Deuxième chapitre. L’attaque brutale
L’épiscopat de Louis-Gaston Fleuriau d’Armenonville (1706-1733)
p. 35-77
Texte intégral
1Louis XIV nomma au diocèse d’Orléans Michel Le Pelletier, qui avait succédé à Angers à Henri Arnauld. Mais il mourut le 6 août 1706 et le roi désigna Louis-Gaston Fleuriau d’Armenonville (1662-1733), évêque d’Aire, cousin germain du défunt. Il appartenait à une famille toute jésuite de sentiment. Deux de ses frères étaient de la compagnie, Thomas-Charles (1651-1735), procurateur des missions du Levant, et Daniel-Claude. Son autre frère Jean-Joseph-Baptiste (1661-1728) était alors intendant des Finances (1690), directeur des Finances (1701-1708), bailli et capitaine de Chartres (1702) et conseiller d’État semestre (1705) ; il fut plus tard secrétaire d’État (1716-1721), conseiller d’État ordinaire (1717) et garde des Sceaux (1722-1727). Le nouvel évêque pouvait donc être appuyé en cour.
2L’affaire de l’épitaphe en l’honneur du Cardinal de Coislin, destinée à figurer en bonne place dans sa cathédrale, révéla symboliquement qu’on avait tourné la page. Voulue par son neveu Henri-Charles du Cambout de Coislin, évêque de Metz, et sa mère encore vivante, la marquise de Laval, elle fut d’abord approuvée par Fleuriau qui, sans doute outré des hommages appuyés à son prédécesseur et la franchise inopportune qui l’inspirait, tout à la défiance envers lui, revint sur sa décision. La cause fut défendue à Versailles par l’évêque de Metz et traîna pendant trois ans. Mais en 1709, à la cour aussi, le vent avait tourné, le père Le Tellier, jésuite, était devenu le très influent confesseur de Louis XIV. Il s’était toujours montré un adversaire des jansénistes dans plusieurs de ses ouvrages, tels le Recueil de bulles sur les erreurs des deux derniers siècles (1697), l’Histoire des Cinq Propositions de Jansénius (1699), le P. Quesnel séditieux et hérétique (1705). Le projet fut définitivement abandonné1. Tout ce qui pouvait rappeler à Fleuriau le souvenir de Coislin lui semblait insupportable. Sa mesquinerie lui fit même décrocher du chœur de la cathédrale, où il était suspendu selon la coutume, le chapeau cardinalice de son prédécesseur. Certes, il n’était pas cardinal et ne le fut jamais2.
3Dès son arrivée à Orléans, Fleuriau purgea le diocèse de tous ceux qu’il jugeait mal pensants. Les chanoines de la cathédrale, officiers du diocèse, furent remplacés ; ceux qui avaient trouvé asile à Orléans durent chercher ailleurs un havre de tranquillité. Louis du Saussay qui avait souscrit le 16 octobre 1707 au Formulaire « avec la soumission approuvée par le Saint-Siège en 1668 et 1669 et par le Roy », fut sommé par Fleuriau de souscrire purement et simplement. Il refusa et, après trois monitions de l’évêque des 20 octobre, 15 et 29 novembre 1707, et nonobstant appellation, il fut déchu de ses fonctions, quitta Orléans, se réfugia à Paris où il fut inquiété, avant de trouver un dernier asile à Asnières où il mourut le 30 juillet 17103. Ce fut aussi le cas, nous l’avons dit, d’Ambroise Pacori pour lequel l’hostilité de l’évêque s’étendit même à ses élèves ou disciples. Louis Fuet, né à Orléans en 1681, qui s’était mis sous la direction de Pacori, et qui, sur les conseils de l’évêque d’Angers, voulait embrasser l’état ecclésiastique, se vit refuser par Fleuriau,
prompt à rejeter quiconque se prononçait contre la bulle Unigenitus […] un dimissoire, ne voulant même pas lui donner un certificat de bonne vie et de bonnes mœurs, quoique la seule plainte qu’il articulât contre ce prosélyte de l’évêque d’Angers, fût qu’il lisait l’Augustinus de Jansénius4.
4Les jésuites tenaient maintenant le haut du pavé. Le 8 septembre 1710, ils procédèrent à un autodafé « de plusieurs livres de Port-Royal dans la chapelle de leur congrégation […] jour de la nativité de la Sainte Vierge5 ».
5Le grand tournant, ce fut la promulgation de la bulle Unigenitus, signée par le pape Clément XI le 8 septembre 1713 et publiée le 10, qui condamnait cent une propositions tirées de l’ouvrage de Pasquier Quesnel, les Réflexions morales. C’était une sélection de ce qui était tenu comme la doctrine janséniste. La bulle fut reçue par Louis XIV le 25 septembre et enregistrée par le Parlement le 15 février 1714, en dépit d’une vive opposition de quelques membres, certes en très petit nombre (10 sur 140). Le présidial d’Orléans l’enregistra le 266. La bulle Unigenitus, « la croix non seulement des théologiens, mais des premiers magistrats du royaume », comme le prédisait le chancelier Daguesseau7, cette « catastrophe » pour reprendre le mot de Pierre Chaunu8, cette « frontière de catholicité » pour emprunter le titre d’un récent ouvrage9, devint alors le marqueur radical qui sépara les deux camps dressés l’un contre l’autre dans un combat qui dura trois quarts de siècle. Devenue constitution du royaume, il y eut désormais les « bullistes » ou « constitutionnaires », qui acceptaient le décret pontifical et royal, et les « appelants » qui en appelaient à un concile général contre la décision du pape. En réclamant la bulle, « Louis XIV [avait ouvert] la boîte de Pandore en guise de legs du Grand Siècle au siècle des Lumières10 ». Dès le 15 mai 1714, Fleuriau publia un mandement pour la publication de l’Unigenitus11. La guerre ouverte commença.
L’affaire des curés d’Orléans12
Les dix curés appelants de 1717
6Les curés d’Orléans avaient publié la bulle dans leurs paroisses respectives. Mais dix d’entre eux, tout en affirmant bien qu’ils réprouvaient « sans aucune restriction les Cinq Propositions si justement condamnées », protestèrent hautement et publiquement de leur opposition à l’Unigenitus dans une lettre à l’évêque datée du 30 janvier 1717.
Le saint esprit nous apprend qu’il y a un temps de se taire et un temps de parler […]. Nous nous sentons obligés de déclarer à votre grandeur avec tout le respect et la soumission possible qu’en publiant la constitution Unigenitus notre intention n’a pas été de l’accepter et que nous n’avons regardé la publication que comme une simple lecture que l’obéissance exige de nous, y ayant trouvé des difficultés qui nous ont fait gémir devant Dieu et qui nous ont tout fait craindre dans la suite pour la paix et l’unité de l’Église.
7La lettre était signée de Pierre Boëte, curé-prieur de Saint-Maclou et Saint-Sulpice, Jacques Girard, curé de Saint-Michel, Jean Raymond, curé de Saint-Marceau, Aignan Jacques, curé de Saint-Paterne, Jacques-Charles Le Roy, curé-chefcier et chanoine de Saint-Pierre-Empont, Aignan-Jacques-Michel de Cougniou, curé du Crucifix-Saint-Aignan, Luc Le Coq, curé de Saint-Germain13, Toussaint Collin, prieur de Saint-Hilaire, François-Jacques Fleury, curé de Saint-Victor et Charles Clément, curé de Saint-Laurent et de Notre-Dame-de-Recouvrance14. Peu après, Claude Michau, curé de Saint-Pierre-le-Puellier, se joignit à ses collègues par lettre particulière15. Quelques semaines plus tard, le 5 mars 1717, les évêques de Montpellier, de Mirepoix et de Boulogne, Charles-Joachim Colbert de Croissy, Pierre de La Broue et Pierre de Langle, menés par leur confrère de Senez, Jean Soanen, déposèrent en Sorbonne l’acte notarié par lequel ils en appelaient au concile général de la bulle Unigenitus. À Orléans comme à Paris16, les curés « jansénistes », vrais boutefeux, s’engouffrèrent dans la brèche. Sans attendre, par-devant notaire, ceux d’Orléans remirent leur acte d’appel daté du 19 mars ; le lendemain, il fut signifié par huissier à l’évêque d’Orléans, à ses vicaires généraux, au secrétaire de l’évêché, et un duplicata, préparé pour l’officialité de Paris, fut remis le 3 avril17.
8Fleuriau engagea immédiatement une procédure contre le curé et chanoine de Saint-Pierre-Empont, Jacques-Charles Le Roy, et contre son collègue honoraire du même chapitre Jacques Boullay, un ancien oratorien18, qui, selon l’évêque, avaient donné le signal de la sédition. L’officialité d’Orléans jeta l’interdit sur eux à propos de l’Unigenitus. Une sentence de l’officialité de Paris du 28 avril 1717 leva l’interdit et renvoya les deux chanoines dans les fonctions de leurs saints ordres. La veille, Fleuriau avait confirmé l’ordre d’accepter la bulle et de rétracter l’appel19. L’affaire ne s’arrêta pas là. L’officialité de la primatie lyonnaise cassa la décision parisienne et réitéra l’interdit. En dernier recours, la Tournelle criminelle du Parlement, par un arrêt du 24 juillet 1717, après avoir rappelé toute la procédure, se prononça contre l’évêque, condamné à 500 lt d’amende au profit des deux plaignants, sur la réquisition du procureur général du Parlement Joly de Fleury20. L’intervention du secrétaire d’État Jean-Joseph-Baptiste d’Armenonville en faveur de son frère, ne para pas le coup21.
9Les curés d’Orléans, qui avaient communiqué leur appel à l’évêque de Mirepoix Pierre de La Broue22, furent interdits de prédication et de confession hors de leur paroisse, les mariages avec dispense leur furent enlevés, la décision épiscopale étant signifiée aussi à l’officialité de Paris par un mandement du vicaire général de l’évêque, Michel-Pierre d’Argouges23. Ils consultèrent alors les « docteurs de Paris » sur ce mandement, sur la façon de procéder judiciairement à l’encontre de l’évêque, sur leur conduite à tenir localement. Avaient-ils le droit de se confesser les uns aux autres ? Que faire en cas d’interdit ? Comment se comporter en cas de visite épiscopale24 ? Parallèlement, Fleuriau multipliait les brimades en augmentant
les décimes des curés d’Orléans dont les bénéfices sont très modiques, nonobstant qu’on lui ait démontré par les comptes que Mr le cardinal de Coislin faisait passer aux uns les deux tiers et aux autres les trois quarts de leurs taxes en deniers comptés non reçus, [il] les augmente encore tous les jours […] pour punir dit-il des curés rebelles. C’est la seule raison pourquoi il leur enlève les mariages pour les priver de leurs droits25.
10Les curés d’Orléans, soutenus juridiquement par la réponse à leur consultation qui leur donnait la possibilité de l’appel comme d’abus26, réitérèrent leur opposition de façon ostentatoire, en adhérant le 6 octobre 1718 à l’appel que le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, avait proféré le 3 avril 1717, alors qu’il était encore président du conseil de conscience du Régent. Aux dix noms précédents s’ajoutaient Simon-Jacques Pichard, prêtre-chanoine de Saint-Aignan, Jacques Boullay, déjà rencontré27, Joseph Gaucher, prêtre-chanoine de Saint-Vrain de Jargeau, Pierre Aubin, curé de Saint-Ay, Jacques Couët, curé de Darvoy et Jean Béchard, prêtre du diocèse28.
11Le Parlement soutenait les curés. Et le gouvernement du Régent, se départant de l’obstination stérile et partisane qui avait marqué les deux dernières années du règne de Louis XIV, commençait à se lasser de cette guerre dans l’Église et voulait rétablir le repos public. Une déclaration royale du 7 octobre 1718, enregistrée au Parlement le 8, suspendit « toutes les disputes, contestations et différends » sur l’Unigenitus29. Périodiquement, on revenait à la « loi du silence » qui, une première fois, avec le bref de Clément IX du 14 janvier 1669 consolidant l’arrêt du conseil du 23 octobre 1668, avait assuré trente-cinq ans de paix jusqu’à l’aube du xviiie siècle. Les évêques d’Orléans, d’Elbène et Coislin avaient scrupuleusement suivi cette voie. Ce ne fut pas le cas de leur successeur. Fleuriau ne tint absolument pas compte de la déclaration royale enregistrée au présidial d’Orléans le 12 octobre. Le dimanche 25 octobre, à la cathédrale, il fit lire un mandement par un prédicateur jésuite, le père Percheron, dans lequel il condamnait l’appel sous peine d’excommunication contre les refusants dans les deux mois. Le mandement fut affiché en plusieurs endroits de la ville, en particulier à la cathédrale Sainte-Croix et au palais épiscopal. « Il commen[çait] à exciter dans le public des troubles au grand scandale de la religion et au mépris de la susdite déclaration30. » L’avocat du roi au bailliage et présidial d’Orléans, Georges Vandebergue, dont la fonction consistait à faire respecter la législation royale, intima l’ordre d’intervenir au bailli d’Orléans ou au lieutenant général. L’opération de police se déroula le 26 octobre et le récit n’est pas exempt de pittoresque. En l’absence du lieutenant général Henri Gabriel Curault, François Peigné, doyen des juges et magistrat du bailliage et présidial, assisté de Vandebergue, du commis du greffier de la cour, l’équipe protégée par deux archers de la maréchaussée, Louis Moisard et Pierre Lebon, « mandés pour empêcher les troubles », se transportèrent sur les lieux. À la porte de la cathédrale, le mandement était affiché bien trop haut – mais à quoi servait-il si on ne le pouvait lire ? – et il fallut quérir une échelle ; le commis du greffier décolla alors la feuille en remarquant qu’il y avait quelques lignes déchirées. De là, on passa au portail du palais épiscopal ; il fallut également une échelle. La colle se révéla plus résistante et le greffier fut prié de lire et dicter le mandement. Mais « un grand peuple s’étant assemblé » – pour approuver l’opération ou pour protester ? –, dicter s’avéra impossible. On utilisa donc une éponge pour détacher la feuille incriminée sans l’abîmer. Surgit alors l’évêque accompagné de son official, Jacques de Lagogué31, auxquels on exhiba la déclaration royale du 7 octobre. Fleuriau prétendit qu’il obéissait à des instructions du duc d’Orléans, le Régent, en date d’un mois, qu’il fut prié de montrer. Lagogué s’y opposa – l’ordre existait-il vraiment ? –, arguant que la déclaration du roi ne regardait pas les évêques qui, en l’occurrence, agissaient de leur propre autorité. Les juges du présidial étaient prêts à dresser procès-verbal de l’opposition de l’évêque au détachement du mandement. Finalement, Fleuriau laissa le greffier procéder à l’opération32. On assistait pour la première fois à Orléans à l’affrontement direct des deux pouvoirs, l’autorité de l’État représentée par les officiers du bailliage et présidial, et celle de l’Église, par l’évêque et ses officiers. Parallèlement, les curés d’Orléans s’étaient pourvus comme d’abus contre l’évêque au Parlement qui, par un arrêt du 23 octobre 1718, s’était prononcé en leur faveur33. Ce scénario allait se répéter tout au long des décennies à venir.
L’affaire du curé Fleury
12Dans les mêmes temps, la ville d’Orléans était secouée par une affaire collatérale à celle des curés, non sans lien avec elle. Depuis avril 1718 était incarcéré à la Bastille le curé de Saint-Victor, François-Jacques Fleury, accusé d’être l’auteur d’une (fausse) lettre signée « L. G. évêque d’Orléans » et adressée au Régent Philippe d’Orléans34. Dans cet écrit, l’évêque se plaignait amèrement du retard qu’on apportait à la réception de la bulle Unigenitus et critiquait la politique de tolérance du gouvernement :
Mais qu’on délie les mains des Évêques ! Qu’on abolisse les appels comme d’abus ! Qu’on rompe cette odieuse déclaration du Roy ! Que le Magistrat prête son épée à l’Église […]. Pour moi, je regarde la Constitution comme une affaire finie, et une règle de foi et ceux qui ne la veuillent pas reconnaître, comme rebelles à l’Église et au St Siège. Sur ce principe je ferai tout ce qui dépendra de moi pour la faire recevoir […]. C’est dans ces vues que j’ai ôté les prières qui se faisaient dans l’Église et un des curés qui a appelé au futur Concile, que j’ai défendu de confesser les chanoines de la cathédrale d’en confesser plusieurs.
