail de l’extraction sociale des huit personnes qui le composent assure la possibilité d’une audience élargie. Ainsi la veuve Cournet, par son activité, est en lien avec les marchands et les contrebandiers des Basses-Pyrénées. De même, Hubert de Marignan possède le capital social nécessaire pour entrer en relation avec les milieux nobiliaires du pays. La correspondance de Laborde souligne que son engagement dans le comité ne le coupe pas des réseaux informels de l’internationale blanche101. Le vicomte de Barrès, du haut de ses soixante-cinq ans, représente la mémoire vivante de liens anciens remis en activité et la permanence de l’engagement par-delà les décennies.

75Ce qui frappe, enfin, à la lecture des comptes rendus de séances de la junte, c’est l’entrelacement constant des affaires, des problèmes et des acteurs impliqués. La junte est un réceptacle de tout ce qui a trait à la solidarité pro-carliste. Ce foisonnement dit quelque chose de cette solidarité : au-delà du projet d’organisation, la junte puis le comité sont confrontés à l’urgence du quotidien et à l’incertitude du lendemain. En un sens, l’organisation bayonnaise est le creuset d’une invention permanente qui vise à maintenir vivante une solidarité confrontée aux défis que posent la clandestinité et le caractère informel de ses liens. Ce n’est que parce qu’il existe une telle organisation, une telle interface entre la solidarité internationale et les responsables carlistes, que l’on assiste à l’émergence d’un véritable mouvement, ce qui n’enlève rien au rôle crucial des relations informelles. Les deux éléments fonctionnent en syntonie : les réseaux informels apportent à la diffusion de la cause la souplesse des relations et le dynamisme social du légitimisme et les comités, par leur action centralisatrice, permettent à cette solidarité d’atteindre une masse critique et de dépasser le simple mouvement de sympathie pour devenir un véritable atout dans la menée de la guerre.

76En France et en Europe, ce sont ainsi des individus et des groupes aux motivations et aux parcours variés qui s’engagent dans le soutien au carlisme en guerre, et qui mettent en place des actions qui visent à pérenniser l’insurrection en lui assurant un approvisionnement centré sur trois éléments : l’argent, les armes, les hommes. Cet objectif suppose une gamme d’actions particulièrement large. La solidarité pro-carliste transnationale se caractérise en effet par la grande liberté et les marges de manœuvre laissée aux acteurs.

77De cette caractéristique découle un internationalisme fondé avant tout sur des individus ou des groupes dont l’engagement est spontané et se concrétise dans une multitude d’initiatives. Ainsi, les nobles parisiens ou de l’ouest de la France se mobilisent pour récolter des fonds et faire de la propagande en faveur des carlistes. Ceux du sud de la France sont plus enclins à apporter une aide directe aux carlistes, en mettant leurs châteaux à leur disposition ou en faisant jouer leur influence dans les rapports de forces avec les autorités. Dans le même temps, les contre-révolutionnaires européens créent des comités carlistes qui sont autant de structures visant à coordonner la mobilisation. Ces comités bénéficient d’une réelle autonomie. Dès lors, chaque comité est à la fois unique et la déclinaison locale d’un mouvement plus large, qui laisse voir le monde dans lequel se développe l’aide au carlisme.

78Si, de façon générale, on aide don Carlos par conviction idéologique et fort de la certitude que sa victoire constituerait un premier pas dans un redressement de l’Europe autour des principes de la légitimité et du catholicisme, la dimension politique n’épuise pas tous les déterminants de l’engagement. Les logiques sociales et familiales, les fidélités personnelles et mémorielles, les intérêts individuels et collectifs sont autant de faisceaux explicatifs du comportement des individus et des groupes et de la diversité des formes de l’engagement.

79Le résultat de ces processus est le foisonnement d’actions et de démarches qui sont autant de preuves de la capacité des contre-révolutionnaires à s’adapter au monde de leur temps et à y construire les outils d’une action politique efficace. En cela, et malgré une idéologie tournée vers l’Ancien Régime, ils ont fait des réseaux internationaux de soutien au carlisme la fabrique d’une solidarité transnationale originale et résolument moderne.

Notes

1  Pío Baroja, Zalacaín l’aventurier…, op. cit., p. 145.

2  Sur l’histoire des élites, voir Claude-Isabelle Brelot, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870, Paris, Les Belles Lettres, 1992 ; la contribution de Catherine Durandin dans Guy Chaussinand-Nogaret (dir.), Histoire des élites en France du xvie au xxe siècle, Paris, Tallandier, 1991 ; Bertrand Goujon, Les Arenberg. Le gotha à l’heure des nations (1820-1919), Paris, PUF, 2017. Voir aussi Françoise Bayard et Claude-Isabelle Brelot (dir.), « Élites et conflits », Cahiers d’histoire, 45/4, 2000.

