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Introduction. Histoire et relations internationales : la construction d’une discipline universitaire au défi du xxe siècle
p. 7-46
Texte intégral
1Le nationalisme historiographique a longtemps enfermé la genèse de l’histoire des relations internationales dans un face-à-face avec l’école des Annales ou dans une approche, marquée du sceau des influences, qui hissait les historiens français en haut d’une pyramide d’où aurait procédé la naissance de la discipline. Ces lectures, confortées par le processus cumulatif des autocitations ou de la reprise d’arguments établis, ont fini par restreindre notre réflexion et ont nourri les critiques de conservatisme adressées à la discipline1. Se vérifie ce qu’écrivait Christophe Charle ailleurs : « Les biographies toutes faites d’une partie de la population incitent souvent au recopiage paresseux des prédécesseurs, ce qui entretient la permanence de légendes pieuses remontant aux intéressés eux-mêmes2. »
2D’un côté, un topos bien enraciné dans l’historiographie française et internationale : celui d’une genèse, pensée dans un contexte franco-français sur le mode de la confrontation avec une école des Annales progressiste3. Le parallélisme de la naissance des Annales et de l’histoire des relations internationales a ainsi été souligné pour faire valoir la première aux dépens de la seconde qui aurait mis plus de temps à se débarrasser de sa gangue politique et événementielle. La genèse des Annales a souvent été présentée, pour reprendre les mots de John Harvey, « comme un récit chevaleresque de l’histoire de France en opposant l’innovation académique aux murs de la rivalité nationale et du conservatisme4 ». Ce récit a été en grande partie construit par les comptes rendus rageurs de Lucien Febvre de livres ressortissant à l’histoire diplomatique comme ceux d’Émile Bourgeois ou l’ouvrage collectif publié sous la direction d’Henri Hauser, Histoire diplomatique de l’Europe, qu’il assassine en 19315. Or l’affirmation de l’histoire des relations internationales ne peut se réduire à une réaction obsidionale face à un courant de pensée qui se pense et s’affirme comme le nouveau courant dominant. Elle a ses dynamiques internes, ses propres interlocuteurs, ses propres enjeux. Il importait donc de se dégager de la vulgate entretenue, après le second après-guerre, en raison des mauvaises relations bien réelles de Pierre Renouvin et de Fernand Braudel, des rivalités institutionnelles et des logiques éditoriales.
3D’un autre côté, l’on trouvait les récits traditionnels du passage d’une « histoire diplomatique » à une « histoire des relations internationales » et de l’émergence du concept clé associé à la discipline, celui des « forces profondes ». Ces récits ont été forgés par les constructeurs du domaine universitaire et leurs successeurs. Renouvin a élaboré lui-même en 1953 le récit des deux emprunts destinés à permettre, non l’histoire des « rapports entre les gouvernements », mais celle des « rapports entre les peuples ». Tout en reconnaissant ce qu’il devait à l’histoire « structurale » de Braudel et à l’histoire des idées de Federico Chabod, il continuait à s’inscrire dans une certaine continuité de l’histoire diplomatique6. Son successeur Jean-Baptiste Duroselle a mis en scène le récit de la rupture. Considérant les quatre volumes rédigés personnellement par Renouvin dans l’Histoire des relations internationales, publiée entre 1953 et 1958 chez Hachette, il commentait : « Comparer ces quatre volumes au Manuel d’histoire de politique étrangère d’Émile Bourgeois, c’est, en vérité, changer d’univers. D’un monde à deux dimensions, on passe à l’univers aux trois dimensions7. » Robert Frank parlait encore, en 2012, d’une « réflexion amorcée en 1931, précisée en 1934 avec la mention explicite des “forces profondes”, développée dans [un] texte de 1953, [et qui] trouve son aboutissement en 19648 ». La répétition et l’incantation ont évidemment une vertu pédagogique et mémorielle. Mais ce discours autocentré a fait négliger la participation des historiens français à la dynamique fondamentale qui a marqué la première partie du xxe siècle : le basculement du monde académique européen dans le système atlantique du fait de la dépendance financière nouvelle des Européens vis-à-vis des États-Unis, puis de l’émigration d’une partie des chercheurs européens persécutés par le nazisme dans ce pays. Les conditions de production de la recherche en histoire comme les débats sur l’usage social de celle-ci s’en sont trouvés fortement marqués.
4Depuis les années 2000 a émergé une génération nouvelle de politologues, revendiquant une approche socio-historique, c’est-à-dire fondée en partie sur la consultation de documents d’archives. Adeptes d’une lecture transnationale, nourrie par la lecture de sources émanant de fondations philanthropiques américaines, ils ont soumis la naissance de la discipline des relations internationales à cette grille. De leur côté, examinant la genèse discontinue de la revue des Annales, Harvey comme Peter Burke avaient pris du recul par rapport à des interprétations fondées sur l’usage exclusif d’une documentation européenne9. En mettant en valeur les sources américaines, ils avaient de facto inscrit la naissance des Annales dans un dialogue transatlantique. C’est un prisme similaire qui a inspiré, en France, la réflexion de deux politologues, Nicolas Guilhot et Antonin Cohen. À partir de la lecture des archives des fondations Rockefeller et Ford, le premier est revenu sur la naissance des relations internationales et a mis en valeur la place que tint l’historien Duroselle dans la construction du domaine universitaire dans la France des années 195010. Examinant la part prise par les fondations américaines dans la structuration des European studies, Antonin Cohen a fait un constat similaire11. Un rééquilibrage s’est donc opéré dans les années 2010, qui est passé notamment, nous avons déjà eu l’occasion de le souligner12, par la relecture critique de l’article ambivalent de Stanley Hoffmann paru dans Daedalus en 1977 : « An American Social Science : International Relations13 ». Réévaluation a été faite de la place précise que tinrent les émigrés qui, de la Russie à l’Europe centrale, quittèrent le continent européen dans les années 1930 et trouvèrent des positions académiques aux États-Unis14. Nicolas Guilhot a pu dès lors défendre l’idée d’un « processus de co-constitution » de la discipline des relations internationales dans les années 1950 en soulignant, notamment, la simultanéité du lancement du séminaire de William Fox à l’université de Columbia en 1956-1957, et de celui de Raymond Aron et Duroselle à l’Institut d’études politiques de Paris15.
5Le colloque international tenu à Paris du 7 au 9 juin 2017 a eu pour premier objectif de replacer à son tour le processus génétique de l’histoire des relations internationales dans une perspective élargie. Il s’est agi de décentrer la biographie de deux historiens emblématiques, figures tutélaires de la discipline, par une approche horizontale et croisée qui les réinsérait dans une communauté d’historiens, de politologues, de praticiens qui pensaient les mutations du xxe siècle naissant. La démarche biographique à l’origine du colloque ressortait, disons-le clairement, d’une préoccupation pratique. Elle exprimait la volonté de commencer à mettre en ordre la documentation manuscrite dont on disposait, volonté mue non par le fétichisme de la source écrite mais par la conscience précise que l’on se trouvait, avec ces deux générations d’historiens, presqu’à la fin programmée d’un monde : celui de la correspondance manuscrite, sur un support en papier, entretenue par des intellectuels une vie durant. Les archives de Duroselle ont donc été « retrouvées » à Munich, à l’Institut für Zeitgeschichte. De rares historiens connaissaient leur présence en Allemagne depuis le début des années 2000. Un certain nombre d’articles rassemblés ici en font valoir la richesse. Dorénavant, grâce à l’inventaire détaillé réalisé à cette occasion, elles sont accessibles à tous. En revanche, les archives de Renouvin demeuraient dispersées même si La contemporaine dispose d’un fonds dû à la part prise par le jeune historien à sa naissance, il y a un siècle. L’Institut Pierre-Renouvin conserve encore à la Sorbonne une partie de sa bibliothèque, les notes préparatoires pour ses cours dès 1925, les dossiers de ses relations avec les éditeurs des collections qu’il dirigeait, etc.16. Un autre document inédit, longtemps préservé par René Girault, le successeur de Duroselle, est réapparu à l’occasion du colloque de juin 2017 : le « journal » tenu par Renouvin durant l’Occupation. Robert Frank en donne une analyse fine au prisme de sa connaissance intime de la société française durant la Seconde Guerre mondiale. Au regard de l’expression très mesurée de l’historien, il est vraisemblable que le risque que le texte tombe dans des mains malintentionnées, et mette en péril en particulier la vie de son fils résistant, a pu conduire à une forme d’autocensure. Dans une lettre envoyée en novembre 1947 à son collègue américain Bernadotte E. Schmitt, que nous avons retrouvée à la bibliothèque du Congrès à Washington, il raconte n’avoir « quitté à aucun moment [s]a chaire à la Sorbonne » et avoir « eu la chance d’échapper à la Gestapo ». Il parle alors librement de ce fils et aussi de ce frère, arrêté en 1943, déporté et mort à Mauthausen17. Renouvin n’a pas écrit de livres sur la Seconde Guerre mondiale. L’historien constituait-il, avec ce journal, des annales destinées à alimenter une étude future ? Elle n’est jamais venue. Ces archives Renouvin ont vocation à rejoindre une grande institution de recherche.
6Notre démarche biographique rencontrait, toutefois, en tant que telle, ses limites. Allait-on répéter, pour eux-mêmes, deux faits par ailleurs essentiels ? À l’évidence, non. Les deux fondateurs français de la discipline ne sont pas, originellement, des spécialistes d’histoire diplomatique ; leur parcours professionnel a été réorienté par la guerre – la Première Guerre mondiale pour Renouvin ; la Seconde pour Duroselle – et par les options prises au sortir de la guerre. Il ne s’agissait pas non plus de faire le récit cumulatif et abstrait de deux parcours pour soupeser leur apport épistémologique. Nous avons voulu replacer leur activité dans des contextes politiques et sociaux excédant la seule communauté historique et scientifique pour examiner la possibilité de l’émergence d’un domaine universitaire nouveau : ce qu’on a appelé l’histoire des relations internationales. Dans cette perspective, nous avons éclairé les dynamiques qui ont placé Renouvin et Duroselle, chacun enraciné dans son époque, dans des décennies clés de cette structuration institutionnelle et intellectuelle, les années 1920 et les années 1950.
7Si la genèse de l’histoire économique et sociale et celle de l’histoire des relations internationales partagent, en France, une dynamique et un environnement de recherche nouveaux, elles ont donc, l’une comme l’autre, leurs spécificités. Nous démontrerons ici la singularité de l’histoire des relations internationales naissante au prisme d’un double risque assumé par Renouvin : celui de se constituer comme une histoire du temps présent, celle qui assume « la présence d’acteurs ayant vécu les événements étudiés par l’historien et capables éventuellement d’en témoigner18 », et celui de se penser comme un outil d’aide à la décision réservé à la sphère gouvernementale tout en assumant les débats intellectuels publics de son temps. L’analyse du parcours de Renouvin met en outre en lumière l’engagement très particulier des pouvoirs publics en France pour asseoir ce nouveau domaine universitaire. Au demeurant, la genèse de la discipline s’est inscrite dans un cadre spécifiquement européen, lié depuis l’époque moderne à la part prise par l’histoire des traités et l’histoire diplomatique dans la formation des diplomates, et aux débats qui ont eu lieu au moment de l’affirmation des États-nations au xixe siècle. Nous montrerons comment elle a participé de l’essor d’une pratique d’aide à la décision associant de manière institutionnelle l’expert universitaire au praticien et d’une réflexion sur le rôle social de l’historien dans le processus de rapprochement des peuples en rupture avec les pratiques de la guerre. Nous reviendrons sur le discours des origines pour apporter un certain nombre d’éléments nouveaux relatifs au concept phare de la discipline, celui des forces profondes. Enfin, nous montrerons que les années 1950 ont été la décennie cruciale dans l’affermissement de l’identité de la discipline historique face à la discipline sœur de la science politique et présenterons les grands traits de sa diffusion dans les pays francophones.
L’histoire des traités et l’histoire diplomatique, écoles de l’homme d’État
8Né en 1893, Renouvin se forme dans une France où l’histoire des relations internationales n’existe pas en tant que telle. Il n’est pas un spécialiste de ces questions. Son domaine à lui est celui de l’Ancien Régime et de la Révolution française. Les grands maîtres de la discipline historique sont alors Ernest Lavisse, Gabriel Monod, Charles Seignobos – dont le manuel Introduction aux études historiques, édité avec Charles Langlois en 1898, a été immédiatement traduit en anglais –, et Alphonse Aulard, titulaire sans discontinuer du cours d’histoire de la Révolution française, de 1885 à 1922, sous la direction duquel il fera sa thèse19. Dans cette Europe comme aux États-Unis, on débat avec vigueur des matériaux et de l’écriture de l’histoire. Une réflexion s’amorce aussi sur le rôle social de l’historien. Le débat international est favorisé par l’institutionnalisation de réseaux relationnels antérieurs existant entre les historiens – forgés par les séjours dans les universités étrangères, les correspondances individuelles, les conférences –, et grâce à l’essor d’une « diplomatie universitaire » et des congrès d’historiens20. Un tout premier congrès international des sciences historiques se tient en effet à La Haye en 1898, organisé par la Société d’histoire diplomatique, fondée à Paris douze ans plus tôt (1886), à l’initiative du médiéviste René de Maulde-La Clavière. Ce « prologue », comme l’a qualifié Karl Dietrich Erdmann, se prolonge avec le congrès suivant, à Paris en 1900, conçu comme un « Congrès d’histoire internationale comparée, embrassant, outre les relations directes des peuples, l’histoire comparée de l’art, de la littérature, des sciences naturelles, de la religion, etc.21 ».
9La communauté historienne dans laquelle s’inscrit Renouvin en France est cimentée par un credo méthodique marqué par la science allemande. Beaucoup d’historiens français – notamment Monod et Seignobos – ont complété leur formation par des études en Allemagne. Ils sont très sensibles aux thèses de l’historien Leopold von Ranke qui a remis en cause les philosophies de l’histoire et défendu une approche scientifique, « objective ». Dans leur Introduction, Langlois et Seignobos mentionnent le « mot fameux de Ranke : “Je veux dire comment cela a été en réalité” [wie es eigentlich gewesen]22 ». Cette démarche est celle de l’historien Albert Sorel, qui explique à ses étudiants de l’École libre des sciences politiques (ELSP) :
Je rendais ainsi les choses telles qu’elles m’étaient données, et il m’était permis de tirer parti des documents mélangés que j’avais entre les mains : je présentais à l’auditeur des faits, rien que des faits, tous ceux que j’avais pu rassembler [… ]23.