13Et la fin de la lettre était comminatoire ; « Parlez, Monseignr, que l’archevêque de Paris [le cardinal de Noailles] apprenne à obéir […]. Le Pape a parlé, cela me suffit35. » Fleury était un signataire de la protestation des curés du 30 janvier 1717 et il est bien probable que Fleuriau ne fît rien pour arrêter la procédure. Estimé de ses paroissiens et de ses collègues, Fleury fut l’objet de multiples démarches. Les habitants de sa paroisse Saint-Victor s’adressèrent au Régent en faveur d’un prêtre zélé, « esprit de douceur, de modération, de justice36 », à Joly de Fleury, procureur général au Parlement37, les marguilliers au cardinal de Noailles38, les curés appelants par deux fois au même : le seul crime du curé de Saint-Victor, qu’un diacre de sa paroisse, nommé Patouillet, avait traité « d’hérétique, d’excommunié, de loup ravissant dont les messes étaient sacrilèges », était « d’être entré dans tous les sentiments de votre Eminence au sujet de la constitution et d’avoir adhéré à l’appel de Nosseignrs les Evêques ». Suivaient les signatures des curés de l’appel, sauf celle de Fleury, emprisonné, et celle d’Aignan Jacques, curé de Saint-Paterne ; s’y ajoutait celle de Jacquet, curé de Saint-Pierre-Lentin39. Les curés eurent recours à l’évêque de Metz, le neveu de leur évêque bien-aimé, « pour le conjurer d’employer son crédit, et celui de son illustre famille pour rendre le Pasteur au troupeau désolé40 », au duc de Saint-Simon, ami du Régent et dont on sait les sympathies jansénistes. Fleury mourut à la Bastille le 16 avril 1719 avant qu’il pût profiter des démarches en sa faveur. Car, sur l’intervention de Saint-Simon, une pension fut accordée à la famille de la victime41. Des commissaires avaient été nommés pour enquêter à Orléans, dont Louis-Charles de Machault, maître des requêtes, lieutenant général de police à Paris. On compara l’écriture des lettres de Fleury avec le texte incriminé, on interrogea tous ceux qui auraient pu contrefaire l’écriture de Fleuriau, son secrétaire Louis Auzonne, l’écrivain public Beaulieu, raisonnablement inquiet, qui se défendit en disant qu’il ne copiait au séminaire que du latin auquel il ne comprenait rien, le procureur au Châtelet d’Orléans, Jacques Poullin, à propos de lettres à partir desquelles il aurait pu imiter une écriture42. Sur ce, coup de théâtre, Jérôme Massuau de La Borde (1682-1743), commerçant aisé de la ville, père de six enfants, d’une famille honorablement connue, après s’être confessé au curé de sa paroisse et avoir longtemps atermoyé, se dénonça43. On nomma des experts, extérieurs à la ville, Jean Thibault, Josse Delahaye, Nicolas Lherable et Charles Gobin, maîtres écrivains jurés vérificateurs de la ville de Rouen qui, tous, confirmèrent que la lettre était bien de la main de Massuau44. L’un des experts concluait qu’il « n’a[vait] rien trouvé tant dans la pièce en question, que dans celles de comparaison45, qui ne fût de la production de la main dud. Massuau46 ». Qu’est-ce qui avait bien pu pousser Jérôme Massuau à commettre une telle vilenie ? Il expliqua qu’il avait appris, le 8 mars 1718, que l’orage allait s’abattre sur son père Raymond Massuau (1650-1728) qui assemblait chez lui des prêtres hostiles à l’Unigenitus ; Fleuriau aurait sollicité une lettre de cachet pour le faire enlever. Pour prévenir le coup, il écrivit la fausse lettre pour mettre à mal l’évêque dans l’esprit du Régent qui, à ce moment-là, ne cherchait que l’accommodement. Le jansénisme se trouvait donc aux deux bouts de l’affaire : un danger peut-être réel, contre le membre d’une famille bourgeoise, qui s’illustra, nous le verrons, dans le mouvement, un bouc émissaire tout trouvé, un appelant dénoncé – par qui, nous ne le savons pas – et abandonné par l’évêque au bras de la justice séculière. Jérôme Massuau, qui s’était « constitué et volontairement [prisonnier] au Fort-l’Évêque le quinze mars dernier » obtint une lettre de rémission le 25 avril 1719 qui le rétablissait « en sa bonne fame et renommée en pays et en ses biens, non d’ailleurs confisqués »47.
Les curés d’Orléans, second épisode
14Mortifié par quelques échecs, retenu dans son impétuosité par la déclaration royale du 7 octobre 1717, Fleuriau fit profil bas pendant les dernières années de la Régence. Mais il n’avait rien oublié, pas plus que ses adversaires n’avaient désarmé, d’autant plus que les curés, nous le verrons, étaient renforcés par des membres des chapitres. Le 25 juin 1721, ils adressèrent une lettre à l’évêque de Boulogne, un des quatre évêques appelants, pour lui exprimer leur persistance dans l’appel ; elle commençait ainsi : « Il y a peu de diocèses dans l’Église de France où on ait gardé moins de mesure envers les appelants que dans le diocèse d’Orléans. On y viole chaque jour à leur égard les règles les plus communes. » On retrouvait parmi les signataires six noms de la protestation de 1717, Le Coq, ci-devant curé de Saint-Germain, devenu prévôt et chanoine de Saint-Aignan, Jean Raymond, curé de Saint-Marceau, Toussaint Collin, chanoine régulier et prieur-curé de Saint-Hilaire, Jacques-Charles Le Roy, chefcier et curé de Saint-Pierre-Empont, Charles Clément, curé de Saint-Laurent et de Notre-Dame-de-Recouvrance, Claude Michau, curé et chefcier de Saint-Pierre-le-Puellier. S’y ajoutaient R. Le Blond, docteur de Sorbonne, théologal de l’église d’Orléans, Jacques Couët, bachelier de Sorbonne et curé de Darvoy, Alexandre-Joseph Gaucher, prêtre et chanoine de Jargeau, Jacques Samson, curé d’Olivet, Pierre de Guyenne, prêtre et chanoine de Saint-Pierre-Empont, Jean Béchard, prêtre et chapelain de l’église de Saint-Aignan, Ducloux et Simon-Jacques Pichard, chanoines de Saint-Aignan48.
15Les tracasseries souvent mesquines empoisonnaient le quotidien des curés appelants et de leurs paroissiens. Le séminaire, tenu par Saint-Sulpice, menait une petite guerre en interdisant à ses élèves clercs d’aller aux processions dans leurs paroisses si les curés étaient appelants ; il jetait le doute sur Bascou, curé de Saint-Germain, coupable d’avoir recommandé à ses paroissiens, simples fidèles, la lecture de l’Écriture sainte ; l’établissement fermait sa porte à la procession de l’Ascension du curé de Saint-Michel, obligé de faire chanter dans la cour. Ce curé de Saint-Michel, Jacques Girard, un appelant, n’était « pas sûr de conscience » et le curé de Sainte-Catherine répandait auprès de ses paroissiennes que ses confessions ne valaient rien, qu’il valait mieux s’en passer et qu’« un barbier qui raserait un homme qui n’a pas reçu la constitution serait excommunié49 ». En effet, les fidèles de certaines paroisses commençaient à être tourmentés par des confesseurs qui leur demandaient leur adhésion à l’Unigenitus comme règle de foi. Et d’après les statuts synodaux du diocèse, il était interdit aux confesseurs d’entendre d’autres pénitents que leurs propres paroissiens, sauf permission de l’évêque, permission que Coislin avait libéralement accordée et que Fleuriau refusait. Le danger était grand de laisser périr des âmes, « le salut des âmes […] n’est-il pas même suffisant pour faire passer au-dessus des règles communes » et en cas de besoin extrême, le curé peut-il recevoir en confession « du moins en secret pour éviter que le prélat [Fleuriau] ne suscite quelque affaire » ? De surcroît, en 1721, on était en année jubilaire, ce qui suscitait un redoublement des pratiques religieuses et une assistance plus assidue à la messe et aux petits offices. D’aucuns prétendaient que le jubilé permettait de se confesser à n’importe quel prêtre approuvé par l’évêque. Telles étaient les questions posées à un juriste (inconnu) qui répondit que la bulle de jubilé n’avait de force que selon le bon plaisir de l’ordinaire [l’évêque], mais que tout chrétien avait « un droit naturel et essentiel à avoir un pasteur » ; on pouvait donc s’adresser aux prêtres auxquels on avait retiré ce pouvoir, mais avec de multiples garanties que le secret serait gardé50.
16Les curés appelants étaient interdits de synode par l’évêque51. Le 3 juin 1726, veille d’une telle assemblée, ils signifièrent, « parlant au portier du palais épiscopal », qu’ils obéiraient à l’évêque, mais qu’ils ne se départissaient pas de leur droit d’y assister et que leur absence ne pourrait passer pour approbation de ce qui s’y déciderait. On retrouvait parmi les signataires les noms habituels, plus Jacques-François Lenormand, qui avait succédé à Fleury à Saint-Victor52. Les mesures disciplinaires tombaient sur quelques têtes. Jacques-Charles Le Roy, curé de Saint-Pierre-Empont, exilé en 1726 chez les bénédictins de Saint-Benoît-sur-Loire, fut éloigné en 1728 à l’abbaye du Sault, diocèse de Limoges53. Plus grave encore, dès 1725, il y eut des refus de sacrements pour des clercs appelants : Bruneau, chanoine de Sainte-Croix, mourut ainsi le 9 mars 1725 et fut enterré le lendemain sans l’évêque et ses confrères à son convoi, mais en présence d’une multitude de peuple, mention qui devint habituelle dans ce type de récit de funérailles où l’adhésion de laïcs en grand nombre était mise en regard de la poignée de clercs bullistes54. En février 1728, N. Jacquet, curé de Saint-Pierre-Lentin, opposé à la bulle, étant au plus mal, demanda les sacrements ; l’évêque lui envoya le chanoine Joseph Chassaing55 pour le faire revenir sur son refus. Le curé, par précaution avait fait venir son neveu à l’entretien, afin qu’on ne déformât ses paroles ou qu’on ne prétendît pas qu’il s’était rétracté. Car souvent l’évêque, pour éviter le scandale, affectait de faire croire que le curé était revenu de ses erreurs56. Jacquet réaffirma qu’il voulait « mourir dans la foi qu’il avait enseigné aux Fidèles pendant cinquante ans » ; il mourut sans sacrement « regretté de tous ses paroissiens »57.
17À cette date, à Paris et à Versailles, le vent avait tourné. Le Régent, sans doute très étranger et indifférent à l’enjeu théologique du conflit, mais agacé par le désordre civil qu’il entretenait et la possibilité qu’il procurait au Parlement d’intervenir, était mort en 1723. Après le ministère du duc de Bourbon, le cardinal Fleury, précepteur de Louis XV, devint principal ministre. C’était un antijanséniste convaincu, tout en demeurant un constitutionnaire modéré, soucieux de maintenir la paix civile mise en danger par le fanatisme, d’où qu’il vînt. Les violents transports des zelanti l’inquiétaient tout autant que les manifestations jansénistes, car elles ouvraient la porte à l’intervention du Parlement. Quatre ans plus tard fut enregistrée en lit de justice, le 3 avril 1730, sur ordre de Louis XV, la décision du Conseil du 24 mars 1730 qui réaffirmait la qualification de la bulle Unigenitus comme « jugement de l’Église universelle en matière de doctrine », lui donnait le statut de loi de l’État et de l’Église, en faisait une constitution, l’imposait aux clercs et privait de bénéfices les récalcitrants58. De plus, la mort du cardinal Louis-Antoine de Noailles (4 mai 1729), archevêque de Paris, métropolitain d’Orléans et protecteur des jansénistes en dépit des hésitations d’une conduite fluctuante, avait privé les appelants orléanais d’un recours possible.
18Fleuriau n’avait pas attendu pour repasser à l’offensive. Des lettres de cachet, pas toujours suivies d’effet, furent expédiées aux curés de Saint-Marceau, Notre-Dame-de-Recouvrance, Saint-Laurent, Saint-Hilaire, Saint-Pierre-Empont, Saint-Pierre-le-Puellier, Olivet et Darvoy59, à deux chanoines et deux chapelains de Saint-Aignan, à Alexandre Gaucher, chanoine de Saint-Vrain de Jargeau, à Guyenne, chanoine de Sainte-Croix. La pugnacité de l’évêque s’acharna sur six curés d’Orléans particulièrement combatifs et dont l’activisme ne le cédait en rien à celui de leur adversaire.
Les six curés appelants de 1729
19Cette affaire des six curés appelants est tout à fait comparable aux événements parisiens de 1727 qui opposèrent les curés jansénistes de la capitale, soutenus par la délibération de cinquante avocats, au nouvel évêque Charles-Gaspard-Guillaume de Vintimille du Luc. Les curés jansénistes, nous l’avons dit, ne furent jamais majoritaires, sauf en 1717 dans les diocèses de Paris, Tours et Châlons. Mais ils constituaient une élite de la culture et de la perfection sacerdotale, ils avaient des relations, du talent, une foi communicative, la tête dure et parfois le goût de la provocation. Le 1er mars 1729, Mgr Fleuriau d’Armenonville promulgua un mandement en faveur de l’Unigenitus, dans lequel il condamnait Jean Soanen, l’évêque de Senez, l’un des quatre évêques à l’origine du mouvement des appelants contre la bulle (1er mars 1717), adhérait aux décisions du concile provincial d’Embrun, le « brigandage d’Embrun », qui suspendait Soanen, et rejetait la consultation des cinquante avocats parisiens qui avaient pris parti pour l’évêque exilé à la Chaise-Dieu. Le mandement s’en prenait aussi à la mémoire de Louis du Saussay, chanoine de Sainte-Croix et nommé pénitencier du diocèse par Coislin en 1691, privé de ses fonctions par Fleuriau en 170760. Il fut envoyé aux curés d’Orléans le samedi 2 avril, veille de Judica me (Passion), pour être affiché et lu à la messe du lendemain. L’évêque comptait sur l’obligation de la communion pascale pour contraindre curés et fidèles à l’obéissance. Six curés orléanais sur vingt, Claude Michau de Saint-Pierre-le-Puellier, Jean Raymond de Saint-Marceau, Pierre Boëte de Saint-Maclou, Charles Clément de Saint-Laurent, Jacques Girard de Saint-Michel et Jacques-François Lenormand de Saint-Victor, refusèrent sa publication dans leur paroisse61. De nombreux fidèles quittèrent l’église lors de sa lecture, à Saint-Paul, Saint-Pierre-Lentin, Saint-Pierre-Empont, Saint-Aignan, Saint-Germain, Saint-Hilaire, Saint-Sulpice, et même à la cathédrale et chez les jésuites ; aux récollets, le mandement ne fut pas lu62. Le 4 avril, lundi de la Passion, l’évêque convoqua les curés et le recteur des jésuites, ainsi que le procureur du roi Daniel-François Legrand de Melleray pour le prier d’informer contre les coupables. Ce dernier se récusa, arguant qu’on avait bien le droit de sortir librement de l’église et qu’il aurait fallu procéder contre toute la ville. Et il n’était pas question de « faire venir trois ou quatre régiments pour réduire les mutins63 » comme l’aurait suggéré le coadjuteur. L’évêque fit alors agir l’officialité et le 7 avril, un monitoire épiscopal interdit les six curés de fonction et menaça d’excommunication ceux qui ne dénonceraient pas les ecclésiastiques ayant poussé à la sortie. Affiché et lu le dimanche des Rameaux (10 avril), le mandement suscita de nouveaux troubles, fut déchiré et barbouillé. Les curés prirent un avocat, Perrault, et prièrent le lieutenant général Henri-Gabriel Curault d’instrumenter ; sur son refus, ils se tournèrent vers le lieutenant de la prévôté, Picault de La Rimbertière, qui accepta. Ajournés le Jeudi saint (14 avril), les curés furent rétablis par l’officialité métropolitaine deux jours plus tard, à la grande satisfaction des paroissiens qui célébrèrent l’événement, si l’on en croit les Nouvelles ecclésiastiques, par des feux de joie à Saint-Marceau et à Saint-Pierre-le-Puellier. L’évêque ne désarma pas ; le chanoine Joseph de Hillerin64, sulpicien, argumenta que l’officialité parisienne avait rétabli les curés dans leurs saints ordres, mais pas dans leurs fonctions curiales, d’où de nouvelles défenses, un nouvel appel des curés à l’officialité métropolitaine qui émit une nouvelle ordonnance interdisant de troubler les curés dans l’exercice de leur ministère paroissial. Entre-temps, le coadjuteur était parti à Paris le dimanche de Pâques pour conférer avec le cardinal-ministre Fleury65. Ce dernier, toujours selon les Nouvelles ecclésiastiques, aurait répondu que lorsqu’il serait déchargé des affaires, il n’aurait « pas assez de temps pour réparer toutes les sottises que font les Évêques66 ». La sollicitation du coadjuteur à la cour eut néanmoins les résultats attendus : une lettre de cachet du 28 avril intima ordre au lieutenant de la prévôté Picault de La Rimbertière, qui avait permis aux six curés de signifier leur opposition au monitoire le jour des Rameaux, et pour cela était qualifié de perturbateur de l’ordre public, d’aller rendre compte de sa conduite au roi. Ce bon juge et bon citoyen, doux et pacifique – ce sont toujours les Nouvelles ecclésiastiques qui parlent – fut défendu par le présidial et la municipalité d’Orléans. Fleuriau persista à exiger la lecture de son mandement, en particulier dans les chapitres de la ville ; à Sainte-Croix, trente chanoines s’absentèrent, à Saint-Aignan sur trente-six membres, il n’y eut que dix présents, dont cinq déclarèrent qu’ils ne prenaient aucune part au mandement. Parallèlement, l’évêque dut faire appel de la sentence de l’officialité métropolitaine à celle de la primatie de Lyon qui cassa le jugement parisien (10 mai). Les curés appelants furent donc remplacés : à Saint-Michel fut placé Poithevin, un incapable, selon les Nouvelles ecclésiastiques, avec Jogues comme adjoint, imbu des principes du séminaire (sulpicien), à Saint-Maclou, Marcou Muret, élève du Petit-Saint-Sulpice67, et Guillaume Tourtier68 comme adjoint, à Saint-Victor, Césûre, chanoine de Saint-Pierre-Empont et Pierre Bailly de Montaran69 comme adjoint ; Saint-Pierre-le-Puellier fut desservi par Gaillard, chanoine de Saint-Aignan et ancien oratorien ; à Saint-Marceau et Saint-Laurent, les vicaires firent l’affaire. Entre-temps, un pieux laïc, paroissien de Saint-Pierre-Empont, Charles Le Pelletier de La Bruère (1681-1756), avait à ses frais fait faire un tabernacle posé sur un des autels du jubé de la cathédrale et qui fut là pendant tout le temps pascal et où l’évêque en personne distribuait la communion70. Les nouveaux curés se trouvèrent en butte à l’hostilité des paroissiens et à celle des marguilliers qui refusèrent de leur délivrer les ornements liturgiques71. À Saint-Victor, paroisse du curé-martyr Fleury, les messieurs de la paroisse refusèrent de porter le dais le jour de la fête du saint et les trois quarts des paroissiens allèrent à la messe à la cathédrale ce jour-là. Des incidents semblables se produisirent le 17 juillet à Saint-Pierre-le-Puellier ; les paroissiens abandonnaient leurs bancs et, faute de ce revenu, on ne pouvait plus payer les chantres. L’église Saint-Michel fut désertée. Les conflits entre les nouveaux curés et les marguilliers n’avaient pas ici d’autre cause que l’opposition religieuse. Car dans les mêmes années, une autre source de différend apparut, nourrie par la prétention des curés, appuyée par le Parlement, d’avoir la préséance sur le premier marguillier pour la présidence des assemblées de paroisse72.