3  Images des Espagnols en Aquitaine : table ronde du 12 janvier 1987, Talence, Presses universitaires de Bordeaux, 1988 ; Maria Santos-Sainz et François Guillemeteaud, Les Espagnols à Bordeaux et en Aquitaine, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 2006.

4  Sur tout ce qui précède, AHN-AMAEC H 1854, despacho 40.

5  Respectivement Jules Barbey d’Aurevilly, Le chevalier Des Touches, Paris, Le Livre de poche, 2007 [1864], Honoré de Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, Paris Gallimard, 1978 [1848] et Victor Hugo, Les Misérables, Paris, Gallimard, 1956 [1862].

6  Matthieu Brejon de Lavergnée, La Société de Saint-Vincent-de-Paul au xixe siècle. Un fleuron du catholicisme social, Paris, Cerf, 2008 ; Bruno Dumons et Hilaire Multon (dir.), Blancs et contre-révolutionnaires…, op. cit.

7  Le pupazzo est une marionnette italienne. L’interprétation n’est pas claire.

8  José Aparici de Valparda, lettre à une légitimiste sur le carlisme, Pau, impr. Veronese, 1875, p. 32.

9  AHN-AMAEC H 1521, despacho 356.

10  Sur cette affaire, et pour ce qui suit : AHN-AMAEC H 1521, despachos 354, 356 et 373 ; APP-BA 401, rapports des 24 et 31 mai 1875 ; Alfonso Roca de Togores, Una Embajada interesante. Apuntes para la historia, Madrid, Imp. Alemana, 1913, p. 38 ; El Siglo Futuro, 21 mai 1875.

11  AHN-AMAEC H 1521, despacho 373.

12  Sur les salons, Anne Martin-Fugier, Les salons de la IIIe République. Art, littérature, politique, Paris, Perrin, 2003 et le chapitre consacré au salon rédigé par Pascal Ory dans Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites…, op. cit.

13  Alexandre Dupont, « Soignantes et consolatrices. Femmes contre-révolutionnaires pendant la seconde guerre carliste (1872-1876) », Genre & Histoire, 2017/2 [http://genrehistoire.revues.org/2695].

14  Sur le catholicisme social, voir Jean-Marie Mayeur, « Catholicisme intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 27/2, 1972, p. 483-499 ainsi que Jean-Baptiste Duroselle, Les débuts du catholicisme social en France : 1822-1870, Paris, PUF, 1951 et Philippe Levillain, Albert de Mun : catholicisme français et catholicisme romain, du « Syllabus » au ralliement, Paris, De Boccard, 1983.

15  El Cuartel Real, 16 janvier 1875.

16  L’Union, 27 janvier 1874.

17  L’Union, 28 janvier 1874.

18  L’Union, 13 mai 1874 ; Le Drapeau français, 17 mai 1874 ; L’Union, 25-26 mai 1874 pour la réponse de Marguerite à l’adresse.

19  ACSG-AB, cassetta 216, dossier « Carlos ».

20  Bruno Dumons et Gilles Pollet, La fabrique de l’honneur. Les médailles et les décorations en France, xixe-xxe siècles, Rennes, PUR, 2009.

21  AGUN-FMF, caja 111.

22  L’Union, 29 avril 1875.

23  Sur ce qui précède, BRAH-Fondo Pirala, legajo 6904, « Cartas del diputado francés legitimista Saint-Victor y de Suárez Bravo sobre asuntos varios carlistas en Francia y España y una plantilla de la Dirección de Negocios Extranjeros ».

24  Sur ce dossier : APP-BA 415 et APP-BA 337.

25  AHN-AC 947.

26  María de las Nieves de Braganza y de Borbón, Mis memorias…, op. cit., vol. 1, p. 8-47.

27  APP-BA 401, rapport du 21 septembre 1874.

28  AMAE- 18 MD 360. Voir les communications du mois de juillet.

29  Voir les instructions secrètes adressées par Charette aux anciens zouaves dans ADLAtl - 200 J 12.

30  AN-F7 12576, « Extraits des communications adressées par les Consuls d’Espagne de la frontière à MM. les préfets des départements du Midi sur les affaires carlistes », p. 23.

