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Pierre Renouvin et la Seconde Guerre mondiale
Impressions au jour le jour, ou presque
p. 161-186
Texte intégral
1Le rapport intime que Pierre Renouvin a noué avec la Première Guerre mondiale est bien connu. Blessé, mutilé en 1917, il en porte la marque dans sa chair. Hanté par elle, il change d’orientation dans sa recherche historique. En 1921, il achève sa thèse sur « Les assemblées provinciales de 1787 » commencée avant 1914. Mais son esprit est ailleurs : on sait comment dans les années vingt il a accepté de nombreuses missions qui l’engagent dans l’histoire de la Grande Guerre : en particulier, il coordonne les travaux de la Commission de publication des Documents diplomatiques français pour la période 1871- 1914. On sait aussi comment cette recherche sur le conflit mondial a joué un rôle fondamental dans ce qu’il est convenu d’appeler la « révolution renouvinienne » en matière historiographique. Pour mieux comprendre les origines et le déroulement de cette guerre meurtrière, il invente entre 1931 et 1934 sa célèbre notion de « forces profondes », transformant ainsi la traditionnelle « histoire diplomatique » en « histoire des relations internationales »1.
2Moins connu est le rapport de Renouvin avec la Seconde Guerre mondiale. Or, elle a beaucoup compté pour lui, comme l’atteste un document inédit dont il va être question ici : les notes qu’il a rédigées entre 1938 et 1945. Elles se trouvent dans les papiers que ses héritiers ont donnés à la Sorbonne, à René Girault plus précisément, quand il a fondé l’institut Pierre-Renouvin. Leur lecture est du plus grand intérêt et révèle bien des surprises.
3En 1938, quand il commence à écrire ces notes, il a quarante-cinq ans. Il est marié depuis une vingtaine d’années à Marie-Thérèse Gabalda et il est le père d’un fils, Michel, né en 1919, et de deux filles, Jacqueline et Anne-Marie. Comme historien, sa notoriété, nationale et internationale, est déjà bien établie : il enseigne depuis une quinzaine d’années à la Sorbonne, où il est nommé chargé de cours en 1923 et où il est élu professeur en 1933 ; en 1938, il fait son premier cours à l’École libre des sciences politiques. Son rôle est déjà important au sein du CISH, le Comité international des sciences historiques. Il y est d’abord perçu comme le grand expert de la question des origines de la guerre de 1914 : au Congrès de Bruxelles de 1923 – il a trente ans – , il présente un rapport sur la documentation devant servir à l’histoire du monde entre 1914 et 1918. Puis, lors des Congrès de Varsovie et de Zurich en 1933 et en 1938, il est considéré comme l’historien qui entend renouveler l’histoire diplomatique. Depuis le début des années 1930, il est le secrétaire général du comité français du CISH. Pendant toute cette décennie maudite, il vit de près les tensions politiques au sein de cette organisation internationale, du fait des pressions des régimes totalitaires sur les délégations de leurs pays. Pendant le Congrès de Zurich qui a lieu en pleine crise des Sudètes, un mois avant la conférence de Munich, les Français – Renouvin compris – se montrent extrêmement froids vis-à-vis de leurs collègues allemands et autrichiens, ceux-ci venant d’être intégrés dans la délégation allemande, du fait de l’Anschluss survenu cinq mois plus tôt2. Ses relations ne se limitent pas aux cercles universitaires, et il veille à nouer des liens avec les diplomates, les hauts fonctionnaires, les hommes des cabinets ministériels. Mais il ne s’engage pas en politique, contrairement à son frère, Jacques, de douze ans son cadet, un monarchiste qui rompt avec Charles Maurras et qui défraie la chronique en 1938 : le 14 novembre, à l’Arc de Triomphe, il gifle publiquement Pierre-Étienne Flandin venu déposer une gerbe sur le tombeau du soldat inconnu, parce que cet ancien président du Conseil a adressé un télégramme de félicitations à Hitler et à Mussolini après la conférence de Munich.
4C’est bien dans ce contexte de nouveaux périls internationaux et de lutte entre munichois et antimunichois que Renouvin commence la rédaction de ses notes. Le manuscrit est composé de 314 feuillets, en format A6, difficiles à lire, si bien déchiffrés et retranscrits en 2017 par Maryvonne Le Puloch. La rédaction est relativement fluide, parfois en style télégraphique, avec de nombreuses abréviations, dont certaines sont familières aux historiens qui ont eu la chance de suivre les cours de paléographie médiévale d’Édouard Perroy à la Sorbonne. Une liasse est intitulée : « Notes sur les origines de la guerre de 1914 (entretiens) », notes qui paraissent rassembler de nouveaux renseignements sur la question, glanés entre 1935 et 1938. Les notes concernant la Seconde Guerre mondiale proprement dite ont été classées par Renouvin en sept liasses auxquelles il a donné des titres : 1) « Notes sur la guerre 1938-1939 » ; 2) « Notes prises en 1939-1940 » ; 3) « Notes sur la guerre 1941 » ; 4) « Notes sur la guerre 1942 » ; 5) « Notes sur la guerre 1943 » ; 6) « Notes sur la guerre 1944 (y compris la libération de Paris) » ; 7) « Notes sur la guerre 1945 ».
5Ces notes sont prises trop irrégulièrement pour être considérées comme un journal. Parfois, elles sont rédigées au jour le jour ; le plus souvent, elles sont espacées dans le temps, avec des jours, des semaines, voire des mois d’interruption. Sans doute conçues – simple hypothèse – pour la rédaction d’un futur ouvrage sur la Seconde Guerre mondiale, qui aurait été le pendant du livre écrit en 1934 sur la Grande Guerre3, elles ne disent rien sur l’entourage professionnel de Renouvin pendant ces années noires, ni sur sa famille, sauf pour évoquer les pénuries qu’elle subit et ses possibilités de ravitaillement en Bretagne.
6Ce document inspire trois réflexions essentielles.
7Tout d’abord, il montre la maîtrise du grand historien des relations internationales qui sait où trouver les informations et se doter d’une méthodologie rigoureuse pour analyser avec lucidité et réalisme les événements de guerre qui se déroulent sous ses yeux.
8Ce réalisme révèle aussi le pessimisme du citoyen, d’une génération bien déterminée, celle des anciens combattants du conflit précédent, qui, sous le choc de la défaite de 1940, est un moment tenté par le maréchalisme.
9Ces notes mettent enfin en valeur l’importance du tournant de novembre 1942 pour Renouvin qui change alors du tout au tout son regard sur la guerre et la France de Vichy.
10Au total, cette évolution que vit l’historien au cours de ces années noires transforme sa conception des « forces profondes ». Cette notion issue de sa réflexion sur la Grande Guerre, il ne la conçoit plus de la même manière après la Seconde Guerre mondiale qui lui a beaucoup appris aussi.
Le regard et la méthode de l’historien
11Dans ces notes sur la guerre qui, à l’origine, ne sont pas destinées à la publication4, Renouvin ne prend aucune posture pour la postérité, mais écrit pour lui-même ses impressions, au fil du temps qui s’écoule, au fil des événements qui se déroulent sous ses yeux. Et, en tout état de cause, il reste un historien rigoureux et méthodique.
La quête presque quotidienne d’informations et la méthode pour les traiter
12Nul doute que Renouvin parle beaucoup avec ses amis, son entourage, ses collègues, avec des experts, des hommes de cabinet ou proches du pouvoir. Ces derniers, il les approche plus facilement en 1938-1940 ou après la Libération en 1944-1945 que sous Vichy. Il lit beaucoup, toute la presse, y compris la presse allemande sous l’Occupation. Il écoute la radio, l’inévitable Radio Paris, mais aussi la « radio gaulliste » comme il l’appelle, ainsi que la radio suisse romande : Radio Sottens. Il s’efforce d’isoler les événements, de les reconstituer en croisant les sources, mais il recherche aussi autour de lui les opinions pour forger les siennes ou les confronter à ses propres perceptions.