10Renouvin a été formé selon les normes établies par l’école méthodique française :
L’histoire se fait avec des documents. Les documents sont les traces qu’ont laissées les pensées et les actes des hommes d’autrefois24 […]. Faute de documents, l’histoire d’immenses périodes du passé de l’humanité est à jamais insaisissable. Car rien ne supplée aux documents : pas de documents, pas d’histoire25.
11Il adhère à ce principe, se contentant d’élargir le corpus de l’histoire diplomatique : aux côtés de sources d’archives, le jeune historien valorise en particulier le document de presse écrite. Un élément encore plus déterminant va peser sur la pratique de Renouvin : ce qui ressort de la « construction historique ». Langlois et Seignobos affirment un principe : « La construction ne doit pas être dirigée par le plan idéal de la science que nous désirerions construire ; elle dépend des matériaux réels dont nous disposons26 », principe lourd de conséquences, que Renouvin respecte pendant toute son activité professionnelle et qui oriente ses comptes rendus de livres. Il attache aussi, jusqu’à la fin de sa carrière, une importance capitale à la citation des ouvrages mobilisés dans ses travaux et veille, au-delà de la citation de ses propres livres, à soutenir celle des livres des historiens français. Ainsi en 1931, il reproche à Bernadotte E. Schmitt, professeur à Chicago, qui vient tout juste d’obtenir le prix Pulitzer pour son livre The Coming of the War, 1914, de n’avoir fait aucune allusion à son propre livre sur Les origines immédiates de la guerre (28 juin-4 août 1914) paru en 1925 et traduit en anglais en 1928, alors même que sa critique des documents l’a conduit à des « résultats sensiblement analogues » et des interprétations conformes aux siennes27, les deux hommes étant sur la même ligne face à l’interprétation de Sidney Fay (The Origins of the World War, 1928). Schmitt rétorquera qu’il a pris le parti de ne citer que les livres avec lesquels il était en désaccord et arguera : « Il m’a semblé plus sage de faire référence à des documents plutôt qu’aux écrits d’autres personnes sur le même sujet28. » En 1962, commentant le livre de Fritz Fischer dans la Revue historique, Renouvin fait observer, en note, que celui-ci « ne connaît à peu près rien des publications faites en France », ce qui entraîne des mentions des livres français dans les publications ultérieures de Fischer comme le rappelle Ulrich Pfeil dans le présent volume.
12Dans la seconde partie du xixe siècle, les historiens européens qui traitent les questions internationales écrivent tous une histoire des politiques extérieures des États dans une perspective rankéenne. Ranke en a, en effet, posé les fondements méthodologiques en affirmant deux principes : la primauté de l’État comme acteur central des relations internationales et le primat de la politique extérieure. Comme ses collègues, il raisonne à partir de l’observation du système international issu de la chute de l’Empire napoléonien, le Concert européen. Pour lui, les grandes puissances sont les acteurs de l’histoire. Il affirme qu’il existe une politique extérieure, souveraine et indépendante de la politique intérieure et des sociétés. Dans l’opuscule Politisches Gespräch paru en 1836, il écrit : « Le niveau d’indépendance donne à un État sa position dans le monde ; il lui imprime en même temps la nécessité d’établir toutes les conditions internes pour s’affirmer. C’est sa loi suprême29. » En France, Sorel s’inscrit dans cette tradition. Selon le modèle de formation et de recrutement qui prévaut encore, il a bénéficié du patronage de l’ancien ministre des Affaires étrangères François Guizot pour entrer au Quai d’Orsay. À l’hiver 1870-1871, il a été chargé, avec le philosophe Théophile Funck-Brentano, de rassembler les documents attestant les exactions allemandes sur le territoire français et d’en informer le gouvernement anglais30. En février 1872, il prononce son premier cours d’histoire diplomatique à la nouvelle ELSP, où il a été recommandé au directeur Émile Boutmy par Hippolyte Taine, et demande sa mise en disponibilité du ministère. Il donne ce cours de 1872 à 1904. On le voit donc, Sorel s’est formé à l’histoire diplomatique par sa pratique diplomatique et par sa lecture des archives diplomatiques. L’histoire diplomatique naissante entretient une relation intime avec les archives étatiques.
13Cette intimité entre le métier de diplomate, le document d’archive et l’histoire est renforcée par la création d’une Société d’histoire diplomatique fondée en mai 1886, véritable conservatoire des pratiques de l’« ancienne diplomatie », observatoire lucide des évolutions en cours et éditrice de la Revue d’histoire diplomatique, qui accueille les articles des diplomates comme des historiens31. Dans le sillage de Sorel, les historiens français se concentrent sur l’examen de la politique extérieure de la France. Dans le Guide de l’étudiant en histoire moderne et contemporaine qu’ils font paraître en 1949, Camille Bloch et Renouvin inscrivent encore les ouvrages honnis par Febvre, devenus de véritables classiques, parmi leurs recommandations bibliographiques sous la rubrique « histoire diplomatique32 » : ceux d’Émile Bourgeois, Manuel historique de politique étrangère, parus en quatre volumes entre 1892 et 1931, de Sorel, L’Europe et la Révolution française, paru en neuf volumes entre 1865 et 1911, et celui coordonné par Hauser, Histoire diplomatique de l’Europe, en deux volumes, parus en 1929. Ils y ajoutent deux livres de l’historien américain William Langer, European Alliances and Alignments (1871-1891), paru en 1931, et The Diplomacy of Imperialism (1890-1902), paru en 1935, dont Renouvin a fait le compte rendu33. Ces ouvrages demeurent le fonds commun de l’histoire des relations internationales en France jusqu’au début des années 1950 avec le lancement de l’Histoire des relations internationales, coordonnée par Renouvin, qui commence à paraître chez Hachette, en 1953.
14La rédaction en 1877 par Sorel avec Théophile Funck-Brentano, enseignant comme lui à l’ELSP, d’un Précis du droit des gens attire l’attention sur une autre liaison intime entretenue par l’histoire diplomatique : sa relation avec le droit international et l’histoire des traités. Cette histoire des traités, fondée sur la constitution de recueils de traités de paix, est un genre historique à part entière en Europe depuis le xviie siècle, illustré par des noms célèbres, à commencer par ceux de Jean-Yves de Saint-Prest et de Christophe Guillaume Koch. Sa finalité pédagogique est claire. Saint-Prest était le directeur du dépôt des archives des Affaires étrangères et de l’académie de Torcy34. Son Histoire des traités de paix et autres négociations du dix-septième siècle se présente, dès la couverture, comme « nécessaire aux ministres publics et autres négociateurs et [pouvant] servir d’introduction au corps diplomatique ». L’auteur s’en explique longuement dans sa préface35. Koch, quant à lui, était professeur de droit et de science politique à Strasbourg et dirigea, de 1771 à 1789, l’école diplomatique fondée par son maître Jean-Daniel Schoepflin36. Dans son « Introduction à l’histoire des traités », Koch présente le lectorat visé : « tous ceux qui ont le maniement des affaires publiques ou qui y aspirent », et l’objectif, conduire
à la vraie connaissance de l’histoire […]. La connaissance d’un traité suppose celle de la guerre et des négociations dont il a été précédé. Les objets politiques qui ont occasionné la guerre, déterminent aussi la paix, et l’histoire de la négociation d’un traité en est souvent le meilleur commentaire37.
15Le genre se maintient au xixe siècle38. L’histoire des traités demeure un matériau essentiel pour les juristes internationalistes au xixe siècle dont elle constitue une branche auxiliaire. Le livre de Charles de Martens, réédité en 1854, qui est entièrement dédié au seul droit diplomatique, recense dans sa section III les grands titres toujours en vigueur de Johann Christian Lünig, Jean Dumont, Saint-Prest, J. A. W. Wenck, Georg Friedrich von Martens, du comte de Garden, etc. et l’Abrégé de Koch, dans la version refondue par Frédéric Schoell en 1817-181839. Elle faisait partie des matières qui figuraient à l’examen d’entrée dans la carrière diplomatique du royaume de Piémont-Sardaigne depuis 1849. Dans le contexte spécifique de l’unification politique de la péninsule italienne, qui engendre la nécessité de former les nouvelles élites dirigeantes, l’enseignement de l’histoire des traités est introduit à Rome, Gênes et Bologne, Naples et Parme à la fin des années 1870, début des années 1880, puis à Pavie et Sassari dans les années 1900, comme le rappelle ici David Burigana.
16Le livre du juriste russe Frédéric de Martens, Traité de droit international (1883), marque un tournant important en ce qu’il établit la jonction explicite entre le droit international et ce qu’il appelle « histoire des relations internationales40 ». Assumant une démarche différente par rapport à celle de ses collègues juristes, il y affirme la prééminence de « l’histoire des relations générales des peuples41 ». Il fonde aussi une démarche pensant l’interrelation entre politique intérieure et politique extérieure :
L’organisation et la vie intérieure d’un État doivent servir à faire connaître sa part d’influence et la direction de sa politique dans les relations extérieures, et que, par réciprocité, les rapports entre les nations sont toujours comme un miroir où se reflètent exactement, et la situation intérieure des sociétés et les principes servant de base à leur édifice politique et social42.
17Dans la construction de son livre, il s’écarte délibérément d’une histoire des traités. Il se donne pour objectif :
Non pas de raconter simplement les faits et les manifestations de la vie internationale, non pas d’énumérer toutes les guerres, toutes les négociations diplomatiques, tous les traités conclus entre les diverses nations depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, mais de caractériser les idées qui ont déterminé les rapports entre les États et le droit qui régit ces rapports43.
18En esquissant une histoire des idées politiques – hégémonie, équilibre, nationalités, droit – qui structurent les systèmes internationaux, en proposant une périodisation de l’histoire des relations internationales et du droit international, Martens fraie la voie à une analyse plurifactorielle des relations internationales.
19Ainsi, l’histoire diplomatique s’inscrit dans la continuité d’une pratique de formation des élites dirigeantes par l’archive et l’histoire, consacrée par l’histoire des traités. En France, la relation entre praticiens et historiens s’est nouée sous la Révolution française lors de l’institution du Bureau d’analyse et de précis historique de la commission des Relations extérieures, fondé le 24 octobre 179444. L’expertise y est conduite par des hommes n’appartenant pas au milieu diplomatique, requis pour leur compétence spécifique comme l’historien Louis-Pierre Anquetil. Sous la IIIe République, l’histoire forme des citoyens pour la nation, et, plus spécifiquement, l’histoire diplomatique forme, par la méditation des négociations passées, les futurs diplomates45. S’appuyant sur ce que prescrivait Alexis de Tocqueville à un jeune attaché d’ambassade – « L’histoire en général, et en particulier celle des principaux traités, c’est le bréviaire d’un diplomate » –, Sorel s’y emploie, lui pour qui l’enseignement de l’histoire diplomatique a une « raison d’être nationale ».
Cette science, ajoute-t-il, est par excellence une science d’État. L’enseignement de l’histoire diplomatique fournit aux futurs diplomates une série d’expériences bien déterminées et une série de notions qui leur sont indispensables […]. L’histoire qui se fait pour l’avenir ne vit pas d’autres éléments que celle qui s’est faite dans le passé46.
20La notion de science d’État renvoie au développement des sciences camérales, c’est-à-dire des sciences gouvernementales, ou sciences politiques, dont l’essor est lié au service du pouvoir absolutiste en Autriche et en Prusse depuis la fin du xviie siècle.
21En Angleterre, John R. Seeley, professeur d’histoire moderne à l’université de Cambridge, a promu l’histoire comme école de l’homme d’État. La notion d’homme d’État, le statista italien, qui prend aussi sa source au xviie siècle, ne désigne plus tant au xixe siècle celui qui exerce ou a exercé de hautes charges gouvernementales que l’individu qui personnifie l’État comme acteur international. Lors de sa leçon inaugurale à l’université de Cambridge, en 1870, Seeley affirme pour la première fois que « l’histoire est l’école de l’homme d’État47 ». Son but est « de faire de l’histoire passée de l’Angleterre, un guide pour sa future politique et par conséquent une source d’instruction solide pour l’homme politique48 ». Il reprend cette idée en 1881 :
Toute notre vision de l’utilisation de l’histoire change si nous donnons à l’histoire contemporaine la place qui lui revient, et encore plus si nous la considérons en même temps comme débouchant sur une science des États. Vu sous cet angle, elle ne peut pas être minimisée par l’homme le plus pragmatique ; vu sous cet angle, elle traite évidemment des mêmes questions que la politique, elle n’est ni plus ni moins que le côté théorique de la politique, l’étude et l’école de l’homme d’État49.
22Le jugement rétrospectif émis en 1966 par Ernest Llewellyn Woodward, professeur à Oxford, doit donc être nuancé. L’historien britannique avait remis en cause la formation humaniste des élites britanniques au xixe siècle et s’était inquiété que « la classe gouvernante anglaise […] [fasse] son entrée en politique ou dans le service public ou dans le métier en en sachant moins sur l’état du monde contemporain qu’elle n’en savait sur la Grèce antique ou sur Rome50 ». Certes encore peu assidus à l’époque victorienne, les diplomates britanniques avaient néanmoins commencé à fréquenter les universités à la fin du siècle. Balliol (Oxford) était devenu clairement associé à la formation des diplomates et des fonctionnaires coloniaux. Dans ce cadre, ils s’ouvraient à l’histoire moderne. Bien que non formé dans les collèges britanniques mais éduqué en Allemagne en raison du travail de son père, le jeune Eyre Crowe manifestait aussi une grande avidité pour l’histoire de l’Europe : il avait dévoré Ranke et Treitschke51.
23Il existe bien un enjeu clairement formulé pour les historiens de la diplomatie, en activité dans le dernier quart du xixe siècle et dans les décennies suivantes : contribuer par leurs écrits à former la conscience nationale et les représentations des responsables des questions internationales. Cela explique qu’ils aient peut-être été les seuls parmi les historiens européens du dernier quart du xixe siècle, comme le soulignait Henry Rousso, à avoir assumé le risque d’une histoire du temps présent52, alors qu’aux États-Unis, à la même époque, « on ne note ni suspicions, ni rejet particulier de l’histoire contemporaine53 ».
