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    Plan détaillé Texte intégral La question de l’environnement dans les géographies anglophonesPolitical ecology : émergence et développementsLa géographie et l’environnement en France : le recours à la political ecology pour faire émerger une géographie environnementale Notes de bas de page Auteurs

    Humanités environnementales

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre 5. L’environnement dans les géographies anglophone et française : émergence, transformations et circulations de la political ecology

    Christian A. Kull et Simon P. J. Batterbury

    p. 117-138

    Texte intégral La question de l’environnement dans les géographies anglophonesAvant 1970Réveil écologique et révolution quantitative : un rendez-vous manqué (années 1970)Étude des risques, écologie culturelle, géographie critique : la diversification des approches (années 1980)Political ecology : émergence et développementsUne nouvelle approche qui émerge dans les années 1980Les excès du post-structuralisme ?La situation actuelle de la political ecologyLa géographie et l’environnement en France : le recours à la political ecology pour faire émerger une géographie environnementale Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Comme le chapitre introductif de cet ouvrage l’indique, on assiste à un tournant « environnemental » dans les sciences humaines et sociales. L’actualité continue et pressante des questions environnementales a suscité de nombreuses réponses : de la construction de nouveaux concepts comme celui d’« Anthropocène » ou de « paiements pour services écosystémiques1 » à l’émergence de plusieurs sous-disciplines, dont une sera discutée ici. Avec un certain retard par rapport à la géographie anglophone et par rapport aux autres disciplines, la géographie française plaide à son tour pour un tournant environnemental (Chartier et Rodary, 2016). Fait intéressant, on observe également un tournant des « humanités2 ». Les humanités sont de retour en force, comme on le voit, par exemple, avec le slogan en vogue dans le milieu universitaire, les « humanités numériques ». Les « humanités environnementales » qui nous intéressent ici ont explosé en une décennie, ce qui se traduit par l’organisation de conférences, la création de revues académiques3, et de nouvelles institutions. Les géographes ont pris le train en marche, profitant d’une solide tradition des humanités remontant à Yi-Fu Tuan (1977) et plus loin encore. Illustrant ce mouvement, l’American Association of Geographers (AAG) vient de publier le premier numéro d’un nouveau périodique intitulé GeoHumanities, revue interdisciplinaire de la géographie et des humanités (Cresswell et al., 2015).

    2La géographie a depuis longtemps fortement contribué aux débats sur les transformations anthropogéniques de la Terre. Comme Clarence Glacken (1967) l’a rapporté, la question des impacts de l’humanité sur les éléments de l’environnement prend ses racines dans l’Antiquité. Ératosthène, par exemple, a écrit sur la relation entre l’industrie de la construction navale, l’agriculture et l’état des forêts en Crête. Des chercheurs postérieurs aux Lumières, tels que Alexander von Humboldt (Wulf, 2015), Élisée Reclus (1869) et George Perkins Marsh (1864) ont à leur époque investi la thématique des interactions entre humains et environnement. Ces figures sont considérées comme des précurseurs de la géographie en tant que discipline universitaire, laquelle s’est institutionnalisée plus tard au xixe siècle.

    3Si l’environnement est un « objet d’étude » ancien pour la géographie, il a longtemps été considéré comme l’apanage des sciences naturelles (géographie physique), comme un contexte pour des études descriptives, ou enfin comme un élément à prendre en compte pour son influence sur les sociétés humaines. Alors que les géographes ont presque toujours étudié l’environnement physique (fleuves, glaciers, sols, climats), ils n’ont que rarement et tardivement appréhendé l’environnement comme préoccupation intellectuelle, politique ou pratique (questions de dégradation, pollution, durabilité, justice). À au moins deux moments clés, les contributions des géographes ont manqué à l’appel, notamment dans le monde anglophone. Au début des années 1970, au sommet d’une vague d’intérêt public pour l’environnement global, la discipline rata en quelque sorte le coche et échoua à s’impliquer dans le champ interdisciplinaire émergeant des études environnementales. À cette période, les géographes anglophones menaient leur révolution quantitative et s’intéressaient davantage à la modélisation. Le second moment se situe dans les années 1990, lorsque les débats en géographie sur le constructivisme et notamment la construction sociale de la nature (socio-natures) créent un certain décalage entre les défenseurs de l’environnement et les chercheurs.

    4Indépendamment de cette trajectoire d’ensemble sinueuse, certains géographes n’ont cessé de s’efforcer de traiter des questions environnementales. À contre-courant de la révolution quantitative, leurs recherches sur les changements environnementaux, la modification de l’utilisation des sols, l’écologie culturelle et les risques naturels ont contribué aux débats relatifs à des phénomènes tels que la dégradation environnementale, la déforestation et le changement climatique. De la même façon, au moment même de la déferlante de la vague constructiviste, certaines figures de la géographie restèrent pragmatiques, engagées et critiques – travaillant aussi bien sur l’incapacité des sociétés à affronter les défis environnementaux que sur les discours écologiques utilisés pour les décrire. En particulier, depuis les années 1980, la combinaison des préoccupations environnementales et d’un souci plus global de justice sociale conduisit à la naissance d’un nouveau sous-domaine disciplinaire, particulièrement pertinent pour l’analyse des problèmes environnementaux : la political ecology. Aux côtés de nombreuses autres disciplines, la géographie joue un rôle majeur ces derniers années, par exemple dans la production scientifique relative à l’atténuation ou à l’adaptation au changement climatique (Adger, 2006 ; Birkenholtz, 2012 ; Hulme, 2009). De surcroît, un lien est établi entre l’environnement et la crise capitaliste persistante, les krachs financiers, les défauts des dettes souveraines, et les oscillations politiques dans les démocraties occidentales. Cette situation catalyse le renouveau d’approches analytiques radicales en géographie (voir par exemple Peet, Robbins et Watts, 2011).

    5L’objectif de ce chapitre est de retracer le contexte historique et sociopolitique de la mise à l’agenda de l’environnement en géographie, en éclairant des moments clés, ainsi que les débats épistémologiques et les concurrences institutionnelles majeurs. Nous allons d’abord opter pour une perspective au long cours, analysant également le tournant que représentent les années 1970. Nous mettrons ensuite l’accent sur l’émergence de la political ecology et les débats sous-jacents sur le constructivisme. Bien que nous nous efforcions de dessiner le paysage global de la géographie, nous devons reconnaître en toute honnêteté que la trajectoire de la géographie anglophone prédomine dans notre texte4. C’est pourquoi nous consacrons la dernière section aux tendances actuelles de la géographie en France. En tant qu’« outsiders » collaborant régulièrement avec des collègues français, nous sommes en position d’observer le recours actuel à la political ecology anglophone par les promoteurs d’un déplacement paradigmatique, d’une « géographie de l’environnement » à une « géographie environnementale » (Chartier et Rodary, 2016)5 .

    La question de l’environnement dans les géographies anglophones

    6Dans cette première partie, nous relatons la façon dont la géographie s’est emparée de la question de l’environnement jusqu’aux années 1990. Nous commençons par présenter quelques antécédents de la géographie environnementale identifiables dans la longue histoire du champ avant 1970. Nous examinons ensuite la façon dont celui-ci a manqué le « réveil écologique » entamé cinq décennies auparavant, et la diversification d’approches contenant une forte composante environnementale qui s’ensuit, parmi lesquelles l’étude des risques6 (hazard studies), l’écologie culturelle (cultural ecology), et la géographie critique (critical geography).

    Avant 1970

    7Les savants occidentaux ont longtemps interrogé les relations que les humains entretiennent avec leur environnement (Glacken, 1967). Se fondant sur ces traditions et sous l’influence de la pensée germanique, la géographie moderne prit forme au xixe siècle. Le « tronc » principal de la géographie anglophone au tournant du siècle passé était dominé par des spécialistes tels que William Morris Davis, Ellsworth Huntington et Ellen Semple, lesquels concevaient l’environnement avant tout comme une force déterminant la culture et les capacités humaines. Leurs approches font écho à celles du « père » de la géographie française, Paul Vidal de La Blache. Au cours de la première moitié du xxe siècle, une tradition de géographie régionale s’est consolidée, laquelle catégorisait les lieux urbains et ruraux selon leurs caractéristiques physiques, leurs activités économiques, leurs structures foncières, etc. Ainsi prédominait, dans les années 1950, une géographie régionale et descriptive, caractérisée par un déterminisme environnemental persistant. Aucune de ces géographies ne faisaient mention de la politique environnementale ou de toute autre forme de pouvoir. Dans le même temps, certains se focalisaient sur la géopolitique interétatique, approche alimentée aussi bien par les événements tumultueux que connut l’Europe au cours de la première moitié du xxe siècle que par l’acquisition de possessions coloniales à partir de la fin du xixe siècle. À titre d’exemple, citons la géopolitique du géographe Sir Halford Mackinder, indiscutablement avocate de la politique coloniale britannique.

    8De la description des systèmes sociaux et environnementaux à l’évaluation des impacts environnementaux et à l’analyse de leur contexte social, il n’y a qu’un pas. Il fut effectué à plusieurs reprises. Pour ne citer que quelques exemples, une des premières branches importantes de l’« arbre » géographique fut l’« école de Berkeley », associée à Carl Sauer (1925). Appréhendant les paysages comme le produit des transformations matérielles et des caractéristiques culturelles des peuples, ce dernier encouragea l’étude des modifications humaines des paysages (Zaninetti et Mathewson, 2016). La faculté de géographie de Clark University, la plus ancienne au regard des programmes universitaires en géographie existants aujourd’hui aux États-Unis, fut créée en 1921 par Wallace Attwood de l’université de Harvard. La majorité des diplômés y étudièrent les relations humain-environnement à partir de multiples points de vue. Au même moment, en Australie, le premier professeur de géographie, Griffith Taylor, tout en défendant des idées grossièrement racistes et un déterminisme environnemental, provoqua une tempête politique lorsqu’il affirma qu’il convenait de limiter la croissance démographique et l’implantation humaine sur le plus sec des continents, indiquant que les ressources étaient trop limitées pour pouvoir reproduire le modèle européen d’agriculture (Hugo, 2011). Puis, dans les années 1950, c’est parmi les géographes américains que l’on rencontrait les principales figures cherchant à décrire et à alerter sur le « rôle de l’homme dans la transformation de la surface de la Terre » (Thomas, 1956).