13En ces temps où la quête des informations est si difficile, Renouvin s’astreint à une méthode extrêmement intéressante qui se décline en plusieurs temps. Il ramasse d’abord les « faits », tels que les sources les lui présentent, et il formule des commentaires qu’il appelle modestement « impressions » ou « interprétations ». Souvent, il émet plusieurs hypothèses sur le déroulement futur du conflit ou sur l’évolution de la situation française, dans une sorte de dialogue intérieur avec lui-même. Il pèse le pour et le contre, en combinant rigueur et prudence intellectuelles5. Parfois, pourtant, il prend des risques. Après tout, ces notes sont personnelles, à usage interne seulement : aussi lui arrive-t-il, dans cet exercice d’histoire immédiate, de privilégier telle ou telle de ses hypothèses, quitte à écrire modestement quelques jours ou semaines plus tard, lorsque surviennent des faits plus éclairants, que cette interprétation s’est révélée erronée.
L’analyse minutieuse et difficile des rapports de force, 1938-1945
14La prise de notes est très irrégulière, entre le premier feuillet qui date du 29 janvier 1938 et le dernier écrit le 7 mai 1945. Ainsi, Renouvin n’a pas livré ses impressions sur tous les événements.
15Nombreuses sont les pages sur la crise des Sudètes et la conférence de Munich en 1938. Pendant le premier semestre de 1939, il pèse les « chances de paix » et les « chances de guerre ». N’étant visiblement pas souvent à Paris à partir du début du conflit, il écrit peu sur la « drôle de guerre » et rien, ou presque, sur la défaite de la France, du moins à chaud : les quelques remarques sur celle-ci viennent plus tard, à la fin de l’année. En revanche, il est très prolixe à partir de septembre-octobre sur les conséquences de l’armistice, la politique extérieure de Pétain, l’entrevue de Montoire à la fin octobre, puis le renvoi de Pierre Laval en décembre. Avec la bataille d’Angleterre, il comprend que la guerre ne s’arrête pas à la bataille de France et qu’elle sera finalement longue, sans doute sans vainqueurs ni vaincus. Il suit l’invasion allemande de la Yougoslavie et la situation dans les Balkans et en Libye. À cette époque, en avril 1941, il pense que l’Allemagne n’est pas capable d’envahir l’Angleterre et que la Grande-Bretagne ne peut vaincre sur le continent. Il en déduit soit une guerre qui s’allonge encore, soit probablement une paix négociée, prévisible à l’automne. Pour Renouvin, la victoire britannique ne serait possible que si les États-Unis entraient dans le conflit : mais, dans ce cas, la supériorité anglo-américaine en effectifs et en matériels ne serait obtenue que dans deux ou trois ans, en 1944 seulement. La prévision est belle ! Et, il ajoute, prudent : « Au fond, ce sont des hypothèses en l’air, car [il y a] manque de renseignements certains6. »
16Il existe un trou dans les notes de Renouvin entre mai et décembre 1941. S’il y a une allusion au tournant que constitue l’invasion allemande de l’URSS en juin 1941, elle surgit bien plus tard, avec l’analyse d’un autre tournant, celui de novembre 1942. Sur la fin 1941, au contraire, il multiplie les analyses sur la concomitance entre l’attaque japonaise sur Pearl Harbor et l’arrêt des Allemands devant Moscou, sans faire pour autant de prévisions sur l’issue du conflit. Mais il est évident pour lui que « la perspective d’une paix négociée » qu’il entrevoyait quelques mois plus tôt « s’éloigne »7. La guerre n’est plus franco-allemande, ni anglo-allemande. Elle devient véritablement mondiale : une « guerre de deux mondes8 », entre deux camps désormais fixes et fixés. Ainsi les notes prises les années 1942-1945 sont-elles une juxtaposition d’exercices passionnants de Kriegspiel effectués par ce spécialiste de géopolitique, d’histoire militaire et d’histoire des relations internationales. Tous les fronts sont pris en considération, tour à tour ou, plus impressionnant encore, dans le cadre de descriptions synchroniques effectuées avec grand talent9. On mesure le temps passé à lire la presse, à écouter la radio, à décortiquer les discours de Hitler, de Churchill et de Roosevelt, à donner du sens à tel événement militaire : telle victoire est-elle décisive ? Tel revers est-il irréversible ?
Quelques fils directeurs
17La lecture de ces notes révèle quelques constantes qui expliquent la pensée et les réactions de Renouvin entre 1938 et 1945.
18En premier lieu, dans ses analyses de l’événement, il ne cesse de prôner la nécessité du « réalisme » aux deux sens du terme. Quand il emploie ce mot au sens commun, il s’agit d’affirmer son refus de tout « sentimentalisme ». Il y a un véritable leitmotiv chez lui à cette époque : il faut savoir regarder la réalité en face – l’ampleur de la défaite de 1940 par exemple – et ne pas se laisser influencer par les « sentiments » qui risqueraient de pousser à des actions déraisonnables. « Réaliste », il l’est aussi au sens philosophique : tout se mesure en termes de rapports de force, tant en politique intérieure qu’en politique extérieure ; face aux intérêts des États, les idéologies comptent peu – il donne souvent à l’adjectif « idéologique » une connotation péjorative – et si elles prennent de la place dans la propagande, elles ne sont qu’habillage et instrumentalisation politique.
19Le second fil directeur, qui découle de son double réalisme, est son pessimisme, tantôt empreint de lucidité, tantôt source d’erreurs de pronostic. Il sous-estime souvent les capacités des Alliés à vaincre, même s’il entrevoit une issue plutôt heureuse pour eux. D’où l’avantage qu’il a sur ses amis ou proches : ces derniers, à partir de 1943, lui répètent à l’envi que la fin de la guerre est proche et il n’a de cesse de leur répondre qu’ils ne doivent pas prendre leurs désirs pour la réalité. Ce pessimisme est constant dans sa vision de la France : il en perçoit les faiblesses insignes face à la puissante Allemagne hitlérienne en 1939-1940 et, en 1945, il exprime les plus vives craintes pour son relèvement.
20La troisième constante chez lui, confirmant cette vision conservatrice qu’il a de son pays et du monde, est la peur du communisme. Elle pèse lourdement sur ses analyses de la situation intérieure française et de la situation internationale. Il espère évidemment la fin de l’occupation allemande, mais il craint pour l’Europe une domination soviétique, même s’il donne priorité à son espoir sur sa crainte.
Le pessimisme du citoyen et de l’ancien combattant, 1938-1942
21On sait peu de choses sur le citoyen. Catholique pratiquant10, il a une dévotion moindre11 que celle de sa femme, Marie-Thérèse Gabalda, fille d’un libraire-éditeur spécialisé dans les ouvrages religieux dans le quartier de Saint-Sulpice. Il paraît s’identifier à la culture politique conservatrice de la droite catholique, mais avec de temps en temps des positions qui le rattachent au centre droit. Il ne partage pas du tout les idées monarchistes de son frère Jacques.
22Pour comprendre ses « réflexions », opinions, « hypothèses » et « impressions » pendant la Seconde Guerre mondiale, la grille d’analyse fournie par le regretté Pierre Laborie12 fonctionne à merveille. Il convient en effet d’insister sur les « ambivalences » des représentations de Renouvin pendant toute cette période.
1938 : un munichois de raison
23Déjà pendant la crise de l’Anschluss en mars 1938, Renouvin est d’une grande lucidité et il prévoit que la France ne réagira pas13. Il devine que, dans la lancée, après le « rattachement » de l’Autriche, Hitler posera « la question tchécoslovaque »14.
24En septembre-octobre, il décrit avec minutie la crise des Sudètes. Il constate que c’est la Grande-Bretagne et Chamberlain qui sont à la manœuvre. Le choix est restreint pour les Français qui ne peuvent pas ne pas suivre « la gouvernante anglaise » comme l’appellera près de quarante ans plus tard l’historien François Bédarida :
On ne peut reprocher au gouvernement français d’être « en remorque ». Il l’est forcément, parce que la France a 40 millions d’habitants en face de l’Allemagne. Mieux vaut être à la remorque de la Grande-Bretagne que de la Russie ! Parce que la Grande-Bretagne est raisonnable et souhaite vraiment un règlement général européen.