24Un groupe d’historiens américains regroupés autour de l’université de Columbia, à New York – James Harvey Robinson, James Shotwell, Charles Beard, Harry Elmer Barnes –, se préoccupe en outre d’élargir les centres d’intérêt des historiens traitant des problèmes internationaux54. Leur réflexion est loin d’être le fruit d’une pensée nationale qui se serait développée de manière endogène. Ils ont lu les historiens européens et ont parfois étudié dans une université européenne, allemande en particulier. Le parcours de leur figure de proue, Robinson, l’illustre. Formé d’abord à Harvard, puis ayant poursuivi ses études doctorales en Europe (diplômé de Fribourg-en-Brisgau), il a commencé à enseigner l’histoire moderne à l’université de Pennsylvanie en 1891, puis est devenu professeur à Columbia en 1895. Il prend progressivement la tête d’un groupe de « Nouveaux historiens », progressistes dans leur engagement politique, encourageant l’élargissement des centres d’intérêt des historiens aux domaines social, économique, culturel, les incitant à repenser la relation de l’histoire aux problèmes contemporains et à favoriser son rapprochement avec les nouvelles sciences sociales – anthropologie, psychologie, sociologie. Dans un article fondateur, « The New History », dont une première version a été esquissée en 1900, Robinson remettait en cause la prédilection des historiens pour une histoire strictement politique :
La vraie question est de savoir si notre parti pris pour l’histoire politique ne nous a pas conduits à inclure un grand nombre de détails insignifiants sur les dynasties et l’histoire militaire qui ne font que déconcerter le lecteur et occupent un espace précieux qui devrait être consacré à certaines grandes questions jusqu’ici négligées […]. L’homme est plus qu’un guerrier, un sujet ou un chef princier ; l’État n’est en aucun cas son seul intérêt […]. [Pourtant] l’histoire politique conserve encore sa position suprême, et les événements politiques du passé sont encore considérés par le public comme l’histoire par excellence55.
25Leur engagement est sous-tendu par un idéal positiviste et idéaliste clairement affiché :
Nous devons développer la mentalité historique à une échelle beaucoup plus généreuse que jusqu’à présent, car cela ajoutera un élément encore manquant dans notre bagage intellectuel et favorisera le progrès rationnel comme rien d’autre ne peut le faire56.
26Ils fondent ainsi une démarche interdisciplinaire incarnée par l’affirmation de Robinson :
Jusqu’à présent, le présent a été la victime volontaire du passé ; le moment est venu de tourner le passé et de l’exploiter dans l’intérêt du progrès. La « Nouvelle histoire » échappe aux limites autrefois imposées à l’étude du passé. Elle viendra à temps pour répondre consciemment à nos besoins quotidiens ; elle se servira de toutes les découvertes qui sont faites sur l’humanité par les anthropologues, les économistes, les psychologues et les sociologues – découvertes qui, au cours des cinquante dernières années, ont servi à révolutionner nos idées sur l’origine, le progrès et la perspective de notre race57.
27Certains de ces historiens amorcent une conversion professionnelle avant la Première Guerre mondiale, tel Shotwell qui, après avoir conduit des recherches sur le Moyen Âge, réoriente ses cours d’histoire sociale après 1908 vers le traitement des effets des révolutions industrielles et technologiques sur les sociétés contemporaines. La guerre a néanmoins des conséquences décisives, tant sur leurs méthodes de travail que sur leur engagement dans la vie de la cité.
Le rôle social de l’historien : entre aide à la décision et engagement politique
28S’il existe, de fait, un débat antérieur sur l’analyse des politiques extérieures et la manière de penser les évolutions des politiques mondiales58, la construction institutionnelle du domaine universitaire tant dans le domaine de la science politique que de l’histoire n’intervient qu’au sortir du conflit. La Première Guerre mondiale a d’abord favorisé la convergence d’initiatives et l’institution des relations internationales au rang des nouvelles sciences sociales avec un objectif politique clairement formulé : maintenir la paix, prévenir les conflits. Dans ce domaine, la réflexion avait été essentiellement nourrie, dans la sphère académique, par les études des juristes internationalistes et une première mise en œuvre stimulée par la Dotation Carnegie, fondée en 1910, première fondation philanthropique à agir dans le domaine des politiques internationales. La présence significative d’historiens aux côtés des diplomates et des hommes politiques dans les grandes instances d’expertise – française (Comité d’études, février 1917)59, américaine (Inquiry, septembre 1917)60 et britannique (Political Intelligence Department, février-mars 1918)61 – qui présidèrent à la préparation des dossiers des négociateurs pour la conférence de la Paix de 1919, la présence de certains historiens dans les délégations diplomatiques à la conférence créèrent un fait sans précédent. À l’intersection du monde académique et du monde politique, une relation s’affermit, aujourd’hui bien mieux documentée qu’il y a encore quelques années62.
29Le besoin d’aide à la décision en matière de relations internationales entraîne la naissance des premiers think tanks et des premières chaires académiques. La genèse de ces institutions exprime indéniablement le nouveau rapport des forces économiques entre les États-Unis d’Amérique et l’Europe. Pendant la conférence de la Paix, une première discussion a lieu entre les deux délégations anglo-saxonnes qui souhaitent continuer à travailler ensemble. Le 30 mai 1919, une réunion à l’hôtel Majestic, siège de la délégation britannique, décide la création d’un institut binational pour les relations internationales, mais la décision n’est pas suivie d’effet. Le 5 juillet 1920, le cercle fondateur britannique autour de Lionel Curtis et Lord Robert Cecil ouvre à Londres le British Institute of International Affairs, qui prend le nom de Royal Institute en 1926 : Chatham House est né63. Il est soutenu par des industriels, banquiers et assureurs britanniques et par les fondations Carnegie et Rockefeller. Le Council for Foreign Affairs voit le jour le 29 juillet 1921. Dans les années qui suivent, les think tanks dédiés aux questions internationales se multiplient. L’Institute of Pacific Relations est fondé en 192564, le Canadian Institute of International Affairs en 192865. Les premières chaires académiques en International Relations et International History sont créées à l’initiative, non de l’État, mais de philanthropes issus des milieux d’affaires. Les premières apparaissent à l’University College Wales, à Aberystwyth (Pays de Galles), en 1919, avec la création de la Woodrow Wilson Chair par David Davies, confiée à Alfred Zimmern (1919-1921), puis à Charles Webster (1922-1932) ; à la London School of Economics and Politics (LSE), en 1924, avec la création de la Ernst Cassel Chair, confiée à Philip Noel-Baker (1924-1929), puis à Charles Manning (1930-1962) ; à Jérusalem et Oxford, avec la création de la Montague Burton Professorship of International Relations, respectivement en 1929 et 1930. Celle d’Oxford fut ouverte par Zimmern (1930-1944), puis occupée par Sir Llewellyn Woodward (1944-1947). Une toute première chaire en International History, la Stevenson Chair, est fondée en 1925 à la LSE par Sir Daniel Stevenson et confiée à Arnold Toynbee, Webster (1932-1953), puis William N. Medlicott (1953-1967)66, James Joll (1967-1981), Donald C. Watt, etc.
30La formation des responsables de l’action publique internationale continue d’être assurée au niveau national. Ainsi, en France, deux nouveaux instituts sont créés : l’Institut des hautes études internationales (IHEI) et l’Institut d’histoire des relations internationales contemporaines (IHRIC), toujours en activité. Le premier, né en 1920 comme École internationale de droit international et installé dans les locaux de la faculté de droit de Paris, place du Panthéon, à l’initiative de trois juristes internationalistes, Alejandro Alvarez, Paul Fauchille et Albert de Lapradelle, et soutenu par la Dotation Carnegie67, avait l’ambition d’offrir un enseignement reposant sur un recrutement international des enseignants et des étudiants, de préparer ces derniers à certaines carrières – diplomatie et consulats, magistrature et barreau, commerce et finances –, en particulier de former les « nouveaux diplomates des États, surtout de ceux des États récemment créés et [en aidant] à la formation des hommes appelés à juger ou à défendre dans la future Cour de justice internationale68 ». Parmi les matières devant être enseignées, ressortissant toutes du droit international, figurait nommément « l’histoire des relations internationales69 ». Le second avait été conçu initialement comme un « Institut d’études des relations internationales depuis 1870 ». Un premier projet de statuts, rédigé par Renouvin et André Honnorat, fut présenté au Conseil de l’Université de Paris le 26 février 1935 et l’IHRIC fut créé le 20 janvier 1936. La Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) et le musée de la Grande-Guerre lui furent alors rattachés. Dans les années 1950, les activités de l’IHRIC et de la BDIC se séparent et Renouvin souhaite en faire un organisme de recherches70.
31La formation des fonctionnaires internationaux commence également à être prise en charge au niveau international. Une réflexion est conduite dans le cadre de l’Institut international de coopération intellectuelle (IICI) et donne naissance à une Conférence permanente des hautes études internationales71. L’Institut universitaire des hautes études internationales (IUHEI) est créé à Genève en 1927 pour former les élites aux enjeux internationaux et, en particulier, le personnel de la Société des nations (SDN)72. Encore à la tête de la section des mandats de la SDN (1920-1924), William Rappard en a eu l’idée et la met en œuvre grâce au soutien financier du Laura Spelmann Rockefeller Memorial. De manière symptomatique, lui aussi parla de l’Institut comme d’une « école pour hommes d’État73 ». Il le développa à partir de 1928 avec Paul Mantoux, anciennement interprète à la conférence de la Paix et qui venait de diriger la section politique de la SDN (1920-1927)74. Quand Jacques Freymond prend la tête de l’IUHEI en 1955 – et entre immédiatement en relations avec Duroselle comme le rappelle ici Antoine Fleury –, il ravive ce projet de formation des futures élites dirigeantes tout en réorientant son action, dans le contexte de la guerre froide, vers les États d’Afrique et d’Asie75.
32Face au dynamisme de la discipline des relations internationales dans le monde anglo-saxon, la lenteur de son développement en Allemagne est frappante. Elle a été attribuée au climat antilibéral du Reich wilhelmien et à une tradition scientifique conservatrice, à un engagement mondial tardif du Reich, à la défaite et à la perte de ses colonies. Toutefois, des instituts régionaux ont été mis en place : Osteuropa à Breslau (1918), le Nordische Institut à l’université de Greisfeld (1918), l’Ibero-amerikanischer Institut à Hambourg (1917) et Berlin (1929)76. La Deutsche Hochschule für Politik, établissement privé, est instituée en 1920. Elle est choisie par la Dotation Carnegie pour y créer, en 1927, une chaire Carnegie pour la politique extérieure et l’histoire, occupée, en alternance, par des new historians : Beard, Nicholas M. Butler et Shotwell77. En octobre 1931, la Carnegie finance la création d’une Académie de la paix. Le Hamburger Institut für auswärtige Politik, fondé par le professeur de droit Albrecht Mendelssohn Bartholdy, ancien membre de la délégation allemande à Versailles, s’affirme comme le modeste partenaire allemand de Chatham House78. Si l’on a pu parler de « retard » allemand, que dire de la création encore plus tardive des think tanks italien et français ? Il faudrait, en ce sens, plutôt parler d’un « décalage » continental. En Italie, l’Istituto per gli studi di politica internazionale (Ispi) est créé sous le régime fasciste par un groupe d’universitaires fédérés par Pierfranco Gaslini, à Milan en 193379. Porteur d’une vision alternative à l’ordre de Versailles, l’Ispi est soutenu rapidement par l’industriel lombard Alberto Pirelli, ancien membre de la délégation italienne à la conférence de la Paix, qui attire dans son sillage d’autres industriels italiens comme Gino Olivetti ou Giuseppe Volpi di Misurata80. Comme le souligne ici David Burigana, la collaboration initiée par l’Ispi et Gioacchino Volpe et son École des sciences politiques de Rome, à la fin des années 1930, a été l’une des voies empruntées par l’histoire des relations internationales pour s’affirmer comme champ académique en Italie. Le projet d’écrire une histoire de la politique étrangère italienne (Storia della politica estera italiana dal 1861 al 1914) émerge à ce moment-là, sous la direction de Volpe, Walter Maturi, Carlo Morandi, Augusto Torre et Chabod. En France, la structuration du champ des relations internationales reste imparfaitement maîtrisée par l’État des années 1930 aux années 1950 comme l’attestent le Centre d’études de politique étrangère (CEPE) créé en 193581, puis le Centre d’études des relations internationales (Ceri) fondé à Sciences Po, en 1952. Le CEPE est subventionné de 1935 à 1940 par la fondation Rockefeller tandis que le Ceri est soutenu par la fondation Ford82.
33Les recherches originales d’Andrew Barros, conduites dans les papiers de Shotwell et les fonds de la Dotation Carnegie, sur les liens établis par Shotwell avec la Bibliothèque et musée de la Guerre (BMG) permettent aujourd’hui de renouveler radicalement notre regard sur la manière dont le jeune Renouvin s’insère dans le dispositif. La création de la BMG, dont il va s’occuper aux côtés de Bloch, exprime l’ambition précoce de l’État français : participer à la compétition internationale en matière documentaire pour attirer les meilleurs étudiants et scientifiques et fournir un matériau, directement opérationnel, pour les responsables politiques. La même préoccupation documentaire est réaffirmée à l’ELSP après la Seconde Guerre mondiale et est à l’origine du Ceri comme le remarquent ici Sabine Jansen et Marie Scot. Fondée en 1917, la BMG a eu une activité précoce de think tank avant la lettre, en constituant des dossiers pour les services de l’État sur les sujets brûlants de l’heure comme celui des réparations et du remboursement des dettes de guerre. Cela explique que tous les ministères ayant à l’époque une vocation internationale aient été sensibilisés à la nécessité de soutenir ses initiatives. En particulier, l’État mit à sa disposition ses réseaux militaires (2e Bureau) et diplomatiques pour collecter, aux quatre coins du monde, en passant par la Roumanie et l’Abyssinie, des informations sur les sociétés en guerre. Dans un réflexe propre à la Première Guerre mondiale et qui se systématise, on pense la reconstruction, dans ce domaine intellectuel comme dans d’autres domaines – par exemple l’expansion économique –, sur le mode de la comparaison internationale. Renouvin a ainsi clairement en tête l’Imperial War Museum (1917) et sa dimension mémorielle dont il entend se démarquer. Et tout aussi clairement, la BMG, internationaliste dans ses pratiques, a donc, à l’origine, une vocation nationale.
