Version classiqueVersion mobile

De l’Aragon au Frioul : esquisse d’une géographie des plafonds peints médiévaux

 | 
Monique Bourin
, 
Maud Pérez-Simon
, 
Georges Puchal

Chapitre 6. Plafonds peints médiévaux en Piémont

Des découvertes en constante évolution

Luisa Clotilde Gentile

Résumé

La reconstruction d’une géographie culturelle est fondamentale pour comprendre la circulation des modèles. Asti, Alba et une partie du Piémont méridional étaient des domaines de la maison d’Anjou jusqu’aux années 1340 ; d’un autre côté, ces villes étaient liées à Gênes par un important réseau économique et artistique. Au siècle suivant, le Piémont occidental, avec une iconographie et un style encore gothiques, dialogue avec l’autre côté des Alpes, tandis que dans le Piémont oriental s’impose le plafond de goût lombard, classique. Dès le début du xvie siècle, l’iconographie de tradition gothique disparaît ou est repensée dans un style nouveau. Peu après, ce sera la fin des charpentes peintes médiévales : démodées et inconvenantes, elles disparaîtront sous des badigeons ou des faux plafonds. Pour leur redécouverte archéologique et culturelle, il faudra attendre la fin du xixe siècle, avec le renouvellement du goût historicisant pour le Moyen Âge.

Texte intégral

1Le patrimoine culturel, artistique et architectural des plafonds piémontais compte plus d’une cinquantaine d’exemplaires connus à ce jour, datant du xive à la moitié du xvie siècle ; un tiers est dans des châteaux à la campagne, deux tiers sont dans des maisons patriciennes dans des villes à vocation marchande et à rayonnement européen (Alba, Asti, Chieri), ou dans les petites capitales des principautés régionales (Saluzzo, Casale…).

Le medieval revival du xixe siècle et les plafonds peints

  • 1 Giovan Francesco Galleani Napione, « Discorso intorno alla storia del Piemonte », 2e éd. rév. dans (...)

2« On découvre partout des armoiries et des plafonds anciens, même avec des portraits, et on les détruit sans aucune pitié » : en 1791, l’historien piémontais Gianfrancesco Galleani Napione1 faisait cette amère constatation à propos des « antiquités figurées », qu’il considérait comme des memorie patrie au même titre que les sources documentaires ou littéraires.

  • 2 Maria Grazia Cerri, Daniela Biancolini Fea, Liliana Pittarello, Alfredo d’Andrade. Tutela e restau (...)
  • 3 On peut citer les noms de Cesare Bertea, Riccardo Brayda, Giovanni Vacchetta : un aperçu dans Giov (...)

3Comme ailleurs en Europe, il fallut attendre encore longtemps pour la mise en valeur des plafonds médiévaux : dans cette région, ce ne fut que dans la seconde moitié du xixe siècle qu’une nouvelle sensibilité fit son apparition, combinant un goût historisant, l’intérêt pour la civilisation médiévale et les nouvelles théories de la restauration. L’étude des modèles et des arts décoratifs se fit sur-le-champ, et cette attitude presque archéologique porta aussi une plus grande attention à la conservation. En 1891 le gouvernement italien institua des bureaux régionaux pour la conservation des monuments, et le premier, celui du Piémont-Vallée d’Aoste et de la Ligurie, fut confié à un architecte-restaurateur génial, le Portugais Alfredo d’Andrade2. D’Andrade dirigea jusqu’à 1915 toutes les restaurations d’églises et châteaux de la région. Si son équipe ne parvint pas toujours à sauver des édifices médiévaux de la destruction, elle essaya d’en mettre à l’abri les éléments décoratifs, par achat ou dépôt : d’où un grand nombre de closoirs conservés par des musées, comme le Museo Civico d’Arte Antica di Palazzo Madama, à Turin. Les relevés et dessins réalisés sur place par l’architecte portugais, ses collaborateurs et élèves3 sont une mine de renseignements fondamentaux pour connaître l’état des plafonds existant à l’époque, et une source incontournable pour tout recensement de ces décors dans la région.

  • 4 Esposizione generale italiana. Catalogo ufficiale della sezione Storia dell’Arte : guida illustrat (...)
  • 5 C’est le cas du plafond de la maison des Villa de Chieri (xve siècle) : relevé avec attention par (...)

4Ainsi, à côté d’une géographie des plafonds médiévaux on peut évoquer une géographie de la reconstitution historisante du xixe siècle. Cette culture a reproduit et même créé ex novo des plafonds, là où l’on voulait évoquer un milieu domestique médiéval, identifiant le Moyen Âge avec son automne. Pour l’exposition générale italienne de 1884, une équipe d’artistes et d’intellectuels, sous la férule de d’Andrade, édifia à Turin, sur les rives du Pô, le Borgo Medievale4 (fig. 1). Le village reproduisait les plus beaux édifices piémontais et valdôtains du xve siècle, parfois intégralement, parfois en assemblant les détails décoratifs de plusieurs édifices. Dans les intérieurs, les plafonds – surtout les plafonds héraldiques – évoquaient une atmosphère aristocratique et courtoise5.

Fig. 1 : Planche tirée de Frizzi, Adolfo Frizzi, Borgo e castello medioevali in Torino, Turin, Camilla e Bertolero, 1894, détail de plafonds reproduits au Borgo Medievale de Turin en 1884

Fig. 1 : Planche tirée de Frizzi, Adolfo Frizzi, Borgo e castello medioevali in Torino, Turin, Camilla e Bertolero, 1894, détail de plafonds reproduits au Borgo Medievale de Turin en 1884

© Luisa Gentile

  • 6 Giovanni Donato, Omaggio al Quattrocento, op. cit., p. 35-36 et 251-255 ; Daniela Biancolini Fea, (...)
  • 7 Giancarla Bertero, Giuseppe Carità (dir.), Il Museo Civico di Casa Cavassa a Saluzzo, Turin, Regio (...)
  • 8 Sara Colombetti, « La serie di tavolette da soffitto del Museo Civico di Crema », Insula Fulcheria(...)