25Renouvin est bien conscient de l’alternative tragique : soit « la capitulation diplomatique », soit « la guerre dans de très mauvaises conditions »15. Il est donc munichois de raison, mais non de cœur. À la différence de Chamberlain et de Flandin, il ne croit pas à la paix et à la possibilité d’apaiser l’Allemagne hitlérienne. Il ne cesse d’insister sur l’affaiblissement de la France pendant les années 1930, sur la nécessité d’un redressement intérieur et d’une alliance franco-britannique plus forte qui permettraient d’affronter l’Allemagne si Hitler persiste dans sa volonté d’expansion, ce qu’il croit. De plus, il considère que la Tchécoslovaquie est une création artificielle et qu’elle ne constitue pas un bon casus belli. Comme elle serait impossible à sauver militairement sur le moment, une guerre longue serait nécessaire et, après une « victoire éventuelle », il n’est même pas sûr que la France et la Grande-Bretagne veuillent la restaurer, « car elles ont le sentiment que c’est un État “mal fait”16 ». Le 2 octobre, après la conférence de Munich, il exprime son sentiment ambivalent, qui ressemble à la réaction de Léon Blum, partagé au même moment « entre un lâche soulagement et la honte » :
L’alerte est passée. Impression de soulagement. Mais il n’y a pas de quoi être fier ! Il est évident que la France a subi un gros échec, aux lourdes conséquences. Pouvait-elle l’éviter ? La plupart des gens que je vois restent convaincus qu’il fallait éviter la guerre17.
26Sur les accords de Munich, il ne partage donc pas la position de son frère Jacques qui les critique sévèrement. Après sa rupture avec Maurras et l’Action française en 1934, ce dernier reste monarchiste, mais il se voit patriote avant tout et trouve catastrophique l’abandon de la Tchécoslovaquie par la France. Il en veut particulièrement à Flandin qui a envoyé aux quatre protagonistes de la conférence, dont Hitler et Mussolini, un télégramme personnel de félicitations : d’où la gifle déjà mentionnée le 14 novembre, à l’Arc de Triomphe.
1939 : ni pacifiste ni belliciste
27Au cours de l’année 1939, surtout après l’invasion allemande de la Tchécoslovaquie en mars et l’annexion italienne de l’Albanie en avril, Renouvin est persuadé que les deux dictatures sont animées par une politique « d’espace vital, qui n’a pas de limite » : d’où « la nécessité de faire face ! », grâce à une coalition la plus large possible autour de la Grande-Bretagne et de la France18.
28En septembre 1939, la situation lui semble meilleure par rapport à celle de septembre 1938. Il n’y a pas de note écrite à chaud sur le début du conflit. Mais, plus tard, en avril 1941, il donne son sentiment double : ni pacifiste ni belliciste, il approuve l’entrée en guerre19.
29Sur la « drôle de guerre », les notes de Renouvin sont plus rares. Mais il parle du moral qu’il juge « excellent » sur le front à la fin 193920 et encore bon au début mai 1940, du moins dans les armées, moins bon à l’arrière :
Je craignais, il y a six mois, la lassitude des combattants de cette guerre où il ne se passe rien. Or le moral de l’avant tient. Mais [le] moral de l’arrière est médiocre, en ce sens que la guerre ne suscite que peu d’intérêt […]. Donc ce n’est pas un mauvais moral ; mais c’est un moral sans nerf. Aucun élan21.
30Les analyses effectuées bien plus tard par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, fondées sur des sources très diverses, confirment les constatations faites sur le moment par Renouvin22.
1940 : un maréchalisme de saison
31Sur la campagne de France, Renouvin écrit quatre notes seulement : trois notes descriptives, rédigées à Saint-Yves en Bretagne, sur « la campagne de 18 jours », du 10 au 28 mai, jusqu’à la capitulation de la Belgique ; et une note intéressante, datée du 30 mai 1940. Dans cette dernière, après ce qu’il appelle « le désastre de l’armée du Nord », il reste imprégné du schéma de la Grande Guerre et envisage encore une guerre de position, mais dans un état d’esprit très pessimiste : il craint en effet la lassitude des troupes et se pose, avec inquiétude, la question d’une paix de compromis23.
32Quelques semaines plus tard, la défaite française est totale. Renouvin ne reprend la plume qu’en septembre et ne revient sur la débâcle du printemps précédent qu’à travers une note de lecture sur l’ouvrage du colonel Alerme paru à la fin de l’année24. L’ouvrage, dit-il, « dénonce le régime de la IIIe République et le “parti de la guerre” » et insiste sur le fait que « l’état-major n’a pas compris les formes nouvelles de guerre que prépare l’Allemagne » ni « le rôle des chars [qu’il croit local seulement] et de l’aviation ». Mais aucun commentaire personnel n’accompagne cette note de lecture, aucune réflexion sur les causes de la catastrophe : rien de comparable à l’analyse que l’historien Marc Bloch développe dans L’étrange défaite25.
33Bref, ce sont les conséquences de la défaite qui obsèdent Renouvin, bien plus que les origines. À ses yeux, elle est un fait massif et incontournable dont il faut tenir compte pour apprécier la politique du Maréchal. Après l’entrevue Laval-Hitler à Montoire le 22 octobre et les conversations entre Pétain et Hitler à Montoire également, le 24 octobre, il en vient même à approuver quasiment un accord entre la France et l’Allemagne, à certaines conditions. Renouvin affirme vouloir regarder la réalité en face et se débarrasser de tout sentimentalisme, et, nous l’avons dit, il répétera souvent cet appel au réalisme :
Jeudi 24 à dimanche 27 octobre 1940 [la négociation franco-allemande] Il me semble qu’il faut faire abstraction des sentiments : qu’il soit pénible d’envisager un accord franco-allemand au lendemain de la défaite, d’accord. Mais cet accord est-il raisonnable ? Se placer à un point de vue réaliste : c’est sage. Certes la dignité y perd. Mais songer à ce qui est possible.
1) Pour l’avenir, ce pourrait être une solution, car nous ne pouvons pas faire la guerre tous les vingt ans (c’est impossible au point de vue moral, économique, démographique). Mais il faudrait que ce soit un rapprochement qui nous laisse, dans une position subordonnée, inévitable, la liberté de notre vie politique et intellectuelle.
2) Pour le présent c’est plus difficile, car l’amertume de la défaite est trop proche. Mais il ne faut pas repousser l’idée a priori. Cela dépend des conditions26.
34Voilà bien une réflexion typique de l’ancien combattant qui sort meurtri du conflit précédent : « Nous ne pouvons pas faire la guerre tous les vingt ans. » Les conditions qu’il formule sont cependant significatives de son état d’esprit à l’automne 1940, un état d’esprit que partagent de nombreux Français et que Laborie a très bien décrit27. Il croit devoir « dire non » si la demande allemande est « de nature à diminuer les chances de résistance anglaise ». Renouvin n’est donc aucunement favorable à la victoire allemande définitive et il est très attentif à la bataille d’Angleterre en cours. On retrouve cette étrange ambivalence française de l’époque : maréchaliste, il l’est, dans un présent incontournable qui le désespère à la suite de cette défaite d’une ampleur inégalée ; il l’est aussi pour le futur proche, si l’accord préserve un minimum de souveraineté française ; mais il est en même temps pro-britannique, au nom d’un avenir espéré, un avenir plus lointain assurément, sans que cette faveur opportuniste pour la Grande-Bretagne ne le rende anglophile, loin s’en faut. Il énonce une seconde condition inacceptable : des « clauses territoriales […] trop dures ». Mais voilà le plus étonnant : compte tenu de l’ampleur de la débâcle militaire, il va jusqu’à accepter pour la France une amputation douloureuse, celle des provinces perdues en 1871 ; en classant cette condition comme acceptable, il réitère le refus de conditions nuisibles aux Britanniques, en se référant à la position défendue par le général Weygand : « Si ce sont des conditions acceptables territ. (Alsace-Lorraine), vu la défaite –, et si elles ne nuisent pas directement à la Grande-Bretagne, les accepter (c’est ce que W. demande, en fait)28. »
35La façon dont il se résigne à la perte de l’Alsace-Lorraine est encore plus explicite dans sa note datée du 23 octobre, car en analysant ce qui pouvait être avantageux pour la France, il croit comprendre que les « conditions de paix » sont « moins dures » que prévu : « Alsace-Lorraine seulement + des colonies ».
