Gouverner la France des villes
Enjeux et usages du service public territorial (1880-1960)
p. 363-377
Texte intégral
1« Charles Seignobos disait dans une boutade : “La civilisation, ce sont des routes, des ports et des quais”, façon de dire, ce n’est pas seulement l’esprit1. » Cette citation empruntée à Fernand Braudel prend tout son sens au regard de l’invention des services publics et du déploiement de leurs réseaux qui ont conforté le dynamisme de l’Europe urbaine2. Comme l’ont souligné les analyses controversées de l’urbaniste Le Corbusier, le peuplement et le développement des villes ont façonné « un réseau inextricable de routes, de voies ferrées, de surveillance et de services publics divers, de canalisations d’eau, de gaz, d’électricité3… ». Depuis l’époque moderne, l’administration des réseaux est un élément fondamental de la montée en puissance des villes4. Insufflés par l’innovation, ces réseaux les irriguent d’un maillage de commodités, gage de désenclavement, de salubrité et de paix sociale5. En France, l’histoire des politiques locales donne ainsi à découvrir un système durable de diffusion de services, de pratiques et de « savoir administrer » préservant la stabilité des institutions territoriales et de leurs personnels6.
2Cette contribution de portée historiographique se polarise sur l’expérience des politiques urbaines de la France des années 1880 aux années 19607. Elle ne peut prétendre à l’exhaustivité tant les domaines d’intervention de l’action publique sont variés et les lieux de son déploiement, composites. Les études sur les gouvernements des villes sont pluridisciplinaires et foisonnantes8. Elles analysent leurs effets novateurs, protecteurs et carentiels9. Elles scrutent les volontés d’unification des territoires et les tentatives de résorption des fractures sociales. Elles mettent au jour les logiques de collaboration entre institutions hiérarchisées, du local au national, et décryptent les compromis scellés entre acteurs administratifs, techniques, politiques, associatifs et économiques, aux cultures et au statut social souvent antagonistes, de l’administrateur, grand bourgeois, préfet de son état, à l’ouvrier devenu, à partir des années 1920, maire communiste de sa commune10. Ces études révèlent enfin qu’au cours des xixe et xxe siècles, le pouvoir local, socle du régime républicain et de ses réformes, s’est urbanisé, émancipé et bureaucratisé11.
3La civilisation est constitutive du resserrement des relations entre hommes et institutions énonçait Norbert Elias dans les années 193012. Dans cet esprit, civiliser la ville, c’est l’administrer et se plier au cadre réglementaire du régime des institutions locales pourvoyeuses de prestations publiques. C’est impulser et encadrer des formes de sociabilités festives et protocolaires13 : de la « politique sans en avoir l’air » sur le modèle des banquets amicalistes et des tournées préfectorales14. C’est aussi, pour un politique lancé à la conquête du pouvoir, apprendre à maîtriser ses émotions pour composer avec son parti, l’État et les adversaires avec lesquels il doit s’entendre pour administrer les territoires qu’il représente. C’est encore et surtout, pour les élus locaux, s’adapter aux demandes sociales d’une population urbaine renouvelée, densifiée et en voie d’étalement15. Les études sur l’activité administrative et technique des villes révèlent ainsi une configuration d’interactions, d’ententes, d’harmonisation des comportements d’acteurs, publics et privés, insérés dans des organes imbriqués de délibération, de compromis et de contrôle social et politique. C’est cette histoire qui est ici mise en récit.
Administrer les communes : professionnalisation, sociabilité et coopération
4Le gouvernement des élites locales, des autorités de tutelle et des réseaux réformateurs d’ingénieurs, d’hygiénistes, de fonctionnaires, d’élus, d’universitaires, d’entrepreneurs philanthropes s’est affermi dans les années 1880-1900. Il connaît d’importantes fluctuations durant la Grande Guerre, à la fin des années 1930, sous le régime de Vichy et durant la première décennie du cycle des Trente Glorieuses. Au cours de ces quatre moments, l’État consacre ses « serviteurs » issus de grands corps et renforce son contrôle sur les finances publiques locales, la planification des villes et les politiques d’équipements collectifs16. L’étatisation de la société française s’accélère au tournant des années 1930 et 1940 sans que la puissance régalienne puisse se passer du pouvoir local et de ses corps intermédiaires17. Depuis l’adoption de la charte des communes du 5 avril 1884, l’État a de fait légitimé leurs missions en codifiant leurs prérogatives et leurs responsabilités18. Il les a placées à l’avant-garde des politiques de contrôle, d’intégration et de protection des populations.
5En France, l’expérience du Grand Paris, qui concentre une part essentielle de la croissance urbaine hexagonale, est à ce titre éclairante. Ce territoire-capitale, couvrant le département de la Seine et ses quatre-vingt-une communes, est aux prises avec une ségrégation précoce et un enracinement des inégalités. Son administration et ses politiques d’équipement sont disparates, mais ses réalisations n’en sont pas moins exemplaires. Les services publics, en régie ou concédés, de transports souterrains et de surface, de force motrice, d’alimentation en eau, d’assainissement, de traitement des déchets, d’habitations à bon marché (les HBM ancêtres des HLM) et d’équipements sanitaires et hospitaliers singularisent les administrateurs de ce département, le plus densément peuplé et le plus riche de France. Le Grand Paris n’est pas l’unique vitrine du développement de l’action publique. Il se compare aux capitales régionales et européennes, qui s’imposent également en hauts lieux du déploiement des politiques locales et de la circulation des idées, des techniques, des compétences et de la déclinaison transnationale du modèle de l’haussmannisation19.
6Au niveau des communes urbaines, l’activité municipale est en plein essor avec la construction d’écoles, obligatoires, laïques et gratuites, la promotion de politiques culturelles, hygiénistes et d’éducation par le sport et la création d’équipements de proximité (crèches, dispensaires, bains douches, bibliothèques, marchés, salles des fêtes, théâtres, patronages, colonies… )20. Depuis l’avènement de la Troisième République, ces équipements collectifs sont essentiels au dynamisme économique et à la cohésion sociale des villes. En dépit de la polarisation des richesses et de la rente foncière qui accentuent les inégalités territoriales, plusieurs mots d’ordre rallient entre elles les élites locales21. Leurs priorités se fixent sur de grands projets : assainir, équiper et désenclaver leur ville, promouvoir l’instruction, l’hygiène et la santé, et transformer la charité en une bienfaisance municipale22.
