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De l’histoire diplomatique aux relations internationales
Duroselle et la naissance du Ceri à Sciences Po
p. 115-129
Texte intégral
1Rien ne prédisposait Jean-Baptiste Duroselle à devenir le « père fondateur/founding father » de la discipline des relations internationales en France après 19451, aux côtés de Pierre Renouvin. Rien non plus ne le prédisposait à assumer pendant dix ans la direction du Centre d’études des relations internationales (Ceri)2, créé à Sciences Po en 1952. Assistant à la Sorbonne en 1945, il soutient, en 1949, une thèse dirigée par le professeur Charles-Hippolyte Pouthas sur « Les débuts du catholicisme social en France (1822-1870)3 ». Le normalien aux convictions catholiques solides semble alors destiné à suivre une voie académique royale mais classique, comme spécialiste d’histoire religieuse du xixe siècle. C’est d’ailleurs à la Sorbonne qu’il se présente – sans succès – sur une chaire de professeur en 19564. Depuis 1950, il est en poste à l’université de la Sarre mais il prend soin de conserver des enseignements parisiens, à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, et s’investit dans les projets scientifiques de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), démontrant ainsi des aspirations autrement plus complexes qu’il n’y paraît.
2Dès 1946, Renouvin l’a introduit à Sciences Po. D’abord simple maître de conférences, Duroselle en devient une cheville ouvrière, contribuant à la mise en place, puis à la direction du Ceri, l’un des laboratoires pionniers dans l’émergence de la discipline des relations internationales en France. Cette contribution adopte une perspective biographique, en interrogeant la trajectoire professionnelle et la stratégie de carrière de Duroselle au regard de son investissement disciplinaire. Elle s’inscrit également dans une perspective d’histoire institutionnelle et relationnelle, qui positionne le Ceri au sein de l’institution bicéphale Sciences Po (IEP-FNSP) dont il est l’émanation5, sans ignorer le champ français des relations internationales en cours de recomposition6, au sein d’un espace international de conversation et de coproduction disciplinaires, à la fois européen et transatlantique7. Les limites imparties à cette contribution nous interdiront toutefois de développer ce dernier aspect et conduiront à privilégier les réponses aux questions suivantes : pourquoi le spécialiste d’histoire religieuse française finit-il par investir le champ naissant des relations internationales ? Pourquoi et comment devient-il un passeur entre la France et les États-Unis au service des ambitions de la FNSP et du développement des relations internationales en France ? Enfin, comment l’universitaire se transforme-t-il en bâtisseur d’institution et prend-il la tête du Ceri ?
3On verra d’abord que le professeur d’histoire devient l’une des chevilles ouvrières du Ceri et de Sciences Po puis l’indispensable go between entre la rue Saint-Guillaume et les fondations américaines, pour servir un objectif ambitieux : développer à Sciences Po, haut lieu de la formation des élites nationales, un pôle centré sur l’étude des relations internationales.
Le poids de l’héritage : études et relations internationales à l’École libre et à Sciences Po
4Désireux de valoriser son rôle, notamment auprès des fondations philanthropiques américaines dont il espère le soutien, Duroselle a maintes fois insisté sur le caractère pionnier de ses projets dans le champ des relations internationales. Or le terrain n’est pas vierge à Sciences Po, ni dans le domaine de l’enseignement, ni dans celui de la recherche, lorsque Duroselle y fait son entrée.
5En 1945, l’École libre des sciences politiques (ELSP) instituée en 1872 par Émile Boutmy, est refondée et réorganisée8 en IEP, chargé d’une mission d’enseignement et rattaché à l’université de Paris, et en une fondation, la FNSP, dotée d’une mission inédite de recherche en science politique, économique et sociale9. Pour « habiter » sa nouvelle mission de recherche, Sciences Po réinvestit un double héritage légué par l’ELSP en matière de relations internationales, déjà développées dans les domaines de l’enseignement et de la documentation. École de formation des élites, l’ELSP avait instauré dès 1872 une section diplomatique préparant aux concours du Quai d’Orsay et enseigne l’histoire diplomatique10, le droit international, l’économie et la géographie des grandes puissances, tout en dispensant des cours comparés et des enseignements sur des pays étrangers et des aires géographiques. Invité à y enseigner « La question méditerranéenne de 1860 à nos jours » en 1938, puis « L’histoire diplomatique » à partir de 1941, Renouvin, professeur d’histoire à la faculté de Lettres de Paris, opère la translation entre histoire diplomatique et relations internationales en 194911, date à laquelle le grand cours de la toute nouvelle section internationale (1948) est intitulé sobrement « Les relations internationales de 1870 à 1939 ». Lorsque Renouvin cède son cours à Duroselle en 1960, ce dernier en conserve l’intitulé, tout en poursuivant la remontée chronologique de son enseignement vers le temps présent12. La tradition constituée au sein de la section diplomatique/internationale – des enseignements dominés par l’histoire diplomatique et le droit international et des cours portant sur des pays/aires étrangères13 – est mobilisée lors de la création en 1956-1957 d’un troisième cycle d’études politiques, dont l’ambition est de former les futurs chercheurs en sciences sociales et qui s’articule avec les centres de recherche en cours de structuration en parfaite complémentarité fonctionnelle.