20Le 22 juillet, les six curés opposants en appelèrent comme d’abus au parlement de Paris, rappelant à la cour toute la procédure antérieure jusqu’à la décision de la primatie de Lyon. Le 25, Louis XV ordonna au Parlement d’en rester là ; deux jours plus tard, la Grand Chambre fit remontrer au roi que l’appel comme d’abus était un de ses droits exclusifs73. Le 30 novembre, par lettres de cachet, Greffier, le curé de Saint-Paul, fut exilé à Évreux (il n’était pas appelant, mais opposé à la bulle) où il mourut le 6 juillet 174174, Claude Michau de Saint-Pierre-le-Puellier, à Gap et Jean Raymond de Saint-Marceau, à Aire-sur-Adour75. Aux quatre autres appelants fut signifiée la sentence de l’official de Lyon. Jacques Girard, curé de Saint-Michel, se retira à Paris76. Lenormand, curé de Saint-Victor et docteur de Sorbonne, mourut le 30 novembre, persévérant dans son appel ; s’il reçut les derniers sacrements, ses confrères curés, à une exception près, n’assistèrent pas à ses obsèques ; quelques jours après, les marguilliers de Saint-Victor firent célébrer un office en présence d’un grand nombre de chanoines, d’autres ecclésiastiques et de séculiers77. Les conflits pouvaient parfois prendre un tour moins dramatique. Le Sueur, prieur-curé de Saint-Euverte, auteur d’une lettre imprimée sur un miracle dans sa paroisse, fut « touché par la grâce » et se repentit d’avoir signé le Formulaire ; de son plein gré, il démissionna de sa paroisse78.
L’acharnement contre Couët et Samson
21Deux curés des environs d’Orléans, Jacques Samson à Olivet et Jacques Couët à Darvoy, avaient signé le mandement de l’évêque tout en ajoutant qu’« ils n’avaient prétendu le signer qu’avec la distinction du fait & du droit » ; en mars 1730, ils furent cités à l’official pour signer le formulaire de soumission à la bulle79. Interrogé pour savoir s’il condamnait les fameuses Cinq Propositions, Samson répondit qu’il condamnait « les hérésies condamnées dans les 5 propositions attribuées [souligné par moi] à Jansénius80 » ; il réitérait ici la fameuse distinction du fait et du droit qu’Antoine Arnauld avait opposée à la bulle du pape Innocent X Cum occasione du 31 mai 1653, qui condamnait les Cinq Propositions : l’hérésie qu’elles contenaient était condamnable (le droit) mais elles n’étaient pas dans l’Augustinus (le fait). Le chapitre de Sainte-Croix, patron de Saint-Nicolas d’Olivet, déposa Samson qui fut privé le 24 mars 1730 de son bénéfice ; il fut remplacé par Gravier, vicaire de Saint-Paul81, avant l’arrivée du nouveau curé, Charton82. Quant à Couët, il fallut plusieurs sommations d’huissier pour qu’il consentît à comparaître devant l’évêque le 13 mars 1730 : il réitéra alors son adhésion à M. de Senez ; comme son confrère d’Olivet, il rappela qu’il avait signé le formulaire avec la distinction du fait et du droit, et que cela suffisait, du temps de Clément IX, pour demeurer bon catholique. Trois monitoires épiscopaux pour nouvelle comparution lui furent vainement adressés. Le 24 avril 1730, Fleuriau rendit son jugement : la cure de Darvoy était déclarée vacante, Couët, interdit de fonction curiale et ecclésiastique, tant qu’il n’aurait pas signé sans restriction83. François-Laurent Hanoir, chanoine de Saint-Vrain de Jargeau, chapelain de l’Hôtel-Dieu et desservant de Saint-Michel, prit possession de la cure de Darvoy84, nomination contre laquelle Couët en appela comme d’abus85. Couët et Samson, privé lui aussi de sa cure d’Olivet, et Gaucher, chanoine de Jargeau, joignirent leurs protestations, en appelèrent comme d’abus au parlement de Paris et consultèrent des avocats86. Ces derniers, une quarantaine, réunis les 27 juillet et 7 septembre 1730, firent rédiger par un ex-oratorien, François de Maraimbert, un mémoire, rendu public le 3 octobre 1730 : il commençait par rappeler la consultation des quatorze avocats du 10 juillet 1718, confirmée par les quarante, avant de passer à des considérations politiques remettant en cause les fondements théoriques de la monarchie de droit divin : le Parlement, « Sénat de la Nation » avait « le caractère représentatif de l’autorité publique », les lois étaient « de véritables conventions entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés », tout ce qui concernait la justice était « rapporté à la Nation, à ce qu’on appelle son Tribunal souverain, aux ordonnances qui ont été formées par son vœu, dans l’assemblée des Estats », les magistrats étaient « souverainement dépositaires des loix de l’Estat » et personne n’était juge au-dessus de leurs arrêts. Les avocats du Parlement déniaient toute compétence juridictionnelle aux évêques en dehors des causes purement spirituelles et réservaient au Parlement tout ce qui concernait la discipline ecclésiastique87. Le Parlement accorda aux curés un « Arrêt de défenses illimité contre les ordonnances de leur évêque ». L’official d’Orléans prononça contre eux un arrêt d’ajournement personnel et une nouvelle interdiction, d’où un nouvel appel comme d’abus au Parlement qui, par un arrêt du 28 avril 1731, interdit d’exiger l’adhésion à l’Unigenitus pour les derniers sacrements, arrêt cassé par le Conseil d’État le 6 juillet88. Fleuriau s’était aussi adressé à l’assemblée générale du clergé de France réunie cette année-là, laquelle obtint trois arrêts du Conseil d’État le 2 octobre 1730 et les 13 avril et 2 juin 1731, qui confirmèrent l’interdiction et maintinrent en fonction les nouveaux titulaires jusqu’à ce que Louis XV ait statué lui-même sur les demandes de l’évêque89. L’arrêt du 2 octobre interdisait au Parlement de se mêler de l’affaire des deux curés et du chanoine, sous peine de 3000 lt d’amende90. Les trois appelants répliquèrent par une longue requête de cinq pages adressée au Conseil du roi : « Leur cause [était] commune avec celle de plusieurs autres ecclésiastiques, que le sr évêque d’Orléans se diff[érait] de poursuivre. » En effet, Fleuriau par prudence, s’attaquait en priorité à des curés de paroisses rurales pour éviter des manifestations de grande ampleur. La requête des appelants poursuivait en rappelant l’argumentation des quarante avocats, que « les Parlementaires, Sire, [étaie]nt dépositaires de l’autorité de Votre Majesté », et concluait par un avertissement pour le moins d’une franchise brutale :
Voilà donc, Sire, tout le monde chrétien soumis aux évêques, peuple, officiers, ministres ecclésiastiques, princes, rois, tous peuvent être accablés par les censures, les interdictions et les excommunications. Votre Majesté à la tête du royaume n’en pourra arrêter les progrès91.
22La démarche fut vaine. Un arrêt du conseil du 21 avril 1731 attribua aux « intrus » d’Olivet et de Darvoy la jouissance des bénéfices « par provision »92, nonobstant les oppositions. L’évêque sortait donc vainqueur d’un conflit qui avait divisé les paroisses pendant deux années et avait mis en opposition localement les autorités civiles et religieuses et déjà nationalement le Parlement et le pouvoir royal. Pour lors, l’appui du roi et de son Conseil à l’épiscopat contre le monde de la justice avait été déterminant. L’appel contre l’Unigenitus ne fut pas circonscrit à la ville d’Orléans et ses proches banlieues. L’Hérault, curé de Rouvray près d’Artenay93, fut dénoncé en 1729 par un curé voisin ; il dut remettre sa cure et s’éloigna dans le diocèse de Langres puis à Donzy, diocèse de Nevers, goûta de la prison avant d’être relégué à Saint-Jean-d’Angély94.
Les chapitres
23Les chapitres, nous l’avons déjà vu, ne furent pas à l’abri de la contagion. Nous avons déjà signalé l’opposition à la bulle, en 1717, de deux chanoines de Saint-Pierre-Empont, Jacques-Charles Le Roy et Jacques Boullay95. Les chapitres de la ville n’avaient pas été indifférents lors de l’affichage du fameux mandement du 25 octobre 1718. Peu de temps après, plusieurs chanoines, craignant les menaces de l’évêque, requirent pour être reçus comme d’abus ; ils étaient douze du chapitre cathédral de Sainte-Croix, quatre du chapitre royal de Saint-Aignan, et un de celui de Saint-Pierre-Empont. Se joignaient à eux les religieux et prieur du monastère bénédictin de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, congrégation de Saint-Maur96. Comme pour les curés, l’offensive épiscopale fut déclenchée après la Régence et le ministère du duc de Bourbon.
Saint-Aignan
24À Saint-Aignan, le 7 février 1727, Fleuriau fit lire par le père Miré, oratorien et membre du chapitre, une lettre où il demandait l’acceptation de l’Unigenitus ; des trente-cinq chanoines, six avaient déjà été exclus comme opposants. Vingt-huit furent présents et reçurent la bulle, mais, alléguèrent les Nouvelles ecclésiastiques, pour de bien piteuses raisons, « ils ne voulaient pas aller manger du poisson à Saint-Benoît[-sur-Loire] », lieu d’exil de plusieurs clercs orléanais. « Ces messieurs ne laissent pas de dire pour la plupart, qu’ils n’ont pas reçu »97. Lors de la lecture du fameux mandement de 1729, dix chanoines seulement étaient présents, dont cinq déclarèrent qu’ils ne prenaient aucune part à ce texte98. Parmi les appelants était le chanoine Bruère ; lorsqu’il tomba gravement malade en février 1731, l’évêque interdit à Aderseau, curé de Notre-Dame-du-Chemin, de l’absoudre. « Le curé trop sage pour lui obéir » confessa Bruère, et Payen, chantre du chapitre, lui donna le viatique. Un ordre du ministre Maurepas à l’intendant interdit à quatre chanoines appelants de Saint-Aignan d’aller voir leur confrère ; ils pourraient, comme on en accusait le curé Aderseau, encourager le malade dans sa résistance99.
Sainte-Croix
25Le chapitre cathédral de Sainte-Croix était fort divisé. Des extraits du registre capitulaire révèlent ses indécisions et ses retours en arrière100. Le 8 août 1714 avait eu lieu la lecture de la bulle et du mandement de Fleuriau, donnant lieu à un certificat d’acceptation signé de Gabriel de Mareau, président du chapitre et archidiacre de Beauce101. Mais le 27 janvier 1717, le chapitre se ravisa et déclara qu’il n’avait pas eu l’intention d’accepter la bulle, plusieurs chanoines s’y étant opposés. Ils étaient au moins douze, comme nous l’avons vu. L’affaire traîna jusqu’à ce que Guillaume Tourtier102, archidiacre de Pithiviers, enjoignît au chapitre de lever cette contradiction. L’assemblée, réunie le 1er février 1726, décida que la déclaration du 27 janvier serait rayée des registres et qu’on s’en tiendrait à l’acceptation du 8 août 1714. Il n’y eut que deux opposants, Louis Sarrebourse103 et Jean-Baptiste Duchon de Maizières104. Peu de jours après, le chapitre enregistra l’adhésion à la bulle de trois chanoines, sans doute absents lors de la séance du 1er février, Jacques Doulceron le 23 février105, François Castanet le 27106 et Jacques Paris, le 2 mars107. La situation n’était pas apaisée pour autant. Le 9 mars 1725 était mort Denis Bruneau, qui fut le premier chanoine privé de sacrements ; il fut enterré le lendemain, l’évêque et les chanoines étant absents à son convoi, fréquenté en revanche par une multitude de peuple108. Comme dans les églises de la ville, il y eut beaucoup d’absents, trente chanoines, lors de la lecture du mandement du 25 octobre 1729 devant le chapitre109. Robert Le Blond, docteur en théologie, chanoine et théologal d’Orléans en 1720, avait exprimé son opposition à la bulle dès 1721 ; il fut exclu du chapitre et du chœur en présence de l’évêque, exilé à Saint-Benoît-sur-Loire l’année suivante, puis à Gien en 1725, enfin à Troyes en 1729 (où il mourut en 1733), sur la demande du curé de Saint-Laurent de Gien ; c’était son quatrième exil en huit ans110. À l’automne 1729, l’affaire du chanoine Joseph Pothier, appelant, fit grand bruit ; il demanda les sacrements au doyen François Mauduisson111, ancien appelant qui s’était rétracté pour continuer, selon les Nouvelles ecclésiastiques, à être archidiacre et devenir doyen. En présence de son neveu et filleul, le grand juriste Robert-Joseph Pothier, le chanoine déclara qu’il ne reconnaîtrait jamais la bulle et les sacrements lui furent refusés ; un clerc nommé Chantelle, à la grande fureur de l’évêque, les lui administra. Il y eut peu de chanoines aux obsèques, les appelants et quelques modérés, mais, comme toujours en pareil cas, si l’on en croit les Nouvelles ecclésiastiques, un grand concours de peuple, rachetant par sa pieuse présence l’indignité des clercs112. Le chapitre de Sainte-Croix était si peu sûr que le ministre Maurepas, répondant aux plaintes de l’évêque, exigea au début de 1732 par deux lettres de cachet successives que désormais l’élection du doyen se fît viva voce et non par scrutin secret113. À la fin de cette année, le doyen Gabriel de Mareau refusa le viatique à Charles Hanet, chanoine honoraire de Sainte-Croix, à moins qu’il ne se déplaçât à la cathédrale. Le chanoine ayant perdu connaissance, les parents sollicitèrent l’administration de l’extrême-onction. Devant le chapitre assemblé, le doyen accéda à la demande, car les appelants n’étaient pas séparés de l’Église. L’official, Jacques de Lagogué114, plus constitutionnaire que son doyen, voulut que celui-ci allât s’enquérir des dispositions du moribond, ce qui était inutile puisque Charles Hanet était inconscient. Le doyen, malgré les oppositions des épiscopaux, alla donner l’extrême-onction au chanoine qui mourut le 22 novembre. Fleuriau menaça alors de considérer comme appelant tout clerc qui officierait ou (et) assisterait aux obsèques. Le chapitre, une nouvelle fois réuni, et malgré les menaces de Lagogué, se prononça à la majorité pour la célébration des obsèques ; le doyen fit le service auquel assistèrent vingt-deux chanoines. L’évêque jeta alors l’interdit sur Étienne-Claude de Guyenne († 1748), pourvu depuis deux ans du canonicat de son bienfaiteur dont il partageait les opinions et dont il avait défendu l’octroi du sacrement115. Le 3 mars 1733 mourut Guillaume Blanchet, ancien curé d’Oinville au diocèse de Chartres, évangéliste de Sainte-Croix, neveu du chanoine Lestringant, retiré à Orléans depuis un quart de siècle, y ayant mené une vie pauvre et pénitente, digne du diacre Pâris. Il laissa un testament spirituel, daté du 19 septembre 1732, dans lequel il réaffirmait son adhésion à M. de Sacy [Louis-Isaac Le Maistre de Sacy] et son refus de l’Unigenitus et du concile d’Embrun. À sa mort, « on s’empressa de le toucher & d’enlever quelque chose qui eût servi à son usage116 ». La référence au diacre Pâris et à la pratique des saintes reliques apparaît donc à Orléans. On sait que l’affaire des convulsionnaires divisa le mouvement.
Saint-Pierre-Empont
26Le chapitre de Saint-Pierre-Empont fut également atteint. Le chanoine Barbot fut confessé et absous par son confrère Cabart qui répandit que le malade avait pour cela accepté la bulle. La famille protesta, dont son neveu Le Roi, de l’Oratoire ; on sait combien cet ordre fut à 50 % appelant dans les années 1717- 1718. Cabart, mandé à nouveau, refusa les sacrements à Barbot qui persistait dans son refus et qui fit appel au lieutenant criminel117. Le jeu de ping-pong entre les autorités civiles et religieuses s’enclencha. Dans un premier temps, le lieutenant criminel et le procureur du roi s’abstinrent d’intervenir, ce qui encouragea les constitutionnaires. Barbot essuya un nouveau refus de la part de Caillart, desservant de Saint-Pierre-Empont, un ancien oratorien pourtant. Un confrère chanoine de Barbot refusa de dire la messe devant lui, car il était en pantoufles ! Finalement, Pierre de Guyenne, chantre de Saint-Pierre-Empont, donna l’absolution118. L’affaire prit de l’ampleur, le neveu Le Roi qui avait publié le refus du viatique à son oncle, fut menacé119. Le pouvoir civil réagit alors et le 29 septembre, le procureur du roi interdit Cabart, qui avait refusé le sacrement ; il put néanmoins reprendre ses fonctions dès le 1er octobre120. Barbot continua à instrumenter contre Cabart auprès du lieutenant criminel et de l’official et se pourvut au Parlement. À l’agonie, il se serait rétracté et il fut administré ; « mais il y a toute apparence que sa volonté n’a point eu de part à sa faute121 » ; quelques moments après, il se reprit, demanda pardon à Dieu, refusa d’écouter Cabart et mourut dans ces dispositions le second lundi de Carême.
