« Soigner le thermomètre plutôt que le malade1 »
L’échec du contrôle des prix en France (1940-1948)
p. 267-280
Texte intégral
1Tous les pays en guerre, les Alliés comme l’Axe, ont eu recours au contrôle des prix et au rationnement afin de contenir la pression inflationniste et de distribuer plus équitablement les marchandises devenues rares. En France, le Contrôle économique (CE), sous ses divers noms, a été l’agence clé chargée du contrôle des prix pendant la période de l’Occupation et les années de pénurie qui suivirent. Ses contrôleurs sont devenus la cible d’intimidations, d’agressions et même de meurtres de la part des commerçants et des consommateurs ulcérés. Pendant l’Occupation, les agressions sont restées rares. Mais dans la France libérée, avec la persistance des pénuries et les frustrations grandissantes des citoyens, l’hostilité du public s’est manifestée par une hausse des agressions. L’histoire du Contrôle économique a été l’objet d’une attention renouvelée fondée sur les archives disponibles afin de mieux comprendre le fonctionnement de l’économie française pendant la guerre et les échecs vichyssois en cette matière. Ces sources permettent aussi de mieux expliquer les efforts du Contrôle économique ainsi que les raisons qui ont poussé au mépris et à la violence contre ses agents.
2Michel Margairaz et Henry Rousso ont établi depuis 1992 que l’économie française sous Vichy était une économie administrée plutôt que dirigée. Le terme « dirigé » comprend contrôle de l’économie et direction des affaires, ce qui n’est pas le cas sous le régime de Vichy2. En matière de contrôle des prix, cette distinction apparaît très justifiée. Malgré ses efforts, le contrôle des prix et la livraison des marchandises sur le marché officiel ont échappé à l’État. L’intention était de contenir la montée des prix par l’utilisation des prix taxés, ce qui rendait impossible l’utilisation des prix comme encouragement à la production. L’administration du régime des prix, et surtout de la coordination et de la répression effectuées par le CE, a été étudiée par Fabrice Grenard3. Mais comment expliquer également l’échec administratif, que Grenard qualifie d’« échec total » entre 1942 et 1946 ?
3Je m’attache ici à l’étude de cet échec du contrôle des prix en France pour comprendre comment l’administration des prix a aggravé les pénuries déjà grandissantes, détourné la production et les produits des marchés officiels, et perdu une légitimité essentielle pour obtenir le soutien de la population dans la bataille en vue de réduire les pénuries. Quand un ancien contrôleur, Jacques Dez, chercha à expliquer le travail du service après la guerre, il se monta sensible à l’animosité publique contre le Contrôle économique. Il soulignait qu’« il est peu d’administrations qui aient accumulé contre elle autant d’impopularité », y voyant une animosité fondée sur « la méconnaissance quasi générale à l’égard des problèmes posés par l’existence du Contrôle des Prix »4. Dans leur correspondance pendant et après la guerre, les agents du Contrôle ont souvent reproché au Gouvernement ses politiques incohérentes qu’ils étaient contraints de mettre en œuvre et l’insuffisance des moyens accordés pour le faire. Mais une augmentation des moyens pour imposer de mauvaises politiques n’aurait pas obtenu de meilleurs résultats, ni réduit l’aggravation de la situation et l’hostilité pouvant aller jusqu’à des agressions. En fait, on trouve, dans l’organisation, les objectifs et les pratiques du Contrôle, une logique administrative mal orientée pour gérer les problèmes de pénuries et obtenir le soutien des citoyens.
4Après un bref exposé des problèmes posés par le blocage des prix et les opérations du CE, seront analysés deux niveaux de défis et d’échecs dans cet effort. Le premier concerne les opérations du Contrôle : en quoi les pratiques du CE impliquaient-elles le succès ou l’échec de ses actions contre l’augmentation des prix et la suppression du marché noir ? Le deuxième est plus conceptuel et témoigne d’un échec plus grand : comment étaient conçues les questions de contrôle et les pratiques pour atteindre les objectifs désirés ? Les objectifs et les pratiques étaient-ils mal conçus pour « diriger » le marché et réduire les pénuries ? Une compréhension complète des échecs doit prendre en compte les objectifs, les stratégies envisagées pour les atteindre, et les limites étroites posées à l’autonomie et à l’autorité du CE.
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5L’intervention de l’État fut essentielle après la défaite en 1940 pour sortir de la paralysie provoquée par celle-ci. La circulation de matériaux et marchandises produits en France et importés, surtout par mer, fut interrompue par les combats, les dommages aux réseaux de transport, la mobilisation des travailleurs, les saisies effectuées par les Allemands des biens et des moyens de transport et le fractionnement du territoire par les lignes de démarcation délimitant les zones d’occupation. Les consommateurs, inquiets des disponibilités futures, achetèrent et thésaurisèrent, s’ils le pouvaient, des stocks de nourriture et d’autres biens disponibles, en même temps que les préfets des régions productrices de denrées alimentaires en arrêtaient l’exportation. Il était impossible de surmonter cette paralysie sans coopération entre l’administration française et les autorités allemandes, puisque les Allemands avaient saisi des stocks de nourriture, de matériel, d’armements et de transports. Leur accord était essentiel pour débloquer la circulation et la distribution des biens et réanimer la production. La collaboration était donc inévitable. Les autorités allemandes se sont engagées dès le début à diviser, affaiblir et exploiter la France pour sa richesse économique5.