6Les responsables de la FNSP réinvestissent également une autre activité traditionnelle de l’ELSP, à savoir la documentation. Sciences Po hérite certes d’une riche bibliothèque de sciences sociales, remarquable par son catalogue international, d’ailleurs enrichi après guerre par la donation de la collection du Centre européen de la Dotation Carnegie de Paris (1951)14 et par l’achat d’ouvrages étrangers grâce à l’obtention de subventions américaines (fondation Rockefeller, 194715). Mais plus encore, la recherche en relations internationales est, dans un premier temps, conçue comme un produit dérivé de la documentation, et la veille documentaire comme la matrice de la recherche en relations internationales : « L’idée qui est à l’origine de ce que nous appelons actuellement le Ceri, concernait proprement la documentation, et ce sont seulement les circonstances qui l’ont amené à se développer un peu autrement16. » L’héritage documentaire de l’ancienne ELSP et le rattachement à la FNSP, en 1946, d’un Centre d’études de l’URSS17 financé par le ministère des Affaires étrangères (MAE) et dont les activités relèvent de la veille documentaire expliquent ce tropisme documentaire des origines. Les notes de préfiguration18 de ce qui n’est pas encore le Ceri, datées de 1951 et rédigées de la main de Jean Meyriat19, normalien, agrégé de lettres et directeur de la bibliothèque et des services de documentation de la FNSP, envisagent la « constitution de sections de documentation étrangères ». En 1954, alors que l’institutionnalisation de l’activité de recherche au sein de la FNSP s’accélère, le patron de la bibliothèque en appelle toujours à « l’approfondissement de la documentation par unités géographiques » et à « l’étude des relations internationales vues sous l’angle de la documentation »20. Duroselle fait également mention21 d’un « service de documentation » au sein du Ceri, fonctionnant selon les modalités définies par Meyriat, et Jean Touchard, secrétaire général de la FNSP, évoque la « documentation élaborée » comme l’une des activités incontournables du Ceri. Aussi est-ce sans surprise que le Ceri se trouve être codirigé dès l’origine et pendant plus de trente ans par le directeur des services de documentation, que les premiers chercheurs de la FNSP, spécialistes de relations internationales, se voient souvent attribuer le titre d’« assistants de documentation », ou encore que leurs tâches relèvent du dépouillement documentaire et de l’établissement de répertoires et de bibliographies22. Cette origine « documentaire » n’est pas sans effet sur la culture collective du laboratoire et sur ses productions futures, comme en témoigne Guy Hermet23, élève et successeur de Meyriat à la tête du Ceri en 1976.
Les naissances du Ceri et l’arrivée de Duroselle à Sciences Po
7Du Centre d’études de l’URSS au projet de service documentaire de Meyriat, en passant par les tentatives d’association avec d’autres organismes, le Ceri prend forme progressivement. En 1952, après l’échec de l’absorption du Centre d’études de politique étrangère (CEPE) institué en 1935 avec l’aide de la fondation Rockefeller24, la FNSP structure son premier centre de recherche en relations internationales en regroupant un ensemble disparate de programmes de recherche fléchés et financés, dédiés à l’URSS (le Centre d’études de l’URSS25-MAE, devenu la section URSS), aux démocraties populaires et à leurs économies (Jean Marczewski – MAE), à l’Allemagne (Alfred Grosser – Commissariat de la France en Allemagne), à la Sarre (Duroselle – Mission diplomatique française en Sarre). Tous ces programmes ont en commun d’être financés par le MAE, avec lequel Sciences Po entretient des relations privilégiées26.
8Le démarrage du Ceri s’opère donc sur des fonds français fléchés géographiquement au tournant des années 1950, bien avant le financement des fondations américaines et indépendamment de l’intervention de Duroselle. Les débuts sont timides et ne mettent pas fin aux projets de collaboration dans le champ des relations internationales. Renouvin soutient, en effet, en 1953 la création d’une « coordination » tripode, chapeautée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui regrouperait le CEPE, la section d’histoire des relations internationales de la Sorbonne et Sciences Po27. Si le Ceri n’est pas évoqué en tant que tel, Sciences Po apparaît bien désormais dans le domaine comme un partenaire incontournable. La « coordination » souhaitée par Renouvin n’aboutit pas, minée par des contretemps du côté du CNRS, mais aussi sans doute par le peu d’enthousiasme qu’elle suscite à Sciences Po, si l’on en juge par le silence des conseils d’administration de la FNSP alors que le Ceri vient d’être lancé et qu’il peut s’appuyer sur le dynamisme d’un homme comme Duroselle, dont on ignore la position sur ce projet de collaboration.
9Son implication dans les activités scientifiques de la FNSP date en effet de cette époque, alors qu’il est professeur d’histoire à l’université de la Sarre (1950-1957), y a fondé un Institut européen (1951) et s’apprête à en devenir le doyen de la faculté des lettres (1953)28. Il collabore régulièrement à la Revue française de science politique dès la fin de l’année 1951, après avoir eu les honneurs de la rubrique des comptes rendus pour la publication de sa thèse sur le catholicisme social en France au xixe siècle29. En 1952, Duroselle livre un article programmatique portant sur « L’étude des relations internationales : objets, méthodes, perspectives30 » ; il organise en juin 1953, pour l’Association française de science politique (AFSP), une journée d’études portant sur « Les fondements de la politique étrangère31 » et un colloque, en mai 1955, sur « L’élaboration de la politique étrangère en France32 ». Surtout, il intègre à partir de 1954 le cercle très fermé des responsables scientifiques de la fondation, qui, sous l’impulsion du nouveau secrétaire général, Touchard, se lancent dans une intense activité programmatique en matière de développement et d’organisation de la recherche. Il signe à ce titre de nombreuses notes internes33 portant sur l’organisation du troisième cycle et la refondation du Ceri. Cette même année, Duroselle se voit attribuer un cours magistral à l’IEP portant sur « La politique extérieure des États-Unis », tandis qu’en 1956, il devient l’un des quatre premiers directeurs d’études et de recherches (avec Grosser, René Rémond, directeurs permanents, et avec Maurice Duverger, directeur cumulant comme Duroselle) du troisième cycle de la FNSP qu’il a contribué à fonder. En 1958, la greffe est achevée lorsqu’il obtient son détachement comme chercheur permanent à la FNSP – poste qu’il occupe jusqu’à son élection à la Sorbonne en 1964 – ainsi que la direction du Ceri, qu’il quitte en 1968.