5Parfois l’engouement pour les décors domestiques du Moyen Âge finissant fut tel qu’on procéda à des opérations inconcevables aujourd’hui : le même d’Andrade, qui avait acheté le château de Pavone près d’Ivrée, fit adapter à la grande salle en 1904-1905 un plafond peint provenant du château voisin de Strambino6. Mais les closoirs circulaient aussi sur le marché des antiquaires, isolés ou par groupes : le diplomate et mécène Emanuele Tapparelli d’Azeglio, directeur du Museo Civico di Palazzo Madama, voulant aménager un hôtel Renaissance qu’il avait acheté à Saluzzo – la Casa Cavassa – pour le transformer en maison-musée, y fit monter une série de closoirs qu’il avait acquis en 1885 à Venise, et qui provenaient – disait-on – des alentours de Bergame7. La fiabilité des provenances attribuées par les marchands d’art est souvent douteuse : ces closoirs sont désormais considérés par les spécialistes des plafonds lombards comme le produit typique d’un atelier de Crémone, en Lombardie, et ramenés à une seule grande série dispersée maintenant entre Torcello, Florence, Paris8. Le groupe de Saluzzo fut intégré avec d’autres closoirs créés ex novo, avec les armoiries et la devise de la famille des anciens propriétaires de l’édifice, les Cavassa. Ainsi, le visiteur de Casa Cavassa se trouve-t-il devant une sorte de court-circuit historique et géographique, sans en être souvent conscient (fig. 2).

Fig. 2 : Saluces (Saluzzo), Museo Civico di Casa Cavassa, plafond avec closoirs lombards achetés sur le marché des antiquaires et closoirs modernes (seconde moitié du xve s.-fin xixe s.)

Fig. 2 : Saluces (Saluzzo), Museo Civico di Casa Cavassa, plafond avec closoirs lombards achetés sur le marché des antiquaires et closoirs modernes (seconde moitié du xve s.-fin xixe s.)

Photo Luisa Gentile. © Città di Saluzzo, Musei Civici

  • 9 Voir la loi du 1er juin 1939, n. 1089, « Tutela delle cose d’interesse artistico o storico » et le (...)

6Dès lors, un patrimoine digne du plus grand respect s’est lentement révélé. Les découvertes se sont intensifiées, grâce aussi à une politique italienne de protection et de préservation du patrimoine culturel des plus avancées : la législation actuelle s’est développée à partir de 1939, et a été réformée à la fin du siècle9.

Rareté et difficultés des recherches sur les plafonds peints médiévaux en Piémont

  • 10 Chapelle du château Sarriod de La Tour à Saint-Pierre (Aoste), voir infra, n. 19.

7Il est d’autant plus nécessaire de faire une géographie des plafonds que l’évolution constante des découvertes peut modifier profondément notre perception historique. Il y a seulement quelques années, les plafonds peints étaient considérés selon la typologie décorative des siècles xve-xvie, mais récemment on a trouvé des exemplaires du xive siècle, d’une élégance et d’une importance remarquable, à Asti, Alba, Chieri. D’où une nouvelle lumière sur notre connaissance de la culture profane et chevaleresque de ces villes, dans sa dimension « domestique ». Dans la région voisine de la Vallée d’Aoste, appartenant au même milieu politique et culturel, on a retrouvé des poutres et des solives du plafond d’une chapelle castrale de la seconde moitié du xiiie siècle, ce qui permet d’étendre les études aux édifices sacrés10.

  • 11 Giovanni Donato, « Il cielo dipinto. Il cosmo cavalleresco nei soffitti di età angioina del palazz (...)
  • 12 Simonetta Castronovo, « Peintures murales et plafonds peints dans les châteaux, maisons fortes et (...)
  • 13 Luisa Clotilde Gentile, Riti ed emblemi. Processi di rappresentazione del potere principesco in ar (...)

8Un recensement est forcément incomplet, d’autant que la plupart des découvertes viennent de la restauration de maisons privées, et que les propriétaires ne souhaitent pas toujours partager leurs trésors avec les chercheurs. Il faut donc travailler en réseau entre historiens de l’art et de l’architecture, restaurateurs, médiévistes, héraldistes, érudits locaux pour une mise en commun des informations. Si l’on dispose de monographies de qualité assez variable, les travaux scientifiques de synthèse ne sont pas nombreux en Piémont. Ils sont essentiellement l’œuvre de deux historiens de l’art, Giovanni Donato et Simonetta Castronovo : le premier a porté à la connaissance de la communauté des chercheurs les plafonds du xive siècle d’Asti (maison Roero et maison de la via xx Settembre) et d’Alba (Palazzo Serralunga), et l’article qu’il a publié à cette dernière occasion, en 201011, est un point de référence. La deuxième a publié une synthèse sur les décors à l’intérieur des châteaux et des édifices civils médiévaux, sur les deux versants des Alpes (Piémont et Vallée d’Aoste d’un côté, Savoie de l’autre), présentée au colloque d’Angers de 200712. À ces textes, je me permets d’ajouter un aperçu sur les aspects héraldiques, que j’ai publié en 200813. Mais le sujet inspire peu de travaux universitaires (fig. 3).

Fig. 3 : Alba, palais Serralunga, jadis Possevino, partie d’échecs (années 1330-1340 du xive siècle)

Fig. 3 : Alba, palais Serralunga, jadis Possevino, partie d’échecs (années 1330-1340 du xive siècle)

Photo E. Necade, dans Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale. Dall’alto medioevo alla fine della dominazione angioina : vi-xiv secolo, Alba, Famija Albeisa, 2010. © Autorisation par courtoisie de T. Buccolo

  • 14 Alessandro Baudi di Vesme, L’arte in Piemonte, t. 4, Tra i secoli xiii e xix, Turin, Società Piemo (...)
  • 15 Les paiements pour Rivoli et Pignerol montrent que le travail pouvait être confié, soit à des équi (...)

9Quant aux sources documentaires, le travail est presque entièrement à faire, bien qu’il soit facilité par les grands classements des sources archivistiques effectués par des érudits piémontais du xixe siècle, en plein positivisme historique14. Puisant dans ces travaux, Giovanni Donato et Simonetta Castronovo ont repéré des mentions de plafonds peints dans les châteaux des comtes de Savoie (Turin, Rivoli et Pinerolo) entre 1312 et 1342, qui confirment que les trouvailles récentes n’étaient pas des cas isolés15.

Une cinquantaine de plafonds, à caractère presque exclusivement domestique

  • 16 Voir Lorenzo Lavriani, Le tavolette di soffitto nell’alessandrino. Acqui Terme, Alessandria, Casal (...)

10Pour ce qui concerne les chiffres, je connais actuellement environ 45 plafonds dans l’ensemble du Piémont, c’est-à-dire dans les provinces historiques de la principauté de Piémont, des marquisats de Saluces et de Montferrat, du comté d’Asti (je ne prends pas ici en compte Alessandria et Novara, qui firent partie du duché de Milan jusqu’au xviiie siècle, et qui sont elles aussi riches de tels décors)16.