Les villes, foyer de compétence et de rationalisation
7La création et le développement du service public local sont tributaires d’une collaboration étroite entre les autorités préfectorales, les grands corps techniques de l’État et les élites municipales, aux premiers rangs desquels figurent les conseillers généraux, les maires et leurs secrétaires de mairie, catégorie essentielle à la bonne marche de l’activité communale. Figure restée longtemps méconnue de l’histoire de la France urbaine, le secrétaire général de mairie a été placé dans l’ombre de la magistrature municipale23. Son ascension administrative, sa culture du compromis et l’intériorisation du devoir de neutralité l’ont pourtant positionné, dès la fin du xixe siècle, en maillon fort de la continuité du service public24. Sa reconnaissance professionnelle et protocolaire participe de l’âge d’or des « mairies triomphantes » de la Troisième République25. Homme de réseau et de médiation, le secrétaire des villes est devenu le chef d’une administration du quotidien qui a gagné en stabilité et en autorité face à son homologue en déclin, le secrétaire de mairie-instituteur de la France rurale26.
8Le secrétaire des mairies, souvent dépourvu de titres universitaires, se décrit comme « modeste » lorsqu’il se compare aux hauts fonctionnaires de l’État, mais il se sait indispensable aux services préfectoraux en quête d’interlocuteurs avertis et aux magistrats communaux de la Belle Époque et de l’entre-deux-guerres. Ces maires ne peuvent en effet se passer de secrétaires professionnels, surtout lorsqu’ils sont issus du Parti communiste qui désigne l’État comme « l’ennemi du peuple27 ». Organisés en amicale depuis le Second Empire, les secrétaires généraux de mairie se sont enracinés et ont imposé leur autorité corporatiste à un personnel communal dont les effectifs sont passés de moins de 300000 à plus de 600000 entre les années 1930 et 196028. Ils seront nombreux à s’ériger en érudit local, dépositaire de la mémoire du paternalisme municipal, de ses activités publiques et de ses transformations urbaines.
9La montée en puissance des secrétaires de mairie professionnels, acculturés à la législation municipale et aux dispositifs de financement des politiques urbaines, s’est accompagnée dès 1919 d’un mouvement de reconnaissance statutaire des agents communaux et d’une dynamique de professionnalisation des mairies des villes de France. Fondée en 1922, l’École nationale d’administration municipale (ENAM), rattachée à l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris, est une institution pionnière de formation et d’uniformisation des politiques locales, reconnue par le ministère de l’Intérieur et parrainée par de grands édiles29. Ses élèves, plus de 2200 diplômés entre les années 1920 et 1940, sont parvenus à capter jusque dans les années 1970 les postes de direction des villes de l’agglomération parisienne et de province. L’ENAM, dont les enseignants sont de hauts fonctionnaires de la préfecture de la Seine, devient le modèle de la diffusion, en région, des cours d’administration départementale et communale dans les universités de Lille, Nancy, Strasbourg et Lyon30. École et cours de perfectionnement administratif mais aussi revues spécialisées et associations professionnelles de secrétaires de mairie, d’hygiénistes ou d’ingénieurs deviennent ainsi les vecteurs de la diffusion de nouvelles politiques intercommunales.
Sociabilité édilitaire et politiques locales intercommunalisées
10Le service public local ne relève pas uniquement de pratiques juridiques et administratives. Il est aussi le produit de la sociabilité édilitaire et du solidarisme républicain d’inspiration laïque et radicale31. Ce solidarisme, associé au nom de Léon Bourgeois, ancien directeur de l’administration communale et départementale du ministère de l’Intérieur, plus connu comme auteur en 1896 de Solidarité, est fait d’assistances et d’interventions correctrices de l’État et de son bras armé territorial, les municipalités32. Il est également impulsé par deux mouvements profonds et concomitants de transformation de l’administration locale. Le premier a pris la forme de l’amicalisme des maires, réunis dès le début du xxe siècle dans des associations corporatistes, nationales et départementales. Le second tient à la professionnalisation des fonctions édilitaires qui contribue dès la Belle Époque à la convergence des politiques locales et au rapprochement des administrateurs communaux33.
11L’histoire de l’intercommunalité est à ce titre révélatrice de la prégnance des formes de rationalisation, de coopération et de sociabilité à l’œuvre dans la conduite des affaires locales34. La loi du 22 mars 1890, qui institue le syndicat de communes, marque une rupture dans les pratiques administratives, qui engage au cours du xxe siècle la plupart des communes de France dans un vaste mouvement d’intercommunalisation des politiques publiques. Devenu le titre VIII de la charte municipale de 1884, ce texte entérine une gestion pragmatique et pacifiée de l’administration des territoires. Inventée pour pallier l’isolement et l’impuissance financière des communes rurales, l’intercommunalité pose le principe de la liberté d’association des municipalités appelées à former des syndicats, autorisés et impulsés par l’autorité préfectorale et les corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées et du Génie rural35. L’intercommunalisation est lente au démarrage – la France compte moins d’une cinquantaine de syndicats à la veille de l’entrée en guerre – mais, portée par les politiques d’électrification et d’adduction en eau de la France, son rythme s’accélère à partir des années 1920 et 1930 : 2168 syndicats, fédérant 24808 communes, sont recensés en 1935, 3828 en 1953, plus de 6760 en 196236.
12À défaut de s’attaquer de front au morcellement du parcellaire communal, le régime républicain choisit de composer avec le pouvoir municipal. S’engager à supprimer des communes, trop nombreuses mais enracinées dans le paysage et les mentalités collectives, avec leur Église, leurs monuments aux morts et leur cimetière, creuset d’affiliation des vivants au territoire des anciens, aurait ébranlé l’assise politique de la Troisième République. Le syndicat de communes ne peut être imposé par la force, il reste soumis au régime de la délibération, de la négociation et du consentement municipal. Aussi, la République s’est-elle préservée de toute remise en cause du principe d’uniformité du régime juridique des communes, héritage de la Révolution française qui a fait des communautés villageoises et urbaines d’Ancien Régime la cellule de base de l’organisation administrative de la France contemporaine37.