10Cette insertion rapide dans la « nébuleuse Sciences Po » s’explique par la force de ses réseaux. Le Sarrois d’adoption bénéficie en effet du patronage de Renouvin, titulaire du cours d’histoire des relations internationales de la section internationale de l’IEP – Duroselle assure les conférences de méthode –, également membre des instances de direction de l’IEP et désigné président de la FNSP en 1959. Il bénéficie également de la bienveillance de Raymond Aron34 : Duroselle assure ainsi, le temps d’une année seulement, l’un des premiers séminaires du troisième cycle sur la « Théorie des relations internationales » en collaboration avec l’intellectuel libéral. Mais son arrivée doit également beaucoup aux réseaux normaliens : Duroselle (né en 1917), Touchard et Rémond (nés en 1918), tout comme Meyriat (né en 1921), ont tous quatre fréquenté la rue d’Ulm et se retrouvent à Sciences Po en 1954-1956. L’amitié de trois d’entre eux (Duroselle, Rémond et Meyriat) s’est consolidée dans une intense sociabilité et militance catholiques, notamment au sein du Centre catholique des intellectuels français35.
11L’engagement de Duroselle témoigne tout autant d’une stratégie de carrière, explicitement évoquée dans sa correspondance avec ses interlocuteurs américains36. L’instabilité de la situation politique sarroise (référendum de 1955) et l’objectif professionnel de revenir à Paris le conduisent, par des chemins détournés, à Sciences Po. Son élection manquée à la Sorbonne en 1956 explique pour partie son implication dans le tout nouveau troisième cycle, ouvert par la FNSP la même année, tandis qu’une nomination peu désirée à la faculté de Lille, effective à la rentrée 1957, le conduit à préférer un détachement comme chercheur permanent à la FNSP en 1958. Sciences Po s’avère ainsi le plus court chemin vers la capitale, au regard d’un cursus honorum universitaire aléatoire, lent et provincial. Surtout, Duroselle, bâtisseur d’institutions et entrepreneur scientifique37, trouve à la fondation des facilités qu’il ne trouverait pas dans l’université française. Il y gagne du temps, son poste de chercheur le déchargeant de toute obligation d’enseignement et facilitant la mobilité internationale qu’il affectionne particulièrement ; de l’argent, la FNSP étant sur le point de devenir, pour des raisons institutionnelles autant que politiques, l’un des réceptacles privilégiés des financements américains en France ; des étudiants-chercheurs et des assistants, soit un collectif de recherche38 ; enfin une souplesse administrative favorable à l’expérimentation et une culture scientifique marquée par le tropisme pluridisciplinaire et l’ouverture internationale.
12Duroselle bénéficie surtout à Sciences Po d’une « chaîne de production disciplinaire », à savoir un lieu d’innovation et d’élaboration de savoirs (le laboratoire de recherche) et des ressources (la bibliothèque et ses services de documentation) ; des lieux de socialisation scientifique et d’initiation professionnelle permettant la production d’un collectif disciplinaire (le troisième cycle et ses étudiants-chercheurs) ; des supports de diffusion des résultats de la recherche (les Cahiers de la FNSP et la Revue française de science politique) et un dispositif très performant de publication des corps de savoirs institutionnalisés (les manuels, via les Publications de la FNSP chez Dalloz et Armand Colin) ; enfin, une organisation pédagogique favorisant la transmission du canon et des corpus de connaissance établis en matière de relations internationales par l’enseignement (l’IEP et ses sections internationale et générale). Sciences Po présente ainsi dans les années 1950-1960, à défaut d’une légitimité universitaire et scientifique bien assurée dans le champ français, un écosystème institutionnel et intellectuel favorable à la fabrique disciplinaire – comme le plaide d’ailleurs Duroselle auprès de ses interlocuteurs américains pour les convaincre de financer l’institution qu’il a faite sienne39.
Passeur entre Sciences Po et les fondations américaines
13Durant l’entre-deux-guerres, l’ELSP n’avait bénéficié d’aucun financement des fondations philanthropiques américaines en raison d’une mauvaise réputation politique et intellectuelle40. En dépit de son changement de nom, de la modification de son statut (de société par actions en fondation de droit privé en 1945, fiscalement autorisée à recevoir des donations) et de sa transformation d’identité (mission de formation des élites mais également de recherche à partir de 1945), les interactions entre Sciences Po et les fondations américaines41 sont dans un premier temps difficiles, faute pour les Français de disposer des bons réseaux, de connaître les programmes et de maîtriser les procédures bureaucratiques de montage et de gestion de projet des fondations. Aussi les premières demandes adressées à la fondation Rockefeller par le directeur-diplomate Roger Seydoux sont-elles timides et parfois incongrues (au point de susciter l’étonnement des Américains42) et aboutissent-elles à l’octroi de financements limités (achat de livres et aide à la mobilité) en 194743. Pour nouer le contact, Sciences Po mobilise dès lors les réseaux français établis par la fondation Rockefeller durant les années 193044. Seydoux a recours, en avril 1945, à la médiation du directeur d’Amérique au Quai d’Orsay, Étienne Dennery45, ancien secrétaire général du CEPE, dont son frère René Seydoux a été le trésorier et qui est financé par la fondation depuis 193546. Il passe aussi par l’entremise de l’économiste Charles Rist – dont l’Institut scientifique de recherches économiques et sociales (Isres, également surnommé institut Rist ou rue Michelet), également financé par la Rockefeller durant l’entre-deux-guerres, est rattaché à la FNSP en 1952. Aron sert quant à lui occasionnellement de caution scientifique et intellectuelle à la FNSP, sans jouer de rôle opérationnel, sauf lors de la fondation de l’AFSP et de l’Association internationale de science politique47, toutes deux domiciliées rue Saint-Guillaume.