    Réveil écologique et révolution quantitative : un rendez-vous manqué (années 1970)

    9La période qui court de la fin des années 1960 au début des années 1970 correspond à la première grande vague de préoccupation publique globale à l’égard du pillage environnemental. Les géographes du monde anglophone contribuèrent à l’émergence de cette conscience environnementale (O’Riordan, 1976 ; White, 1972) et de son caractère politique – au sens où il s’agissait de chercher à changer le statu quo à travers la prise de position publique ou le militantisme. Néanmoins, certains auteurs reprochent à la discipline d’avoir raté le train en ne se positionnant pas au centre de l’investigation de ces questions (Watts, 2011).

    10La réponse des universités ne fut pas d’investir dans leurs départements de géographie, mais de poser les bases de programmes interdisciplinaires en environmental sciences ou environmental studies7. Aux États-Unis, les premiers programmes en études environnementales furent créés au Middlebury College (en 1965), à l’université de Californie à Santa Barbara (en 1970, en réponse à une marée noire ayant souillé la côte à proximité), au Dartmouth College (en 1970), à l’université Yale (dont la faculté de foresterie adjoignit « études environnementales » à son nom en 1972). Au Royaume-Uni, l’université d’East Anglia fut la première à fonder une faculté des sciences de l’environnement, en 1967. Au Canada, la faculté des sciences de l’environnement fut établie en 1968 à l’université York (Handy et Bunch, 2009). En Australie, l’université Monash fut la première à créer, en 1972, un programme indépendant dédié à l’environnement, dirigé par un ingénieur devenu militant, Frank Fisher. Elle fut suivie par l’université nationale australienne en 1973 (Harvey, Forster et Bourman, 2002). Ces programmes furent rapidement dominés par des spécialistes des sciences naturelles s’intéressant par exemple à la pollution, ou par des spécialistes des sciences sociales issus des domaines émergents de la politique et du droit de l’environnement (Soulé et Press, 1998).

    11La géographie n’a pas joué un rôle important dans le mouvement environnemental des années 1970 car, avant tout, la discipline a échoué à prendre part à l’analyse des grands problèmes d’environnement perçus par la société, tels que la surpopulation, la surexploitation des ressources, les causes industrielles de la dégradation de l’eau, des forêts et de l’air. En revanche, elle a abondamment traité de nombreuses questions de recherche environnementales, mais souvent dans leurs aspects techniques et non sociétaux (formes d’érosion, qualité de l’eau) (Livingstone, 1992 ; Pemberton, 1989). Pour que les géographes s’emparent massivement des questions écologiques posées par la société, il aurait fallu que la tradition de l’étude des rapports humain-environnement devienne plus prégnante au sein de la géographie et attire davantage les étudiants. Cependant, dans les années 1960, la géographie physique anglophone s’éloignait ostensiblement de la géographie humaine ; l’attention portée par Carl Sauer aux relations humain-environnement, qui aurait pu constituer le « tronc » de la discipline, n’était pas communément enseignée (elle commença à l’être dans les décennies suivantes). Les lieux de publication et les projets de recherche développant cette approche se raréfiaient8. La « révolution quantitative » soutenue par le positivisme scientifique battait son plein, avec des spécialistes de géographie humaine cherchant à modéliser la croissance urbaine, les systèmes de transport, les données démographiques, le commerce et les relations espace-temps. Pendant ce temps, des géographes physiques modélisaient l’érosion et les systèmes climatiques et biogéographiques.

    12De nombreuses universités élaborèrent de nouveaux programmes en sciences environnementales afin de concurrencer, mais aussi de compléter, les départements de géographie. Ils furent souvent structurés non comme des départements universitaires, mais comme des instituts de recherche, des diplômes de troisième cycle ou des programmes interdisciplinaires, permettant aux géographes de s’affirmer, mais individuellement. À la suite de ces structurations, le premier choix des étudiants s’intéressant aux questions de la pression des populations sur les ressources, de la destruction des forêts tropicales et de la durabilité était, non la géographie, mais les sciences environnementales.

    Étude des risques, écologie culturelle, géographie critique : la diversification des approches (années 1980)

    13Des années 1970 aux années 1990, les épistémologies positivistes de la révolution quantitative, de même que les traditions descriptives en géographie culturelle et en géographie régionale, furent contestées par les géographes épousant la théorie marxiste ou les épistémologies phénoménologiques et féministes (parmi d’autres approches critiques). Les branches de l’« arbre » géographique se ramifient alors autour de nouvelles sous-approches et de nouvelles spécialisations thématiques. Aussi, la géographie anglophone connut une période d’introspection alors que les auteurs devenaient plus combattifs. Le champ d’études était vaste, mais il existait des différends et des tensions, et certains s’inquiétèrent du statut et de la nature d’une discipline déchirée par des luttes idéologiques (Gaile et Willmott, 2003 ; Johnston et Sideway, 1991 ; Livingstone, 1992 ; Simmons, 1996). Durant cette période, les contributions à la réflexion sur les problèmes d’environnement furent en effet relativement fortes, mais également divisées entre différentes approches sous-disciplinaires et idéologiques. En géographie humaine anglophone, trois orientations de recherche continuèrent en particulier à s’intéresser aux relations humain-environnement, et leurs promoteurs eurent souvent une influence en dehors du monde universitaire.

    14Premièrement, les géographes des « risques » (hazards) comme Gilbert F. White et son étudiant Robert Kates cherchèrent, à l’aide d’approches comportementalistes, à répondre aux problèmes tels que le risque d’inondation et la gestion des ressources en eau, de la sécheresse et des terres arides, dans le but d’améliorer les politiques publiques et la vie des populations étudiées (Burton, Kates et White, 1978 ; Wescoat, 2006). Ils contribuèrent notamment à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures sensées et réalisables afin de lutter contre les risques d’inondation pouvant affecter des vies et des biens dans les systèmes fluviaux américains. L’esprit du travail de White se retrouve chez certains géographes actifs au sein d’agences et de réseaux nationaux et internationaux. Par exemple, Roger Kasperson examina les conceptions du risque, en particulier après la catastrophe nucléaire de Three Mile Island en 1979, puis devint directeur du Stockholm Environmental Institute avant d’être le lauréat du Volvo Environment Prize (Kasperson et Kasperson, 1996). Au Royaume-Uni, Tim O’Riordan s’engagea dans une voie dédiée à l’écologie, en concentrant de plus en plus son attention sur les changements des politiques de l’environnement. Cela l’amena à jouer un rôle au sein de diverses institutions gouvernementales et non gouvernementales, dans le cadre de son travail sur la conservation et la planification environnementales (O’Riordan, 2000). Susan Owens continue d’interroger les politiques de l’environnement et d’y contribuer avec un regard critique, notamment à travers la Royal Commission on Environmental Pollution (Owens, 2012).

    15Une deuxième tradition de recherche importante, bien qu’ayant beaucoup moins d’applications sur le plan politique, fut celle de l’« écologie culturelle9 ». Ressuscitant la tradition de Carl Sauer et influencés par des anthropologues comme Julian Steward et Bob Netting, les tenants de cette approche utilisaient des méthodes de terrain quantitatives et qualitatives afin de récolter des informations à la fois diachroniques et synchroniques sur les systèmes agraires et les modes de vie indigènes de sociétés pratiquant une agriculture de semi-subsistance (Butzer, 1989). Les chercheurs montrèrent comment des sociétés dépendantes de leur propre travail innovaient constamment, alors que la pression démographique, les transformations de l’environnement, les signaux du marché et d’autres variables modifiaient leur contexte socio-environnemental. Ces études furent cependant quelque peu marginalisées par des analyses critiques (voir ci-dessous) qui mettaient davantage l’accent sur les menaces pesant sur de tels systèmes et leur contexte politico-économique que sur leurs dynamiques adaptatives internes (Adger, 2006). Un regain d’intérêt récent pour les questions, à l’échelle locale, d’adaptation au climat et de sécurité alimentaire permet néanmoins à certains de continuer à adopter cette approche (Mortimore, 2010).

    16Une troisième orientation de recherche importante fut la géographie critique. Se fondant sur la tradition marxiste et adoptant initialement une approche structuraliste, les géographes critiques ont questionné les relations de pouvoir politiques et économiques sous-jacentes aux relations humain-environnement. Ben Wisner, Phil O’Keefe, Jim Blaut et Richard Peet créèrent le journal radical Antipode à Clark University à la fin des années 1960. Ils soutinrent qu’il était plus pertinent d’appréhender les sociétés de faible taille – étudiées par les tenants de l’écologie culturelle – comme les victimes d’États répressifs, du colonialisme, de la capture du pouvoir politique par des élites et d’autres structures de pouvoir affectant de manière négative leur vulnérabilité et leur accès aux ressources. Michael Watts (1983) montra, par exemple, que les famines au Sahel n’étaient dues ni à la sécheresse ni à l’incapacité d’innover, mais à un défaut d’accès à la nourriture et à un État distant et indifférent. Il s’appuya largement sur l’anthropologie marxiste française (Quentin Meillassoux, Maurice Godelier, Georges Dupré, Pierre-Philippe Rey, etc.) afin de théoriser les sources de la vulnérabilité des populations rurales10. Les géographes critiques remirent également en question les interprétations jugées trop naïves et apolitiques de la nature ; ce faisant, ils ont parfois pris et affirmé leur distance vis-à-vis des organisations environnementales porteuses d’une idéologie préservationniste ou d’une idée de wilderness. Ils montrèrent comment, au contraire, la nature était créée à travers des relations sociales et marchandes (Smith, 1984). La géographie radicale ou critique est devenue un courant relativement dominant au sein de la géographie humaine anglophone dans les années 1990 – le représentant de la géographie humaine le plus cité et le plus connu en dehors de la discipline est certainement David Harvey, malgré son marxisme impénitent et intensément critique à l’égard du capitalisme.

