Le parti issu de la Résistance
p. 37-60
Texte intégral
1Depuis Munich, la SFIO était en proie à une tourmente intérieure comparable seulement à celle qu’elle traversa en 1920. La menace des fascismes, la défense de la paix et la politique à adopter dans un tel contexte de crise internationale divisèrent si profondément le Parti que ses militants purent craindre une scission lors du congrès de Nantes en mai 1939. Blumistes adeptes d’une politique de fermeté, paul-fauristes partisans d’une « politique de négociations », leur antagonisme est désormais bien connu. Et les travaux de Marc Sadoun ont montré comment ces fractures rejouèrent sous l’Occupation, même si les engagements individuels ne reproduisirent pas à l’identique les lignes de partage entre résistants, collaborationnistes et ceux qui surent ou durent s’accommoder de la présence ennemie. Il s’agissait donc d’évaluer si cette onde de choc se faisait encore nettement ressentir en 1944 et au-delà, jusqu’en 1948. A l’aide des outils offerts par l’enquête prosopographique en cours sur le mouvement ouvrier de 1940 à 19681, nous avons tenté de définir dans quelle mesure la Résistance avait contribué à cette rénovation de la SFIO, si fortement revendiquée à la Libération. Les socialistes, tout en reconstituant pour une minorité d’entre eux un Parti socialiste clandestin, irriguèrent la plupart des mouvements et réseaux. Pour quelles raisons cet apport fut-il sous-estimé et quelles en furent les conséquences sur l’image du Parti ? Nous nous sommes aussi demandé si une bonne représentation de cette diversité de l’engagement socialiste dans la Résistance avait été assurée par l’appareil du Parti et si elle avait permis un réel renouvellement des cadres. La Résistance avait-elle favorisé la promotion de simples militants et le recrutement de jeunes sans expérience politique ? Enfin, dans un contexte de recomposition des forces politiques, la SFIO sut-elle saisir l’occasion qui lui était offerte pour s’élargir à d’autres courants et sensibilités politiques ?
Une hécatombe de cadres
2Les combats, la répression et la déportation entraînèrent de fait une hécatombe des cadres qui fut accentuée, dès 1941, par une vigoureuse épuration des mous, des traîtres, ou du moins des douteux2. Or, son impact sur l’opinion fut mal géré. À la différence du « parti des 75 000 fusillés », la SFIO refusa de jouer de ses morts. Plus encore, elle rendit publique toutes les rigueurs de l’épuration à laquelle elle s’était livrée. De ce fait, elle mit davantage la lumière sur ceux qu’elle souhaitait voir oubliés que sur ses martyrs. Elle contribua ainsi à minorer les sacrifices de ses cadres et militants.
Une hémorragie sous-estimée
3Contrairement à l’image que put en donner l’attitude réservée de la SFIO, l’hémorragie conjugant les victimes de la guerre, de la répression, et de la déportation fut très profonde tant par son ampleur que par la valeur de certains disparus.
4Avant même le vote du 10 juillet, le groupe parlementaire comptait déjà des pertes avec en particulier Léo Lagrange, mais aussi Paul Saint-Martin et Achille Fèvre. Puis, parmi ceux qui refusèrent les pleins pouvoirs ou qui étaient absents, certains moururent assassinés tels Marx Dormoy et François Camel, ou en déportation comme Claude Jordery et Augustin Malroux, ou encore d’épuisement en 1944, à l’instar de Pierre Viénot et Justin Luquot. C’était donc près de 10 % des parlementaires susceptibles de retrouver leur place à la Libération qui disparurent ainsi3. La CAP fut décimée de la même manière puisque quatre de ses trente-cinq membres (soit 11 %) – dont certains étaient parlementaires – étaient décédés en 1945 : Suzanne Buisson et Isidore Thivrier en déportation, Jacques Grumbach en tentant de franchir la frontière espagnole, Raoul Evrard de maladie... L’équipe du Populaire avait, quant à elle, perdu Léon-Maurice Nordmann, Jean-Maurice Hermann, Pierre Brossolette et Amédée Dunois. Avec treize secrétaires fédéraux sur quatre-vingt-dix, soit près de 15 %, ce fut le personnel fédéral qui paya le plus lourd tribut (même si, dans le détail des bureaux et autres instances, ces pertes demeurent difficilement chiffrables). Dans certaines fédérations, ce personnel fut pratiquement exterminé comme en Loire-Inférieure où les membres du bureau furent fusillés avec son secrétaire fédéral Albert Vinçon ; ou dans le Rhône où le bureau fédéral, reconstitué en 1941, disparut dans un convoi en partance de Compiègne. La carte sur L’engagement des secrétaires fédéraux de 1939 montre que la répression fit plus de victimes en zone occupée, ce qui correspond d’ailleurs à une adhésion plus précoce et plus large à la Résistance (fig. 1). Le Nord et le Pas-de-Calais entrèrent immédiatement en rébellion contre l’occupant et il n’est pas étonnant de constater que leurs secrétaires fédéraux respectifs, Jean Lebas et André Pantigny, arrêtés, moururent dans les camps. Comme pour toutes les organisations résistantes, le bilan des pertes était très difficile à chiffrer ; d’autant plus que les socialistes n’étaient pas regroupés en un seul mouvement.