  • 17 Voir supra, n. 12.
  • 18 Voir Viviana Maria Vallet, Maria Gabriella Bonollo, Achille Gallarini, « Il restauro delle dieci t (...)

11Si on classe les plafonds selon la fonction des édifices, un premier constat s’impose : des charpentes peintes des églises, il ne reste presque rien. En Piémont, l’aspect des édifices sacrés a été largement transformé à l’époque moderne. On sait qu’au début du xive siècle, il y avait des charpentes décorées dans les chapelles du château du comte de Savoie à Rivoli, et de celui du prince de Savoie-Achaïe à Pignerol (dans ce cas, sous le porche)17. La découverte de poutres à motifs végétaux, géométriques et para-héraldiques, peints après le milieu du xiiie siècle dans la chapelle du château Sarriod de La Tour à Saint-Pierre (Aoste)18, nous donne une idée de ce que pouvaient être ces plafonds de chapelles castrales, étant donné la proximité culturelle et sociopolitique des deux contextes (fig. 4).

Fig. 4 : Saint-Pierre (Aoste), château Sarriod de La Tour, chapelle, détails des poutres (seconde moitié du xiiie siècle)

Fig. 4 : Saint-Pierre (Aoste), château Sarriod de La Tour, chapelle, détails des poutres (seconde moitié du xiiie siècle)

© Regione autonoma Valle d’Aosta, Soprintendenza per i Beni e le Attività Culturali (toute reproduction non autorisée est interdite)

  • 19 Dans les consegnamenti d’arma (enregistrements des armoiries, sur présentation de preuves de posse (...)

12En revanche, entre le xve et le xvie siècle, les grands hommes d’Église, dont l’évêque de Turin, avaient des palais avec des plafonds armoriés19, comme tout hôtel appartenant à l’aristocratie laïque.

  • 20 Voir Emma Boidi, Marco Piccat, Giorgio Rossi, La torre e l’antico Palazzo Comunale. Storia di un s (...)
  • 21 Luisa Clotilde Gentile, Araldica Saluzzese…, op. cit., p. 135-136 et 216-218. Le plafond ne doit p (...)

13Dans le corpus piémontais un seul édifice est à destination publique : le palais communal de Saluzzo (v. 1460)20, dont l’apparat héraldique est très limité et souligne la dépendance de la communauté à l’égard du prince, le marquis de Saluces. L’iconographie et le style sont identiques à ceux du plafond d’une maison voisine, qui appartenait aux Della Chiesa, une famille très proche du marquis21 : découvert à la fin du xxe siècle sous un faux plafond moderne, il montre que le même atelier a travaillé à un décor presque identique dans les deux espaces, l’un « public » et l’autre « privé », et que seule l’héraldique faisait la différence entre les deux contextes (fig. 5, 6, 7).

Fig. 5 : Saluces (Saluzzo), Ancien palais communal, plafond (v. 1460), décor restauré au xixe siècle

Fig. 5 : Saluces (Saluzzo), Ancien palais communal, plafond (v. 1460), décor restauré au xixe siècle

Photo Luisa Gentile. © Città di Saluzzo, Musei Civici

Fig. 6 : Saluces, ancien palais communal, détail d’une section non restaurée

Fig. 6 : Saluces, ancien palais communal, détail d’une section non restaurée

Photo Luisa Gentile. © Città di Saluzzo, Musei Civici

Fig. 7 : Saluces, maison privée, jadis Della Chiesa, closoirs (v. 1460)

Fig. 7 : Saluces, maison privée, jadis Della Chiesa, closoirs (v. 1460)

© Luca Riccati

Sociogéographie des plafonds peints piémontais

  • 22 Le cœur administratif du duché était encore Chambéry. Toutefois, la proximité dangereuse du roi de (...)

14Treize plafonds (35 % du total) décorent des châteaux, tant princiers que seigneuriaux ; vingt-huit (62,5 %) des habitations urbaines. Dans la géographie sociale des plafonds, les villes et les bourgs où réside un patriciat semblent prévaloir. Les décors domestiques entrent dans l’autoreprésentation habituelle des élites, surtout là où elles sont les plus dynamiques. Je pense aux anciennes villes libres d’Asti, d’Alba et de Chieri, patries des Lombards, les banquiers-marchands qui prêtaient de l’argent dans toute l’Europe Occidentale et ramenaient en Piémont des modèles culturels internationaux. Mais aussi aux petites « capitales » princières : Saluces et Casale, chef-lieu des marquisats de Saluces et Montferrat, Pignerol, capitale du Piémont des princes de Savoie-Achaïe, Turin, capitale de fait du duché de Savoie dans la seconde moitié du xve siècle22 ; Asti encore, ville principale d’un comté appartenant à la maison d’Orléans dès la fin du xive siècle.

15D’autres considérations topographiques peuvent concerner l’emplacement des édifices avec plafonds peints à l’intérieur des villes : en général ils sont situés dans le cœur politique, près de la cour de justice, de la cathédrale, ou de la place principale. À l’intérieur des habitations, les salles d’apparat sont en général au rez-de-chaussée ou au premier étage, mais il y a aussi des cas d’hôtels (Palazzo Serralunga à Alba) où des plafonds peints étaient tant au rez-de-chaussée qu’au premier et au deuxième étage.

L’organisation spatiale classique des plafonds piémontais

16Il y a enfin une microgéographie iconographique à l’intérieur de chaque plafond. La distribution des images, que ce soit des armoiries ou des figures, suit généralement les règles spatiales précises que l’on rencontre un peu partout et que Christian de Mérindol a exposées à plusieurs occasions. On y trouve parfois des « atlas héraldiques » – une représentation idéale du monde – avec les armoiries des princes européens, ou des armes donnant le contexte politique du moment. En général, l’axe principal est déterminé par la cheminée, où sont rassemblés les écus les plus importants ; les armes du prince sont souvent placées au centre des poutres, flanquées par celles des propriétaires (fig. 8).

Fig. 8 : Alba, palais Serralunga, jadis Possevino, poutre : joute entre Roland et un autre chevalier ; closoirs : centaure, lutte entre homme et ours, armes de Castille et de Léon, cerf (v. 1330-1340)

Fig. 8 : Alba, palais Serralunga, jadis Possevino, poutre : joute entre Roland et un autre chevalier ; closoirs : centaure, lutte entre homme et ours, armes de Castille et de Léon, cerf (v. 1330-1340)

Photo E. Necade, tiré de Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale. Dall’alto medioevo alla fine della dominazione angioina : vi-xiv secolo, Alba, Famija Albeisa, 2010. © Autorisation par courtoisie de T. Buccolo

Les liens avec Gênes et la France méridionale

  • 23 Voir, par exemple, Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale, op. cit.
  • 24 Giovanni Donato, « Il cielo dipinto… », art. cité, p. 218-221.
  • 25 Ibid., p. 225-226 ; voir, parmi d’autres, Anna Boato, « Planchers et plafonds peints à Gênes à la (...)