36Les entrevues de Montoire n’ont donné lieu ni à la signature de la paix, ni à celle d’un accord formel. Elles ont officialisé cependant la « collaboration d’État » entre Vichy et le Reich. Renouvin ne fait pas de commentaire sur le discours de Pétain du 30 octobre, où il déclare entrer dans cette « voie ». Sur cette politique de « collaboration », il paraît circonspect. La question de savoir si la France doit autoriser le passage des troupes allemandes en Syrie est à ses yeux un bon critère d’appréciation des relations entre les deux pays. Le 29 octobre, il formule à ce sujet plusieurs hypothèses, en pèse les avantages et les inconvénients et donne sa préférence à une décision de refus : « Le “plus digne” serait de dire non. » Il a en effet toujours cette idée de ne pas gêner l’action de l’Angleterre. Il ajoute cependant « qu’il ne faut pas tenter une résistance réelle » si Hitler passe outre : ce serait « la reprise de la guerre », la défaite rapide de l’armée en Syrie, l’occupation de la zone libre et… on voit là toutes les illusions de Renouvin sur le régime de Vichy : « Le gouvernement irait à Alger. »
37Le renvoi de Laval, le 13 décembre 1940, paraît confirmer le maréchalisme de Renouvin, ainsi que ses illusions sur Pétain. Il suit de très près la crise politique de décembre 1940 à laquelle il consacre de nombreuses notes. Il fait état des bruits et rumeurs qui embrument l’événement et le déconcertent29. Son impression est que Laval est renvoyé, puis rappelé du fait des réactions allemandes, et enfin il comprend que le renvoi est réel et définitif. Lorsque la situation s’éclaircit, il interprète cette crise comme une véritable partie de bras de fer entre Pétain et Abetz, entre Pétain et Hitler, d’où le Maréchal est sorti vainqueur, puisqu’il a pu éviter que lui soit imposé par le Reich un gouvernement Laval-Déat. Renouvin peut ainsi donner libre cours à son analyse qu’il veut réaliste, c’est-à-dire à la fois anti-idéaliste et anti-sentimentaliste : « Le choix n’est pas entre Pétain et une solution idéale ; il est entre Pétain et un gouvernement Déat, semble-t-il. Pétain peut penser qu’en restant il prend la solution du “moindre mal”30. »
38Le 3 janvier 1941, il revient sur l’événement :
L’opinion dominante est que le Maréchal, puisqu’il n’a pas repris Laval, a résisté à la pression allemande […]. Il a tenu tête […]. C’est un fait incontestable, que, depuis le 14-12, la popularité de Pétain s’est beaucoup accrue ici.
39À l’évidence, Renouvin partage ce sentiment, en reprenant à son compte cette formule de « résistance du Maréchal ».
40Quelques mois plus tard, en mai 1941, lorsque François Darlan signe les Protocoles de Paris, Renouvin se demande s’il n’y a pas là un « revirement complet du gouvernement français », c’est-à-dire un retour de la « politique de collaboration ». Il garde cependant sa confiance en Pétain, car à ses yeux l’essentiel peut être préservé : « Certains croient à des hostilités possibles entre Grande-Bretagne et France : je n’y crois pas31. »
41Son opinion est que le gouvernement de Vichy doit « se borner à la collaboration économique » – « inévitable » à son avis – et « éviter tout ce qui pourrait nuire directement à la capacité de résistance anglaise ». Il émet néanmoins ses premières critiques envers le Maréchal : « L’allocution radio de Pétain : “Suivez-moi sans discuter” fait mauvais effet, car elle n’explique rien ! »
L’opinion française selon Renouvin et l’évolution de la sienne propre, 1941-1942
42Ces notes de guerre confirment à bien des égards, d’une façon impressionniste, les résultats des travaux de Laborie sur l’opinion française sous Vichy. Laborie note un premier infléchissement des Français à la mi-octobre, dû à la découverte de la résistance britannique lors de la bataille d’Angleterre et à d’autres raisons. Or, c’est précisément dans une note datée « vers le 15 octobre 1940 » que Renouvin constate :
Tout le monde est d’accord sur la modification de l’état d’esprit de la population parisienne par rapport à l’état d’esprit dans les débuts de l’occupation : il y a un sentiment de résistance morale de plus en plus grand.
43Il attribue ce changement aux problèmes de ravitaillement et à la lenteur de la libération des prisonniers.
44Laborie décrit d’autres modifications pendant l’année 1941, conduisant à une distanciation accrue par rapport au régime de Vichy, bien avant le tournant de novembre 1942. Le maréchal Pétain lui-même a ressenti cette évolution puisque dans son discours du 12 août 1941, il dit qu’il sent « se lever depuis quelques semaines un vent mauvais » ; il voit « l’inquiétude » qui « gagne les esprits » et « le doute » qui « s’empare des âmes ». Il est intéressant de noter que Renouvin constate ces mouvements, mais sans les partager. Dans sa note du 14 avril 1941, déjà citée, où il évoque l’éventualité d’une entrée en guerre des États-Unis et de la mise en infériorité de l’Allemagne aux alentours de l’année 1944, il écrit : « La France libre aurait d’ailleurs un rôle à jouer ! »
45S’agit-il de la France du général de Gaulle ? En aucune façon, la phrase suivante ne dissipe tout malentendu : « Mais l’Allemagne l’occuperait sans doute, préventivement, avant débarquements américains. »
46C’est bien la « zone libre » qui est désignée, et donc la France du maréchal Pétain. Au printemps 1941, Renouvin est lucide dans le domaine international – pas de débarquement possible avant 1944 – et ne l’est pas en politique intérieure : il persiste dans ses illusions maréchalistes, dans sa conviction que Pétain ralliera le camp anglo-américain au moment opportun.
47Son « maréchalisme » maintenu en 1941-1942 exclut tout « vichysme », c’est-à-dire toute complaisance à l’égard du régime de Vichy et de la « révolution nationale » dont il ne parle d’ailleurs pas. Il ne voit pas que le lien entre celle-ci et la collaboration d’État est structurel, comme le montrera plus tard la « révolution paxtonienne ». Il ne dit rien en effet sur les idéologies qu’il ne semble donc pas classer parmi les « forces profondes » : rien sur le nazisme allemand, sur le fascisme italien, sur l’antisémitisme d’État du régime du Maréchal. Ainsi le lien entre Vichy et le IIIe Reich est-il à ses yeux simplement conjoncturel, dû au rapport de force que la défaite française de 1940 a infligé aux deux États, un lien qui peut se dissoudre si un nouveau rapport de force militaire s’impose dans le monde.
48Renouvin n’est pas « vichyste », mais certains de ses commentaires sont involontairement empreints de ce que l’on pourrait appeler « l’esprit de Vichy », même s’il n’en partage pas l’ensemble de l’idéologie. Un exemple : certains de ses propos peuvent choquer et traduisent bien l’antisémitisme ambiant. Dans la note du 20 mai 1941, où il parle de ceux qui veulent la victoire britannique et qui la croient certaine, prenant à ses yeux leurs désirs pour la réalité, il distingue plusieurs groupes, dont celui-ci :
Ceux qui défendent leur situation personnelle (Juifs, fonctionnaires d’extrême gauche). Ils sont aujourd’hui « superpatriotes » – et oublient qu’ils ne l’ont pas toujours été. C’est un « patriotisme » qui est à base d’intérêts particuliers32.