31  Melchor Ferrer, Historia del tradicionalismo español…, op. cit., t. 23-1, p. 86.

32  AHN-AMAEC H 1992, despacho 21 ; AHN-AMAEC H 1519, lettre de l’ambassadeur au ministre, 18 mai 1872 ; AMAE-37 CP 882, lettre de l’ambassadeur au ministre, 22 août 1872 ; AMAE- 18 MD 361, rapports du 11 octobre et du 6 novembre 1875.

33  Louis de Joantho, Don Carlos et les carlistes…, op. cit., p. 88-92.

34  Voir Victoire de Kermel comtesse de Cathelineau, Le général comte de Cathelineau : chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre de Pie IX, chevalier de la Tour et l’Épée et de Don Miguel de Portugal : sa vie et ses mémoires, Paris, Desclée de Brouwer, 1909 et le chapitre de Simon Sarlin dans Bruno Dumons et Hilaire Multon, Blancs et contre-révolutionnaires…, op. cit.

35  Sur Cathelineau : Julio Nombela, Detrás de las trincheras. Páginas íntimas de la Guerra civil desde 1868 hasta 1876, Madrid, Hernández, 1876, p. 264-266 et 317-318 ; APP-BA 1002 ; AHN-AMAEC H 1519, lettres des 1er septembre et 11 octobre 1872 ; AHN-AMAEC H 1833, despacho 61 ; AMAE- 37 CP 882, rapport du 22 août 1872 ; La Esperanza, 11 septembre 1872.

36  AN-F7 12576, voyage de l’agent du ministère.

37  Ludivine Bantigny et Arnaud Baubérot (dir.), Hériter en politique. Filiations, générations et transmissions politiques (Allemagne, France et Italie, xixe-xxie siècle), Paris, PUF, 2011.

38  Voir Steven D. Kale, Legitimism…, op. cit.

39  Voir notamment Karine Rance, « Mémoires de nobles français émigrés en Allemagne pendant la Révolution française : la vision rétrospective d’une expérience », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 46/2, 1999, p. 245-262 et sa contribution dans Bruno Dumons et Hilaire Multon (dir.), Blancs et contre-révolutionnaires…, op. cit. ; Bertrand Goujon, « “Y être, c’est (encore) en être” : déclassement social et aspirations nobiliaires parmi les familles maintenues en noblesse en France sous la Restauration », Revue historique, 684/4, 2017, p. 819-842.

40  Francisco Javier Ramón Solans, La Virgen del Pilar dice…, op. cit.

41  Pour un bilan : Bruno Dumons, « Histoire des femmes et histoire religieuse de la France contemporaine : de l’ignorance mutuelle à l’ouverture », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 15, 2002, p. 147-157 ; Anne Cova et Bruno Dumons, Femmes, genre et catholicisme. Nouvelles recherches, nouveaux objets (France, xixe-xxe siècles), Lyon, LARHRA-RESEA, 2012 ; Alexandre Dupont, « Le genre de la contre-révolution au xixe siècle », Encyclopédie pour une histoire nouvelle de l’Europe [en ligne], 2016, mis en ligne le 29/01/2018, consulté le 2 septembre 2018 [ehne.fr/node/1201].

42  Le début du xxe siècle a été très bien étudié : Bruno Dumons, Les dames de la Ligue des femmes françaises (1901-1914), Paris, Cerf, 2006 ; Magali Della Sudda, « Une activité politique féminine conservatrice avant le droit de suffrage en France et en Italie. Sociohistoire de la politisation des femmes catholiques au sein de la Ligue patriotique des Françaises (1902-1933) et de l’Unione fra le donne cattoliche d’Italia (1909-1919) », Genre & Histoire [en ligne], 5, 2009, mis en ligne le 28/11/2009, consulté le 29 mai 2015 [http://genrehistoire.revues.org/879].

43  Jeremy MacClancy, The Decline…, op. cit.

44  Pedro Rújula, « La guerra como aprendizaje político. De la guerra de la Independencia a las guerras carlistas », dans El Carlismo en su tiempo : geografías de la contrarrevolución, Actas de las I Jornadas de estudio del carlismo 18-21 septiembre 2007, Estella, Pampelune, Gobierno de Navarra, 2008, p. 41-63.

45  Scipion de Dreux-Brézé, Notes et souvenirs pour servir à l’histoire du parti royaliste, 1872- 1883, Paris, Perrin, 1899, p. 16-17, 30 et suiv.