34La naissance de la BMG s’inscrit dans ce « moment documentaire » dont avait parlé Valérie Tesnière dans un article antérieur, soulignant que la guerre de 1914-1918 avait élargi la collecte d’informations aux enjeux diplomatiques et politiques, et plus uniquement économiques et sociaux83. Ce fut le cas de la British Library of Political Science de la LSE, fondée en 1896, un an après l’ouverture de cette dernière84. Les années 1920 consacrent l’essor de structures documentaires, encore inscrites pour beaucoup d’entre elles dans le cadre traditionnel des bibliothèques. L’initiative française précède la rencontre de Shotwell et de Bloch, le 11 janvier 1921, à la BMG. Repéré par le colonel House en 1917 pour son engagement en faveur de la mobilisation des historiens dans l’effort de guerre, Shotwell avait participé au petit noyau fondateur de l’Inquiry, puis était devenu un animateur de la Dotation Carnegie, qui l’avait approché en vain avant le conflit85. En juillet 1919, Shotwell avait établi son bureau à Londres, hébergé par la LSE. Un an et demi plus tard, il se préoccupe d’établir une collaboration de la fondation américaine avec la BMG et d’obtenir la rédaction d’une Bibliographie méthodique de l’histoire économique et sociale de la France, qui sera publiée par Bloch en 1925 dans la série dirigée par Shotwell, aux côtés du livre de Renouvin sur Les formes du gouvernement de guerre. Cette série « Histoire économique et sociale de la guerre mondiale », dont la portée a été mise au jour par Alain Chatriot, comportait cent cinquante volumes86. Elle avait été conçue en 1911-1912 comme une application du programme par les historiens américains se réclamant de la New History, dans le cadre de la division Économie, politique et histoire de la fondation, dans le but de faire une étude scientifique des causes des guerres. De fait, une première série de livres fut bien publiée sous le titre Études préliminaires sur la guerre, mais une reformulation du projet eut lieu du fait du déclenchement de la guerre ; Shotwell y prit une part déterminante.
35Le lien établi avec la BMG explique comment Shotwell entra en contact avec Renouvin, lui proposa de publier dans la série et l’intégra à chaque étape du développement des activités de la Dotation Carnegie en France. En effet, tout en commençant à enseigner l’histoire de la guerre en 1922, comme chargé de cours à la Sorbonne, à la demande expresse du ministre de l’Instruction publique, Renouvin commença aussi à faire cours pour le Centre européen de la Dotation Carnegie, établi à Paris en 1912. L’Institut d’études politiques de Paris – ex-ELSP – hérita en 1950 de la riche collection de livres et de périodiques de ce centre quand la Dotation mit un terme à ses activités de documentation. Renouvin publia en outre régulièrement des articles dans la revue de la fondation, L’esprit international, dont il assura dès le début en 1927 le secrétariat du comité de rédaction. Le lien avec la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine – nouveau nom de la BMG – est clairement assumé dans le tout premier numéro :
Les lecteurs de la Revue qui désirent obtenir des indications bibliographiques sur les questions internationales contemporaines peuvent s’adresser au secrétariat de rédaction, qui transmettra leur demande à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (château de Vincennes, Seine). Cette Bibliothèque, par suite d’un accord passé avec le Centre européen de la Dotation Carnegie, a bien voulu, grâce à l’organisation spéciale qu’elle possède, se charger de répondre à ces demandes de renseignements.
36Les liens de Renouvin avec la Dotation se situent donc à trois niveaux : il travaille à la BMG, il publie et enseigne en partie sous l’égide de la fondation ; enfin, l’appui de Shotwell favorise la traduction immédiate de deux de ses livres : Les origines immédiates de la guerre (1925, trad. 1926) et Les formes du gouvernement de guerre (1925, trad. 1927).
37Dans ce contexte se constitue l’une de ces communautés épistémiques dont nous sommes friands, en l’occurrence dédiée aux relations internationales. Dans cette communauté hétérogène, les hommes qui traitent des relations internationales au début du xxe siècle viennent d’horizons divers : du droit international, de la science politique, de l’histoire de l’Antiquité (Zimmern, James Bryce), de l’histoire médiévale (Shotwell) ou de l’histoire de la Révolution française (Bloch, Renouvin). Des liens interpersonnels se créent, des pratiques s’instaurent, qui survivent à la guerre. Jacques Freymond, né en 1911, et Duroselle, né en 1917, incarnent très exactement la seconde génération d’historiens qui va tirer profit de l’évergétisme des fondations philanthropiques. Freymond bénéficia d’un premier fellowship accordé le 30 décembre 1949 par la fondation Rockefeller87. Dès ses débuts à la tête de l’IUHEI en 1955, il reçut la visite de Kenneth W. Thompson, qui le recommanda à la fondation88. Il se rapprocha au même moment de Duroselle. Les deux hommes ont été pris dans une même dynamique atlantique, fruit des deux guerres mondiales, et renforcée par l’entrée en guerre froide89.
38Ne nous y trompons pas. Si nous percevons les liens transnationaux établis entre eux grâce à un certain nombre d’hommes-passerelles dans chaque pays, il n’en demeure pas moins que leur horizon dans les années 1920 est national. Âgé de tout juste vingt ans en 1913, Renouvin n’a évidemment pas connaissance de la réflexion que conduisent un certain nombre d’historiens sur les mutations du monde contemporain et sur l’adaptation nécessaire de leur propre pratique professionnelle. Mais, et c’est un acquis des recherches conduites par Valérie Tesnière, Benjamin Gilles et Anne Joly, la courte période (1912-1914) qui précède la guerre, celle de son enseignement au lycée d’Orléans et de sa découverte des cercles spécialistes de la Révolution française, lui fait connaître l’homme avec lequel il travaillera au développement de l’histoire contemporaine de la guerre, Camille Bloch, élève d’Aulard comme lui et, comme lui, auteur d’une thèse sur la France pré-révolutionnaire. Certes Bloch ne travaille plus comme archiviste départemental dans le Loiret depuis 1904, mais Renouvin connaît ses travaux et, via Aulard qui en est un pivot, ceux d’une société savante, la Société d’histoire moderne et contemporaine. Or, celle-ci porte un intérêt sans précédent à la question de la collecte et de l’ouverture des sources d’archives et à celle de la constitution d’outils bibliographiques. Les deux hommes publient encore sur la Révolution française en 1920, mais c’est ensemble qu’ils vont basculer vers l’histoire contemporaine. Si l’objet change, la pratique scientifique, dans la continuité de l’école méthodique, reste la même, tout en élargissant la quête de sources à des documents qui ne sont plus les seuls documents publics mais aussi des documents iconographiques, la presse, etc. En cela, ils rejoignent l’ambition exprimée par le représentant de la Dotation Carnegie à Paris, Shotwell.
39Les opportunités professionnelles qui se présentent à Renouvin au sortir de la guerre le conduisent à prendre position à son tour sur les questions de méthode et d’engagement de l’historien dans les problèmes de son temps. La nouvelle société savante créée en 1919, la Société de l’histoire de la guerre mondiale, destinée à soutenir les travaux de la BMG, s’inspire du fonctionnement de la Société d’histoire moderne et partage sa préoccupation de veille bibliographique. Elle s’en écarte en revanche en intervenant directement dans le débat public sur les responsabilités du déclenchement de la guerre et la question des réparations.
40Renouvin n’élude pas ce débat. Ses publications en témoignent. Il s’efforce cependant d’y répondre avec un « esprit de stricte objectivité » qui peut aller, tout intégré qu’il soit dans l’appareil politico-diplomatique français, jusqu’à la critique en 1929 de l’article 231 :
Ainsi les vainqueurs ont dicté et imposé un verdict. Ils ont obligé l’Allemagne à faire l’aveu de sa culpabilité. Ils ont établi une vérité officielle. Étrange initiative ! Au moment où ils prononcent ce jugement, la chronologie des événements qui se sont succédé pendant la crise de juillet 1914 n’est pas fixée ; les archives n’ont pas été l’objet d’un examen attentif et impartial ; les documents diplomatiques ne sont connus du grand public – et des hommes d’État – que par des publications fragmentaires, et par les recueils multicolores publiés pendant la guerre, qui, tous, sont incomplets, et qui, tous, sont, à un degré plus ou moins grand, des œuvres de propagande. Les auteurs du traité sont donc hors d’état de fonder leur jugement personnel : ils peuvent seulement donner une impression, une opinion ; ils doivent bien savoir que, du jugement qu’ils prononcent, le vaincu – dont la signature est contrainte – fera appel devant l’histoire90.
41Les contributions de Andrew Barros et de Ulrich Pfeil établissent aussi de manière convergente la participation de l’historien aux essais de « désarmement moral » qui marquent les années 1920 et 1930, éclairant ainsi les racines de la relation dans les années 1950 de l’historien français avec son collègue allemand Gerhard Ritter, animateur du débat sur la thèse de Fischer exposée dans Les buts de guerre de l’Allemagne impériale. Dans l’entre-deux-guerres, Renouvin se rattache, non au courant pacifiste, qui entend transformer la « mentalité agressive, rancunière et vengeresse en une mentalité conciliante91 », mais plutôt au courant internationaliste, incarné par Théodore Ruyssen et qui prône l’éducation des peuples pour favoriser la connaissance mutuelle et dépasser les préjugés92. La question des manuels scolaires est centrale tout comme celle de l’éveil des opinions publiques aux enjeux des relations internationales et leur éducation à la paix. Renouvin fait partie des personnalités au cœur de ces réseaux, travaillant avec la Dotation Carnegie très engagée sur cette question, dans les congrès du jeune CISH (Oslo, 1928), et sur la question des manuels scolaires qui fait l’objet d’une réflexion transnationale sous l’égide de la SDN et de l’IICI93. On a ainsi en Renouvin un véritable exemple de la cohabitation en un même individu des tensions nationalistes et internationalistes.
42Mobilisées au service de causes nationales, les idées circulent néanmoins, s’affinent et si, incontestablement, l’attachement porté par les historiens américains à leur dimension économique et sociale favorise la sensibilisation du jeune Renouvin au caractère plurifactoriel d’une histoire des relations internationales, nous défendrons ici l’idée de la cristallisation dans la formule des « forces profondes » d’une appréhension de la matière historique en réalité très propre au xixe siècle français, mais enracinée dans une perception partagée de l’interdépendance nouvelle des régions du monde et marquée par la catégorisation spécifique élaborée par les politologues anglo-américains des années 1920.
De la métaphore tellurique aux « forces profondes » : naissance d’un concept
43Dans l’article qu’elle avait consacré au « moment internationaliste » des années 1900, Anne Rasmussen avait souligné l’« invasion de la référence internationale », signe d’un changement de l’horizon d’attente des contemporains capables d’appréhender « l’avènement d’une nouvelle échelle de l’espace de circulation […] devenue pensable, croyable, représentable »94. Elle en relevait des traces dans la littérature, dans des ouvrages juridiques, et surtout dans les opuscules techniques et scientifiques. Or, les milieux scientifiques expriment un sentiment partagé par l’ensemble de la communauté savante. La communauté historique l’éprouve aussi. Praticiens ou savants manifestent la conscience de cette interdépendance multipliant les essais sur la « politique internationale », les international politics ou world politics.
44Étudiant l’essor des voies de communication ferroviaires et océaniques, les textes du géographe français Paul Vidal de La Blache, écrits entre 1890 et 1910, témoignent d’une « pensée du monde comme un ensemble d’éléments coordonnés », systémique avant la lettre, fondée sur la notion de « valeur réciproque des contrées »95, qui en font, selon Jean-Baptiste Arrault, « une géographie de l’interrelation, de l’interdépendance, et même de l’interaction causale, car les lieux sont perçus comme se déterminant les uns les autres96 ». Le philosophe britannique Cecil Delisle Burns, enseignant à Birkbeck College (Université de Londres) exprime en 1920 la conscience nette de la mondialisation à l’œuvre :
L’homme moyen se préoccupe rarement des étrangers. L’Anglais mange les oranges cultivées par les Espagnols, le Français boit du café du Brésil ou de Java ; mais ni l’un ni l’autre ne pense aux peuples étrangers dont le travail a produit la nourriture qu’il utilise, car les produits du monde sont vraiment plus internationaux que l’esprit des hommes. Nos vêtements, notre nourriture et nos maisons, nos chemins de fer et nos téléphones sont tous internationaux […] et l’internationalisme de la vie moderne n’est pas seulement matériel, car la conception de notre téléphone et même la coupe de nos vêtements sont en partie dues aux idées qui viennent de l’étranger. […] et il n’y a en effet aucune partie de la vie qui soit isolée de l’action de l’échange international97.
45La conscience de la dilatation de l’espace international et de l’interconnexion des différents points le constituant va de pair avec le succès d’un nouveau concept, juste avant la guerre de 1914-1918, destiné à structurer une politique extérieure alternative, fondée sur la coopération et non plus sur la compétition : le concept d’« esprit international » (international mind), reflet de l’opinion d’élites gouvernementales éclairées. Ce concept s’inscrit dans une tradition idéaliste qui, depuis le xviiie siècle, entend asseoir la sécurité collective sur la pacification des relations internationales et sur l’éducation d’une opinion publique élargie98. Il se diffuse à l’initiative du président de l’université de Columbia, Butler, et fait florès dans l’entre-deux-guerres. Ce dernier a participé à la naissance de la Dotation Carnegie, il en dirige la division des Relations sociales et de l’Éducation. En 1912, il le définit ainsi :
L’esprit international n’est rien d’autre que l’habitude de penser aux relations et aux affaires extérieures, et cette habitude de les gérer en considérant les diverses nations du monde civilisé comme amicales et coopérant sur un pied d’égalité pour aider au progrès de la civilisation, au développement du commerce et de l’industrie et à la diffusion des Lumières et de la culture dans le monde entier99.
46Le concept donne son titre à la revue, déjà mentionnée, fondée en 1927, par la Dotation en France : L’esprit international. Burns, cité plus haut, se préoccupe en 1920 de fonder un ordre juste grâce au développement de cet esprit international. Critiquant ce qu’il estime avoir été les débats très nationalistes de la conférence de la Paix, il estime que « le principal problème de la politique internationale tient donc à l’absence d’esprit international dans la conduite de la vie pratique100 ».
47Cette conception coopérative des relations internationales trouve son écho dans les définitions qui en sont données après la guerre et les catégories qui sont alors établies pour procéder à leur étude. Elles préexistent aux définitions et catégories énoncées par Renouvin à partir de 1953. Burns livre en 1920 sa définition :
La politique internationale n’est pas l’étude séparée de nombreux pays, mais l’étude des relations entre eux. Une fois de plus, donc, la politique « étrangère » est soit un mauvais nom pour la politique internationale, soit un nom pour un sujet complètement différent […]. Les faits qui doivent être considérés comme relevant de la politique internationale sont donc tous ceux qui affectent ou sont affectés par le contact entre les peuples vivant sous différentes formes de gouvernement101.