Fig. 1 – L’engagement des secrétaires fédéraux de 1939.

5Dès 1944, le comité exécutif eut conscience que la dispersion des socialistes dans les mouvements et réseaux nuisait à la lisibilité de leur action.
« Nous constatons que le P.S. ne tire pas de la dure et courageuse activité de ses membres tout le bénéfice moral qui lui revient. Nos camarades, dans un louable esprit de sacrifice et d’efficacité, ne font pas suffisamment connaître l’importance de la part prise par eux dans la lutte. »4
6Le comité demanda par conséquent de le tenir régulièrement informé, en dépit des contraintes de la clandestinité, des engagements et activités de tous les socialistes quels qu’ils soient afin de pouvoir en faire état auprès du CNR et du CFLN. Lors du premier congrès du Parti reconstitué en novembre 1944, Daniel Mayer revendiquait une « pudeur » et « une modestie » que d’autres n’avaient pas mais ajoutait : « il ne faut pas qu’il y ait une sorte de pénalité de l’abnégation »5. Dans son rapport sur la Zone Nord, Robert Verdier fit état, en effet, des nombreuses difficultés rencontrées par le Parti dans les Comités départementaux de libération (CDL) : « On a souvent contesté la réorganisation du Parti socialiste » en le taxant « d’attentiste », expliqua-t-il6. Un livre d’or des martyrs socialistes fut donc envisagé mais jamais réalisé ; quelques listes non exhaustives furent publiées dans le compte-rendu du congrès d’août 1945 et dans certains organes fédéraux, toutefois, il n’y eut aucune action de propagande d’envergure organisée sur ce thème. Sans doute était-il difficile à la SFIO, non seulement de collecter les informations nécessaires, mais surtout de revendiquer des militants qui étaient tombés sous une autre bannière que la sienne. A cette ponction déjà importante, la SFIO s’imposa de plus une saignée nécessaire, selon ses dirigeants, pour se purifier, échapper à « la décadence »7 et retrouver sa véritable identité socialiste.
Épurer pour reconstituer
7En fait, le congrès de Nantes de mai 1939 s’était achevé sur une scission camouflée par une motion de synthèse, à laquelle s’étaient ralliés les partisans de la fermeté et les paul-fauristes, sous l’effet d’un réflexe unitaire récurrent depuis 1920. Les journées des 8, 9 et 10 juillet 1940 à Vichy, qui se déroulèrent dans un climat d’hostilité patent entre les deux tendances, et où Léon Blum se retrouva singulièrement isolé, firent voler en éclat cette unité de façade. Au pied du mur, les parlementaires eurent à faire un choix beaucoup plus difficile que lors de la ratification des accords de Munich en 1938, parce qu’ils étaient contraints d’engager l’avenir de la nation. On sait que sur les 168 députés et sénateurs socialistes, quatre-vingt-dix accordèrent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, et que trente-six seulement votèrent contre, alors que six se résignèrent à l’abstention, les autres étant absents8. Les « non » à Pétain furent dès lors considérés comme les ferments de la résistance socialiste, alors que l’exclusion des « oui » était réclamée immédiatement.