Saint-Vrain de Jargeau
27Le chapitre Saint-Vrain de Jargeau connut lui aussi des tensions internes. Alors qu’une mission jésuite prétendait interdire la consécration des hosties par les appelants, lors de la Fête-Dieu de 1728, un appelant dit la messe et « consacr[a] l’hostie qui devait être mise dans le Soleil, en présence de tout le chapitre, mais à l’insu des jésuites, occupés […] à confesser le peuple ». Un des chanoines, élève des jésuites, ôta cette hostie et en substitua une autre, à la grande fureur des appelants du chapitre qui prétendaient pouvoir consacrer validement. On les accusait de nier la présence réelle122. En mars 1730, nous l’avons vu, le chanoine Alexandre-Joseph Gaucher fut cité devant l’officialité pour signer le formulaire123. Il refusa et son canonicat fut donné à Jean-Mesmin Defay, neveu du curé de Saint-Paul124, puis à François Thomas, prêtre du diocèse de Coutances, lorsque Defay fut nommé curé de Férolles125. En 1733, Gaucher continuait de faire opposition et le chapitre de Saint-Vrain refusa par deux fois, le 28 janvier et le 4 février, de recevoir François Thomas. Le 25 avril, un arrêt du Conseil d’État ordonna la réception par provision126.
Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle
28Les mauristes de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle d’Orléans s’étaient joints aux requérants des trois chapitres de Sainte-Croix, Saint-Aignan et Saint-Pierre-Empont. Leur acte d’appel en date du 9 octobre 1718 fut signé par les neuf prêtres du monastère, le prieur dom Charles Vigreux, le sous-prieur dom Gilles de Remeon, et Michel Costé, Pierre Neuveu, André Durand, Jacques-Philippe Billouet, Louis Rousseau, Claude Fontaine et Barthélemy Jogues, secrétaire du chapitre. Il fut communiqué à l’officialité de Paris le 17. Orléans n’était pas la seule maison de mauristes à résister ; de quatorze autres établissements entre mars 1717 et mars 1719 surgirent des appels collectifs ou individuels. Des mauristes profès des années 1659-1736 encore vivants après 1717, 1200 furent appelants, surtout des jeunes127. Orléans se trouva au cœur de la tourmente en 1729 lors de l’élection d’un nouveau supérieur général. Le chapitre général se tenait à Marmoutier et l’intendant de la généralité de Tours, Michel Gervais Robert de Pommereu, et l’archevêque du lieu, Louis-Jacques Chapt de Rastignac, conformément à une lettre de Saint-Florentin, secrétaire d’État aux affaires de la religion au général des mauristes, dom Guyon, avaient donné ordre de ne pas élire un appelant. Ce fut pourtant un opposant à la bulle qui fut élu le 19 mai, dom Jean-Baptiste Alaydon (1671-1733), qu’une lettre de cachet datée du 18 juin atteignit le lendemain à Orléans, alors qu’il faisait étape au monastère de Bonne-Nouvelle sur le chemin du retour vers la capitale ; il avait ordre de ne pas quitter Orléans. Il y demeura consigné jusqu’au 20 mai 1730. À cette date, les supérieurs des maisons mauristes avaient, de gré ou de force, sauf deux d’entre eux, accepté la bulle Unigenitus. La résistance continua à Orléans, comme dans la moitié des monastères de la congrégation. Les décisions du chapitre général, d’où les appelants étaient exclus, n’étaient pas reconnues. Cinq moines d’Orléans, Jean Verninac, le futur bibliothécaire, et opposant de longue date, Jean-Baptiste Henri Magnin128, Antoine Guiard, Samuel Lhuillier et Jean Compoint, refusèrent en 1735 la visite annuelle du visiteur de la province de Bourgogne, dom Jean-Baptiste Sarrazin129. Il semblerait que Fleuriau ait épargné à Bonne-Nouvelle les foudres de ses mandements. Saint-Maur était une congrégation centralisée et exempte ; et localement, elle était protégée par l’élite politique et intellectuelle orléanaise, officiers municipaux, universitaires, chanoines de Sainte-Croix, grandes familles comme les Pothier, les Jousse, les Massuau, les Boilève, les Lhuillier.
Le combat contre les communautés de religieuses
29En revanche, Fleuriau entama un combat sans merci contre les communautés de religieuses qui furent privées de sacrement à cause de leur refus de recevoir la constitution Unigenitus. La place des femmes au sein du mouvement janséniste a souvent été relevée ; dès l’origine, il y eut Port-Royal et ces « femmes fortes », les abbesses Arnauld, et un peu plus tard les « belles amies » d’après la Fronde. Tout comme le protestantisme, le jansénisme permettait l’accès des femmes aux textes sacrés. Dans la 83e proposition de ses Réflexions morales, Pasquier Quesnel écrivait :
C’est une illusion de s’imaginer que la connaissance des mystères de la religion ne doive pas être communiquée au sexe par la lecture des Livres Saints […]. Ce n’est pas de la simplicité des femmes, mais de la science des hommes que sont nées les hérésies.
30Et si le sexe masculin abdiquait, n’était-ce pas aux femmes de reprendre le combat, comme l’avait écrit Jacqueline Pascal à la mère Angélique Arnauld de Saint-Jean : « Puisque les évêques ont des courages de filles, les filles doivent avoir des courages d’évêques » ? Est-ce le scandale du renversement de l’ordre des sexes et la proclamation de la validité de la parole féminine qui poussèrent les confesseurs envoyés par les évêques à des outrances de langage, ou tout simplement l’usage d’une rhétorique bien établie de la pastorale de la peur, utilisée contre les hérésies et récemment contre le protestantisme ? La stratégie des confesseurs mêlait l’injonction à la résipiscence au tableau effroyable des peines infernales, avec d’autant plus de cruauté que la scène était souvent le lit d’une moribonde à laquelle il fallait arracher l’aveu de la désobéissance sous peine de quitter la terre dans l’anathème130.
Les ursulines de Saint-Charles
31Le principal foyer de résistance janséniste fut le couvent des ursulines de Saint-Charles à Saint-Jean-le-Blanc, ce Port-Royal-sur-Loire dont nous avons vu la naissance puis l’essor sous les prédécesseurs de Fleuriau. L’établissement continuait à bénéficier d’appuis financiers locaux131. Le 21 octobre 1721, les religieuses avaient reçu la communion des mains de Raymond, curé de Saint-Marceau, l’appelant déjà rencontré ; l’évêque protesta auprès de Jogues de Martinville, le confesseur ordinaire des religieuses depuis 1709, lequel refusa désormais de les entendre. La dernière confession générale des ursulines par le curé de Saint-Paul, leur confesseur extraordinaire, eut lieu le 18 juin 1722. Au chapitre du 12 novembre 1722, vingt-neuf religieuses signèrent leur opposition à la bulle. Une véritable émeute éclata à Saint-Charles lorsque l’évêque y envoya un jésuite, le père Oignant, pour prêcher l’obéissance à la bulle. En vertu de lettres de cachet du 1er août 1722, le 24 septembre suivant, la prieure Claude des Mazis de Saint-Prosper, entrée au couvent le 7 février 1689, fut internée aux ursulines de Valençay, et le 1er octobre, la professe Anne Georges de Sainte-Thérèse, entrée le 9 mars 1679, ancienne prieure, aux ursulines de Nogent-le-Rotrou, avant qu’elles ne fussent transférées à Sainte-Avoye de Paris, sous la tutelle plus bienveillante du cardinal-archevêque de Noailles132. En décembre 1722, Fleuriau fit retirer de Saint-Charles, par l’intendant Jubert de Bouville, les protestantes, les pensionnaires, les écolières. Il fut enjoint aux parents de ne plus confier leurs filles aux ursulines de Saint-Charles133. L’année suivante (7 février 1723), il donna ordre de fermer les classes extérieures que les religieuses entretenaient pour les pauvres filles de Saint-Marceau et de Saint-Jean-le-Blanc ; en mai, le ministre Maurepas pria l’intendant de procéder à la fermeture. Tout était fait pour tarir le recrutement de l’établissement. Dans leur ligne de défense, les appelantes mettaient en avant leur peu d’intelligence des subtilités de la théologie, ne rien entendre à cette bulle Unigenitus, et concluaient qu’elles ne pouvaient souscrire à ce qu’elles ne comprenaient pas. Il y avait, au moins de la part de certaines religieuses, beaucoup d’ingénuité et un peu de mauvaise foi dans l’affirmation proclamée de leur supposée ignorance134. Les adversaires retournaient l’argumentation : puisqu’elles étaient aussi ignorantes qu’elles le prétendaient, pourquoi adhéraient-elles au parti des appelants, plutôt que d’obéir à l’évêque et au pape ? Une lettre aux dames ursulines de Saint-Charles, datée du 15 janvier 1723 et mystérieusement signée J. C. Fr. J. B. C. voulait les confondre en explicitant cette contradiction135 :
Mais, dîtes-vous, les matières dont elle [la constitution Unigenitus] traite sont au-dessus de nous. Vous avez bien raison, Mesd., elles passent non seulement votre capacité, mais encore celle de quantité d’autres personnes qui en osent raisonner. On a bien fait ce qu’on a pu pour les mettre à la portée de tout le monde, ces matières si abstraites, mais tant qu’on voudra suivre ses préventions & ses fausses lumières, l’on ne profitera point de tant de bons écrits qui sont une pierre d’achoppement pour les âmes orgueilleuses. D’où je conclus qu’il n’y a point d’autre parti à prendre que celui de la soumission.
En effet, s’il fallait se soulever contre tout ce qui nous passe, que deviendrait la Religion Chrétienne ? Qui voudrait croire en Dieu en trois Personnes, un Dieu fait homme, un Dieu présent sous les espèces du sacrement de nos Autels ? […] Vous vous retranchez sur la distinction du fait et du droit […] & une subite métamorphose vous a érigées tout d’un coup en Théologiennes du parti.
32Fleuriau priva les protestataires de sacrement ; il envisagea même de transformer le couvent en prison, ce qu’il fit pour deux hospitalières de l’Hôtel-Dieu d’Orléans136. Les menaces ne firent que renforcer la résolution des religieuses. Jeanne Solu de Sainte-Marguerite, entrée à Saint-Charles le 19 juillet 1671, et la mère Avoye-Bourgogne de Sainte-Agathe, entrée le 20 juin 1668, rétractèrent publiquement, respectivement le 11 décembre 1724 et le 3 novembre 1726, la signature qu’elles avaient donnée au formulaire le 22 octobre 1722, par crainte des sanctions épiscopales137. Commença alors la série de drames des refus de sacrement lors des maladies et des décès des religieuses. Jusqu’en 1725, il y eut des accommodements, grâce à Gellet, curé de la paroisse de Saint-Jean-le-Blanc de 1719 à 1735. Le 28 décembre 1722, il administra les derniers sacrements à la mère Thérèse Miron de Sainte-Madeleine et fut tancé pour cela par le grand vicaire Lagogué138. Le 6 juin 1725, Marie-Geneviève Gaultier de Sainte-Monique, après avoir été rebutée par le père de Saint-Mesmin, capucin du couvent de Saint-Jean-le-Blanc, put les recevoir du curé Gellet, cette fois dûment autorisé par Lagogué, car la sœur était sans connaissance. Mais elle n’eut pas droit à la messe mortuaire139. Fleuriau ne toléra plus alors ces entorses et interdit à Gellet de s’occuper des affaires du couvent. Le 30 août 1725 mourut sans sacrement Anne Bugy de Saint-Joseph qui résista aux pressions de M. de Châteauneuf, grand pénitencier, envoyé de l’évêque140. Le 30 septembre 1726 mourut pareillement la mère de Saint-Joseph que ni le gardien des capucins, ni M. de Châteauneuf n’avaient pu faire revenir de ses « erreurs141 ». Le 10 avril 1727, veille des Rameaux, le coadjuteur Pâris alla dire la messe à Saint-Charles, consomma toutes les hosties et se fit remettre le ciboire et la clé du tabernacle ; il fut insensible aux protestations des religieuses auxquelles on enlevait le saint sacrement et qui répliquèrent « qu’elles espéraient que Jésus Christ demeurerait dans leur cœur142 ». Le 13 avril 1728, ce fut l’évêque en personne qui se déplaça à Saint-Charles au chevet de la sœur Thérèse Gaveau, exilée de l’Hôtel-Dieu, fort mal en point, crachant le sang ; Fleuriau aurait traité la maladie de bagatelle, renvoyé le médecin, et admonesté les religieuses, les menaçant, sans effet, de l’exil143. Le 28 décembre 1729 quitta ce monde sans sacrement la mère Avoye-Bourgogne de Sainte-Agathe, sous-prieure, qui dirigeait le couvent depuis l’exil de l’abbesse144. La mort des religieuses était un moment crucial de la vie de la communauté, l’évêque tâchant d’arracher à la moribonde in articulo mortis une rétractation. Qu’advenait-il lorsque la mort était subite, ce qui fut le cas pour Mme Madeleine Bailly de Montaran, entrée à Saint-Charles le 21 octobre 1706 ? Fleuriau donna l’autorisation de l’enterrer « pour cette fois seulement145 » ; les funérailles célébrées par le curé de Saint-Jean-le-Blanc eurent lieu le 9 juin 1730. Le 4 juillet, ce fut la mère Bruneau, âgée de quatre-vingt-quatre ans, qui fut menacée, vainement, par l’évêque accompagné de son grand vicaire Joseph Chassaing, ils pensaient pouvoir abuser de sa vieillesse146. Le grand pénitencier, M. de Châteauneuf, n’eut pas plus de succès pour faire revenir à l’obéissance épiscopale la converse Madeleine Rolland de Saint-Louis, morte en 1732 à l’âge de quarante-trois ans et vingt-deux de religion147.
Les bénédictines de Saint-Loup
33L’abbaye de Saint-Loup était un second foyer148. L’abbesse Olympe de Châtillon, élevée à Saint-Loup sous les yeux de sa tante, l’abbesse Marie-Louise-Charlotte de Châtillon, à laquelle elle succéda en 1711, était janséniste149. Lors de son entrée en fonction, elle n’était pas allée se faire bénir par Fleuriau, mais significativement à Paris par le cardinal de Noailles. Avec sa communauté, une cinquantaine de religieuses, elle résistait à l’évêque qui, dès 1718, avait exigé la soumission des sœurs dans les deux mois. En 1723, elles avaient perdu leur confesseur, Ragu, pourvu d’un canonicat à Jargeau, et son successeur, Baudoin, le 25 janvier 1726, exigea la soumission pour donner l’absolution. Il réitéra ses menaces le 2 mai, intimant aux religieuses l’ordre d’obéir à l’évêque et d’accepter la bulle « comme on croit au mystère de la Sainte Trinité sans le comprendre ». Il aurait même fait jeter dans les commodités quelques exemplaires du Nouveau Testament qu’il jugeait suspects, au grand scandale des religieuses qui déclarèrent que seul le diable pourrait les détourner de lire l’Écriture sainte. Le 7 septembre, Fleuriau interdit aussi au confesseur extraordinaire, Vaslin, doyen du chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier, auquel les insoumises s’étaient adressées, de les absoudre. Il ne semble pas, d’ailleurs, que le chanoine Vaslin ait eu besoin du soutien de son évêque. Le 14 août 1726, il avait adjuré la sœur Flavie de se soumettre au pape et à l’évêque, laquelle avait rétorqué que dès que l’on s’attaquait à la religion, elle se sentait obligée « d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » ; et à son interlocuteur qui l’exhortait à se laisser conduire, elle répliqua qu’elle était « fort d’avis de [se] laisser conduire, mais, non pas séduire et [elle] le serai[t] si [elle] obeissai[t] dans cette occasion ». Elle ajouta : « Et il est inutile Monsieur que je vous fasse perdre plus longtemps votre tems et à moi aussi »150. Le 28 octobre 1726, l’abbesse Olympe de Châtillon réaffirma sa détermination devant Fleuriau, puis deux jours plus tard devant son coadjuteur Pâris151. Au début de janvier 1727, trente-quatre religieuses résistèrent aux menaces de Pâris152 ; l’évêque de Chartres, Charles-François des Montiers de Mérinville, envoyé en renfort, n’obtint rien. Pâris revint vainement à la charge le 22 janvier et le 20 mars.