48Il critique le manque de réflexion sur l’histoire de ces politiques internationales : « Il y a eu très peu de développement de la pensée dans l’histoire de la politique internationale. L’histoire est souvent conçue comme un simple compte rendu d’événements102. » L’archétype en est selon lui le livre d’Émile Bourgeois : « Il traite du monde entier des États, mais il est désespérément français dans son point de vue […] et pourtant c’est le seul livre qui traite de l’histoire de la politique internationale103. » Pour organiser sa propre réflexion, Burns proposait trois catégories : celle des problèmes politiques, celle des problèmes culturels dus aux différences de nations, de religions et de classes sociales et celle des problèmes économiques. Dans une conférence donnée en 1921, l’historien britannique Bryce développe une approche similaire104. Il traite des « influences non politiques qui affectaient les relations internationales105 » – commerce, état des transports, finances – et encore des « forces et influences qui pesaient sur la guerre ou la paix106 » –, relations inter-dynastiques, religion, nation et nationalité. L’élargissement du domaine d’études est entériné en 1936 par Zimmern, le tout premier titulaire de la chaire de relations internationales à Aberystwyth : « Comprendre les relations internationales dans toute leur ampleur implique non seulement une connaissance des relations entre les États, mais aussi des relations entre les peuples107. »
49Un auteur méconnu a vraisemblablement été une source d’inspiration directe pour Renouvin. Présenté par ce dernier dans un article donné à la Revue historique en 1954, il n’a pourtant pas retenu l’attention. Renouvin écrivait :
En 1926, Parker Moon, dans son Syllabus of international relations, dressait un premier inventaire des questions dont l’examen lui paraissait nécessaire pour atteindre les explications profondes. Selon les tendances d’esprit, cet effort pour élargir les interprétations s’est engagé dans deux directions : l’explication économique et sociale qui examine les conditions du milieu naturel ou humain, la structure des sociétés, et surtout les formes de la vie économique pour y trouver les mobiles essentiels de la politique extérieure des États ; l’explication « spirituelle » qui voit dans les mouvements d’idées, dans les sentiments et dans la psychologie collective les « grandes forces historiques »108.
50Sera-t-on complètement surpris d’apprendre que le parcours de Moon le place à l’intersection du cercle des historiens réformistes de l’université de Columbia et de celui de l’Inquiry ? Il appartient exactement à la même génération que Renouvin. Né en 1892 et formé à l’université de Columbia, Parker Thomas Moon a commencé à enseigner l’histoire de 1915 à 1917. Il fait partie de l’Inquiry, accompagne Wilson à Paris, et devient le secrétaire de la commission sur les problèmes territoriaux, avant de reprendre ses enseignements de 1919 à 1921. Il achève sa thèse sur « The Labor Problem and the Catholic Social Movement of France ». Devenu président de l’American Catholic Historical Association en 1926, professeur de relations internationales en 1931, il décède en 1936, à l’âge de quarante-quatre ans, ce qui peut expliquer qu’il soit tombé, du moins en France, dans un parfait oubli109. Or, tout juste nommé professeur assistant en relations internationales en 1925, il édite un Syllabus on International Relations en 1926110. Il précise les deux idées qui ont déterminé le plan général du livre :
Premièrement, les relations internationales doivent être considérées comme un tout. Il existe une approche purement diplomatique du sujet ; il y a une « interprétation économique » ; il y a aussi une interprétation juridique, politique, psychologique, sociologique, géographique et historique. Chacun apporte sa part de vérité. Aucune, à elle seule, n’est suffisante. L’objectif du syllabus est de rassembler ces divers aspects du sujet, dans la mesure du possible111.
51Enfin, enracinée dans la conscience partagée de l’interdépendance des peuples, formalisée par les catégories travaillées au début des années 1920, la notion même de forces profondes – traduites par forze profonde, fuerzas profundas, underlying forces112, Tiefenstrukturen – émerge d’un champ lexical spécifique, le champ du mouvement, très usité par les historiens français de la fin du xixe siècle, sensibles aux passions qui agitent les foules113. En 1877, Sorel parle des « forces secrètes qui meuvent l’humanité114 », en 1888, de « mouvements d’ensemble », de « mouvements prolongés et liés », de « grands mouvements »115, affirmant que ce qui prime pour l’historien, ce sont « les faits immuables, les grands mouvements suivis des masses, les longues traces sillonnées de la caravane humaine116 ». La guerre mondiale, en engendrant une réflexion sur le nouvel ordre international, porte implicitement une réflexion sur les désordres en cours. Comment penser les désordres sociaux, économiques et internationaux qui marquent le retour à la paix ? Comment appréhender le type d’acteurs collectifs que sont les foules et les tendances de longue durée qui structurent les relations internationales ? En 1929, Butler écrivait un article dans L’esprit international sur les « forces qui créent l’histoire ». En 1931, Renouvin estimait avec des accents mi-rankéens, misoréliens que les documents diplomatiques portaient trop peu « le reflet des forces qui agitent le monde117 ». Il avait noué un dialogue fécond avec Jules Isaac, l’un des co-auteurs de manuels scolaires qui avaient formé les enfants de la IIIe République. Or, dans un premier article publié en 1932 dans la Revue d’histoire moderne, Isaac parlait du nationalisme et du mercantilisme comme de « grands courants de fond qui entraînaient les peuples, les forces collectives qui les poussaient les uns contre les autres118 ». Dans Un débat historique. Le problème des origines de la guerre en 1933, il écrivait :
Les faits diplomatiques ne sont le plus souvent que l’expression superficielle de forces opposées dont le choc est la cause profonde de l’explosion. Il faut donc déterminer d’abord quelles sont ces causes profondes, ces forces sous-jacentes, avant d’en venir aux jeux de surface que représente l’histoire diplomatique119.
52Renouvin devait fixer la formule des « forces profondes » en 1934 dans La crise européenne et la Première Guerre mondiale, mais en 1953, dans l’introduction générale qu’il donne dans le premier volume de l’Histoire des relations internationales, il parlait encore des « forces sous-jacentes », des « mouvements profonds » chers aux historiens soréliens comme de la longue durée, avant d’établir son propre concept selon deux grandes catégories : les forces matérielles et les forces spirituelles, calées sur la dichotomie qui se fait jour dans les années 1920. Commentant le concept en 1966, Duroselle le confrontait aux catégories marxistes de l’heure, distinguant l’infrastructure et la superstructure, pour conclure que la classification de Renouvin ne la recoupait pas. Au demeurant, le concept est né de cette communauté d’approche transatlantique des relations internationales dans la première partie du xxe siècle transcendant les frontières disciplinaires des sciences humaines et sociales, tout en tenant compte de la spécificité lexicologique française.
Les années 1950 : circulations et dialogues critiques
53Le processus d’institutionnalisation de la discipline se poursuit après 1945, nourri et renforcé par les débats auxquels donnent lieu son approche et ses réalisations. L’IHRIC est relancé en 1947, puis Renouvin entend, à partir de 1953, lui confier la mission d’organiser et de diriger les recherches relatives à l’histoire des relations internationales aux xixe et xxe siècles. Comme l’explique ici Christophe Charle, il se situe dans une tradition enracinée depuis les années 1920 puisque pas moins de vingt-trois instituts sont alors rattachés à l’université de Paris. Le décanat qu’il exerce entre 1955 et 1958 est à la fois la reconnaissance de la place acquise par le domaine universitaire et la manifestation des limites de son audience. Le soutien qu’il apporte à Duroselle en 1956 ne permet pas à celui-ci de succéder à Charles-Hippolyte Pouthas. Mais, comme le souligne Rainer Hudemann, il a anticipé cet échec en conseillant dès 1951 à Duroselle de s’engager pleinement au sein de la nouvelle université de la Sarre où il venait d’être nommé.
54Ce faisant, Duroselle bénéficie, là encore, de la voie ouverte par Renouvin, qui a assis en 1949 l’enseignement de l’histoire des relations internationales à l’Institut d’études politiques, prenant la tête de la Section internationale, instituée un an plus tôt, ainsi que le rappellent Sabine Jansen et Marie Scot. Duroselle, assistant à la Sorbonne depuis 1945, puis maître de conférences à l’Institut d’études politiques à partir de 1946, renforce le processus en accompagnant la fondation du Ceri dans une démarche pluridisciplinaire. Il conforte aussi l’entreprise d’édition des Documents diplomatiques français initiée par Renouvin en infléchissant son ambition originelle d’être une arme politique dans le débat franco-allemand sur les origines de la guerre, pour revenir à la démarche historienne traditionnelle – le travail « sur archives » – tout en obtenant son ouverture au plus grand nombre120.
55L’alliage intellectuel de Renouvin et Duroselle est une œuvre de synthèse originale qui permet de maintenir vivace la tradition d’histoire diplomatique du xixe siècle tout en posant les fondations de son renouvellement. Rainer Hudemann révèle que Renouvin a demandé expressément à son ancien assistant de rédiger l’ouvrage Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, tandis qu’il se réservait le chantier de l’Histoire des relations internationales. Le volume, au demeurant, va fortement contribuer au rayonnement de Duroselle car, jusqu’au début des années 1990, il demeure l’ouvrage de référence pour les apprentis diplomates au-delà des frontières de la France.
56Mais, par-delà cette contingence, la réflexion conduite par Antonin Cohen autour de Jean Monnet est une invitation à comprendre que Duroselle s’inscrit in fine dans une tradition qui n’a jamais dénié à l’individu sa place dans le récit historique et dans le processus décisionnel. « C’est en ce sens que la décision est “créatrice” », écrit Duroselle à propos de l’initiative de Monnet et de Robert Schuman le 9 mai 1950. Ce faisant, il fonde le débat théorique en France sur les interrelations entretenues par les membres du duo « agent-structure » – formulation propre à la théorie sociologique et à la science politique – dans le domaine de l’histoire de la politique extérieure et des relations internationales. Rappelons, pour nous en tenir aux sociologues français, que, pour Pierre Bourdieu, les agents sont des « individus pris dans la pratique et immergés dans l’action, agissant par nécessité121 ». Pour Michel Crozier et Erhrard Friedberg, l’acteur est un individu « autonome, capable de calcul et de manipulation et qui non seulement s’adapte mais invente en fonction des circonstances et des mouvements de ses partenaires122 ». Inscrivant le débat dans le champ des relations internationales, le politologue Alexander Wendt a proposé trois traits caractéristiques de l’agent qui le rapproche de l’acteur des sociologues français : la capacité de comprendre ses activités, de gérer et adapter son comportement, et de prendre des décisions123. Nourri, pour sa part, par ses lectures des années 1950 et 1960 des politologues américains travaillant sur la prise de décision124, étudiant le fonctionnement de ce processus dans le domaine de la politique extérieure française, s’attachant à comprendre les spécificités des groupes dirigeants et des « équipes décisionnelles » constituées des décideurs et des experts choisis, Duroselle a alimenté, par ses analyses historiques, la réflexion sur la relation entretenue par les acteurs individuels ou collectifs avec l’espace (institutionnel et social) dans lequel ils évoluent. C’est d’ailleurs l’objet du tout premier article publié par la nouvelle revue Relations internationales en mai 1974125.
57Cette tradition d’histoire diplomatique est restée très vivace en Angleterre. Le fil ne s’est jamais rompu. Elle n’a pas pâti de l’opprobre déversé sur elle en Allemagne126. Peter Jackson et Talbot Imlay rappellent qu’elle a été entretenue par James Joll, Donald C. Watt et Zara Steiner. La place de l’individu comme acteur moteur des relations internationales reste centrale dans l’approche du processus décisionnel. L’accent est mis particulièrement sur la formation des décideurs, hommes politiques et diplomates, et les représentations qui modèlent de manière inconsciente leur appréhension des problèmes internationaux.
58En second lieu, Duroselle a été marqué par ses échanges avec Stephen Kertesz, chargé entre 1955 et 1968 du Committee on International Relations, créé par le politologue Waldemar Gurian au sein de l’université Notre-Dame (Indiana). La correspondance de Duroselle a permis de mettre en lumière le rôle d’homme clé tenu par Gurian127. Étayant cette hypothèse, Florian Michel démontre ici comme cette université développe une stratégie pour devenir un pôle important pour l’étude des relations internationales autour des enseignements de Gurian et de Ferdinand A. Hermens, de la création de la Review of Politics (1938) et du Committee for the Study of International Relations, pour lequel Gurian a sollicité le soutien de la fondation Rockefeller128. Gurian ouvre littéralement les portes des universités américaines à Duroselle en l’accueillant comme visiting professor à l’université Notre-Dame, de septembre à décembre 1951. Il établit la relation avec Hans Morgenthau (1953)129. Et il féconde aussi sa réflexion sur les relations internationales. Dans une lettre envoyée le 5 octobre 1952, Duroselle mentionnait « son article de 1946 sur les relations internationales130 ». Il s’agit en l’occurrence du texte issu d’une conférence tenue à Chicago et paru dans The Review of Politics. Dans cet article majeur, « On the Study of International Relations », Gurian a capitalisé la réflexion menée vingt ans plus tôt par ses confrères :
Les relations internationales concernent les relations entre nations, ou, si ce mot a un sens trop spécifique, les relations entre différents groupes organisés dans un sens moderne distinct, les relations entre différents groupes organisés en unités politiques distinctes. Une telle étude inclurait non seulement les relations entre États, mais aussi l’influence de groupes qui se trouvent à l’intérieur de l’État et qui, en même temps, dépassent souvent ses frontières, sous la forme d’organisations visibles, comme l’Église catholique, ou sans organisation, simplement liés par la sympathie, des idées et des buts communs, comme certaines formes du mouvement syndical131.
59Gurian esquisse le cours de relations internationales qu’il appelle de ses vœux :
Les relations internationales doivent être décrites en analysant les facteurs qui sont leur matériau, par exemple les frontières et la répartition des matières premières, si importantes à l’époque contemporaine. Elles doivent être interprétées en analysant les caractéristiques différentes des diverses politiques étrangères, l’influence des traditions nationales et des systèmes diplomatiques juridiques de procédure ainsi que des systèmes universels d’idées, auxquels, malgré son matérialisme dialectique, appartient la doctrine officielle de l’URSS132.