6Le contrôle des prix fut voulu par les autorités françaises et allemandes. La France avait établi le contrôle des prix en septembre 1939 ; les Allemands imposèrent un gel des prix en juin 1940. Par décret du 21 octobre 1940, Vichy établit le Service central du contrôle des prix pour maintenir un régime de prix stables. Mais, comme l’inspecteur des Finances Henri Culmann l’a noté bien après, le programme consistait « à soigner le Thermomètre plutôt que le malade et à traiter de la dérivée plutôt que de la fonction6 ». Pour les Allemands, les prix fixes facilitaient au maximum l’exploitation, à un coût minimum. La volonté française de contrôle des prix était fondée sur des croyances profondément erronées : que la collaboration avec les Allemands donnerait des bénéfices mutuels, y compris un allègement des exigences allemandes ; qu’on pourrait contenir l’inflation avec le contrôle de prix ; et que les producteurs et consommateurs accepteraient et s’adapteraient au régime de prix fixés, respectant les directives de l’État ! Le dispositif de contrôle élaboré pendant l’automne et l’hiver 1940-1941 fut improvisé, souvent en réponse au développement du marché face aux pénuries : thésaurisation et hausse des prix. Le régime de contrôle fut élaboré pour contenir les prix, et non pas pour corriger des réactions logiques en face des pénuries. Quand le préfet de la Seine demanda aux Parisiens de s’abstenir de réaliser des achats supplémentaires de nourriture, ces derniers y ont vu le signal des pénuries à venir, se hâtant d’acheter et d’accumuler des réserves7.
7Jean de Sailly, le directeur du nouveau service, se plaignait souvent que les insuffisances de personnel et d’équipement matériel réduisaient la capacité du Service à surveiller et à contrôler les prix. Son équipe comptait moins de 1000 agents à la fin de 1940, environ 1900 en décembre 1941, et un maximum légèrement supérieur à 7000 en 1943. Malgré cela, le rapport annuel du CE déplorait que « cet effectif demeure encore fort inférieur à ceux des administrations analogues de l’étranger (Belgique notamment) et notoirement insuffisant par rapport à la tâche à accomplir8 ». Mais plus d’effectifs ne pouvaient renforcer le régime de contrôles que s’il était bien organisé et mobilisé en vue d’une action efficace. Les rapports et notes du CE indiquent, au contraire, que la formation et la pratique des agents, et en particulier la concentration de leurs efforts sur les transactions et le commerce de détail, n’ont servi qu’à aggraver les conflits, à susciter les pratiques d’évasion, à provoquer les oppositions, et enfin à délégitimer les contrôles comme les contrôleurs.
8Le nouveau service a recruté ses effectifs en embauchant des fonctionnaires avec des connaissances financières, des personnels à la retraite et des fonctionnaires appartenant à des services réduits du fait de l’Occupation, surtout les Douanes. Ces affectations n’étaient pas toutes volontaires, elles découlaient plutôt de décisions administratives, avec le soupçon que les moins capables avaient fait l’objet de ces mutations9. Les gens transférés ont demandé l’assurance de leur retour à leur service d’origine et à leur position antérieure, tandis que les nouveaux agents étaient souvent embauchés sur des contrats temporaires. En grandissant, le service a instauré un recrutement par concours, et en 1942 a établi un Centre d’études pour former une élite de ses agents au droit, à la finance, à la comptabilité et à l’économie politique. En 1943, il a commencé à donner une formation avancée aux agents du Cadre principal pour les branches d’activité les plus exploitées par les fraudeurs10.