14L’arrivée de Duroselle comme directeur d’études et de recherches du tout nouveau troisième cycle de la FNSP en 1956 (et plus encore à partir de 1958) ouvre une nouvelle ère dans les relations entre Sciences Po et les fondations américaines. Duroselle – bien plus qu’André Siegfried, pape des « études américaines » de l’entre-deux-guerres désormais très âgé ; bien plus qu’Aron, titulaire d’une chaire de sociologie à la Sorbonne à partir de 1954 ; bien plus que Jacques Chapsal (directeur), Touchard ou Meyriat trop franco-français (ou plutôt hispano-lusitanien dans ses centres d’intérêt) – devient le principal passeur entre l’institution parisienne et les fondations américaines et l’un des interlocuteurs privilégiés des fondations et de la diplomatie culturelle américaines en France. Le détour par l’université de la Sarre l’a éveillé à « l’enjeu politique de l’intégration européenne48 » mais il a été également un formidable accélérateur de carrière, en lui permettant de tisser des réseaux non seulement franco-allemands, mais également européens et euro-atlantiques, avec l’Italie49 (il enseigne à l’Institut universitaire d’études européennes de Turin en 1953 et à l’antenne de la Johns Hopkins University de Baltimore à Bologne, ouverte en 1955, où il convie Grosser et Serge Hurtig, deux piliers du troisième cycle, ainsi qu’Aron), tandis que son engagement catholique lui vaut sa première invitation américaine à l’université Notre-Dame en 1951, son insertion rapide dans la nébuleuse catho-atlantique50, et lui ouvre les portes des universités, des think tanks et des fondations américaines. Son arrivée à Sciences Po coïncide avec la montée en puissance de ses réseaux américains51, qu’il va cultiver sur le plan amical comme sur le plan professionnel52.
15Pour les fondations américaines, Duroselle représente, à n’en point douter, un investissement prometteur, d’autant que sa nomination à la Sorbonne ne semble faire aucun doute, en dépit de contretemps et de revers. Son profil d’entrepreneur institutionnel et son tropisme international sont des atouts majeurs. Il se présente comme le (ré)animateur des réseaux européens mis en place par la fondation Rockefeller durant l’entre-deux-guerres, en relais de l’International Studies Conference53, et propose « la création d’un véritable programme européen de théorie politique dont le centre sera à Paris54 ». Sur le plan intellectuel, en dépit d’une formation classique d’historien, Duroselle est féru de science politique et grand lecteur des sciences sociales américaines ; il définit les relations internationales comme une « sociologie des rapports internationaux » et surjoue volontiers sa différence avec son maître Renouvin55, auquel il succède à la Sorbonne en 1964. Il apparaît comme l’incarnation d’une nouvelle génération d’historiens, s’attirant le soutien de ses collègues américains qui, tel Arnold Wolfers, professeur à Yale, louent auprès de Shepard Stone la façon dont Duroselle s’efforce « de transcender les limites de la méthode historique pour s’engager de façon croissante dans des analyses de type théorique habituellement réservées ici [aux États-Unis] aux politologues ou, en France, aux sociologues56 ». Politiquement enfin, il n’est ni communiste ni gaulliste, mais, après des débuts politiques contrariés aux côtés de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) en 1953, il rejoint le centrisme atlantiste et européaniste, tel qu’incarné par le MRP.
16Ce capital de relations personnelles vaut à Sciences Po et au Ceri l’octroi de financements américains de l’ordre d’environ un demi-million de dollars durant dix ans : une première grant-in-aid est versée par la fondation Rockefeller pour financer un programme de théorie politique et théorie des relations internationales (1957-1962) et une autre par la fondation Ford en relation avec les area studies (1958-1963). Les deux sont renouvelées à leur expiration, au profit d’un programme d’études de l’Amérique latine (Rockefeller, 1962-1967) et de deux programmes d’études portant sur les relations franco-américaines et sur l’Amérique latine (Ford, 1963-1968).
Architecte d’un laboratoire dédié aux relations internationales
17Si la montée en puissance des relations internationales à Sciences Po est lente, elle est réelle et doit beaucoup à l’implication de Duroselle et à ses choix. En 1955-1956, autrement dit à la veille de la création du cycle d’études supérieures, il n’existe que quatre sections au sein du Ceri, dont deux sont dirigées par Duroselle. L’une s’intéresse à l’URSS, sous un angle davantage historique que ne le fait le juriste Marczewski en charge de l’Europe de l’Est ; l’autre porte sur la Sarre. Une section enfin, confiée à Grosser, se consacre à l’Allemagne.
18Quant au troisième cycle, trois séminaires sont proposés en 1956 en relations internationales, dont deux animés par Duroselle. L’un, en duo avec Aron, est consacré à la théorie des relations internationales et l’autre, en solo, aux relations franco-américaines. L’activité de recherche reste toutefois limitée, le champ couvert étroit et l’équipe étique, le Ceri se résumant à trois personnes.
