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    Plan détaillé Texte intégral Apogée ? Déclin ? Un diagnostic à relativiser L’hégémonie ? À relativiser à la baisse Récit convenu, et sans doute trop lisse Une émancipation précoce à bas bruit (années 1960-années 1980) Contexte externe et critiques internes (années 1970-années 1990) Points aveugles : vraies critiques ou faux débats ? Acquis fondamentaux, nouvelles alliances, renouvellements (années 1990-2010) Notes de bas de page Auteur

    Pour une histoire sociale et politique de l’économie

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Ceci n’est pas une postface

    Michel Margairaz

    p. 493-527

    Texte intégral Apogée ? Déclin ? Un diagnostic à relativiser L’hégémonie ? À relativiser à la baisse Récit convenu, et sans doute trop lisse « L’histoire économique : une discipline dans les marges ? » (Jean Bouvier) L’histoire labroussienne, peu économique et peu contemporaine ? Une émancipation précoce à bas bruit (années 1960-années 1980) La dispersion précoce et sans heurt de la famille… … et le « monopole » entamé « sans arrachement » en histoire économique contemporaine Contexte externe et critiques internes (années 1970-années 1990) Un contexte institutionnel en rupture : la fin du monopole ? Le revirement intellectuel et idéologique fin de siècle : l’histoire économique écartelée ? Les débats de la famille historienne : critiques radicales ou relatives ? De Saint-Cloud à Ulm : une remise en cause interne aux historiens de l’économie Points aveugles : vraies critiques ou faux débats ? La rançon des succès : les rendements décroissants et les lacunes en histoire contemporaine Le point aveugle des phénomènes singuliers La double rencontre manquée avec les économistes Acquis fondamentaux, nouvelles alliances, renouvellements (années 1990-2010) Surmonter l’échec de la rencontre avec les économistes L’histoire totale en perspective : « peut-être un rêve » Pour une histoire sociale et politique de l’économie Pour le polycentrisme et la coexistence pacifique Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Ceci n’est pas à proprement parler une postface. Non informé du contenu des contributions qui précèdent, mais connaissant seulement la table des matières et l’introduction, il ne m’est guère possible d’écrire un texte s’inscrivant exactement à leur suite.

    2Néanmoins, deux séries de raisons m’encouragent à ajouter quelques propos.

    3D’abord, l’envie de répondre par un effort d’écriture à celui fourni par les signataires de l’ouvrage. Ma façon, somme toute, de leur manifester l’émotion, puis la gratitude éprouvées à l’annonce que je suis responsable – indirectement, certes – de la peine prise par trente-deux chercheuses et chercheurs de s’imposer une tâche supplémentaire ! Ensuite, connaissant bien – et pour cause ! – les recherches des signataires, j’espère proposer quelques aperçus personnels, à propos de l’histoire économique qui, de près ou de plus loin, nous réunit ici.

    4Annonçons d’emblée notre double propos, qui s’écarte de certains bilans convenus :

    1. l’histoire économique contemporaine, à la différence de l’histoire sociale, s’est émancipée précocement des cadres conceptuels et méthodologiques les plus rigides de l’époque labroussienne…
    2. … mais cette émancipation n’a pas consisté, comme chez d’autres, à rejeter tout l’héritage. Elle s’est effectuée « sans arrachement1 », en procédant au tri entre les carences paralysantes et les acquis féconds, sources eux-mêmes de renouvellements, comme les travaux réunis dans ce volume, au total, en sont la meilleure preuve.

    5Relativisons d’abord le double diagnostic de l’apogée et du déclin (prétendus) de l’histoire économique, en déglobalisant des indicateurs – trop – généraux. Puis distinguons un contexte propre à l’histoire économique contemporaine, dû à des ruptures majeures dans le paysage institutionnel et intellectuel, défavorable dès les années 1970. Tentons ensuite de resserrer l’objectif en différenciant les attaques venues de l’extérieur des défections successives de ses héritiers directs ou plus lointains, qui, pour certains, ont assombri délibérément le bilan pour mieux justifier leur ascension, alors que d’autres prises de distances ne remettaient pas nécessairement en cause tout l’héritage. Enfin, dissocions de réelles limites internes, des lacunes ou points aveugles, qui ont pu agir comme autant de facteurs stérilisants, des acquis véritables à préserver comme facteurs de renouvellements, qui nous intéressent ici en premier lieu.

    Apogée ? Déclin ? Un diagnostic à relativiser

    6Ne nourrissant aucun goût ni pour la nostalgie, ni pour le catastrophisme, je m’attarderai peu sur les causes du fléchissement de l’histoire économique contemporaine dans le paysage des sciences humaines en général, et de l’histoire contemporaine en particulier. Et ceci d’autant moins que j’ai déjà abordé ailleurs la question, qu’il existe une littérature sur le sujet2, et que ce n’est pas le lieu ici d’égrener un catalogue de travaux3. On dispose en outre d’un bilan argumenté pour l’année 20064, ainsi que d’apports utiles dans plusieurs ouvrages collectifs en hommages5. On s’attardera sur les autres marques de renouvellement repérables depuis lors, en particulier dans les travaux concrètement mis en œuvre par le collectif réuni dans le présent ouvrage.

    7Relativisons ce jugement communément admis sur le fléchissement actuel, par rapport à un prétendu « âge d’or », qu’aurait représenté la séquence Braudel-Labrousse des années 1940 aux années 1970. L’une des difficultés de l’exercice provient du fait que ce sont souvent les témoins acteurs de cette séquence qui ont eux-mêmes construit leur propre histoire6. Au point de diffuser une doxa, qui présente bien des biais.

    L’hégémonie ? À relativiser à la baisse

    8« Histoire économique et sociale », cette dénomination figure, on le sait, aux deux pôles chronologiques, qui bornent la période communément admise comme celle coïncidant avec l’hégémonie supposée de la séquence Braudel-Labrousse sur la production historique. En amont, elle apparaît dans l’intitulé de la revue les Annales (d’histoire économique et sociale) première manière (1929-1944), celles de Marc Bloch et de Lucien Febvre comme dans celui de l’Institut (d’histoire économique et sociale, IHES), fondé en 1938 par Marc Bloch à la Sorbonne et, après son assassinat par les nazis (1944), dirigé par Ernest Labrousse de 1945 à 1967, Pierre Vilar de 1967 à 1976, puis par Jean Bouvier et Jean-Claude Perrot dans les années 1980. En aval, on retrouve la dénomination dans le couronnement représenté par la grande synthèse collective, les huit volumes de l’Histoire économique et sociale de la France (codirigés par Labrousse et Braudel), publiés aux Presses universitaires de France entre 1968 et 1982, date où commencerait précisément le déclin7.

    9Cette histoire économique – du moins en histoire contemporaine – est dominée par la figure d’Ernest Labrousse. Reposant sur ses deux thèses publiées8, inspirée par la statistique conjoncturelle de Simiand et par la sociologie d’Émile Durkheim, elle s’attache à définir des groupes sociaux homogènes, structurants et préétablis, analysés à travers leurs revenus inégaux et différenciés par une vulnérabilité inégale aux fluctuations de la conjoncture courte, tributaires à leur tour des cycles longs (long waves) de croissance et de dépression de longue durée9. Histoire économique, « et sociale », à la fois quantifiée – plus que quantitative, on y reviendra – articulant « conjoncture économique » et « structures sociales »10, elle est conçue d’abord comme une histoire sociale, construite en vue de bâtir le socle d’une histoire totale, incluant l’histoire « mentale » et politique, en l’espèce la Révolution.

    Récit convenu, et sans doute trop lisse

    10Première retouche au tableau, ces principes fondateurs n’ont pesé que de manière éphémère et partielle sur l’histoire économique contemporaine. Labrousse a surtout défriché l’histoire des espaces pré-industriels de la période moderne ou proto-contemporaine, avec, on le sait, un intérêt particulier pour les crises économiques de subsistances, révélatrices à ses yeux des structures économico-sociales profondes à dominante agraire, au point de construire la crise dite « d’Ancien Régime », modèle-type emblématique d’histoire totale, où le paroxysme de cherté des prix entraîne la mobilisation sociale, qui elle-même déclenche la révolution politique en juillet 1789, puis en juin 1830 et février 1848. La plupart des historiens et historiennes contemporains témoignent de l’attrait, voire de l’enthousiasme qu’a suscité, notamment chez les plus jeunes, cette vaste construction intellectuelle par son caractère englobant et totalisant. Ajoutons deux éléments de contexte favorable. D’abord, le charisme jauressien du grand pédagogue et orateur. Mais aussi – et surtout ? – le climat idéologique et politique de cette triple décennie d’après-guerre, où on a pu sommairement écrire que l’inspiration en était à la fois marxiste et structuraliste, à un moment où ces courants semblent dominer le paysage intellectuel des sciences sociales, avec les espérances d’émancipation que cela pouvait signifier.

    11Deuxième retouche, cette domination idéologique n’a pas toujours été aussi forte qu’on a pu l’écrire un peu vite. Déjà, chez Labrousse – comme chez Braudel – il s’agit plutôt d’une adaptation lointaine ad hoc de l’œuvre de Marx, voire d’un bricolage théorique, disent certains, avec ou sans malveillance délibérée. Dans leur pratique, nombre d’historiens de l’économie d’alors, pratiquent, plutôt sans le savoir, comme le Bourgeois gentilhomme, un peu de marxisme, dans la mesure, plus ou moins forte et constante, où ils s’inspirent d’un ou de plusieurs des trois principes dégagés par Pierre Vilar en 1973 : un certain primat des réalités technico-économiques ; un recours à la quantification ; une mise en évidence des inégalités et hiérarchies sociales11. Mais c’était dans l’air du temps. Jusqu’aux années 1970, dans les diverses sciences sociales, nombre de réalités sont pensées comme résultantes de processus où l’individu n’a guère de part par rapport aux « structures » ou tributaires de « procès sans sujet », expression récurrente de Louis Althusser. Et cela n’a pas empêché certains historiens économistes – sans parler des autres historiens ou de sociologues, philosophes ou politistes autour de Raymond Aron – de demeurer résolument rétifs, voire hostiles à ces cadres de pensée, tels Roland Mousnier en histoire moderne, ou, pour l’histoire contemporaine, Maurice Lévy-Leboyer et François Crouzet.

    « L’histoire économique : une discipline dans les marges ? » (Jean Bouvier)

    12D’après quelques chiffres – pas toujours exploitables – d’une enquête de 1967 et de deux bilans successifs dressés par le Comité français des sciences historiques sur la production historique en France (entre 1965 et 1980), la place de l’histoire économique contemporaine paraît ténue dès les années 1960 et décroissante ensuite : moins de 10 % des thèses d’État en histoire contemporaine de la France déposées avant 1967 (soit une quarantaine), et seulement 5 % des thèses d’État et thèses complémentaires soutenues en histoire contemporaine de 1965 à 1980 (soit moins d’une dizaine)12. Jean Bouvier, dans le rapport de 1980, s’en inquiète et évoque comme repère chronologique explicatif le départ à la retraite de Labrousse en 1967. Diagnostic réitéré en 198613, confirmé par François Crouzet en 1990 et répété ensuite14. Cette tendance lourde est attestée par la place réduite – largement moins de 20 % du total – des articles d’histoire économique présents entre 1957 et 1969 dans quelques revues15. Dans la revue où la proportion est la plus forte (près de 40 % dans les Annales, devenues Annales. Économies, sociétés, civilisations en 1945, dirigées alors par Fernand Braudel), la très grande part est classée en histoire moderne, et en régression nette ensuite16. Fait significatif, qu’on tentera d’expliquer, lorsque des historiens – il est vrai très majoritairement modernistes ou médiévistes – alors doublement hégémoniques dans les Annales et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) décident en 1978 de publier un choix d’articles de synthèse promotionnels de la « nouvelle histoire », aucun ne traite de l’histoire économique. Pas davantage dans la réédition publiée dix années plus tard17.

    L’histoire labroussienne, peu économique et peu contemporaine ?

    13Les pôles d’intérêt comme le magistère scientifique de Labrousse, se manifestent d’abord en histoire moderne, de même, à sa suite, les travaux de Pierre Vilar, grand spécialiste de la Catalogne moderne. Labrousse est demeuré, dans ses propres recherches, attaché à l’histoire des structures rurales et urbaines des sociétés préindustrielles, débordant à la marge sur un premier xixe siècle, rarement au-delà de la crise de 1848, excepté pour l’étude des prix départementaux céréaliers18. De surcroît, la plupart des grandes controverses scientifiques se déroulent surtout en histoire moderne – si on y inclut la période révolutionnaire – et même bien davantage à propos de l’histoire sociale, comme en témoignent les deux colloques organisés à l’ENS de Saint-Cloud en 1965 et 1967 (en particulier par Daniel Roche), où, à l’heure de son départ de l’IHES, Labrousse s’oppose vivement à Roland Mousnier sur le thème « Ordres et classes ». Il marque par là, dans la lignée de l’Esquisse, son double attachement à l’histoire sociale et à l’étude de la société d’Ancien Régime. Même s’il dirige plus d’une trentaine de thèses portant sur le xixe siècle, qui sont loin d’être toutes strictement d’histoire économique, l’hégémonie intellectuelle labroussienne s’exerce d’abord à travers la direction de grandes thèses de la période moderne préindustrielle, où dans un cadre souvent régional, les disciples tentent d’articuler dans cet ordre hiérarchique, « de la cave au grenier » (Michel Vovelle) les trois étages, l’économique, le social, le mental et le politique19.

    14Seconde réserve, l’histoire labroussienne est rarement une histoire économique chimiquement pure. Plutôt une histoire économique et sociale, ou, si l’on préfère, une histoire économique suspendue à une histoire sociale qui l’englobe. L’histoire économique vient d’abord fournir un ensemble de données quantifiées, un cadre d’analyse, en l’espèce la conjoncture des prix et des revenus, en ce qu’elle rythme le partage, nécessairement inégal et fluctuant, de la richesse produite entre les classes sociales majeures antagonistes. C’est là à la fois l’hypothèse principale et l’objet d’étude central de toute recherche, finalité ultime propre à consolider l’ensemble. Aussi, nombre de travaux dirigés par Labrousse en histoire contemporaine – au-delà même des thèses d’État – relèvent-ils davantage de l’histoire sociale, voire de celle du mouvement ouvrier. Et cela, quel que soit l’objet d’étude, qu’il s’agisse des grèves à la fin du xixe siècle, de la Compagnie des chemins de fer du Nord ou des Mines de la Loire20.

    Une émancipation précoce à bas bruit (années 1960-années 1980)

    15L’histoire économique contemporaine s’émancipe des cadres intellectuels labroussiens de manière précoce, mais sans éclats. Dès les années 1960-1970, les thèses d’histoire économique contemporaine classées dans l’histoire des relations internationales ne sont pas dirigées par Labrousse, mais par Pierre Renouvin, soucieux d’y introduire les « forces profondes » économiques. Notamment les thèses d’État de Raymond Poidevin, Pierre Guillen, René Girault, Pierre Milza, Jacques Thobie, qui abordent les relations financières internationales de la France avant 1914, traversées par les débats contemporains sur l’impérialisme. S’y rattache également la thèse d’Albert Broder, consacré aux intérêts étrangers en Espagne21.

    La dispersion précoce et sans heurt de la famille…

    16Les auteurs de la plupart des thèses d’État – nés autour de 1930 – dirigées par Ernest Labrousse jusqu’à la fin des années 1970, et a fortiori en histoire contemporaine où son autorité est davantage institutionnelle qu’intellectuelle, tout en appliquant à l’origine les principes fondateurs, s’en émancipent chemin faisant. Ils relèvent in fine tout autant, si ce n’est davantage, de l’histoire sociale (Alain Corbin, Adeline Daumard, Michelle Perrot, Yves Lequin…), de l’histoire sociopolitique ou anthropologique (Maurice Agulhon, Paul Bois, Georges Dupeux…), voire de celle des « mentalités » (Michel Vovelle). Même s’ils lui manifestent fidélité, et si Labrousse les laisse volontiers parcourir des chemins de traverse en leur proposant même des sujets de thèse en histoire sociale ou politique, au moment de la retraite effective du maître, la famille s’est déjà dispersée22, mais sans fracas, en combinant, à doses variables, le respect de la tradition établie et l’émancipation vers d’autres objets d’histoire.