    Political ecology : émergence et développements

    17Dans cette partie, nous poursuivons l’histoire de l’engagement de la géographie largement anglophone dans le domaine des questions environnementales, en nous intéressant aux années 1980 et 1990. Nous mettons l’accent sur une approche qui a émergé des tensions disciplinaires évoquées ci-dessus, et qui est devenue à son tour quasi dominante dans ce champ de la géographie. Nous racontons d’abord l’histoire de cette communauté épistémique, avant de traiter de l’influence des approches constructivistes et, enfin, de décrire les contours de la « géographie environnementale » anglophone d’aujourd’hui.

    Une nouvelle approche qui émerge dans les années 1980

    18Des tensions disciplinaires qui ont marqué les années 1970 et 1980 émergea une approche originale : la political ecology11. Elle fut délibérément conçue comme le résultat d’un croisement « post-paradigmatique » entre des approches critiques (marxisme, économie politique) et une « écologie » au sens large, incluant les paradigmes de l’écologie culturelle et de l’écologie humaine. Plusieurs chercheurs en géographie et en anthropologie – et aux frontières entre les deux disciplines – proposèrent à leur manière certains croisements, comme Eric Wolf (1972), Michael Watts (1983), Piers Blaikie (1985) et Susanna Hecht (1985). Pour les géographes12, la publication clé qui lance l’appel à une political ecology (et fonde le label du même nom) fut le livre Land Degradation and Society (1987) codirigé et largement écrit par le duo constitué par Piers Blaikie (de la School of Development Studies de l’université d’East Anglia et représentant des approches marxistes et des études sur le développement) et Harold Brookfield (chercheur à l’Australian National University, plus proche de l’écologie culturelle).

    19Cette publication inspira d’autres auteurs, lesquels utilisèrent à leur tour le label political ecology : citons ici les anthropologues Tom Sheridan (1988) et Donald Moore (1993), les géographes Tom Bassett (1988) et Karl Zimmerer (1991), la sociologue Nancy Peluso (1992) et le politologue Raymond Bryant (1992). La deuxième publication de référence est un numéro spécial de la revue Economic Geography datant de 1993, remanié sous la forme d’un livre intitulé Liberation Ecologies (Peet et Watts, 1993, 1996). Ces travaux étaient codirigés par deux chercheurs marxistes anglais exerçant aux États-Unis : Richard Peet, spécialiste de géographie économique titulaire d’un PhD de Berkeley et enseignant à Clark University, et Michael Watts, formé à l’anthropologie à l’université du Michigan et enseignant la géographie à Berkeley.

    20Les écoles de Berkeley et de Clark vont largement participer à la montée en puissance de la political ecology aux États-Unis. L’école de Berkeley se réfère assez logiquement à l’héritage de Carl Sauer, qui a contribué à la naissance de l’écologie culturelle – notamment grâce à l’anthropologue Julian Steward qui réalisait son doctorat à Berkeley (Zaninetti et Mathewson, 2016). La political ecology a notamment pris racine, dans les années 1990, dans les réseaux de la cultural ecology – par exemple aux réunions annuelles de l’AAG. Les héritiers de cette école (comme l’université du Wisconsin, à l’époque avec Bill Denevan et Karl Zimmerer, également formés à Berkeley par le dauphin de Sauer, Jim Parsons) ont d’abord joué un rôle déterminant. Ensuite, les étudiants de Michael Watts et ses collègues, la « deuxième vague » de la political ecology, occupèrent des postes académiques un peu partout dans les années 1990, et contribuèrent à la diffusion de cette approche : on peut notamment mentionner Judith Carney à UCLA, Lucy Jarosz à l’université de Washington, Richard Schroeder à Rutgers, James McCarthy à Penn State, Roderick Neumann à Florida International, Matt Turner à l’université du Wisconsin. Quant à Clark University, le trio composé de Richard Peet (le géographe marxiste codirecteur de Liberation Ecologies), Billie Lee Turner II (cultural ecologist formé par Denevan à l’université du Wisconsin), et Dianne Rocheleau (géographe féministe spécialisée dans le développement et l’agroforesterie) forma une grande partie des autres « grands noms » de la political ecology, dont Tony Bebbington, Simon P. J. Batterbury et Paul Robbins. Les écoles de Clark, de Berkeley et celle du Wisconsin continuèrent à se renouveler, avec l’arrivée de Nancy Peluso, Donald Moore, Jake Kosek et Nathan Sayre (Berkeley), de Tony Bebbington et James McCarthy (Clark), et de William Cronon, Paul Robbins, Lisa Naughton, Matt Turner et Morgan Robertson (Wisconsin) (Batterbury, 2015).

    21On peut donc dire que la political ecology s’est progressivement mise en place de la fin des années 1980 aux années 1990, au point d’acquérir une reconnaissance institutionnelle, au sein d’une discipline quelque peu polarisée, de la part des géographes s’intéressant aux relations entre l’humain et l’environnement. Mais en quoi consistait précisément cette école de pensée ? Michael Watts (2000) affirme que la political ecology examine de façon critique les relations complexes entre la nature et la société, en analysant les formes de contrôle et d’accès aux ressources naturelles et leurs conséquences pour la durabilité environnementale et sociale. Ainsi tout effort en vue de contrôler et de gérer des ressources naturelles est susceptible d’entraîner des conflits environnementaux, puisqu’il implique aussi bien des savoirs, des pratiques et des pouvoirs (qui tendent à être incompatibles) que des contextes écologiques complexes et évolutifs (qui ne sont que partiellement compris).

    22Au départ, les political ecologists ont mis l’accent sur l’usage des terres en milieu rural dans les pays en développement, avec des études de cas offrant de nouveaux points de vue sur l’érosion des sols, la déforestation et la famine dans les tropiques. Les chercheurs en political ecology montrèrent qu’il était inopportun d’incriminer les populations rurales pauvres de la dégradation environnementale, en ignorant le rôle d’autres acteurs tels que les classes marchandes, l’agro-industrie et les compagnies forestières, ou les effets d’actions telles que la réquisition de terres pour la conservation ou pour la construction de barrages. Ils révélèrent que la marginalisation sociale et politique ne laissait d’autres choix aux victimes de ces marginalisations que de développer des pratiques dégradant leur environnement et aggravant, par là même, leur pauvreté (Wisner et al., 2004).

    23À partir des années 1990, les travaux en political ecology furent influencés de multiples façons – et à des degrés divers – par les théories postmodernes et post-structurales, souvent fondées sur les écrits de Michel Foucault. Ces théories soulignent l’importance des idées, des discours, des manières de penser et des cadres culturels de référence dans le façonnement des relations de pouvoir et de l’évolution des actions humaines. En recourant à ces approches, la political ecology reflétait un tournant culturel et déconstructionniste qui s’est manifesté plus largement en géographie humaine et dans les sciences sociales. La political ecology conservait néanmoins, par son intérêt pour les relations de pouvoir, ses racines marxistes (Peet et Watts, 1996)13.

    24Ainsi, les chercheurs en political ecology étudièrent la façon dont des acteurs puissants « s’appropriaient » (enclosed) des ressources naturelles auxquelles des communautés locales avaient auparavant accès. Cependant, l’analyse des conflits ne se satisfaisait plus d’une explication en termes de lutte politico-économique ; elle soulignait également le rôle de discours ou de logiques de gouvernementalité et de territorialité. Dans le cas de la conservation de la nature, les auteurs montrèrent comment la gestion des aires protégées ignore généralement les besoins des personnes qui ont parfois vécu pendant des siècles dans ces lieux, et que les impacts négatifs imputés à ces personnes sur la biodiversité ne sont pas prouvés. Pour ce faire, ils mirent en avant des critiques matérielles, mais également conceptuelles, des catégories employées dans ces luttes autour de ressources – en remarquant, par exemple, que la « nature » ou la wilderness étaient des concepts utilisés pour exclure les humains des paysages (Neumann, 1998). La territorialisation et la délimitation spatiale de paysages était présentées comme réduisant des systèmes complexes à de petites unités distinctes, afin d’en faciliter le contrôle (Peluso et Vandergeest, 2001).

    25Les political ecologists se spécialisèrent également dans la déconstruction de « vérités » et d’idées reçues au sujet des changements environnementaux. Ils mirent ainsi en cause des hypothèses biaisées en faveur du pouvoir, dont les sources remontaient parfois jusqu’à l’époque coloniale. Ils démontrèrent que la désertification, la déforestation et la dégradation étaient des récits (narratives) de crise alarmistes, fondés sur des vérités déformées ou partielles, et souvent utilisés pour incriminer certains groupes ruraux marginalisés (Blaikie et Muldavin, 2004 ; Fairhead et Leach, 1996 ; Leach et Mearns, 1996). Ce faisant, ils montrent aussi un intérêt pour la construction de contre-récits (counter-narratives). Une des originalités de la political ecology est de prendre au sérieux les contributions des sciences naturelles tout en exposant et questionnant l’histoire, les idéologies et les relations de pouvoir cachées derrière ces sciences. Pour cela, ils s’inspirent de travaux de science and technology studies, notamment le livre de Bruno Latour Nous n’avons jamais été modernes traduit en anglais en 1994 (voir par exemple Robbins, 2001). S’inspirant également de Latour et de sa théorie de l’acteur-réseau, d’autres travaux insistèrent sur la façon dont les choses et les idées, comme les individus, pouvaient devenir « inévitablement politiques » (Robbins, 2012 : 232 ; Demeritt, 2001).

