Avant-propos

Monique Bourin

doi:10.4000/books.psorbonne.83555

Avant-propos

Monique Bourin

Texte intégral

1Ce livre est une étape dans le développement d’une recherche entreprise il y a une dizaine d’années par quelques chercheurs venus d’horizons différents et pratiquant divers métiers liés au patrimoine. Ils se sont regroupés au sein de l’association Recherche sur les charpentes et plafonds peints médiévaux (RCPPM), l’éditrice de cet ouvrage. D’emblée cette recherche s’était voulue internationale, suivant les côtes méditerranéennes de la Ligurie jusqu’à la Catalogne. Et elle se voyait menant de front, parce qu’elles sont indissociables, l’étude des charpentes et celle de leur décor. Elle bénéficiait de l’avance prise dans l’étude structurelle des charpentes par les historiens groupés dans le programme Ligna. Il fallait rattraper le retard en matière de décor ; insensiblement l’accent fut mis sur l’iconographie.

2Ce fut la découverte d’un corpus stupéfiant tant dans ses thématiques que dans l’organisation spatiale de séries de planchettes peintes, incohérentes au premier regard, enchâssées dans un décor foisonnant. Aux côtés de représentations héraldiques plutôt classiques, venaient un monde animal richissime et des saynètes souvent énigmatiques. À cette fascination première d’un corpus protégé mais méconnu, s’ajoutait le vertige de véritables découvertes : de mois en mois, l’ouest du Bas-Languedoc, sur lequel nous avions centré notre attention première, offrait de nouvelles images à travers un faux plafond qui s’effondrait ou un badigeon qui s’écaillait. Il nous fallut quelques années pour établir une sorte de familiarité avec ces images et leurs cousines de Provence. C’est par le bilan de ce que nous savions alors que s’ouvre cet ouvrage.

3Les premières années passées, vint le besoin d’aller voir ailleurs, d’identifier les rares chercheurs qui s’intéressaient à l’iconographie des plafonds peints et de les solliciter pour qu’ils présentent « leurs » plafonds. Nous voulions procéder prudemment, en commençant par les régions de la Méditerranée occidentale chrétienne. Les ouvrages manquaient, à l’exception de quelques livres pionniers ; même les synthèses régionales faisaient défaut. Notre objectif était humble : procéder pas à pas, par régions, afin que pour chacune d’entre elles puissent être établis un premier corpus et quelques caractéristiques spécifiques. Nous rassemblions les pièces d’un puzzle. Et chacun des contributeurs pressentis accepta de jouer le jeu et de venir apporter, dans ce beau village des Corbières, sa science in progress.

4Ces premiers pas par lesquels nous explorions l’arc méditerranéen entre le royaume de Valence et le Frioul se firent donc lors du colloque qui se tint à Lagrasse en octobre 2015 et dont ce volume constitue les actes. Ils furent un enchantement : un objet d’étude commun à l’Europe du Sud surgissait mais dévoilait d’emblée de fortes nuances. Dans ces premiers temps de reconnaissance mutuelle, les différences régionales l’emportaient sans nul doute sur la possibilité d’écrire une histoire synthétique, répondant à un questionnement homogène. Il était important de laisser s’exprimer ces différences dans la plus grande liberté. Liberté des contributeurs d’abord : chacun a choisi d’écrire ou dans sa langue ou en français, soit directement pour les fins francophones, soit en s’astreignant à faire traduire sa contribution. Certains ont choisi de présenter une bibliographie à part, d’autres en l’intégrant aux notes infrapaginales : chacun s’est adapté à la situation qu’offraient les études régionales. La seule contrainte imposée par les éditeurs fut le nombre d’images, évidemment frustrant.

5De la juxtaposition de ces tableaux régionaux, naissait une première esquisse de l’histoire des plafonds peints. Une chronologie se dessina, médiévale dans la France méridionale et les pays ibériques, mais « rinascentesca » en Italie. À partir de ces portraits régionaux, on aurait pu tenter de construire une sociologie des goûts et de la culture des commanditaires, mais les nuances nous ont paru trop fines pour fournir des résultats fiables à ce premier stade des études. La comparaison des thématiques révèle immédiatement un imaginaire commun, mais aussi des goûts divers où le moment, la région, les échanges culturels, la personne du commanditaire et le savoir- faire des peintres s’amusent à brouiller les pistes. C’est un vaste programme dont ce livre est le premier pas : « esquisse d’une géographie des plafonds peints médiévaux ».

Auteur

Monique Bourin

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