    17Exemple emblématique de ce syncrétisme subtil, la thèse de Michelle Perrot (éditée une première fois dans sa version initiale en 1974) combine deux premières parties labroussiennes, articulant la radiographie des trois mille grèves quantifiées et analysées entre 1871 et 1890 aux fluctuations de la conjoncture économique et sociale de la Grande Dépression et une troisième partie – visiblement plus jubilatoire – où elle s’émancipe en se livrant à une approche anthropologique du « geste et de la parole » de la grève. Seule partie de la thèse jugée utile dans la réédition, dix ans plus tard23. Avant une émancipation totale, on le sait, vers d’autres rivages historiographiques : l’histoire pénitentiaire et surtout l’histoire des femmes. De même, François Caron, dans sa thèse sur la Compagnie des chemins de fer du Nord (publiée en 1973), s’oriente vers l’histoire des techniques.

    … et le « monopole » entamé « sans arrachement » en histoire économique contemporaine

    18Parallèlement, dès les années 1960, les recherches en histoire économique contemporaine se diversifient, et, sans totalement couper les ponts, s’autonomisent quelque peu du schéma labroussien. Jean Bouvier poursuit les intuitions labroussiennes en travaillant sur les profits dans le deuxième xixe siècle ou sur les crises économiques. Mais, tout en gardant en tête une partie de leurs questionnements, il s’attelle ensuite à de nouveaux objets et aborde résolument le siècle suivant : l’histoire des banques, de la monnaie, de l’inflation et des relations financières internationales, des statistiques, de la fiscalité et des finances publiques ainsi que de la politique économique à divers moments du xxe siècle24.

    19En outre, les recherches abordent trois domaines nouveaux, mais, là également, « sans arrachement », D’abord, les études sur l’industrialisation et la croissance française dans une perspective comparée au xixe siècle. C’est le cas de l’histoire du processus d’industrialisation, avec la thèse de Pierre Léon sur le Dauphiné (ainsi que les travaux réunis lors de la journée d’études qui lui est consacrée en 1977 à Lyon) et l’histoire de secteurs, de branches, de produits ou de régions, notamment les banques (Maurice Lévy-Leboyer en 1964), les charbonnages du Nord (Marcel Gillet en 1973), auxquelles on peut ajouter, sous d’autres directions, la Banque de France (Alain Plessis) en 1980, la sidérurgie (Denis Woronoff) en 1984, ou encore, plus tardivement, le coton (Serge Chassagne en 1991), la région lilloise (Jean-Pierre Hirsch en 1991). Par ailleurs, Maurice Lévy-Leboyer et François Crouzet rompent explicitement dès les années 1960 le lien avec l’histoire sociale et proposent une analyse quantitative de la croissance industrielle française au xixe siècle en construisant un indice de la production industrielle propre à effectuer des comparaisons avec la croissance britannique, objet d’un travail spécifique reconnu de François Crouzet.

    20La question est également posée pour la croissance au xxe siècle au début des années 1970, mais par les statisticiens25 Jean-Jacques Carré, Paul Dubois et Edmond Malinvaud, à travers leur ouvrage qui, à l’aide d’un modèle économétrique sur les facteurs à l’œuvre, en viennent à préciser – à contre-chronologie de la cassure de 1973 – une dynamique durable de croissance privilégiant le rôle du progrès technique26. C’est l’occasion d’aborder la Grande Croissance des années 1950-1960 et la rupture des années 1974-1975, analysées par Jean Bouvier et François Caron dans l’ultime volume de l’Histoire économique et sociale de la France.

    21Deuxième domaine, l’histoire des entreprises, qui prend son autonomie par rapport au cadre labroussien, en faisant de l’entreprise un objet d’étude pour lui-même. Malgré la création du Centre d’Histoire des entreprises en 1955 par Bertrand Gille, auteur de plusieurs travaux sur les banques au xixe siècle, et la publication de quelques histoires pionnières d’entreprises (Claude Fohlen en 1955 ; Jean Bouvier en 1961 ; Patrick Fridenson en 1972 ; François Caron en 1973…), la Business History en France tarde à se développer. Alors qu’aux États-Unis, celle-ci s’autonomise et croît au sein de la Business Historical Society dès 1925, puis, dans la décennie 1960, à la suite des travaux de l’historien et économiste américain Alfred D. Chandler, relatifs à la grande entreprise moderne, contemporaine de la seconde industrialisation et perçue à travers ses mutations corrélées entre stratégies et structures d’organisation managériale27. Les histoires d’entreprises se développent en France à partir des années 198028 et les publications se multiplient depuis lors, grâce en partie du soutien de fondations, au mécénat d’entreprises publiques et privées ou à l’appui de comités d’histoire et de revues spécialisées dans certains secteurs (électricité, transports ferroviaires, aluminium, télécommunications…). Les historiens y trouvent parfois un terrain de coopération avec certains économistes, des sociologues, des gestionnaires, des juristes… La revue Entreprises et histoire n’est cependant créée qu’en 1992, du fait notamment d’une méfiance durable et réciproque entre chercheurs et chefs d’entreprise et d’un accès souvent malaisé aux archives. Après un certain engouement dans les années 1990-2000, le mouvement ralentit. Même si l’objet est neuf, cette approche micro-économique se heurte en effet à des questions méthodologiques et théoriques parfois anciennes ainsi qu’au danger de saturation29. Elle affronte parfois à une critique symétrique de celle adressée à la tradition labroussienne, à savoir le risque de verser dans une success story, faute de prise en compte suffisante des interférences méso-économiques – à l’échelle des branches – et macro-économiques, à celle de la société tout entière. Enfin – troisième voie – avec un décalage depuis les travaux pionniers anglo-américains, notamment ceux de David Landes, l’histoire des innovations et des techniques se détache d’une histoire économique stricte et s’autonomise, en renouvelant les questions par l’étude des dynamiques des réseaux d’acteurs ou des pressions de la demande et des usages sociaux et culturels de la consommation, à travers l’histoire des inventeurs et des ingénieurs, celle des écoles et de la formation, celle des innovations de produits ou de procédés ou encore, de manière plus ambitieuse, de recherches sur les systèmes techniques, dans la lignée des travaux de Bertrand Gille. Cette histoire fournit, elle aussi, matière à interdisciplinarité avec des économistes, des gestionnaires, des ethnologues, des sociologues. Denis Woronoff s’y rattache par l’intérêt porté au patrimoine industriel, et François Caron, soucieux de la relier aux dynamiques sociales, suscite de nombreux travaux et les met en perspective dans une synthèse pour le xxe siècle, poursuivie plus tard (2010) par une histoire pluriséculaire de l’innovation.

    22Les années 1980-1990 voient la parution de plusieurs synthèses, individuelles ou collectives, qui rendent compte de la vitalité et de la diversité des productions30. Pourquoi parler alors de déclin ?

    Contexte externe et critiques internes (années 1970-années 1990)

    23Rappelons brièvement les facteurs externes, bien repérés, de la dissipation des postulats labroussiens en une trentaine d’années, mais en tentant d’articuler des facteurs externes défavorables, à une double échelle d’analyse : au cœur de l’université et de la recherche du moment et, plus largement, dans le paysage intellectuel contemporain et des critiques internes issues de la famille historienne.

    Un contexte institutionnel en rupture : la fin du monopole ?

    24Obsédés par une « histoire des idées » – bien dépassée, celle-là, par son étroitesse de vues et ses apories –, certains observateurs oublient combien les courants historiographiques sont aussi tributaires des structures institutionnelles de la recherche et de l’université qui les produisent. Le tableau des « facultés de Lettres » (où s’enseigne alors l’histoire économique) des deux décennies précédant Mai 1968 n’est assurément pas le nôtre : une université et une recherche malthusiennes et fortement centralisées, avec peu (ou pas) de créations de postes, peu de crédits, peu d’étudiants, peu de « chaires » et de professeurs, peu de colloques et de publications et des thèses d’État en petit nombre, car exigeant le sacerdoce d’un investissement en temps d’élaboration au moins décennal, voire (souvent) davantage. Et en faculté, le quasi-monopole des directions de thèse est assuré par un professeur (quasiment aucune femme à ce poste) dans chaque période de l’histoire, Ernest Labrousse jouant ce rôle en histoire contemporaine, en le partageant toutefois à la Sorbonne avec Pierre Renouvin, déjà évoqué.

    25Le mouvement social et intellectuel de mai-juin 1968 – alors que Labrousse a quitté l’IHES l’année précédente – remet en cause les structures universitaires. La réforme d’Edgar Faure en novembre 1968, la création des universités relativement autonomes et de centres de recherches, la scission administrative de la Sorbonne, le recrutement rapide de nouveaux universitaires, la création du Centre expérimental de Vincennes (devenu université de Paris 8), où se concentrent beaucoup d’historiens contemporanéistes : autant de facteurs mêlés qui ébranlent le monopole labroussien, et qui favorisent la diversité des approches, la multiplication des objets d’études et la reformulation des questions.

    26Puis la situation se fige dans les années 1970, jusqu’à ce qu’une deuxième vague de créations de nouvelles universités intervienne dans les années 1990, marquant un cran supplémentaire dans la diversification, la multiplication et la concurrence. Ajoutons l’imbrication plus forte entre histoire savante et vulgarisation, à travers des médias (audio, visuels, imprimés, ouvrages) de plus en plus présents. Et surtout une dynamique de la recherche accentue dans les années 1990 la compétition, et la quête de crédits sur projets ainsi que la création de doctorats en trois ans poussent au raccourcissement des investigations et à la multiplication des colloques et des publications.

    Le revirement intellectuel et idéologique fin de siècle : l’histoire économique écartelée ?

    27Restons-en, faute de place, à quelques constats généraux, bien connus, qui mêlent climat idéologique général, tendances conceptuelles des sciences sociales et basculements contemporains des dynamiques économiques et des politiques publiques qui y sont liées. Pêle-mêle : le retour de balancier idéologique des années 1970-1980, marqué par le reflux plus général du structuralisme et du marxisme dans l’univers intellectuel des sciences sociales, auquel s’ajoute une composante intellectuelle anti-totalitaire à la fin des années 1970. À la suite du débat sur le bicentenaire de la Révolution, de la disparition de l’URSS et des pays socialistes d’Europe de l’Est dans les années 1990, une seconde vague de remise en cause des principes fondamentaux à l’œuvre dans les sciences sociales intervient, rejetant tout à la fois les entités collectives, la lutte des classes, les grands systèmes d’explication englobants, les fondements des Lumières, tenus pour responsables du totalitarisme, alors qu’en économie, le rejet du keynésianisme s’accompagne de la consécration académique de Milton Friedman et (tardive) de Friedrich Hayek, de l’essor de l’économétrie et l’hégémonie théorique néoclassique… Parallèlement, dans le domaine économique et social, sous la poussée d’une phase (nouvelle) de mondialisation et de la « nouvelle économie » de la troisième industrialisation, se manifestent la désindustrialisation, l’éclatement de la classe ouvrière et la désyndicalisation, le chômage de masse, la globalisation financière et, pour ce qui est des politiques publiques, la mise en question du keynésianisme, de l’État du bien-être, des politiques sociales et des services publics et la mise en œuvre corollaire de politiques publiques se réclamant du monétarisme, de l’ouverture financière et commerciale, de la politique de l’offre, du New Public Management, et qualifiées souvent, faute de mieux, de néolibérales.

    28Ce n’est pas le lieu ici d’étudier précisément les médiations, les médiateurs et les modes de réception efficaces d’un domaine à l’autre. Si on s’en tient à l’échelle plus limitée des sciences sociales, dans les années 1970-1980, l’histoire quantitative de type labroussien se trouve attaquée sur un double front.

    29Dès 1971, Pierre Nora, en lançant la collection « Bibliothèque des histoires », se félicite : « Nous vivons l’éclatement de l’Histoire31 », et, trois années plus tard, en présentant avec Jacques Le Goff, les trois volumes de Faire de l’histoire, il suggère que l’éclatement constitue une réponse positive à l’offensive des sciences sociales, qui entament le monopole assuré jusque-là par l’histoire comme « système d’explication des sociétés32 ». Les remises en cause d’une histoire économique et sociale labrousienne proviennent en effet largement des effets directs et indirects, avec un retard plus ou moins grand en France, de débats en sciences sociales menés à l’étranger, principalement aux États-Unis, au Royaume-Uni en Italie et en RFA. D’abord, les effets du Linguistic Turn, issu des sciences sociales nord-américaines dès les années 1970, conduisent à mettre en doute de manière radicale les prétendues réalités prédéfinies dans les catégories sociales et les statistiques telles que les labroussiens les utilisent, au nom du fait que les statistiques, comme tout texte, seraient d’abord des constructions sociales, discursives, symboliques et politiques des acteurs contemporains. Cette critique est confortée en histoire sociale par la découverte tardive (publication en 1963, traduction française… en 1988 !) de l’ouvrage d’Edward Palmer Thomson sur la formation de la classe ouvrière anglaise, non définie par des composantes économiques, mais analysée comme un processus de construction macro-sociale par des acteurs conscients d’accéder à une identité collective dans un contexte historique situé33. S’y ajoutent le tournant vers la microstoria et l’approche culturelle et anthropologique de l’histoire et vers l’éclatement consécutif des objets d’études, puis les débats autour de l’histoire du quotidien (Alltagsgeschichte) au sein de l’histoire sociale en RFA au début des années 1980. Dès cette date, des auteurs anglo-américains diagnostiquent la chute du « paradigme des Annales34 ».

    30Les effets les plus massifs de ces controverses sont de deux ordres : une remise en cause des concepts, des méthodes et des objets d’études de l’histoire labroussienne, mais aussi (et surtout ?) une contestation victorieuse de son hégémonie supposée sur l’histoire, voire de l’histoire sur les sciences sociales. Sur le fond, la critique porte à la fois sur les catégories sociales prédéfinies, les méthodes quantitatives, la constitution de bases de données elles-mêmes, voire l’usage de statistiques, ainsi que sur ce qui est désigné comme un déterminisme socio-économique et sur les prétentions à l’histoire « totale ». Dès lors, la lutte est ouverte pour assurer la relève de l’histoire économique et sociale comme discipline hégémonique au sein des sciences sociales.

    31Conséquence concrète, en histoire, le terrain se trouve occupé par d’autres domaines : la démographie historique et l’histoire des mentalités « mot flou, et non-concept phare35 » de la Nouvelle Histoire dans les années 1970 ; et depuis lors, l’anthropologie historique, l’histoire des représentations, de la mémoire, du patrimoine, puis la Gender History, et dans les objets, le retour de l’événement, du fait singulier, de l’acteur, de l’individu et de la biographie, ainsi qu’un intérêt grandissant pour les marges, les groupes périphériques, les formes de mobilité sociale, qui assurent peu à peu la double suprématie de l’histoire culturelle, légitimée par l’essor des Cultural Studies et autocélébrée par ses figures majeures, ou encore de l’histoire politique, qui, on va le voir, rejette de manière radicale tout lien à l’histoire économique.

    32Mais d’un autre côté, des économistes de la New Economic History, notamment anglo-américains, dans la lignée des travaux en cliométrie développés depuis les années 1960, parviennent à s’assurer l’hégémonie sur l’histoire économique à travers une « économie historique » quantitative et mathématisée, fondée sur des modèles puisés dans la théorie néoclassique et soucieuse de se débarrasser de tout facteur institutionnel, social ou culturel, jugé « exogène ». Sur leurs traces, certains économistes en France, suivis en cela par quelques historiens – peu nombreux –, prétendent réinvestir l’histoire économique en rompant tout lien avec l’histoire sociale, et dénoncent de surcroît la faiblesse en théorie économique et en méthodes statistiques des historiens labroussiens. Le phénomène est plus massif en Espagne et en Italie, où l’histoire économique est enseignée par les économistes, eux-mêmes très influencés par la théorie standard anglo-américaine. Au Royaume-Uni, le recul de l’histoire économique, malgré le poids de l’Economic History Society et l’impact de l’Economic History Review, est aggravé par la disparition des départements d’histoire économique autonomes (hors des départements d’histoire ou de sciences économiques).

    33Jugée trop globale et trop quantitative, réificatrice du social, inattentive aux acteurs et à leurs représentations ainsi qu’aux événements aux yeux des autres historiens, jugée trop empirique et trop littéraire, pas assez mathématisée et savante en matière statistique aux yeux des économistes dominant désormais l’« économie historique », l’histoire économique, écartelée, va-t-elle subir le sort des dinosaures ?

    Les débats de la famille historienne : critiques radicales ou relatives ?