34Le 12 avril 1727, une lettre de cachet signée du ministre Maurepas intima l’ordre à Olympe de Châtillon de se retirer à Paris avec deux religieuses ; elle opta pour le Val-de-Grâce. Fleuriau donna des ordres pour le transfert et fournit à l’abbesse une liste de huit noms où elle devait choisir ses deux accompagnatrices. Mais la maison d’accueil exigeait une pension et l’abbesse remontra que Saint-Loup ne pouvait supporter une telle charge, « il était plus aisé de régler la pension que d’en assurer le paiement ». L’évêque obtint alors un arrêt du conseil qui plaçait les biens de Saint-Loup en économat et la nomination d’une commission de quatre membres, l’évêque, son coadjuteur, l’intendant et Lenormand, un de ses subdélégués, pour enquêter sur la capacité de l’abbaye à payer les pensions, 500 lt pour l’abbesse et de 300 lt pour chacune des deux religieuses153. La résistance se transporta alors sur ce terrain matériel. Le 14 juin, la commission se présenta à Saint-Loup ; l’évêque étant présent en tant que supérieur du monastère, il n’y avait pas possibilité de lui interdire l’entrée. Fleuriau fit saisir tous les revenus de l’abbaye. Olympe de Châtillon envoya alors en cour le sommaire de toute la gestion de Saint-Loup de 1685 à 1727, pendant l’abbatiat de sa tante et le sien propre, en demandant du temps pour fournir les justificatifs. Le cardinal-ministre Fleury accorda le délai. Les comptes examinés en haut lieu obtinrent un satisfecit, il ne fut plus question de l’arrêt du conseil pour transférer l’abbesse. Par ailleurs, le Val-de-Grâce rechignait à accueillir les religieuses de Saint-Loup, tout comme les calvairiennes parisiennes de la rue de Vaugirard. De surcroît, le duc de Châtillon s’employa pour sa fille en exigeant une pension de 1700 lt ! Fleuriau ne voulait pas débourser un sou. Protégée autant par la notoriété et l’ancienneté de sa maison que par les obstacles matériels, l’abbesse resta à Saint-Loup où elle mourut le 24 avril 1731154. Elle avait pris la précaution de se prémunir contre ceux qui auraient pu profiter de sa faiblesse in articulo mortis. Le 2 novembre 1728, elle avait rédigé une profession de foi dans laquelle elle disait ses regrets d’avoir, par ignorance, signé le formulaire, et proclamait à nouveau son opposition à l’Unigenitus. Mais elle avait été contrainte de donner l’obédience à la mère Archambault. Le 9 juin 1729, Fleuriau l’avait interrogée pour savoir si elle avait lu son fameux mandement ; elle aurait assez insolemment répondu : « Oui, à peu près comme on lit une gazette. » En dépit des défenses, l’abbesse avait repris des pensionnaires. L’évêque renouvela l’interdiction et écrivit dans ce sens aux mères de famille qui se récrièrent que l’éducation de leurs filles leur était plus chère que les intentions de l’évêque155. Les petites pensionnaires, lorsqu’elles furent interrogées par le coadjuteur, répondirent qu’elles n’avaient pas d’autre sentiment que ceux de leurs mères ; elles furent ajournées pour leur première communion156. Ne pouvant rien contre l’abbesse, Fleuriau s’attaqua aux simples religieuses. L’abbesse les défendit et s’opposa au transfert chez les visitandines d’Orléans de deux religieuses, la supérieure ayant déclaré qu’elle ne céderait « qu’à la violence ouverte157 ». Fleuriau passa outre et s’en prit même à une converse, sœur Charité, reçue par l’abbaye à l’âge de deux ans. Le 7 juillet 1729, le grand prévôt fit enlever de Saint-Loup la sœur Brisacier qui fut conduite chez les visitandines de la ville, la sœur converse Tixerant et la sœur Gosseau, « fille de condition d’Allemagne » à la maison mère des ursulines d’Orléans (à ne pas confondre avec celles de Saint-Charles à Saint-Jean-le-Blanc) où elles furent logées séparément de la communauté158.
35L’ultime maladie et la mort de l’abbesse furent accompagnées des péripéties devenues habituelles. Le 28 mars 1731, Fleuriau avait interdit à Baudouin, confesseur de l’abbaye, de lui donner l’extrême-onction ; elle avait été frappée la veille d’apoplexie. Le lendemain, le grand vicaire et official Lagogué s’acharna auprès de la malade incapable de répondre. Il déclara alors qu’il administrerait l’abbesse si la communauté attestait qu’elle avait changé de sentiment. Le médecin s’emporta, l’abbesse avait une conduite exemplaire, on la privait d’un sacrement qui était donné à beaucoup qui ne le méritaient pas. Lagogué répliqua : « Nous avons nos règles, il nous est défendu d’accorder les sacrements à des indignes. » Le dernier terme scandalisa les religieuses assemblées et le chapelain Baudouin dut user de diplomatie pour les calmer : « Mesdames, M. le Grand Vicaire n’entend parler que des sentiments de Mme votre abbesse ; il sait fort bien qu’elle est irréprochable dans ses mœurs. » Olympe de Châtillon mourut privée de sacrement. Ses funérailles furent célébrées dans la chapelle de l’abbaye, mais la messe dite par Baudoin, ne le fut pas à son intention, elle ne fut pas nommée dans les collectes de l’office. Un grand concours de monde assista aux obsèques, douze curés appelants, mais aussi des constitutionnaires. Un appelant voulut dire la messe, le chapelain lui refusa les ornements ; l’appelant répliqua qu’il était chanoine et docteur, bien au-dessus du chapelain, et il célébra, s’étant fait apporter les ornements par le sacristain de son chapitre159. Fleuriau pensa sans doute que la mort de l’abbesse ferait plier les religieuses ; il se rendit à Saint-Loup le 15 mai, en vain160. À la mort de l’évêque (9 juin 1733), la nouvelle abbesse Gabrielle Jubert de Bouville, fille de l’intendant d’Orléans Louis-Guillaume, nullement janséniste, permit néanmoins la communion à toutes celles qui en étaient privées et refusa de livrer au nouvel évêque, Mgr de Pâris, les noms des confesseurs des religieuses161.
Les cisterciennes de Voisins
36L’abbaye de Voisins avait déjà eu, nous l’avons dit, une abbesse janséniste, la mère Madeleine Pezé162. Du temps de l’épiscopat de Coislin, les religieuses avaient été interrogées isolément dans leur cellule sur les Cinq Propositions. Elles avaient répondu qu’« elles n’étaient que de pauvres filles trop simples pour s’occuper de si hautes questions qui dépassaient les limites de leur faible intelligence163 ». Il n’en demeurait pas moins que le jansénisme prit corps dans le monastère. Si l’on en croit un des historiens de Voisins, du Faur de Pibrac, « ce sanctuaire de la pureté et du recueillement [fut] transformé en un centre actif de propagande religieuse dont l’évêque [Coislin] et son grand vicaire [Charles Meunier] favorisèrent le développement164 ». Lors de la fermeture de Port-Royal en 1709, quelques exilées militantes arrivèrent à Voisins, dont Louise de Cugnac, fille de François (IV) de Cugnac, seigneur d’Huisseau, marquis de Dampierre, maître de camp de cavalerie165. Y trouva refuge aussi Léonard Fournier, fils d’un vigneron de Vouvray. D’abord accueilli à Beaugency par le curé et ses deux vicaires, dont l’un, Aubry, était janséniste166, il rencontra à Baule François Compagnon, un janséniste formé au petit séminaire de Meung par Ambroise Pacori167 ; tous deux prirent comme directeur de conscience le père Gabaret, curé de Charsonville, qui avait été exilé lors de l’affaire de la régale et recueilli « avec empressement » par Coislin. De 1704 à 1709, Fournier fut jardinier de Port-Royal jusqu’à la fermeture. Sur la recommandation de Dollon, chanoine de Meung, il entra en 1711 à Voisins avec les mêmes fonctions. Il y demeura jusqu’à sa mort, survenue le 20 juin 1736, manifestant « les vertus les plus exaltées et le mysticisme outré des convulsionnaires168 ». Ses quelques effets furent arrachés comme des reliques. La sœur Marie-Madeleine Massuau le gratifia d’une épitaphe en latin qui fut gravée sur sa tombe au bas de l’église du monastère169. Le monastère était alors gouverné par l’abbesse Marguerite de Villelongue, nommée le 2 juillet 1708 et décédée en charge le 7 novembre 1749, opposée elle aussi à la bulle, mais pour certains, timide et peu énergique. Elle entretenait les meilleures relations avec les bourniquettes de Saint-Charles, si l’on en croit une lettre de remerciement pour un don de 50 lt adressée à ces témoins de la vérité :
Ce que nous mettons au-dessus de tous les biens, c’est l’union que vous voulez bien avoir avec nous, nous y trouvons infiniment à gagner, et nous nous regarderons toujours comme vos disciples et heureuses de pouvoir vous suivre, non seulement dans le religieux témoignage que vous rendez depuis longtemps à la vérité, mais encore dans les vertus chrétiennes et religieuses dont vous êtes de si parfaits modèles170.
37Pendant les dernières années de son abbatiat, Marguerite de Villelongue avait abandonné le gouvernement du monastère à Marie-Madeleine Massuau (1676- 1748), prieure de 1743 à sa mort le 9 décembre 1748, « janséniste fanatique171 », appelante contre la bulle Unigenitus et très anxieuse à la pensée des drames qui pouvaient advenir. Marie-Madeleine Massuau était par ailleurs une érudite, bonne latiniste, auteur de chansons morales, de cantiques sur l’incarnation ; elle correspondit avec l’érudit orléanais Daniel Polluche sur l’histoire de Voisins172.
Les calvairiennes
38Les calvairiennes de la Porte Madeleine, touchées elles aussi, subirent les tracasseries de l’évêque qui engagea leur confesseur à les inquiéter ; ce dernier s’abrita derrière le secret de la confession ; quant aux religieuses, elles contestèrent la juridiction de l’évêque, prétendant ne dépendre que de leurs supérieurs173. Elles avaient des pensionnaires et des novices qu’on leur retira en juin 1730 : le secrétaire de l’intendant se déporta dans les familles et l’intendant lui-même, muni d’une lettre de cachet, fit sortir les pensionnaires174. En décembre 1730, la communion fut refusée par le confesseur de la maison à la supérieure, la mère Anne-Thérèse Curault, atteinte d’un cancer ; elle se fit transporter dans l’église où elle finit par la recevoir, tout en adjurant ses filles à la résistance : mais elle mourut le 21 juillet 1731 sans les derniers sacrements175.
Les dames augustines de l’Hôtel-Dieu
39L’Hôtel-Dieu fut aussi victime de la politique répressive de Fleuriau ; elle eut immédiatement un large écho dans la ville, la communauté des soignantes étant très liée à la vie de la cité par les secours qu’elle prodiguait aux Orléanais. En 1727, les religieuses augustines furent interrogées par Jacques Alleaume, doyen de Sainte-Croix176. Dix sur dix-huit répondirent « nettement qu’elles n’étaient pas venues chercher la Bulle dans la Religion, mais la vérité177 ». À la date du 9 juin 1727, le Nécrologe de Cerveau et les Nouvelles ecclésiastiques donnent deux versions différentes du décès d’une religieuse ; il pourrait bien s’agir de la même personne. Selon le Nécrologe, la mère Margueriteau avait été refusée de sacrement à Pâques 1727. À l’article de la mort, elle fut tourmentée par Jean-Daniel Noël178 et François Castanet, chanoines de Sainte-Croix, ce dernier directeur spirituel des dames de l’Hôtel-Dieu ; on aurait pu lui donner l’extrême-onction quand elle aurait perdu connaissance ; comme elle la conserva jusqu’à la fin, elle mourut privée de ce sacrement179. Les Nouvelles ecclésiastiques mentionnent à la même date la mort de la mère Marguerite, native d’Angers, qui rejeta les sacrements aux conditions qu’on voulait lui imposer. L’évêque lui envoya Biquet, le supérieur du séminaire, dont la supérieure de l’établissement exigea qu’il soit pourvu préalablement de la permission des supérieurs de l’hôpital. La religieuse tint bon et répliqua à Biquet : « Prenez garde, Monsieur, que vous ne puissiez vous justifier contre les accusations que je formerai contre vous au Tribunal de Jésus Christ180. » L’offensive se poursuivit à l’automne 1727 : deux lettres de cachet adressées à la supérieure de l’Hôtel-Dieu lui intimèrent l’ordre de remettre à leurs parents les sœurs novices Colas et Petitte, et privèrent les neuf religieuses opposantes de leur voix aux assemblées ; Jean-Daniel Noël et Gabriel Marault, chanoines de Sainte-Croix et administrateurs de l’Hôtel-Dieu, firent sortir les novices, sans toutefois leur ôter leur habit de religieuse, lesquelles novices eurent la précaution de demander copie des lettres de cachet pour se garantir du soupçon de renvoi pour mauvaise conduite. Fleuriau s’emporta contre la mansuétude dont avaient fait preuve les chanoines qu’il accusa d’avoir « ensorcelé l’Hôtel-Dieu ». Le 20 novembre, l’intendant Louis-Guillaume Jubert de Bouville fit venir les parents des novices et les menaça de prison s’ils ne faisaient pas quitter l’habit à leurs filles. Le lendemain, les chanoines signifièrent aux opposantes leur privation de voix181. L’intendant n’était pourtant pas disposé à pousser les choses à bout : en avril 1728, il refusa ses carrosses au grand prévôt pour aller enlever deux religieuses opposantes, les sœurs Catherine-Françoise-Nicolle du Roussay et Thérèse Gaveau, et les transférer à Saint-Charles, maison privée de sacrement depuis cinq ans. Bravant un grand émoi de peuple vomissant des injures, pas moins de 3000 à 4000 personnes massées dans la cour de l’Hôtel-Dieu et le long du chemin, selon les Nouvelles ecclésiastiques, le grand prévôt emmena les sœurs Gaveau et Roussay ; toute la nuit, l’établissement retentit des lamentables cris des malades auxquels on retirait leurs secours182. L’évêque brava une nouvelle bronca quand il se rendit à l’Hôtel-Dieu où il y avait encore sept opposantes ; la foule crut qu’il venait les enlever ; il ne venait que pour les admonester et les menacer de transfert, en vain, « quelque promesse qu’il leur fît de tuer le veau gras (c’était ses termes) si elles revenaient de leur égarement183 ». L’agitation continua ; en novembre 1731, les chapelains de l’Hôtel-Dieu refusèrent les sacrements à une domestique malade ; la réaction fut immédiate, toutes les domestiques se mirent en grève et demandèrent leur congé. Le supérieur de l’établissement, Jogues, pourtant très antijanséniste, engagea les chapelains à donner les sacrements sans condition, pour éviter la paralysie de l’hôpital184.
Les refus de sacrement aux laïcs
40Les dernières années de l’épiscopat de Fleuriau d’Armenonville furent également ponctuées par des poursuites contre les suspects laïcs auxquels les sacrements, et surtout l’extrême-onction, pouvaient être refusés. Orléans ne fut pas la seule ville de province touchée par un phénomène dont on ne dira jamais assez, dans une perspective chrétienne, les tragiques et durables conséquences. Pour certains commentateurs, le refus de la médiation cléricale fut la cause principale d’une « décléricalisation », à bien distinguer d’une déchristianisation, dont il conviendrait néanmoins de mesurer l’impact sur cette dernière. Dans l’instant, le drame individuel se jouait à deux niveaux, d’une part au chevet du moribond où la querelle théologique pouvait éclater de la façon la plus indécente, sans la moindre retenue, d’autre part dans la ville tout entière, mise en émoi par une opinion prompte à se saisir d’une affaire ressentie comme un scandale et à laquelle les plus hautes autorités ne pouvaient pas demeurer étrangères : dans le cas où un curé donnait les sacrements à un janséniste, il subissait les foudres de l’évêque et, s’il les refusait, les sentences du présidial. Pour une large part de l’opinion publique, l’intervention dans le domaine si intime de la relation entre la religion et la mort, une relation véritablement anthropologique, était une intolérable provocation. Le scandale de la profanation barbare du cimetière de Port-Royal avait montré la sensibilité extrême du monde des vivants quant à la persécution des morts.
41Une des premières affaires éclata en 1727, celle du menuisier Bury qui fut dénoncé au curé de Saint-Paterne par une « dévote constitutionnaire », parce qu’il possédait « une petite constitution avec des notes ». Le coadjuteur voulut faire agir le présidial qui se récusa ; mais le juge de la prévôté fit emprisonner Bury qui déclara qu’il avait obtenu le livret incriminé lorsqu’il était domestique chez les oratoriens de Juilly, où les jansénistes étaient nombreux185. Lors du jugement, le procureur du roi demanda une amende et que le livre fût brûlé ; les juges renvoyèrent « le pauvre menuisier hors de cour & de procès, voulant même lui rendre son livre186 ». L’administration locale résistait à la collusion des pouvoirs monarchique et épiscopal. En août 1729, M. de Cottainville, octogénaire, fut refusé de sacrement par son curé ; il se trouva heureusement un clerc charitable pour l’administrer187. En novembre 1730, la veuve Denis, sœur d’un chanoine appelant de Sainte-Croix, eut la chance d’être confessée et administrée in articulo mortis par le curé de Saint-Éloi qui en avait reçu sommation en forme188. En 1731, nous l’avons dit, les sacrements furent refusés à une domestique de l’Hôtel-Dieu, ce qui provoqua la grève du service dans l’établissement. En avril, le curé de Sainte-Catherine, Jean Roux, très engagé dans la lutte contre le jansénisme, les refusa à deux paroissiennes, la veuve Vincent et Mme Dupleix. L’affaire Dupleix eut le plus grand retentissement à cause de la notoriété d’une famille de la bonne société orléanaise qui disposait des moyens pécuniaires nécessaires pour pousser la procédure d’appel jusqu’au Parlement189. Le 3 avril, le curé Roux refusa donc les sacrements à Marguerite Perpétue Ribé, épouse Dupleix ; elle ne s’était pas confessée depuis trois ans. L’affaire fit grand bruit, et s’enclencha alors la longue procédure judiciaire : première plainte du père de la défunte au lieutenant criminel le 4 avril190, suivie d’une seconde le 7 après que le curé Roux eut réitéré son refus, assignation du curé devant le lieutenant criminel le 11, comparution du curé devant l’official le 13, qui lui enjoignit de tenter une nouvelle démarche auprès de la malade tout en réaffirmant le refus de sacrement aux « jansénistes », appel comme d’abus au parlement de Paris qui, le 18 avril, sur le rapport du célèbre abbé janséniste René Pucelle, ordonna à l’évêque de faire administrer les sacrements. Le 21, Pierre Dupleix, époux de la malade, se transporta avec deux notaires, au palais épiscopal, pour supplier l’évêque, en continuant les prières et réquisitions faites ci-devant,
qu’il luy plaise en exécution de l’arrêt de la cour de parlement de Paris en date du dix-huit du présent mois […] duquel a été donné copie, de nommer tel prêtre qu’il plaira à mond. Seigneur évêque d’Orléans et lui enjoindre d’administrer dans ce jour le saint sacrement de l’Eucharistie et Viatique et de l’extrême-onction à ladite dame Dupleix attendu le danger de mort évident où elle se trouve191.