13Depuis le début du xxe siècle, l’administration des territoires bute sur l’égoïsme de certaines communes, les plus riches, le plus souvent, qui rechignent à contribuer à la cohésion et au développement des communes les plus pauvres, les plus excentrées et les plus exposées à la pression démographique et la paupérisation. Ce repli clochermeslesque est réel mais il n’entrave pas la concorde des maires guidés par des principes de réalité qui les incitent à se fédérer pour défendre l’intérêt intercommunal face aux grandes compagnies privées concessionnaires de service public (compagnies des eaux, des pompes funèbres, de l’électricité, du gaz…). Devant de telle puissance économique, exerçant un monopole dans leur champ d’activité, l’enjeu pour les collectivités municipales est bel et bien de s’unir afin d’intégrer leurs communes aux réseaux techniques en imposant leurs cahiers des charges.
14Absorbés par la construction de groupes scolaires et d’équipements de proximité, les maires ne peuvent prétendre à un domaine public viabilisé, assaini et éclairé s’ils n’acceptent de transcender leurs cultures partisanes et leur esprit de clocher38. Leur capacité de se fondre dans leur environnement politique et institutionnel caractérise l’apprentissage de leur métier d’édile. Elle reste pourtant ignorée. Les élus locaux sont souvent caricaturés sous les traits de l’incompétent, à l’image d’un Barthélemy Piéchut, obnubilé par son projet d’urinoir, ou d’un édile rouge, Peponne, obsédé par le curé de sa paroisse, Don Camillo39. Cette représentation belliqueuse de la sociabilité municipale, doublée d’une seconde, à la Topaze, sur la corruption des élus, a déformé les véritables ressorts de la fonction et des pratiques édilitaires40.
15Sous la Troisième République, la création de grands services urbains, municipalisés, intercommunalisés et départementalisés, a renforcé les prérogatives des collectivités locales et de leurs représentants. Comme le soulignent Alexandre Fernandez et Pascal Griset : « d’une part, les municipalités ont la charge de l’expression sociale de leurs administrés et d’autre part, elles détiennent l’autorité concédante qui rend juridiquement possible l’installation et l’exploitation du service [public local] ». Cette « économie de l’édilité » marque « “l’âge d’or” des municipalismes européens »41. En France, reconnus par le juge administratif au tournant des xixe et xxe siècles, les principes fondateurs d’égalité d’accès et de continuité du service public local ont légitimé les élus des villes en leur permettant de s’ériger en édiles réalisateurs42. Bien que soumises au contrôle et à l’octroi de financement de l’État, principal bailleur de fonds par l’intermédiaire notamment de la Caisse des dépôts et consignations, les politiques publiques locales ont consacré la reconnaissance du pouvoir municipal et départemental43. Leurs réalisations, dans la France des villes, corrigent le mythe de l’incapacité des élus à administrer leur territoire et à négocier avec les pouvoirs publics et les acteurs économiques44. In fine, « qui gouverne la ville ? » : sans conteste, les maires et leurs collaborateurs occupent une place prépondérante dans le gouvernement urbain. Une place acquise au prix de leur disposition à intégrer des réseaux d’influence pour peser sur les transformations de leur commune et agir sur les processus d’acculturation et de normalisation bureaucratique à l’œuvre dans la gestion des affaires publiques45.
Une reconnaissance précoce des « municipalités providences »
16Le tournant institutionnel que constitue l’adoption des lois de décentralisation dites Defferre au début des années 1980 a fait écran à la sédimentation et à la maturation du gouvernement local et urbain au cours des xixe et xxe siècles46. Le début du premier septennat de François Mitterrand est souvent associé au premier âge de la décentralisation lorsque cette réforme est en réalité héritière d’un long processus d’autonomisation des collectivités locales, insufflé par la « révolution des mairies47 ». Un siècle plus tôt, sous la Troisième République, l’élection du maire et de ses adjoints, généralisée par la loi du 28 mars 1882, et l’adoption de la charte des municipalités deux ans plus tard ont donné corps à la « République des communes », célébrée en grande pompe en 1889, 1900 et 193448. Les départements, à l’exception notoire du singulier département de la Seine, siège de la capitale, ont eux aussi bénéficié d’un mouvement précoce d’élargissement des libertés locales. Une « charte » leur fut concédée le 10 août 1871 marquant « la reconnaissance formelle d’une autonomie organique au profit du conseil général [sur laquelle] s’édifie la décentralisation politique et administrative départementale49 ».
Étatisation et municipalisation de la société : une histoire concordante
17Au cours des xixe et xxe siècles, les missions de l’État moderne ont pénétré les champs de la quotidienneté. Elles ont pu donner l’image d’une certaine forme d’étatisation de la société française, associée à des droits, des devoirs et des réalisations aussi divers que le recouvrement de l’impôt, la conscription, la scolarisation, la célébration des fêtes et des commémorations nationales, l’élection des représentants du peuple et la nationalisation du territoire, unifié par l’armature routière, ferroviaire et administrative des chefs-lieux de département, d’arrondissement et de canton50. Dans les années 1930, Roger Thabault, secrétaire de mairie, a décrit dans son récit, L’Ascension d’un peuple, les bienfaits de ses transformations sur la vie de sa commune, Mazières, métamorphosée par la construction de routes et l’ouverture d’une ligne de chemin de fer51. Mais cette dynamique transformatrice de la société, orchestrée par l’État, a fait écran à une seconde dynamique, tout aussi importante et indissociable de la première, l’interventionnisme des collectivités locales. Sous la Troisième République, l’affirmation de l’État s’est inscrite en concordance avec le déploiement des services communaux, intercommunaux et départementaux. L’État n’a pas monopolisé l’espace public. Il a au contraire délégué une partie de son autorité au pouvoir local en instaurant un contrôle de légalité plus souple et en accordant aux élus de larges compétences. Pour l’État, la municipalité et le conseil général sont des institutions de recours et de relais de sa politique nationale dont il ne peut se passer, surtout en période de croissance urbaine, de guerres et de crises politiques, sociales et économiques.