49Déjà, le 14 avril 1941, dans la note où il revient sur la question des « bellicistes » en 1939, sur le fait que certains l’étaient uniquement « pour des motifs idéologiques », il mentionne la « propagande juive », comme celle qu’il a entendue, écrit-il, en 1938 lors d’une réunion chez l’historien Jules Isaac : telles sont les « impressions que cela [lui] avait laissé à ce moment33 ». Cet esprit de Vichy, on le retrouve dans sa façon de percevoir l’Angleterre. Renouvin est un pro-britannique imprégné d’anglophobie. Cette ambivalence, souvent repérée par les historiens34 ou exprimée par des contemporains35, est présente dans de nombreuses notes. Il voit de la « naïveté » chez ceux qui vont « jusqu’à considérer l’Angleterre comme un ami sincère, un sauveur en qui on peut avoir toute confiance », qui se fient davantage aux informations données par le gouvernement britannique qu’à celles fournies par le gouvernement français – « Aveuglement ! » – sans comprendre que « la Grande-Bretagne a des intérêts égoïstes »36.
50La « mondialisation » de la guerre, qu’il perçoit très bien en décembre 1941 après Pearl Harbor, ne lui fait pas changer d’avis sur le Maréchal. Il faut attendre le retour de Laval au gouvernement le 18 avril 1942 pour que Renouvin commence à s’interroger sérieusement :
C’est le mardi 14, semble-t-il, que P. a cédé. Mais quelle a été la forme de la pression ? Et pourquoi, s’il jugeait inévitable de céder, P. est-il resté ? Ce revirement a incontestablement déconcerté l’opinion (sauf chez ceux qui, hostiles depuis l’origine, estimaient qu’il n’y avait rien d’autre à attendre)37.
Le tournant, l’attente, la Libération et la sortie de guerre, 1942-1945
51En octobre 1942, à la veille du débarquement des Alliés en Afrique du Nord, Renouvin reste dans le même schéma de pensée. Il s’interroge encore sur la solidité de la « coalition anti-allemande », puisque « ni la Grande-Bretagne ni les États-Unis ne peuvent souhaiter une victoire russe soviétique », dans la mesure où « l’URSS désire détruire les régimes capitalistes ». Il prend ses distances avec les « démocrates populaires », ces représentants de ce qu’on appellera plus tard la démocratie chrétienne, qui veulent la « victoire anglo-américaine », ne voyant pas qu’elle favorisera « le retour au pouvoir des éléments anciens » si défavorables aux catholiques. Il ajoute cependant dans une parenthèse : « Il est vrai que, du point de vue catholique, ces inconvénients sont encore moindres que ceux de la solution opposée », c’est-à-dire la situation présente38.
52Brusquement, bien des choses « s’éclairent » en lui après le débarquement en Algérie et au Maroc.
« Le “tournant” du 9-11 novembre 1942. Série d’événements prodigieux ! »
53Tel est le titre d’une de ses notes datées du 12 novembre 194239. Jamais, ni avant ni après cet événement, il n’emploie un adjectif aussi fort que « prodigieux ». Au total, il consacre quatorze notes à ce débarquement anglo-américain entre le 8 et le 19 novembre. Les premières décrivent les faits – y compris l’invasion allemande de la zone sud et le sabordage de Toulon –, du moins tels qu’il peut les reconstituer à travers l’écoute des différentes stations de radio. Puis, au fur et à mesure de leur déroulement, il se risque à des interprétations. Elles révèlent à la fois son désarroi et sa métamorphose. Dans un premier temps, il fait état de la « résistance » des troupes françaises40 et mentionne l’ordre donné par Darlan à Alger « de cesser la résistance », et ce, au nom de Pétain41, ce qui le maintient encore dans certaines de ses illusions. Dans l’avant-dernière note datée du 12 novembre, Renouvin voit plus clair : le gouvernement de Vichy « a perdu l’occasion dernière de prendre parti et s’est effondré sans agir », perdant en trois jours ses deux atouts, l’Afrique du Nord et la flotte42. Dans sa deuxième note datée du 13 novembre, il pose enfin la question essentielle qui révèle sa prise de conscience : « Pourquoi Pétain est-il resté à son poste ? »
54Il y répond en émettant, comme à son habitude, des hypothèses, en supposant que le chef de l’État français, ou bien « n’a pas voulu abandonner son œuvre intérieure », ou bien « a craint des troubles en France ». Il ajoute néanmoins : « Mais ces raisons me semblent peu probantes. Nous ne voyons pas clair ! »43.
55Sans doute faut-il accorder plus de valeur à l’avant-dernière phrase de cette note qu’à la dernière : le discrédit du Maréchal l’emporte désormais dans l’esprit de Renouvin. Jusqu’à la fin de la guerre, en effet, il ne mentionne plus jamais le nom de Pétain, sauf une fois pour dire incidemment que son message du 27 avril 1944, après les bombardements alliés sur Paris, « condamne la Résistance44 ».
56Renouvin mentionne-t-il désormais davantage cette Résistance ? Non, il ne l’évoque vraiment que pendant la libération de Paris. De 1940 à août 1944, les mots « résistance » ou « résister » ne désignent dans ses notes que les actions militaires des armées ou des États, face à un ennemi ou un adversaire : la résistance britannique contre l’Allemagne, celle des Soviétiques quand ils reculent et retardent l’avance allemande, puis celle des Allemands lorsqu’ils font face à la contre-offensive russe ; il emploie même ce terme pour évoquer l’attitude de Pétain face aux Allemands lors du renvoi de Laval en décembre 1940 ou celle de Vichy contre les Anglo-Américains en Afrique du Nord en novembre 1942. Et lorsqu’il mentionne la Résistance avec un « R » majuscule, ce n’est pas forcément en termes positifs.
57Voilà bien une nette différence par rapport à son frère Jacques et à son fils Michel, tous deux entrés très tôt en clandestinité dans le mouvement Liberté qui fusionne en 1941 avec le Mouvement de libération nationale – et son journal Vérité –, pour former le mouvement Combat dirigé par Henri Frenay45. La question générationnelle est à poser : il y a une différence de génération biologique entre Pierre et son fils Michel, né en 1919, et une différence de génération intellectuelle ou sociale entre Pierre, né en 1893, et Jacques, né en 1905. Ce dernier, resté monarchiste, même après avoir rompu avec l’Action française, antimunichois en 1938, était enfant ou adolescent pendant la Grande Guerre et n’en a pas souffert de la même manière que son aîné, de douze ans plus âgé. Jacques et Michel sont arrêtés à des moments différents. Le premier est conduit avec sa femme Mireille Tronchon à Fresnes en janvier 1943, où il est torturé, puis il est déporté à Mauthausen où il meurt d’épuisement en janvier 194446. Quant à Michel, emprisonné à Orléans, il est libéré, au début 1944, grâce à l’intervention de Pierre, son père, auprès du préfet du Loiret. Mentionnant ses relations, Renouvin aurait dit, selon la mémoire familiale : « La fin de la guerre approche. Pensez à votre carrière. Si vous libérez mon fils, je m’en souviendrai, si vous ne le libérez pas, je m’en souviendrai aussi47. »
58Ses notes, ne portant pas sur sa vie privée, ne mentionnent aucun de ces faits : Renouvin n’y évoque jamais son frère, sa belle-sœur ou son fils.
1943-1944 : une si longue attente et la peur de Staline
59Sur les années 1943-1944, ces notes de guerre permettent au lecteur de mesurer concrètement à quel point ce conflit a été long et interminable pour les contemporains. Même si à cette date la défaite allemande paraît probable, ils ne vivent pas les événements d’une façon linéaire. Les notes de Renouvin sont passionnantes à cet égard. Même chez cet homme lucide et averti, telle contre-offensive du Reich sur le front russe en 1943, les difficultés des Anglo-Américains sur le front d’Italie après leur débarquement à Nettuno en janvier-février 1944, le sentiment qu’ils ne sont donc pas « au point » pour réussir une telle opération en France48 ouvrent de longues périodes de doute. Il s’interroge par exemple sur la solidité de l’alliance entre les Occidentaux et l’URSS. Probablement influencé par le choc du pacte du 23 août 1939, il évoque d’une manière récurrente en 1943 la possibilité d’une paix séparée entre Hitler et Staline. Mais, face à une avance soviétique qui pourrait faire que Staline serait le seul vainqueur d’Hitler, il émet aussi l’hypothèse que les Occidentaux seraient tentés de négocier avec l’Allemagne. En février, il voit dans la victoire soviétique de Stalingrad un « grave coup49 » pour le Reich, même s’il ne l’interprète pas comme un tournant.