42L’évêque fit attendre le trio jusqu’à sept heures et demie et ne plia pas ; le lendemain, Pierre Dupleix fit une seconde réquisition auprès de l’évêque sans plus de succès192. Mme Dupleix mourut sans sacrement le 25 avril. Les jacobins lui accordèrent la sépulture ecclésiastique ; mais elle ne fut pas recommandée aux prières des fidèles et, lors du service, son nom fut omis dans les oraisons. Par un arrêt du 28 avril, le Parlement condamna l’exigence d’adhésion à la constitution. À cette occasion, l’abbé Pucelle s’était emporté contre « l’abus criminel » de l’évêque. Cet arrêt du 28 suscita une violente réplique le lendemain sous la forme d’une lettre du coadjuteur au cardinal Fleury : « Il n’a point encore paru, dit-il, d’Arrêt plus injurieux à l’Église & au Corps Episcopal193 » ; le Parlement brandissait l’étendard de la révolte, la censure ou la cassation de l’arrêt était exigée. Le chancelier défendit au lieutenant criminel d’Orléans d’en connaître et demanda que les pièces du procès fussent envoyées en cour194. Le 6 juillet, le Conseil du roi cassa la décision favorable du Parlement, d’où l’envoi de remontrances au souverain datées du 24 juillet, et un libelle pour défendre le Parlement : Reflexions sur le projet de cassation de l’arrêt du Parlement rendu à l’occasion de la Dame Dupleix d’Orléans : où allait-on si les évêques n’avaient plus à craindre ni le Parlement, ni le roi ; et pouvait-on interroger « en détail » à l’article de la mort195 ? Le curé Roux, soutenu par l’évêque et l’official, refusa le 13 juin 1731 les sacrements à une seconde paroissienne, Anne Castillon, veuve d’Euverte Vincent, marchand-bourgeois d’Orléans ; il lui donna l’autorisation de se confesser à un prêtre de son choix, pourvu qu’elle en divulguât l’identité, ce qu’elle refusa. En cette journée du 13, heure par heure, des sommations par huissier furent adressées au curé. C’était livrer le confesseur aux persécutions. Le 14 et le 15, le fils de la malade implora vainement l’évêque. Les affaires Dupleix et Vincent, portées au Parlement, furent désormais liées. L’arrêt du conseil du 6 juillet les renvoya à une commission de cinq conseillers d’État, Bignon, La Rochepot, Harlay, Fortia et L’Escalopier, sur rapport des maîtres des requêtes Choppin, Viarmes, Maboul et La Bourdonnaye196. Le Parlement remontra sur la destruction de son arrêt du 28 avril : « Ce serait autoriser les Ecclésiastiques de votre Royaume à suivre les exemples dangereux des curés d’Orléans197. » Le chancelier engagea néanmoins le lieutenant criminel à seconder l’évêque pour réformer la procédure de l’official, dont les vices de forme donnaient lieu à contestation198. Le curé de Sainte-Catherine persévéra dans sa combativité ; il arrêta brutalement la mission qu’un jacobin prêchait dans sa paroisse. « Le schisme augmente ici à vue d’œil199 », notèrent les Nouvelles ecclésiastiques.
43Dans le reste du diocèse, certains curés faisaient aussi du zèle. À Sandillon200, la demoiselle du Coing se vit refuser l’absolution par le curé de Saint-Aignan ; le curé de Saint-Patrice fut plus conciliant201. À Yèvre-le-Châtel202, le curé refusa la confession à l’épouse du sieur Le Grand de Sainte-Hélène, parce qu’elle avait dit que le diacre Pâris était un bienheureux ; le curé lui permit d’aller à confesse auprès de son collègue d’Yèvre-la-Ville, à condition que ladite dame condamnât les Réflexions morales de Quesnel en signant un billet écrit dont il rédigea le contenu. Il voulut ensuite récupérer le billet, sans doute vierge de signature, mais la dame refusa de rendre cette pièce à conviction et le curé lui refusa une nouvelle fois la communion en pleine messe203.
44Le 6 janvier 1733, le desservant Hazard, arguant du refus de confession, refusa les sacrements à une paroissienne de Saint-Michel d’Orléans ; il fut l’objet de deux sommations, les 7 et 9 janvier. La paroissienne déclara à Hazard que « par la miséricorde de Dieu elle ne sent[ait] point sa conscience chargée d’aucun péché204 ». S’ensuivit un appel comme d’abus. Les refus de sacrement étaient objet de scandale et entretenaient des tensions entre le pouvoir épiscopal et les autorités locales, municipales ou bailliagères. Dans un souci d’apaisement, avant la quinzaine de Pâques de 1733, Fleuriau, très affaibli par l’âge, et son coadjuteur exhortèrent les curés de la ville à accorder la communion aux personnes suspectes ou à leur permettre de se confesser à d’autres qu’eux. Le curé de Saint-Paul répondit à l’invitation des prélats ; ceux de Saint-Paterne, de Saint-Benoît, et surtout le curé de Sainte-Catherine, le héros de l’affaire Dupleix, campèrent dans leur opposition205.
45Notons que s’il y eut de nombreux refus de sacrements, les jansénistes orléanais ne furent jamais exposés à de scandaleux refus de sépulture en terre consacrée, comme cela put se produire dans certains diocèses de la France du Nord. Mais s’il n’y eut pas d’ignominie choquante, en particulier dans le ressort du parlement de Paris, il exista de multiples vexations comme la suppression ou la limitation des sonneries, du luminaire, de l’eau bénite, l’absence de croix ; les inhumations pouvaient se faire à la nuit tombée ou à la pointe du jour, avec un seul prêtre ; et le défunt se voyait souvent privé des messes pour le repos de son âme. Le refus de sacrement et celui de sépulture n’étaient pas absolument liés. Le sacrement était d’institution divine et ne pouvait être profané par son attribution à un pécheur public ; au contraire, la sépulture ressortissait à la loi ecclésiastique qui pouvait effectivement interdire la sépulture sacrée au pécheur mort dans le péché, mais l’Église pouvait dispenser de cette loi206.
Les confréries
46La réaction à un jansénisme offensif et parfois ostentatoire prit aussi la forme de confréries ou de cénacles sous l’égide d’un clerc. La confrérie des flagellants de Saint-Vincent eut une certaine publicité quand elle fut dévoilée au début de 1733 par Sergent, second vicaire de Saint-Donatien ; il fut soupçonné d’avoir informé les Nouvelles ecclésiastiques qui couvrirent les confrères de ridicule. Ceux-ci firent appel à l’évêque pour obtenir un désaveu de Sergent. Mandé au palais épiscopal, poussé par le coadjuteur et par le père Coustard, chanoine régulier et prieur-curé de Saint-Donatien, Sergent finit par signer le 3 février un papier séparé où il déclarait n’avoir aucune connaissance que les confrères se donnassent la discipline et que ce que les Nouvelles ecclésiastiques avaient imprimé était faux.
À peine cette signature fut-elle lâchée, que les 2 Evêques qui en étaient saisis, reprirent la lecture de l’Ecrit dont on n’avait lu que les premières pages. C’était un tissu de faussetés, d’invectives, d’injures grossières & de calomnies atroces contre les Apell[ants].
47Sergent s’aperçut qu’il s’était fait piéger et recourut à son frère, chanoine de Saint-Aignan, pour retirer l’écrit des mains des prélats, ce libelle diffamatoire fabriqué par eux et qui portait sa signature. La démarche n’ayant pas abouti, plainte fut portée au procureur général, puis à l’intendant pour obtenir, au moins, que l’écrit ne fût pas imprimé. Telle était la version des Nouvelles ecclésiastiques207.
48Une lettre datée d’Orléans du 10 décembre 1734 protestant contre l’accusation de flagellation en donne une toute différente208. Le rédacteur des Nouvelles ecclésiastiques, en décembre 1732, aurait donc relaté une séance de flagellations de prêtres constitutionnaires orléanais dans le but de convertir les jansénistes. Cela se serait passé le 5 août 1732 dans la sacristie de l’église Saint-Vincent. La lettre datée d’Orléans du 10 décembre 1734 protesta contre cette accusation sur la foi d’un soi-disant témoin, M. Sergent, « d’une humeur plaisante et naturellement guayée ». Il s’agissait en réalité d’une société d’ecclésiastiques, approuvée par l’évêque, qui se réunissait une fois par semaine, pour s’entretenir sur les vertus chrétiennes, la charité et la distribution des aumônes, et non sur « l’excellence des flagellations ». M. Sergent aurait entendu le bruit des coups portés sur les corps ! Or il se trouvait dans le jardin du curé éloigné de 30 ou 40 toises de la sacristie, par ailleurs fermée. La lettre de protestation concédait qu’il y avait eu un déjeuner
composé de quelques petits pâtés et de quelques bouteilles de vin, mais en bien moindre quantité que le gazetier eût voulu le faire entendre. Quel scandale ! [était] il défendu à de jeunes ecclésiastiques à jeun jusqu’à onze heures de se rafraîchir un peu chez un confrère ?
49Non pas les gémissements des flagellés, mais les éclats de quelques libations, voilà ce qu’aurait pu entendre M. Sergent.
50Trois autres confréries ou assemblées sont signalées à la même époque. La première se réunissait chez un nommé Pelletier, rue des Grandes-Écoles, où Gentil, desservant de Saint-Pierre-le-Puellier, se répandait en injures contre les appelants ; l’assistance était surtout composée de femmes et de filles, les Nouvelles ecclésiastiques affirmaient même que Pelletier « leur donnait 20 s[ols] la fois qu’elles venaient à l’assemblée » et leur distribuait le Cartouche justifié par la grâce de Quesnel209, même si elles ne savaient pas lire. Une autre assemblée se tenait rue du Colombier, où présidait le sieur Cabart, chanoine de Saint-Pierre-Empont, qui déversait les calomnies habituelles contre les jansénistes. Après cela, « les spectatrices se mettaient la corde au cou & se prosternaient le visage contre terre devant un Crucifix exposé à leur dévotion ». Les Nouvelles ecclésiastiques accusaient ce Cabart de chercher à savoir ce qui se passait dans les maisons des jansénistes en confessant leurs domestiques210. Enfin, chez la dame Tourtier, pénitente des jésuites, zélée dénonciatrice à l’évêque des confesseurs des jansénistes, se réunissaient « les dames de l’éternité » ; après avoir parlé de la malédiction des jansénistes, Mme Tourtier fut tragiquement punie et frappée de mort subite211 !
51Fleuriau mourut le 9 juin 1733. En un peu plus d’un quart de siècle, porté par un tempérament impulsif et entier, en accord après la Régence avec la politique antijanséniste du gouvernement royal, l’évêque avait porté dans son diocèse des coups très durs au parti. Surtout, il avait presque totalement tari le recrutement des couvents féminins qui ne se relevèrent pas de l’épreuve. Saint-Simon, tout à l’admiration de son prédécesseur, n’eut pas de mots trop durs pour le successeur, cet évêque « qu’un coup de soleil avait achevé d’hébéter, et qui n’en revint jamais dans le long temps qu’il vécut depuis212 ». Fleuriau pouvait cependant l’emporter sur un point sur le cardinal de Coislin puisqu’il n’avait pas fallu attendre son trépas pour que son épitaphe, anthume, fût composée et répandue. Dès 1709, la satire suivante s’était répandue à Orléans et à Paris213 :
Passant, ne t’arrête pas
Tu ne peux lire ici rien qui soit digne de mémoire
Ici repose en effet le cadavre de Louis Gaston Fleuriau
Autrefois hélas évêque d’Orléans
Qui pendant sa vie ne fit que peu
Ou pour ainsi dire rien de bien.
Issu d’une famille très basse et très obscure
Chez les Cainotes et les Hurons.
Il fut poussé à ce siège très illustre et très antique
Par la faveur, les soins et les moyens
Des Publicains et des Semi-Pélagiens
Très célèbre par son entêtement, sa légèreté et son ignorance,
Il ne rechercha point, pour les Églises qui lui étaient confiées,
Des pasteurs pieux et prudents, ni pour instruire les peuples
Des prédicateurs de saine doctrine.
Il s’attacha des valets comme vicaires généraux
Pour l’aider dans sa sollicitude pastorale,
Véritables gardes du corps, auxquels il accordait son amitié.
Ennemi déclaré de la paix
Il entretint et aima les troubles qu’il suscita lui-même
Chassa au loin la concorde.
Il ne fit pas de mal à ceux à qui il ne put nuire,
Attentif à ne faire de bien à personne
Aussi ne fut-il aimé ni bien vu des gens de bien
Et ne laissa de regrets à personne.
Enfin il mourut et se coucha dans la tombe
Sans qu’on puisse savoir à quoi fut utile
Une telle existence
Adieu, réjouis-toi, et sois content.
Notes de bas de page
1 Sur cet épisode, Micheline Cuénin, Un familier de Louis XIV…, op. cit., p. 239-244, qui donne la traduction française (par Jean Nivet) de l’épitaphe censurée. Et Saint-Simon, Mémoires, op. cit., t. 19, p. 123-124.
2 Ibid., p. 238.
3 Voir supra. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 134-135.
4 Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, 1816, t. 16, p. 152. Et Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit. Louis Fuet se fit recevoir en 1716 comme avocat au Parlement et devint un célèbre canoniste, connu pour ses consultations en faveur des appelants. Il est l’auteur d’un Mémoire sur l’injustice de l’excommunication dont on menace les appelants (Paris, 1719).
5 Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 201-202. Cela donna naissance à un humoristique placet adressé à l’intendant, intitulé Requeste du bourreau de la ville d’Orléans à M. l’intendant de la généralité d’Orléans contre les Jésuites de la même ville, qui ont usurpé sur ses droits en déchirant solennellement plusieurs livres de Port-Royal dans la chapelle de leur maison le 8 septembre 1710 (Médiathèque d’Orléans, ms. 1361, p. 81) : « Supplie et remontre humblement / L’Exécuteur de la haute justice / Dit le Bourreau vulgairement / Disant qu’à son grand préjudice / On empiète sur son office / Voici comment. / Certain prédicateur jésuite / S’érigeant en juge absolu / De maints écrits qu’il n’a peut-être jamais lus / A prononcé d’Arnauld, de Mons, / De Quesnel, et Bocace, et de plusieurs encore. »
6 Médiathèque d’Orléans, ms. 453 : Journal de ce qui s’est passé au présidial depuis l’installation en la charge du président [Guillaume de Troyes père] au mois d’août 1686, fo 33vo.
7 Cité par Monique Cottret, Histoire du jansénisme, op. cit., p. 151.
8 Pierre Chaunu, Madeleine Foisil, Françoise de Noirfontaine, Le basculement religieux de Paris au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1998, p. 124.
9 Philippe Moulis, L’Unigenitus en frontière de catholicité. Pierre de Langle et ses correspondants (1711-1724), Paris, Honoré Champion, 2016.
10 Catherine Maire, De la cause de Dieu à la cause de la nation. Le jansénisme au xviiie siècle, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1998, p. 10.
11 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881
12 Arch. dép. du Loiret, G 12 : Recueil des pièces sur le procès des curés d’Orléans opposés à la bulle contre M. leur évêque. Grands papiers in-folio, recto-verso, paginés de 123 à 162, et les alinéas de 48 à 148, arrachés d’un volume.
13 Luc Le Coq (1669-1742), licencié in utroque (1691), curé de Tremblevif (1693), d’Olivet (1795), de Saint-Germain d’Orléans (1705), chanoine (1717) puis prévôt de Saint-Aignan (1721). Auteur d’une Oraison funèbre de Coislin. Il ne fut pas privé de sacrements à sa mort. Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit.
14 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 50. Soit une forte minorité des clercs séculiers de la ville, dont le nombre est environ de vingt-six. Les curés ruraux furent beaucoup moins touchés.
15 Ibid., no 51.
16 Lecture peut être faite en parallèle de l’opposition des curés à Orléans et à Paris. Voir Ségolène de Dainville-Barbiche, Devenir curé à Paris. Institutions et carrières ecclésiastiques (1695-1789), Paris, Puf (Le nœud gordien), 2005, principalement la part. 3, « L’hypothèque janséniste ». Également, Marie-José Michel, Jansénisme et Paris (1640-1730), Paris, Klincksieck, 2000.
17 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 54 à no 61. No 55 : texte de l’appel. Le diocèse d’Orléans était de l’archidiocèse de la capitale et on appelait de l’officialité d’Orléans à celle de Paris et de celle-ci à celle de la primatie de Lyon.
18 Jacques Boullay (1665-1725), à l’Oratoire de Paris de 1688 à 1701, rentra à cette dernière date à Orléans et fut chanoine honoraire de Saint-Pierre-Empont. Il s’est rendu célèbre par sa Manière de bien cultiver la vigne, dont la première édition est de 1710 (Borde, Orléans). Les éditions suivantes, complétées, datent de 1712, 1723 et 1770. Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit., p. 333.
19 Arch. dép. du Loiret, 2 J, 1881.
20 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 89.
21 Ibid., no 88.
22 Ibid., no 63.
23 Ibid., no 64 et 65.
24 Ibid., no 68 à 73. Les docteurs consultés étaient Habert, Durieu, La Coste, Duruel, Gog, Boutin, Boucher, Bourbier, Magon, l’abbé Vidal, Moulin, d’Asfeld, Beloy et Francière.
25 Ibid., no 72.
26 Ibid., no 73 : consultation de M. Duperray. Les curés furent reçus au Parlement comme d’abus le 19 octobre 1718 et l’arrêt fut signifié à l’évêque le 22 (ibid., no 79 et 80).
27 Il semble que l’évêque se soit acharné contre Jacques Boullay, puisqu’il fallut un second arrêt du Parlement du 24 avril 1718 pour lever l’interdit prononcé par l’official. Il dut néanmoins effectuer une retraite de trois mois à l’abbaye de Saint-Euverte, plutôt qu’au séminaire, prévu d’abord. Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit., p. 333.
28 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 74. L’adhésion fut portée le 12 octobre à l’officialité de Paris par l’abbé André-Claude Duguet de l’Oratoire, demeurant à Paris au séminaire de Saint-Magloire, haut lieu de résistance janséniste (ibid., no 76).