18La représentation rémanente d’un pouvoir central omnipotent mérite d’être relue à la lumière des relations d’interdépendance qu’entretiennent entre eux les protagonistes de l’action publique52. Ces relations ont été réévaluées par l’historienne Mona Ozouf avec des mots très justes. « Le modèle républicain n’a pas eu la rigueur dogmatique qu’on lui a prêtée », l’État républicain a « hiérarchis[é] » plus qu’il « n’[a] exclu »53. Dans le même esprit, Pierre Rosanvallon a redéfini la conception de l’État en France depuis 1789 en décrivant un « jacobinisme amendé » par ses corps intermédiaires54.
19Depuis le xixe siècle, la décentralisation est trop souvent entendue comme une incantation à plus de liberté qui masque les acquis institutionnels et les usages émancipateurs des lois municipales, intercommunales et départementales. « De l’an VIII à la fin de la IIIe République, les textes subissent une lente poussée décentralisatrice qui ne connaît que quelques parenthèses55. » Les textes fondateurs de 1871, 1884 et 1890 sur l’organisation des collectivités locales ou ceux de 1926 sur l’allégement de la tutelle et l’octroi de nouvelles compétences aux municipalités en matière de taxation, d’économie mixte et de services industriels sont à l’origine de la modernisation et de l’autonomisation progressive des administrations locales. Ces textes ont eu sans conteste une portée légitimante qui a rejailli sur l’édilité56. Ils ont renforcé l’uniformisation des modes de gestion des affaires municipales et ont permis la conversion du personnel politique des agglomérations urbaines en de véritables administrateurs parmi les plus appréciés du corps électoral57.
20S’affranchir des discours et des représentations, qui identifient implicitement et de façon récurrente la commune à un organisme secondaire et déresponsabilisé, s’impose pour démystifier la vision réductrice d’une subordination des collectivités locales à l’ordre régalien. L’activité municipale en temps de paix, de guerres ou de récessions, de la grande dépression de la fin du xixe siècle à la crise des années 1930, montre au contraire que les mairies se sont révélées incontournables pour nationaliser l’école publique et pour rendre efficientes les lois d’assistance, de santé et de protection des populations civiles. La mise en place des fonds municipaux de chômage en 1914, de la défense passive en 1938 ou du ravitaillement sous l’Occupation renoue ainsi avec la charge ancestrale du « maire nourricier58 » et protecteur. Les édiles ont même su devancer le législateur dans certaines communes. Sur le terrain de la santé publique, « les grandes villes [ont été] les laboratoires de la loi. […] Les bureaux d’hygiène municipaux, créés avant l’obligation de 1902 par de grandes villes qui en ont pris l’initiative, ont constitué de véritables pôles d’expérimentation, d’acculturation et de progrès59 ».
21Dans le cas singulier de l’agglomération parisienne, l’action politique des collectivités locales révèle la capacité d’initiative de leurs administrations et la diffusion de leurs pratiques. Elle montre également la prédominance du pragmatisme, qui anime l’édilité, y compris communiste implantée en banlieue rouge à partir des années 1930. Dans les villes héritières du socialisme et du communisme municipal, le réformisme est aussi devenu la matrice de l’engagement communal de maires imprégnés d’idéaux révolutionnaires60.
22La mise en perspective du rôle central des élites municipales n’est pas novatrice en soi. Elle est affiliée aux travaux de la sociologie des organisations. Au tournant des années 1960-1970, les recherches de Pierre Grémion, Michel Crozier, Jean-Claude Thoenig et Jean-Pierre Worms avaient déjà tracé une perception, moins manichéenne, du gouvernement des territoires sous la République61. Ces auteurs mettaient à mal la vision d’un régime centralisateur en dépeignant les soubassements d’un « jacobinisme apprivoisé » par le « pouvoir périphérique », investi par des élus cumulards, maires, conseillers généraux et parlementaires, avec lesquels les préfets se devaient de composer62. Le « système de régulations croisées » qu’ils décrivaient, liant l’État aux collectivités locales, mettait en lumière un système de conciliation entre élites locales et autorités de tutelle. Dans ce système, d’un côté, le maire négociait des fonds publics et la validation de ses délibérations, de l’autre, le préfet, gardien de l’ordre, obtenait la paix sociale et s’assurait du légalisme des édiles63.
23La Troisième République a marqué un moment essentiel dans l’histoire de la reconnaissance du pouvoir local jouant un rôle central dans les dispositifs de régulation sociale votés par les assemblées parlementaires, dont le Sénat, chambre des territoires64. Les pouvoirs municipaux, intercommunaux, départementaux et, à partir des années 1960, régionaux, ont montré leur capacité à défendre leurs intérêts65. À l’échelle européenne, la perspective dressée par Patrick Le Galès a aussi mis en relief l’influence des corps édilitaires, élus et dépositaires de compétences : « La commune figure comme un des piliers des démocraties européennes. […] élus et administrateurs locaux n’étaient pas de passifs agents de l’État mais des acteurs ayant des marges de manœuvre soit pour initier ou mettre en œuvre les politiques publiques, soit pour accéder au cœur de l’État afin de défendre les intérêts de leurs territoires66. »
Les racines territoriales de l’État-providence
24Les agglomérations ont été un laboratoire d’expérimentation et le terrain d’application privilégié des politiques publiques. Pour encadrer la reconversion économique et sociale de la France des villes, l’État n’a pas assumé seul ses missions67. Son assise est territoriale68. L’institutionnalisation de l’État providence, amorcée dans les années 1920 et 1930, repose en grande partie sur l’expérience et la médiation des collectivités locales69. Dans le système administratif français, il ne pouvait y avoir d’État social sans communes providentielles, métamorphosées par l’urbanisation, la densification et l’étalement urbain. Leurs réalisations ont devancé, préparé et conforté la construction de l’État providence dont le projet politique est adossé aux collectivités locales, partenaires obligés des dispositifs de régulation sociétale. L’initiative des opérateurs privés n’est à l’évidence pas absente des politiques d’encadrement des populations urbaines, mais leur action est bien souvent en phase avec celle des collectivités locales, de leur domaine patrimonial et de leur monopole communal qu’elles concèdent.