    26Dans les années 2000, la political ecology continua de se diversifier. L’approche prit son envol jusqu’à devenir un courant dominant de la géographie anglophone. De nombreux ouvrages de synthèse en facilitent aujourd’hui l’enseignement (Bryant, 2015 ; Bryant et Bailey, 1997 ; Perrault et al., 2015 ; Robbins, 2004, 2012 ; Neumann, 2005). Depuis 2010, le Journal of Political Ecology a quadruplé son lectorat et le nombre d’articles soumis. L’esprit interdisciplinaire de la political ecology, qui ambitionne de prendre au sérieux à la fois l’écologie et les relations de pouvoir, attire et stimule une nouvelle génération d’étudiants. Les chercheurs ne s’intéressent plus uniquement aux paysans et éleveurs des pays ruraux et pauvres, ils utilisent désormais cette approche pour traiter de multiples sujets dans des régions rurales, urbaines et suburbaines, et souvent dans des pays industrialisés et riches (Heynen et al., 2006 ; Swyngedouw, 1999). Les thèmes de recherche sont variés. Certains auteurs se penchent sur des préoccupations devenues importantes telles que la lutte contre le changement climatique (Birkenholtz, 2012), les espèces invasives (Kull et Rangan, 2015), les impacts sociaux de l’exploitation minière (Horowitz, 2009) et l’accaparement des terres (Peluso et Lund, 2011). D’autres ouvrent de nouveaux champs d’enquête comme les pelouses des banlieues pavillonnaires (Robbins, 2007), la fourniture d’eau potable (Blanchon et Graefe, 2012), ou les cultures de plantes servant à la fabrication de stupéfiants (Steinberg et al., 2004). Arturo Escobar et ses collègues poursuivent leurs recherches sur les mouvements sociaux en Amérique latine, et avancent que les luttes dans lesquelles les peuples autochtones sont engagés ne doivent plus être considérées comme seulement socio-économiques ou culturelles, mais aussi comme « ontologiques ». Pour eux, des notions inspirées des cosmologies amérindiennes comme la pacha mama (expression classiquement traduite en français par « Terre-Mère ») ne doivent plus être présentées comme des représentations culturelles, mais comme des « ontologies politiques » – le vocabulaire de l’ontologie permettant de rendre pleinement compte de leur existence concrète, en tant qu’êtres à part entière, pour les autochtones14 et l’adjectif « politique » traduisant la façon dont ces ontologies sont engagées dans des luttes (Escobar, 2016). Finalement, l’approche s’enrichit des influences de plusieurs autres courants de pensée, y compris les postcolonial studies (Sullivan, 2017, à paraître ; Kim et al., 2012), l’histoire environnementale (Davis, 2007 ; Carney et Rosomoff, 2009), la land change science (Turner et Robbins, 2008), et l’approche resilience15 (Beymer-Farris et al., 2012 ; Turner, 2014).

    Les excès du post-structuralisme ?

    27Rétrospectivement, le développement de la political ecology au sein de la géographie anglophone des années 1990 a permis de remodeler un noyau de recherche sur les relations humain-environnement. Notons que, à cette période, la géographie traversait ce que l’on a nommé une « révolution post-structuraliste ». Dans la political ecology en particulier, l’accent mis sur la « déconstruction » des motivations et des actions des acteurs environnementaux a contribué à remettre en cause les récits alarmistes ou catastrophistes de dégradation environnementale, et à réhabiliter les populations rurales en tant que gestionnaires compétents des ressources. Néanmoins, si l’objectif de telles recherches est de combiner justice sociale et durabilité environnementale, certains travaux déconstructionnistes (ou la façon dont leur message a été présenté, en problématisant les récits dominants sans en appeler clairement à l’action) sont susceptibles d’avoir renforcé les programmes politiques et économiques des industries, voire des climatosceptiques.

    28Un second apport, moins controversé, du tournant post-structuraliste en géographie et plus particulièrement en political ecology, a porté sur la notion d’hybridité de la nature et de la culture. Ces travaux ont largement été inspirés par Bruno Latour, mais aussi par des recherches antérieures menées en histoire environnementale, telle la collection d’articles rassemblés par William Cronon (1995), ainsi qu’en géographie critique (voir par exemple Smith, 1984). « Nature » et « société » sont des termes reflétant un dualisme qui n’est plus valable : nature et société ont fait l’objet d’une hybridation, en partie par nos propres efforts pour contrôler et fabriquer la nature, quelle soit sauvage, agricole ou urbaine (Braun et Castree, 1998, 2001 ; Robbins, 2001 ; Swyngedouw, 1999). Cette approche, qui dans une certaine mesure s’apparente à la political ecology, souligne à quel point il est illusoire de vouloir préserver les systèmes naturels « vierges », puisqu’il s’agit de systèmes hybrides. Ce faisant, elle conteste certaines des valeurs de l’écologisme biocentrique.

    29Enfin, certains auteurs soulignent que mettre l’accent sur les récits et les discours environnementaux tend à détourner l’attention des processus politico-économiques, qui sont au cœur de la politique environnementale (Peet, Robbins et Watts, 2011). Fairhead et Leach (1996) ont par exemple bien montré que les îlots forestiers ouest-africains dans le nord de la Guinée étaient des créations anthropogéniques dans une région de savane (et non, comme le prétendaient les discours coloniaux et conservationnistes, des vestiges de forêts tropicales menacés par la savanisation). Leur travail constitua une critique explicite du gouvernement et des anciennes autorités coloniales qui accusaient à tort les utilisateurs des ressources d’avoir anéanti la forêt. Mais quelques années plus tard, d’autres facteurs politico-économiques se sont révélés plus importants : les mêmes forêts sont maintenant dévastées par la guerre, l’exploitation forestière et l’extraction de diamants ; la cupidité et la violence sont devenues les principaux déterminants des milieux forestiers ; les entreprises forestières (souvent chinoises) et des populations locales munies de tronçonneuses ont pénétré dans les forêts (Hiemstra-van der Horst et al., 2011 ; Bernstein et Woodhouse, 2001). De nouvelles préoccupations matérielles et conceptuelles apparaissent ainsi concernant ces îlots forestiers. Ceci conduit à un déplacement du débat.

    La situation actuelle de la political ecology

    30Après une attention portée aux récits, aux idées et au pouvoir discursif, l’attention semble revenir aujourd’hui vers la nature concrète et le pouvoir matériel – ceci impliquant un intérêt renouvelé pour les premiers cadres d’analyse proposés par la political ecology. Les chercheurs en political ecology élaborent une critique de la globalisation de la modernité et des stratégies néolibérales de croissance économique, qui sont à la racine de transformations globales (Rocheleau, 2008 ; Büscher et al., 2014). Ils continuent d’affirmer l’interdépendance des systèmes sociaux et environnementaux, et ils inventorient un grand nombre de réalités environnementales associées aux politiques économiques, à la croissance économique et aux luttes pour les moyens d’existence – une demande croissante de minerai, d’énergie, d’eau et de bois, et une mainmise capitaliste accrue sur ces ressources, en dépit du récent ralentissement économique. Sans revenir aux arguments malthusiens, il existe actuellement une forte inquiétude au sujet des menaces que l’extraction de ressources fait peser sur les moyens d’existence.

    31D’autres sous-champs de la géographie recoupent partiellement – et concurrencent – l’approche de la political ecology. Parmi ceux-ci, la land change science (Turner et Robbins, 2008), la critical physical geography (Lave et al., 2014), et l’approche des systèmes socio-écologiques développée par la Resilience Alliance (Beymer-Farris et al., 2012 ; Stone-Jovicich, 2015)16.

    32Les géographes anglophones se montrent très intéressés par les questions environnementales majeures, mais leur relation au domaine politique est variable. Tandis que certaines recherches ne sont pas destinées à sortir du monde académique, d’autres travaux visent à changer concrètement les choses (Batterbury, 2016). Prenons trois exemples : le livre de Susanna Hecht et Alexander Cockburn (1989) sur la déforestation amazonienne a d’abord aidé à mobiliser des campagnes baptisées Save the rainforest. Piers Blaikie (2008), depuis la School of Development Studies à l’université d’East Anglia, a longtemps contribué au travail des organisations internationales et britanniques d’aide humanitaire. Enfin, Bill Moseley du Macalester College publie régulièrement des éditoriaux dans d’importants journaux17. De plus, des think tanks comme l’International Institute for Environment and Development (IIED) et le World Resources Institute (WRI) font régulièrement appel à des géographes.

    33Malgré tout, les géographes restent relativement peu visibles dans les débats environnementaux. Certains, comme Billie Lee Turner II (2002), ont incité leurs collègues à s’adresser davantage à la science dominante, notamment en proposant une « science de la durabilité » (science of sustainability) comme champ séparé d’une recherche de haut niveau. Un récent article cherche précisément à bâtir des ponts entre la political ecology « militante » et la science de la durabilité « pratique », excluant ainsi les versions plus théoriques et constructivistes de la political ecology (Robbins et Turner, 2013). De telles approches pourraient exclure des voix anticapitalistes plus radicales. Au sein de l’université, les contraintes qui pèsent sur les chercheurs (l’impératif de publication ou la recherche de contrats pour pérenniser son poste) peuvent rendre l’engagement politique risqué – que cet engagement prenne la forme d’un militantisme environnemental ou anti-néolibéral.