9Mais l’attention du Service s’est dirigée surtout vers le contrôle des transactions sur les marchés grand public. Le comportement des agents, facteur essentiel dans la perception de l’efficacité et la légitimité des contrôles par le grand public, était suspect de fraudes et de corruption. Dans la pratique, en 1940-1941, le contrôle se montrait plus efficace lorsque les contrôleurs n’étaient pas connus sur la place. Les marchands appliquaient les règles, sachant qu’un contrôleur était présent ; de même, les agents se montraient plus vigilants quand ils ne connaissaient pas les marchands11. Il était donc opportun d’affecter les agents dans des lieux loin de leur domicile, entraînant des coûts additionnels de transport et de logement. Or les traitements n’étaient pas élevés, surtout pour les agents temporaires et adjoints. Bien que les agents n’aient pas manié directement de marchandises, comme le faisaient les agents du Ravitaillement général, ils eurent la possibilité de tirer profit de leur position, en biens et en paiements, soit en fermant les yeux sur les infractions, soit en supprimant les preuves d’infraction. Le service a tôt spécifié la manière de traiter les tentatives de corruption, mais à une fréquence « de plus en plus marquée12 » en décembre 1942. Dans le journal Contrôle économique, le service a reconnu l’existence de tentations : « les trafiquants du marché noir n’hésitent pas, lorsqu’ils sont sur le point d’être pris, à proposer aux enquêteurs des sommes importantes. Tel agent, dont le gain annuel ne dépasse pas 50 à 60000 francs, peut se trouver conduit à refuser une enveloppe de 500000 ou 1 million de francs13 ». De Sailly lui-même caractérisait les nouveaux agents en septembre 1944 comme « Instables, mal payés, insuffisamment encadrés, ils sont moins bien armés pour résister aux trop nombreuses tentations qui les assaillent, en dépit des sanctions qui frappent les défaillants14. » Malgré les tentations, la conduite des agents paraît avoir été meilleure que dans les administrations avec accès direct aux marchandises ou aux documents de rationnement (comme le Ravitaillement général). Mais l’opinion publique méprisait surtout les agents du CE.
10Le contrôle dans les restaurants nous donne un exemple révélateur de la façon dont les pratiques des contrôleurs paraissaient détestables aux consommateurs. Les agents avaient décidé qu’il était nécessaire de dîner dans un restaurant pour y observer les infractions au menu du jour, les violations de service et les règlements de factures15. Cette pratique permettait aux agents de commander et de consommer des plats interdits pour apporter la preuve des infractions, et donc les autorisait à jouir du marché noir pour le punir. Les additions jointes à leurs rapports par les agents suggèrent qu’ils ont partagé des repas somptueux aux frais de l’État. Ainsi, trois agents dînèrent dans un restaurant de catégorie A (prix maximum pour un dîner 55 francs), place de l’Odéon, le 13 décembre 1944. Ils y prirent des apéritifs, des huîtres, de la charcuterie, un steak et deux poulets, deux bouteilles de vin, du fromage, trois desserts, et pour finir du café avec pousse-café. L’addition se monta à 2690 francs ! En janvier suivant, le restaurant était fermé pour trente jours avec une amende de 50000 francs pour une série d’infractions : service de hors-d’œuvre interdits, de viande de boucherie, de charcuterie et de volaille interdites au repas du soir, service de repas sans exiger de tickets de rationnement, service de sucre sur table et hausse illicite sur le prix des repas16. Si du point de vue du CE, ce cas n’illustrait qu’une répression active et efficace pour le restaurateur et sa clientèle, il était vu aussi comme une combinaison de provocation et d’exploitation. Les contrôleurs étaient également soupçonnés d’avertir des patrons de leurs contrôles et de fermer les yeux aux infractions pour bénéficier de repas gratuits17.
11En plus du problème du nombre et de la qualité de ses effectifs, l’action du CE était limitée par les moyens nécessaires aux fonctions qu’il devait remplir. Établir une nouvelle administration à travers toute la France exigeait des matériels rares et coûteux dans une économie de pénurie. Bureaux, meubles, même papier étaient difficiles à obtenir. Une série de notes en 1942-1943 a par exemple réduit la taille des pages, exigé qu’on utilise les feuilles de papier recto et verso et l’envoi des messages de service en vrac, de manière à économiser les enveloppes18. Le transport était une contrainte majeure. Manquant de voitures comme de carburant, le service ne pouvait pas se mobiliser contre un marché noir actif et mobile. À la fin de 1943, le CE avait 373 automobiles (dont 242 propriété des agents) et une allocation de carburant pour chaque véhicule de quelques litres par mois. Les voitures étaient souvent réservées pour les chefs de service, et donc indisponibles aux agents19. Le CE dépendait plus de l’utilisation de bicyclettes, offrant aux agents un prix spécial à l’achat ; en décembre 1943, il y avait 2183 bicyclettes en service, presque toutes la propriété des agents20. Pour les transports publics, les agents devaient souvent payer et donc faire l’avance des fonds, en espérant d’obtenir un remboursement plus tard. Les cartes de circulation gratuite délivrées par la SNCF étaient peu nombreuses et ne donnaient pas de places par priorité dans les trains bondés21. Face à des trafiquants utilisant des camions et du carburant acquis au marché noir, les agents du CE se trouvaient surclassés.