    34Au-delà des généralités sur le contexte institutionnel et intellectuel, regardons plus en détail les différenciations, au sein de la famille des historiens. En tentant de découpler – sans toujours y parvenir – les désaccords intellectuels sur les problèmes et les méthodes d’un côté et, de l’autre, les luttes de carrières et de pouvoir pour s’assurer des positions dans les sciences sociales ou en histoire contemporaine. En schématisant, dans les années 1980-1990, les remises en cause viennent de quatre milieux, comme autant de cercles concentriques, des plus lointains aux plus proches de l’histoire économique contemporaine, et de deux types. Les deux premiers cercles égrènent des critiques radicales, voire intégristes, à l’égard des postulats labroussiens, mettant en cause l’histoire économique elle-même, mais de l’extérieur et de manière encore plus explicite après les disparitions successives de Fernand Braudel (1985) et d’Ernest Labrousse (1988). Les deux dernières s’émancipent du magistère labroussien, mais à travers des critiques moins frontales, plus sélectives, partant plus constructives.

    35Réunissant une douzaine d’historiens36, tous contemporanéistes, René Rémond annonce en 1988 la naissance d’« une nouvelle histoire politique », soucieuse à la fois de réévaluer l’apport de l’École méthodique et prête à supplanter sur son terrain l’hégémonie de l’histoire économique et sociale, incarnée par les Annales et l’EHESS : « Cette nouvelle histoire a si bien relevé le défi qui lui avait été jeté qu’elle a aujourd’hui de quoi combler les vœux des historiens les plus exigeants en fait d’histoire totale37. »

    36Retrouvant les accents, déjà anciens, de Raymond Aron sur le politique à la fois comme pôle central de la société, mais aussi comme accueillant la part de contingence de l’événement qui dissuade de toute rationalisation explicative, cette histoire politique a vocation à occuper tout l’espace de l’histoire, accompagnant le tropisme historiographique d’alors vers l’histoire des représentations, à travers la notion de « culture politique38 ». La rupture est alors consommée avec l’histoire économique et sociale, dont il s’agit de concurrencer l’hégémonie. Fait singulier et occasion manquée, en décembre 1981, un grand colloque, organisé conjointement par Jean Bouvier et François Bloch-Lainé, associés à René Rémond, réunit en décembre 1981 des historiens de l’économie et du politique – avec la présence de grands témoins – autour du thème « La France en voie de modernisation 1944-1952 », dont les actes n’ont jamais été publiés par la Fondation nationale des Sciences politiques.

    37Un deuxième cercle vient directement mettre en cause l’histoire labroussienne, au cœur des Annales et de l’EHESS. D’abord, François Furet, directeur de l’EHESS de 1977 à 1985, renie ses engagements antérieurs en faveur de l’histoire économique et sociale, de l’histoire quantitative et des postulats labroussiens, en faisant dès 1978 du politique, du symbolique et des représentations – autonomisées par rapport à l’histoire économique et sociale – les facteurs décisifs de la Révolution, puis en engageant en 1987 une Histoire de France centrée sur l’histoire politique. De même, Pierre Rosanvallon défend en 1986 une « histoire conceptuelle du politique » et Marcel Gauchet, dans Le débat en 1988, évoque le double retour du politique et de l’acteur par rapport au « paradigme critique » du moment Annales-Labrousse, qui privilégiait abusivement les « structures ». Mais c’est surtout l’histoire sociale labroussienne qui est critiquée. En deux temps. Dans les années 1980, la traduction et l’introduction des travaux de microstoria, ainsi que la publication et la traduction des ouvrages de Carlo Ginzburg et de Giovanni Levi, sont l’occasion, en particulier pour Jacques Revel, de mettre en cause tout à la fois les catégories sociales préétablies, l’histoire macro-sociale et quantitative, au profit d’une micro-histoire attentive aux acteurs, aux interrelations et aux représentations propres à construire les identités sociales en constante adaptation. Position systématisée en 1996, où, en convergence avec l’anthropologie, l’échelle micro-sociale, par ses possibilités d’atteindre plus intimement la stratégie des acteurs, est considérée comme le niveau privilégié d’analyse historique39.

    38Une deuxième étape confirme la première, lors du « tournant critique » des Annales – annoncé en plusieurs étapes en 1988-1989 et revendiqué dans une livraison des Annales de la fin de l’année 1989, dans laquelle Bernard Lepetit et Jean-Yves Grenier – tous deux anciens élèves de Jean-Claude Perrot –, dans un article consacré à Labrousse, critiquent tout à la fois la longue durée, la quantification et les catégories sociales prédéterminées, dans la perspective de réévaluer les acteurs, leurs interactions dans la construction des catégories sociales, leurs stratégies et marges de manœuvre, à travers des conventions reposant sur des capacités et des savoirs communs. La réflexion est poursuivie dans Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale (1995), où, en convergence avec l’économie des conventions et la sociologie pragmatique, Bernard Lepetit propose un « tournant historique » fondé sur le nouveau « paradigme de l’action »40. Cette autoproclamation d’un nouveau cadre conceptuel et pratique, principalement en histoire moderne et en histoire sociale, vise à légitimer le rôle hégémonique des principaux rédacteurs des Annales parmi les sciences sociales, quitte à surjouer les désaccords avec les principes des générations précédentes. Cela ne touche que de manière tangentielle l’histoire économique contemporaine qui, elle, est confrontée plutôt aux économistes et poursuit désormais ses objets propres.

    39Troisième cercle, parmi les disciples, directs ou indirects de Labrousse – notons au passage la promotion relativement importante (et rare à cette époque) de chercheuses – certaines, telles Adeline Daumart, Madeleine Rébérioux, Michelle Perrot ou encore Yves Lequin ou Alain Corbin, on l’a dit, dès la rédaction de leur thèse, s’acheminent vers une double rupture quant aux approches et aux objets. Ils veulent désormais rendre l’histoire sociale, l’histoire des sensibilités, l’histoire des femmes ou encore l’histoire urbaine indépendantes de l’histoire économique et de ses cadres jugés contraignants41. En outre, ils souhaitent s’intéresser, indépendamment de toute hiérarchisation préalable, aux nouveaux objets de l’histoire sociale, ceux qui s’insinuent entre les frontières des catégories sociales majeures : les groupes sociaux de la modernité, les classes moyennes, les nouvelles communautés et, à la suite des travaux de Michel Foucault et d’Alain Touraine, les marginaux de diverses sortes, « les nouveaux mouvements sociaux », les formes de sociabilités, la mobilité sociale et urbaine, […] avec désormais une convergence croissante avec l’histoire culturelle, à travers la prise en compte centrale des représentations.

    40Cela n’empêche pas toutefois certains historiens du social de conserver des liens, épisodiques ou plus institutionnels, avec des historiens de l’économie, comme en témoignent un séminaire commun organisé entre historiens de l’économie et de la société42, des programmes et publications communes43, et, pour certains, la cohabitation au sein de l’IDHE – devenue significativement IDHE. S (Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société) au début des années 2010 – aux côtés de sociologues du travail ou des professions44.

    De Saint-Cloud à Ulm : une remise en cause interne aux historiens de l’économie

    41Quatrième cercle, enfin, celui des historiens économistes. Des critiques internes y apparaissent précocement. Dans son article-manifeste de 1958, Fernand Braudel regrette chez Labrousse l’« obsession » de la conjoncture courte des prix, liée au « pathétisme politique » de l’événement révolutionnaire45. Puis, François Crouzet et Maurice Lévy-Leboyer mettent en cause l’articulation à l’histoire sociale et les trois temps de l’histoire labroussienne. Maurice Lévy-Leboyer, soucieux de donner une image positive de la croissance globale du xxe siècle46, s’attaque en 1970 à « l’influence fâcheuse » de François Simiand sur les historiens français par son « insistance à s’attacher exclusivement à l’étude des prix », aux crises conjoncturelles et à la contradiction capital/travail, ce qui aurait ainsi laissé le champ libre de l’étude de la croissance aux historiens étrangers47. Curieuse mise en cause de l’influence d’un sociologue mort… en 1935, mais c’est Labrousse – alors vivant – qui est visé. Jean Bouvier lui réplique et défend l’héritage en 1973 dans les Annales. Le débat oppose de nouveau les deux historiens, présents physiquement au colloque de 1976, à l’Insee. Bouvier résume : « Quant à l’étude des prix, elle fut une nécessaire étape, la première possible à cette époque […] Ce qu’a écrit François Simiand sur cette problématique [celle du profit, ] n’a été depuis ni détruit, ni refait, ni dépassé48. » Débat « surdéterminé », comme on disait naguère, par un affrontement idéologique. Au même moment, Maurice Lévy-Leboyer présente positivement les travaux américains de cliométrie et publie peu après un essai économétrique commun avec l’économiste François Bourguignon49. Cela n’empêche pas Jean Bouvier de reconnaître (en 1987) le caractère « savant » de l’ouvrage, où d’ailleurs Labrousse est parfois cité favorablement50, et d’organiser avec Lévy-Leboyer – auxquels s’adjoint François Caron – un séminaire commun au tournant des années 1970-1980, où nombre de jeunes historiens ont pu apprendre.

    42Quelques années plus tard, de manière un peu insolite, en janvier 1989, François Caron, spécialiste alors reconnu d’histoire économique et des techniques, introduit le colloque de la rue d’Ulm, destiné à traiter de « l’éclatement » de l’histoire sociale depuis le colloque de Saint-Cloud, réuni vingt-cinq années auparavant. Rompant avec le ton mesuré et favorable à l’égard de l’histoire totale qu’il adoptait jusque-là51 – mais, dans l’intervalle, Jean Bouvier et Ernest Labrousse sont disparus, respectivement en 1987 et 1988 –, il dénonce les « côtés un peu rigides, un peu engoncés des débats52 » de 1965. Alors que Jean Bouvier a précisé en 1965 dans son rapport : « L’économie apparaît alors comme la toile de fond de la scène sociale […] L’économie […] n’explique pas le social, mais lui donne ses dimensions relatives53 », François Caron durcit la position de Jean Bouvier : « Celui-ci prétend : mais c’est l’économique qui explique le social, non pas le social qui explique l’économique. Par conséquent, Saint-Cloud a cette interférence, mais celle-ci se réduit plutôt à une notion de centralité, c’est quelque chose qui est finalement en arrière-plan effroyablement déterministe54. »

    43Cela lui vaut, dans la discussion, la remarque de Pierre Vilar, dernier représentant vivant de la deuxième génération des Annales : « Cet “effroyable” n’est-il pas lui aussi déterminé55 ? » Puis François Caron dresse un inventaire rétrospectif accablant des absences de l’histoire sociale labroussienne : pas de pratiques culturelles, pas de technologie, des structures sociales trop stables, des objets d’études analysés seulement comme « lieux d’observation » de l’affrontement capital/ travail et sans dynamique propre, pas d’entreprise « grande absente de Saint-Cloud », pas de ménages, pas de consommation, pas d’associations. Conclusion : « il n’y a pas d’histoire totale du social »56.

    44Verdict sévère, mais visant d’abord le caractère central accordé par Labrousse à l’histoire sociale, bientôt arrimée à l’histoire culturelle, alors que l’histoire économique, elle, on l’a vu, a déjà poursuivi sa route en surmontant pour partie ces lacunes.

    Points aveugles : vraies critiques ou faux débats ?

    45Tentons de voir en quoi l’histoire « labroussienne » a sans doute pâti de ses propres faiblesses internes jusqu’aux années 1980, mais pas nécessairement celles mises en avant par les divers groupes de contradicteurs.

    La rançon des succès : les rendements décroissants et les lacunes en histoire contemporaine

    46Dès la fin des années 1960, faute de renouvellement des approches et des objets, l’histoire économique et sociale labroussienne stricto sensu souffre de ses propres réussites, du fait de l’obstination à creuser les filons déjà explorés et des rendements décroissants qui en résultent, en particulier en histoire sérielle (et visant à couvrir tous les départements français pour le xixe siècle) des prix du blé aux xviiie et xixe siècles, dont le bénéfice final est attendu d’une illusoire « logique du cumul », dénoncée au colloque d’Ulm57. Cette recherche emblématique et systématique est poussée à l’extrême, au point qu’en 1966, Jacques Rougerie, de l’intérieur même de l’IHES, croit bon d’ironiser : « Faut-il départementaliser l’histoire de France58 ? »

    47Ajoutons des lacunes supplémentaires, propres à la période contemporaine. Même si, dès les années 1980, les travaux commencent seulement à aborder le xxe siècle, si les objets et les méthodes se sont diversifiés et dégagés des cadres labroussiens stricts, les thèses d’histoire contemporaine, on l’a dit, laissent trop longtemps en jachère la plus grande partie du xxe siècle et des voies et des moyens de sa croissance globale, du fait en partie de la fermeture des archives en deçà des cinquante années, avant la mise en œuvre de la loi sur les archives de 1979. Ajoutons un certain repli national trop longtemps maintenu, qui rend la recherche française peu perméable aux débats qui se déroulent dans les sciences sociales ou en histoire à l’étranger, malgré les travaux reconnus de François Crouzet, de Jean Heffer et d’Albert Broder. Sans compter des questions importantes de l’histoire économique laissées de côté : les petites et moyennes entreprises, la distribution, la consommation, les classes moyennes, la mobilité sociale… et, plus largement, les acteurs individuels et collectifs, l’État, les organisations…

    Le point aveugle des phénomènes singuliers

    48Les postulats labroussiens pérennisent trop longtemps la double critique radicale, portée contre l’histoire à la fois politique et « événementielle », formulée par François Simiand dès 1903, puis par Lucien Febvre et la première génération des Annales à l’encontre de l’École méthodique. L’histoire économique labroussienne demeure d’abord attentive aux « faits de masse », collectifs, quantifiés, répétés, stables et repérables comme des constantes robustes sur la longue durée. Elle ne se préoccupe guère des acteurs individuels, ni des événements singuliers, exceptionnels ou remarquables, à l’exception toutefois des crises et des retournements de conjoncture économique – mais avant tout parce que « les économies ont les crises de leur structure59 » – ni des phénomènes politiques, sauf des révolutions de 1789 et du premier xixe siècle, car révélatrices elles aussi des structures profondes, tributaires d’abord des antagonismes de classes. Le fait d’articuler la conjoncture courte aux mouvements longs suscite la critique, selon laquelle ces derniers, artefacts controversés de l’historien, surdétermineraient à l’avance le cycle court et priverait l’événement singulier de toute son épaisseur propre, faute notamment d’une bonne maîtrise des méthodes statistiques de traitement de l’aléa et du calcul probabiliste60.

    La double rencontre manquée avec les économistes

    49À deux reprises, dans les années 1960 puis 1970, les historiens disciples directs de Labrousse n’ont pas tiré parti d’une rencontre possible avec les économistes.

    50Dans les années 1960, à la suite des travaux de Simon Kuznets, l’équipe conduite par Jean Marczewski à l’ISEA (Institut des sciences économiques appliquées, devenu ISM – mathématiques – EA) vise à fonder, à travers une série de publications, ce qu’on va désormais désigner comme l’« histoire quantitative ». À savoir une économie rétrospective définie par une démarche régressive en appliquant à l’histoire économique les concepts et les agrégats de la comptabilité nationale d’inspiration keynésienne. La plupart des historiens économistes labroussiens se montrent sceptiques et critiquent notamment les extrapolations des catégories de la croissance du second xxe siècle, appliquées à des périodes anciennes, ainsi que les découpages de l’évolution économique en tranches décennales aveugles – singulièrement la tranche 1925-1934 – masquant les infléchissements de la conjoncture, particulièrement sensibles avant 1945.

    51La seconde rencontre manquée est celle suscitée par les travaux de cliométrie de la New Economic History à la fin des années 1950, déjà évoqués. Ceux-ci visent à construire une « économétrie rétrospective » (Pierre Vilar)61, à partir d’un modèle économique théorique néoclassique fondé sur des fonctions algébriques combinant plusieurs variables, modèle testé à l’aide de données quantitatives historiques puisées dans des séries chronologiques relatives aux variables. Les recherches pionnières de Robert Fogel recourent à des hypothèses contrefactuelles pour calculer, grâce à ces modèles, la croissance américaine sans la présence des chemins de fer, puis le rôle de l’esclavage dans l’économie du Sud des États-Unis (Fogel tient à démontrer un « mythe », à propos de l’exploitation des esclaves) ou encore celui de la machine à vapeur dans la croissance britannique. Ces recherches sont bien accueillies outre-Atlantique malgré certaines critiques, mais ne recueillent guère d’écho en France, à l’exception de quelques-uns, tels Maurice Lévy-Leboyer ou Jean Heffer, déjà cités, et François Crouzet, plus critique. La plupart des historiens économistes en France, peu séduits par-delà leurs différences, formulent trois critiques principales : le refus d’une histoire contrefactuelle ; l’usage répété de données statistiques quantitatives rétrospectives, sans recul critique suffisant quant à leur mode d’élaboration et à leur emploi ; enfin, le recours fréquent à des modèles économiques qui partent d’hypothèses théoriques néoclassiques induisant par avance le sens des interprétations, en particulier en définissant a priori le comportement des acteurs, supposés agir de manière rationnelle et informée dans des marchés supposés efficients. Pierre Chaunu en 1974, enthousiaste à l’égard de l’« histoire sérielle », ne ménage guère la cliométrie62.