    La géographie et l’environnement en France : le recours à la political ecology pour faire émerger une géographie environnementale

    34La trajectoire de la géographie française en relation avec la thématique environnementale diverge par plusieurs aspects de celles empruntées par la géographie anglophone, notamment dans le passé récent. Doit-on y lire une nouvelle expression de l’exceptionnalisme français ? En tant que chercheurs évoluant essentiellement dans le monde académique anglophone, nous sommes certes étrangers à cette histoire, mais nous avons eu l’opportunité de collaborer ces dix dernières années avec des collègues français et d’échanger régulièrement avec eux sur les évolutions actuelles en France. Dans un premier temps, nous donnerons ici un aperçu de la situation actuelle à travers la présentation de deux événements scientifiques récents, qui ont cristallisé les tensions entre deux écoles de pensée. Ensuite, nous chercherons dans l’histoire de la géographie française les racines de cette situation. Finalement, nous examinerons les conditions et les ressorts de l’introduction de la political ecology en France.

    35En septembre 2010, quinze géographes confirmés ont été rassemblés sous les auspices de la Société de géographie pour un colloque d’une journée intitulé « Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête ». Les participants y ont critiqué « l’obscurantisme ambiant, l’écologisme radical, la décroissance, le déni de la science et de la foi en l’homme18 ». Les actes du colloque ont été publiés peu de temps après, sous la forme d’un livre collectif portant le même titre (Brunel et Pitte, 2010). Alors que de nombreux géographes partagent les critiques vis-à-vis du catastrophisme un peu trop appuyé de certains discours environnementalistes, comme celles à l’encontre des usages orientés de la science, ce livre franchit une limite, en flirtant avec le climatoscepticisme. Le propos dispense un message conservateur, qui affirme que « nous n’avons besoin d’aucun changement dans nos modes de vie », et que « nous pouvons nous adapter au changement environnemental comme nous l’avons toujours fait dans le passé ». En réponse, deux jeunes géographes, rédacteurs en chef de la revue Écologie & politique, organisèrent une conférence en septembre 2012, à l’université d’Orléans. Intitulée Géographie, écologie, politique : un climat de changement, elle rassembla plus de cent participants de tout le pays et au-delà, et conduisit à la publication d’un ouvrage collectif intitulé Manifeste pour une géographie environnementale (Chartier et Rodary, 2016)19. Les participants y exprimèrent leur frustration face à l’école dominante, qu’ils perçoivent comme étant d’arrière-garde, parce qu’elle reste à la fois hermétique à l’urgence de la crise environnementale, et intrinsèquement conservatrice pour ce qui concerne les questions de justice sociale.

    36La situation est probablement moins simple que ce que la mise en regard de ces deux événements ne suggère. Il n’en reste pas moins que la géographie française fait actuellement face à un changement générationnel. Une jeune génération de chercheurs (accompagnée de quelques chercheurs plus confirmés) se retrouvait dans une impasse. La conférence d’Orléans se plaçait comme un moment clé de l’évolution de la discipline. Ses organisateurs et participants promouvaient une géographie française plus militante, particulièrement vis-à-vis des questions d’écologie, et plus ouverte à des idées et des théories extérieures à la tradition française. Le propos n’était cependant ni alarmiste, ni dans le déni. Il s’agissait de porter une attention nouvelle aux rapports de pouvoir, jusqu’ici occultés par les géographes lorsqu’ils abordaient les questions d’environnement.

    37Du fait de la forte centralisation du monde académique français20, une petite classe de chercheurs et universitaires en position de pouvoir peuvent exercer une forte influence – à travers les comités de recrutement, l’agrégation (le concours de recrutement des enseignants de l’enseignement secondaire, mais qui en pratique est un précieux sésame pour entrer à l’université), à travers l’habilitation à diriger des recherches – épreuve de milieu de carrière qui n’existe pas dans le monde anglophone. Afin d’avancer dans leur propre carrière malgré des recherches allant possiblement à l’encontre de leurs aînés en position de pouvoir, la génération des chercheurs en milieu de carrière tend désormais à avoir recours à la political ecology. Cela leur permet de labelliser des recherches qui peinent à s’inscrire dans une école établie en France ; de légitimer leurs questionnements par les références à de nombreux autres chercheurs ; de crédibiliser leur cursus grâce à un détour par l’international, etc.21.

    38Pour comprendre les fondements de ces débats, il est important de remettre la géographie française dans son contexte historique. Nous ne pouvons en aucune manière résumer la richesse et la diversité de la tradition géographique française en quelques paragraphes. Nous pouvons toutefois dégager quelques tendances saillantes.

    39La géographie académique française trouve ses origines chez Paul Vidal de La Blache (qui édite les Annales de géographie fondées en 1893 jusqu’à sa mort). La géographie en France s’est donc fondée sur la description de régions, à commencer par la géomorphologie et les traits paysagers. Elle cherchait à décrire les éléments clés de la culture humaine et les usages de la terre tels qu’ils se sont déployés au cours du temps. Cette approche, qui a été par la suite appelée « possibiliste », fut institutionnalisée grâce à l’influence de Vidal de La Blache (Berdoulay, 1981, 1988). Lui-même évitait les contextes industriel et urbain, travaillant essentiellement sur les traits idiographiques de régions liés à des genres de vie.

    40Cette approche humain-environnement a été quelque peu délaissée (Orain, 2009 ; Robic et al., 2006) par la version française de la révolution quantitative (Soubeyran, 1997 ; Bailly et Ferras, 2014 ; Baud et al., 2013 ; Lévy et Lussault, 2013). Autour des années 1980, un rejet massif de la tradition vidalienne s’est exprimé22, similaire au rejet dans le monde anglophone des géographies régionales. En conséquence, les relations entre géographie et écologie furent ignorées. Au même moment, le clivage entre la géographie physique et la géographie humaine s’est durci, laissant moins de place aux relations humain-environnement. La révolution quantitative arriva comme dans le monde anglophone, quoique plus tard, et s’ensuivit un engouement pour les modèles et les cartes aux dépens des études de terrain. En géographie politique, l’école de géopolitique d’Yves Lacoste, qui se concentrait sur le pouvoir institutionnalisé et territorialisé, devint dominante, et occulta d’autres aspects du terrain, tels que l’environnement, l’identité ou la théorie sociale (Fall, 2007 ; Fall et Rosière, 2008 ; Rakoto Ramiarantsoa et al., 2012 ; Bowd et Clayton, 2013). Suivant le tournant post-structural, les géographes réduisirent l’environnement à une construction sociale23.

    41Il en résulte que la tradition géographique dominante tend à ne pas investir les questions d’environnement24, et à être « apolitique » au sens où elle ne prête pas attention aux relations de pouvoir (à l’exception des questions de géopolitique nationale). Certains défendent une idéologie conservatrice attachée à la ruralité (ce qu’un collègue appelle ironiquement la « géographie du terroir, camembert et saucisson »), c’est-à-dire une géographie qui décrit, avec des élans nationalistes, la façon dont les spécificités des pays et des cultures locales conduit aux spécialités artisanales des différentes régions françaises (Pitte, 1991). Comme l’explique Jean-Robert Pitte, ancien président de l’université Paris-Sorbonne, la géographie « explique pourquoi chaque chose est à sa place » (2001 : 11). Cette tradition empirique, descriptive et apolitique peut s’expliquer en partie par la place institutionnelle de la géographie en France. L’enseignement de la géographie joue un rôle majeur dans l’éducation primaire et secondaire, où cette discipline est associée à l’histoire – le couplage entre « histoire » et « géographie » remontant au xixe siècle (l’agrégation a été pendant plus d’un siècle un concours double d’histoire et de géographie [1831- 1943]). Les enseignants-chercheurs à l’université consacrent une partie importante de leur service d’enseignement (192 heures par an) à la formation des professeurs du primaire et du secondaire. Ce cursus dont le programme est défini à l’échelle nationale renforce une tradition de la géographie centrée sur l’étude des paysages régionaux.

    42Un deuxième facteur d’importance est la présence institutionnelle de la géographie dans un certain nombre d’organismes publics de recherche, qui enrôlent des géographes au service de l’« État aménageur » en métropole, et au service de la coopération scientifique et technique dans les pays du Sud. L’importance de ces diverses institutions, des organismes de recherche comme le CNRS aux nombreux établissements répondant à différentes missions de recherche appliquée – par exemple l’IRD, le Cirad, l’Irstea – ne doit pas être sous-estimée (voir Gautier et Kull [2015] sur le cas spécifique des études agraires).

    43C’est en l’inscrivant dans ce contexte que l’on peut comprendre la publication du Ciel ne va pas nous tomber sur la tête – en l’occurrence, en prenant la mesure du poids d’une tradition qui s’appuie sur une interprétation conservatrice de l’héritage vidalien concernant la manière dont le milieu façonne les communautés humaines dans la longue durée. Le Ciel n’était pas le premier ouvrage de ce type ; il fut précédé par d’autres, parmi lesquels L’imposture écologiste de Philippe Pelletier (1993) et L’ingérence écologique de Georges Rossi (2000). Cette géographie française « d’arrière-garde » adopta l’agenda du développement durable avec un enthousiasme mitigé et, surtout, avec une décennie de retard par rapport à la géographie anglophone (à comparer, par exemple, avec Miossec et al., 2004 ; Wilbanks, 1994)25. Il ne faut bien sûr pas caricaturer l’opposition entre les deux camps – Pelletier par exemple s’est montré un participant actif, combattif, mais de bonne volonté à la conférence d’Orléans. Les arguments de part et d’autre sont plus intéressants et nuancés tels qu’ils étaient formulés dans lesdites conférences et dans les ouvrages que ce que nous pouvons présenter ici succinctement. Il n’en reste pas moins qu’il existe, comme le montrent les conférences de 2010 et 2012, un réel affrontement.