12Du fait de leur formation, de l’organisation du service et des ressources matérielles disponibles, la concentration sur les transactions de détail était logique et facile. Cette concentration rendait le CE plus visible, en contact permanent avec les marchands et les consommateurs cherchant à contourner les règles. Des 1106220 procès-verbaux dressés entre 1940 et 1944, 76 % étaient contre des détaillants et particuliers, et plus que 90 % si l’on inclut ceux contre des agriculteurs22. Mais en « soignant le thermomètre » plutôt qu’améliorant les facteurs à l’origine des pénuries, ce choix de contrôle a eu des conséquences dommageables en termes de soutien public. Le CE a utilisé le nombre de procès-verbaux dressés chaque année comme mesure de son succès. Le nombre était impressionnant, avec plus de 1,1 million de procès-verbaux pendant l’Occupation. Mais en quoi était-ce significatif ? La grande majorité des cas portait sur de petites infractions. À Bordeaux, on trouve dans les rapports beaucoup de marchands de quatre saisons, cités pour des hausses de prix et la vente d’articles sans étiquette. Parmi les contrevenants, figure ainsi une dame Violette Agabbi, soumise à une série d’amendes pour la vente de petites quantités de légumes et de fruits à un prix en hausse illicite23. Avec des infractions de ce type, le nombre de procès-verbaux bondit rapidement, sans le moindre effet sur le vrai marché noir.
13Les marchands, les journaux et les préfets ont pourtant tôt critiqué cette fixation sur ces petites infractions. Un inspecteur général des finances, observant l’hostilité au service du contrôle dans le Nord en 1941, a constaté deux plaintes du public : l’insuffisance des effectifs, et « sa propension à poursuivre des infractions vénielles chez les commerçants opérant en plein jour […] plutôt que d’aller saisir des abus graves du producteur, du trafiquant, du marché noir24 ». Dans l’Aisne, département rural, les marchés étaient contrôlés par le CE et la gendarmerie. Henry Cado, nouveau préfet délégué au début de février 1942, a ainsi remarqué à propos de la liste des infractions récentes : « La plupart intéressent des gens surpris à transporter un kilo de beurre ou un kilo de blé, quelques-unes ont trait à l’abattage clandestin d’un ou deux porcs. Et pendant ce temps, des tonnes de marchandises contingentées disparaissent du marché officiel25. » La police à Paris, observant le mécontentement public envers le marché noir, les pénuries et la vie chère, notait la rancœur montante contre les contrôleurs : « Les mêmes personnes se plaignent amèrement des services de contrôle qui, disent-elles, sur les routes pour réprimer le marché noir, s’en prennent aux petites gens et laissent “filer” les vrais trafiquants26 » (figure 1).
Figure 1. Petit trafiquant, L’œuvre, 1er mars 1942.

14Les révisions de la législation sur le marché noir et de son application ont distingué en 1942 entre les petites infractions quotidiennes, surtout dues à la nécessité de s’adapter aux pénuries et de nourrir sa famille, et les trafics importants27. René Bousquet, secrétaire général de la police, expliquait aux préfets :
Il convient de mettre un terme aux interventions tracassières et aux sanctions manifestement excessives auxquelles ont été trop souvent exposés des consommateurs, animés seulement du souci d’assurer normalement le ravitaillement de leur famille. Toute mesure qui, sans être justifiée par l’intérêt général, serait de nature à irriter une opinion publique déjà troublée par les difficultés actuelles du ravitaillement dans les grandes agglomérations, doit être rigoureusement proscrite28.
15 Mais le nombre des infractions sanctionnées continuait à servir comme mesure de succès, et augmenta encore en 1942 et 1943 ; la pratique était solidement établie.
16La focalisation sur le commerce de détail et la restauration était encouragée aussi par l’intérêt des agents à augmenter leur traitement par une récompense payée en fonction des transactions et amendes imposées. La loi établissant le CE avait créé la provision pour un fonds commun à diviser « entre agents et services chargés du contrôle des prix ». Ce fonds recevait 10 % du montant des amendes, transactions et confiscations. Les distributions aux contrôleurs étaient faites chaque semestre, selon un barème de points. Les montants, selon le grade et l’effort du contrôleur, pouvaient atteindre jusqu’au maximum de 3000 francs29.
17Avec cette orientation de service cherchant à maximiser le nombre de procès-verbaux pour montrer son efficacité dans la répression du marché noir, il est peu étonnant que la réputation du CE fût mauvaise : il apparaît comme dévoué au châtiment des petites gens alors que les grands trafiquants réalisaient des profits énormes, parfois avec la complicité des contrôleurs30. Les rapports annuels du CE évoquent un niveau d’animosité publique élevé contre les contrôleurs et des agressions contre eux. Le premier rapport d’activité, en 1943, dans une section titrée « Hostilité du public et des autorités locales », se lamentait d’un travail réalisé dans « un climat d’incompréhension, parfois d’hostilité31 » de la part du grand public aussi bien que des préfets. Deux ans plus tard, après la Libération, mais toujours dans un monde de pénuries, d’indiscipline et d’incompréhension des raisons de cette pénurie, les agressions contre les contrôleurs se multipliaient :
Les deux aspects les plus graves de ces incidents résident dans leur caractère collectif et dans la violence des réactions de la foule. Les agents se sont souvent trouvés en présence d’attroupements, parfois armés, atteignant, dans certains cas, plusieurs centaines de personnes. Ils ont été l’objet d’injures, de menaces et de voies de fait qui eussent parfois entraîné mort d’homme sans un concours heureux de circonstances ou la présence d’esprit des victimes32.