19Le centre prend une nouvelle dimension à partir de 1958, sans toutefois que l’on puisse parler de révolution. Le laboratoire, dirigé par Duroselle, flanqué d’un adjoint en la personne de Meyriat, est désormais doté d’une véritable structure et d’une nomenclature de titres hiérarchisée. Les directeurs coiffent une équipe composée d’assistants et d’attachés de recherche, divisée en six sections d’inégale importance. Il existe, par ailleurs, un « groupe de recherche », appellation spécifique destinée à la petite formation dont Aron a la responsabilité, assisté de Jean-Claude Casanova et de Pierre Hassner. C’est donc une quinzaine de personnes qui composent le nouveau laboratoire, parmi lesquelles on compte trois titulaires particulièrement actifs : Duroselle, Meyriat et Grosser. Le Ceri s’efforce aussi d’articuler l’enseignement et la recherche : les étudiants sont parfois associés aux recherches ; tous les chargés de recherche dirigent des séminaires de la fondation et les assistants de recherche participent activement à un ou plusieurs séminaires.
20Dix ans après, en 1968, l’équipe comprend désormais 47 membres. Les sections sont au nombre de huit (Europe/États-Unis, Politique européenne, Europe méditerranéenne, Asie du Sud-Est, URSS-Chine, Afrique du Sud et Sahara, Afrique du Nord, Amérique latine) et les groupes de travail de trois (Europe de l’Est, Problèmes du Commonwealth, Théorie des relations internationales). Le changement d’échelle se traduit par la formation de chercheurs qui vont essaimer, la multiplication des publications, dans la Revue française de science politique et les Cahiers de la FNSP notamment, et une visibilité accrue. Le Ceri se rapproche désormais du modèle américain du laboratoire de recherche collective et planifiée.
21Duroselle n’a pas fait seul le Ceri mais il lui a imprimé sa marque, une marque fortement conditionnée par la nécessité d’obtenir la confiance des financeurs américains. Elle explique les trois orientations imprimées par le directeur du Ceri : l’organisation d’un collectif qui déroge à l’individualisme traditionnel des chercheurs, une ambition théorique de dialogue avec la science politique et la sociologie américaines, et une structuration de la recherche en area studies. Nous n’aborderons ici, en raison des contraintes éditoriales, que le dernier point57.
22La constitution de « sections et groupes de travail » sur le modèle des area studies est – avec la mise en place de « projets majeurs » – l’autre caractéristique organisationnelle du Ceri sur le « modèle américain ». Dès 1954, Duroselle propose une organisation en groupes dont « la plupart doivent se consacrer à des aires géographiques déterminées [area studies]58 », tandis que Touchard énumère dans ses notes programmatiques les sections géographiques déjà en activité et celles restant à constituer59. Mais les area studies façon Ceri ont bien peu à voir avec leurs homologues américaines60 et même françaises de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)61. Outre que cette organisation est antérieure à la collaboration avec les fondations américaines et à l’arrivée de Duroselle à Sciences Po – elle date de 1952 et s’explique par l’obtention de financements français fléchés géographiquement (et rappelle d’ailleurs la structuration du CEPE dans les années 1930) –, elle est doublement trompeuse. Les organigrammes sophistiqués masquent mal le caractère artificiel de certaines sections, dont la multiplication ne doit pas dissimuler le développement très inégal. Nombre de sections sont polarisées autour d’un ou deux chercheurs isolés (Duroselle, Grosser, Meyriat, Gerbet, Schram), entourés d’assistants, quand la section ne se réduit pas au chercheur lui-même (Hassner). Les sections les plus établies et les plus « dynamiques » comme URSS-Chine sont peu nombreuses. Les intitulés sont aussi parfois trompeurs : ainsi, « L’Europe méditerranéenne » consiste dans un premier temps en un simple séminaire sur l’Espagne franquiste. Surtout, les incessantes références théoriques aux area studies américaines (elles-mêmes introuvables) sont toutes théoriques.
23Par ailleurs, l’obsession linguistique est perceptible dans les recrutements des assistants, alors qu’aucune formation n’est proposée par le troisième cycle. En matière de formation et de culture professionnelles, la pratique du voyage d’études et du « terrain » met du temps à s’installer et reste peu répandue, comparée à l’approche documentaire. Quant à la pluridisciplinarité, marque de fabrique de Sciences Po, elle caractérise incontestablement les cultures scientifiques des différents protagonistes, mais il manque à la palette disciplinaire certains domaines phares des départements d’area studies (anthropologie, sociologie, économie, démographie, géographie) – au profit des dominantes « histoire », « science politique » et « lettres et civilisation ». Enfin, la couverture géographique des « aires » par le Ceri s’avère relativement atypique et asymétrique. Certes la section URSS-Chine constitue un élément ancien et dynamique attendu ; mais l’Asie et l’Afrique, pourtant passage obligé des area studies, sont confiées à des sections externalisées. L’effort pour « investir » scientifiquement l’Amérique latine – par la création d’une nouvelle section, intégrée au Ceri et financée par deux grants-in-aid Rockefeller et Ford dans les années 196062 – n’est pas récompensé, de l’avis même des fondations américaines. Enfin, la structuration des sections en fonction d’aires géographiques n’a jamais été exclusive.