    52Malgré les efforts de Pierre Vilar et de Jean Bouvier et de quelques autres, ceux-ci déplorent de ne pouvoir coopérer avec les économistes, pas même avec ceux de leur université, à Paris 1 (ou à Paris 8), si ce n’est avec quelques économistes dotés d’une double culture, tels que Pierre Bauchet, Jacques Wolff ou Jean-Charles Asselain, auteur d’une synthèse de référence sur l’histoire économique mondiale depuis le xviiie siècle63.

    53Cela n’empêche toutefois pas le développement de travaux dans les années 1980. Plusieurs des historiens français, par-delà leur grande diversité et leur dispersion, qu’il s’agisse de Jean Bouvier ou de François Caron, se reconnaissent dans une démarche « révisionniste », au sens où ils réfutent l’idée du « retard » du capitalisme français – comme l’ont longtemps soutenu des auteurs anglo-américains depuis les travaux de David Landes –, au profit d’une analyse en termes d’évolution à caractère et périodisation spécifiques, comme en témoignent les vingt-deux historiens réunis dans un ouvrage en hommage à Jean Bouvier64.

    Acquis fondamentaux, nouvelles alliances, renouvellements (années 1990-2010)

    54Après les années 1980, le renouvellement des approches de l’histoire économique s’opère en grande partie par le dialogue ravivé sur des bases nouvelles entre l’histoire économique, les autres sciences sociales et les autres domaines de l’histoire. Désormais, la multiplication des lieux, des objets de recherche et du nombre de chercheurs contribue à ce que les alliances ne s’effectuent pas avec le préalable pénalisant de définir la discipline hégémonique – comme le pensaient Febvre, Bloch, Labrousse et Braudel – ni avec celui de bâtir une « synthèse », immense construction illusoire englobant toutes les sciences sociales. D’où des coopérations partielles, plus diversifiées, plus ou moins éphémères, mais plus équilibrées. En outre, depuis les années 1990, de nouveaux travaux résultent, davantage que précédemment, de l’importation des controverses scientifiques à l’échelle mondiale, mais aussi des débats épistémologiques et méthodologiques engagés dans certaines revues, nouvelles ou rénovées65, où l’histoire côtoie plusieurs des courants eux-mêmes renouvelés des autres sciences sociales, en particulier l’économie, la sociologie, l’anthropologie, le droit, la gestion ou les sciences politiques.

    55Distinguons parmi les choix épistémologiques, scientifiques et méthodologiques labroussiens, ceux qui conservent une valeur fondatrice de la discipline et qui peuvent, sous réserve d’ouverture et d’adaptation à des questions neuves, fournir les bases de nouvelles alliances, chez les historiens et avec les autres sciences sociales. Comme l’a fait à sa manière Jean Bouvier dès les années 1960, plusieurs des travaux des signataires de l’ouvrage illustrent ces formes de renouvellements historiographiques qui, sans rejeter totalement l’héritage ont, consciemment ou non, agi comme s’ils avaient procédé à un tri, entre le stérile et le fécond.

    Surmonter l’échec de la rencontre avec les économistes

    56La remise en cause de l’histoire quantitative labroussienne, ne relève pas uniquement des critiques scientistes et radicales des chercheurs de l’ISEA ou de la cliométrie. Elle provient aussi, dans les années 1970, dans la lignée – modérée – du Linguistic Turn –, de statisticiens, mais aussi d’économistes ou de sociologues, conduits dans leur discipline à analyser la genèse des catégories statistiques utilisées. Or, loin de disqualifier radicalement toute histoire quantitative, la démarche est entendue de manière constructive et poursuivie par certains historiens. Une rencontre, inaugurale à cet égard a été le colloque, à parité historiens-économistes66, organisée par l’Insee (avec une contribution de son directeur général, Edmond Malinvaud) à Vaucresson, en juin 1976. Outre la controverse Bouvier-Lévy Leboyer, déjà mentionnée, le colloque a été l’occasion de poursuivre les remarques précoces de Jean-Claude Perrot (1968) – présent et auteur d’une contribution sur la statistique napoléonienne – et d’aller chercher l’interprétation des contemporains pour découper et classer les groupes sociaux. Alain Desrosières, dans un dialogue amorcé préalablement avec Adeline Daumard, présente un long texte sur les catégories socioprofessionnelles, dans lequel il interpelle la sociologie ou l’histoire : « Elle définit des objets et les mesure, mais présente souvent ses résultats comme si ces catégories préexistaient à l’observation, dans la nature des choses, le travail du statisticien relevant du constat67. »

    57Plusieurs historiens vont alors prendre au sérieux la démarche consistant à saisir les catégories statistiques comme des constructions sociales, elles-mêmes historiquement situées, rejoignant en cela les travaux pionniers de Luc Boltanski, de Michel Volle, d’Alain Desrosières et de Laurent Thévenot ou de Christian Topalov68.

    58Pour notre part, dès 1986, avec quelques autres, nous avons amorcé une relation solide avec Robert Salais, polytechnicien et administrateur de l’Insee, initiateur de L’invention du chômage69, où, par un retournement méthodologique utile, les trois auteurs font de la construction des statistiques du chômage à travers le xxe siècle, depuis le recensement de 1896, un objet d’étude sur archives, à part entière. Ils s’attachent à étudier les cadres techniques, institutionnels et conceptuels à l’œuvre chez les statisticiens contemporains – et qui constituent, dans la lignée des approches de l’économie des conventions, autant de traces de la conception qu’ils se font de leur pratique et, au-delà, de la société, du travail et de l’emploi au même moment – plutôt qu’à utiliser les chiffres du chômage comme données significatives du réel.

    59Cette étape marque un rapprochement intellectuel durable, qui débouche en 1997 sur la création de l’IDHE (Institutions et dynamiques historiques de l’économie), unité mixte (CNRS-universités) de recherche associant des historiens, dont notamment Denis Woronoff, Alain Plessis et Jacques Marseille, à des sociologues et à des économistes jusqu’à ce jour (2020), comme en témoigne l’appartenance de quelques-uns des auteurs du présent volume. Plusieurs de ces signataires ont entrepris l’histoire de la genèse, de l’élaboration et de l’usage des statistiques au sein de diverses organisations (aux Ponts-et-Chaussées, à la Banque de France, à l’Insee, au ministère des Finances ou de la Défense, dans les banques, à la BRI ou à la Banque mondiale, dans les organisations patronales…) du xviiie au xxie siècle, ainsi que celle des comptabilités marchandes, de la fiscalité ou des finances publiques… Ils et elles ont aussi engagé des programmes de recherche sur l’histoire de la comptabilité et des experts-comptables, sur celle des profits dans les guerres du xxe siècle, ou encore sur l’histoire croisée des comptabilités et des statistiques publiques et privées en longue durée.

    60L’exemple des travaux réalisés souligne qu’il a été possible, en tenant compte des débats en sciences sociales, et en élevant les connaissances historiennes en méthodes statistiques, d’opérer des renouvellements par rapport aux statistiques descriptives de la tradition Simiand-Labrousse. Sans pour autant en rejeter tout l’héritage, et conserver notamment le recours – désormais critique et réflexif – à la quantification70. Comme l’indiquent à leur manière Patrick Verley, Jean-Yves Grenier et d’autres, l’histoire quantitative peut servir de « garde-fou », permet de serrer les hypothèses et d’éviter des dérives dans les approfondissements qualitatifs ultérieurs, par ailleurs nécessaires71. C’est également le cas des études recourant à des bases et des traitements de données et à des analyses factorielles, comme, exemples parmi d’autres, les travaux, dès les années 1980, sur les dirigeants des commissions de modernisation du Plan ou, plus récemment, sur ceux de l’UIMM ou sur les inspecteurs des Finances au xixe-xxie siècle, ou encore sur les privilèges économiques aux xviie et xviiie siècles en Europe.

    61Plusieurs d’entre nous avons souhaité délibérément maintenir des relations durables avec des économistes – sans choisir parmi les courants, ni entrer dans les débats, vifs et récents, qui opposent en leur sein les tenants d’une science dure ou d’une science sociale –, que ce soit pour les colloques, les journées d’études et les publications, pour les jurys de thèse et d’habilitation, pour les commissions universitaires de recrutement ou les conseils scientifiques de divers comités d’histoire72. Sans que, ce soit toujours (?), il est vrai, suivi de réciprocité. Par ailleurs, lucides quant aux insuffisances de la formation des jeunes historiens en théorie économique et en méthodes statistiques, nous avons à quelques-uns fait fonctionner à Paris 1 depuis une dizaine d’années une double licence histoire-économie – formation rare en France – qui a contribué à apporter à plusieurs cohortes d’étudiants la double culture nécessaire73.

    L’histoire totale en perspective : « peut-être un rêve »

    62Depuis une trentaine d’années, le rejet de l’histoire totale vise en fait, derrière une critique d’ordre épistémologique, deux cibles liées, mais distinctes.

    63D’abord, la prétention de l’histoire économique – remontant aux premières Annales – à tout embrasser, y compris l’histoire des « mentalités », promue troisième niveau de l’« histoire sérielle », prônée par Pierre Chaunu dans les années 1970. Mais, on l’a dit, l’entreprise est déjà vaine à cette date : le constat de « l’éclatement » de l’histoire dans l’après-1968 et le fléchissement de l’histoire économique consécutif rendent désormais illusoire toute forme d’hégémonie. Mais, comme parfois, c’est au moment où le danger n’existe plus qu’il est le plus fortement dénoncé, et d’autant mieux que les principaux accusés ont disparu.

    64Mais cela vise aussi et surtout à disqualifier la hiérarchie instituée par Labrousse, suivant laquelle l’économie précède et détermine le social, qui anticipe lui-même sur le politique et le mental. Prenons le temps de lire davantage que quelques citations répétées, ce qui a (souvent) pris les allures d’une caricature74, et on constatera que Labrousse relativise la hiérarchie dans le temps. Il pense surtout et d’abord aux sociétés préindustrielles, où il croit voir les « résistances » mentales, et beaucoup moins à celles qui suivent, a fortiori à celles de la croissance du xxe siècle, que Labrousse n’aborde guère75.

    65En outre, dès les années 1960, plusieurs des héritiers de Labrousse ont fortement tempéré la formule ou s’en sont émancipés, mais, sans brutalité, en ont conservé le meilleur. Dans les années 1970, l’histoire totale, déjà contestée à l’extérieur, apparaît davantage, aux yeux mêmes de ses défenseurs, non comme un objectif impérieux – et impossible ! – à atteindre, mais plutôt comme une perspective lointaine, un point à l’horizon : « peut-être un rêve » (Pierre Vilar en 197276), « une utopie, mais c’est vers elle qu’il faut tendre » (Fernand Braudel en 198577). Les formulations des promoteurs se précisent et se nuancent avec le temps.

    66Pierre Vilar, en 1973 : « Il faut aussi, de chaque cas, retenir les effets totalisants. […] Nous touchons à la notion d’histoire totale, que j’ai souvent défendue et qui soulève quelques sarcasmes. Comme si on pouvait tout dire sur tout ! Bien entendu, il s’agit seulement de dire ce dont le tout dépend et ce qui dépend du tout78 », autre manière pour lui d’affirmer au même moment que tout objet d’histoire est simultanément « signe, produit et facteur » d’une réalité plus grande qui l’englobe79, puis en 1989, en des termes plus limités et plus audibles : « Je sais que les mots “histoire totale” font sourire, comme porteurs de trop de prétentions, de difficultés. Mais ne pourrait-on concilier la spécialisation des équipes de recherches avec le continuel rappel, auprès d’elles, des problèmes généraux qu’elles doivent éclairer80 ? »

    67Jean Bouvier, en 1986 : « Car le social est la manière d’être de l’économique. Ce sont des hommes (des individus, des groupes, des milieux, des classes, des masses) qui font l’histoire dite, par découpage de discipline et non sans simplicité d’âme, économique81. » Et en 1987, revendiquant ouvertement l’« éclectisme », il évoque « les historiens […] recherchant toutes les interférences possibles entre la “partie” et le “tout” », et, prenant pour exemples ses propres recherches sur les inflations au xxe siècle, il ajoute : « Pour rendre compte de nos inflations, il est bon d’être successivement monétariste, keynésien, marxiste, sociologue ; et de tenter de l’être à la fois (c’est bien alors de l’histoire “globale”) »82. Manière stimulante, et toujours vivante, de nous inciter à définir, certes, des objets limités, mais à viser une double perspective.

    68D’abord, il convient de multiplier les cadres intellectuels de référence, puisés dans diverses sciences sociales. Ensuite, il apparaît nécessaire de faire interagir les diverses échelles d’analyse spatiales (macro, micro, méso-économique) et temporelles (temps court, moyen et long), quel que soit l’objet, si réduit soit-il. De la même manière que l’histoire quantitative peut servir, à tout le moins, de garde-fou, de même, l’histoire totale comme horizon intellectuel permet, par la multiplication des échelles de perception et de signification, d’éviter les simplifications, les faux problèmes et les alternatives funestes qui, comme on l’a vu, ont traversé certaines des controverses des années 1990-2000 : microstoria ou micro-économie versus macro-économie ; longue durée versus temps court ou temps moyen ; et même, on y vient, acteur singulier versus acteur collectif.

    69Empruntant à l’économie des conventions83 dans les années 1980, des historiens ont conçu les acteurs économiques (chefs d’entreprise, salariés, sous-traitants, consommateurs…) à travers les interactions tributaires des diverses conventions, formes de coordination qu’ils nouent autour du travail, des produits, des marchés, selon des normes et des savoirs communs. Cela a permis de revivifier l’histoire des entreprises, mais aussi des produits, des branches et des territoires, traités comme des constructions sociales en situation. L’un des intérêts de l’économie des conventions est d’avoir centré le regard sur les produits, qui, « interfaces entre l’organisation et le marché », matérialisent dans leur réalisation même la coordination des acteurs et des institutions, et cela à toutes les échelles utiles à leur compréhension84. C’est bien plutôt dans les interactions poussées le plus loin possible – avec les sources disponibles – entre ces échelles de temps et d’espaces que l’histoire économique – comme d’ailleurs l’histoire dans son ensemble – peut avantageusement se situer et dépasser ainsi la controverse macro/micro-histoire. Jean Bouvier indiquait déjà en 1965 : « Couper le social en lamelles de plus en fines, grossir le tissu au microscope, oui, sans doute […] Mais […] à condition de savoir en même temps, ou peu de temps après, prendre du champ, retrouver les grands ensembles, et comprendre la mécanique sociale elle-même85. »

    70Mais dans notre souci de maintenir une perspective d’histoire totale, n’avons-nous pas tardé à emprunter certains « tournants » intellectuels dans trois domaines ?

    71Avons-nous su prendre le « tournant culturel86 » ? J’ai tenté, à propos des décideurs publics des années 1940-1950, de montrer, en termes d’histoire culturelle de l’économie, la véritable révolution mentale et symbolique que représentait leur conversion à l’économie mixte, à la régulation et à l’État social. De même, avec Danielle Tartakowsky, nous avons analysé l’émergence en 1936 d’une culture de régulation durable – en tension avec une culture de mobilisation – au cœur même du mouvement ouvrier le plus radical. Mais, dans les deux cas, cette nouvelle culture de l’économie ne pouvait jouer un rôle actif si elle n’était pas imbriquée à des acteurs, des institutions ou des organisations et des pratiques.

    72Seconde réserve, n’avons-nous pas tardé à y intégrer l’« histoire globale », au sens des Global Studies87 ? Sans doute. Toutefois, on a vu que, à propos de la première mondialisation contemporaine, celle des années 1880-1914, les historiens économistes – ceux des « relations internationales » – n’ont pas été en reste. Rappelons en outre que la mondialisation signifie aussi, dans le domaine éditorial, l’accentuation du monopole anglophone, au point que dans un des premiers ouvrages de synthèse sur la globalization du xixe siècle, les auteurs ne citent in fine, parmi près de cinq cents titres, que deux références en français, dont un article d’Albert Broder (1976) sur les flux de capitaux en Espagne88. Par ailleurs, les programmes successifs, menés par plusieurs d’entre nous sur l’histoire des monnaies et des banques centrales en longue durée ont été, dès les années 1990, placés dans une perspective européenne – la banque d’émission est bel et bien une invention européenne – et mondiale de longue durée. Les banquiers centraux, au sein du système monétaire du Gold Standard d’avant 1914, sont des acteurs majeurs de la première mondialisation, puis dans les années 1980, de la deuxième mondialisation contemporaine, à l’interface entre les gouvernements et les économies nationales, d’un côté, et les marchés financiers mondialisés, de l’autre. Particulièrement en temps de crise systémique, comme en 2008 ou sanitaire et économique en 202089.