    44Des approches alternatives au courant dominant ont toujours été présentes, et ont servi de terreau pour le changement générationnel actuel et – indirectement – pour son appel rhétorique à la political ecology afin de défendre les perspectives qui le sous-tendent. Parmi celles-ci se trouve le courant tiers-mondiste qui percevait le projet développementaliste comme néocolonial (Dresch, 1987). On trouvait également des approches radicales en géographie humaine, menées par des géographes francophones ancrés à gauche, voire communistes. Yves Lacoste fonda Hérodote en 1976, et Espaces-Temps commença avec une mission critique explicite. La revue Écologie & politique, fondée par Jean-Paul Deléage, ouvrit un espace pour des croisements entre géographie humaine et écologie. Aucune de ces initiatives n’a réellement infléchi les normes de la géographie institutionnelle, contrairement à ce qui s’est passé dans le monde anglophone où les idées radicales ont circulé librement.

    45Certains courants de géographie humaine ont perpétué un héritage possibiliste faisant écho à Vidal de La Blache. Ils se sont inspirés du travail de Jean Brunhes (1947) et plus encore de la « géographie tropicale » (Gourou, 1982 ; Deffontaines, 1933 ; Bowd et Clayton, 2005 ; Raison, 2005) qui se concentrait sur les populations agraires dans les pays tropicaux (Cochet, 2012 ; Bassett et al., 2007). Paul Pélissier et Gilles Sautter (1970) ont systématisé cette approche avec leur Atlas des systèmes agraires tropicaux (voir aussi Sautter et Pélissier, 1993), qui se fondait sur une collection substantielle d’études de terroirs villageois (voir Bassett et al., 2007 ; Cochet, 2012 ; Gautier et Kull, 2015). Celle-ci explore la façon dont des communautés paysannes gèrent leur ressources naturelles, produisent leur subsistance et organisent leur vie sociale, tout en appréhendant les transformations des systèmes de production causées par les changements démographiques, les opportunités de marché ou les interventions pour le développement ou la conservation (Raison, 1984 ; Blanc-Pamard et Rakoto Ramiarantsoa, 2000). Tout comme la tradition de l’écologie culturelle dans la géographie anglophone, cette approche des systèmes agraires a souvent mis l’accent sur l’échelle et les pratiques locales, prêtant moins d’attention aux relations de pouvoir. Mais, sur cette base, il était tout à fait possible de développer des analyses plus ancrées en économie politique, portant sur les effets structurants des marchés globaux ou décryptant les jeux de pouvoir locaux et régionaux. De fait, la « géographie tropicale » a joué un rôle dans la critique de gauche du colonialisme et des relations post-coloniales, du fait de la considération quelle accordait aux communautés paysannes et à leurs besoins.

    46Les chercheurs travaillant dans le monde rural et le monde en développement étaient largement représentés à la conférence d’Orléans, comme on pouvait s’y attendre étant donné le paysage des géographies décrit plus haut. De plus, la présence en nombre significatif de chercheurs issus d’un domaine de spécialisation, que l’on peut dénommer « hydrogéographie », traduisaient l’influence des recherches centrées sur la gestion des rivières, en France et ailleurs (Chartier et Rodary, 2015). Leurs présentations témoignaient d’approches en phase avec l’orientation environnementaliste de la conférence, en lien direct avec leur appréhension empirique de l’irrémédiable entremêlement de la nature et de la société. Comme le confessa un orateur, « le monde occidental n’a plus de systèmes fluviaux naturels ».

    47Les références à la géographie anglophone furent récurrentes lors de la conférence d’Orléans26. Par exemple, certaines présentations s’appuyaient sur la political ecology, le courant de la « justice environnementale » (Dufaux et al., 2010), et la géographie critique. Certains hydrogéographes faisaient référence à la political ecology urbaine d’Erik Swyngedouw et de ses collègues (Blanchon et Graefe, 2012). Cependant il y eut aussi des appels à fonder un courant ancré « dans nos propres traditions » (Chartier et Rodary, 2015), ce qui nous pousse à questionner le recours à la political ecology. À la fois dans l’annonce de la conférence et dans de nombreuses présentations, cet appel explicite à la political ecology apparaissait comme un moyen d’avancer vers une géographie plus engagée et plus critique. Cependant cette école – largement américaine et britannique – était peu connue de la plupart des participants.

    48L’une des publications françaises les plus précoces à reconnaître la political ecology est un article de Chantal Blanc-Pamard et Jean Boutrais (2002). Il cite des political ecologists comme Piers Blaikie, Melissa Leach et Ray Bryant dans une revue consacrée à cinquante ans de politiques publiques de développement dans le secteur environnemental. Tom Bassett, qui entretient des relations de longue date avec le Centre d’études africaines (centre dont les deux auteurs de cet article sont membres), a présenté cette approche aux géographes dans les années 1990. L’entrée de la political ecology sur la scène française se fit de façon plus marquée et visible à la fin des années 2000, lorsque l’approche fut soutenue et promue par des chercheurs comme Bernard Hubert (agroécologue, président d’Agropolis27) et Denis Gautier, un chercheur du Cirad qui avait rencontré le political ecologist norvégien Tor Benjaminsen sur son terrain. En 2009, par exemple, le Cirad et l’IRD invitèrent plusieurs chercheurs renommés en political ecology (Paul Robbins, Tom Bassett et Nancy Peluso) pour une école d’été, des séminaires et des conférences publiques. Les premiers articles en français sur la political ecology parurent dans la revue Natures, sciences, sociétés la même année (Benjaminsen et Svarstad, 2009 ; Castro-Larrañaga, 2009), et le premier livre – fruit de l’école d’été de 2009 – en 2012 (Gautier et Benjaminsen), suivi par le travail de Xavier Arnauld de Sartre et al. (2014). Un certain nombre de groupes de recherche font désormais en partie appel à des thèmes de la political ecology, y compris des chercheurs du Cirad, de l’Irstea, de l’IRD ou du Muséum national d’histoire naturelle28. Ces rapprochements relèvent à la fois d’un intérêt réel pour la political ecology et d’une stratégie pour créer et légitimer de nouvelles approches vis-à-vis de l’environnement, dans le champ particulièrement tendu de la géographie française. La political ecology permet de mettre un label sur une diversité de tendances convergentes : elle est donc devenue à la mode, aussi, en France.

    49La political ecology à la française va imprimer sa marque (Chartier et Rodary, 2015). Les chercheurs français ont d’autres intuitions et hypothèses de travail à propos du rôle de l’État que, par exemple, leurs interlocuteurs américains, britanniques ou australiens pour lesquels la gouvernance néolibérale est la norme. Ils portent d’autres conceptions de la nature et de la wilderness. Les hydrogéographes qui travaillent sur les rivières anthropisées, les géographes ruraux qui étudient des populations paysannes tirant leur subsistance de paysages fondamentalement culturels, peuvent apporter beaucoup à ce champ toujours dominé (en dépit des nombreuses critiques « post-nature ») par des conceptions américaines de la wilderness. Une hybridation est en cours (Slocum et Gowan, 2015) et les résultats promettent d’être riches.

    50De quelle façon la géographie, en tant que discipline universitaire, peut-elle contribuer à la compréhension et à l’analyse des grandes transformations environnementales induites par les activités humaines ? Cette discipline devrait jouer un rôle central à propos d’une telle thématique. Dans leur majorité, les géographes concentrant leur attention sur la relation humain-environnement sont formés pour comprendre à la fois la science des changements environnementaux et les dynamiques sociales et politiques qui les provoquent. Les connaissances géographiques – les processus biophysiques fondamentaux, la dimension spatiale, l’espace et le lieu, la longue durée – sous-tendent chaque problème d’environnement et sont pertinentes pour l’action politique.

    51Pourtant les relations entre les êtres humains et leur environnement n’ont pas toujours été au centre des préoccupations de la géographie anglophone. L’attention à ces relations a perduré et s’est développée ces dernières années dans certains courants, comme le démontre la political ecology. Un grand nombre d’étudiants suivent des masters dans le domaine de l’environnement dans les pays anglophones, où ils sont exposés à une lecture critique, attentive aux rapports de pouvoir. Il existe un véritable désir chez ces étudiants d’« aller là-bas » et de sauver des lieux, des populations et des espèces, du développement avide du capitalisme, de l’accaparement des ressources et du changement climatique. Les questions environnementales croisent plusieurs préoccupations de la géographie, à l’égard des milieux (l’air, la terre, l’eau), à l’égard des moyens d’existence, des pouvoirs économiques et politiques et des traditions culturelles.

    52Quelles leçons faut-il alors retenir pour la géographie française ? Tout d’abord, à au moins deux moments la géographie anglophone a manqué de contribuer aux questions environnementales. Il y a quarante ans, l’indifférence pour l’étude des relations humain-environnement et une adhésion trop enthousiaste à la révolution quantitative se traduisirent par une faible présence des géographes lorsque l’université se prit d’intérêt pour l’écologie. Et, il y a vingt ans, l’attention fut parfois détournée des grands changements environnementaux survenant sur la planète, pour privilégier une analyse plus théorique de la façon dont les acteurs comprenaient cette réalité et agissaient à son égard. En s’attachant à étayer un certain nombre d’arguments constructivistes forts, le champ perdit alors de sa clarté aux yeux du public extérieur.

    53Si la géographie francophone (du moins son courant dominant) est « fondée sur le modèle des sciences naturelles mais prudente vis-à-vis de tout déterminisme, au service de l’État aménageur en métropole ou de la mise en valeur des colonies, puis résolument spatialiste » (comme l’énonce la brochure de la conférence d’Orléans de 2012), si elle résiste à réviser ses concepts clés (territoire, terroir, aménagement, etc.), alors il incombe à la génération montante de remettre en question cette trajectoire et, si besoin, d’aller chercher des inspirations à l’étranger pour mieux l’infléchir. Un déplacement de l’aménagement régional et la gestion environnementale vers une political ecology soucieuse des enjeux politiques et ancrée à l’échelle internationale encouragera les géographes à être plus pertinents et à développer une conscience des relations de pouvoir qui sous-tendent quasiment tous les problèmes environnementaux.