18Le régime des contrôles et les effectifs du CE, peu changés depuis l’Occupation, étaient vus comme des legs de Vichy, corrompus et dévoués à miner le nouvel État en aggravant les conditions matérielles. Comme un critique prônant la suppression du CE l’écrit au ministre de l’Économie, « Quel rôle pernicieux joue donc encore, dans ces conditions, en Mars 1946, ce CONTRÔLE ÉCONOMIQUE qui, après avoir trahi, paralyse, pour le maintien de prérogatives abusives et de sordides intérêts, la reprise économique et la vie du Pays ?33 ».
19L’attention de la presse pendant l’Occupation a souvent porté sur les méfaits et la corruption dans le commerce, l’administration de l’économie et les activités louches du marché noir. En décembre 1943, Le Petit Parisien a publié une série de six articles très sympathiques sur le travail du CE, sous le titre « La difficile mission du contrôle économique » (figure 2). Peu habitué aux articles élogieux, le rapport mensuel du bureau pour la Seine l’a noté en contraste des « chroniques habituelles » parce que la série mettait l’accent sur « l’importance et les difficultés de la répression, ainsi que la compétence, le dévouement et la probité des agents » aussi bien que sur « l’insuffisance du nombre des contrôleurs en lutte avec un marché noir de jour en jour mieux organisé »34.
Figure 2. Le Petit Parisien, 3 décembre 1943.

20 Les agents du CE sont devenus des cibles pour les critiques de l’économie « mal-dirigée » sous Vichy : les interactions du public avec les agents corrompus et abusifs d’autres administrations étaient souvent interprétées comme des interventions des agents du CE. Il y avait de faux policiers prenant l’identité de toute sorte d’organes d’autorité et de contrôle, CE inclus. Mais il y avait aussi des agents du Ravitaillement général qui se disaient inspecteurs du CE, pour intimider leurs victimes et dissimuler leur service d’appartenance35. Les journaux ont abusivement caractérisé des agents comme étant du CE, sans connaître leur fonction ou leur rattachement. Le directeur du CE se plaignit ainsi au ministre de l’Économie nationale que la publication « d’articles mettant en cause la probité des agents du Contrôle Économique et faisant état de précisions qui relèvent de la pure imagination, ne peut que nuire grandement à la tâche particulièrement délicate et ingrate confiée à mes services36 ». En décembre 1945, deux inspecteurs de la Police économique à Orléans, au cours d’une investigation sur l’achat de vin avec soulte, furent agressés par le propriétaire d’un café et ses clients et menacés au cri que « La prochaine fois, c’est la mort ». Un facteur décisif dans l’agression, selon le directeur Burnod, était leur croyance que ces inspecteurs appartenaient au CE et que l’on pouvait les attaquer sans risque. « Cette mentalité est le fruit des relations tendancieuses des incidents précédents, à propos desquels la presse a pris systématiquement le parti des manifestants contre le Contrôle Économique, présenté comme une institution de VICHY, dont le seul but est de s’attaquer aux consommateurs et petits détaillants, en les privant des produits qu’ils pourraient acquérir37. »
21Les agressions et manifestations atteignent un niveau explosif en 1947. Des comités d’autodéfense furent établis « un peu partout », avec des manifestations fréquentes, hostiles aux contrôleurs38. Un M. Carrel intervint dans plusieurs villes, recommandant la résistance avec un « avertissement » : « Contrôleurs économiques, attention, attention […] souvenez-vous des gendarmes de Verdun […]. Ceci n’est pas une menace, mais un avertissement. »« Verdun » faisait référence au cas supposé de cinq gendarmes pendus par des gens du pays à Verdun en 1916, lorsqu’ils intervinrent pour arrêter un boucher39. Une marée de manifestations en avril et mai 1947 culmina le 20 mai avec une émeute à Dijon qui détruisit les bureaux et les dossiers du CE et du Comité pour la confiscation des profits illicites40. En réponse au niveau croissant de violence et à la menace d’une grève des commerçants organisée par la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, le CE relâcha ses contrôles et accorda des droits aux personnes sujettes à inspection, notamment une représentation légale et la négociation des amendes41.