29 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1880. Id., 2 J 1881. Elle fut renouvelée par déclaration royale le 5 juin 1719.
30 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 81.
31 Jacques de Lagogué, licencié in utroque, chapelain de Saint-Étienne en 1706, chanoine de Sainte-Croix et official en 1708, sous-chantre en 1711, chapelain de Saint-Euverte en 1714, sous-doyen-chapelain en 1726, décédé en 1758. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 167.
32 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 82. Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 245.
33 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 145.
34 Arch. dép. du Loiret, O 1844. Lettres, mémoires, placets, pièces de procédures… relatifs à l’abbé Fleury, curé de Saint-Victor. Manuscrit relié et paginé contenant toutes les pièces de l’affaire Fleury, précédées d’un portrait dudit curé, accompagné d’un poème à l’occasion de sa mort survenue en prison le 16 avril 1719 : « J’expire dans les fers, mais reconnu sans Crime / J’ay gagné de mon Prince et le Cœur et l’estime. / Il verse sur les miens les dons de sa bonté / Et Dieu par mon trépas me met en Liberté. » Et au tout début du manuscrit : « Ce livre m’a été remis es mains par Mr Fleury, frère du défunt curé de Saint-Victor ; il faut luy rendre s’il le redemande. » Le portrait et le poème dans Micheline Cuénin, Un familier de Louis XIV…, op. cit., p. 246.
35 Arch. dép. du Loiret, O 1844, p. 1-5.
36 Ibid., p. 6-7.
37 Ibid., p. 12-15.
38 Ibid., p. 15-17.
39 Ibid., p. 8-11 (lettre du 26 avril 1718, citation) et p. 17-19 (lettre du 3 juin 1718).
40 Ibid., p. 19-23 (28 juillet 1718).
41 Ibid., p. 25-27 : lettre de remerciement des curés à Saint-Simon. P. 28 : réponse du duc de Saint-Simon. Les deux textes dans Micheline Cuénin, Un familier de Louis XIV…, op. cit., p. 249-250.
42 Ibid., p. 33-70.
43 Ibid., p. 70-78.
44 Ibid., p. 81-113. On analysa les graphies du M de « Monseigneur », du chiffre 8, de la lettre g, du double s dans « altesse », « paroisse », « aussy », de quelques autres lettres déguisées en lettres rondes ; mais le naturel était vite revenu.
45 Massuau avait fourni aux experts les livres de son commerce depuis 1707.
46 Ibid., p. 102.
47 Ibid., p. 113-131. Et 2 J 1881. Pour un résumé de l’affaire Fleury, Micheline Cuénin, Un familier de Louis XIV…, op. cit., p. 245-250. Denis Lottin, Recherches historiques sur Orléans depuis Aurélien l’an 274 jusqu’à 1789, Orléans, Jacob, 1836, t. 2, p. 262. Et Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 282-306.
48 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881 et G 12, p. 147. Les NE, le journal clandestin des jansénistes, rendirent compte de cette « lettre imprimée [à Orléans] de plusieurs Chanoines & Curés d’Orléans, dans laquelle ils déclar[ai]ent que leur silence ne pouvait être pris pour une marque qu’ils acquies[çai]ent à l’Accommodement, puisqu’ils persist[ai]ent dans leur Appel, résolus d’attendre la décision du Concile ». Et sur S.-J. Pichard, Médiathèque d’Orléans, ms. 1707, Éloge de M. Pichard. Simon-Jacques Pichard (1686-1775), neveu de P. Pichard, oratorien, laissa la réputation d’un grand hébraïsant. Il fit imprimer « une rédaction du sommaire des Psaumes [qui] le fit connaître de quelques écrivains illustres, tels que M. l’abbé d’Asfeld, et de M. l’abbé Duguet », figures du jansénisme. L’éloge est suivi de la notice nécrologique des NE du 31 juillet 1775 : Pichard avait su échapper aux pièges des jésuites et donné sa confiance à M. du Saussay. Il avait, certes, signé le formulaire, mais avec la fameuse distinction du fait et du droit. Il ne voulut renoncer à cette restriction, ni signer la condamnation d’Arnauld, et ne put intégrer la société de Sorbonne. « C’était pour lui une consolation particulière d’avoir connu le B. H. Diacre [Paris], & d’avoir eu avec lui une conversation sur les maux de l’Église. »
49 Arch. dép. du Loiret, G 12, p. 91.
50 Ibid., p. 96 pour les questions et 97 pour les réponses.
51 Ibid., p. 92.
52 Ibid., p. 94. Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881.
53 NE, 24 août 1728.
54 René Cerveau, Nécrologe…, op. cit., part. 1, p. 47. Charles Cuissard (« Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 87) mentionne un Denis Bruneau (1640-1727), chanoine en 1681, qui résigna en 1701. Les NE ne disent rien de ce décès.
55 Joseph Chassaing (1673-1741), curé de Saint-Laurent, docteur en théologie en 1703, vicaire général en 1713, archiprêtre en 1718, archidiacre de Beaugency en 1719, chantre en 1722. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 101.
56 NE, 18 avril 1728 : M. Le Vassors, curé de Gidy, serait, d’après l’évêque, mort en ayant révoqué son appel. C’était un mensonge si l’on en croyait les curés qui le connaissaient.
57 NE, année 1728, p. 207. Et Denis Lottin, Recherches historiques…, op. cit., p. 276.
58 La bulle avait déjà été enregistrée, nous l’avons vu, par le parlement de Paris en 1714, avec seulement une faible opposition de dix conseillers sur cent quarante environ. Une nouvelle bulle, Pastoralis officii, du 28 août 1718 excommuniait les « appelants » contre l’Unigenitus.
59 Darvoy, archidiaconé de Sully. Arr. d’Orléans, c. de Jargeau.
60 NE, 20 mai 1729 : M. du Saussay « dont la mémoire est en bénédiction dans tout le diocèse ». Et René Cerveau, Supplément au Nécrologe…, op. cit., p. 65. Louis du Saussay mourut à Paris le 30 juillet 1718. Et voir supra.
61 Le 3 mai 1732, vingt curés parisiens agirent de même en refusant la publication du mandement de l’archevêque Charles-Gaspard-Guillaume de Vintimille du Luc. Ségolène de Dainville-Barbiche, Devenir curé à Paris…, op. cit., p. 171.
62 Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 246. Et NE, 20 mai 1729 : le journal établit la géographie paroissiale de la protestation des fidèles : deux ou trois personnes quittèrent l’office à Saint-Vincent, la Conception, Notre-Dame-du-Chemin et Saint-Benoît, dix à douze à Saint-Donatien et Saint-Éloy, trente à quarante à Saint-Liphard et Sainte-Catherine, beaucoup à Saint-Paterne et Saint-Pierre-Ensentelée, deux cents à Saint-Paul où Fahy, l’un des curés, lut le mandement « d’une voix tremblante », et presque tout le monde dans les six paroisses citées dans le texte. D’autres paroissiens ne quittèrent pas l’église, mais toussèrent ou regardèrent de côté, ou même tournèrent le dos au prédicateur, comme chez les jésuites, arguant qu’entendre n’était pas approuver.
63 NE, 20 mai 1729. La source est évidemment partiale !
64 Joseph de Hillerin, chanoine de Sainte-Croix en 1729, archiprêtre en 1738, archidiacre de Sully en 1742, de Sologne en 1745. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 160. Le même auteur, dans sa Bio-bibliographie du Loiret (op. cit.), fait par erreur de Joseph de Hillerin un « partisan du chanoine Cougniou et impliqué dans sa fameuse affaire », ce qui lui valut en 1755 une amende de 3000 lt. L’amende bien réelle eut la cause inverse, le refus de sacrement à Cougniou. Hillerin se démit en 1758 et se retira à Saint-Denis où il mourut en 1783. Il avait été directeur de la Société épiscopale.
65 Les NE du 20 mai ne manquent pas de traiter à la dérision cette démarche en ce saint jour de fête. Pâris aurait fait ferrer ses chevaux pendant vêpres et aurait « acheté un bonnet de castor dont le marchand refusa de recevoir le prix, ne voulant pas, disait-il, vendre ce jour-là » (nous soulignons).
66 NE, 16 avril 1729. Le cardinal Fleury, antijanséniste, ne fut pas moins alarmé par le zèle des évêques fanatiquement constitutionnaires, qui risquaient de provoquer la révolte ouverte des curés jansénistes. Un an après la déclaration royale du 24 mars qui déclarait la bulle Unigenitus loi du royaume et jugement de l’Église universelle en matière de doctrine, il envoya une lettre aux évêques datée du 22 juillet 1731 où il indiquait qu’elle ne pouvait être une « règle de foi », ce qui impliquait qu’on ne pouvait refuser les sacrements aux appelants. Dans les années 1730-1733, les missives de Fleury à Étienne de La Fare, évêque de Laon, aussi antijanséniste que Fleuriau, lui recommandaient de tempérer le zèle par la prudence avant d’excommunier. Voir Georges Hardy, Le cardinal Fleury et le mouvement janséniste, Paris, Honoré Champion, 1925, dont les conclusions sont à réviser.
67 Marcou Muret, chanoine de Saint-Pierre-le-Puellier, chanoine de Sainte-Croix en 1728, pénitencier en 1736, décédé en 1747. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 193.
68 Guillaume Tourtier, docteur en théologie, chanoine en 1717, archidiacre de Beaugency en 1722, de Beauce en 1723, résigna en 1743 et mourut en 1744. Ibid., p. 223.
69 Pierre Bailly de Montaran (1694-1775), docteur de Sorbonne et chanoine de Sainte-Croix en 1724, archidiacre de Beauce en 1732, scolastique et chancelier de l’université de 1741 à 1774. Ibid., p. 75.
70 Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit.
71 NE, 12 juillet 1729. Les conflits entre curé et marguilliers sont extrêmement rares quand le curé est janséniste, les marguilliers, issus des couches supérieures de la bourgeoisie, partageant la même opinion. Nicole Lemaitre (dir.), Histoire des curés, Paris, Fayard, 2002, p. 211-212.
72 Sur la place des marguilliers dans l’échelle sociale et leur rôle, à titre comparatif, Laurence Croq, Nicolas Lyon-Caen, « Le rang et la fonction. Les marguilliers des paroisses parisiennes à l’époque moderne », dans La paroisse urbaine du Moyen Âge à nos jours, Paris, Cerf, 2014, p. 199-244.
73 NE, 30 juillet 1729.
74 NE, 31 juillet 1741. Ses douze années d’exil lui valurent l’estime de tous et les curés d’Évreux le recommandèrent aux prières de leurs paroissiens.
75 NE, supplément pour octobre-novembre-décembre 1729 et supplément pour janvier 1730. Et les NE du 13 mars 1761 reviennent en termes pathétiques sur la vie douloureuse du curé Raymond, décédé à Beaugency le 4 octobre 1759, à l’occasion du service que les marguilliers de Saint-Marceau firent célébrer à sa mémoire le 12 janvier 1761. Né le 6 mars 1674, élève du séminaire de Mgr de Coislin, avant que les sulpiciens ne s’en emparassent, il fut à vingt-cinq ans curé de Saint-Marc. Fleuriau le transféra à Saint-Marceau et le nomma confesseur des religieuses de Saint-Charles. Sa faveur tourna dès qu’il se fut déclaré appelant en juin 1721. Lors du voyage vers son lieu d’exil à Aire, la maladie le contraignit à s’arrêter à Beaugency chez son frère, curé du lieu et prieur de Saint-Nicolas ; Fleuriau fut inflexible et le malade dut continuer sa route jusqu’à Aire avec des arrêts à Blois et à Poitiers. Il fut transféré ensuite chez les cordeliers de Lesparre (Médoc) en 1733 à Angoulême, en 1737 à Paris, puis à Tours, en 1751 à Blois et enfin à Beaugency. Lorsqu’il mourut, son frère curé était infirme et aveugle et le vicaire Jolivet refusa le viatique qui fut donné par un chanoine régulier de l’abbaye de Beaugency.
76 Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 250. Et NE, supplément pour octobre-novembre-décembre 1729 et supplément pour janvier 1730. Les curés Raymond et Michau étaient depuis une dizaine d’années déjà dans le collimateur de l’évêque. Avec sept autres collègues, ils avaient protesté, nous l’avons vu, contre l’emprisonnement à la Bastille de François-Jacques Fleury, curé de Saint-Victor.
77 NE, 18 janvier 1732. Et René René Cerveau, Nécrologe…, op. cit., part. 1, p. 173.
78 NE, 8 mai 1733.
79 NE, 18 mars 1730. Le texte du formulaire : « Je me soumets entièrement à la Constitution du pape Innocent X du 31 mai 1653, selon son véritable sens, qui a été déterminé par la Constitution de notre Saint-Père le pape Alexandre VII du 16 octobre 1656. Je reconnais que je suis obligé en conscience d’obéir à ces Constitutions, et que je condamne de cœur et de bouche la doctrine des Cinq Propositions de Cornelius Jansénius contenues dans son livre intitulé Augustinus, que ces deux papes et les évêques ont condamnées ; laquelle doctrine n’est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliquée, contre le vrai sens de ce saint docteur. »
80 NE, 27 avril 1730.
81 NE, 9 juillet 1730.
82 NE, 30 juillet 1730.
83 Arch. dép. du Loiret, G 12, p. 101-122.
84 NE, 5 septembre 1730.
85 Arch. dép. du Loiret, G 12, p. 130 : appel comme d’abus du 22 juillet 1730.
86 Sur l’engagement janséniste des avocats, David A. Bell, « Des stratégies d’opposition sous Louis XV. L’affaire des avocats (1730-1731) », Histoire, économie, société, 4, 1990, p. 567-590. Et Hervé Leuwers, « Le barreau. Un “corps politique” ? Action collective et vie publique dans la France des Lumières », dans Hugues Daussy, Frédérique Pitou (dir.), Hommes de loi et politique (xvie-xviiie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes (Histoire), 2007, p. 229-239, ici p. 230-231.
87 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881 : Mémoire pour les sieurs Samson, curé d’Olivet, Couët, curé de Darvoi, Gaucher, chanoine de Jargeau, diocèse d’Orléans et autres ecclésiastiques de différents diocèses, appelants, comme d’abus, contre M. l’évêque d’Orléans et autres archevêques et évêques de différents diocèses, intimés, sur l’effet des arrêts des parlements, tant provisoires que définitifs, en matière d’appel, comme d’abus, des censures ecclésiastiques, avec les noms des quarante signataires, dont Fuet, déjà rencontré. Analysé dans Pierre Chaunu, Madeleine Foisil, Françoise de Noirfontaine, Le basculement religieux…, op. cit., p. 213-214. Également Dale K. Van Kley (Les origines religieuses…, op. cit., p. 175-179), qui adopte la graphie de Mairemberg ; et B. Robert Kreiser, Miracles, Convulsions, and Ecclesiastical Politics in Early Eighteenth-Century Paris, Princeton, Princeton University Press, 1978, p. 109-112. Le Mémoire fut condamné par un arrêt du Conseil du roi du 30 octobre 1730 (Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881). Également, NE, 9 octobre 1730.
88 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881. L’arrêt du conseil cassait aussi la requête de la veuve Vincent devant le lieutenant criminel d’Orléans contre Leroux, curé de Sainte-Catherine.
89 Précis des rapports de l’Agence du clergé de France par ordre des matières ou Extraits raisonnés desdits rapports concernant les principales affaires du clergé, qui se sont passées depuis l’année 1680, jusqu’en l’année 1780, Paris, Guillaume Desprez, 1786, p. 21-22.
90 Arch. dép. du Loiret, G 12, p. 133-134. Il fut signifié à Couët, Samson et Gaucher le 14 octobre suivant (ibid., p. 135).
91 Ibid., p. 139.
92 Ibid., p. 140. L’intendant d’Orléans était chargé de faire exécuter l’arrêt. La relation est dans les NE, 21 juin 1731. Le même arrêt confirma Jean-Mesmin Defay dans le canonicat d’Alexandre Gaucher à Saint-Vrain de Jargeau.
93 Rouvray, archidiaconé de Beauce. Arr. d’Orléans, c. de Patay. Artenay, archidiaconé de Beauce. Arr. d’Orléans, ch.-l. c.
94 NE, Supplément pour octobre, novembre et décembre 1729, novembre 1729.
95 Voir supra.
96 Arch. dép. du Loiret, G 12, no 147.
Pour Sainte-Croix :
– François Mauduisson (1657-1731), docteur de Sorbonne (1687), chanoine (1690), archidiacre de Sologne (1703), doyen (1729) ;
– Michel Leblond, docteur de Sorbonne, scolastique et théologal (il ne figure pas dans le répertoire de Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité ;
– Denis Bruneau (1640-1727), chanoine en 1681 ;
– Joseph Pothier (1669-1729), chanoine en 1691 ;
– Vincent Humery († 1735), bachelier in utroque et chanoine (1691), chanoine et chantre de Saint-Aignan en 1708 ;
– Honoré-Michel Calles († 1737), chanoine (1695). Mort sans sacrement ;
– Pierre Sellier (1677-1739), chanoine (1702). Mort sans sacrement ;
– Pierre Georges († 1721), chanoine (1703) ;
– Joseph Arrault (1664-1742), bachelier en théologie de Paris, chanoine (1703). Figure au Nécrologe de Port-Royal ;
– Aignan de Lahaye († 1728).
– Charles Hanet (1658-1732), chapelain de la chapelle Saint-Euverte, chanoine (1710) ;
– Philippe de Cougniou († 1754), docteur en théologie (1700), chanoine (1711), le héros de la plus grande affaire janséniste orléanaise du siècle.
Pour Saint-Aignan :
– François Disme, chantre ;
– Philippe Ornere, chantre ;
– Jacques Gaubert ;
– Pierre Ducloux.
Pour Saint-Pierre-Empont :
– Pierre de Guyenne.