8Le vote du 10 juillet 1940 devint par conséquent le premier critère de l’épuration et par là même de la reconstitution. Les parlementaires qui n’avaient pas voté « non » furent condamnés en Zone Nord, dès le mois de septembre, dans une déclaration d’Amédée Dunois, et exclus, en Zone Sud, lors de la réunion de Lyon de mai 19419. Le Populaire du midi proclamait encore en janvier 1944 : « Tous ces hommes, dont quelques-uns ont certainement rendu des services au socialisme dans des périodes plus faciles mais qui, devant la crise capitale du siècle, ont perdu la tête et au moins manqué de caractère et de probité, nous ne les connaissons plus ; ils se sont retranchés eux-mêmes de notre communauté »10. Car si le vote de Vichy eut un impact à si long terme, c’est qu’il fut à l’origine d’un « complexe d’infériorité » reconnu dès octobre 1943 par le comité exécutif11. Celui-ci voulut par conséquent considérer les défaillances comme le fruit d’erreurs individuelles, alors qu’à ses yeux le groupe des « non » incarnait « la tradition socialiste ». L’enjeu était vital puisqu’il fallait non seulement revaloriser l’image du parti dans l’opinion publique, mais aussi regagner la confiance d’un grand nombre d’anciens militants qui, dégoûtés, avaient préféré s’engager dans des mouvements ou réseaux plutôt qu’au Parti socialiste clandestin. Peu avant le débarquement, le secrétariat général diffusa une liste des critères d’épuration à appliquer à la Libération12. Étaient exclus définitivement et sans appel possible : tous les parlementaires déjà sanctionnés par le comité central clandestin ; tous les élus – conseillers municipaux, maires et conseillers généraux – demeurés à leur poste depuis le 25 juin 1940 sans autorisation explicite du Parti ; tous ceux qui par leurs actes ou leurs écrits avaient témoigné de leur confiance à l’Etat français ou à l’occupant ; tous ceux qui ayant expressément refusé leur concours au Parti clandestin ne pouvaient par ailleurs faire état d’une participation active à un mouvement de Résistance ; et, enfin, tous ceux qui se seraient livrés au marché noir. La circulaire prenait soin d’ajouter « tout citoyen (...), susceptible par sa présence de porter atteinte au prestige du Parti », montrant à quel point le souci de son image était vif.
9Et à une épuration stricte des cadres, devait donc correspondre un recrutement sélectif. Pour reconstituer le Parti, il fallait « avoir la foi » et croire à la possibilité de faire renaître un grand Parti socialiste en France. La direction déclarait en 1943 :
« Si l’on y croit, on se donne tout entier, sans réticence aucune, aux tâches qu’un tel postulat appelle. Si l’on n’y croit pas, que le doute ramollit le cœur ou suscite des objections préalables à toute action, alors on chausse ses pantoufles et on ne met pas les pieds chez nous »13
10Dans les premiers temps de la clandestinité, les éléments ayant fait la preuve de leurs convictions depuis 1938 furent ainsi privilégiés. Telle fut du moins la démarche adoptée par ceux que Marc Sadoun nomme « les premiers pélerins du socialisme résistant », Daniel Mayer et Henri Ribière14, qui pour sélectionner les premiers lecteurs du Populaire clandestin par exemple, utilisèrent les fichiers de la revue Agir, qui avait regroupé avant-guerre les partisans de la fermeté15. Les socialistes résistants n’eurent jamais de mots assez durs pour stigmatiser tous ceux qui n’avaient pas rejeté Vichy ou l’occupant. Le vocabulaire était emprunté au registre religieux : à « la faute », devaient répondre « l’expiation », « le rachat », « le purgatoire » et éventuellement « l’indulgence » et « le pardon ». Outre un souci de sécurité, l’enjeu, en termes d’image, demeurait le même : il fallait faire oublier les erreurs passées et, seule, une épuration sans faille pouvait effacer la souillure qui entachait la SFIO. Lors de la conférence des secrétaires fédéraux du 20 mai 1945, le secrétaire général, Daniel Mayer, justifia ainsi son intransigeance : « Je ne suis pas un être insensible ; mais en matière politique, il y a une raison d’Etat qui est la raison du Parti ». Et il ajouta : « Cela dit, je vous supplie de ne plus aborder ce problème. Ces hommes ont été rejetés en dehors du Parti. Ils resteront en dehors du Parti »16. L’épuration était bien considérée comme la condition même de la rénovation du Parti et donc de son existence. Puis Léon Blum, tout juste rentré de déportation, résuma ainsi les enjeux :
« Il faut à la fois que nous donnions l’impression de la continuité et l’impression de renouvellement ; il faut que nous montrions que nous sommes toujours le Parti socialiste, le même Parti socialiste, et que nous sommes en même temps un Parti socialiste renouvelé, rajeuni, transformé... »17
11Or, bien que discrédités, les paul-fauristes exclus se regroupèrent, forts de l’appoint de plusieurs anciens parlementaires, et s’approprièrent le nom de « Vieux Parti socialiste SFIO ». Leur action et leur propagande, à défaut de constituer une concurrence très gênante, à l’exception toutefois de certains secteurs de la Seine, de la Saône-et-Loire et de la Corrèze, risquaient d’entretenir la confusion dans les esprits. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’étiquette SFIO fut à nouveau revendiquée dès la Libération18.