25Au tournant des années 1880-1900 et durant l’entre-deux-guerres, les municipalités sont placées à la charnière d’un système de cogestion des territoires qui concilie l’exercice d’un contrôle préfectoral intéressé à la bonne marche de l’administration locale avec la mise en place de politiques publiques décentralisées, structurées en réseaux, cofinancées par l’État, déléguées souvent à de grandes compagnies nationales et portées par des innovations techniques. L’émergence de la « puissance territoriale » des collectivités locales s’affermit durant la période charnière d’enracinement de la Troisième République70. Cette puissance est incarnée par une configuration d’acteurs, de toutes sensibilités, convertis au « municipalisme71 ». L’institutionnalisation des élus, leur cumul fréquent de fonctions locales et nationales et l’intériorisation des contraintes de leur métier d’administrateur ont produit un sas de neutralisation des tensions et des enjeux partisans, qui atténue les clivages culturels et idéologiques, tout en marquant pour les plus modestes et radicaux – à l’image des maires socialistes et communistes – une étape fondatrice et légitimante de leur émancipation politique72.
26L’histoire des collectivités locales ne se réduit pas à un rapport de domination qu’exercerait le centre sur sa périphérie. Les recherches sur le gouvernement des villes de la France du premier xxe siècle ont au contraire révélé que les « périphéries “font” le centre73 ». L’historiographie a infléchi la vision d’États discrétionnaires en décrivant un régime territorial de délibération, d’accommodement et de collaboration marqué par la circulation des savoirs, la professionnalisation des mairies, la diffusion des expériences administratives et la vitalité du vivier associatif édilitaire et professionnel, corporatiste et syndical. Depuis les années 1880, la gestion territoriale repose sur la pratique de compromis et le respect du principe cardinal de la continuité du service public. Les missions dévolues aux collectivités locales d’encadrer leur population, de les catégoriser et de relayer l’action de l’État dépendent étroitement de ce régime de « décentralisation modérée74 » à l’œuvre sous la Troisième République, qui ne fut pas aboli par la République gaullienne, planificatrice et dirigiste, et qui constitue les soubassements, parfois oubliés, des grandes réformes politiques et institutionnelles votées sous le premier septennat de François Mitterrand75.
27L’histoire des collectivités locales n’est pas une histoire lisse, sans tension. Elle reflète des rapports de force et repose sur un ordre social et des hiérarchies urbaines. Inscrite dans la durée, cette histoire est à l’origine politique – les limites territoriales et les attributions des institutions locales relevant d’une autorité supérieure (État, monarchie, Église…) – mais au cours du xxe siècle, une reconfiguration s’opère sous l’effet des crises économiques, appelées à devenir sociales, urbaines et environnementales76. La puissance étatique « détricotée » s’est désengagée progressivement, laissant place à de nouvelles formes d’organisations spatiales, intercommunales, métropolitaines, régionales et transnationales77. La recomposition politique des territoires est de plus en plus soumise à un ordre économique qui défie les frontières nationales et qui pèse de plus en plus sur les orientations des politiques publiques locales et leur dérégularisation78.
Notes de bas de page
1 Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, Paris, Flammarion, 1987, p. 35.
2 Ce chapitre, fruit de mes recherches sur l’histoire municipale des villes et des banlieues, s’inscrit dans le prolongement de ma thèse que Michel Margairaz a dirigée de 1995 à 2004. Je lui dois sa soutenance et à ce titre ma profonde reconnaissance.
3 Le Corbusier, Les trois établissements urbains, Paris, Minuit, 1959, p. 22.
4 Dominique Margairaz, « L’invention du “service public” », RHMC, 52, 2005, p. 10-32.
5 Jochen Hoock, Bernard Lepetit (dir.), La ville et l’innovation en Europe, xive-xixe siècle, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1987 ; Marcel Roncayolo, La ville et ses territoires, Paris, Gallimard, 1993.
6 Brigitte Marin, Pouvoirs, pratiques et savoirs urbains. Naples, Madrid, xvie-xixe siècle, HDR, université Paris 1, 2005.
7 Paul M. Hohenberg, Lynn Hollen Lees, La formation de l’Europe urbaine, 1000-1950, Paris, Presses universitaires de France, 1992 ; Jean-Luc Pinol (dir.), Histoire de l’Europe urbaine, Paris, Seuil, 2003.
8 Bernard Lepetit, « La ville : cadre, objet, sujet », La ville des sciences humaines, Marseille, Parenthèses, 1996, p. 11-34 ; Sophie Body-Gendrot, Michel Lussault, Thierry Paquot (dir.), La ville et l’urbain. L’état des savoirs, Paris, La Découverte, 2000.
9 Yannick Marec (dir.), Villes en crise ? Les politiques municipales face aux pathologies urbaines (xviiie-xxe siècle), Paris, Créaphis, 2005.
10 Emmanuel Bellanger, « Le maire au xxe siècle ou l’ascension d’une figure “sympathique” et “intouchable” de la République », Pouvoirs, 148, 2014, p. 15-29 , Robert Descimon, Jean-Frédéric Schaub, Bernard Vincent (dir.), Les figures de l’administrateur. Institutions, réseaux, pouvoirs, Espagne, France et Portugal, xvie-xixe siècle, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1997.
11 Dominique Lorrain, « De l’administration républicaine au gouvernement urbain », Sociologie du travail, 4, 1991, p. 467-484 ; Christian Topalov (dir.), Laboratoires du nouveau siècle, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1999.