17La reconstruction d’une géographie culturelle est fondamentale pour comprendre la circulation des modèles. Asti et Alba, ainsi qu’une partie considérable du Piémont méridional (le « comté de Piémont »), faisaient partie des domaines de la maison d’Anjou jusqu’aux années 1340. Ce n’est pas par hasard que sur les plafonds figurent les armes du roi et de ses sénéchaux pour le Piémont, appartenant à la maison des Baux. Bien qu’en déclin, la domination angevine ne disparut définitivement du Piémont qu’en 1381. Les découvertes récentes éclairent la culture artistique de cette région géopolitique, et ses relations avec le pourtour de la Méditerranée, relations qui étaient étroites à tout niveau (et bien documentées dès le xiiie siècle)23. Asti et Alba étaient liées à Gênes par un important réseau économique et artistique. Giovanni Donato a souligné les traits communs aux plafonds produits dans ces trois villes, par exemple dans les décors végétaux ou dans les encadrements en forme d’arcs polylobés24. Il a repéré les traces documentaires de la circulation d’une terminologie technique de dérivation génoise et provençale, utilisée par exemple pour la construction des plafonds peints à Pignerol (à quelque 200 km à nord-ouest de Gênes) : chanterii (poutres et solives), listelli (linteaux), zembini (closoirs), termes utilisés aussi dans les contrats génois étudiés par Anna Boato25. Les peintres se formaient souvent à Gênes.

  • 26 On rencontre les Possevino dans les archives montpellieraines sous le nom de Bossavin, Bossavini : (...)
  • 27 Philippe Bernardi, « Documents médiévaux sur la peinture des charpentes avignonnaises et marseilla (...)

18Les liens avec la France méridionale, de tout genre (politique, religieux, économique, artistique), sont nombreux. Les Possevino ou Bossavin, marchands d’Alba, possédaient l’hôtel connu aujourd’hui comme le Palazzo Serralunga, où de magnifiques plafonds, décorés par des artistes du Piémont méridional ou génois, présentent beaucoup de similitudes avec leurs homologues languedociens : le trait rapide et essentiel du pinceau, les couleurs vives, le répertoire iconographique (avec sa composante chevaleresque, « obscène » ou quotidienne), les structures des charpentes… Or, les Possevino étaient en affaires jusqu’à Montpellier, où ils s’étaient intégrés avec succès à l’élite urbaine, comme d’autres de leurs concitoyens dès le xiiie siècle26. Les contacts avec Avignon ne sont pas non plus à négliger, dans les deux directions : encore en 1495 un peintre, Jean Grassi ou Grossi d’Ivrée, dit Jean de Piémont et habitant en ville, travaille en équipe avec d’autres peintres au plafond de la grande salle de la domus civitatis27.

À l’est, la progressive influence lombarde ; à l’ouest, la résistance transalpine

  • 28 Luisa Clotilde Gentile, « Les plafonds peints des châteaux piémontais », dans Sophie Marin, Julien (...)
  • 29 Mirella Montanari, « Cittadini e prestatori », dans Renato Bordone, Franco Spinelli (dir.), Lombar (...)

19Dans la seconde moitié du xive siècle, à Chieri, dans une maison ayant probablement appartenu à la famille Mercadillo ou Mercandillo, paraît un décor inédit, où les closoirs armoriés alternent avec des portraits conventionnels d’hommes et de femmes : il n’y a pas d’animaux, ni de monstres ou de scènes. On y voit une ouverture aux nouveaux langages artistiques italiens venant de la Lombardie. L’atlas héraldique de ce plafond (et de celui du château de Pavarolo28, presque contemporain mais d’esprit tout à fait différent) montre un cadre politique qui comprend désormais les seigneurs de l’Italie du Nord, des Visconti jusqu’aux Della Scala. En outre, comme les propriétaires de la maison ont des affaires jusqu’en Suisse, dans le pays de Vaud29, figure sur le plafond de leur demeure toute une série d’armoiries de familles vaudoises (fig. 9, 10).

Fig. 9 : Pavarolo (Turin), château, plafond (1350-1360)

Fig. 9 : Pavarolo (Turin), château, plafond (1350-1360)

© Luisa Gentile

Fig. 10 : Pavarolo (Turin), château, dame au faucon (1350-1360)

Fig. 10 : Pavarolo (Turin), château, dame au faucon (1350-1360)

© Luisa Gentile

  • 30 Luisa Clotilde Gentile, Riti ed emblemi, op. cit., p. 227-228.
  • 31 Les closoirs sont maintenant à Turin, au musée du Palais Madame : S. Castronovo, « Tavolette di so (...)

20Au xve siècle la géographie culturelle change encore. D’un côté, il y a le Piémont occidental, qui, avec une iconographie et un style encore gothiques, dialogue avec l’autre côté des Alpes. Les figures sont normalement en grisaille, sur fond rouge, comme déjà à Alba un siècle auparavant ; vers la fin du siècle elles peuvent être polychromes, comme à Savigliano (Palazzo Muratori-Cravetta)30. Les décors – par exemple dans les années 1460-1470 à Saluces dans les édifices déjà cités, et dans différents endroits du château de Lagnasco – sont peuplés par les sujets qu’on rencontre aussi dans le Midi français : monstres et hybrides, animaux, fables de Phèdre, proverbes, scènes de vie courtoise ou quotidienne, l’arbre aux phallus (fig. 11) ou la fontaine de jouvence… À Asti, la généalogie des rois de France, de Chilperic à Philippe le Beau, est représentée vers 1440-1450 sur des closoirs, à travers des portraits et des légendes en français (fig. 12)31. Comme Asti était orléanaise, mais qu’on y parlait normalement un vulgaire italo-piémontais, un plafond de ce genre est une déclaration de francophilie aussi bien culturelle que politique.

  • 32 Anna La Ferla, « Soffitto con mensole figurate », dans Elena Rossetti Brezzi (dir.), Fragmenta pic (...)