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22La montée de violence après la Libération nous invite à réfléchir sur les défis du contrôle et les raisons de cette rancœur contre les contrôleurs. La population croyait les Allemands responsables des pénuries. Sa déception était grande du fait que la Libération n’avait pas permis un retour rapide aux conditions « normales » du ravitaillement et du commerce. Or le régime de contrôle avait été construit en accord entre les autorités françaises et allemandes pour bloquer la montée des prix42. Le déploiement des contrôles et les opérations du CE étaient le fruit d’une collaboration franco-allemande, administrée par les Français. Avec la croissance des trafics, les Allemands ont accusé le contrôle français d’être inadéquat et inapte, érigeant le système de contrôle en Allemagne comme un modèle d’efficacité. En matière de ravitaillement, le domaine où les trafics ont été le plus étendus, la comparaison illustre bien l’impact de l’ingérence allemande dans les problèmes rencontrés par le contrôle économique. Les Allemands ont exigé dès septembre 1940 un rationnement alimentaire fixé au niveau de famine lente-seuil de la famine. Les citadins français ont eu besoin de suppléments alimentaires obtenus par d’autres moyens pour survivre : les relations, le système D, le marché noir43. Les prix payés aux producteurs, surtout les prix clés pour les céréales et la viande, étaient décidés par le contrôle allemand. Les prix taxés trop bas ont encouragé la fuite des produits vers le marché noir. En Allemagne, avec des niveaux de prix et des rations adéquats, il n’y avait pas la même nécessité du marché noir pour les producteurs ni pour les consommateurs44. Mais, pire encore en vue d’un contrôle effectif, les Allemands ont réalisé en France des transactions officielles comme officieuses sans respect pour les règles imposées aux Français, faisant leurs achats partout via le marché noir, tout en demeurant inaccessibles à l’action des contrôleurs français.
23« Dans un régime de pénurie », expliquerait plus tard le directeur Jean de Sailly, « ce sont les plus forts qui profitent le plus de la désorganisation, et par conséquent le maintien d’un minimum de contrôle sur l’économie était dans ce système de pénurie le moindre mal »45. Mais ce contrôle était bien plus qu’« un minimum » et les plus forts, les Allemands, en ont tiré bénéfice au détriment des Français.
24Pour le contrôle de prix et des quantités, le CE a servi de police des transactions, une fonction propre à une économie administrée, non pas dirigée. Pour évaluer son efficacité comme police des transactions, on peut distinguer entre ses choix opérationnels et son dispositif conceptuel. Trois choix opérationnels ont établi les modalités d’application des contrôles par le CE, et donc son inefficacité contre le marché noir de même que la façon dont il s’est aliéné le soutien public. En premier lieu, en termes opérationnels, le Contrôle des prix puis le CE ont agi avec des effectifs rapidement rassemblés, souvent des agents mutés depuis d’autres bureaux financiers. La concentration des forces pour contrôler le commerce de détail et le transport des biens a maximisé le contact avec les petites gens, comme démonstration de volonté par le CE, mais au prix d’une aggravation des difficultés quotidiennes pour les commerçants et les consommateurs ciblés. Surtout, dans le domaine de l’alimentation, le CE lui-même admit en 1944 que ses efforts avaient « donné depuis quatre ans des preuves éclatantes de son inefficacité. Il soulève aujourd’hui une réprobation grandissante et risque de provoquer des incidents46 ». Les « incidents » se multipliaient, avec des contrôleurs agressés et leurs équipements et papiers détruits. L’origine de ces violences était le plus souvent le contrôle des marchands vendant trop de produits rationnés, à des prix élevés, à des consommateurs privés, lesquels cherchaient les denrées dont ils avaient besoin. Pour les actions contre les grands trafiquants et fraudeurs, les agents du CE étaient moins nombreux, avaient besoin de davantage d’expertise, de plus de temps pour leurs investigations, et souvent de l’appui de la Police économique qui portait les armes.
25Le second choix découlait de la mesure de son efficacité selon le nombre de procès-verbaux infligés et le pourcentage attribuable à ses agents. Cette mesure était supposée démontrer l’importance de son rôle, donc la justification du service et ses exigences budgétaires. Cette approche quantitative servait l’intérêt allemand du maintien de prix bas, et non pas l’intérêt français d’un approvisionnement suffisant et d’une distribution équitable. Établir l’utilité du service par le nombre des procès-verbaux encourageait les agents à cibler les petites gens et les transactions modestes, entravant les nécessaires adaptations aux pénuries, et aliénant le soutien du public essentiel pour un contrôle effectif. Le troisième choix, le versement de primes selon le montant des transactions illégales et des amendes payées, encourageait le type de répression qui a poussé le commerce, les marchandises, les producteurs et les consommateurs vers les marchés parallèles.