60À la fin 1943-début 1944, il prend davantage conscience de la puissance soviétique. Ce n’est plus une hypothèse d’école et il tente d’en mesurer les conséquences : « Que pensera l’histoire ? Le grand fait est la révélation de la force russe : événement capital dans l’histoire de l’Europe et dont personne ne se doutait50. »
61Autour de lui, il sent une inquiétude face aux conséquences d’une victoire de l’URSS, mais une inquiétude qui n’affaiblit pas le souhait d’une défaite allemande et de la fin de l’Occupation.
« Impressions ». Cette victoire russe, nombreux sont les gens, autour de moi, qui ne la souhaitent pas. Mais le raisonnement est (plus ou moins consciemment) : entre [la] situation actuelle, qui est un fait acquis et certain, et un risque possible de bolchevisme, – il faut courir le risque ! (C’est celui que je tiens pour la France)51.
62Pendant les cinq premiers mois de 1944, l’attente du débarquement anglo-américain paraît insupportable. Quant aux bombardements d’avril 1944, ils produisent un effet ambivalent dans l’opinion, selon Renouvin. Il y a d’une part une « grosse émotion » et de « vives critiques » contre les méthodes anglo-saxonnes, et d’autre part, il est dit : « Si c’est la préface d’un débarquement, soit52 ! »
1944 : Le Débarquement enfin et la Libération. Un témoignage direct
63Quelques jours après le Jour J, après le 6 juin, Renouvin rédige à partir du milieu de ce mois de nombreux commentaires sur la réussite de l’opération, puis sur le piétinement des troupes américaines et britanniques pour mentionner enfin la percée d’Avranches à la fin juillet53. C’est le 1er août que l’on sent chez lui un véritable soulagement. Il écrit que cette date « est une journée notable », car, considérant les trois théâtres d’opérations européens, il constate que « le front allemand de Normandie “craque” », que l’armée soviétique est aux abords de Varsovie et que les Anglo-Américains s’approchent de Florence.
64Ensuite, les notes sur la libération de Paris sont extrêmement précises et vivantes : c’est le seul épisode de la guerre pour lequel elles portent témoignage. Elles nous font vivre du 19 au 26 août ce que Renouvin voit et entend : les rumeurs ; les coups de téléphone entre parents et amis pour avoir des informations sur l’avancée des troupes, sur les combats aux alentours de Paris puis dans les différents quartiers de la capitale ; les initiatives armées de la Résistance ; le bruit des armes à Saint-Germain-des-Prés et sur la place Maubert, puis sous ses fenêtres à l’angle du boulevard Saint-Germain et du quai de la Tournelle. Le 26 août, il évoque « le passage de de Gaulle, de l’Étoile à Notre-Dame » : avec son épouse Marie-Thérèse, il a visiblement participé sinon à la totalité de la descente des Champs-Élysées, du moins à la phase terminale de la manifestation, au moment où la foule essuie ces mystérieux coups de feu tirés du haut des immeubles :
À 16 h, aux Tuileries, mitraillage du haut des toits de la rue de Rivoli. M. Th. et moi, nous sommes pendant un quart d’heure dans situation critique, dans un escalier où nous ne sommes pas à l’abri des balles tirées des toits. À 17 h 30, retour 90 rue Bonaparte54, où nous retrouvons tous les nôtres sains et saufs55.
65Le soir et la nuit sont encore très mouvementés : l’aviation allemande bombarde Paris. Renouvin entend les bombes explosives qui tombent, dont une au coin de la rue Monge et de la rue Lacépède ; puis des petites bombes incendiaires mettent le feu au 1 boulevard Saint-Germain, menaçant le 2 où il habite et d’où on le fait évacuer avec sa famille pour les installer au 656.
La Résistance, de Gaulle et les inquiétudes de sortie de guerre
66Avant la Libération, les références à de Gaulle et aux « gaullistes » – comme pour la Résistance intérieure, nous l’avons dit – sont plutôt rares dans les notes de Renouvin et elles sont critiques. En 1941, il mentionne les « gaullistes » qui peuvent plaire en France aux « patriotes sentimentaux », aux nationalistes de droite, mais qui risquent aussi de les décevoir par leurs « tendances antireligieuses »57. En 1942, il mentionne une des rumeurs à propos du meurtre de Darlan, selon lesquelles un « gaulliste » pourrait en être l’auteur58. Il y a seulement des allusions au Comité français de libération nationale, le CFLN, en 1943 et au début juin 1944, lorsque Renouvin souligne les difficultés entre de Gaulle et les Américains :
En tout cas, il paraît de moins en moins probable que le comité d’Alger puisse devenir le gouvernement futur de la France. Les États-Unis se méfient-ils du caractère de de Gaulle ? Ou des concessions qu’il a faites à l’URSS, ou sont-ils incertains sur [l’]état de l’opinion française à [l’]égard de de Gaulle et préfèrent-ils un gouvernement de « réconciliation »59 ?
67À partir de la libération de Paris, les notes sur la Résistance et sur de Gaulle sont plus nombreuses, et elles sont en partie moins négatives à l’égard du Général qu’il a tendance à opposer aux Résistants ou à certains d’entre eux. Il lui sait gré de la manière dont il a « dans l’ensemble, jusqu’ici […] maîtrisé la situation » face aux communistes « et aux autres éléments de la Résistance »60 pendant ces événements de la fin août. Quelques mois plus tard, il juge que l’épuration est « mal faite », car elle dure trop, qu’elle aurait dû « frapper fort et tout de suite les cas indiscutables », s’attaquer uniquement aux « faits » de collaboration et non aux simples « délits d’opinion », comme l’aurait souhaité d’ailleurs le gouvernement du général de Gaulle. Sur ce chapitre, il approuve celui-ci et critique « certains éléments de la Résistance » qui veulent aller « plus loin » dans la répression61. De même, il note « l’impression très répandue que la Résistance (ou plutôt les différents milieux politiques de la Résistance, qui quelquefois n’y ont pris aucune part active) » joue une « course aux “places” », ce qui irrite « bien des gens »62.
68En 1945, il prend à nouveau de la distance par rapport au Général. Le 15 mars, il pense que son gouvernement « s’usera vite ». Il juge son discours à l’Assemblée consultative « vague et creux » et considère que son appel « à la Grandeur de la France tombe dans le vide ». Il lui reproche ses « gestes nerveux », par exemple son « refus d’aller rencontrer Roosevelt à Alger, après Yalta », son « excès de susceptibilité », et son « manque de sens des réalités » : et l’on sait à quel point Renouvin est attaché en toutes circonstances au réalisme politique. Il est persuadé que les États-Unis seraient heureux de son échec et du retour des « anciens partis ». Grand est son pessimisme, car il ne voit pas d’un meilleur œil ce retour qui risque de maintenir le pays dans son état de faiblesse d’avant la guerre. Il craint que « les radicaux » ne soient trop dociles à l’égard de l’Amérique qui fera du pays « une colonie économique », qu’ils « recommencent à vivre au jour le jour, comme avant 1939 », et qu’ils ne pratiquent encore « le jeu anticlérical, pour détourner l’opinion des problèmes sociaux »63.