21La structure et le décor sculpté des charpentes dialoguent aussi avec les plafonds transalpins. Le sujet mériterait une étude plus approfondie. On ne peut pas non plus oublier ici le cas exceptionnel de la grande salle du château des Sarriod de La Tour à Saint Pierre (Aoste), dont la fabuleuse charpente fut réalisée par un atelier de sculpteurs à la moitié du xve siècle. Les corbeaux des solives sont décorés de têtes, animaux, monstres et autres drôleries tout à fait semblables à ceux qui peuplent les miséricordes des stalles du chœur de la cathédrale Saint-Ours d’Aoste (v. 1469)32.

Fig. 11 : Lagnasco (Cuneo), château, Salone degli scudi, l’arbre aux phallus (v. 1470)

Fig. 11 : Lagnasco (Cuneo), château, Salone degli scudi, l’arbre aux phallus (v. 1470)

© Pierre-Olivier Dittmar

Fig. 12 : Turin, Museo Civico d’Arte Antica di Palazzo Madama, closoirs provenant d’Asti (?), avec la généalogie des rois de France : Clovis (v. 1440)

Fig. 12 : Turin, Museo Civico d’Arte Antica di Palazzo Madama, closoirs provenant d’Asti (?), avec la généalogie des rois de France : Clovis (v. 1440)

© Fondazione Torino Musei – Museo Civico d’Arte Antica di Palazzo Madama (toute reproduction non autorisée est interdite)

  • 33 Le plafond est attribué à l’atelier de Giovanni Martino Spanzotti : Vittorio Natale, « Un soffitto (...)
  • 34 Alessandra Guerrini, « Ritrattistica di corte e cicli profani nella Casale dei Paleologi », dans I (...)

22De l’autre côté, dans le Piémont oriental – par exemple à Biella ou à Verceil, qui était passée des Visconti au duc de Savoie en 1427 – à la fin du siècle, la mode impose le plafond de goût lombard, classique : closoirs de forme souvent carrée ou rectangulaire, posés à la verticale (tandis que le modèle « occidental » les utilise à l’horizontale), ornés de portraits à l’ancienne, têtes des Césars, figures de la mythologie, écus « à tête de cheval ». À Verceil, dans le palais Aiazza, on reconnaît la reine Sémiramis avec sa tresse légendaire, ou Philippe II, duc de Savoie de 1496 à 1497, dont le portrait réaliste est tiré d’une monnaie33. À Casale, capitale du marquisat de Montferrat, les deux tendances coexistent : dans le plafond d’une maison Biandrate, l’iconographie traditionnelle côtoie des sentences en latin, grec et italien, mais dans la maison de Costantino Arianiti, le cousin byzantin de la marquise Marie de Serbie, les portraits et les écus en style Renaissance ne font pas défaut34 (fig. 13, 14).

Fig. 13 : Verceil (Vercelli), maison Aiazza, écu Aiazza-Langosco et portrait (v. 1497) ; Nedi Bardone, dans Vittorio Natale (dir.), Arti figurative a Biella e a Vercelli. Il Quattrocento, Biella, Eventi e Progetti, 2005

Fig. 13 : Verceil (Vercelli), maison Aiazza, écu Aiazza-Langosco et portrait (v. 1497) ; Nedi Bardone, dans Vittorio Natale (dir.), Arti figurative a Biella e a Vercelli. Il Quattrocento, Biella, Eventi e Progetti, 2005

© Fabrizio Lava

Fig. 14 : Casale Monferrato, palais Tibaldeschi, puis d’Anne d’Alençon, plafond (v. 1480)

Fig. 14 : Casale Monferrato, palais Tibaldeschi, puis d’Anne d’Alençon, plafond (v. 1480)

© Luisa Gentile

  • 35 Gian Battista Sannazzaro, Le pitture nel castello di Grinzane, Alba, Cavalieri del Tartufo, 1978.

23Dès le début du xvie siècle, à quelques exceptions près, l’iconographie de tradition gothique disparaît, ou est repensée dans un style nouveau, tout en conservant des armoiries, des portraits, parfois des animaux qui fusionnent avec des décors végétaux. Au château de Grinzane, à la moitié du siècle, les éléphants à tour, sortis tout droit des bestiaires, la dame à la licorne, une Fortune à la voile déjà classique et des guerriers barbus au profil de Charles Quint se côtoient sur un plafond qui est peut-être le dernier de cette catégorie35 (fig. 15). Un changement de goût s’annonce, qui portera bientôt à la fin des charpentes peintes médiévales : démodées, inconvenantes, ou simplement noircies par le temps, elles disparaîtront sous des badigeons, d’autres peintures ou des faux plafonds.

Fig. 15 : Grinzane Cavour (Cuneo), château, La Fortune (v. 1550)

Fig. 15 : Grinzane Cavour (Cuneo), château, La Fortune (v. 1550)

© Luisa Gentile.

En conclusion : l’exigence d’une mise en perspective

24Le patrimoine culturel, artistique et architectural des plafonds piémontais est riche : plus d’une cinquantaine d’exemplaires connus à ce jour, distribués entre châteaux à la campagne et maisons patriciennes dans des villes à vocation marchande, ou dans les petites capitales des principautés de la région. La collecte des données en cours et les découvertes récentes laissent entrevoir comment les plafonds peints appartenaient à un système de représentation de soi tout à fait fréquent dans les habitations des élites. L’ancrage local des ateliers et l’existence d’influences plurielles (venant au début de Gênes et de la France méridionale à l’ouest, puis de Lombardie à l’est) créent une réalité complexe, qui ne peut être saisie que par des regards croisés, et qu’on doit placer dans une géographie culturelle ample.

  • 36 Voir Monique Bourin, Mario Marubbi, Giorgio Milanesi (dir.), Storie di animali e di iconografie lo (...)
  • 37 Giovanni Donato (dir.), Quando i cavalli avevano le mani. Il soffitto quattrocentesco di Giovanard (...)

25Après le colloque de Lagrasse, les Italiens qui s’occupent des plafonds peints se sont rencontrés avec les amis français de la RCPPM à Viadana (Lombardie)36, en 2017, en rappelant la nécessité de donner un contexte européen, méditerranéen, à ces décors au sud des Alpes ; on a évoqué un réseau italien entre pôles d’études régionaux, qui puisse rassembler des compétences différentes. Dans cette perspective, et peut-être avec un peu de retard sur d’autres régions, des chercheurs piémontais (un historien de l’art, un architecte, une médiéviste héraldiste) ont tout récemment essayé de se mesurer avec une étude de cas (la maison Bertone à Chieri, xve siècle)37. On peut espérer que ce soit le début d’un parcours.