24Contre toute attente, le spécialiste du catholicisme social français s’est non seulement inséré dans les projets de la FNSP mais il en est devenu l’un des acteurs les plus dynamiques, dans l’enseignement comme dans la recherche dans le domaine des relations internationales. Même si son action à la tête du Ceri n’a pas été à la hauteur des ambitions affichées, ni de celles des fondations philanthropiques d’outre-Atlantique, elle marque une étape dans l’institutionnalisation de la discipline des relations internationales en France et dans son enracinement à Sciences Po, lieu de l’intersection par excellence des sphères académique et politico-administrative. La demande politique et les financements français ont été à l’origine, comme on l’a vu, de la création du Ceri et de son développement, mais l’argent américain favorise les audaces méthodologiques et thématiques. Il a fait du Ceri un tremplin de carrière mais aussi un lieu d’innovation, mettant au banc d’essai toute une série d’objets peu prisés par les historiens français. La formation classique de Duroselle a paradoxalement contribué à légitimer des études dévolues prioritairement à la science politique.
25La figure du père fondateur ne doit pas dissimuler le rôle de personnages plus discrets mais très présents, comme Meyriat ou Grosser. Il est vrai cependant que l’expérience américaine de Duroselle, sa connaissance des penseurs d’outre-Atlantique et ses talents d’organisateur lui ont conféré une autorité particulière. Elles lui ont permis de convaincre les fondations américaines avec efficacité de mobiliser les moyens nécessaires à la croissance du Ceri. Sa transformation en laboratoire rattaché au CNRS, en 1968, parachève l’œuvre de Duroselle et constitue un bel exemple de la réussite d’un partenariat institutionnel et intellectuel franco-américain, au cœur d’un établissement français d’enseignement original.
Notes de bas de page
1 Voir le numéro spécial de la revue Relations internationales consacré à Jean-Baptiste Duroselle et l’histoire des relations internationales, 93, automne 1995 ; l’article de Nicolas Guilhot (fondé sur des sources américaines), « “The French Connection”. Éléments pour une histoire des relations internationales en France », Revue française de science politique, 67/1, 2017, p. 43-67.
2 Aujourd’hui, Centre d’études et de recherches internationales.
3 Elle est publiée aux Puf en 1951.
4 Voir la contribution de Christophe Charle dans le présent volume.
5 La Fondation nationale des sciences politiques conserve d’importantes archives (1SP-2SP) qui portent sur l’activité scientifique et les laboratoires de recherche, à croiser avec les archives administratives et pédagogiques de l’IEP-FNSP (réformes de la scolarité, création du troisième cycle, publications).
6 Sabine Jansen, « L’expertise dans le domaine des relations internationales, entre voie nationale et modèle anglo-américain, le Centre d’études de politique étrangère et l’Institut français des relations internationales (1935-1985) », mémoire de HDR de l’IEP de Paris, mai 2016. Cette étude a été publiée sous le titre Les boîtes à idées de Marianne. État, expertise et relations internationales en France (1935-1985), Paris, Cerf, 2017 ; voir aussi Brigitte Mazon, Aux origines de l’École des hautes études en sciences sociales. Le rôle du mécénat américain (1920-1960), Paris, Cerf, 1988.
7 Sur les échanges et les transferts intellectuels entre États-Unis et France, voir Marie Scot, « L’influence intellectuelle et idéologique américaine sur la formation des élites en France. Le cas de Sciences Po (1945-1960) », maîtrise d’histoire, Paris 8, 2001 ; sur le cas des relations internationales, voir Nicolas Guilhot, « The French Connection », art. cité.
8 Christophe Charle, « Savoir durer », Actes de la recherche en sciences sociales, 86/1, 1991, p. 99-105.
9 Voir l’article de Brigitte Gaïti et Marie Scot, « Une science sans savants ? Les paradoxes de l’émergence de la science politique entre 1945 et 1968 », Revue française de science politique, 67/1, 2017, p. 13-42.
10 Charles Ridel, « L’enseignement de l’histoire et les historiens de l’ELSP (1871-1914) », mémoire de DEA d’histoire sous la direction de Pierre Nora, Paris, EHESS, 1996 ; Sébastien Laurent, « L’École libre des sciences politiques (1871-1914) », mémoire d’histoire sous la direction de Guy Thuillier, Paris, IEP, 1991.
11 Pierre Renouvin obtient alors la chaire d’histoire diplomatique occupée successivement par Albert Sorel (1872-1906), Albert Vandal (1906-1910), Christian Schefer (1910-1935) doublé d’Émile Bourgeois (1910-1934) pour le xixe siècle, les deux remplacés en 1935 par Georges Pagès, professeur à la Sorbonne, pour le premier xixe siècle et Pierre Rain, bibliothécaire de l’École libre et grand ordonnateur de la section diplomatique, pour le temps présent. À la mort de Pagès en 1939, l’école se tourne vers son remplaçant à la Sorbonne, Pierre Renouvin, vite coopté par l’ELSP puisqu’il siège dès 1940 au comité des études, en charge des orientations pédagogiques et des programmes, en plus d’occuper la chaire d’histoire diplomatique. Au départ à la retraite de Pierre Rain en 1949, Pierre Renouvin devient alors le grand maître de la nouvelle section relations internationales de l’IEP.
12 Le cours de Pierre Renouvin débute en 1870 mais, en 1960, Jean-Baptiste Duroselle fait commencer le sien en 1914, puis dans les années 1970, en 1930, et enfin, dans les années 1980, en 1968.
13 Voir le comptage effectué par Ioana Popa, « Aires culturelles et recompositions (inter) disciplinaires. La 6e section de l’EPHE et les études sur l’espace russe, soviétique et est-européen », Actes de la recherche en sciences sociales, 210/1, 2015, p. 60-81.
14 Déjà dépositaire des publications de la Dotation Carnegie pour la paix internationale depuis les années 1920, Sciences Po se voit offrir en 1950 la quasi-totalité de la bibliothèque de la Dotation, soit 12000 volumes et des collections de périodiques, en raison d’une cessation des activités de documentation de la dotation parisienne. Sciences Po accepte ce don en octobre 1950, contre l’assurance d’ouvrir une salle de lecture de relations internationales spécifiquement dédiée.