12Le souci aigu de son image ne put toutefois éviter à la SFIO de se trouver confrontée aux réalités humaines et locales, qui tempérèrent, bien malgré eux, l’intransigeance de ses dirigeants.
Réintégrer par nécessité
13Dès 1944, lorsque les initiatives individuelles des différentes fédérations furent coordonnées, il fallut assurer la représentation socialiste dans les CDL non seulement face au PCF mais aussi aux mouvements, qui déléguaient des socialistes en leurs noms et non « au titre de la SFIO ». Le comité exécutif demanda alors que soient recrutés « des jeunes, le maximum de jeunes » et des « cadres administratifs » et « techniciens » capables d’imposer la présence socialiste à la Libération19. Mais lorsque les secrétaires régionaux et départementaux tentèrent d’obtenir le rachat des élus de leurs départements, leur attitude fut qualifiée de « sentimentale » par un comité exécutif submergé de demandes d’appel, et menaçant de les rejeter en bloc sans examen20. L’épuration de la CAP fut celle qui rencontra le moins de réticences. La CAP incarnait la faillite du vieux Parti et, depuis longtemps, il était acquis que l’ancien secrétaire général Paul Faure était exclu, ne serait-ce que pour avoir accepté de siéger au Conseil national de Vichy. Il en allait de même pour son secrétaire général adjoint, Jean-Baptiste Séverac, dont le retrait volontaire ne pouvait être admis. Si l’on excepte ceux qui furent empêchés, quatorze sur trente-cinq des anciens élus de la CAP firent de la résistance, alors que seize demeurèrent en retrait ou collaborèrent (fig. 2).
14Au total, plus de la moitié des membres de la CAP de 1939 furent formellement exclus ou démissionnèrent du Parti en 194421. L’épuration des parlementaires, en revanche, empoisonna les relations de la direction avec certaines fédérations pendant plusieurs années. Lors du congrès national extraordinaire de novembre 1944, la commission des parlementaires prononça quatre-vingts exclusions pour seulement douze réintégrations avec suspension de tout mandat pendant la durée d’une législature22. Parmi les suspendus, neuf avaient accordé les pleins pouvoirs, deux s’étaient abstenus et un était sur le Massilia. Un seul fut maintenu sans condition, en dépit de son vote positif, en raison « des services exceptionnels » rendus au Parti : Raymond Gernez. Mais le « fort courant sentimental » des fédérations qui, si elles en acceptaient le principe, souhaitait voir l’épuration prendre en compte leurs particularités et leurs difficultés locales, était également avivé par la perspective des municipales à venir. Ainsi Edouard Depreux, soutenu par André Le Troquer, réclama-t-il la réintégration pure et simple pour Gaston Allemane afin qu’il puisse retourner à l’Hôtel de ville de Paris ; de même Victor Provo essaya de faire comprendre que sa fédération du Nord avait « une grande partie à jouer » à Lille et qu’elle avait besoin de Charles Saint-Venant23. Or, les quatorze interventions de délégués fédéraux, voire de responsables nationaux, pour obtenir une révision furent vaines24.