Notes

1 Giovan Francesco Galleani Napione, « Discorso intorno alla storia del Piemonte », 2e éd. rév. dans id., Dell’uso dei pregi e della lingua italiana libri tre, Florence, Molini, Landi e comp. 1813, t. 2, p. 253-324, 285 (“Del resto, armi gentilizie, antichi soffitti, anche con ritratti, si ritrovano in cento luoghi, e si distruggono senza pietà nessuna”).

2 Maria Grazia Cerri, Daniela Biancolini Fea, Liliana Pittarello, Alfredo d’Andrade. Tutela e restauro, cat. expo., Turin (27 juin-27 septembre 1981), Turin, Vallecchi, 1981.

3 On peut citer les noms de Cesare Bertea, Riccardo Brayda, Giovanni Vacchetta : un aperçu dans Giovanni Donato, Omaggio al Quattrocento. Dai fondi d’Andrade, Brayda, Vacchetta, Turin, Borgo Medievale, 2006.

4 Esposizione generale italiana. Catalogo ufficiale della sezione Storia dell’Arte : guida illustrata al castello feudale del secolo xv, Turin, Vincenzo Bona, 1884 ; Adolfo Frizzi, Borgo e castello medioevali in Torino, Turin, Camilla e Bertolero, 1894 (rééd. anast., Turin, Bottega d’Erasmo, 1982) ; Giovanni Donato, Omaggio al Quattrocento, op. cit. ; Enrica Pagella (dir.), Il Borgo Medievale. Nuovi studi, Turin, Fondazione Torino Musei, 2011.

5 C’est le cas du plafond de la maison des Villa de Chieri (xve siècle) : relevé avec attention par l’équipe de d’Andrade, il fut reproduit sous le porche de la maison dite « d’Alba » (Giovanni Donato, Omaggio al Quattrocento, op. cit., p. 238-241). La tradition continua longtemps : un dernier plafond, à thème entièrement héraldique, fut créé ex novo dans la maison « de Mondovì », par la Società Piemontese di Archeologia e Belle Arti, qui utilisa l’édifice comme son siège de 1907 à 1911, voir Enrico Moncalvo, « La residenza torinese di Vittorio Avondo. La palazzina di via Napione nel contesto delle tipologie coeve », dans Rosanna Maggio Serra, Bruno Signorelli (dir.), Tra verismo e storicismo : Vittorio Avondo dalla pittura al collezionismo, dal museo al restauro, Turin, Spaba-Celid, 1997, p. 199-208, ici p. 200, n. 6.

6 Giovanni Donato, Omaggio al Quattrocento, op. cit., p. 35-36 et 251-255 ; Daniela Biancolini Fea, « Castello di Pavone », dans Maria Grazia Cerri, Daniela Biancolini Fea, Liliana Pittarello, Alfredo d’Andrade. Tutela e restauro, op. cit., p. 311-323, ici p. 313-316.

7 Giancarla Bertero, Giuseppe Carità (dir.), Il Museo Civico di Casa Cavassa a Saluzzo, Turin, Regione Piemonte, 1996, p. 44-45 et 48, avec bibliographie ultérieure. Dans cette même année 1885, le Museo Civico de Turin acheta à Rome un autre groupe de closoirs d’école crémonaise, datant des années 1460-1470 (Luigi Mallè, I dipinti del Museo d’Arte antica. Catalogo, Turin, Museo Civico d’Arte antica, 1963, p. 116-117, fig. 16 et 17).

8 Sara Colombetti, « La serie di tavolette da soffitto del Museo Civico di Crema », Insula Fulcheria, 25, 1995, p. 81-105, p. 101 ; Roberta Aglio, « Le tavolette da soffitto del monastero della Colomba a Cremona », Arte lombarda, 145/3, 2005, p. 56-61 ; Mario Marubbi, « Appunti sulla fortuna delle tavolette da soffitto in Lombardia », dans Maurizio d’Arcano Grattoni (dir.), Tabulae pictae. Pettenelle e cantinelle a Cividale fra Medioevo e Rinascimento, cat. expo., Cividale del Friuli (13 juillet-30 septembre 2013), Milan, Cinisello Balsamo, 2013, p. 108-113, ici p. 111 et 113, n. 33.

9 Voir la loi du 1er juin 1939, n. 1089, « Tutela delle cose d’interesse artistico o storico » et le décret du 22 janvier 2004, n. 42, « Codice dei beni culturali e del paesaggio ».

10 Chapelle du château Sarriod de La Tour à Saint-Pierre (Aoste), voir infra, n. 19.

11 Giovanni Donato, « Il cielo dipinto. Il cosmo cavalleresco nei soffitti di età angioina del palazzo Serralunga », dans Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale. Dall’alto medioevo alla fine della dominazione angioina : vi-xiv secolo, Alba, Famija Albeisa, 2010, p. 209-252 ; Id., « Nuove acquisizioni per il gotico ad Asti », Bollettino della Società Piemontese di Archeologia e Belle Arti, n.s., 48, 1996, p. 112-114 ; Id., « Soffitti dipinti per il Medioevo astigiano », Il Platano, 25, 2000, p. 4-11.

12 Simonetta Castronovo, « Peintures murales et plafonds peints dans les châteaux, maisons fortes et édifices civils du Piémont, de la Vallée d’Aoste et de Savoie du xiiie au début du xvie siècle », dans Le décor peint dans la demeure au Moyen Âge, actes des journées d’études (Angers, 15-16 novembre 2007).

13 Luisa Clotilde Gentile, Riti ed emblemi. Processi di rappresentazione del potere principesco in area subalpina (xiii-xvi sec.), Turin, Zamorani, 2008, p. 215-236.

14 Alessandro Baudi di Vesme, L’arte in Piemonte, t. 4, Tra i secoli xiii e xix, Turin, Società Piemontese di Archeologia e Belle Arti, 1963-1982 ; Ferdinando Gabotto, « La pittura ad olio in Piemonte nella prima metà del secolo xiv », Bollettino storico-bibliografico subalpino, 4, 1903, p. 179-186.

15 Les paiements pour Rivoli et Pignerol montrent que le travail pouvait être confié, soit à des équipes, qui se partageaient l’ornementation des différents éléments de la charpente, soit à un seul peintre « polyvalent » (Giovanni Donato, « Il cielo dipinto… », art. cité, p. 224-225 et 231, n. 48-50). Dans le château de Porta Fibellona, à Turin, le prince Philippe de Savoie-Achaïe fit aménager en 1328 sa chambre avec des poutres peintes (S. Castronovo, « Peintures murales et plafonds peints… », art. cité, p. 15).