69Il n’est pas beaucoup plus optimiste en matière de politique internationale. Sa peur du communisme fait qu’il éprouve les mêmes sentiments ambivalents vis-à-vis des Américains que pour le général de Gaulle : même s’il y a désaccord, il est redevable aux premiers de protéger l’Europe occidentale contre la menace soviétique, comme il met au crédit du second sa maîtrise de la situation en politique intérieure face au risque de subversion. Dans cette période de transitions, il s’interroge sur la solidité de la coalition des vainqueurs. Ses informations sur la conférence de Téhéran en décembre 1943 et celle de Yalta en février 1945 sont évidemment parcellaires, mais il comprend que la Pologne est un enjeu important entre les Alliés. Après Téhéran, il note que l’établissement de la nouvelle frontière orientale de ce pays, autour de la ligne Curzon de 1919, fait moins problème entre eux que la composition du futur gouvernement polonais64. Après Yalta, il retient que les Anglo-Américains ont cédé sur cette question65.
70Dès le 5 mai, il évoque des rumeurs de capitulation allemande. Sa dernière note, écrite au crayon, datée du « 7 mai 1945 à 19 h », fait état de la capitulation générale signée par Karl Dönitz, annoncée par Radio Paris. Son réflexe est de se référer au 11 novembre 1918 pour constater qu’il n’y a pas d’explosion d’enthousiasme comme vingt-sept ans plus tôt et il suggère trois raisons : l’événement n’était pas brusque, mais attendu ; la victoire est surtout celle des Alliés, et non celle de la France ; et il y a la conscience des difficultés internationales à venir : « En 1918, on avait des illusions66. »
71Tels sont les derniers mots de ses « notes sur la guerre mondiale », montrant que son pessimisme exprimé tout au long des années 1938-1945 était fortement fondé sur les leçons qu’il avait tirées de la sortie de la Grande Guerre.
72Si Renouvin est lucide sur le déroulement des événements internationaux, l’évolution de sa vision de la situation intérieure de la France pendant ces « années noires » est celle de la plupart des Français. Qu’un très grand historien ait la même opinion qu’un citoyen très « ordinaire » peut décevoir. Mais, elle est aussi et surtout générationnelle, celle d’un Français ancien combattant qui a souffert du conflit précédent. Pour autant, il ne sort pas tout à fait indemne du conflit suivant. Si la Première Guerre mondiale a profondément affecté physiquement Renouvin, la Seconde l’a touché moralement, à tel point qu’elle a sans doute changé, à terme, certains fondements de sa réflexion historique, sur deux points essentiels.
73Après 1918, il s’engage volontiers dans une entreprise qui consiste à écrire l’histoire du conflit qui vient de s’achever ; en bref, à faire ce que l’on n’appelait pas encore « l’histoire du temps présent ». Il avait, il est vrai, du fait de ses fonctions, un accès privilégié aux archives récentes ; il pensait en effet que l’histoire scientifique ne pouvait se faire qu’à partir de ce type de documentation et il avait déjà des réticences sur l’écriture de l’histoire trop récente si cette condition n’était pas remplie67. Après 1945, il comprenait bien que la recherche sur ce conflit ne pourrait pas se faire avant longtemps à partir de sources archivistiques. De plus, une hypothèse peut être formulée : la relecture de ses notes de 1938-1945, des notes à usage interne, a dû lui inspirer des doutes sur les vertus de l’histoire immédiate : le nez collé sur les faits qui se déroulaient sous ses yeux, sans connaissance de la suite de l’histoire, il a été conduit à écrire des commentaires hasardeux, du moins jusqu’en novembre 1942, sur le maréchal Pétain et Vichy, et même après cette date, sur de Gaulle et la Résistance. Assurément, la nécessité d’avoir une distance suffisante par rapport aux événements lui a paru plus impérieuse qu’après la Grande Guerre et il a été conforté dans l’idée qu’il était impossible de lancer des thèses sur des périodes trop récentes. Certes, dès 1946, il accepte d’être vice-président du Comité d’histoire de la guerre – Lucien Febvre en étant le président – et en 1951 d’être un des vice-présidents du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Dans ce nouveau comité, présidé par Febvre avec Henri Michel comme secrétaire général, Renouvin préside une des commissions, celle d’histoire militaire68. À ses yeux, cependant, tous ces travaux sur le conflit récent ne constituent qu’une « étude provisoire » en attendant que l’ouverture des archives permette une « connaissance définitive »69. Si ses notes sur les années 1938-1945 devaient servir à entamer cette étude provisoire sur le second conflit mondial, il n’a pas eu le cœur de l’écrire : il n’y a pas, de sa main, l’équivalent de son gros ouvrage sur la Première Guerre mondiale.
74Cela dit, dans le tome VIII de son Histoire des relations internationales publié en 1958, il se risque à pousser son étude jusqu’à 1945 et aborde donc les « années noires ». Grande est la différence de ton et de contenu par rapport à ce qu’il écrivait pendant la guerre. Certes, il en est encore à croire que Pétain a envisagé « des manœuvres du “double jeu” », ce que l’historiographie depuis une quarantaine d’années conteste fermement, y compris son disciple Jean-Baptiste Duroselle dans son ouvrage L’abîme en 198270. Mais, il dit aussi que la politique de Vichy « a dangereusement négligé les valeurs morales et a heurté profondément le sentiment national » ; il souligne la « haute portée morale » de l’appel du 18 juin du général de Gaulle ; et il clôt même son chapitre sur la « Défaite française » par la dernière phrase de cet appel : « La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre, ne s’éteindra jamais. »
75Là réside le second changement, fondamental, de Renouvin après 1945 : sa vision des « forces profondes » connaît une réelle métamorphose. Lorsqu’il invente cette notion dans les années 1930, il les divise déjà en forces matérielles et en forces spirituelles, et celles-ci à ses yeux incluent les mouvements d’idées, d’opinion, la « psychologie collective », le moral, mais en aucune façon la morale et ses valeurs. Ses notes de guerre dénoncent même le sentimentalisme et le moralisme qui détournent les gens de la réalité des rapports de force. Après 1945, le retournement est complet : il prend conscience des inconvénients d’un réalisme trop rigide et d’un trop sévère pessimisme pouvant conduire à des erreurs de pronostic ; il croit davantage au poids des valeurs morales au sein des « forces profondes ». Il ne les sous-estime plus, même si tout cela ne fait pas de lui un idéaliste.
76La Première Guerre mondiale a été le grand mythe fondateur qui a structuré l’imaginaire du jeune Renouvin, ce qui explique en partie son maréchalisme de 1940-1942. Mais on se souvient de son cri du cœur en novembre 1942 après le débarquement en Afrique du Nord : « Pourquoi Pétain est-il resté à son poste ? » La figure mythique est tombée. Son expérience de la Seconde Guerre mondiale a été pour lui un grand moment de démythification qui a transformé à la fois le citoyen et l’historien.
Tableau établi fin mars 1939 par Pierre Renouvin pour comparer deux hypothèses : la guerre ou la paix ?

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77Pierre Renouvin mesure les « chances de guerre » et les « chances de paix » après l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’armée allemande en mars 1939. Selon lui, trois facteurs poussent à la guerre : la résolution des dictatures allemande et italienne « à aller jusqu’au bout » ; le fait de voir leurs armements « se démoder » et leur supériorité militaire actuelle « décliner » ; la nécessité pour la France et la Grande-Bretagne de résister à une expansion qui paraît sans limite. Mais, d’un autre côté, trois contraintes peuvent, à ses yeux, donner des chances à la paix : le risque des dictatures à voir leur régime ruiné par la guerre ; « la possibilité de crise intérieure en Italie » ; et « la difficulté, pour les États totalitaires, de soutenir une guerre longue ». [R. F.]
Note sur l’entrevue de Montoire, fin octobre 1940, rédigée par Pierre Renouvin

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78Au moment de l’entrevue de Montoire (24 octobre) et dans les jours suivants, Pierre Renouvin analyse les « avantages » et les « inconvénients » d’un éventuel accord franco-allemand. Souhaitant « faire abstraction des sentiments » et adopter un « point de vue réaliste », il est d’avis de ne « pas repousser l’idée a priori » si les conditions sont acceptables : voir la citation supra dans le texte. [R. F.]