12 Roger Chartier, « Avant-propos », dans Norbert Elias, La société des individus, Paris, Fayard, 1997 [1939], p. 7-29.
13 Alain Corbin, Noëlle Gérôme, Danielle Tartakowsky (dir.), Les usages politiques des fêtes aux xixe-xxe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994 ; Vincent Robert, Le temps des banquets (1818- 1848), Paris, Publications de la Sorbonne, 2010.
14 Laurent Le Gall, Michel Offerlé, François Ploux (dir.), La politique sans en avoir l’air, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
15 Jacques Dupâquier (dir.), Histoire de la population française, Paris, Presses universitaires de France, 1988.
16 Marc Olivier Baruch, Vincent Duclert (dir.), Serviteurs de l’État. Une histoire politique de l’administration française (1875-1945), Paris, La Découverte, 2000 ; Olivier Dard, Jean-François Eck (dir.), Aménageurs, territoires et entreprises en Europe au second xxe siècle, Metz, CRULH, 2010 ; Loïc Vadelorge (dir.), Gouverner les villes nouvelles (1960-2005), Paris, Le Manuscrit, 2006.
17 Michel Margairaz, L’État, l’économie, les finances (1932-1952), Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991 ; Gilles Le Béguec, Denis Peschanski (dir.), Les élites locales dans la tourmente du Front populaire aux années cinquante, Paris, Éditions du CNRS, 2000.
18 Bruno Benoît, Mathias Bernard (dir.), Le maire et la ville dans la France contemporaine, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2012.
19 Florence Bourillon, Annie Fourcaut (dir.), Agrandir Paris, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012 ; Viviane Claude, Faire la ville. Les métiers de l’urbanisme au xxe siècle, Paris, Parenthèses, 2006 ; Pierre-Yves Saunier, Shane Ewen (dir.), Another Global City : Historical Explorations into the Transnational Municipal Moment, 1850-2000, New York, Palgrave, 2008.
20 William B. Cohen, Urban Gouvernment and the Rise of the French City, New York, St-Martin’s Press, 1998 ; Nicolas Kssis, « La municipalité ouvrière et le milieu sportif », dans Claire Andrieu, Gilles Le Béguec, Danielle Tartakowsky (dir.), Associations et champ politique, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 277-290 ; Philippe Poirrier, « L’histoire des politiques culturelles des villes », Vingtième siècle, 53, 1997, p. 129-146.
21 Michel Pertué (dir.), Histoire des finances locales de la Révolution française à nos jours, Orléans, Presses universitaires d’Orléans, 2003 ; Jean-Luc Pinol, « Villes “riches”, villes “pauvres” dans la France de l’entre-deux-guerres », Vingtième siècle, 64, 1999, p. 67-82.
22 Stéphane Frioux, Les batailles de l’hygiène. De Pasteur aux Trente Glorieuses, Paris, Presses universitaires de France, 2013 ; Gérard Jorland, Une société à soigner : hygiène et salubrité publiques en France au xixe siècle, Paris, Gallimard, 2010 ; Lion Murard, Patrick Zylberman, « Du pain pour les chômeurs, des roses pour les enfants », Les tribunes de la santé, 33, 2011, p. 45-58.
23 Bruno Dumons, Gilles Pollet (dir.), Administrer la ville en Europe (xixe-xxe siècle), Paris, L’Harmattan, 2003.
24 Marc Bergère, Jean Le Bihan (dir.), Fonctionnaires dans la tourmente à l’époque contemporaine, Genève, Georg (L’Équinoxe), 2009.
25 Le triomphe des mairies. Grands décors républicains à Paris 1870-1914, Paris, musée du Petit Palais, 1986.
26 Patrick Harismendy (dir.), Rennes sous la IIIe République, cahiers d’Edmond Vadot secrétaire général de la ville de 1885 à 1909, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008 ; André Bianconi, « Le Syndicat des secrétaires de mairie instituteurs », Revue française de science politique, 23, 1973, p. 570-581.
27 Jean-Paul Brunet, Un demi-siècle d’action municipale à Saint-Denis la Rouge, 1896-1939, Paris, Cujas, 1981 ; Annie Fourcaut, Bobigny, Banlieue rouge, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1986.
28 Emmanuel Bellanger, Jacques Girault (dir.), Villes de banlieues. Personnel communal, élus locaux et politiques urbaines au xxe siècle, Paris, Créaphis, 2008 ; Émilie Biland, La fonction publique territoriale, Paris, La Documentation française, 2009 ; Bruno Dumons, Gilles Pollet, « Administrateurs municipaux et petites patries (1880-1940) », Cahiers Jean Jaurès, 158, 2000, p. 33-42.
29 Rémi Baudouï, La naissance de l’École des hautes études urbaines des années 1910 aux années 1920, Paris, École d’architecture Paris-Villemin/ARDU Paris VIII, 1988 ; Emmanuel Bellanger, « L’École nationale d’administration municipale : Des “sans-grade” devenus secrétaires généraux », Politix, 53, 2001, p. 145-171.
30 Renaud Payre, Une science communale ? Réseaux réformateurs et municipalité providence, Paris, Éditions du CNRS, 2007, p. 182-194.
31 Maurice Agulhon, Les métamorphoses de Marianne, Paris, Flammarion, 2001 ; Madeleine Rebérioux, La République radicale ? 1898-1914, Paris, Seuil, 1975.
32 Patrice Bourdelais, Olivier Faure (dir.), Les nouvelles pratiques de santé (xviiie-xxe siècle), Paris, Belin, 2004 ; Pierre Guillaume, « L’assistance entre État et collectivités locales en France au xixe siècle », Sociologie santé, 11, 1994, p. 31-44 ; Yannick Marec, Bienfaisance communale et protection sociale à Rouen (1796-1927), Paris, La Documentation française, 2002.
33 Juliette Aubrun, « Modernisation et technicité. Peut-on parler d’une professionnalisation des édiles en Europe au tournant du siècle ? », Histoire et sociétés, 12, 2004, p. 7-20 ; Emmanuel Bellanger, « “Je t’aime contraint et forcé”. Des maires, des amicales, des syndicats et une préfecture en banlieue parisienne (1880-1950) », dans Danielle Tartakowsky, Françoise Tétard (dir.), Syndicats et associations en France. Concurrence ou complémentarité ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 129-137.