46  Voir APP-BA 401, rapport du 27 janvier 1875.

47  Des mentions dans Guy Coutant de Saisseval, La Chouannerie espagnole : les guerres carlistes (1832-1872-1936) : les légitimistes français et vendéens dans les armées carlistes, Cholet, Farré et fils, 1957 et Emmanuel Tronco, Les carlistes…, op. cit., p. 69-80.

48  AGUN-FMF, caja 80.

49  Antonio Pirala, Historia contemporánea…, op. cit., t. IV, p. 107 et suiv.

50  El Siglo Futuro, 26 juin 1875.

51  La Voix de la Patrie, 7 octobre 1874.

52  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6868, « Cartas de Silvio desde Roma enviando dinero a los Carlistas, ofreciendo más y dando noticias de aquella Corte ».

53  Sur le Comité de Londres, voir : Edward Kirkpatrick de Closeburn, Souvenirs…, op. cit., p. 211-213 ; L’Univers, 27 mars, 7 et 12 avril 1873 ; L’Union, 4 mai 1873 ; BRAH-Fondo Pirala, legajo 6868, « Reunión y Rapport del Comité Carlista de Londres » ; BRAH-Fondo Pirala, legajo 6869, « Documentos del English Carlist Commitee y de Urruela » ; AHN-AMAEC H 2852, despacho 82.

54  Daniel Feldman, « L’immigration, les immigrés et l’État en Grande-Bretagne aux xixe et xxe siècles », Le Mouvement social, 188, 1999, p. 43-60 ; Sylvie Aprile, Le siècle des exilés. Bannis et proscrits de 1789 à la Commune, Paris, CNRS Éditions, 2010, p. 122-124 ; Caroline Shaw, Britannia’s Embrace. Modern Humanitarism and the Imperial Origins of Refugee Relief, Oxford, Oxford University Press, 2015.

55  Pour un bilan sur la question, Fabrice Bensimon et Robert Tombs (dir.), « L’ère victorienne revisitée », Revue d’histoire du xixe siècle, 37, 2008/2, p. 7-182.

56  Il s’agit du fils de Charles Manning Allen, qui se prétendait descendant des Stuarts et a joué un rôle décisif dans la reconfiguration de la culture écossaise au xixe siècle. Voir Eric J. Hobsbawm et Terrence Ranger (dir.), L’invention de la tradition…, op. cit., p. 44 et suiv. Voir aussi Edward Kirkpatrick de Closeburn, Souvenirs…, op. cit., chap. 10.

57  Mary Heimann, Catholic Devotion in Victorian England, Oxford, Clarendon Press, 1995.

58  Voir L’Univers des 27 février, 11 mars et 13 mars 1873 ; L’Union des 28 février et 11 mars 1873.

59  Sur cette structure : BRAH-Fondo Pirala, legajo 6869, « Documentos del English Carlist Commitee y de Urruela » et AMAE-18 MD 356, annexes à la lettre de M. Gavard, 10 août 1874.

60  Enrique Roldán González, Un corresponsal en España…, op. cit., p. 33.

61  Vincent Kennett-Barrington, Letters from the Carlist War (1874-1876), Exeter, University of Exeter Press, 1987, p. 35.

62  AHN-AC 948, lettre d’Alexis Souvras à Alfonso, 11 mars 1873.

63  AHN-AMAEC H 2014, despacho 157.

64  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6898, lettre du sergent Francisco Plasencia à Don Carlos, Montauban, 21 octobre 1875.

65  AMAE- 18 MD 357, annexes à la lettre d’Alger, 10 octobre 1874.

66  APP-BA 929.

67  AMAE- 18 MD 358, lettre du 6 décembre 1874 et annexes ; L’Union, 19 septembre 1875.

68  AHN-AC 964.

69  Les pages qui suivent s’appuient d’une part sur le dossier sur la Société de Jésus-Roi conservé à la préfecture de Police de Paris (APP-BA 1541) et d’autre part sur l’enquête préliminaire menée par l’ambassadeur d’Espagne (AHN-AMAEC H 1522, despachos 16, 52, 65, 225, 230 et 243).

70  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6868, « Cartas de Silvio desde Roma enviando dinero a los Carlistas, ofreciendo más y dando noticias de aquella Corte » ; BRAH-Fondo Pirala, legajo 6869, « Cartas de Silvio desde Roma, sobre Monescillo y asuntos carlistas ». Antonio Pirala, Historia contemporánea, t. V, p. 382-384.

71  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6868, « Carta de Ramón (Manterola) sobre asuntos carlistas en Lóndres y Roma, etc » ; Antonio Pirala, Historia contemporánea, t. V, p. 384-385.