60Mais Notre-Dame a été aussi l’occasion de l’établissement de la relation méconnue de Duroselle avec Kertesz, qui permet aujourd’hui de mieux comprendre la filiation maintenue par Duroselle avec l’histoire diplomatique. Juriste de formation, Kertesz avait été secrétaire général de la délégation hongroise à la conférence de la Paix de Paris en 1946. Il appartient au type du diplomate développant une pensée réflexive sur l’exercice de son métier, dans la continuité de la tradition développée par le grand témoin d’une autre conférence de la Paix qu’avait été Harold Nicolson en 1919. Docteur en droit de l’université de Budapest, ancien étudiant de l’Institut des hautes études internationales de Paris et de l’Académie de droit international de La Haye, boursier Rockefeller, Kertesz avait parachevé sa formation à Yale, Oxford et Genève (1935-1937). Il avait servi comme Premier secrétaire à Bucarest en 1942 avant d’être arrêté par les Croix fléchées en 1944133. Nommé ministre de Hongrie à Rome en mars 1947, il émigra aux États-Unis à la suite de la prise de pouvoir des communistes en juin et il enseigna à Yale, puis à Notre-Dame où il devint membre du département de science politique en 1950. En 1959, la fondation Rockefeller finança un programme de recherche de cinq ans sur les « Hypothèses, méthodes et enjeux de la diplomatie contemporaine » et le confia à Kertesz134. Un premier livre rassemblant une quinzaine de contributions parut sous le titre Diplomacy in a Changing World. Kertesz y développait une réflexion comparée sur les pratiques de négociations des États-Unis et de l’Union soviétique tandis que Duroselle proposait une étude de l’adaptation de la diplomatie française au monde de l’après-1945, frayant la voie à son analyse de la « machine diplomatique » des années 1930 dans le livre La décadence paru en 1979. Duroselle fut encore requis en 1959 pour écrire un chapitre sur « The Virtues and Shortcomings of American Diplomacy » dans le livre sur American Diplomacy since the Second World War135. Il participa en 1984 au livre d’hommage, Diplomacy and Values : The Life and Works of Stephen Kertesz in Europe and America, coordonné par Thompson. La question de la formation des diplomates français et de l’adaptation des structures ministérielles au nouvel environnement est au cœur de la réflexion durosellienne qui la traite sans complexe tandis qu’en Allemagne, la situation est particulière, demeurant très focalisée sur le débat sur les origines de la Première Guerre mondiale. Elle reflète aussi la position de force occupée par l’École de Bielefeld dans les années 1960 qui s’emploie à dénigrer une tradition d’histoire diplomatique, maintenue par les historiens Klaus Hildebrand, Hans-Peter Schwarz, Andreas Hillgruber et centrée sur les interactions de la politique intérieure avec la politique extérieure136.
61S’il est stimulé par le dialogue pluridisciplinaire entretenu à Sciences Po ou dans les divers lieux d’enseignement en Europe – en particulier à Bologne comme l’explique Frédéric Attal –, ou aux États-Unis, Duroselle n’abdique pas dans les années 1950 son identité d’historien. C’est avec un autre historien, suisse, Jacques Freymond, avec lequel il a des échanges depuis 1955, qu’il tisse alors le partenariat le plus solide à l’étranger. Les deux hommes ont eu un parcours très proche, Freymond étant de six ans l’aîné du premier. Il avait succédé à Edmond Rossier, professeur d’histoire diplomatique à l’université de Lausanne (1896-1945). Il commença à enseigner en octobre 1951 à l’université de Genève où il fut nommé en 1958, professeur d’histoire des relations internationales contemporaines137. Il exerça aussi une activité de chroniqueur de la politique étrangère à la Tribune de Lausanne (1942-1945) et à la Gazette de Lausanne (1946-1951). Freymond et Duroselle avaient en commun des interlocuteurs dans les fondations américaines – Thompson, Arnold Wolfers, John Goormaghtigh – et se retrouvaient dans leur approche pluridisciplinaire et ouverte à une forme de présentisme. Freymond expliquait :
Les historiens de l’Institut [IUHEI] sont arrivés, après de nombreux débats, à la conclusion qu’il ne fallait pas isoler l’histoire des relations internationales de l’étude de la politique internationale contemporaine et qu’au lieu de suivre certains spécialistes dans un réflexe de défense, comme si l’étude des phénomènes contemporains risquait de porter atteinte à la pureté de la science historique, il importait au contraire d’insérer le présent dans l’histoire138.
62Il ne s’agissait pourtant nullement d’une soumission aux méthodes de travail élaborées outre-Atlantique. Comme nous l’avons souligné ailleurs, l’une des manifestations précoces de la résistance méthodologique opposée par Freymond avait eu lieu dans le cadre du cycle d’études sur les conflits internationaux commandées par la Dotation Carnegie139. Si Goormaghtigh, le directeur du Centre européen de la Dotation, estimait qu’une plus grande uniformité aurait été assurée « si nous avions commencé par formuler des hypothèses générales que les études individuelles auraient vérifiées », Freymond avait refusé de « préjuger de la conclusion en sous-estimant l’importance des facteurs spécifiques au cas considéré ».
63Le compte rendu acerbe que fit alors Harold Guetzkow de la traduction anglaise du livre dans World Politics est très représentatif du fossé intellectuel qui séparait alors la science politique étasunienne de l’histoire des relations internationales en construction :
Il semble à l’auteur de ce compte rendu que Freymond et ses collaborateurs ont compromis la concrétisation de la participation potentielle de leur étude de cas à une connaissance plus universelle par leur incapacité à exploiter la littérature de science sociale en expansion sur les sujets mêmes qui étaient au centre de leur étude analytique. Le contraste choquant entre l’érudition historique pénétrante et le recours superficiel aux sciences sociales de ce volume souligne l’occasion manquée de donner à cette étude de cas une signification immédiate pour la compréhension plus générale des conflits internationaux140.
64En 1964, Renouvin et Duroselle continuaient à assumer la ligne de l’histoire méthodique et diplomatique : « Plutôt que de chercher dans l’histoire un élément d’appoint à des concepts déjà élaborés, nous croyons plus sage de regarder le passé, pour établir les constatations que permet l’étude des documents141. » Dix ans plus tard, parachevant le processus d’institutionnalisation de la discipline, la création de la revue Relations internationales a été conçue comme un « défi à la domination intellectuelle anglo-saxonne dans l’étude des relations internationales », comme l’écrit Antoine Fleury dans ce livre. Elle a été précédée du lancement des Documents diplomatiques suisses en 1972. Si cette série s’écarte des considérations qui avaient présidé au lancement de la série française – elle ne se propose pas d’établir les responsabilités de tel ou tel événement, par exemple, les guerres mondiales142 –, elle adopte en revanche les critères de sélection des documents prônés par Renouvin143. Freymond devait en présider la commission de publication (1975-1992). Duroselle soutint enfin l’enracinement de sa discipline en favorisant la création en 1967 en Sorbonne d’une chaire aréale d’histoire de l’Amérique du Nord, présentant la spécificité de s’articuler avec une approche systémique144. Pierre Journoud retrace ici pour la première fois le cheminement qui a favorisé en France l’émergence d’une première génération d’historiens de l’Asie contemporaine, marquée par le communisme dans les années 1950 et 1960, et la création fin 1968 d’une seconde chaire aréale en Sorbonne, dévolue à l’histoire de l’Asie contemporaine.
65De fait, pour les historiens des relations internationales, se superposent d’autres enjeux, internes à la discipline et qui se cristallisent lors de l’un des congrès du CISH, celui de Rome en 1955, dont l’importance centrale est soulignée ici par plusieurs études avec d’autant plus de force que les situations nationales sont extrêmement différentes. En Espagne, la faible tradition d’histoire diplomatique du xixe siècle dont Carlos Sanz Diaz se fait l’écho, est mise en sourdine dans les deux premières décennies du franquisme mais la réinsertion internationale de l’Espagne, marquée par son entrée à l’ONU en 1955145, s’accompagne d’un nouvel essor et, surtout, de l’élargissement de son domaine d’études. La présence de José Maria Rover à Rome en est la manifestation symbolique que concrétisent ses publications ultérieures et son adhésion aux conceptions de Renouvin. L’histoire des relations internationales prend son essor dans les années 1980 en Espagne. La querelle des historiens des relations internationales et des historiens diplomatiques, incarnée, en Italie même, par Chabod et Mario Toscano, est élevée au niveau international lors de ce même Congrès de Rome comme le rappelle David Burigana. Les années 1950 marquent de fait une extension certaine de l’approche historique française des relations internationales en un temps où la France pense sa diplomatie culturelle sur le mode du rayonnement à l’étranger et affirme ses ambitions intellectuelles. Cette extension demeure néanmoins tributaire de la proximité géographique (Espagne, Italie, Suisse, Belgique), des relations postcoloniales (bassin méditerranéen ; Vietnam), de l’audience de la francophonie dans le monde et des relations interpersonnelles établies par les historiens. En outre, le « rayonnement » ne signifie pas la confiscation du débat. Vincent Genin insiste sur l’importance de l’échange critique orchestré par Robert Demoulin qui pousse à plus de hardiesse à propos de la grande série coordonnée par Renouvin :
Les relations internationales de caractère privé y sont à peine traitées : relations commerciales, voyages, échanges scientifiques, relations universitaires, théâtrales, artistiques, sportives, contacts religieux, ouvriers, etc.146.
66Enfin, le rayonnement a ses limites. La politique active de traduction en langue arabe de trois ouvrages des deux historiens parus dans les années 1950 et 1960 atteste leur diffusion importante du Maghreb au Proche-Orient, mais elle n’est pas allée de pair avec l’enracinement de pôles universitaires comme le souligne Mohieddine Hadhri.
67On l’aura compris, les études rassemblées ici autour de segments de la carrière de Renouvin et Duroselle, bien que se répondant les unes aux autres, n’entendent pas présenter la construction linéaire et définitive d’un domaine universitaire des années 1920 aux années 1970. Elles prennent place dans une historiographie déjà abondante consacrée aux deux historiens français. Elles présentent les informations nouvelles sur leurs pratiques professionnelles et leur insertion dans la communauté savante, que les auteurs ont pu retirer de la lecture de documents inédits ; elles dressent des bilans en demi-teinte. Elles contribuent toutes à mettre au jour les grands enjeux de la construction de la discipline en un demi-siècle marqué par le sceau de la guerre. Tenant compte des cultures universitaires et politiques nationales, ces études font valoir la spécificité de certains débats et les positions partagées sans anticiper sur les évolutions ultérieures marquées par les thèses de doctorat soutenues par leurs disciples. L’affermissement de l’identité de la discipline a bénéficié tant de la tolérance intellectuelle manifestée par les deux historiens que de leur défense ferme de ce qui en faisait la spécificité.
Notes de bas de page
1 Laurence Badel, « Die französische Historiographie zu den internationalen Beziehungen : transnational oder realistisch ? », dans Barbara Haider-Wilson, William D. Godsey, Wolfgang Mueller (dir.), Internationale Geschichte in Theorie und Praxis/International History in Theory and Practice, Vienne, VÖAW, 2017, p. 349-370 ; Georges-Henri Soutou, « Die französische Schule der Geschichte internationaler Beziehungen », dans Wilfried Loth, Jürgen Osterhammel (dir.), Internationale Geschichte : Themen-Ergebnisse-Aussichten, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 2000, p. 32-44.
2 Christophe Charle, « La prosopographie ou biographie collective. Bilan et perspectives », Homo historicus. Réflexions sur l’histoire, les historiens et les sciences sociales, Paris, Armand Colin, 2013, p. 98-102.
3 Patrick Finney, « Introduction : What Is International History ? », dans Patrick Finney (dir.), Palgrave Advances in International History, Houndmills, Palgrave Macmillan, 2005, p. 1-35, ici p. 13.
4 John L. Harvey, « An American Annales ? The AHA and the Revue internationale d’histoire économique of Lucien Febvre and Marc Bloch », The Journal of Modern History, 76/3, septembre 2004, p. 578-621, ici p. 584 : « a chivalric narrative of French history by pitting academic innovation against walls of national rivalry and conservatism ».
5 Lucien Febvre, « Histoire ou politique ? Un problème d’orientation », Revue de synthèse, 1/1, mars 1931, p. 9-14. Voir le commentaire de Jean-Pierre Aguet dans Saul Friedländer, Harish Kapur, André Reszler (dir.), L’historien et les relations internationales. Recueil d’études en hommage à Jacques Freymond, Genève, IUHEI, 1981, p. 3-24. Parmi les livres relevant de l’histoire diplomatique, citons Albert Sorel, Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, Paris, Plon, 1875 ; Antonin Debidour, Histoire diplomatique de l’Europe. Depuis l’ouverture du Congrès de Vienne jusqu’à la clôture du Congrès de Berlin (1814-1878), Paris, Alcan, 1891 ; Émile Bourgeois, Manuel historique de politique étrangère, Paris, Belin, 1893-1926.
6 Pierre Renouvin, « Introduction générale », Histoire des relations internationales, 1, Paris, Hachette, 1953 ; dans la seconde édition de 1958, il s’agit des p. x-xi.
7 Jean-Baptiste Duroselle, « De l’histoire diplomatique à l’histoire des relations internationales », Études d’histoire des relations internationales. Mélanges Pierre Renouvin, Paris, Puf, 1966, p. 1-15, ici p. 4.
8 Robert Frank, Pour l’histoire des relations internationales, Paris, Puf, 2012, p. 12.
9 John L. Harvey, « An American Annales ? », art. cité, p. 582 ; Peter Burke, « The Annales in Global Context », International Review of Social History, 35, 1990, p. 421-432.
10 Nicolas Guilhot, « “The French Connection”. Éléments pour une histoire des relations internationales en France », Revue française de science politique, 67/1, 2017, p. 43-67. Il s’agit, pour partie, de la reprise du chap. iii, « The International Circulation of International Relations Theory », dans Wiebke Keim, Ercüment Çelik, Veronika Wöhrer, Christian Ersche (dir.), Global Knowledge Production in the Social Sciences. Made in Circulation, Ashgate, Dorchester, 2014.
11 Antonin Cohen, « La structuration atlantique des European studies. La fondation Ford et l’institut de la Communauté européenne pour les études universitaires dans la génération d’un “objet” », Revue française de science politique, 67/1, 2017, p. 69-96.
12 Laurence Badel, « Jean-Baptiste Duroselle, l’Européen atlantique », dans Denis Crouzet (dir.), Historiens d’Europe, historiens de l’Europe, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017, p. 323-339.
13 Stanley Hoffmann, « An American Social Science : International Relations », Daedalus, 106/3, 1977, Discoveries and Interpretations : Studies in Contemporary Scholarship, vol. 1, p. 41-60.
14 Udi Greenberg, The Weimar Century : German Émigrés and the Ideological Foundations of the Cold War, Princeton University Press, 2015 ; Felix Rösch (dir.), Émigré Scholars and the Genesis of International Relations : A European Discipline in America ?, Houndmills/Basingstoke/Hampshire/New York, Palgrave Macmillan, 2014 ; Alfons Söllner, « Vom Völkerrecht zur Science of International Relations », dans Ilja Srubar (dir.), Exil, Wissenschaft, Identität. Die Emigration deutscher Sozialwissenschaftler (1933-1945), Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1988.
15 Nicolas Guilhot, chap. iii, « The International Circulation of International Relations Theory », dans Wiebke Keim, Ercüment Çelik, Veronika Wöhrer, Christian Ersche (dir.), Global Knowledge Production in the Social Sciences, op. cit., ici p. 76.