15 RAC, Rockefeller Foundation Archives (RAC-RFA), 500S, National Foundation of Political Science (NFPS), lettre du 6 mars 1947, de Roger F. Evans à Roger Seydoux.
16 Archives de Sciences Po (Sc. Po), 2SP34, Ceri, Jean Meyriat, « Note sur l’étude des relations internationales vues sous l’angle de la documentation », 27 octobre 1954.
17 Sc. Po, 2SP33, Centre d’études de l’URSS ; voir également Iona Popa, « Aires culturelles et recompositions (inter) disciplinaires », art. cité.
18 Sc. Po, 2SP34, Jean Meyriat, « Avant-projet pour la constitution de sections de documentation étrangères », 10 octobre 1951 ; id., « Note sur le Centre d’étude de l’URSS », 27 décembre 1951.
19 Vivianne Couzinet, Jean-Michel Rauzier (dir.), Jean Meyriat, théoricien et praticien de l’information documentation, Paris, ADBS, 2001. Voir aussi Journée d’études en hommage à Jean Meyriat, « Recherche et documentation en sciences humaines et sociales : nouvelles pratiques et nouveaux enjeux », Paris, Sciences Po, 11 octobre 2011.
20 Sc. Po, 2SP34, Ceri, Jean Meyriat, « Note sur l’étude des relations internationales », art. cité ; id., « Programme d’approfondissement de la documentation par unités géographiques », 13 novembre 1954.
21 Ibid., lettre de Jean-Baptiste Duroselle à Jean Touchard, 14 novembre 1954.
22 Ibid., Jean Meyriat, les citations sont tirées des deux notes précédemment citées.
23 Guy Hermet, « Jean Meyriat, entrepreneur en études internationales », dans Vivianne Couzinet, Jean-Michel Rauzier (dir.), Jean Meyriat, théoricien et praticien, op. cit., Guy Hermet, dans Journée d’études en hommage à Jean Meyriat, op. cit., notes prises par Marie Scot.
24 Voir Sabine Jansen, Les boîtes à idées de Marianne, op. cit., p. 135-144.
25 Iona Popa, « De la guerre mondiale à la guerre froide. Savants engagés, experts et savoirs sur l’espace russe, soviétique et est-européen. Le cas du Centre d’études russes de l’IEP Paris », 6e Congrès de l’Association française de Sociologie, Saint-Quentin-en-Yvelines, juin 2015.
26 L’ancien directeur de l’ELSP et directeur de Sciences Po (1936-1947), Roger Seydoux, poursuit sa carrière au sein de la direction des Affaires culturelles du MAE et le futur secrétaire général de la FNSP (1954-1971), Jean Touchard, en est issu. La présence de Jean-Baptiste Duroselle à l’université de Sarrebruck a également facilité l’obtention des financements.
27 Sabine Jansen, Les boîtes à idées, op. cit., p. 158.
28 Voir la contribution de Rainer Hudemann dans le présent volume.
29 C’est André Latreille qui rend compte de son ouvrage paru aux Puf, dans la collection « Bibliothèque de la science politique », dirigée par deux constitutionnalistes, Boris Mirkine-Guetzévitch, fondateur de l’École libre des hautes études de New York, et l’intellectuel catholique, alors député du RPF, Marcel Prélot.
30 Revue française de science politique, 4, 1952, p. 676-701.
31 Elle donne lieu à une publication, La politique étrangère et ses fondements, rapports préparés sous la direction de Jean-Baptiste Duroselle, introduction d’André Siegfried, Paris, Armand Colin (Cahiers de la FNSP, 55), 1954.
32 Voir Jean-Baptiste Duroselle, « L’élaboration de la politique étrangère de la France », Revue française de science politique, 3, 1956, p. 508-524.
33 Sc. Po, 2SP34, Jean-Baptiste Duroselle, « Note sur l’organisation d’un enseignement supérieur de science politique (relations internationales) », janvier ou février 1954 ; id., lettre à Jean Touchard, 14 novembre 1954.
34 Raymond Aron est un « compagnon de route » de l’IEP-FNSP dans les années 1950-1960 : il joue un rôle dans la fondation de l’Association française de science politique ; il siège au conseil de perfectionnement de l’IEP de 1957 à 1968 ; il assure des cours occasionnels semestriels à l’IEP de 1949 à 1957 en sciences politique et administrative (« Sociologie politique comparée : classe sociale et élite politique ») et en relations internationales au début des années 1960 (« Armements et relations internationales depuis 1945 » en 1962-1963, « Introduction à la stratégie atomique » en 1963-1964, « Théorie des crises internationales » en 1965-1966) ; il assure deux séminaires au lancement du troisième cycle de la FNSP (1957-1958, « La théorie des relations internationales » avec Duroselle ; 1958-1959, « Les élites en France ») mais est peu impliqué dans le développement de la recherche à Sciences Po.
35 Claire Toupin-Guyot, Les intellectuels catholiques dans la société française. Le Centre catholique des intellectuels français (1941-1976), Rennes, PUR, 2002, p. 54 et la contribution de Florian Michel dans le présent volume.
36 RAC, Ford Foundation Archives (FFA), Grant 58-116, lettre de Jean-Baptiste Duroselle à Shepard Stone expliquant l’échec de la candidature à la Sorbonne, 15 juillet 1956 ; lettre expliquant la corrélation entre l’obtention d’une Grant-in-Aid Ford et le détachement de Duroselle à la FNSP, 20 janvier 1958 ; lettre expliquant le renoncement au poste professoral de Lille, 18 novembre 1958.