34 Ces passages sur l’intercommunalité synthétisent : Emmanuel Bellanger, « Les syndicats de communes d’une France en morceaux (1890-1970) », dans Rémy Le Saout (dir.), Réformer l’intercommunalité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 207-225.
35 Michel Gervais, Marcel Jollivet, Yves Tavernier, « Le village en question », dans Georges Duby, Armand Wallon (dir.), Histoire de la France rurale, t. 4, Depuis 1914, Paris, Seuil, 1992, p. 395-396 ; Jean-Luc Pinol, « Les finances des petites villes dans la France des années 1930 », Cahiers d’histoire, 3-4, 1998, p. 603-627.
36 Viviane Claude, « Une coopération politique dans une mosaïque urbaine, le cas du service de l’eau en banlieue parisienne (1880-1923) », Genèses, 65, 2006, 92-111 ; François-Mathieu Poupeau, L’électricité et les pouvoirs locaux en France (1880-1980), Genève, Peter Lang, 2017.
37 Bernard Lepetit, Les villes dans la France moderne (1740-1840), Paris, Albin Michel, 1988 ; Michel Vovelle, La découverte de la politique. Géopolitique de la Révolution française, Paris, La Découverte, 1993.
38 Laurent Brassart, Jean-Pierre Jessenne, Nadine Vivier (dir.), Clochemerle ou république villageoise ? La conduite municipale des affaires villageoises en Europe, xviiie-xxe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012.
39 Gabriel Chevallier, Clochemerle, Paris, Presses universitaires de France, 1934 ; Le petit monde de don Camillo, film de Julien Duvivier, 1951, 105 min.
40 Marc Abélès, « L’anthropologie à l’épreuve du local », dans Albert Mabileau (dir.), À la recherche du « local », Paris, L’Harmattan, 1993, p. 42-65 ; Rémi Lefebvre, Christian Le Bart (dir.), La proximité en politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005 ; Emmanuel Bellanger, « Le maire urbain et sa charge municipale : une histoire de métier et d’affect (1880-1930) », dans Emmanuel Bellanger et al. (dir.), Genres urbains, Grane, Créaphis, 2019, p. 208-219.
41 Alexandre Fernandez, Pascal Griset, « Les logiques spatiales de l’innovation, xixe-xxe siècle », Histoire, économie & société, 26/2, 2007, p. 3-13.
42 Xavier Bezançon, Les services publics en France, Paris, Presses de l’École nationale des Ponts et Chaussées, 1990 ; Michel Margairaz, « Les services publics économiques entre experts, praticiens et gouvernants dans le premier xxe siècle », RHMC, 52, 2005, p. 141-149.
43 Alya Aglan, Michel Margairaz et Philippe Verheyde (dir.), La caisse des dépôts et des consignations, la Seconde Guerre mondiale et le xxe siècle, Paris, Albin Michel, 2003.
44 François Burdeau, Libertés, libertés locales chéries, Paris, Cujas, 1983.
45 Robert Dahl, Who Governs ? Democracy and Power in an American City, New Haven, Yale University Press, 1961.
46 Philippe Bezes, Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, Presses universitaires de France, 2009 ; François Burdeau, Histoire de l’administration française du xviiie au xxe siècle, Paris, Montchrestien, 1989.
47 Daniel Halévy, La fin des notables, t. 2, La République des ducs, Paris, Grasset, 1972 [1937], p. 343.
48 Maurice Agulhon et al. (dir.), Histoire des maires en France du Consulat à nos jours, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986 ; Pierre Deyon, L’État face au pouvoir local, Paris, Éditions locales de France, 1996, p. 176-179 ; Olivier Ihl, La fête républicaine, Paris, Gallimard, 1996, p. 208-220.
49 Jean-Claude Thoenig, L’administration des routes et le pouvoir départemental, Paris, Cujas, 1980, p. 13.
50 Jean-François Chanet, L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996 ; Annie Crépin, Histoire de la conscription, Paris, Gallimard, 2009 ; Christine Guionnet, « Élections et apprentissage de la politique. Les élections municipales sous la monarchie de Juillet », Revue française de science politique, 4, 1996, p. 555-579 ; Nicolas Delalande, La bataille de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2011 ; Olivier Ihl, « Socialisation et événements politiques », Revue française de science politique, 2/3, 2002, p. 125-144.
51 Roger Thabault, Mon village. Ses hommes, ses routes, son école, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1993, p. 186-190.
52 Jean-Pierre Worms, « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, 8/3, 1966, p. 249-275.
53 Mona Ozouf, « Préface », dans J.-F. Chanet, L’école républicaine et les petites patries, op. cit., p. 14-15.
54 Pierre Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2004, p. 360-375.
55 Jacques Rondin, Le sacre des notables. La France en décentralisation, Paris, Fayard, 1985, p. 14.
56 Brigitte Basdevant-Gaudemet, La commission de décentralisation de 1870, Paris, Presses universitaires de France, 1973 ; Jean-Pierre Machelon, « Pouvoir municipal et pouvoir central sous la Troisième République », La revue administrative, 290, 1996, p. 150-156.
57 Philippe Garraud, Profession : homme politique. La carrière politique des maires urbains, Paris, L’Harmattan, 1989 ; Christian Le Bart, Les maires. Sociologie d’un rôle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003 ; Michel Offerlé (dir.), La profession politique (xixe-xxe siècle), Paris, Belin, 1999.
58 Nicolas Bourguinat, « Le maire nourricier : renouvellement et déclin d’une figure tutélaire dans la France du xixe siècle », Le mouvement social, 224, 2008, p. 89-104 ; Fabrice Grenard, « Les implication politiques du ravitaillement en France sous l’Occupation », Vingtième siècle, 94, 2007, p. 199-215 ; Philippe Nivet, « Les municipalités en temps de guerre (1814-1944) », Parlement[s], 20, 2013, p. 67-88.
59 Patrice Bourdelais, « L’échelle pertinente de la santé publique au xixe siècle : nationale ou municipale ? », Les tribunes de la santé, 14, 2007, p. 45-52.