16 Voir Lorenzo Lavriani, Le tavolette di soffitto nell’alessandrino. Acqui Terme, Alessandria, Casale, Tortona, Cassine, Castelnuovo Scrivia, Alessandria, Dell’Orso, 2008, qui concerne pourtant une partie du Montferrat ; Paolo Venturoli, « Il soffitto ligneo quattrocentesco di via Mossotti », dans Miti e arabeschi nelle dimore novaresi dal gotico al liberty, Novara, Comune di Novara, 1994, p. 11-17.

17 Voir supra, n. 12.

18 Voir Viviana Maria Vallet, Maria Gabriella Bonollo, Achille Gallarini, « Il restauro delle dieci travi lignee provenienti dalla cappella del castello Sarriod de La Tour a Saint-Pierre », Bollettino della Soprintendenza per i Beni e le Attività Culturali. Regione autonoma Valle d’Aosta, 10, 2013, p. 151-157. Sur une poutre on voit des aigles et des lions héraldiques dans des cercles, selon un motif venu des tissus. Par leur époque et leur style (décor à aigles et lions, rinceaux, motifs géométriques), ces poutres rappellent de près les sous-faces de planches provenant de la maison 9 rue des Cancans à Lagrasse, déposées à la « Maison aux images » du même lieu.

19 Dans les consegnamenti d’arma (enregistrements des armoiries, sur présentation de preuves de possession) ordonnés par le duc de Savoie en 1580, on mentionne la grande salle de l’ancien palais de l’évêque de Turin, où étaient peintes les armoiries de « tous » les nobles anciens (si trovano dipinte l’arme di tutti i nobili la cui antichità è notoria ; Enrico Genta et al. [dir.], I consegnamenti d’arme piemontesi, Turin, Vivant, 2000, p. 56). Puisqu’en Piémont la plupart des décors héraldiques des salles d’apparat occupent des plafonds, on peut bien supposer qu’il s’agissait d’un plafond de la fin du Moyen Âge. Le musée du Palais madame de Turin conserve le plafond de la maison d’Andrea Provana, archidiacre de la cathédrale et vicaire épiscopal pour le cardinal Domenico Della Rovere (début du xvie siècle) : voir Luisa Clotilde Gentile, « Il soffitto stemmato di una casa torinese dei Provana (« Casa del Vescovo ») nel Museo Civico d’Arte Antica di Palazzo Madama », dans Fabrizio Antonielli d’Oulx (dir.), L’araldica del pennello, atti del convegno, Turin, 2012, p. 327-339 ; Ead., « Tavolette di soffitto della casa del Vescovo », dans Enrica Pagella, Elena Rossetti Brezzi, Enrico Castelnuovo (dir.), Corti e città. Arte del Quattrocento nelle Alpi Occidentali, cat. expo., Turin (7 février-14 mai 2006), Milan, Skira, 2006, p. 140-141.

20 Voir Emma Boidi, Marco Piccat, Giorgio Rossi, La torre e l’antico Palazzo Comunale. Storia di un simbolo saluzzese, Savigliano, L’Artistica, 2003, p. 37 et 42 ̶ 45. Pour les aspects héraldiques, voir Luisa Clotilde Gentile, Araldica Saluzzese. Il Medioevo, Cuneo, Società di Studi Storici, Archeologici e Artistici per la Provincia di Cuneo, 2004, p. 135 et 205. Ce plafond fut lourdement restauré au xixe siècle, à l’exception d’une portion.

21 Luisa Clotilde Gentile, Araldica Saluzzese…, op. cit., p. 135-136 et 216-218. Le plafond ne doit pas être confondu avec celui – postérieur d’un demi-siècle – d’une autre maison des Della Chiesa, dans la via Valoria : voir ibid., p. 135 et 215 ; Luisa Clotilde Gentile, « Gli stemmi della “Casa di Davide” (già Della Chiesa d’Isasca) a Saluzzo », Atti della Società Italiana di Studi Araldici, 13, 1996, p. 95-112. Lea Debernardi (communication orale) a remarqué que ce plafond est repeint sur un décor emblématique précédent, réalisé pour les anciens propriétaires, les Saluzzo della Manta.

22 Le cœur administratif du duché était encore Chambéry. Toutefois, la proximité dangereuse du roi de France et du duc de Bourgogne obligeait les ducs de Savoie à résider à Turin ou à Verceil.

23 Voir, par exemple, Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale, op. cit.

24 Giovanni Donato, « Il cielo dipinto… », art. cité, p. 218-221.

25 Ibid., p. 225-226 ; voir, parmi d’autres, Anna Boato, « Planchers et plafonds peints à Gênes à la fin du Moyen Âge », dans Philippe Bernardi, Jean-Bernard Mathon (dir.), Aux sources des plafonds peints médiévaux. Provence, Languedoc, Catalogne, Capestang, RCPPM, 2011, p. 95-117, p. 106.

26 On rencontre les Possevino dans les archives montpellieraines sous le nom de Bossavin, Bossavini : voir Gilbert Larguier, Le drap et le grain en Languedoc. Narbonne et Narbonnais en 1300-1789, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1999, p. 100, n. 131 ; Bernard Doumerc, « Montpelliérains et Vénitiens sur les routes de l’Orient (xive-xve siècle) », Sur les routes de l’Orient, mai 2005 (http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00567401), p. 43-61, p. 18. Pour les relations des marchands-banquiers d’Alba avec Montpellier, voir Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale, op. cit. À propos du plafond du Palazzo Serralunga, Giovanni Donato, « Il cielo dipinto… », art. cité, p. 226, indique, parmi d’autres termes de comparaison, les scènes de la maison Sicart ou la charpente de l’hôtel Mirman de Montpellier.

27 Philippe Bernardi, « Documents médiévaux sur la peinture des charpentes avignonnaises et marseillaises. 1353-1501 », dans Philippe Bernardi, Jean-Bernard Mathon (dir.), Aux sources des plafonds peints médiévaux, op. cit., p. 164.

28 Luisa Clotilde Gentile, « Les plafonds peints des châteaux piémontais », dans Sophie Marin, Julien Coppier (dir.), Les vies des châteaux. De la forteresse au monument. Les châteaux sur le territoire de l’ancien duché de Savoie, du xve siècle à nos jours, cat. expo., Annecy (3 juin-18 septembre 2016), Milan/Annecy, Silvana, 2016, p. 130-133 ; Simonetta Castronovo, « La pittura in castelli e caseforti del Piemonte dell’età di Amedeo V, Edoardo e Aimone di Savoia, dal 1285 fino al 1343 circa », dans Ead. (dir.), Carlo Magno va alla guerra. Le pitture del castello di Cruet e il Medioevo cavalleresco tra Italia e Francia, cat. expo., Turin, 2018, p. 32-45, en part. p. 41-43.