15Mais contrairement à ce qu’ils avaient espéré, Daniel Mayer et son équipe ne purent mettre un terme à ce débat et le malaise perdura tout au long de la période qui nous occupe et même jusqu’en 1956. Sous la pression conjuguée des sections et le plus souvent des fédérations, une première série de douze réintégrations, soit 14 % des exclus de 1944, fut accordée lors du conseil national des 25 et 26 février 195025. La fédération de la Haute-Vienne obtint même le pardon pour trois de ses quatre parlementaires. Ces révisions étaient l’aboutissement de procédures engagées le plus souvent au lendemain même du congrès de 1944. Les dossiers révèlent que dans certaines municipalités importantes, comme Saint-Nazaire avec François Blancho, ou Limoges avec Léon Betoulle, les fédérations avaient contourné le réglement en mettant en tête de leurs listes ces personnalités influentes, qui leur avaient assuré le succès en 1947 (ce subterfuge ne fut toutefois pas employé lors des législatives de novembre 1944). Cette tactique n’avait pas été utilisée à Marseille et Irma Rapuzzi regretta ainsi que la bataille électorale de 1947, qui fut rude puisqu’il leur fallut affronter les communistes et le RPF, dut se dérouler sans Toussaint Franchi. Si l’action dans la Résistance après la faute du 10 juillet et les services rendus au Parti étaient toujours pris en compte, il apparut d’ailleurs clairement que l’éligibilité devenait un critère décisif. Le pragmatisme électoral, qui n’avait pu prévaloir en novembre 1944, finit donc par jouer à partir des municipales de 194726.
Fig. 2 – L’attitude des membres de la commission administrative permanente durant l’Occupation.

16Finalement, l’épuration ne fut réellement appliquée qu’à la direction nationale et aux parlementaires, et devint plus sélective et moins sévère au fur et à mesure qu’elle descendit dans la hiérarchie partisane. Près des deux tiers des secrétaires fédéraux pouvaient se targuer d’un titre de résistance27, alors que moins d’un quart s’accomodèrent du régime de Vichy28 et que 10 % collaborèrent (fig. 1). Un tiers des secrétaires fédéraux fut épuré, et il s’agissait le plus souvent de ceux qui cumulaient cette fonction avec un mandat parlementaire.
17A la base, l’épuration fut rarement très approfondie ; et l’attitude de la fédération des Pyrénées-Orientales qui obligea tous les anciens militants à demander leur réintégration en examinant un à un les dossiers est exceptionnelle. En pratique, les fédérations écartèrent ceux qui avaient adhéré à la Légion ou pire encore à la Milice. Daniel Mayer donna d’ailleurs lui-même des consignes de modération :
« Autant vous devez chasser ceux qui ont failli, alors qu’ils faisaient partie des cadres, autant vous devez être, non pas indulgents, mais compréhensifs pour ces hommes qui sont demeurés socialistes de cœur, même si vous ne les avez pas connus quotidiennement dans la Résistance active »29
18Les sanctions devaient par conséquent être proportionnelles au rôle et à la responsabilité détenus autrefois par le militant et à la confiance dont il était le dépositaire.
19Le bilan des pertes en 1945 était donc incontestable, et la pénurie des cadres très sensible. Le personnel fédéral resta relativement instable, même si la situation varia d’une fédération à l’autre. La voie fut ouverte à une promotion interne et, dans une certaine mesure, à une politique d’ouverture pour les investitures lors des campagnes d’octobre et juin 1946.
La Résistance : un facteur de promotion ?
20L’Occupation, en accentuant les clivages amorcés lors des accords de Munich, avait provoqué des reclassements. Mis au pied du mur, des hommes surent dépasser leurs sentiments pacifistes et rompre leurs attaches paul-fauristes, cela avec plus ou moins de promptitude. Rappelons que vingt des trente-six parlementaires qui votèrent « non » étaient considérés comme paul-fauristes en 193930. Ils s’ajoutèrent aux partisans de la fermeté qui, à quelques exceptions près, entrèrent en résistance dès la défaite. De sorte que les cadres de 1944-1946 étaient effectivement des résistants au regard des critères définis par le Parti.
Une réelle représentation de la Résistance en 1944-1946 ?