26 Le dispositif conceptuel, qui fondait l’exercice de ses fonctions par le CE, reposait sur l’idée que l’économie s’adapterait aux pénuries grâce aux prix taxés et à une allocation « équitable » des biens essentiels. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les gouvernements ont certes contrôlé les prix et le rationnement. Mais il s’agissait de gérer des ressources rares en freinant la consommation civile, pour accroître la production militaire dans une économie de guerre patriotique47. Or en France, il n’existait pas l’autonomie nécessaire à une politique économique nationale. Ces mesures étaient édictées pour servir les exigences allemandes. La politique des prix allemande était mise en place pour faciliter les achats allemands, sans servir les besoins français. La collaboration économique soutenue par Vichy ne s’est pas traduite par des mesures permettant de réaliser des bénéfices mutuels, mais par une intensification de l’exploitation du pays.
27Pendant l’Occupation, l’administration allemande a rejeté une politique de prix en vue d’encourager la production. Ainsi, dans l’action de répression du CE, une logique de punition prévalait sur une incitation à produire ou à vendre. Même après la Libération, le CE a maintenu cette logique. Dans le rapport annuel pour 1945, il a insisté sur la nécessité de punitions plus dures pour réprimer la fraude. Il accusait le public « mal informé » de croire que les pénuries étaient dues « aux agissements d’un petit nombre des gros coupables » et lui reprochait de demander de l’indulgence « pour les fraudes de moindre importance qui constituent, par leur nombre, la cause principale du désordre »48. En même temps, le CE reconnaissait que le moral de ses agents était en crise : « À aucun moment, le personnel n’a rencontré plus d’hostilité de la part du public, supporté tant de désagrément, ni couru tant de dangers. Les agents ont le sentiment que leur action irrite sans guérir49. » Cette fixation sur l’action policière, utilisée pour justifier son existence et le besoin croissant d’effectifs, et l’opposition de fait à l’utilisation des prix comme stimulant économique, a entraîné une opposition toujours croissante, parce qu’elle ne servait ni les besoins des consommateurs ni ceux des producteurs. L’action du service était peut-être bien orientée pour « traiter » le thermomètre, sûrement pas pour diminuer les pénuries.
Notes de bas de page
1 Henri Culmann, À Paris sous Vichy. Témoignage et souvenirs, Paris, La Bruyère, 1985, p. 52.
2 Michel Margairaz, Henry. Rousso, « Vichy, la guerre et les entreprises », Histoire, économie et société, 11/3, 1992, p. 337-367 ; Michel Margairaz, « Les politiques économiques de (et à) Vichy : penser/classer », Histoire@Politique, 9, 2009.
3 Fabrice Grenard, La France du marché noir, Paris, Payot, 2008 ; Id., « L’administration du Contrôle économique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 57/2, 2010, p. 132-158.
4 Jacques Dez, « Économie de pénurie et contrôle des prix : le Contrôle des prix dans l’économie française de 1935 à 1949 », thèse de doctorat, université de Poitiers, 1950, p. i.
5 Filippo Occhino, Kim Oosterlinck, Eugene N. White, « How Much Can a Victor Force the Vanquished to Pay ? France Under the Nazi Boot », Journal of Economic History, 68/1, 2008, p. 1-45 ; Arne Radtke-Delacor, « Produire pour le Reich : les commandes allemandes à l’industrie française (1940-1944) », Vingtième siècle, 70, 2001, p. 99-115 ; Alan S. Milward, The New Order and the French Economy, Oxford, Clarendon Press, 1970.
6 H. Culmann, À Paris sous Vichy, op. cit., p. 52.
7 Archives de la préfecture de Police, Paris (APP), 220W 1, Situation à Paris, 5 et 12 août 1940.
8 Direction générale du contrôle économique (DGCE), Rapport sur l’activité de la Direction générale du Contrôle économique au cours de l’année 1943, p. 5.
9 DGCE, Rapport sur l’activité de la Direction générale du Contrôle économique au cours de l’année 1944, p. 10-11 ; et M.-P. Chélini, Inflation, État et opinion en France de 1944 à 1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, p. 235-236. J. Dez a noté que les administrations ont utilisé ces virements « pour se débarrasser (le mot n’est pas trop fort) de tous les agents jugés indésirables », J. Dez, « Économie de pénurie », art. cité, p. 123.
10 Service des archives économiques et financières (SAEF), Savigny-le-Temple, B 49888, note de service 72, 27 février 1942 ; direction du Contrôle et des Enquêtes économique (DCEE), Rapport sur l’activité de la DCEE au cours de l’année 1945, p. 18-20 ; Hervé Dumez, Alain Jeunemaitre, Diriger l’économie. L’État et les prix en France (1936-1986), Paris, L’Harmattan, 1989, p. 151 ; J. Dez, « Économie de pénurie », art. cité, p. 130.
11 Louis Baudin, Esquisse de l’économie française sous l’occupation allemande, Paris, Librairie de Médicis, 1945, p. 154 ; J. Dez, « Économie de pénurie », art. cité, p. 111.