29 Mirella Montanari, « Cittadini e prestatori », dans Renato Bordone, Franco Spinelli (dir.), Lombardi in Europa nel Medioevo, Milan, Franco Angeli, 2005, p. 45-64, ici p. 61.

30 Luisa Clotilde Gentile, Riti ed emblemi, op. cit., p. 227-228.

31 Les closoirs sont maintenant à Turin, au musée du Palais Madame : S. Castronovo, « Tavolette di soffitto con la genealogia dei re di Francia », dans Enrica Pagella, Elena Rossetti Brezzi, Enrico Castelnuovo (dir.), Corti e città, op. cit., p. 140.

32 Anna La Ferla, « Soffitto con mensole figurate », dans Elena Rossetti Brezzi (dir.), Fragmenta picta. Testimonianze pittoriche dal castello di Quart. Secoli xiii-xvi, Aoste, Tipografia Valdostana, 2003, p. 34-35.

33 Le plafond est attribué à l’atelier de Giovanni Martino Spanzotti : Vittorio Natale, « Un soffitto per un committente di Spanzotti », dans Id. (dir.), Arti figurative a Biella e a Vercelli. Il Quattrocento, Biella, Eventi e Progetti, 2005, p. 99-101.

34 Alessandra Guerrini, « Ritrattistica di corte e cicli profani nella Casale dei Paleologi », dans Intorno a Macrino d’Alba. Aspetti e problemi di cultura figurativa del Rinascimento in Piemonte, actes du colloque (Alba, 30 novembre 2001), Alba, Fondazione Ferrero, 2002, p. 131-143 ; Luisa Clotilde Gentile, « Dinamiche aristocratiche e culto del principe nella decorazione araldica dei soffitti casalesi tra quattro e cinquecento », dans ibid., p. 145-157.

35 Gian Battista Sannazzaro, Le pitture nel castello di Grinzane, Alba, Cavalieri del Tartufo, 1978.

36 Voir Monique Bourin, Mario Marubbi, Giorgio Milanesi (dir.), Storie di animali e di iconografie lontane, actes du colloque (Viadana, 21-22 octobre 2017), Viadana, Società Storica Viadanese, 2018, en particulier p. 297-304.

37 Giovanni Donato (dir.), Quando i cavalli avevano le mani. Il soffitto quattrocentesco di Giovanardo Bertone a Chieri, Chieri, 2019.

Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Planche tirée de Frizzi, Adolfo Frizzi, Borgo e castello medioevali in Torino, Turin, Camilla e Bertolero, 1894, détail de plafonds reproduits au Borgo Medievale de Turin en 1884
Crédits © Luisa Gentile
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Fig. 2 : Saluces (Saluzzo), Museo Civico di Casa Cavassa, plafond avec closoirs lombards achetés sur le marché des antiquaires et closoirs modernes (seconde moitié du xve s.-fin xixe s.)
Crédits Photo Luisa Gentile. © Città di Saluzzo, Musei Civici
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 3,5M
Titre Fig. 3 : Alba, palais Serralunga, jadis Possevino, partie d’échecs (années 1330-1340 du xive siècle)
Crédits Photo E. Necade, dans Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale. Dall’alto medioevo alla fine della dominazione angioina : vi-xiv secolo, Alba, Famija Albeisa, 2010. © Autorisation par courtoisie de T. Buccolo
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Fig. 4 : Saint-Pierre (Aoste), château Sarriod de La Tour, chapelle, détails des poutres (seconde moitié du xiiie siècle)
Crédits © Regione autonoma Valle d’Aosta, Soprintendenza per i Beni e le Attività Culturali (toute reproduction non autorisée est interdite)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 971k
Titre Fig. 5 : Saluces (Saluzzo), Ancien palais communal, plafond (v. 1460), décor restauré au xixe siècle
Crédits Photo Luisa Gentile. © Città di Saluzzo, Musei Civici
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 3,7M
Titre Fig. 6 : Saluces, ancien palais communal, détail d’une section non restaurée
Crédits Photo Luisa Gentile. © Città di Saluzzo, Musei Civici
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 3,2M
Titre Fig. 7 : Saluces, maison privée, jadis Della Chiesa, closoirs (v. 1460)
Crédits © Luca Riccati
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 879k
Titre Fig. 8 : Alba, palais Serralunga, jadis Possevino, poutre : joute entre Roland et un autre chevalier ; closoirs : centaure, lutte entre homme et ours, armes de Castille et de Léon, cerf (v. 1330-1340)
Crédits Photo E. Necade, tiré de Rinaldo Comba (dir.), Alba medievale. Dall’alto medioevo alla fine della dominazione angioina : vi-xiv secolo, Alba, Famija Albeisa, 2010. © Autorisation par courtoisie de T. Buccolo
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre Fig. 9 : Pavarolo (Turin), château, plafond (1350-1360)
Crédits © Luisa Gentile
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 1,5M
Titre Fig. 10 : Pavarolo (Turin), château, dame au faucon (1350-1360)
Crédits © Luisa Gentile
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Fig. 11 : Lagnasco (Cuneo), château, Salone degli scudi, l’arbre aux phallus (v. 1470)
Crédits © Pierre-Olivier Dittmar
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 2,5M
Titre Fig. 12 : Turin, Museo Civico d’Arte Antica di Palazzo Madama, closoirs provenant d’Asti (?), avec la généalogie des rois de France : Clovis (v. 1440)
Crédits © Fondazione Torino Musei – Museo Civico d’Arte Antica di Palazzo Madama (toute reproduction non autorisée est interdite)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 203k
Titre Fig. 13 : Verceil (Vercelli), maison Aiazza, écu Aiazza-Langosco et portrait (v. 1497) ; Nedi Bardone, dans Vittorio Natale (dir.), Arti figurative a Biella e a Vercelli. Il Quattrocento, Biella, Eventi e Progetti, 2005
Crédits © Fabrizio Lava
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 259k
Titre Fig. 14 : Casale Monferrato, palais Tibaldeschi, puis d’Anne d’Alençon, plafond (v. 1480)
Crédits © Luisa Gentile
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 549k
Titre Fig. 15 : Grinzane Cavour (Cuneo), château, La Fortune (v. 1550)
Crédits © Luisa Gentile.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/86705/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Acheter

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search