    Notes de bas de page

    1 Voir notamment dans ce volume la contribution de Valérie Boisvert.

    2 Le mot « humanités » est entre guillemets, parce que la traduction de humanities (en anglais) vers le français correspond peut-être mieux à « sciences humaines » qu’à « humanités » (en français), ce dernier terme se limitant traditionnellement aux langues et à la littérature.

    3 Par exemple, Environmental Humanities (https://www.dukeupress.edu/environmental-humanities).

    4 De fait, la géographie anglophone domine y compris dans un pays comme le Chili qui revendique de développer des « géographies autochtones » (Bastien Sepúlveda, présentation au colloque « Géographie, écologie, politique », Orléans 2012). Nous employons ici l’expression « géographie anglophone » en référence à la géographie britannique, américaine et australienne. Pour une discussion plus détaillée du choix de ce terme au lieu de « anglo-saxon », voir Kull et Batterbury (2016 : 227).

    5 Une partie de ce chapitre est fondée sur un article publié dans le Manifeste pour une géographie environnementale (2016). Nous tenons à remercier les directeurs de cet ouvrage, Denis Chartier et Estienne Rodary, de nous avoir autorisés à réutiliser ce texte et rappelons le travail du traducteur Mathias Lefèvre. Nous remercions aussi Xavier Arnauld de Sartre, entre autres, pour des discussions stimulantes autour de la géographie française, et Élise Demeulenaere pour l’invitation, les suggestions, et les traductions supplémentaires.

    6 Ce courant de la géographie s’intéressait surtout aux risques liés à la nature (inondations, sécheresse). En français, on les a le plus souvent qualifiés de « risques naturels », mais cette appellation a été critiquée car elle occultait les causes anthropiques des événements décrits. L’expression « risques majeurs » apparaît désormais dans les cursus académiques. Si elle a l’avantage d’être agnostique sur l’origine du risque, elle désigne un ensemble beaucoup plus large, comprenant les risques sanitaires, les risques technologiques, la menace terroriste, etc.

    7 À noter que l’anglais fait une distinction entre environmental sciences et environmental studies. Par rapport au français, l’anglais a tendance à réserver le terme « sciences » pour les sciences dites « dures », par exemple les sciences de la vie et de la Terre. Le terme studies permet de regrouper un nombre plus large de compétences disciplinaires autour des questions environnementales : non seulement les biologistes, physiciens, etc., mais aussi philosophes, historiens, juristes, sociologues, poètes, etc.

    8 Par exemple, la revue Progress in Geography, fondée en 1969, se divisa en 1977 en deux revues séparées : Progress in Human Geography et Progress in Physical Geography.

    9 Voir dans ce volume la contribution d’Élise Demeulenaere.

    10 Voir dans ce volume la contribution d’Élise Demeulenaere.

    11 Un récent ouvrage en français consacré à cette approche a choisi de maintenir l’usage du terme anglais, car sa traduction littérale, « écologie politique », suscite trop de confusions (Gautier et Benjaminsen, 2012). Nous les suivons ici d’autant plus que nous parlons de l’approche telle qu’elle s’est constituée dans le monde académique anglophone.

    12 Les interactions entre géographes et anthropologues en political ecology ont été moins courantes que ce à quoi l’on pourrait s’attendre, étant donnés les passages de frontière opérés par le passé par des figures importantes (Robert Netting, Michael Watts, Harold Brookfield). Jusqu’à récemment, très peu de géographes en political ecology citaient les articles publiés dans le Journal of Political Ecology, une revue fondée en 1994 par deux anthropologues. À l’inverse, alors que l’ouvrage édité par Piers Blaikie et Harold Brookfield, Land Degradation and Society (1987), est la référence la plus citée par les political ecologists géographes, les political ecologists anthropologues s’appuient plus souvent sur d’autres références fondatrices, comme Wolf (1972).

    13 Dans Liberation Ecologies (1996), Richard Peet et Michael Watts proposaient d’examiner un ensemble plus vaste de facteurs pouvant conduire à la pauvreté, cela pour évaluer comment ceux-ci en devenaient la cause et pour étudier quelles pouvaient en être les différentes conséquences environnementales. Non seulement une telle écologie « de la libération » incorporait alors une analyse plus rigoureuse de la politique de l’environnement, mais, comme son nom le laisse entendre, elle portait une attention plus grande à la capacité d’agir (agency) des mouvements politiques.

    14 Voir dans ce volume la contribution d’Élise Demeulenaere.

    15 Voir dans ce volume la contribution de Valérie Boisvert.

    16 Voir dans ce volume la contribution de Valérie Boisvert.

    17 Voir http://www.macalester.edu/academics/geography/facultystaff/billmoseley/articles/ (consulté le 18 novembre 2016).

    18 Voir le bref compte rendu de la conférence par Christophe Magdelaine (http://www.notre– planete.info/actualites/actu_2518_catastrophes_naturelles_geographes_changement_climatique. php (consulté le 26 avril 2016).

    19 Voir aussi Chartier et Rodary (2007), Hautdidier et Morin (2011).

    20 Dans le même temps, paradoxalement, la discipline en France ne s’est pas dotée d’une association professionnelle forte pouvant servir de forum pour tous les géographes. Cela contraste fortement avec l’American Association of Geographers, la Canadian Association of Geographers, l’Institute of Australian Geographers, et l’Institute of British Geographers, et leurs congrès et revues scientifiques ouverts à tous les courants. Il existe certes la Société de Géographie – celle-là même qui organisa la conférence à l’origine du livre Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête – mais elle est loin de rassembler toutes les géographies. Quant à la plus grande rencontre annuelle des géographes français, le Festival international de géographie de Saint-Dié, de nombreux géographes n’y participent pas.

    21 Ce fait est apparu clairement lors d’un jury d’habilitation à diriger des thèses (HDR) auquel l’un d’entre nous (Christian A. Kull) a participé en 2015.

    22 Ou « post-vidalienne » pour reprendre l’expression d’Olivier Orain (2009) qui souhaite ainsi distinguer l’œuvre de Vidal qui revendiqua l’héritage des travaux d’écologie végétale de celle de ses disciples qui privilégièrent l’étude du climat, du relief et de la nature des sols. Sur ce point, voir aussi dans ce volume la contribution de Wolf Feuerhahn.

    23 Ce paragraphe s’inspire de la présentation d’Olivier Soubeyran, « Géographie française contemporaine face à l’écologie et la politique », Orléans, 2012.

    24 C’est également le cas au Brésil, où la tradition française reste une référence importante. Jusqu’aux années 1990, la question de l’environnement n’était pas traitée par les géographes ; elle restait le domaine des écologues. Les chercheurs brésiliens en géographie physique ne parlaient que de sciences naturelles. Cela a changé dans les années 1990 lorsqu’un géographe issu de la géographie physique commença à placer les transformations anthropiques au centre de son travail. Depuis les années 2000, la géographie environnementale connait une présence beaucoup plus forte (Roberto Verdum, présentation au colloque « Géographie, écologie, politique », en 2012 à Orléans).

    25 Nous remercions Xavier Arnauld de Sartre pour cette observation.

    26 Cela peut être en partie vu comme une conséquence de la pression croissante dans les institutions académiques françaises depuis vingt ans de publier dans des revues internationales avec « facteur d’impact », et donc en anglais. Ceci dit, une carrière purement en français reste possible et courante en géographie humaine. Voir une excellente discussion des contraintes (et opportunités) institutionnelles rencontrées par les chercheurs et universitaires français dans Chartier et Rodary (2015).

    27 Il fut initié à cette approche par sa doctorante Monica Castro, elle-même formée par Nancy Peluso lors d’un court séjour à Berkeley.

    28 Voir les membres français du réseau transeuropéen de political ecology Pollen (https://politicalecolo-gynetwork.com/pollen-nodes/), le site de l’UMR Gred (http://gred.ird.fr) et de l’UMR Écoanthropologie et ethnobiologie du Muséum national d’histoire naturelle (http://www.ecoanthropologie. cnrs. fr/ar ticle828).

    Auteurs

    • Christian A. Kull

      Géographe et political ecologist, professeur à l’université de Lausanne, ses recherches portent sur les dimensions sociales des changements environnementaux dans les pays en voie de développement, y compris les feux de brousse, les aires protégées, les plantes exotiques, et les forêts. Il est auteur du livre Isle of Fire : The Political Ecology of Landscape Burning in Madagascar (University of Chicago Press, 2004).

    • Simon P. J. Batterbury

      Professeur d’écologie politique à l’université de Lancaster (Royaume-Uni) et professeur agrégé (honoraire) à l’université de Melbourne, en Australie, il a travaillé sur les conflits et la gestion des ressources dans les sociétés agricoles au Burkina Faso, au Niger et au Timor-Leste, et sur l’interaction de l’identité kanak et l’exploitation minière en Nouvelle-Calédonie. Il est rédacteur du Journal of Political Ecology depuis 2003.

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    1 Voir notamment dans ce volume la contribution de Valérie Boisvert.

    2 Le mot « humanités » est entre guillemets, parce que la traduction de humanities (en anglais) vers le français correspond peut-être mieux à « sciences humaines » qu’à « humanités » (en français), ce dernier terme se limitant traditionnellement aux langues et à la littérature.

    3 Par exemple, Environmental Humanities (https://www.dukeupress.edu/environmental-humanities).

    4 De fait, la géographie anglophone domine y compris dans un pays comme le Chili qui revendique de développer des « géographies autochtones » (Bastien Sepúlveda, présentation au colloque « Géographie, écologie, politique », Orléans 2012). Nous employons ici l’expression « géographie anglophone » en référence à la géographie britannique, américaine et australienne. Pour une discussion plus détaillée du choix de ce terme au lieu de « anglo-saxon », voir Kull et Batterbury (2016 : 227).