12 SAEF B 49888, note de service 394, 3 décembre 1942.
13 Georges Fourment, « L’évolution marché noir et sa répression », Contrôle économique, 3, mai 1944, p. 234-235.
14 SAEF B 16039, De Sailly cité par Raymond Leménager, « Étude sur le contrôle des prix », p. 175.
15 SAEF B 49757, « Rapport sur l’action du Service dans le contrôle des restaurants », 1er mai 1943.
16 SAEF B 49678, rapport du 14 décembre 1944.
17 Kenneth Mouré, « Le capital de la faim : Black Market Restaurants in Paris, 1941-1944 », French Historical Studies, 38/22, 2015, p. 311-341.
18 SAEF B 49888, notes de service 130, 2 juillet 1942 ; 141, 24 juillet 1942 ; 298, 4 juin 1943 et 374, 26 octobre 1943.
19 R. Leménager, « Étude sur le contrôle des prix », art. cité, p. 182-183 ; J. Dez, « Économie de pénurie », art. cité, p. 149-161.
20 SAEF B 49888, note de service 39, 19 novembre 1941 ; R. Leménager, « Étude sur le contrôle des prix », art. cité, p. 182 ; J. Dez, « Économie de pénurie », art. cité, p. 155.
21 SAEF B 49512, « Brigade Centrale de Contrôle Économique Année 1942 », et SAEF B 49888, note de service 303, 8 juin 1943.
22 F. Grenard, La France du marché noir, op. cit., annexe 1, p. 387. Les taux sont identiques pour la période 1945-1948, 79 % contre des détaillants et particuliers.
23 AD Gironde, 62 W 9 et 62 W 10.
24 SAEF 4 A 3, lettre de Formery à M. le ministre des Finances, 23 août 1941.
25 Archives nationales (AN) Paris, AJ 41 363, rapport mensuel, 3 février 1942.
26 APP 220W 10, « La situation de Paris au 10 août 1942 ».
27 Bien expliqué par F. Grenard, La France du marché noir, op. cit., p. 151-168.
28 AN 3 W 90, R. Bousquet aux préfets des zones occupés et non-occupés, 2 juillet 1942.
29 SAEF B 49888, notes de service 1, 26 juin 1941 et 34, 3 novembre 1941. Le fonds est terminé en février 1945.
30 F. Grenard, La France du marché noir, op. cit., p. 156-162, et D. Veillon, Vivre et survivre en France 1939-1947, Paris, Payot, 1995, p. 184.
31 DGCE Rapport annuel… 1943, op. cit., p. 34-36.
32 DGEE, Rapport annuel… 1945, p. 2-3.
33 SAEF 5 A 29, R. Leconte à A. Philip, 19 mars 1946.
34 SAEF B 49516, Contrôle économique, département de la Seine, « Rapport mensuel du mois de décembre 1943 ».
35 Plusieurs cas de 1945 et 1946 rapportés dans SAEF B 57661.
36 SAEF B 57661, R. Burnod au ministre de l’Économie nationale, 2 février 1946.
37 SAEF B 57661, R. Burnod, « Note pour le ministre », 10 janvier 1946.
38 DGCEE, Rapport annuel… 1947, p. 12-13.
39 AN B 18 3737, cas 33A47/F-95.
40 F. Grenard, La France du marché noir, op. cit., p. 337-340, 399 ; pour l’organisation de commerçants, Herrick Chapman, France’s Long Reconstruction : In Search of the Modern Republic, Cambridge, MA, Harvard University Press, 2018, p. 77-87.
41 SAEF B 49890, notes de service 931, 21 juin 1947 et 980, 17 septembre 1947.
42 Fabrice Grenard, Florent Le Bot, Cédric Perrin, Histoire économique de Vichy. L’État, les hommes, les entreprises, Paris, Perrin, 2017, p. 71-73.
43 Kenneth Mouré, « Food Rationing and the Black Market in France (1940-1944) », French History, 24/ 2, 2010, p. 262-282.
44 AN AJ 41 99, Lt.-Col. Vialet, « La question du rationnement de la population en Allemagne et en France », 19 novembre 1940 ; AN F 60 1010, Vialet au vice-président du conseil, 14 octobre 1941 ; Délégation française pour les affaires économiques, « Collecte des diverses productions de la ferme en Allemagne », 27 octobre 1942.
45 Comité d’histoire économique et financière de la France, Archives orales, interview de Jean de Sailly par Agathe Georges-Picot, 21 et 29 juin 1989.
46 DGCE, Rapport annuel… 1944, op. cit., p. 6.
47 Ina Zweiniger-Bargielowska, Austerity in Britain : Rationing, Controls, and Consumption 1939-1955, Oxford University Press, 2000 ; Hugh Rockoff, Drastic Measures : AHistory of Wage and Price Controls in the United States, Cambridge, Cambridge University Press, 1984.
48 DCEE, Rapport annuel… 1945, op. cit., p. 3-4.
49 Ibid., p. 21.
Auteur
-
Kenneth Mouré
Professor of History, University of Alberta.
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