37 Michael Pollak, « Paul F. Lazarsfeld, fondateur d’une multinationale scientifique », Actes de la recherche en sciences sociales, 25/1, 1979, p. 45-59.
38 La comparaison entre les effectifs d’étudiants en diplôme d’études supérieures des facultés de Lettres et du troisième cycle de la FNSP (35 étudiants dès la première année 1956, 50 étudiants sur deux ans en 1965) est significative ; voir la contribution de Christophe Charle dans le présent volume.
39 RAC-FFA, Grant 58-116, lettre de Jean-Baptiste Duroselle à Shepard Stone, 20 mars 1956.
40 RAC-RFA, 500S, NFPS, mémo de Tracy B. Kittredge à Sidney H. Walker, 25 octobre 1937.
41 Marie Scot, « L’influence intellectuelle et idéologique américaine sur la formation des élites en France. Le cas de Sciences Po (1945-1960) », maîtrise d’histoire, université de Paris 8, 2001.
42 Par exemple : des sommes exagérément modiques ; des demandes anachroniques de financement de travaux immobiliers ou de financement de mobilité courte relevant du dispositif Fulbright.
43 RAC-RFA, 500S, NFPS, lettres de Roger Seydoux à Joseph H. Willits, 30 octobre 1946 et 21 décembre 1945 ; réponse favorable de Joseph H. Willits à Roger Seydoux, 26 février 1946 et confirmation de Roger F. Evans à Roger Seydoux, 6 mars 1946.
44 Ludovic Tournès, « L’Institut scientifique de recherches économiques et sociales et les débuts de l’expertise économique en France (1933-1940) », Genèses, 65, 2006, p. 49-70 ; id., Sciences de l’homme et politique. Les fondations philanthropiques américaines en France au xxe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2011.
45 RAC-RFA, 500S, CEPE, lettre d’Étienne Dennery à Joseph H. Willits, 14 avril 1945.
46 Voir Sabine Jansen, Les boîtes à idées de Marianne, op. cit.
47 Sc. Po, 2SP40-42-43.
48 Laurence Badel, « Jean-Baptiste Duroselle, l’Européen atlantique », dans Denis Crouzet (dir.), Historiens d’Europe, historiens de l’Europe, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017, p. 334.
49 Voir la contribution de Frédéric Attal dans le présent ouvrage.
50 Voir la contribution de Florian Michel dans le présent ouvrage.
51 RAC-FFA, Grant 58-116, lettre de la FNSP à Shepard Stone, 26 octobre 1956.
52 Voir Laurence Badel, « Jean-Baptiste Duroselle, l’Européen atlantique », art. cité, p. 331-336.
53 Organisme de la SDN et de son Institut international de coopération intellectuelle (IICI), la Conférence permanente des hautes études internationales / International Studies Conference est établie en 1928 (rebaptisée en 1933) : elle réunit huit pays et quatre instituts internationaux dans une structure lâche, reposant sur des comités nationaux qui se réunissent en conférences annuelles et produisent des rapports. Plateforme de rencontres multidisciplinaires, l’ISC contribue à l’émergence et à la définition d’une discipline des RI. Après-guerre, cet organisme, en proie aux velléités réorganisatrices de l’Unesco, finit par disparaître, concurrencé par l’International Political Science Association (1949), puis par l’International Studies Association (1959).
54 RAC-RFA, 500S, NFPS [s. d.], 1957 ?, Jean-Baptiste Duroselle, Raymond Aron, Jacques Chapsal, « Note sur l’enseignement de la théorie politique à la FNSP de Paris et ses possibilités de développement », souligné dans le texte.
55 Ibid., Duroselle File, interview de Jean-Baptiste Duroselle par Kenneth W. Thompson, 21 octobre 1955 ; RAC-FFA, Grant-in-Aid 58-116, lettre de Jean-Baptiste Duroselle à Shepard Stone, 18 novembre 1958.
56 Cité par Laurence Badel, « Jean-Baptiste Duroselle, l’Européen atlantique », art. cité, p. 336.
57 Pour une analyse approfondie des apports du Ceri dans le développement de la discipline relations internationales, voir l’article de Sabine Jansen et Marie Scot, « Les relations internationales à Sciences Po. La naissance du Ceri et l’essor d’un champ disciplinaire (1945-1968) », Revue historique, 691, 2019, p. 669-704.
58 Sc. Po, 2SP34, lettre Jean-Baptiste Duroselle à Jean Touchard, 14 novembre 1954.
59 Ibid., 2SP13, Jean Touchard, note « Ébauche d’un programme pour la Fondation », 6 octobre 1954 ; id., « Note à usage interne sur le développement des activités scientifiques de la Fondation », 1954.
60 Immanuel Wallerstein, « The Unintended Consequences of Area Studies », dans Noam Chomski et al., Cold War and the University : Toward an Intellectual History of the Postwar Years, New York, The New Press, 1997, p. 195-231 ; David Szanton (dir.), The Politics of Knowledge : Area Studies and the Disciplines, Berkeley, University of California Press, 2004.
61 Brigitte Mazon, Aux origines de l’École des hautes études en sciences sociales, op. cit. ; Iona Popa, « International Construction of Area Studies in France during the Cold War : Insights from the École pratique des hautes études 6th Section », History of the Human Sciences, 29/4- 5, 2016, p. 125-150 ; id., « Aires culturelles et recompositions (inter) disciplinaires », art. cité.
62 RAC-RFA, 500S, NFPS, GiA 63059.
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Histoire et relations internationales
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