    73N’avons-nous pas pareillement tardé à intégrer les Post Colonial Studies dans notre palette ? Probablement. Outre les travaux plus anciens de Jacques Marseille et Daniel Lefeuvre – centrés toutefois sur l’espace colonial français –, nous avons cependant à quelques-uns, et particulièrement Olivier Feiertag, lancé un programme de longue durée sur l’histoire de la zone franc, afin de réinsérer les dynamiques monétaires dans les processus complexes de colonisation et de décolonisation, avec en particulier la coopération active de jeunes chercheurs et chercheuses africaines francophones et anglophones.

    74Il est toutefois un paramètre à inclure dans cette perspective globale, la dimension écologique lato sensu. Au sens où toute pratique économique doit être étudiée, y compris du point de vue de ses acteurs, à travers ses effets de plus ou moins longue durée en termes d’externalités négatives sous la forme d’atteintes portées aux données naturelles non renouvelables ou vulnérables, qu’il s’agisse de ressources minérales, végétales et animales ou encore d’équilibres climatiques et sanitaires. Manière, somme toute, de retrouver en des termes nouveaux la pertinence de certaines des interrogations labroussiennes sur les économies et sociétés préindustrielles, marquées par la rareté, la vulnérabilité et les crises vitales.

    Pour une histoire sociale et politique de l’économie

    75À partir des années 1990, outre la diversification des champs de recherche dans le temps – par l’exploration, longtemps retardée, du xxe siècle –, les alliances nouvelles de l’histoire économique avec des sciences sociales ont permis de repenser l’articulation entre mécanismes économiques et acteurs sociaux, mais sans hiérarchie préalable.

    76Outre avec l’économie des conventions, les convergences avec la sociologie économique90 ont conduit à penser l’action économique comme encastrée dans des réseaux de relations sociales. Cela a permis de rénover l’histoire des entreprises en suscitant l’intérêt pour la diversité des trajectoires économiques91 et, en étudiant les réseaux d’acteurs économiques, à développer, à diverses échelles, l’histoire de la gestion, du management, de la recherche ou de la formation par le dépassement du cadre micro-économique. On en trouve trace dans les travaux de notre collectif d’auteurs, en particulier sur l’histoire des systèmes et des établissements bancaires (qu’il s’agisse de la haute banque, des banques de dépôts et d’affaires, des banques locales et régionales ou encore des banques centrales) ou sur celle des réseaux et milieux financiers (publics et privés), tels que ceux des cercles dirigeants de la haute banque et des banques commerciales, ou du système bancaire et financier (en France, en Suisse, en Allemagne nazie, en Italie…) ou encore des banquiers centraux ou des inspecteurs des finances en longue durée, insérés au cœur des tensions entre les logiques des marchés de capitaux et les formes évolutives d’interventions législatives ou réglementaires ou encore de surveillance et de contrôle de la part des autorités monétaires.

    77Mais c’est surtout en articulant l’économique au politique – lui-même encastré dans le social – que notre volume, à l’image de son titre, manifeste ses principaux renouvellements, dans une perspective – certes relative à des objets précis – de l’histoire totale. En intégrant l’action publique à l’activité économique, les travaux incitent à dépasser l’opposition réductrice, le plus souvent à des fins idéologiques, entre État et marché, et à définir des configurations rendant intelligibles les combinaisons plus complexes, mêlant acteurs privés et publics de divers types sur la durée. Nous sommes ici plusieurs à avoir pris au sérieux les injonctions préliminaires du bel ouvrage de Jean-Pierre Hirsch, paru en 1991, nous enjoignant à démêler une histoire « embrouillée », afin, pour la période de la première industrialisation (1780-1860), de nous « faire comprendre comment le discours du laisser-faire était compatible avec la revendication protectionniste ou réglementaire92 ». L’auteur nous indique combien les négociants – lillois en l’espèce – n’ont eu de cesse au cours des sept décennies postérieures à 1789, de vouloir reconstruire des normes, à travers des institutions publiques et des organisations intermédiaires, abolies par la Révolution, afin d’organiser, de sécuriser, de moraliser et, somme toute, de faire fonctionner les marchés. Cela les conduisait in fine à formuler « deux rêves du commerce » et à tenter de concilier « le poids continu de deux exigences : exigence d’aventure et exigence d’institution ? »93. Contradiction exprimée sans fard dans la double doléance du cotonnier Lesage à Bourges, tirée de sa longue lettre à l’intendant en 1786 : « laissez-nous faire et protégez-nous beaucoup94 ».

    78Certains travaux de l’économie des conventions offrent un cadre d’analyse des formes différenciées d’action de l’État suivant les types de produits et des réseaux d’acteurs mobilisés à cette fin, selon que l’État est « absent », « extérieur » ou « situé », ou, autrement dit, selon que l’État, à travers ses savoirs, ses structures, ses personnels et ses pratiques est diversement et inégalement impliqué95. D’où la large place réservée dans ce volume à l’histoire entremêlée des acteurs privés et publics dans l’étude des politiques publiques bancaires, monétaires, financières, économiques, diplomatiques et de défense, sociales et urbaines (en France, en Italie fasciste et républicaine, en Suisse, en Suède, aux États-Unis et au Royaume-Uni à différentes époques), des entreprises publiques ou des services publics économiques (Poste, énergie…), dans la lignée de travaux plus anciens où, en compagnie d’historiens du politique, de juristes et de sociologues, quelques-uns d’entre nous avons analysé les interférences entre service public, économie et République en France sur un long xxe siècle, qui conduisaient à dépasser et à recomposer les frontières de l’histoire du droit, de l’économie et de la politique.

    79Enfin, à travers le dialogue avec des économistes néo-institutionalistes, des sociologues des organisations96 ou des politistes, notre collectif-auteur traite, ici (ou ailleurs), de différentes institutions sociales, économiques et financières majeures telles que les chambres de commerce, les Ponts-et-Chaussées, la Banque de France, la Caisse des dépôts, la Banque mondiale, les ministères économiques et sociaux… ou encore d’organisations, syndicales ou patronales97. Les institutions ou les organisations ne sont alors pas seulement étudiées comme des acteurs supplétifs lorsque le marché est absent, défaillant ou inadapté, mais bien comme des organismes à part entière et nécessaires, avec leurs structures, leurs personnels, leurs pratiques, leurs traditions et leurs cultures propres, qui s’imbriquent dans les réseaux d’acteurs, publics et privés. Loin de s’opposer à la constitution des marchés (des produits, des services ou de l’argent), ces institutions ou ces organisations forment souvent des éléments agissant dans des cadres nécessaires à leur construction et à leur fonctionnement. Bon ou mauvais, « c’est selon »98.

    80En retour, ces travaux contribuent à esquisser une histoire économique du politique. Les questions économiques, financières ou monétaires jouent leur rôle de consolidation ou, au contraire, de fragilisation, brouillant alors les clivages politiques traditionnels. Il en est ainsi du protectionnisme, du service public, ou de certaines politiques publiques, qui soit apparaissent largement transpartisanes – comme les « réformes de structures » de 1944-1946 –, soit confortent ou redéfinissent les découpages politiques convenus au point de remodeler les cultures politiques elles-mêmes, notamment l’antagonisme classique droite-gauche de la période contemporaine. On a pu le montrer à quelques-uns, à propos des « années Mitterrand (1981-1984) », où, plus qu’un « tournant », le changement de politique économique inaugure en 1982 un véritable revirement culturel et symbolique par rapport aux valeurs de la gauche. Plus largement, l’histoire des mutations de la machine de l’État au xxe siècle ne peut ignorer l’élaboration, la mise en œuvre et l’impact des politiques publiques économiques sociales ou financières. Et dans l’étude de la décision politique elle-même, il convient de tenter de mesurer l’influence des forces économiques et sociales, avec leurs relais et médiateurs multiples, à différentes échelles de temps et d’espaces.

    81L’articulation du politique et de l’économique a permis ainsi à plusieurs auteurs du volume de donner leur place à des événements – 1936, les deux guerres mondiales, le Plan Barre, 1984… – et à des acteurs, à travers des biographies, collectives (dirigeants du Comité des Houillères ou de l’UIMM, les Rothschild…) ou individuelles (Pierre Mendès France, Jean Coutrot, François Bloch-Lainé, Jean Guyot, Pierre Sudreau et des banquiers centraux, tels Wilfrid Baumgartner, Carlo Ciampi), en intégrant les contraintes matérielles, économiques et financières qui, selon la perception commune à l’historien (Jean Bouvier) et à l’acteur-témoin (François Bloch-Lainé) d’un ouvrage écrit à quatre mains en 1986, dessinent « l’étroitesse des marges de manœuvre des décideurs publics99 ». L’histoire économique de la reconstruction en France après 1944 y a été convoquée pour confronter, chacun dans son rôle, les tensions entre « histoire froide » et « histoire chaude »100. Peu après, François Bloch-Lainé se dit « impressionné » par cette distinction : « Les héros de l’histoire chaude sont peu conscients de l’histoire froide. Bien troublante est, en effet, la question de la lucidité – immédiate ou à retardement – de ceux qui croient faire l’événement101. »

    82Mais, dans le cas précis, le témoin, par sa longue fréquentation des historiens, est convaincu par avance que son action de décideur au Trésor ou à la Caisse des dépôts et consignations doit être relativisée et inscrite dans un processus plus large et d’une durée plus longue : toujours l’histoire totale… à l’horizon intellectuel. Il reconnaît également que la dynamique de croissance à laquelle participe la Caisse des dépôts dans les années 1950-1960 n’est pas due seulement à son action comme directeur général, convenant dès 1966 dans une (vraie) postface, que « Les hommes ne peuvent jamais faire que ce que les circonstances autorisent102 ». Incitation singulière et modeste à tempérer l’ardeur des historiens à traiter des acteurs hors d’une histoire… disons large, si l’on préfère à « totale ».

    83L’articulation entre le politique et l’économique a été également présente, dès les débuts de l’activité de la Mission historique de la Banque de France où, avec Olivier Feiertag, nous avons engagé, avec d’autres, présents ici, et la collaboration de nombre de chercheurs et chercheuses étrangers, des recherches collectives sur l’histoire des monnaies et des banques centrales en longue durée103, qui, dès leurs origines, se situaient à l’interférence entre les États-nations et les milieux et places financières104. Et où, plus généralement, « “le politique” est partie constitutive du “monétaire”. Et réciproquement105 ».

    84Parallèlement, avec Danielle Tartakowsky, nous avons, dans plusieurs ouvrages, tenté de faire interférer sur un « court xxe siècle » l’histoire des politiques publiques en matière économique avec – soucieux de répondre en cela au « problème » évoqué naguère par Maurice Agulhon – leur réception dans la société, particulièrement à travers les fluctuations des diverses formes de mobilisations et de mouvements sociaux106. C’est notamment le cas pour le second xxe siècle en France, où nous avons articulé aux dynamiques économiques largement internationalisées et aux politiques économiques lato sensu qui les accompagnent, la construction de deux grands compromis sociopolitiques successifs depuis 1945 : d’abord, l’État social, stabilisé de 1945 à la fin des années 1970 ; le second, depuis les années 1980, caractérisé par des politiques publiques visant à « détricoter » inégalement le premier par morceaux et par accélérations répétées, sans trouver – c’est le moins qu’on puisse en dire (en 2020) – une réelle stabilité depuis lors107.

    Pour le polycentrisme et la coexistence pacifique

    85L’histoire économique peut redevenir, sinon le « ciment de toutes les sciences sociales », évoqué par Franklin Mendels pour la France des années Labrousse108, au moins une discipline à part entière au carrefour des sciences sociales – sans prétention désormais à s’assurer une place hégémonique – et, en nouant ainsi de nouvelles alliances, poursuivre ses renouvellements. Mais loin d’escompter réunifier toutes les sciences sociales autour d’un nouveau domaine, fût-il celui des Global Studies – avatar lointain de la « synthèse » espérée jadis par Henri Berr – , envisageons plutôt un espace multilatéral comprenant l’histoire économique et les autres sciences sociales, où pourraient coexister toutes les approches de la mondialisation/globalisation en longue durée, y compris celle que nous avons évoquée109. Mais comme dans toutes les saines pratiques de relations internationales, respectons-y le polycentrisme, reposant sur l’égalité, la non-ingérence et les bons principes de réciprocité. Une sorte de coexistence pacifique entre des courants divers, qui acceptent librement toutes les formes de coopérations et de controverses scientifiques, méthodologiques, épistémologiques…, excepté la guerre. « Peut-être un rêve ».

    86Parvenu aux dernières lignes de ce volume, on aimerait penser que plusieurs remarques formulées ici, faisant état d’appréciations, de préférences et de fidélités sans doute personnelles, pourraient néanmoins faire écho à celles de ses signataires, sans pour autant qu’ils et elles constituent un groupe homogène et organisé. On pourra s’étonner des références abondantes aux travaux de Jean Bouvier. Mais n’a-t-il pas été celui qui, à travers son œuvre et sa pratique, a pris les distances utiles tout en maintenant la barre des intuitions fécondes de la tradition110 ? Quoi qu’il en soit, les auteurs de l’ouvrage montrent, par l’exemple de l’ensemble de leur œuvre en mouvement, combien l’histoire économique, certes à doses variables – tous et toutes n’y étant pas académiquement, ni intellectuellement rattachées pareillement –, peut s’insérer dans une palette elle-même agréablement bariolée et fortement renouvelée d’objets, d’approches ou de problèmes.

    87Qu’elles et qu’ils en soient une ultime fois remerciés, et cela d’une double façon.

    88Pour avoir, en plus des textes réunis ici, servi l’histoire économique et, au-delà, la discipline historique dans son ensemble. Et, de manière plus personnelle, pour m’avoir associé ou accompagné dans nombre de projets scientifiques aboutis, m’ayant ainsi rendu les années d’activité universitaire et de recherches incontestablement (et fort heureusement) beaucoup plus légères. En suivant la belle trilogie introductive proposée par nos deux directeurs – à remercier spécialement pour avoir mené cette entreprise hardie à bon port –, les attachements amicaux, scientifiques et épistémologiques ne sont-ils pas un des luxes salutaires de la liberté ?

    Notes de bas de page

    1 Par analogie avec l’heureuse expression employée par Denis Woronoff pour caractériser la voie française d’industrialisation dans le premier xixe siècle par rapport à celle de sa devancière britannique : Denis Woronoff, Histoire de l’industrie en France. Du xvie siècle à nos jours (1994), Paris, Seuil, 1998, p. 341.

    2 Jean-Claude Daumas (dir.), L’histoire économique en mouvement. Entre héritages et renouvellement, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012. Il s’agit d’un ouvrage issu des séances de travail réunies pendant quatre années autour du Réseau thématique pluridisciplinaire (RTP), créé par le CNRS en 2007, et constitué de vingt contributions, qui dressent un bilan argumenté et documenté sur les évolutions anciennes, récentes et à venir de l’histoire économique, avec notamment une substantielle contribution liminaire (p. 19-58) de Jean-Claude Daumas, qui dresse un bilan (à la date de 2011) analysant les multiples dimensions de la question ; voir notre contribution : « Histoire économique et sciences sociales : alliance, cohabitation, confrontation ? » p. 241-257 (rééd. dans L’économie politique, 57/1, 2013, p. 72-90). Voir également, Faire de l’histoire économique aujourd’hui, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2013 ; Michel Margairaz, Histoire économique. xviiie-xxe siècle, Paris, Larousse (Textes essentiels), 1992 ; Dominique Barjot (dir.), « Où va l’histoire économique ? », Historiens et géographes, 378 et 380, mai et octobre 2002 ; Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Les courants historiques en France. xixe-xxe siècle, Paris, Gallimard (Folio), nouv. éd. 2007 ; Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies, I & II, Paris, Gallimard (Folio), 2010. Michel Margairaz, article « Histoire économique », dans Claude Gauvard, Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire de l’historien, Paris, Presses universitaires de France (Quadrige), 2015, p. 349-352.

    3 Faute de place, on évitera de citer tous les travaux évoqués, se contentant, sauf exception, de mentionner ceux des générations antérieures d’historiens et d’historiennes.