60 Aude Chamouard, Une autre histoire du socialisme. Les politiques à l’épreuve du terrain, Paris, Éditions du CNRS, 2013 ; Patrizia Dogliani, Un laboratoire de socialisme municipal, France 1880-1920, thèse de doctorat, université Paris 8, 1991 ; Emmanuel Bellanger, Julian Mischi (dir.), Les territoires du communisme, Paris, Armand Colin, 2013 ; Rémi Lefebvre, « Le socialisme français soluble dans l’institution municipale ? », Revue française de science politique, 2, 2004, p. 237-260.
61 Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique, Paris, Seuil, 1976 ; Michel Crozier, Jean-Claude Thoenig, « La régulation des systèmes organisés complexes. Le cas du système de décision politico-administratif local en France », Revue française de sociologie, 1, 1975, p. 3-32.
62 Brian Chapman, The Prefect and Provincial France, Londres, Allen and Unwin, 1955 ; Patrick Le Lidec, « L’impossible renouveau du modèle préfectoral sous la Quatrième République », Revue française d’administration publique, 120, 2006, p. 695-710 ; Luc Rouban, « Les préfets entre 1947 et 1958 ou les limites de la République administrative », Revue française d’administration publique, 108, 2004, p. 551-564.
63 Christophe Charle, Les hauts fonctionnaires en France au xixe siècle, Paris, Gallimard, 1980 ; Thomas Marty, « L’expertise préfectorale des modes de scrutin entre élection et réélection (1889-1919) », Pôle Sud, 25, 2006, p. 9-23 ; Gildas Tanguy, « Corps et âme de l’État ». Socio-histoire de l’institution préfectorale (1880-1940), thèse de doctorat, université Paris 1, 2009.
64 Bruno Dumons, Gilles Pollet, « Espaces politiques et gouvernements municipaux dans la France de la IIIe République », Politix, 14/53, 2001, p. 15-32 ; Fabien Conord, Les élections sénatoriales en France (1875-2015), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.
65 Olivier Borraz, Gouverner une ville : Besançon, 1959-1989, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998 ; Fabien Desage, « L’institutionnalisation des communautés urbaines (1964-1971) », Genèses, 80, 2010, p. 90-113 ; Romain Pasquier, Le pouvoir régional. Mobilisations, décentralisation et gouvernance en France, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2012.
66 Patrick Le Galès, Le Retour des villes européennes ?, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2003, p. 328.
67 Jean-Luc Pinol (dir.), Atlas historique des villes de France, Paris, Hachette, 1996 ; Marcel Roncayolo (dir.), Histoire de la France urbaine. La ville aujourd’hui, Paris, Seuil, 2001.
68 Marie-Vic Ozouf-Marignier, Nicolas Verdier, « Les mutations des circonscriptions territoriales françaises. Crise ou mutation ? », Mélanges de l’École française de Rome, 125/2, 2013.
69 Didier Renard, « Les trois naissances de l’État-providence », Pouvoirs, 94, 2000, p. 19-29 ; François Bédarida, « État-providence », dans Jean-Pierre Azéma, François Bédarida (dir.), 1938-1948, les années de tourmente de Munich à Prague. Dictionnaire critique, Paris, Flammarion, 1995, p. 333-341 ; Antoine Prost, « La providence sociale », dans Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli (dir.), La France d’un siècle à l’autre, 1914-2000. Dictionnaire critique, Paris, Hachette littératures, 1999, p. 161-170.
70 Thomas Frinault, Le pouvoir territorialisé en France, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012 ; Guillaume Protière, La puissance territoriale, thèse de doctorat de droit, université Lumière Lyon 2, 2006.
71 Susanna Magri, Jean-Luc Pinol, « Municipalisme », Genèses, 10, 1993, p. 4-5.
72 Lionel Arnaud, Christian Le Bart, Romain Pasquier (dir.), Idéologies et action publique territoriale. La politique change-t-elle encore les politiques ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007 ; Daniel Gaxie, Patrick Lehingue, Enjeux municipaux. La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale, Paris, Presses universitaires de France/Centre universitaire de recherche sur l’action publique et la politique, 1984 ; Guillaume Marrel, « Sociologie historique des carrières de cumul », dans Yves Déloye, Bernard Voutat (dir.), Faire de la science politique. Pour une analyse socio-historique du politique, Paris, Belin, 2002, p. 201-217 ; Michel Offerlé, « Illégitimité et légitimation du personnel politique ouvrier avant 1914 », Annales ESC, 39/4, 1984, p. 681-713 ; Bernard Pudal, Prendre parti. Pour une sociologie historique du PCF, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1989.
73 Renaud Payre, « Approche socio-historique », dans Romain Pasquier, Sébastien Guigner, Alistair Cole (dir.), Dictionnaire des politiques territoriales, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2011, p. 40-45.
74 Pierre Villard, Histoire des institutions publiques de la France (1789 à nos jours), Paris, Dalloz, 1983, p. 113.
75 Éric Fassin et al., Roms & riverains. Une politique municipale de la race, Paris, La Fabrique, 2014 ; Françoise de Barros, « Les acteurs municipaux et “leurs” étrangers (1919-1984) », Genèses, 72, 2008, p. 42-62.
76 Céline Pessis, Sezin Topçu, Christophe Bonneuil (dir.), Une autre histoire des Trente Glorieuses. Modernisation, contestations et pollutions dans la France d’après-guerre, Paris, La Découverte, 2013.
77 Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky, L’État détricoté. De la Résistance à la République en marche, Paris, Détour, 2018.
78 Brigitte Gaïti, « L’érosion discrète de l’État-providence dans la France des années 1960 », Actes de la recherche en sciences sociales, 201-202, 2014, p. 58-71 ; Fabien Desage, David Guéranger, La politique confisquée. Sociologie des réformes et des institutions intercommunales, Broissieux, Croquant, 2009 ; Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky (dir.), 1968 entre libération et libéralisation. La grande bifurcation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.
Auteur
Chercheur CNRS, directeur du Centre d’histoire sociale des mondes contemporains.
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