16 René Girault en a parlé dans son article : « Pierre Renouvin, la BDIC et l’historiographie française des relations internationales », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 49/5, 1998, p. 7-9.
17 Library of Congress, Bernadotte Everly Schmitt papers, 1868-1970, ID No. MSS76869, Pierre Renouvin, 1893-1974, Correspondence, box 5, lettre de Pierre Renouvin du 18 novembre 1947.
18 Henry Rousso, La dernière catastrophe. L’histoire, le présent et le contemporain, Paris, Gallimard, 2012, p. 10.
19 Antonino de Francesco, « D’une révolution à l’autre : Alphonse Aulard face aux événements russes de 1917 », La Révolution française, 5, 2013, https://doi.org/10.4000/lrf.986, consulté le 16 août 2018.
20 Guillaume Tronchet, « Savoirs en diplomatie. Une histoire sociale et transnationale de la politique universitaire internationale de la France (années 1870-années 1930) », thèse de doctorat en histoire, dirigée par Christophe Charle, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014.
21 Annales internationales d’histoire, 3, 1899-1900, p. 5 ; Karl Dietrich Erdmann, Toward a Global Community of Historians : The International Historical Congresses and the International Committee of Historical Sciences (1898-2000), New York, Berghahn Books, 2005, p. 6.
22 Charles-Victor Langlois, Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, Hachette, 1898, p. 190-191, n. 1. Pour une mise en perspective, voir Walther Peter Fuchs, « Was heißt das : bloß zeigen, wie eigentlich gewesen », Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, 30, 1979, p. 655-667. La citation originelle est de W. von Humboldt dans la conférence de 1821, Über die Aufgabe des Geschichtschreibers : « Die Aufgabe des Geschichtschreibers ist die Darstellung des Geschehenen » [La tâche de l’historien est d’exposer ce qui s’est produit].
23 Albert Sorel, Le traité de Paris du 20 novembre 1815, Paris, Librairie Germer Baillière, 1872, p. 3.
24 Charles-Victor Langlois, Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, op. cit., p. 1, répété p. 43.
25 Ibid., p. 2, répété p. 13.
26 Ibid., p. 181.
27 Library of Congress, Bernadotte Everly Schmitt papers, 1868-1970, ID No. MSS76869, Pierre Renouvin, 1893-1974, Correspondence, box 3, lettre de Pierre Renouvin du 23 février 1931.
28 Ibid., lettre de Bernadotte E. Schmitt du 6 mars 1931 : « It seemed wiser to me to refer to documents rather than to the writings of others on the same subject. » L’échange n’empêchera pas les deux hommes de rester en bons termes.
29 Politisches Gespräch, réédité en 1949, p. 36-37 : « Das Maß der Unabhängigkeit gibt einem Staate seine Stellung in der Welt : es legt ihm zugleich die Notwendigkeit auf, alle inneren Verhältnisse zu dem Zwecke einzurichten, sich zu behaupten. Dies ist sein oberstes Gesetz. »
30 Yves Brûley, « Albert Sorel et l’histoire de la diplomatie », Revue d’histoire diplomatique, 2, 2018, p. 161-185.
31 Isabelle Dasque, « Aux origines de la Société d’histoire diplomatique et de la Revue d’histoire diplomatique », Revue d’histoire diplomatique, 1, 2012, p. 7-21.
32 Un peu plus haut dans le livre, p. 22, ils emploient l’expression « histoire internationale ».
33 European Alliances and Alignments (1871-1891) fait l’objet de comptes rendus dans la Revue d’histoire de la guerre mondiale, janvier 1932, p. 91-92, et dans la Revue historique, janvier-février 1936, p. 170-173 ; The Diplomacy of Imperialism (1890-1902), d’un compte rendu dans la Revue d’histoire de la guerre mondiale, janvier 1936, p. 63-65.
34 Guy Thuillier, La première école d’administration. L’Académie politique de Louis XIV, Paris, Droz, 1996. Guido Braun, La connaissance du Saint-Empire en France du baroque aux Lumières, 1643-1756, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 2010, p. 332 et 524-526.
35 Jean-Yves de Saint-Prest, Histoire des traités de paix et autres négociations du dix-septième siècle, depuis la paix de Vervins jusqu’à la paix de Nimègue, Amsterdam/La Haye, J.-F. Bernard/ Vaillant et Prévost, 1725.
36 Jürgen Voss, « Christophe Guillaume Koch (1737-1813). Homme politique et historiographe contemporain de la révolution », History of European Ideas, 13/5, 1991, p. 531-543.
37 Christophe Guillaume Koch, Abrégé de l’histoire des traités de paix entre les puissances de l’Europe depuis la paix de Westphalie, t. 1, Bâle, Decker, 1796, p. 6. L’ouvrage parut en 1796- 1797 en quatre volumes.
38 Citons : Jacques Crétineau-Joly, Histoire des traités de 1815 et de leur exécution, Paris, Colomb de Batines, 1842 ; Baptiste Capefigue, Histoire authentique et secrète des traités de 1815 dans leurs rapports avec la Restauration et la révolution de Juillet, Paris, Gerdès, 1847.
39 Charles de Martens, Le guide diplomatique, précis des droits et des fonctions des agents diplomatiques et consulaires [4e éd.], Paris/Leipzig, 1854, t. 1, p. 391.
40 Frédéric de Martens, Traité de droit international, trad. du russe par Alfred Léo, Paris, Maresq Aîné, 1883, p. ii.
41 Ibid., p. i.
42 Ibid., p. ii.
43 Ibid., p. 32.
44 Virginie Martin, « De l’art de négocier à la science diplomatique : essor et institutionnalisation de l’expertise sous la Révolution française », dans Stanislas Jeannesson, Fabrice Jesné, Éric Schnackenbourg (dir.), Experts et expertise en diplomatie. La mobilisation des compétences dans les relations internationales du congrès de Westphalie à la naissance de l’ONU, Rennes, PUR, 2018, p. 21-34, ici p. 28.
45 Stanislas Jeannesson, « La formation des diplomates français et leur approche des relations internationales à la fin du xixe siècle », Revue d’histoire diplomatique, 4, 2008, p. 361-378.
46 Albert Sorel, « L’enseignement de l’histoire diplomatique », dans Nouveaux essais d’histoire et de critique, Paris, Plon, 1898 [3e éd.], p. 84.
47 John R. Seeley, « The Teaching of Politics : An Inaugural Lecture Delivered at Cambridge », Lectures and Essays, Londres, Macmillan and Co, 1870, p. 290-317, ici p. 296 : « Let me say, then, that History is the school of statesmanship. » L’expression est reprise à la p. 317. Voir Deborah Wormell, Sir John Seeley and the Uses of History, Cambridge, Cambridge University Press, 1980.
48 John R. Seeley, « History and Politics III by Professor Seeley », Macmillan’s Magazine, octobre 1879, p. 450 : « make the past history of England a guide for its future policy and therefore a source of solid instruction for the politician ».
49 Id., « A Historical Society », Macmillan’s Magazine, novembre 1881, p. 43-55, ici p. 51 : « But our whole view of the use of history changes if we give to recent history its proper place, and still more if at the same time we think of it as leading up to a science of states. Looked at in this way it cannot be slighted by the most practical man ; looked at in this way it deals evidently with precisely the same matters as politics, it is neither more or less than the theoretical side of politics, the study and the school of the stateman. »
50 Ernest Llewellyn Woodward, « The Study of Contemporary History », Journal of Contemporary History, 1/1, janvier 1966, p. 1-13, ici p. 2 : « The English governing class […] went into politics or the civil service or the professions knowing less about the state of the contemporary world than they knew about ancient Greece and Rome. »
51 Thomas Otte, « Eyre Crowe and British Foreign Policy : A Cognitive Map », dans Thomas G. Otte, Constantine A. Pagedas (dir.), Personalities, War and Diplomacy : Essays in International History, Londres, Frank Cass, 1997, p. 14-37.
52 Henry Rousso, La dernière catastrophe, op. cit., p. 73.
53 Ibid., p. 75.
54 Voir Peter Novick, That Noble Dream : The Objectivity Question and the American Historical Profession, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, chap. iv. Voir aussi Harold Josephson, James T. Shotwell and the Rise of Internationalism in America, Rutherford, Fairleigh Dickinson University Press, 1975, p. 38.
55 James Harvey Robinson, « The New History », The New History : Essays Illustrating the Modern Historical Outlook, New York, Macmillan, 1912, p. 1-25, ici p. 8-9 : « The real question is, has not our bias for political history led us to include a great many trifling details of dynasties and military history which merely confound the reader and take up a precious space that should be devoted to certain great issues hitherto neglected ? […] Man is more than a warrior, a subject, or a princely ruler ; the State is by no means his sole interest. […] political history still retains its supreme position, and past political events are still looked upon by the public as history par excellence. »
56 Ibid., p. 24 : « We must develop historical-mindness upon a far more generous scale than hitherto, for this will add a still deficient element in our intellectual equipment and will promote rational progress as nothing else can do. »
57 Ibid., p. 24 : « The present has hitherto been the willing victim of the past ; the time has now come when it should turn on the past and exploit it in the interests of advance. The “New history” is escaping from the limitations formerly imposed upon the study of the past. It will come in time consciously to meet our daily needs ; it will avail itself of all those discoveries that are being made about mankind by anthopologists, economists, psychologists, and sociologists – discoveries which during the past fifty years have served to revolutionnarize our ideas of the origin, progress, and prospect of our race. »
58 Brian C. Schmidt, Political Discourse of Anarchy : A Disciplinary History of International Relations, New York, State University of New York Press, 1997.
59 Société de géographie de Paris, introduction et notes par Isabelle Davion, préface de Georges-Henri Soutou, Les experts français et les frontières d’après-guerre. Les procès-verbaux du comité d’études (1917-1919), Paris, supplément au Bulletin de liaison des membres de la Société de géographie, 2015 ; Olivier Lowczyk, La fabrique de la paix. Du Comité d’études à la conférence de la paix, l’élaboration par la France des traités de la Première Guerre mondiale, Paris, Economica/Institut de stratégie comparée, 2010.
60 Lawrence Gelfand, The Inquiry : American Preparations for Peace (1917-1919), New Haven, Yale University Press, 1963.
61 Erik Goldstein, Winning the Peace : British Diplomatic Strategy, Peace Planning, and the Paris Peace Conference (1916-1920), Oxford, Clarendon Press, 1991.
62 Inderjeet Parmar, « Institutes ofInternational Affairs : Their Roles in Foreign Policy-Making, Opinion Mobilization and Unofficial Diplomacy », dans Diane Stone, Andrew Denham (dir.), Think Tank Traditions : Policy Research and the Politics of Ideas, Manchester, Manchester University Press, 2004, p. 19.
63 Andrea Bosco, Cornelia Navari (dir.), Chatham House and British Foreign Policy (1919- 1945) : The Royal Institute of International Affairs During the Inter-War Period, Londres, Lothian Foundation Press, 1994 ; Priscilla Roberts, « A Century of International Affairs Think Tanks in Historical Perspective », International Journal : Canadas Journal of Global Policy Analysis, 70/4, 2015, p. 535-555.
64 Paul F. Hooper, « The Institute of Pacific Relations and the Origins of Asian and Pacific Studies », Pacific Affairs, 61/1, 1988, p. 98-121.
65 Priscilla Robert, « Tweaking the Lion’s Tail : Edgar J. Tarr, the Canadian Institute of International Affairs, and the British Empire (1931-1950) », Diplomacy and Statecraft, 23/4, 2012, p. 636-659.
66 Helen McCarthy, The British People and the League of Nations : Democracy, Citizenship and Internationalism (c. 1918-1945), Manchester, Manchester University Press, 2011, p. 117- 119 ; Martin Erdmann, Building the Kingdom of God on Earth : The Churches’ Contribution to Marshal Public Support for World Order and Peace (1919-1945), Eugene, Wipf & Stock Publishers, 2005, p. 17-18.
67 Voir Martti Koskenniemi, The Gentle Civilizer of Nations : The Rise and Fall of International Law (1870-1960), Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 309-310.
68 « L’École internationale de droit international », Revue générale de droit international public, 1920, p. 145-152, ici p. 148.
69 Ibid., p. 149.
70 Fonds de l’Institut Pierre-Renouvin, Paris, lettre de G. Davy, le doyen de la faculté des lettres du 5 juillet 1952.
71 Sabine Jansen, Les boîtes à idées de Marianne. État, expertise et relations internationales en France (1935-1985), Paris, Cerf, 2017, p. 37-39.
72 Victor Monnier, William E. Rappard. Défenseur des libertés, serviteur de son pays et de la Communauté internationale, Genève, Slatkine, 2009 ; Norman Scott (dir.), HEI (1927-2002). 75 ans au service de la paix par l’enseignement et la recherche en relations internationales, Genève, IUHEI, 2002.
73 Cité par Norman Scott (dir.), HEI (1927-2002), op. cit., p. 35.
74 Il est devenu l’Institut de hautes études internationales et de développement de Genève (IHEID), à la suite de sa fusion en 2008 avec l’Institut universitaire d’études du développement, précédemment Centre genevois pour la formation des cadres africains (1961), puis Institut africain (1962-1973) et enfin Institut d’études du développement (1973-1977).
75 Luc Van Dongen, « Former des élites non communistes pour le Tiers Monde. L’Institut universitaire de hautes études internationales (IUHEI), les États-Unis et la guerre froide », Relations internationales, 163/3, 2015, p. 15-28.
76 Daniel Eisermann, Außenpolitik und Strategiediskussion : die Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik (1955 bis 1972), Munich, Oldenbourg, 1999, p. 55.
77 Helke Rausch, « Akademische Vernetzung als politische Intervention in Europa. Internationalismus-Strategien US-amerikanischer Stiftungen in den 1920er Jahren », Jahrbuch für Universitätsgeschichte, 18, 2017, p. 163-187, ici p. 181.
78 Daniel Eisermann, Außenpolitik, op. cit., p. 56.
79 Gaslini avait étudié en 1932 à l’IUHEI de Genève.
80 Federico Giona, Ispi, primo think tank italiano di politica internazionale, Rome, Aracne, 2014 ; Valeria Galimi, « Culture fasciste et droit à la guerre. L’Istituto per gli studi di politica internazionale dans les années trente », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 23/1, 2005, p. 167-182.
81 Sabine Jansen, Les boîtes à idées de Marianne, op. cit.
82 Ibid., p. 49 et p. 204.
83 Valérie Tesnière, « La BDIC dans le “moment documentaire” », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 100/4, 2010, p. 7-13.