    4 Carlos Barciela, Gérard Chastagnaret, Antonio Escudero (dir.), La historia econômica en Espana y Francia (siglos XIX y XX), Alicante/Madrid, Universitad de Alicante/Casa Velasquez, 2006. Le bilan historiographique pour la France, introduit par Gérard Chastagnaret, est subdivisé en huit rubriques portant sur l’histoire industrielle (J.-P. Daviet et O. Raveux), les marchés (P. Verley), la Business History (M. Lescure), les banques (A. Plessis), l’État (M. Margairaz), les ressources humaines (C. Omnès), les enjeux du présent (J.-F. Eck). Cette publication, issue des textes discutés lors d’une rencontre entre historiens (deux historiennes présentes seulement) économistes français et espagnols de la période contemporaine en septembre 2002 à Madrid, fournit un bilan utile, confrontant les deux historiographies, qui montrait déjà certains signes de renouveau.

    5 Citons, parmi d’autres, Jean-François Belhoste, Serge Benoît, Serge Chassagne, Philippe Mioche (dir.), Autour de l’industrie et du patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004 ; Florence Bourillon, Philippe Boutry, André Encrevé, Béatrice Touchelay (dir.), Des économies et des hommes. Mélanges offerts à Albert Broder, Versailles, Institut Jean-Baptiste-Say/Bière, 2006 ; Olivier Feiertag, Isabelle Lespinet (dir.), L’économie faite homme. En hommage à Alain Plessis, Genève, Droz, 2011.

    6 Notamment par Jacques Revel et André Burguière.

    7 L’ouvrage, il est vrai, est accueilli en 1982 par une critique rapide et désinvolte dans Le monde. Il y est qualifié de « léniniste » et considéré comme moins éclairant qu’une obscure biographie parue au même moment.

    8 Camille-Ernest Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au xviiie siècle, 2 vol., Paris, Dalloz, 1933 (version publiée de sa thèse de droit et sciences économiques) ; La crise de l’économie française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, Paris, Presses universitaires de France (Presses universitaires de France), Paris, 1944 ; version publiée de sa thèse de Lettres ; réédition, Paris, Presses universitaires de France, 1990 (avec une préface de Jean-Claude Perrot).

    9 Jean Bouvier, « Ernest Labrousse », dans André Burguière (dir.), Dictionnaire de sciences historiques, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 407- 408.

    10 C’est le titre retenu pour les mélanges offerts en hommage à Ernest Labrousse : Fernand Braudel (dir.), Conjoncture économique, structures sociales. Hommage à Ernest Labrousse, Paris, Mouton, EPHE, VIe section, 1974.

    11 Pierre Vilar, « Histoire marxiste, histoire en construction. Essai de dialogue avec Althusser », Annales ESC, 28/1, janvier-février 1973, Paris, Armand Colin ; repris dans Jacques Le Goff, Pierre Nora (dir.), Faire de l’histoire, t. 1, Nouveaux problèmes, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1974, p. 231- 284 ; reproduit dans Pierre Vilar, Une histoire en construction. Approche marxiste et problématiques conjoncturelles, Paris, Gallimard/Seuil (Hautes études), 1982, p. 382-425.

    12 Voir La recherche historique en France de 1940 à 1965, Paris, Éditions du CNRS, 1965, p. xxv-xxx ; La recherche historique en France depuis 1965, Paris, Éditions du CNRS, 1980. Rapports cités et commentés dans J.-C. Daumas (dir.), L’histoire économique en mouvement, op. cit., p. 21 et suiv.

    13 Jean Bouvier, « L’histoire économique, une discipline dans les marges ? », dans L’histoire en France, Paris, La Découverte (Repères), 1990, p. 71-73 ; réédition posthume de l’article paru dans Marc Guillaume (dir.), L’état des sciences sociales, Paris, La Découverte, 1986.

    14 François Crouzet dans le bulletin de l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement et de la recherche en 1990.

    15 Autour de un cinquième dans la Revue historique et seulement un septième dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine.

    16 François Dosse, L’histoire en miettes. Des « Annales » à la « nouvelle histoire », Paris, La Découverte, 1987, p. 45 et suiv.

    17 Roger Chartier, Jacques Revel (dir.), La nouvelle histoireParis, CPL/Retz (Les Encyclopédies du savoir moderne), 1978 ; réédité par Jacques Le Goff (dir.), La nouvelle histoire, Bruxelles, Complexe, 1988.

    18 Sauf la conclusion dans l’Histoire économique et sociale de la France, op. cit.

    19 Dans Christian Delacroix et al., Les courants historiques en France, op. cit., p. 324-325, sur une liste (incomplète), les deux tiers relèvent de l’histoire moderne. Rappelons que la thèse d’État de Jean Bouvier sur le Crédit lyonnais est administrativement dirigée – pour des raisons qu’il n’est pas besoin d’expliquer ici – par Charles-Henri Pouthas, spécialiste d’histoire religieuse ( !), ce qui n’empêche pas de la compter dans la veine labroussienne.

    20 Objets d’étude des thèses respectives de Michelle Perrot, de François Caron et de Pierre Guillaume.

    21 Albert Broder, thèse d’État : « Le rôle des intérêts étrangers dans la croissance économique de l’Espagne. 1768-1924 », direction : Pierre Vilar, université de Paris 1 Panthéon Sorbonne (IHES), 1981.

    22 Auteur en 1970 de La République au village, Maurice Agulhon publie une contribution l’année du bicentenaire de la Révolution, alors qu’Ernest Labrousse est mort l’année précédente, où il évoque « la dispersion de la famille ». Maurice Agulhon, « Ernest Labrousse, historien social (xixe siècle) », Annales historiques de la Révolution française, 276, 1989, p. 131.

    23 Michelle Perrot, Les ouvriers en grève. France 1871-1890, Paris, Mouton, 1974 ; id., Jeunesse de la grève. France 1871-1890, Paris, Seuil (Univers historique), 1984, où, dans une « note de l’auteur », celle-ci justifie cette amputation par le fait que « les livres d’histoire vieillissent ».

    24 Voir le volume posthume rassemblant plusieurs articles ou contributions des années 1970-1980 : Jean Bouvier, L’historien sur son métier. Études économiques, xixe-xxe siècle, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1989.

    25 Rappelons que les historiens, jusqu’à la fin des années 1970, ne peuvent accéder aux archives publiques postérieures à 1929, du fait de la contrainte des cinquante années avant la mise à disposition auprès des chercheurs.

    26 Jean-Jacques Carré, Paul Dubois, Edmond Malinvaud, La croissance française. Un essai d’analyse économique causale de l’après-guerre, Paris, Seuil, 1972.

    27 A. D. Chandler, Stratégies et structures de l’entreprise (1962), Paris, Éditions d’Organisation, 1972 ; Id., Organisation et performance des entreprises, 3 vol., Paris, Éditions d’Organisation, 1992-1993.

    28 Ainsi, dès 1980, une enquête est lancée à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) sur les entreprises françaises sous l’Occupation.

    29 Voir le bilan dressé en 2006 par Michel Lescure, « La Business History en France », dans C. Barciela et al. (dir.), La historia econômica en Espana y Francia, op. cit., p. 461-481.

    30 L’histoire économique et sociale du monde (Pierre Léon), L’histoire de l’industrie en France (Denis Woronoff), L’histoire de la France industrielle (Maurice Lévy-Leboyer).

    31 Présentation de la collection Bibliothèque des histoires, Gallimard, 1971, où le pluriel et le minuscule viennent à dessein souligner la multiplication des objets.

    32 Jacques Le Goff, Pierre Nora, « Présentation », dans J. Le Goff, P. Nora (dir.), Faire de l’histoire, op. cit., t. 1, p. xi.

    33 Edward Palmer Thomson, La formation de la classe ouvrière anglaise, tr. fr., Paris, Hautes Etudes/ Gallimard/Le Seuil, 1988

    34 Lynn Hunt, « French History in the Last Twenty Years : The Rise and the Fall of the Annales Paradigm », Journal of Contemporary History, 21/2, avril 1986.

    35 Jean Bouvier, « La “nouvelle” histoire », dans L’histoire en France, op. cit., p. 31.

    36 Et une seule historienne, Aline Coutrot.

    37 René Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Paris, Seuil (Univers historique), 1988, p. 27. L’ouvrage indique que le groupe a comme « axe » l’université de Nanterre, la rue Saint-Guillaume et la Fondation nationale des sciences politiques.

    38 Non sans anachronisme, René Rémond évoque les expériences contemporaines pour affirmer : « Que les explications des révolutions par la conjoncture économique, le cours des denrées ou la raréfaction des subsistances nous paraissent pauvres aujourd’hui à nous qui avons vu des explosions sociales en pleine prospérité », dans Pour une histoire, op. cit., p. 384.

    39 Jacques Revel, Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience, Paris, Gallimard (Hautes études), 1996.

    40 Bernard Lepetit, Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995.

    41 Yves Lequin, « Histoire sociale », dans André Burguière (dir.), Dictionnaire des sciences historique, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 635-642.

    42 Séminaire dirigé par Danielle Tartakowsky, Michel Pigenet et moi-même de 2004 à 2018.

    43 Michel Margairaz, Michel Pigenet (dir.), Le prix du travail, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019.

    44 Parmi les publications communes au sein de l’IDHE. S, voir Christian Bessy, Michel Margairaz (dir.), Les biens communs en perspective, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021.

    45 Fernand Braudel, « Histoire et sciences sociales ; la longue durée », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 4, Débats et combats, octobre-décembre 1958, p. 785-792 ; reproduit dans Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion (Champs), 1969, p. 41-51. Il ajoute : « Nous revoici dans le temps court, et jusqu’au cou », ibid.

    46 Au point de critiquer le « pessimisme » des approches en termes de crise et de rejeter toute recherche sur l’économie de la Seconde Guerre mondiale.

    47 Il ajoute : « Par ailleurs sa présentation trop claire et trop simple de la répartition salaires-profits a stérilisé pour longtemps la recherche en sciences sociales », extraits de la transcription de la discussion de la contribution de Jean Bouvier, dans Pour une histoire de la statistique, Paris, Insee, t. 1, 1977 p. 442.

    48 Jean Bouvier, dans « Discussion », dans Insee, Pour une histoire de la statistique, op. cit., p. 442 Le second tome est paru en 1987.

    49 L’économie française au xixe siècle. Analyse macro-économique, Paris, Economica, 1985.

    50 « Maurice Lévy-Leboyer et François Bourguignon se réfèrent quelquefois et positivement à Ernest Labrousse en confirmant ce qui chez ce dernier était déjà tout autre chose que des intuitions », dans Jean Bouvier, « Postscriptum », dans Patrick Fridenson, André Straus (dir.), Le capitalisme français, xixe-xxe siècle. Blocages et dynamismes d’une croissance, Paris, Fayard, 1987, p. 406.

    51 Quelques années auparavant, François Caron affirmait : « L’histoire est par essence globale », dans François Caron, « Histoire économique et histoire globale », dans L’histoire et ses méthodes, Lille, Presses universitaires de Lille, 1981.

    52 François Caron, « Introduction générale. De Saint-Cloud à Ulm », dans Christophe Charle (dir.), Histoire sociale, histoire globale ? Actes du colloque des 27-28 janvier 1989, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1993, p. 14-15.

    53 Jean Bouvier, « Histoire sociale et histoire économique », dans L’histoire sociale. Sources et méthodes. Actes du colloque de l’École normale supérieure de Saint-Cloud (15-16 mai 1965), Paris, Presses universitaires de France, 1967, p. 241-242.

    54 François Caron, introduction citée supra, p. 18. Le style de la phrase n’est pas très clair, du fait sans doute de la transcription d’une intervention orale.

    55 Ibid. ; « Discussion », dans Christophe Charle (dir), Histoire sociale, histoire globale ?, p. 69.

    56 Ibid., p. 18-21.

    57 Roger Chartier, dans « Discussion », cité supra, p. 66.

    58 Titre de son article, dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, 1, 1966, p. 181.

    59 Ernest Labrousse, dans « Discussion », cité supra, p. 251.

    60 Jean-Yves Grenier, « L’histoire quantitative est-elle nécessaire ? », Autrement, 150-151, Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire, janvier 1995, p. 173-183.

    61 Entretien avec Pierre Vilar, La nouvelle critique, janvier 1972, reproduit dans Enquête de la Nouvelle critique. Aujourd’hui, l’histoire, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 122-123.

    62 « L’homo economicus de la New Economic History me paraît […] parfaitement rodé […] un homme parfait, tel qu’on en rêvait dans les cours d’économie politique, à l’époque de Jean-Baptiste Say, sans corps, sans sexe, sans affectivité, sans racine, sans esprit, sans âme. Toujours conscient, bien informé, prêt à réagir au seul profit, comme une mécanique de Vaucanson », Pierre Chaunu, « L’économie. Dépassement et prospective », dans J. Le Goff, P. Nora (dir.), Faire de l’histoire, op. cit., t. 2, p. 63.

    63 Lui-même a soutenu un diplôme d’études supérieures sur la loi des quarante heures, sur la suggestion de Jean Bouvier et placé sous la direction d’Ernest Labrousse.

    64 C’est le thème central, suggéré et développé par Jean Bouvier aux auteurs réunis pour un hommage à son œuvre et à sa personne : P. Fridenson, A. Straus (dir.), Le capitalisme français, op. cit.

    65 Citons les Annales – rebaptisées de manière significative en 1993 Annales. Histoire, sciences sociales, la Revue d’histoire moderne et contemporaine, le Mouvement social, ainsi que, parmi les nouvelles revues, Histoire, économies, sociétés, Genèses, Histoire et mesure, Entreprises et histoire…

    66 Deux historiennes seulement sont présentes, Adelina Daumard, citée, et Michelle Perrot, à propos des statistiques criminelles.

    67 Alain Desrosières, « Éléments pour l’histoire des nomenclatures socio-professionnelles », dans Insee, Pour une histoire de la statistique, Paris, Insee, t. 1, 1977, p. 155-231. Il y présente également une brève contribution (avec Jacques Mairesse et Michel Volle) sur « Les temps fort de la statistique française depuis un siècle », p. 509-517, base de travaux plus substantiels ensuite (voir la note suivante).

    68 Luc Boltanski, Les cadres, la formation d’un groupe social, Paris, Éditions de minuit, 1982 ; Michel Volle, Histoire de la statistique industrielle, Paris, Economica ; Alain Desrosières, Laurent Thévenot, Les catégories socio-professionnelles, Paris, La Découverte (Repères), 1988 ; Christian Topalov, Naissance du chômeur. 1880-1910, Paris, Albin Michel, 1994.

    69 Robert Salais, Nicolas Baverez, Bénédicte Reynaud, L’invention du chômage, Paris, Presses universitaires de France, 1986 ; rééd. Paris, Presses universitaires de France (Quadrige), 1999.

    70 Un séminaire de l’IDHE. S consacré au « quantitativisme réflexif » est organisé depuis plusieurs années à l’IDHE. S à l’École normale supérieure Cachan, puis Paris-Saclay, sous la direction de Christian Bessy.

    71 Patrick Verley, L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Paris, Gallimard, 1997 ; Id., La révolution industrielle, Paris, Gallimard (Folio), 1997 ; J.-Y. Grenier, « L’histoire quantitative est-elle nécessaire ? », art. cité.

    72 C’est le cas notamment de l’Association française des historiens économistes depuis 1970, du Comité pour l’histoire économique et financière depuis 1987, du Conseil scientifique de la Mission historique de la Banque de France depuis 1995.

    73 Cette double licence a pu être mise en œuvre en 2010, grâce notamment à l’écoute bienveillante de Pierre-Charles Pradier, lui-même disposant de la double culture en économie et en histoire.

    74 La citation « Sur l’économique retarde le social, et sur le social le mental » est extraite de la préface à la thèse de Georges Dupeux, Aspects de l’histoire sociale et politique du Loir-et-Cher, 1848-1914, Paris, Mouton, 1962, p. xi.

    75 En 1965, à Saint-Cloud, il dit dans son introduction : « Le mouvement c’est par excellence – mais non pas toujours – l’économique […] nous avons fait jusqu’ici l’histoire des Mouvements et […] pas assez l’histoire des résistances. L’accélération de l’histoire ne doit pas nous faire trop sous-estimer la lenteur de l’Histoire. La résistance de la mentalité en place est un des grands facteurs de l’histoire lente […]. Elle est la chance prodiguée des contre-révolutions. » Plus loin, dans une des discussions, il ajoute : « dans un premier temps du xixe siècle, vous avez une nature économique oppressive, qui conduit la réaction humaine ; dans un deuxième temps, vous avez une réaction humaine collective, qui endigue, qui utilise, qui manœuvre la nature économique […] C’est […] l’individu associé [il évoque plus loin le mouvement ouvrier] qui va manœuvrer la nature économique, ou essayer de le faire », dans L’histoire sociale, op. cit., p. 5 et 251-252 (nous soulignons).