Note du 3 octobre 1943, rédigée par Pierre Renouvin

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79À partir de la fin 1941, Pierre Renouvin se plaît à suivre et à commenter à chaud les événements militaires sur tous les fronts de cette guerre qu’il perçoit désormais comme « mondiale ». Dans cette note du 3 octobre 1943, il est question d’une façon synchronique : de la « bataille du Dniepr » sur le front russe ; de la « bataille d’Italie » où les Anglo-Américains « ont pris Naples » ; de la reprise de leur offensive aérienne contre l’Allemagne (bombardements d’Emden, de Hagen et de Hanovre) ; de la reprise de l’offensive sous-marine allemande dans l’Atlantique. [R.F.]
Notes de bas de page
1 Pierre Renouvin, « La publication des documents diplomatiques français (1871-1914) », Revue historique, 164, 1931, cité par René Girault, « Pierre Renouvin, la BDIC et l’historiographie française des relations internationales », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 49-50, 1998 ; Pierre Renouvin, La crise européenne et la Grande Guerre, Paris, Puf (Peuples et civilisations), 1934. Les éditions suivantes à partir de 1948 ont pour titre : La crise européenne et la Première Guerre mondiale.
2 Karl Dietrich Erdmann, Toward a Global Community of Historians : The International Historical Congresses and the International Committee of Historical Sciences, New York, Berghahn Books, 2005.
3 Pierre Renouvin, La crise européenne et la Grande Guerre, op. cit.
4 La famille Renouvin a donné son accord de principe pour leur publication dans le cadre d’un ouvrage qui comporterait des textes introductifs et explicatifs, les replaçant dans le contexte historique.
5 Voir annexe 1, le tableau où il analyse en mars 1939 les chances de paix et les chances de guerre.
6 Quatrième note du 14 avril 1941.
7 Note du 11 décembre 1941.
8 Ibid.
9 Voir dans l’annexe 2 la note du 3 octobre 1943 donnant une vision synchronique des fronts.
10 D’une façon discrète : « Il avait toujours gardé à l’égard de ses amis un silence total au sujet de ses croyances religieuses », écrit Jean-Baptiste Duroselle dans son article nécrologique, « Pierre Renouvin (1893-1974) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, octobre-décembre 1975. Alphonse Aulard, cependant, qui a dirigé son diplôme d’études supérieures, l’avait jugé « clérical » : Jean-Marie Mayeur, « Pierre Renouvin et l’histoire religieuse », Revue d’histoire de l’Église de France, 170, 1977, p. 103-106.
11 D’après le témoignage oral de Jacques Renouvin (né en 1955), fils de Michel, petit-fils de Pierre, à qui a été donné le prénom de son grand-oncle : entretien du 27 février 2018.
12 Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, 1990.
13 Note du 11 mars 1938.
14 Ibid.
15 Notes du 16, 17 et 18 septembre 1938.
16 Ibid.
17 Note du 2 octobre 1938.
18 Note du 8 avril 1939.
19 Note du 14 avril 1941.
20 Entretiens du 30 novembre et du 1er décembre 1939.
21 Début de mai 1940. Réflexions.
22 Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Les Français de l’an 40, 1, La guerre, oui ou non ?, Paris, Gallimard (La Suite des temps), 1990, 740 p. ; Les Français de l’an 40, 2, Ouvriers et soldats, Paris, Gallimard (La Suite des temps), 1990, 647 p.
23 Note du 30 mai 1940.
24 Colonel Alerme, Les causes militaires de notre défaite, Paris, Inter-France, 1940.
25 Marc Bloch, L’étrange défaite. Témoignage écrit en 1940, Paris, Franc-Tireur, 1946.
26 Note des 24-27 octobre 1940. Voir annexe 2, la copie du début du texte manuscrit.
27 Pierre Laborie, L’opinion, op. cit., Paris, Seuil, 1990.
28 Note des 24-27 octobre 1940.
29 Notes du 15 décembre ; notes du 18 décembre ; note datée de décembre 1940 ; note datée de début janvier 1941 ; note du 3 janvier 1941.
30 Note du 18 décembre 1940.
31 Note du 20 mai 1941.
32 Jean-Baptiste-Duroselle écrit cependant dans l’article nécrologique consacré à Pierre Renouvin : « La guerre devait lui permettre de participer activement à la protection des juifs » (« Pierre Renouvin (1893-1974) », art. cité), sans que l’on dispose, pour l’heure, d’aucun témoignage, d’aucun document pour étayer cette affirmation.
33 NB. 14-4-41.
34 Pierre Laborie, L’opinion, op. cit. ; Robert Frank, « Vichy et les Britanniques (1940-1941) : double jeu ou double langage ? », dans Jean-Pierre Azéma, François Bédarida (dir.), Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992, p. 144-163.
35 Pierre Limagne, Ephéméride de quatre années tragiques, Paris, Bonne Presse, 1945, t. 1 : « les anglophiles sont ceux qui souhaitent la victoire de “nos amis les Anglais” ; les anglophobes sont ceux qui souhaitent la victoire de “ces cochons d’Anglais” ».
36 Première et seconde notes du 20 mai 1941.
37 Note du 20 avril 1942.
38 Note datée d’octobre 1942.
39 Note n° 3 du 12 novembre 1942.
40 Note n° 1 du 12 novembre 1942.
41 Note n° 2 du 12 novembre 1942.
42 Note n° 3 bis du 12 novembre 1942.
43 Note n° 2 du 13 novembre 1942.
44 Note du 28 avril 1944.
45 Dans son discours d’hommage à Jacques Renouvin prononcé le 8 mai 1965 à l’occasion du 20e anniversaire de la capitulation allemande, André Coste-Fleuret relate le parcours de son ami résistant (voir ce discours sur le site de Bertrand Renouvin : www.bertrand-renouvin.fr/alfred-coste-floret-hommage-a-jacques-renouvin).
46 Mireille Renouvin, enceinte, est transférée à la prison de la Santé où elle donne naissance à Bertrand Renouvin en juin 1943. Elle survit à la guerre et meurt en 1987. Son fils Bertrand, monarchiste comme son père, sera candidat à l’élection présidentielle en 1974. Le 26 mars 2016, la place Mireille-et-Jacques-Renouvin est inaugurée par Anne Hidalgo dans le 6e arrondissement, en présence de Bertrand Renouvin et de la famille Renouvin. On peut regarder cette cérémonie sur : www.dailymotion.com/video/x40awh1.
47 Témoignage oral de Jacques Renouvin, petit-fils de Pierre et fils de Michel : entretien du 27 février 2018, entret. cité.
48 Note du 12 février 1944.
49 Note du 21 février 1943.
50 Note datée de janvier 1944.
51 Note du 22 janvier 1944.
52 Note du 28 avril 1944.
53 Notes sans doute rédigées peu de jours après chaque phase de l’opération, regroupées par Pierre Renouvin en seize périodes différentes, chacune ayant le même titre, « La période du débarquement », suivi d’un chiffre de 1 à 16.
54 L’immeuble du 90 rue Bonaparte appartient alors à la famille de l’épouse de Pierre Renouvin, Marie-Thérèse Gabalda, et abrite la maison d’édition familiale. Pierre et Marie-Thérèse habitent ailleurs : au 2 boulevard Saint-Germain.
55 Note du 26 août 1944.
56 Ibid.
57 Note du 20 mai 1941.
58 Note du 26 décembre 1942.
59 « Impressions début juin 1944 ».
60 Note du 30 août 1944.
61 « Octobre 1944-fin janvier 1945. Les problèmes de la politique intérieure française ».
62 Ibid.
63 Notes du 15 mars 1945.
64 Note du 22 janvier 1944.
65 Note du 15 février 1945.
66 Note du 7 mai 1945.
67 Jean-Baptiste Duroselle, « Pierre Renouvin et la science politique », Revue française de science politique, 25/3, 1975, p. 561-574.
68 Marie-Thérèse Chabord, « Le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale et ses archives », La Gazette des archives, 116, 1982, p. 5-19.
69 Jean-Baptiste Duroselle, « Pierre Renouvin et la science politique », art. cité, p. 561.
70 Jean-Baptiste Duroselle, L’abîme (1939-1945), Paris, Imprimerie nationale, 1982.
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Histoire et relations internationales
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