84 Marie Scot, « La British Library of Political and Economic Science, la bibliothèque-laboratoire d’une université de recherche en sciences économiques et sociales », Histoire@Politique, 8/2, 2009.
85 Harold Josephson, James T. Shotwell, op. cit., p. 65 ; Charles de Benedetti, « James T. Shotwell and the Science of International Politics », Political Science Quarterly, 89/2, 1974, p. 379-395.
86 Alain Chatriot, « Une véritable encyclopédie économique et sociale de la guerre. Les séries de la Dotation Carnegie pour la paix internationale (1910-1940) », L’atelier du Centre de recherches historiques, 2009, http://acrh.revues.org/413.
87 Luc Van Dongen, « Former des élites non communistes », art. cité, n. 13.
88 Ibid.
89 Laurence Badel, « Jean-Baptiste Duroselle, l’Européen atlantique », art. cité.
90 Pierre Renouvin, « Le problème des responsabilités de la guerre dans la politique internationale contemporaine », L’esprit international, 1929, p. 230.
91 Carolyn E. Playne, « Le désarmement moral », Le mouvement pacifiste, juillet 1923, p. 81.
92 Elly Hermon, « Le désarmement moral en tant que facteur dans les relations internationales pendant l’entre-deux-guerres », Historical Papers, 22/1, 1987, p. 198-211.
93 Ken Osborne, « Creating the “International Mind” : The League of Nations Attempts to Reform History Teaching (1920-1939) », History of Education Quarterly, 56/2, 2016, p. 213- 240 ; Marcello Verga, « Manuels d’histoire pour la paix en Europe (1923-1938) », dans Marta Petricioli, Donatella Cherubini (dir.), Pour la paix en Europe. For Peace in Europe. Institutions et société civile dans l’entre-deux-guerres. Institutions and Civil Society between the World Wars, Bruxelles, Peter Lang, 2007, p. 503-524.
94 Anne Rasmussen, « Tournant, inflexions, ruptures : le moment internationaliste », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 19/1, 2001, p. 27-41, ici p. 30.
95 Paul Vidal de La Blache, Tableau de la géographie de la France, Paris, Tallandier, 1903 [rééd. 1979], p. 381-382.
96 Jean-Baptiste Arrault, « Une géographie inattendue : le système mondial vu par Paul Vidal de La Blache », L’espace géographique, 37/1, 2008, p. 75-88, ici p. 76-78.
97 Cecil Delisle Burns, International Politics, Londres, Methuen, 1920, p. 1 : « The average man is not often troubled about foreigners. The Englishman eats the oranges grown by Spaniards, the Frenchman drinks coffee from Brazil or Java ; but neither thinks of the foreign peoples whose labour has produced the food he uses, for the commodities of the world are more truly international than are the minds of men. Our clothing, our food and our houses, our railways and our telephones are all international […] and the internationalism of modern life is not merely material, for the structure of our telephone and even the cut of our clothes is partly due to the ideas which have come from abroad. […] and indeed there is no section of life which is isolated from the action of international interchange. »
98 Bruno Arcidiacono, Cinq types de paix. Une histoire des plans de pacification perpétuelle (xviie-xxe siècle), Genève, Graduate Institute Publications, 2011.
99 Nicholas Murray Butler, « The International Mind ». Opening Address as Chairman of the Lake Mohonk Conference on International Arbitration, May 15, 1912 : « The international mind is nothing else than habit of thinking of foreign relations and business and that habit of dealing with them, which regards the several nations of the civilized world as friendly and co-operating equals in aiding the progress of civilization, in developing commerce and industry, and in spreading enlightenment and culture throughout the world. »
100 Cecil Delisle Burns, International Politics, op. cit., p. 3 : « The chief problem of international politics, therefore, arise from an absence of the international mind in the conduct of practical life. »
101 Ibid., p. 6 : « International politics is not the study of many separate countries but the study of the relation between them. Once again therefore, “foreign” politics is either a bad name for international politics or it is a name for an entirely different subject […]. The facts, therefore, which are to be dealt with in international politics are all those which affect or are affected by the contact between people living under different forms of government. » Souligné dans le texte.
102 Ibid., p. 11 : « There has been very little development of thought in the history of international politics. History is often conceived as a mere record of events. »
103 Ibid., p. 11-12, n. 1 : « It deals with the whole world of states ; but it is hopelessly French in its point of view […] and yet it is the only book which deals with the history of international politics. »
104 Ancien président du Board of Trade (1894-1895), ambassadeur (1907-1913) à Washington. Voir Keith Robbins, Politicians, Diplomacy and War in Modern British History, Londres, Hambeledon Continuum, 1994, p. 63. Le chap. v est consacré à la carrière de James Bryce.
105 James Bryce (Viscount Bryce), International Relations : Eight Lectures Delivered in the United States in August 1921, New York, Macmillan, 1922, lecture 3.
106 Ibid., lecture 4.
107 Alfred Zimmern, The League of Nations and the Rule of Law (1918-1935), Londres, Macmillan, 1936, p. 5 : « To understand international relations in their full extent involves not merely a knowledge of the relations between states but also of the relations between peoples. »
108 Pierre Renouvin, « L’histoire contemporaine des relations internationales. Orientation de recherches », Revue historique, 211/2, 1954, p. 233-255, ici p. 233.
109 Nécrologie dans The New York Sun, 12 juin 1936.
110 Harry Elmer Barnes, « World History. Carlton J. H. Hayes, Parker Thomas Moon, John W. Wayland », American Journal of Sociology, 40/4, 1935, p. 531.
111 « First, international relations must be viewed as a whole. There is a purely diplomatic approach to the subject ; there is an “economic interpretation” ; there is also a legal, and a political, and a psychological, and a sociological, and a geographical, and an historical interpretation. Each contributes its share of truth. None, by itself, is sufficient. The purpose of this syllabus is to bring these diverse aspects of the subject together, so far as may be. »
112 Voir Samuel William Halperin, Some 20th-Century Historians : Essays on Eminent Europeans [Mélanges en l’honneur de Bernadotte E. Schmitt], Chicago, University of Chicago Press, 1961, p. 143-170, ici p. 165.
113 Laurence Badel, « Tiananmen (1989) und die Subjektivität des Diplomaten. Für die Berücksichtigung der Emotionen in die Geschichte der internationalen Beziehungen », dans Hélène Miard-Delacroix, Andreas Wirsching (dir.), Internationale Beziehungen und emotional Regimes. Neue Fragen an die Geschichte des Kalten Krieges, Munich, De Gruyter, 2020.
114 Théophile Funck-Brentano, Albert Sorel, Précis du droit des gens, Paris, Plon, 1900, p. 494.
115 Albert Sorel, « Les détails et l’ensemble », dans Nouveaux essais d’histoire et de critique, Paris, Plon, 1888 [3e éd.], p. 4.
116 Id., « L’art et la science », dans Nouveaux essais d’histoire et de critique, op. cit., p. 18.
117 Pierre Renouvin, « La publication des documents diplomatiques français (1871-1914) », Revue historique, 166, 1931, p. 273.
118 Jules Isaac, « Le problème des origines de la guerre. Trois solutions américaines », Revue d’histoire moderne, 7/2, 1932, p. 138-178, ici p. 144.
119 Ces mots sont aussi très proches de ceux employés par Lucien Febvre dans l’article « Histoire ou politique. Un problème d’orientation », publié en 1929 dans la Revue de synthèse. Ce dernier commentait l’ouvrage collectif, piloté par Henri Hauser, paru en 1929, L’histoire diplomatique de l’Europe (1870-1914) auquel Pierre Renouvin avait collaboré. À la « croûte apparente » des événements, Febvre opposait les « couches sous-jacentes », expression empruntée d’ailleurs à Henri Hauser.
120 Intervention orale lors du colloque de John Keiger et Maurice Vaïsse. Voir Keith Hamilton, « Historical Diplomacy : Foreign Ministries and the Management of the Past », dans Jovan Kurbalija (dir.), Knowledge and Diplomacy, 6/19, 2002 ; id., « La diplomatie des archives sous la IIIe République (1871-1914) », Revue d’histoire diplomatique, 4, 2005 ; Pierre Renouvin, « La publication des documents diplomatiques français », art. cité.
121 Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1994, p. 67.
122 Michel Crozier, Erhrard Friedberg, L’acteur et le système, Paris, Seuil, 1977, p. 38.
123 Alexander E. Wendt, « The Agent-Structure Problem in International Relations Theory », International Organization, 41/3, été 1987, p. 335-370, ici p. 359.
124 Par exemple, Richard C. Snyder, H. W. Bruck, Burton Sapin (dir.), Foreign Policy Decision Making : An Approach to the Study of International Politics, New York, The Free Press of Glencoe, 1962.
125 Jean-Baptiste Duroselle, « La décision de politique étrangère. Esquisse d’un modèle-type », Relations internationales, 1, mai 1974, p. 5-26.
126 Emmanuel Droit, « L’histoire internationale en Allemagne depuis 1990. Origines, renouvellements, perspectives », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 124/4, 2014, p. 123-139.
127 Laurence Badel, « Jean-Baptiste Duroselle, l’Européen atlantique », art. cité ; voir Heinz Hürten, Waldemar Gurian, Ein Zeuge der Krise unserer Welt in der 1sten Hälfte des 20. Jahrhunderts, Mayence, Matthias-Grünewald Verlag, 1972.
128 Library of Congress, Manuscript Division, Washington DC, Waldemar Gurian Papers [WGP], box 18, folder 5.
129 Ibid., Hans Morgenthau Papers, box 25, Gurian, 1939-1954.
130 Ibid., WGP, box 2 Di-Du Miscellaneous, 1934-1953 ; box 17 folder 8 : lettre de Clarence A. Berdahl du 12 octobre 1946 a/s origine article « On the Study of International Relations ».
131 The Review of Politics, 8/3, 1946, p. 275-282, ici, p. 278-279 : « International relations are concerned with relations between nations, or, if this word has a too-specific meaning, relations between various groups organized in separate modern meaning, relations between various groups organized in separate political units. Such a study would include not only relations among states, but also the influence of groups which are inside the state and at the same time often go beyond its frontiers, eithers in the form of visible organizations, like the Catholic Church, or without organization, simply in a bond of sympathies, common ideas and purposes, like some forms of the labor movement. »
132 Ibid., p. 280 : « International relations must be described by analysing the factors which are their material, for instance, the boundaries and the distribution of raw materials, so important in modern times. They must be interpreted by analysing the differing characters of various foreign policies, the influence of national traditions and legal diplomatic systems of procedure as well of universal systems of ideas, to which in spite of its dialectic materialism the official doctrine of the USSR belongs. »
133 Robert F. Byrnes, « Stephen D. Kertesz : Diplomat and Scholar », dans Kenneth W. Thompson (dir.), Diplomacy and Values : The Life and Works of Stephen Kertesz in Europe and America, Lanham, University Press of America, 1984, p. 25-36.
134 Fonds de l’Institut Pierre-Renouvin, USA, 1959-1961, Kertesz, 1960.
135 Ibid., lettre de S. Kertesz du 20 novembre 1959.
136 Pour une analyse des termes ultérieurs du débat en Allemagne, on lira en particulier Eckart Conze, « Abschied von Staat und Politik ? Überlegungen zur Geschichte der internationalen Politik », dans Eckart Conze et al. (dir.), Geschichte der internationalen Beziehungen. Erneuerung und Erweiterung einer historischen Disziplin, Cologne, Böhlau Verlag, 2004, p. 15-43, et, de manière plus spécifique pour l’histoire diplomatique, l’introduction de l’article d’Ursula Lehmkuhl : « Diplomatiegeschichte als internationale Kulturgeschichte : Theoretische Ansätze und empirische Forschung zwischen Historischer Kulturwissenschaft und Soziologischem Institutionalismus », Geschichte und Gesellschaft, 3, 2001, p. 394-423.
137 François Jequier, « Jacques Freymond, professeur à la Faculté des Lettres de l’université de Lausanne (1943-1955). Plaidoyer pour une biographie intellectuelle », Relations internationales, 98, 1999, p. 139-147.
138 Jacques Freymond, « Dialogue avec un monde qui change », Les relations internationales dans un monde en mutation, Genève, IUHEI, 1977, p. 26-27.
139 Le conflit sarrois (1945-1955), Bruxelles, Éditions de l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles, 1959 ; Le conflit franco-marocain (1943-1956), 3 t., Bruxelles, Éditions de l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles, 1963 ; Le conflit de Trieste (1943-1954), 1965 ; Le conflit de Chypre (1946-1949), 2 t., Bruxelles, Émile Bruylant, 1973. Les quatre livres paraissent dans la collection « Études de cas de conflits internationaux » du Centre européen de la Dotation Carnegie pour la paix internationale. Voir Laurence Badel, « Jean-Baptiste Duroselle, l’Européen atlantique », art. cité.
140 Harold Guetzkow, « The Potential of Case Study in Analyzing International Conflict », World Politics, 14/3, 1962, p. 548-552, ici p. 550 : « It seems to this reviewer that Freymond and his collaborators hindered realization of the potential contribution of their case study to more universal knowledge by their failure to exploit the developing literature in the social sciences on the very topics with which their analytical study was concerned. […] The shocking contrast between the penetrating historical scholarship and the superficial social science of this volume highlights the missed opportunity to give this case study immediate significance for the more general understanding of international conflict. »
141 Introduction à l’histoire des relations internationales, Paris, Armand Colin, 1964, p. 3-4. Voir Samuel William Halperin, Some 20th Century Historians : Essays on Eminent Europeans, Chicago, University of Chicago Press, 1961, p. 143-170.
142 Antoine Fleury, « Les documents diplomatiques suisses. Histoire d’une publication majeure des historiens suisses », Schweizerische Zeitschrift für Geschichte. Revue suisse d’histoire. Rivista storica svizzera, 41, 1991, p. 521-533.
143 Id., « L’étude de l’histoire des relations internationales en Suisse », Relations internationales, 42, 1985, p. 209-219, ici p. 212-213.
144 Sur la création de la chaire d’histoire nord-américaine, voir Markus Bodler, « Les historiens français et les États-Unis dans les années 1950 et 1960 », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, débats, http://journals.openedition.org/nuevomundo/58811.
145 Rosa María Pardo Sanz, « La politique extérieure espagnole de la fin du franquisme et son héritage sur la transition démocratique », Histoire@Politique, 29/2, 2016, p. 125-140.
146 Robert Demoulin, Histoire des relations internationales, publiée sous la dir. de Pierre Renouvin, V, Le xixe siècle, 1, De 1815 à 1871, compte rendu publié dans la Revue belge de philologie et d’histoire, 33/3, 1955, p. 695.
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Histoire et relations internationales
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