    5 Une partie de ce chapitre est fondée sur un article publié dans le Manifeste pour une géographie environnementale (2016). Nous tenons à remercier les directeurs de cet ouvrage, Denis Chartier et Estienne Rodary, de nous avoir autorisés à réutiliser ce texte et rappelons le travail du traducteur Mathias Lefèvre. Nous remercions aussi Xavier Arnauld de Sartre, entre autres, pour des discussions stimulantes autour de la géographie française, et Élise Demeulenaere pour l’invitation, les suggestions, et les traductions supplémentaires.

    6 Ce courant de la géographie s’intéressait surtout aux risques liés à la nature (inondations, sécheresse). En français, on les a le plus souvent qualifiés de « risques naturels », mais cette appellation a été critiquée car elle occultait les causes anthropiques des événements décrits. L’expression « risques majeurs » apparaît désormais dans les cursus académiques. Si elle a l’avantage d’être agnostique sur l’origine du risque, elle désigne un ensemble beaucoup plus large, comprenant les risques sanitaires, les risques technologiques, la menace terroriste, etc.

    7 À noter que l’anglais fait une distinction entre environmental sciences et environmental studies. Par rapport au français, l’anglais a tendance à réserver le terme « sciences » pour les sciences dites « dures », par exemple les sciences de la vie et de la Terre. Le terme studies permet de regrouper un nombre plus large de compétences disciplinaires autour des questions environnementales : non seulement les biologistes, physiciens, etc., mais aussi philosophes, historiens, juristes, sociologues, poètes, etc.

    8 Par exemple, la revue Progress in Geography, fondée en 1969, se divisa en 1977 en deux revues séparées : Progress in Human Geography et Progress in Physical Geography.

    9 Voir dans ce volume la contribution d’Élise Demeulenaere.

    10 Voir dans ce volume la contribution d’Élise Demeulenaere.

    11 Un récent ouvrage en français consacré à cette approche a choisi de maintenir l’usage du terme anglais, car sa traduction littérale, « écologie politique », suscite trop de confusions (Gautier et Benjaminsen, 2012). Nous les suivons ici d’autant plus que nous parlons de l’approche telle qu’elle s’est constituée dans le monde académique anglophone.

    12 Les interactions entre géographes et anthropologues en political ecology ont été moins courantes que ce à quoi l’on pourrait s’attendre, étant donnés les passages de frontière opérés par le passé par des figures importantes (Robert Netting, Michael Watts, Harold Brookfield). Jusqu’à récemment, très peu de géographes en political ecology citaient les articles publiés dans le Journal of Political Ecology, une revue fondée en 1994 par deux anthropologues. À l’inverse, alors que l’ouvrage édité par Piers Blaikie et Harold Brookfield, Land Degradation and Society (1987), est la référence la plus citée par les political ecologists géographes, les political ecologists anthropologues s’appuient plus souvent sur d’autres références fondatrices, comme Wolf (1972).

    13 Dans Liberation Ecologies (1996), Richard Peet et Michael Watts proposaient d’examiner un ensemble plus vaste de facteurs pouvant conduire à la pauvreté, cela pour évaluer comment ceux-ci en devenaient la cause et pour étudier quelles pouvaient en être les différentes conséquences environnementales. Non seulement une telle écologie « de la libération » incorporait alors une analyse plus rigoureuse de la politique de l’environnement, mais, comme son nom le laisse entendre, elle portait une attention plus grande à la capacité d’agir (agency) des mouvements politiques.

    14 Voir dans ce volume la contribution d’Élise Demeulenaere.

    15 Voir dans ce volume la contribution de Valérie Boisvert.

    16 Voir dans ce volume la contribution de Valérie Boisvert.

    17 Voir http://www.macalester.edu/academics/geography/facultystaff/billmoseley/articles/ (consulté le 18 novembre 2016).

    18 Voir le bref compte rendu de la conférence par Christophe Magdelaine (http://www.notre– planete.info/actualites/actu_2518_catastrophes_naturelles_geographes_changement_climatique. php (consulté le 26 avril 2016).

    19 Voir aussi Chartier et Rodary (2007), Hautdidier et Morin (2011).

    20 Dans le même temps, paradoxalement, la discipline en France ne s’est pas dotée d’une association professionnelle forte pouvant servir de forum pour tous les géographes. Cela contraste fortement avec l’American Association of Geographers, la Canadian Association of Geographers, l’Institute of Australian Geographers, et l’Institute of British Geographers, et leurs congrès et revues scientifiques ouverts à tous les courants. Il existe certes la Société de Géographie – celle-là même qui organisa la conférence à l’origine du livre Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête – mais elle est loin de rassembler toutes les géographies. Quant à la plus grande rencontre annuelle des géographes français, le Festival international de géographie de Saint-Dié, de nombreux géographes n’y participent pas.

    21 Ce fait est apparu clairement lors d’un jury d’habilitation à diriger des thèses (HDR) auquel l’un d’entre nous (Christian A. Kull) a participé en 2015.

    22 Ou « post-vidalienne » pour reprendre l’expression d’Olivier Orain (2009) qui souhaite ainsi distinguer l’œuvre de Vidal qui revendiqua l’héritage des travaux d’écologie végétale de celle de ses disciples qui privilégièrent l’étude du climat, du relief et de la nature des sols. Sur ce point, voir aussi dans ce volume la contribution de Wolf Feuerhahn.

    23 Ce paragraphe s’inspire de la présentation d’Olivier Soubeyran, « Géographie française contemporaine face à l’écologie et la politique », Orléans, 2012.

    24 C’est également le cas au Brésil, où la tradition française reste une référence importante. Jusqu’aux années 1990, la question de l’environnement n’était pas traitée par les géographes ; elle restait le domaine des écologues. Les chercheurs brésiliens en géographie physique ne parlaient que de sciences naturelles. Cela a changé dans les années 1990 lorsqu’un géographe issu de la géographie physique commença à placer les transformations anthropiques au centre de son travail. Depuis les années 2000, la géographie environnementale connait une présence beaucoup plus forte (Roberto Verdum, présentation au colloque « Géographie, écologie, politique », en 2012 à Orléans).

    25 Nous remercions Xavier Arnauld de Sartre pour cette observation.

    26 Cela peut être en partie vu comme une conséquence de la pression croissante dans les institutions académiques françaises depuis vingt ans de publier dans des revues internationales avec « facteur d’impact », et donc en anglais. Ceci dit, une carrière purement en français reste possible et courante en géographie humaine. Voir une excellente discussion des contraintes (et opportunités) institutionnelles rencontrées par les chercheurs et universitaires français dans Chartier et Rodary (2015).

    27 Il fut initié à cette approche par sa doctorante Monica Castro, elle-même formée par Nancy Peluso lors d’un court séjour à Berkeley.

    28 Voir les membres français du réseau transeuropéen de political ecology Pollen (https://politicalecolo-gynetwork.com/pollen-nodes/), le site de l’UMR Gred (http://gred.ird.fr) et de l’UMR Écoanthropologie et ethnobiologie du Muséum national d’histoire naturelle (http://www.ecoanthropologie. cnrs. fr/ar ticle828).

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    Ce livre est cité par

    • Curnier, Daniel. (2017) Éducation et durabilité forte : considérations sur les fondements et les finalités de l’institution. La Pensée écologique. DOI: 10.3917/lpe.pr1.0032
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    • Le Meur, Pierre-Yves. Rodary, Estienne. (2022) Le foncier rural dans les pays du Sud. DOI: 10.4000/books.irdeditions.45513
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    • Rollot, Mathias. (2025) Anthropocene – Humanities and Social Sciences Critical Strategies for Ecological Architectures. DOI: 10.1007/978-3-032-02522-7_1
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    • Rollot, Mathias. (2025) Anthropocene – Humanities and Social Sciences Critical Strategies for Ecological Architectures. DOI: 10.1007/978-3-032-02522-7_2
    • Barraud, Régis. Andreu-Boussut, Vincent. Chadenas, Céline. Portal, Claire. Guyot, Sylvain. (2019) Ensauvagement et ré-ensauvagement de l’Europe : controverse et postures scientifiques. Bulletin de l'Association de géographes français, 96. DOI: 10.4000/bagf.5141
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    • Hollister, Lucas. Posthumus, Stephanie. Simon, Anne. (2021) Conversation questions for Professors Anne Simon and Stephanie Posthumus. Contemporary French and Francophone Studies, 25. DOI: 10.1080/17409292.2021.1865051
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    Kull, C., & Batterbury, S. (2017). Chapitre 5. L’environnement dans les géographies anglophone et française : émergence, transformations et circulations de la political ecology. In G. Blanc, Élise Demeulenaere, & W. Feuerhahn (éds.), Humanités environnementales. Paris: Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.84345
    Kull, Christian A., et Simon P. J. Batterbury. « Chapitre 5. L’environnement dans les géographies anglophone et française : émergence, transformations et circulations de la political ecology ». In Humanités environnementales, édité par Guillaume Blanc, Élise Demeulenaere, et Wolf Feuerhahn. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2017. doi:10.4000/books.psorbonne.84345.
    Kull, Christian A., et Simon P. J. Batterbury. « Chapitre 5. L’environnement dans les géographies anglophone et française : émergence, transformations et circulations de la political ecology ». Humanités environnementales, édité par Guillaume Blanc et al., Éditions de la Sorbonne, 2017, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.84345.

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    Blanc, G., Demeulenaere, Élise, & Feuerhahn, W. (éds.). (2017). Humanités environnementales. Paris: Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.84270
    Blanc, Guillaume, Élise Demeulenaere, et Wolf Feuerhahn, éd. Humanités environnementales. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2017. doi:10.4000/books.psorbonne.84270.
    Blanc, Guillaume, et al., éditeurs. Humanités environnementales. Éditions de la Sorbonne, 2017, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.84270.
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