72  Sur ces visites, voir par exemple Ildefonso Antonio Bermejo, Historia de la interinidad y guerra civil de España desde 1868, Madrid, R. Labajos, 1875, t. 3, p. 818-819.

73  Antonio Pirala, Historia contemporánea, t. V, p. 384.

74  Melchor Ferrer, Historia del tradicionalismo español…, op. cit., t. 24, p. 37.

75  AHN-AC 951.

76  AHN-AC 946 ; AHN-AC 947 ; AHN-AC 948.

77  Arthur de Lort de Sérignan, Don Carlos VII…, op. cit., p. 56.

78  Melchor Ferrer, Historia del tradicionalismo español…, op. cit., t. 25, p. 150-151.

79  María de las Nieves de Branganza y de Borbón, Mis memorias…, op. cit., vol. 2, p. 263.

80  AHN-AC 953, lettre de Philippe de Cazeneuve à Alfonso, 12 juillet 1874.

81  Ibid., lettre de Philippe de Cazeneuve à Alfonso, 30 juin 1874 ; L’Union, 27 janvier et 18 juillet 1875.

82  Sur Souvras : AHN-AC 946, AHN-AC 947, AHN-AC 948 et AHN – 953 : sa correspondance avec Alfonso souligne la vaste palette de ses activités ; María de las Nieves de Branganza y de Borbón, Mis memorias…, op. cit., où il est omniprésent ; son portrait dans Carlos de Lazerme, Carlistes et légitimistes…, op. cit., p. 78-79 ; AN-F712576, « Département des Pyrénées-Orientales. Réponse au mémorandum espagnol ».

83  Paul Laborde, « Une mission carliste en Catalogne. Souvenirs de la Seconde guerre carliste 1872 à 1876 », dans A mis amigos de la frontera. El País Vasco francés en la aventura carlista, 1833-1876, Bayonne, Musée basque et de l’histoire de Bayonne, Museo Zumalakarregi, 2006. p. 146-233.

84  María de las Nieves de Branganza y de Borbón, Mis memorias…, op. cit., vol. 2, p. 102.

85  Sur Dubrocq : AMAE-18 MD 353 ; AMAE- 18 MD 359, lettre de l’ambassadeur au ministre des Affaires étrangères français, 9 avril 1875 ; AMAE-18 MD 361, rapport du 21 octobre 1875 ; A mis amigos de la frontera…, op. cit.

86  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6880, « Carta de Damato sobre el embarque en Nueva-York de armas para el gobierno español ».

87  A mis amigos de la frontera…, op. cit., p. 150 ; AMAE- 18 MD 353, note du ministère de l’Intérieur, 16 février 1870.

88  A mis amigos de la frontera…, op. cit., p. 243.

89  Julio V. Brioso y Mayral, « Títulos nobiliarios otorgados por la dinastía legitima », Aportes, 25, 1994, p. 50-84.

90  AGUN-FMF, caja 9, camisa 6 ; Antonio Pirala, Historia contemporánea, t. V, p. 102-107.

91  Voir l’interrogatoire de Germán Urbasos dans ADPyAtl - 3 U 1/43, dossier « Interrogatoires dans l’enquête sur le Comité de Bayonne ».

92  AGUN-FMF, caja 7, camisa 7.

93  BRAH-Fondo Pirala, legajo 6869, « Oficio de Viñalet sobre establecimiento del Comité central Carlista en Bayona ».

94  Alphonse de Barrès Du Molard, Mémoires sur la guerre de Navarre…, op. cit., p. 421-427.

95  Il est d’ailleurs décoré par Carlos dès avril 1868 pour son rôle dans l’accueil des réfugiés : AGUN-FMF, caja 2, camisa 1.

96  Alphonse de Barrès Du Molard, Mémoires sur la guerre de Navarre…, op. cit., p. 421-427. ADPyAtl -3 U 1/43, dossier « Renseignements sur divers carlistes ».

97  Voir leurs interrogatoires dans ADPyAtl - 3 U 1/43.

98  Sauf indication contraire, voir l’interrogatoire d’Henry Poydenot dans ADPyAtl -3 U 1/43, dossier « Poydenot ».

99  ADPyAtl -3 U 1/43, dossier « Laborde – Correspondance ».

100  ADPyAtl - 3 U 1/43, « Procès-verbaux de la Junte de la frontière ».

101  ADPyAtl - 3 U 1/43, dossier « Laborde – Correspondance ».

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