97 NE, année 1727, p. 151. À Saint-Benoît-sur-Loire avait été exilé Dom Rousseau, bénédictin de Saint-Maur, pour n’avoir pas prêché la constitution (NE, année 1725, p. 129).
98 NE, 30 mai 1729.
99 NE, 31 mars 1731.
100 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881.
101 Gabriel de Mareau († 1735), bachelier en droit canon, chanoine en 1687, archidiacre de Beauce en 1701, doyen en 1731. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 185.
102 Guillaume Tourtier († 1743), docteur en théologie, chanoine en1717, archidiacre de Beauce en 1723. Ibid., p. 223
103 Louis Sarrebourse, né en 1682, licencié en théologie, chanoine en 1718. Ibid., p. 217. Et voir infra.
104 Jean-Baptiste Duchon de Maizières (1680-1759), chantre et chanoine de Saint-Pierre-Empont, chanoine diacre de Sainte-Croix (1719). Ibid., p. 129-130.
105 Jacques Doulceron († 1742), docteur in utroque, curé de Saint-Florentin en Sologne, chanoine et archidiacre de Sully (1716), exclu du chapitre comme appelant en 1753. Ibid., p. 125. Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit., p. 778.
106 François Castanet (1678-1742), prêtre, vicaire de Saint-Paterne, puis curé de Cerdon et chapelain de la chapelle Sainte-Foy de Tigy (1708-1722), chanoine (1722), directeur spirituel des dames religieuses de l’Hôtel-Dieu jusqu’en 1736. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 96.
107 Jacques Paris, sous-diacre, chanoine (1721). Ibid., p. 198.
108 René Cerveau, Nécrologe…, op. cit., part. 1, p. 47. Les NE ignorent cette disparition.
109 NE, 30 mai 1729.
110 NE, 20 septembre 1729. René Cerveau, Nécrologe…, op. cit., part. 1, p. 226. Et Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 175.
111 François Mauduisson (1657-1731), docteur de Sorbonne en 1687, chanoine en 1690, archidiacre de Sologne en 1703, doyen en 1729. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 187.
112 NE, 30 septembre 1729. Et René Cerveau, Nécrologe…, op. cit., part. 1, p. 137.
113 NE, supplément pour les cinq premiers mois de 1732, janvier et mai.
114 Jacques de Lagogué († 1758), licencié in utroque jure, chapelain de Saint-Étienne inter claustrum ecclesiae Aurelianensis, official de l’évêque et chanoine de Sainte-Croix en 1708, sous-chantre en 1711, chapelain de Saint-Euverte en 1714, sous-doyen et chapelain en 1728. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 167.
115 NE, 24 janvier 1733.
116 NE, 8 mai 1733.
117 NE, 5 septembre 1730.
118 À la date de 1730, Pierre de Guyenne est dit « non-appelant » alors qu’il l’était en 1718. Son passé d’opposant explique sans doute son acceptation.
119 NE, 18 octobre 1730.
120 NE, 2 novembre 1730.
121 NE, 20 mars 1731.
122 NE, juin 1728.
123 NE, 18 mars 1730.
124 NE, 5 septembre 1730.
125 Férolles, archidiaconé de Sully. Arr. d’Orléans, c. de Jargeau.
126 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881.
127 Daniel-Odon Hurel, « Jansénisme et générations dans la congrégation de Saint-Maur », L’ordre de Saint-Benoît et Port-Royal. Chronique de Port-Royal, 52, 2003, p. 137-157. Id., Les mauristes à Orléans. Bonne-Nouvelle et l’essor de la bibliothèque publique au xviiie siècle, Orléans, Paradigme, 1995, p. 46. Texte de l’appel p. 56-57. La même source pour ce qui suit.
128 Jean-Baptiste-Henri Magnin (1670-1752), bénédictin à Vendôme en 1692, prieur à Saint-Benoît-sur-Loire en 1705, fut député au chapitre général de Marmoutier en 1723, où l’archevêque de Tours essaya en vain de faire accepter la bulle Unigenitus. Magnin, opposant, fut privé de dignité et vint demeurer à Bonne-Nouvelle où il mourut. Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit.
129 Texte de l’acte de protestation dans Daniel-Odon Hurel, « Jansénisme et générations… », art. cité, p. 58. Et NE, 25 avril 1735. Jean-Baptiste Sarrazin, nommé visiteur à la suite du chapitre général contesté de Marmoutier du 2 juillet 1733 (le « brigandage » de Marmoutier), fut également réfuté l’année suivante par les Mauristes d’Auxerre. Voir Dominique Dinet, Religion et société. Les réguliers et la vie régionale dans les diocèses d’Auxerre, Langres et Dijon (fin xvie-fin xviiie siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, 1999, t. 2, p. 789.
130 Pour une vue d’ensemble des communautés féminines persécutées, Françoise de Noirfontaine, « Les damnées de la bulle Unigenitus ou les refus de derniers sacrements et de la sépulture ecclésiastique dans les communautés religieuses de femmes (1725-1780) », dans Monique Cottret, Caroline Galland (éd.), Les damnés du ciel et de la terre, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2010.
131 Paul Ratouis, « Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 519 : en 1726, don de 50 lt de Mme de Nobleville (sans doute Anne-Thérèse Lhuillier, morte cette année-là), épouse de Louis Arnault de Nobleville (1670-1733) et mère du médecin Louis-Daniel Arnault de Nobleville que nous retrouverons. Et p. 535 : en 1728, don de 250 lt de la marquise de La Ferté, fille de Henri-François de Senneterre, duc de La Ferté, nièce de la duchesse de Ventadour, Charlotte-Éléonore-Madeleine de La Mothe-Houdancourt, gouvernante des enfants de France.
132 Elles y moururent le 13 avril 1740 et le 9 avril 1741, munies des derniers sacrements qui leur auraient été refusés à Orléans.
133 Paul Ratouis, « Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 497-498.
134 Elles étaient tout à fait au courant de l’actualité. Un certain Jacques-Joseph Lamyrault († 1753), chanoine de Gien, protégé de Charles de Caylus, le janséniste évêque d’Auxerre, aurait en 1724 rendu visite à une ursuline pour lui parler des troubles de l’Église de France à cause de la bulle, sans cacher ses sentiments. Il ne peut guère s’agir que d’une sœur de Saint-Charles. Il fut dénoncé et envoyé par lettre de cachet en exil à Nevers. Caylus obtint son pardon. Lamyrault réintégra Gien où il se consacra aux pauvres et à l’éducation des petits enfants. Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit.
135 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881.
136 Paul Ratouis, « Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 489-495. Le 8 avril 1728, les ursulines durent recevoir deux sœurs de l’Hôtel-Dieu, Catherine-Françoise-Nicolle du Roussay et Thérèse Gaveau. Nous les retrouverons dans le paragraphe sur l’Hôtel-Dieu.
137 Ibid., p. 510 et 516-518. La mère Avoye-Bourgogne renouvela sa rétractation le 29 mars 1727 devant le coadjuteur Pâris (ibid., p. 522).
138 Ibid., p. 501. Entrée au couvent le 1er décembre 1687, professe le 4 décembre 1689, elle mourut le 29 avril 1739.
139 Ibid., p. 510-511. Elle était entrée au couvent le 29 août 1698, novice le 20 septembre 1699, professe un an plus tard, le 21 septembre 1700.
140 Ibid., p. 513. Elle était entrée le 5 mai 1677.
141 René Cerveau, Nécrologe…, op. cit., part. 1, p. 100-101. Paul Ratouis ne signale aucun décès à cette date. Il se pourrait que Cerveau ait postdaté la mort d’Anne Bugy, dite, elle aussi, de Saint-Joseph.
142 NE, année 1727, p. 153. Et Paul Ratouis, « Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 526.
143 NE, année 1728, p. 18. Thérèse Gaveau mourut le 6 janvier 1736, privée de sacrement.
144 Paul Ratouis, « Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 540-541.
145 Sans doute parce qu’elle était d’une famille accréditée à laquelle appartenait Pierre Bailly de Montaran (1694-1775), docteur de Sorbonne et chanoine de Sainte-Croix en 1724, archidiacre de Beauce en 1732, scholastique et chancelier de l’université de 1741 à 1774. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 75.
146 NE, 30 juillet 1730. Paul Ratouis donne la date du 17 novembre 1736 pour la mort à quatre-vingt-sept ans de Marie Bruneau de Saint-Aignan, entrée au couvent le 16 novembre 1674 (« Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 673). Joseph Chassaing (1673-1741), docteur en théologie (1703), curé de Saint-Laurent, vicaire général (1713), archiprêtre (1718), archidiacre de Beaugency (1719), chantre (1722) (Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 101).
147 Paul Ratouis, « Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 544.
148 C’était un prieuré bénédictin érigé en abbaye le 30 octobre 1639 par Urbain VIII. Sur cet établissement, André Laurenceau, Essai historique sur l’abbaye royale de Saint-Loup-lez-Orléans, Orléans [s. n.], 1974. Et Relation des refus de sacrements sous lesquels les religieuses des monastères de Saint-Charles gémissent depuis plus de 33 ans et celles de l’abbaye de Saint-Loup, depuis plus de 28, La Haye, Chez Neaulmes et Compagnie, 1756 (BNF Ld42772).
149 Olympe de Châtillon, fille d’Alexis-Henri, marquis de Châtillon, capitaine des gardes du corps du duc Philippe d’Orléans, 1er gentilhomme de sa chambre, chevalier des ordres du roi.
150 Dialogue cité par Françoise de Noirfontaine, Croire, souffrir et résister. Lettres adressées aux évêques Charles-Joachim Colbert de Croissy et Jean Soanen (1720-1740), préface par Monique Cottret, Paris, Nolin (Univers Port-Royal 12), 2009, p. 109-113.
151 Médiathèque d’Orléans, ms. 781. Pièce 9.
152 André Laurenceau, Essai historique sur l’abbaye royale…, op. cit., p. 29-30. NE, année 1727, p. 149, 1er mars : « Les nouvelles de l’abbaye de Saint-Loup d’Orléans, sont que l’Abbesse […] & les Religieuses se soutiennent toujours avec la même fermeté, malgré les vexations. »
153 NE, p. 162. Et Arch. dép. du Loiret, 1 Mi 312.
154 N.E., p. 158-159. Et Arch. dép. du Loiret, 1 Mi 312.
155 NE, 1er juillet 1729.
156 Ibid., p. 151.
157 Ibid., p. 178-179.
158 André Laurenceau, Essai historique sur l’abbaye royale…, op. cit., p. 30. NE, 30 septembre 1729. La sœur Brisacier était de la famille de Jean-Charles de Brisacier (1641-1736), supérieur des Missions étrangères.
159 Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 369. André Laurenceau, Essai historique sur l’abbaye royale…, op. cit., p. 31-33. Et NE, 17 avril et 8 mai 1731.
160 NE, 10 juin 1731.
161 NE, 15 août 1733. Et André Laurenceau, Essai historique sur l’abbaye royale…, op. cit., p. 33.
162 Anatole du Faur de Pibrac, Histoire de l’abbaye de Voisins…, op. cit., p. 65-69.
163 Ibid., p. 66.
164 Ibid.
165 Ibid., p. 69. La bibliothèque du château d’Huisseau-sur-Mauves (archidiaconé de Beaugency. Arr. d’Orléans, c. de Meung-sur-Loire) était riche de littérature janséniste.
166 Aubry fut ensuite curé de Saint-Ay, et fut renvoyé de sa paroisse ; il mourut en exil le 31 décembre 1742. Ibid., p. 66.
167 Ce François Compagnon aurait-il un lien de parenté avec Mathurin Compagnon, curé de Nuillé près de Saumur en Anjou, appelant comme d’abus des sentences obtenues contre lui par l’évêque d’Angers Michel Poncet de La Rivière ? Voir Franciscus Johannes Parmentier, La bibliothèque jansénienne de l’Église d’Utrecht, Amsterdam, APA-Holland University Press, 1980, p. 94.
168 Louis Bossu, Un couvent janséniste. Voisins et sa dernière abbesse, Paris, Picard, 1900, pour la citation et ce qui suit. Anatole du Faur de Pibrac, Histoire de l’abbaye de Voisins…, op. cit., p. 65-69. Et Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 371.
169 Texte de l’épitaphe dans Anatole du Faur de Pibrac, Histoire de l’abbaye de Voisins…, op. cit., pièce jointe XXX.
170 Paul Ratouis, « Histoire intime d’un couvent d’ursulines… », art. cité, p. 542.
171 Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 371.
172 Charles Cuissard, Œuvres diverses, Médiathèque d’Orléans, ms. 1614 : « Un tendre amour pour l’Église et proportionné à celui qu’elle portait à J.-C., la rendait sensible à toutes les divisions élevées dans son sein. Aussi fut-elle la première qui réclama contre la bulle Unigenitus, demandant la permission de sortir du réfectoire, quand elle s’aperçut qu’on allait en faire la lecture. Quoique pendant sa vie elle eût toujours beaucoup appréhendé la mort, elle la vit venir avec quelque sorte de plaisir, reconnaissant, disait-elle, que Dieu ménageait sa faiblesse en la retirant à lui, pour ne pas être témoin des maux qui pouvaient survenir à l’Église et à cette maison. » Le ms. 1614 contient sa correspondance avec Polluche.
173 NE, 18 août 1728. Et Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881 : Mémoires pour les religieuses du Calvaire. Le bref de Clément XII « est une plaie faite à la discipline de l’Église. C’est une atteinte formelle à nos libertés et qui renverse en même temps les lois fondamentales et les constitutions du Calvaire ».
174 NE, 9 juillet 1730. Il ne restait plus que les ursulines et les visitandines d’Orléans pour l’éducation des filles.
175 Paul Guillaume, Essai sur la vie religieuse…, op. cit., p. 372. NE, 9 novembre 1731. Et Charles Cuissard, Bio-bibliographie du Loiret, op. cit., p. 634.
176 Jacques Alleaume († 1729), chanoine (1687), docteur en Sorbonne (1689), pénitencier (1701), chantre (1703), doyen (1719). Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 68.
177 NE, année 1727, p. 151-152. Et Médiathèque d’Orléans, ms. 781, pièce 19.
178 Jean-Daniel Noël († 1738), archidiacre de Sologne en 1730. Charles Cuissard, « Les chanoines et les dignitaires… », art. cité, p. 195.
179 René Cerveau, Nécrologe…, op. cit., part. 1, p. 107.
180 NE, année 1727, p. 161-162.
181 NE, année 1727, 26 novembre 1727, p. 182.
182 NE, année 1728, p. 232.
183 NE, Suite pour 1728, p. 18.
184 NE, 9 novembre 1731.
185 NE, année 1727, p. 160.
186 Ibid., p. 162.
187 NE, 28 août 1729.
188 NE, 27 décembre 1730.
189 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881. Chronologie de toute la procédure du 3 avril au 26 mai 1731. Et B. Robert Kreiser, Miracles, Convulsions…, op. cit., p. 184.
190 NE, 15 mai 1731 et Supplément aux six premiers mois de 1731, 29 mai.
191 Arch. dép. du Loiret, 3 E 6752, 21 avril 1731.
192 Ibidd., 22 avril 1731.
193 NE, 27 juin 1731.
194 NE, 12 avril 1731.
195 NE, 27 juin 1731.
196 Arch. dép. du Loiret, 2 J 1881. L’arrêt du conseil fut signifié le 9 juillet au lieutenant criminel d’Orléans, à Euverte et André-Joseph Vincent, fils, à Pierre Dupleix, veuf, et à Claude Ribé et Marguerite Castillon, son épouse.
197 Ibid.
198 NE, 21 juin 1731.
199 NE, 29 mai 1731. Sur toute cette affaire, Pierre Chaunu, Madeleine Foisil, Françoise de Noirfontaine, Le basculement religieux…, op. cit., p. 218.
200 Sandillon, archidiaconé de Sully. Arr. d’Orléans, c. de Jargeau.
201 NE, 18 janvier 1732.
202 Yèvre-le-Châtel et Yèvre-la-Ville, archidiaconé de Pithiviers. Arr. et c. de Pithiviers.
203 NE, 24 janvier 1733.
204 NE, 9 février 1733.
205 NE, 8 mai et 15 août 1733.
206 Sur cette question des sépultures, Jacqueline Thibaut-Payen, Les morts, l’Église et l’État dans le ressort du parlement de Paris aux xviie et xviiie siècles, Paris, Fernand Lanore, 1977, p. 98-157. L’ouvrage mentionne l’affaire de Mme Dupleix (p. 119-120) et de Mlle Cahouet (n. 106, p. 118).
207 NE, 8 mai 1733.
208 Médiathèque d’Orléans, ms. 1724.
209 Louis Patouillet, Cartouche ou Le scelerat justifié, par la grace du Pere Quesnel. En forme de dialogue, 1731, pamphlet antijanséniste de 3 pages.
210 NE, 14 mai 1733. L’article se terminait ainsi : « Enfin rien n’est plus difficile que de trouver ici des domestiques qui ne soient pas des espions des Sulpiciens & des Jésuites. »
211 NE, 8 mai 1733.
212 Saint-Simon, Mémoires, op. cit., t. 13, p. 257-258. L’érudit orléanais Charles Cuissard, manifestement peu favorable au jansénisme, vante au contraire les qualités et l’action de l’évêque : « Vigilant et ferme, il s’environna d’hommes d’une doctrine sûre et commença par confier la direction du séminaire naissant à la Compagnie de Saint-Sulpice. Il lutta contre le jansénisme, qui était-tout puissant dans son diocèse, & malgré les pamphlets, triompha des religieuses de St-Loup, de St-Charles et de l’Hôtel-Dieu. Fidèle observateur de la discipline ecclésiastique, il tint régulièrement ses synodes soit en personne, soit par ses grands vicaires » (Bio-bibliographie du Loiret, op. cit.).
213 Micheline Cuénin, Un familier de Louis XIV…, op. cit., p. 242-243.
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