    76 Entretien avec Pierre Vilar, cité supra, p. 126.

    77 Cité par Jean Boutier, « Histoire moderne, la fin d’une “utopie” ? », dans L’histoire en France, op. cit., p. 62.

    78 P. Vilar, Une histoire en construction, op. cit., p. 424 (l’auteur souligne). Phrases partiellement citées dans Jean Bouvier, « Post-scriptum », dans P. Fridenson, A. Straus (dir.), Le capitalisme français, op. cit., p. 403.

    79 Ibid. (nous soulignons).

    80 Pierre Vilar, dans « Discussion », cité supra, p. 68.

    81 Jean Bouvier, « Le capitalisme et l’État en France », Recherches et travaux. Bulletin de l’Institut d’histoire économique et sociale de l’université Paris I, 15, décembre 1986, p. 48

    82 Jean Bouvier, « Post-scriptum », dans P. Fridenson, A. Straus (dir.), Le capitalisme français, op. cit., p. 402-407. Dans son manuel ancien, plusieurs fois réédité, il affirmait de manière plus tranchée : « Il existe une histoire des sociétés humaines qui est totale […] Dans la réalité, il n’y a pas plusieurs histoires, il n’y en a qu’une. L’histoire ne se débite en tranches que dans les livres », dans Initiation au vocabulaire et aux mécanismes économiques contemporains, xixe-xxe siècle (1967), Paris, Sedes, 1977 (l’auteur souligne).

    83 Revue économique, 40/1, mars 1980 ; Luc Boltanski, Laurent Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991 ; Robert Salais, Michael Storper, Les mondes de production. Enquête sur l’identité économique de la France, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1993.

    84 R. Salais, Michael Storper, Les mondes de production, op. cit.

    85 J. Bouvier, « Histoire sociale et histoire économique », art. cité, p. 243.

    86 C’est l’un des regrets exprimés par Fernand Braudel en 1982 dans l’une des trois conclusions du dernier volume de l’Histoire économique et sociale de la France, op. cit.,

    87 C’est l’affirmation défendue par Olivier Feiertag dans un texte récent : Olivier Feiertag, « L’histoire économique du xxe au xxie siècle : des murailles de Chine à l’Empire du milieu », dans Dominique Barjot, Anna Bellavitis, Bertrand Haan (dir.), Regards croisés sur l’historiographie française aujourd’hui. Congrès 2019 du Comité français des sciences historiques, Paris, SPM, 2020.

    88 Kevin H. O’Rourke, Jeffrey G. Williamson, Globalization and History. The Evolution of a Nineteenth-Century Atlantic Economy, Cambridge/Londres, The MIT Press, 1999.

    89 Olivier Feieratag, Michel Margairaz (dir.), Les banques centrales à l’échelle du monde/Central Banks at World Scale, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques/Mission historique de la Banque de France, 2012.

    90 Karl Polanyi, La grande transformation, Paris, Gallimard, 1983 ; Mark Granovetter, Sociologie économique, Paris, Seuil, 2008.

    91 Cela a permis également de dépasser les approches de Chandler d’une vision linéaire et univoque du modèle de la grande entreprise américaine dominante, à travers l’étude du capitalisme familial, des petites et moyennes entreprises, des systèmes productifs locaux et des districts industriels.

    92 Jean-Pierre Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprises et institutions dans la région lilloise (1780- 1860), Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1991, p. 13. Version publiée de sa thèse d’État.

    93 Ibid., p. 15.

    94 Cité dans Jean-Pierre Hirsch, Philippe Minard, « “Laissez-nous faire et protégez-nous beaucoup” : pour une histoire des pratiques institutionnelles dans l’industrie française (xviiie-xixe siècle) », dans Louis Bergeron, Patrice Bourdelais (dir.), La France n’est-elle pas douée pour l’industrie ?, Paris, Belin, p. 146. L’extrait, tiré de la lettre à l’intendant du Commerce Montaran, est tiré de la thèse publiée de Serge Chassagne, Le coton et ses patrons, 1760-1840, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1991, p. 135.

    95 R. Salais, M. Storper, Les mondes de production…, op. cit.

    96 Patrick Fridenson, « Un nouvel objet : les organisations », Annales. Économies, sociétés, civilisations, novembre-décembre 1989 (la livraison du « tournant critique »).

    97 L’histoire des organisations patronales a réuni récemment plusieurs des signataires de l’ouvrage autour d’un programme européen en longue durée, dont les actes de quatre colloques ont été publiés aux Presses universitaires de Rennes entre 2011 et 2016.

    98 Jean Bouvier, « Le capitalisme et l’État en France », Recherches et travaux, 15, Institut d’histoire économique et sociale, université Paris 1, décembre 1986, p. 47-63.

    99 Jean Bouvier, François Bloch-Lainé, La France restaurée, 1944-1954. Dialogues sur les choix d’une modernisation, Paris, Fayard, 1986, p. 270.

    100 Ibid.

    101 François Bloch-Lainé, « Préface », dans Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion (1932-1952), Paris, Imprimerie nationale/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, vol. 1, p. xii. Phrases citées dans Michel Margairaz (dir.), François Bloch-Lainé, fonctionnaire, financier, citoyen, Paris Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 236.

    102 François Bloch-Lainé, « Posface », dans Roger Priouret, La Caisse des dépôts et consignations. Cent cinquante ans d’histoire financière, Paris, Presses universitaires de France, 1966, p. 435.

    103 Depuis 1995, la Mission historique a organisé un séminaire annuel, plus d’une dizaine de colloques internationaux et journées d’études et produit une vingtaine de publications (en français et anglais). Elle a également distribué plus de 150 allocations annuelles de recherche, dont la plus grande partie à des masters et des thèses en histoire économique et sociale, bancaire, financière et monétaire, en économie et autres sciences sociales.

    104 Olivier Feiertag, Michel Margairaz (dir.), Les banques centrales et l’État-nation/The Central Banks and the Nation-State, Paris, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques/Mission historique de la Banque de France, 2016.

    105 Jean Bouvier, « Les relations entre l’Etat et la Banque de France depuis les années 1950 », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 13, janvier-mars 1987, p. 34. Phrase conclusive de l’article.

    106 « La politique vue du côté de la réception, c’est notre problème en somme… » : phrase liminaire de la présentation des deux volumes de Maurice Agulhon, Histoire vagabonde. Ethnologie et politique dans la France contemporaine, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 2 tomes, 1988.

    107 Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky, L’État détricoté. De la Résistance à la République en marche, Paris, Détour, 2018, réédité et augmenté, 2020.

    108 Franklin Mendels, « Histoire économique », dans André Burguière (dir.), Dictionnaire des sciences historiques, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 220.

    109 O. Feiertag, « L’histoire économique du xxe au xxie siècle », art. cité.

    110 Pierre Chaunu en 1974 ne dit pas autre chose, mais autrement, à la suite de l’extrait cité à propos de la cliométrie : « il ne suffit pas d’aller de l’avant pour progresser, il faut savoir, aussi […] conserver l’acquis, sous peine de passer, sans transition, du temps des ordinateurs à celui des cavernes », « L’économie. Dépassement et prospective », art. cité.

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    1 Par analogie avec l’heureuse expression employée par Denis Woronoff pour caractériser la voie française d’industrialisation dans le premier xixe siècle par rapport à celle de sa devancière britannique : Denis Woronoff, Histoire de l’industrie en France. Du xvie siècle à nos jours (1994), Paris, Seuil, 1998, p. 341.

    2 Jean-Claude Daumas (dir.), L’histoire économique en mouvement. Entre héritages et renouvellement, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012. Il s’agit d’un ouvrage issu des séances de travail réunies pendant quatre années autour du Réseau thématique pluridisciplinaire (RTP), créé par le CNRS en 2007, et constitué de vingt contributions, qui dressent un bilan argumenté et documenté sur les évolutions anciennes, récentes et à venir de l’histoire économique, avec notamment une substantielle contribution liminaire (p. 19-58) de Jean-Claude Daumas, qui dresse un bilan (à la date de 2011) analysant les multiples dimensions de la question ; voir notre contribution : « Histoire économique et sciences sociales : alliance, cohabitation, confrontation ? » p. 241-257 (rééd. dans L’économie politique, 57/1, 2013, p. 72-90). Voir également, Faire de l’histoire économique aujourd’hui, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2013 ; Michel Margairaz, Histoire économique. xviiie-xxe siècle, Paris, Larousse (Textes essentiels), 1992 ; Dominique Barjot (dir.), « Où va l’histoire économique ? », Historiens et géographes, 378 et 380, mai et octobre 2002 ; Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Les courants historiques en France. xixe-xxe siècle, Paris, Gallimard (Folio), nouv. éd. 2007 ; Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies, I & II, Paris, Gallimard (Folio), 2010. Michel Margairaz, article « Histoire économique », dans Claude Gauvard, Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire de l’historien, Paris, Presses universitaires de France (Quadrige), 2015, p. 349-352.

    3 Faute de place, on évitera de citer tous les travaux évoqués, se contentant, sauf exception, de mentionner ceux des générations antérieures d’historiens et d’historiennes.

    4 Carlos Barciela, Gérard Chastagnaret, Antonio Escudero (dir.), La historia econômica en Espana y Francia (siglos XIX y XX), Alicante/Madrid, Universitad de Alicante/Casa Velasquez, 2006. Le bilan historiographique pour la France, introduit par Gérard Chastagnaret, est subdivisé en huit rubriques portant sur l’histoire industrielle (J.-P. Daviet et O. Raveux), les marchés (P. Verley), la Business History (M. Lescure), les banques (A. Plessis), l’État (M. Margairaz), les ressources humaines (C. Omnès), les enjeux du présent (J.-F. Eck). Cette publication, issue des textes discutés lors d’une rencontre entre historiens (deux historiennes présentes seulement) économistes français et espagnols de la période contemporaine en septembre 2002 à Madrid, fournit un bilan utile, confrontant les deux historiographies, qui montrait déjà certains signes de renouveau.

    5 Citons, parmi d’autres, Jean-François Belhoste, Serge Benoît, Serge Chassagne, Philippe Mioche (dir.), Autour de l’industrie et du patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004 ; Florence Bourillon, Philippe Boutry, André Encrevé, Béatrice Touchelay (dir.), Des économies et des hommes. Mélanges offerts à Albert Broder, Versailles, Institut Jean-Baptiste-Say/Bière, 2006 ; Olivier Feiertag, Isabelle Lespinet (dir.), L’économie faite homme. En hommage à Alain Plessis, Genève, Droz, 2011.

    6 Notamment par Jacques Revel et André Burguière.

    7 L’ouvrage, il est vrai, est accueilli en 1982 par une critique rapide et désinvolte dans Le monde. Il y est qualifié de « léniniste » et considéré comme moins éclairant qu’une obscure biographie parue au même moment.

    8 Camille-Ernest Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au xviiie siècle, 2 vol., Paris, Dalloz, 1933 (version publiée de sa thèse de droit et sciences économiques) ; La crise de l’économie française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, Paris, Presses universitaires de France (Presses universitaires de France), Paris, 1944 ; version publiée de sa thèse de Lettres ; réédition, Paris, Presses universitaires de France, 1990 (avec une préface de Jean-Claude Perrot).

    9 Jean Bouvier, « Ernest Labrousse », dans André Burguière (dir.), Dictionnaire de sciences historiques, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 407- 408.

    10 C’est le titre retenu pour les mélanges offerts en hommage à Ernest Labrousse : Fernand Braudel (dir.), Conjoncture économique, structures sociales. Hommage à Ernest Labrousse, Paris, Mouton, EPHE, VIe section, 1974.

    11 Pierre Vilar, « Histoire marxiste, histoire en construction. Essai de dialogue avec Althusser », Annales ESC, 28/1, janvier-février 1973, Paris, Armand Colin ; repris dans Jacques Le Goff, Pierre Nora (dir.), Faire de l’histoire, t. 1, Nouveaux problèmes, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1974, p. 231- 284 ; reproduit dans Pierre Vilar, Une histoire en construction. Approche marxiste et problématiques conjoncturelles, Paris, Gallimard/Seuil (Hautes études), 1982, p. 382-425.

    12 Voir La recherche historique en France de 1940 à 1965, Paris, Éditions du CNRS, 1965, p. xxv-xxx ; La recherche historique en France depuis 1965, Paris, Éditions du CNRS, 1980. Rapports cités et commentés dans J.-C. Daumas (dir.), L’histoire économique en mouvement, op. cit., p. 21 et suiv.

    13 Jean Bouvier, « L’histoire économique, une discipline dans les marges ? », dans L’histoire en France, Paris, La Découverte (Repères), 1990, p. 71-73 ; réédition posthume de l’article paru dans Marc Guillaume (dir.), L’état des sciences sociales, Paris, La Découverte, 1986.

    14 François Crouzet dans le bulletin de l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement et de la recherche en 1990.

    15 Autour de un cinquième dans la Revue historique et seulement un septième dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine.

    16 François Dosse, L’histoire en miettes. Des « Annales » à la « nouvelle histoire », Paris, La Découverte, 1987, p. 45 et suiv.

    17 Roger Chartier, Jacques Revel (dir.), La nouvelle histoireParis, CPL/Retz (Les Encyclopédies du savoir moderne), 1978 ; réédité par Jacques Le Goff (dir.), La nouvelle histoire, Bruxelles, Complexe, 1988.

    18 Sauf la conclusion dans l’Histoire économique et sociale de la France, op. cit.

    19 Dans Christian Delacroix et al., Les courants historiques en France, op. cit., p. 324-325, sur une liste (incomplète), les deux tiers relèvent de l’histoire moderne. Rappelons que la thèse d’État de Jean Bouvier sur le Crédit lyonnais est administrativement dirigée – pour des raisons qu’il n’est pas besoin d’expliquer ici – par Charles-Henri Pouthas, spécialiste d’histoire religieuse ( !), ce qui n’empêche pas de la compter dans la veine labroussienne.

    20 Objets d’étude des thèses respectives de Michelle Perrot, de François Caron et de Pierre Guillaume.

    21 Albert Broder, thèse d’État : « Le rôle des intérêts étrangers dans la croissance économique de l’Espagne. 1768-1924 », direction : Pierre Vilar, université de Paris 1 Panthéon Sorbonne (IHES), 1981.

    22 Auteur en 1970 de La République au village, Maurice Agulhon publie une contribution l’année du bicentenaire de la Révolution, alors qu’Ernest Labrousse est mort l’année précédente, où il évoque « la dispersion de la famille ». Maurice Agulhon, « Ernest Labrousse, historien social (xixe siècle) », Annales historiques de la Révolution française, 276, 1989, p. 131.

    23 Michelle Perrot, Les ouvriers en grève. France 1871-1890, Paris, Mouton, 1974 ; id., Jeunesse de la grève. France 1871-1890, Paris, Seuil (Univers historique), 1984, où, dans une « note de l’auteur », celle-ci justifie cette amputation par le fait que « les livres d’histoire vieillissent ».

    24 Voir le volume posthume rassemblant plusieurs articles ou contributions des années 1970-1980 : Jean Bouvier, L’historien sur son métier. Études économiques, xixe-xxe siècle, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1989.

    25 Rappelons que les historiens, jusqu’à la fin des années 1970, ne peuvent accéder aux archives publiques postérieures à 1929, du fait de la contrainte des cinquante années avant la mise à disposition auprès des chercheurs.

    26 Jean-Jacques Carré, Paul Dubois, Edmond Malinvaud, La croissance française. Un essai d’analyse économique causale de l’après-guerre, Paris, Seuil, 1972.

    27 A. D. Chandler, Stratégies et structures de l’entreprise (1962), Paris, Éditions d’Organisation, 1972 ; Id., Organisation et performance des entreprises, 3 vol., Paris, Éditions d’Organisation, 1992-1993.

    28 Ainsi, dès 1980, une enquête est lancée à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) sur les entreprises françaises sous l’Occupation.

    29 Voir le bilan dressé en 2006 par Michel Lescure, « La Business History en France », dans C. Barciela et al. (dir.), La historia econômica en Espana y Francia, op. cit., p. 461-481.

    30 L’histoire économique et sociale du monde (Pierre Léon), L’histoire de l’industrie en France (Denis Woronoff), L’histoire de la France industrielle (Maurice Lévy-Leboyer).

    31 Présentation de la collection Bibliothèque des histoires, Gallimard, 1971, où le pluriel et le minuscule viennent à dessein souligner la multiplication des objets.

    32 Jacques Le Goff, Pierre Nora, « Présentation », dans J. Le Goff, P. Nora (dir.), Faire de l’histoire, op. cit., t. 1, p. xi.

    33 Edward Palmer Thomson, La formation de la classe ouvrière anglaise, tr. fr., Paris, Hautes Etudes/ Gallimard/Le Seuil, 1988

    34 Lynn Hunt, « French History in the Last Twenty Years : The Rise and the Fall of the Annales Paradigm », Journal of Contemporary History, 21/2, avril 1986.

    35 Jean Bouvier, « La “nouvelle” histoire », dans L’histoire en France, op. cit., p. 31.

    36 Et une seule historienne, Aline Coutrot.

    37 René Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Paris, Seuil (Univers historique), 1988, p. 27. L’ouvrage indique que le groupe a comme « axe » l’université de Nanterre, la rue Saint-Guillaume et la Fondation nationale des sciences politiques.

    38 Non sans anachronisme, René Rémond évoque les expériences contemporaines pour affirmer : « Que les explications des révolutions par la conjoncture économique, le cours des denrées ou la raréfaction des subsistances nous paraissent pauvres aujourd’hui à nous qui avons vu des explosions sociales en pleine prospérité », dans Pour une histoire, op. cit., p. 384.

    39 Jacques Revel, Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience, Paris, Gallimard (Hautes études), 1996.

    40 Bernard Lepetit, Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995.

    41 Yves Lequin, « Histoire sociale », dans André Burguière (dir.), Dictionnaire des sciences historique, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 635-642.

    42 Séminaire dirigé par Danielle Tartakowsky, Michel Pigenet et moi-même de 2004 à 2018.

    43 Michel Margairaz, Michel Pigenet (dir.), Le prix du travail, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019.

    44 Parmi les publications communes au sein de l’IDHE. S, voir Christian Bessy, Michel Margairaz (dir.), Les biens communs en perspective, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021.

    45 Fernand Braudel, « Histoire et sciences sociales ; la longue durée », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 4, Débats et combats, octobre-décembre 1958, p. 785-792 ; reproduit dans Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion (Champs), 1969, p. 41-51. Il ajoute : « Nous revoici dans le temps court, et jusqu’au cou », ibid.

    46 Au point de critiquer le « pessimisme » des approches en termes de crise et de rejeter toute recherche sur l’économie de la Seconde Guerre mondiale.

    47 Il ajoute : « Par ailleurs sa présentation trop claire et trop simple de la répartition salaires-profits a stérilisé pour longtemps la recherche en sciences sociales », extraits de la transcription de la discussion de la contribution de Jean Bouvier, dans Pour une histoire de la statistique, Paris, Insee, t. 1, 1977 p. 442.

    48 Jean Bouvier, dans « Discussion », dans Insee, Pour une histoire de la statistique, op. cit., p. 442 Le second tome est paru en 1987.

    49 L’économie française au xixe siècle. Analyse macro-économique, Paris, Economica, 1985.

    50 « Maurice Lévy-Leboyer et François Bourguignon se réfèrent quelquefois et positivement à Ernest Labrousse en confirmant ce qui chez ce dernier était déjà tout autre chose que des intuitions », dans Jean Bouvier, « Postscriptum », dans Patrick Fridenson, André Straus (dir.), Le capitalisme français, xixe-xxe siècle. Blocages et dynamismes d’une croissance, Paris, Fayard, 1987, p. 406.

    51 Quelques années auparavant, François Caron affirmait : « L’histoire est par essence globale », dans François Caron, « Histoire économique et histoire globale », dans L’histoire et ses méthodes, Lille, Presses universitaires de Lille, 1981.

    52 François Caron, « Introduction générale. De Saint-Cloud à Ulm », dans Christophe Charle (dir.), Histoire sociale, histoire globale ? Actes du colloque des 27-28 janvier 1989, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1993, p. 14-15.

    53 Jean Bouvier, « Histoire sociale et histoire économique », dans L’histoire sociale. Sources et méthodes. Actes du colloque de l’École normale supérieure de Saint-Cloud (15-16 mai 1965), Paris, Presses universitaires de France, 1967, p. 241-242.

    54 François Caron, introduction citée supra, p. 18. Le style de la phrase n’est pas très clair, du fait sans doute de la transcription d’une intervention orale.

    55 Ibid. ; « Discussion », dans Christophe Charle (dir), Histoire sociale, histoire globale ?, p. 69.

    56 Ibid., p. 18-21.

    57 Roger Chartier, dans « Discussion », cité supra, p. 66.

    58 Titre de son article, dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, 1, 1966, p. 181.

    59 Ernest Labrousse, dans « Discussion », cité supra, p. 251.

    60 Jean-Yves Grenier, « L’histoire quantitative est-elle nécessaire ? », Autrement, 150-151, Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire, janvier 1995, p. 173-183.

    61 Entretien avec Pierre Vilar, La nouvelle critique, janvier 1972, reproduit dans Enquête de la Nouvelle critique. Aujourd’hui, l’histoire, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 122-123.

    62 « L’homo economicus de la New Economic History me paraît […] parfaitement rodé […] un homme parfait, tel qu’on en rêvait dans les cours d’économie politique, à l’époque de Jean-Baptiste Say, sans corps, sans sexe, sans affectivité, sans racine, sans esprit, sans âme. Toujours conscient, bien informé, prêt à réagir au seul profit, comme une mécanique de Vaucanson », Pierre Chaunu, « L’économie. Dépassement et prospective », dans J. Le Goff, P. Nora (dir.), Faire de l’histoire, op. cit., t. 2, p. 63.

    63 Lui-même a soutenu un diplôme d’études supérieures sur la loi des quarante heures, sur la suggestion de Jean Bouvier et placé sous la direction d’Ernest Labrousse.

    64 C’est le thème central, suggéré et développé par Jean Bouvier aux auteurs réunis pour un hommage à son œuvre et à sa personne : P. Fridenson, A. Straus (dir.), Le capitalisme français, op. cit.

    65 Citons les Annales – rebaptisées de manière significative en 1993 Annales. Histoire, sciences sociales, la Revue d’histoire moderne et contemporaine, le Mouvement social, ainsi que, parmi les nouvelles revues, Histoire, économies, sociétés, Genèses, Histoire et mesure, Entreprises et histoire…

    66 Deux historiennes seulement sont présentes, Adelina Daumard, citée, et Michelle Perrot, à propos des statistiques criminelles.

    67 Alain Desrosières, « Éléments pour l’histoire des nomenclatures socio-professionnelles », dans Insee, Pour une histoire de la statistique, Paris, Insee, t. 1, 1977, p. 155-231. Il y présente également une brève contribution (avec Jacques Mairesse et Michel Volle) sur « Les temps fort de la statistique française depuis un siècle », p. 509-517, base de travaux plus substantiels ensuite (voir la note suivante).

    68 Luc Boltanski, Les cadres, la formation d’un groupe social, Paris, Éditions de minuit, 1982 ; Michel Volle, Histoire de la statistique industrielle, Paris, Economica ; Alain Desrosières, Laurent Thévenot, Les catégories socio-professionnelles, Paris, La Découverte (Repères), 1988 ; Christian Topalov, Naissance du chômeur. 1880-1910, Paris, Albin Michel, 1994.

    69 Robert Salais, Nicolas Baverez, Bénédicte Reynaud, L’invention du chômage, Paris, Presses universitaires de France, 1986 ; rééd. Paris, Presses universitaires de France (Quadrige), 1999.

    70 Un séminaire de l’IDHE. S consacré au « quantitativisme réflexif » est organisé depuis plusieurs années à l’IDHE. S à l’École normale supérieure Cachan, puis Paris-Saclay, sous la direction de Christian Bessy.

    71 Patrick Verley, L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Paris, Gallimard, 1997 ; Id., La révolution industrielle, Paris, Gallimard (Folio), 1997 ; J.-Y. Grenier, « L’histoire quantitative est-elle nécessaire ? », art. cité.

    72 C’est le cas notamment de l’Association française des historiens économistes depuis 1970, du Comité pour l’histoire économique et financière depuis 1987, du Conseil scientifique de la Mission historique de la Banque de France depuis 1995.

    73 Cette double licence a pu être mise en œuvre en 2010, grâce notamment à l’écoute bienveillante de Pierre-Charles Pradier, lui-même disposant de la double culture en économie et en histoire.

    74 La citation « Sur l’économique retarde le social, et sur le social le mental » est extraite de la préface à la thèse de Georges Dupeux, Aspects de l’histoire sociale et politique du Loir-et-Cher, 1848-1914, Paris, Mouton, 1962, p. xi.

    75 En 1965, à Saint-Cloud, il dit dans son introduction : « Le mouvement c’est par excellence – mais non pas toujours – l’économique […] nous avons fait jusqu’ici l’histoire des Mouvements et […] pas assez l’histoire des résistances. L’accélération de l’histoire ne doit pas nous faire trop sous-estimer la lenteur de l’Histoire. La résistance de la mentalité en place est un des grands facteurs de l’histoire lente […]. Elle est la chance prodiguée des contre-révolutions. » Plus loin, dans une des discussions, il ajoute : « dans un premier temps du xixe siècle, vous avez une nature économique oppressive, qui conduit la réaction humaine ; dans un deuxième temps, vous avez une réaction humaine collective, qui endigue, qui utilise, qui manœuvre la nature économique […] C’est […] l’individu associé [il évoque plus loin le mouvement ouvrier] qui va manœuvrer la nature économique, ou essayer de le faire », dans L’histoire sociale, op. cit., p. 5 et 251-252 (nous soulignons).

    76 Entretien avec Pierre Vilar, cité supra, p. 126.

    77 Cité par Jean Boutier, « Histoire moderne, la fin d’une “utopie” ? », dans L’histoire en France, op. cit., p. 62.

    78 P. Vilar, Une histoire en construction, op. cit., p. 424 (l’auteur souligne). Phrases partiellement citées dans Jean Bouvier, « Post-scriptum », dans P. Fridenson, A. Straus (dir.), Le capitalisme français, op. cit., p. 403.

    79 Ibid. (nous soulignons).

    80 Pierre Vilar, dans « Discussion », cité supra, p. 68.

    81 Jean Bouvier, « Le capitalisme et l’État en France », Recherches et travaux. Bulletin de l’Institut d’histoire économique et sociale de l’université Paris I, 15, décembre 1986, p. 48

    82 Jean Bouvier, « Post-scriptum », dans P. Fridenson, A. Straus (dir.), Le capitalisme français, op. cit., p. 402-407. Dans son manuel ancien, plusieurs fois réédité, il affirmait de manière plus tranchée : « Il existe une histoire des sociétés humaines qui est totale […] Dans la réalité, il n’y a pas plusieurs histoires, il n’y en a qu’une. L’histoire ne se débite en tranches que dans les livres », dans Initiation au vocabulaire et aux mécanismes économiques contemporains, xixe-xxe siècle (1967), Paris, Sedes, 1977 (l’auteur souligne).

    83 Revue économique, 40/1, mars 1980 ; Luc Boltanski, Laurent Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991 ; Robert Salais, Michael Storper, Les mondes de production. Enquête sur l’identité économique de la France, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1993.

    84 R. Salais, Michael Storper, Les mondes de production, op. cit.

    85 J. Bouvier, « Histoire sociale et histoire économique », art. cité, p. 243.

    86 C’est l’un des regrets exprimés par Fernand Braudel en 1982 dans l’une des trois conclusions du dernier volume de l’Histoire économique et sociale de la France, op. cit.,

    87 C’est l’affirmation défendue par Olivier Feiertag dans un texte récent : Olivier Feiertag, « L’histoire économique du xxe au xxie siècle : des murailles de Chine à l’Empire du milieu », dans Dominique Barjot, Anna Bellavitis, Bertrand Haan (dir.), Regards croisés sur l’historiographie française aujourd’hui. Congrès 2019 du Comité français des sciences historiques, Paris, SPM, 2020.

    88 Kevin H. O’Rourke, Jeffrey G. Williamson, Globalization and History. The Evolution of a Nineteenth-Century Atlantic Economy, Cambridge/Londres, The MIT Press, 1999.

    89 Olivier Feieratag, Michel Margairaz (dir.), Les banques centrales à l’échelle du monde/Central Banks at World Scale, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques/Mission historique de la Banque de France, 2012.

    90 Karl Polanyi, La grande transformation, Paris, Gallimard, 1983 ; Mark Granovetter, Sociologie économique, Paris, Seuil, 2008.

    91 Cela a permis également de dépasser les approches de Chandler d’une vision linéaire et univoque du modèle de la grande entreprise américaine dominante, à travers l’étude du capitalisme familial, des petites et moyennes entreprises, des systèmes productifs locaux et des districts industriels.

    92 Jean-Pierre Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprises et institutions dans la région lilloise (1780- 1860), Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1991, p. 13. Version publiée de sa thèse d’État.

    93 Ibid., p. 15.

    94 Cité dans Jean-Pierre Hirsch, Philippe Minard, « “Laissez-nous faire et protégez-nous beaucoup” : pour une histoire des pratiques institutionnelles dans l’industrie française (xviiie-xixe siècle) », dans Louis Bergeron, Patrice Bourdelais (dir.), La France n’est-elle pas douée pour l’industrie ?, Paris, Belin, p. 146. L’extrait, tiré de la lettre à l’intendant du Commerce Montaran, est tiré de la thèse publiée de Serge Chassagne, Le coton et ses patrons, 1760-1840, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1991, p. 135.

    95 R. Salais, M. Storper, Les mondes de production…, op. cit.

    96 Patrick Fridenson, « Un nouvel objet : les organisations », Annales. Économies, sociétés, civilisations, novembre-décembre 1989 (la livraison du « tournant critique »).

    97 L’histoire des organisations patronales a réuni récemment plusieurs des signataires de l’ouvrage autour d’un programme européen en longue durée, dont les actes de quatre colloques ont été publiés aux Presses universitaires de Rennes entre 2011 et 2016.

    98 Jean Bouvier, « Le capitalisme et l’État en France », Recherches et travaux, 15, Institut d’histoire économique et sociale, université Paris 1, décembre 1986, p. 47-63.

    99 Jean Bouvier, François Bloch-Lainé, La France restaurée, 1944-1954. Dialogues sur les choix d’une modernisation, Paris, Fayard, 1986, p. 270.

    100 Ibid.

    101 François Bloch-Lainé, « Préface », dans Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion (1932-1952), Paris, Imprimerie nationale/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, vol. 1, p. xii. Phrases citées dans Michel Margairaz (dir.), François Bloch-Lainé, fonctionnaire, financier, citoyen, Paris Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 236.

    102 François Bloch-Lainé, « Posface », dans Roger Priouret, La Caisse des dépôts et consignations. Cent cinquante ans d’histoire financière, Paris, Presses universitaires de France, 1966, p. 435.

    103 Depuis 1995, la Mission historique a organisé un séminaire annuel, plus d’une dizaine de colloques internationaux et journées d’études et produit une vingtaine de publications (en français et anglais). Elle a également distribué plus de 150 allocations annuelles de recherche, dont la plus grande partie à des masters et des thèses en histoire économique et sociale, bancaire, financière et monétaire, en économie et autres sciences sociales.

    104 Olivier Feiertag, Michel Margairaz (dir.), Les banques centrales et l’État-nation/The Central Banks and the Nation-State, Paris, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques/Mission historique de la Banque de France, 2016.

    105 Jean Bouvier, « Les relations entre l’Etat et la Banque de France depuis les années 1950 », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 13, janvier-mars 1987, p. 34. Phrase conclusive de l’article.

    106 « La politique vue du côté de la réception, c’est notre problème en somme… » : phrase liminaire de la présentation des deux volumes de Maurice Agulhon, Histoire vagabonde. Ethnologie et politique dans la France contemporaine, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 2 tomes, 1988.

    107 Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky, L’État détricoté. De la Résistance à la République en marche, Paris, Détour, 2018, réédité et augmenté, 2020.

    108 Franklin Mendels, « Histoire économique », dans André Burguière (dir.), Dictionnaire des sciences historiques, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 220.

    109 O. Feiertag, « L’histoire économique du xxe au xxie siècle », art. cité.

    110 Pierre Chaunu en 1974 ne dit pas autre chose, mais autrement, à la suite de l’extrait cité à propos de la cliométrie : « il ne suffit pas d’aller de l’avant pour progresser, il faut savoir, aussi […] conserver l’acquis, sous peine de passer, sans transition, du temps des ordinateurs à celui des cavernes », « L’économie. Dépassement et prospective », art. cité.

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    • (2020) Livres reçus. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 75. DOI: 10.1017/ahss.2021.48

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    Margairaz, M. (2020). Ceci n’est pas une postface. In D. Fraboulet & P. De Verheyde (éds.), Pour une histoire sociale et politique de l’économie (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.85749
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    Fraboulet, Danièle, et Philippe De Verheyde, éditeurs. Pour une histoire sociale et politique de l’économie. Éditions de la Sorbonne, 2020, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.85409.
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