21L’analyse de ce corpus montre que 100 % des membres du Comité directeur, 90 % des parlementaires, et 80 % au minimum des secrétaires fédéraux (l’attitude de onze d’entre-eux demeure encore inconnue) étaient considérés comme résistants. Si l’on y ajoute les prisonniers, il apparaît que seulement moins de 4 % des cadres de la Libération surent « s’accommoder » de l’Occupation (fig. 3). En outre, une grande part d’entre-eux purent afficher leur appartenance à un CDL, ce qui constituait un réel capital électoral et social. Sur deux cent quinze cadres repérés, quatre vint treize étaient ainsi membres d’un CDL (dont quinze présidents et cinq secrétaires), soit 50 % des secrétaires fédéraux, 45 % des parlementaires, mais seulement 20 % des membres du Comité directeur.
22Cette représentation, massive semble-t-il, de la « Résistance » au sein de l’appareil doit cependant être nuancée. En premier lieu, la nature même de la résistance socialiste fut contestée, parce qu’elle se voulait purement politique et idéologique. Ses animateurs avaient certes couru des risques mortels mais des responsables de mouvements, tel d’Astier de la Vigerie de Libération Sud, se demandaient s’il s’agissait réellement d’une résistance à l’ennemi. Cet argument fut bien entendu repris avec force par le PCF dans les années qui suivirent la Libération. En outre, ces critères adoptés par la SFIO, jugés trop larges, firent l’objet de critiques immédiates de la part de ceux qui privilégiaient l’action armée ou le renseignement. Ainsi, le vote du 10 juillet, l’embarquement sur le Massilia ou l’appartenance à un CDL pouvaient paraître insuffisants pour justifier d’une activité résistante. Parmi les « 80 », Marius Dubois fréquenta les allées de Vichy avant de s’engager tardivement dans la Résistance ; Marius Moutet s’exila en Suisse ; Paul Ramadier fut reclus dans son village. L’appartenance d’Augustin Azemia (Eure) ou celle d’Emmanuel Véry (Martinique) au CDL fut pour eux une carte de visite indispensable pour les législatives. Néanmoins, pour la période qui suit la Libération, l’étiquette primait déjà sur la réalité de l’engagement, et nous avons dû nous en contenter. De plus, l’esprit de la Résistance fut largement partagé par des hommes qui ne purent passer à l’acte parce qu’ils étaient internés, surveillés, exilés ou encore trop âgés. Citons Marx Dormoy, Marceau Pivert, et Bracke-Desrousseaux.
Fig. 3 – La part des résistants dans les directions socialistes en 1945-1946.

23D’autre part, la définition d’une Résistance privilégiant le politique fut à l’origine d’une inéquitable représentation de la diversité de la résistance socialiste. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les deux premiers comités directeurs : sur trente-trois membres, vingt-neuf avaient appartenu au CAS, la seule exception notable étant Paul Rivet, fondateur du réseau du Musée de l’Homme31. Certains avaient certes été à la fois des animateurs du parti clandestin et des mouvements tels Henri Ribière de Libération Nord et André Philip de Libération Sud. Notons deux absents de marque au comité directeur : Jean Pierre-Bloch et André Blumel. Mais, alors que de nombreux socialistes s’étaient engagés dans l’Armée secrète, dans des réseaux de renseignement, ou dans des maquis, les seuls chefs de groupes armés furent Gaston Defferre (Brutus) et Roger Priou-Valjean (Veni) qui avaient été liés au CAS. Dans le Comité directeur, on ne trouve pas non plus de chefs de maquis, ni de responsables régionaux de mouvements en dehors de ceux qui avaient appartenu au CAS. Un seul membre des Forces françaises libres y figurait : Jules Moch, deux présidents de CDL sur les trente que comptait le Parti : Elie Bloncourt et Augustin Laurent. Par conséquent, la direction de la SFIO ne reflétait ni la réalité de la résistance socialiste, ni la Résistance institutionnelle, ni l’image de la Résistance dans la société, celle de l’Armée secrète, des maquis, des saboteurs et des agents de renseignement. A l’échelle des départements, un même déséquilibre put provoquer des tensions entre ceux qui se réclamaient de la légitimité résistante et ceux qui privilégiaient la discipline partisane. Elles s’exprimèrent publiquement dans les assemblées des CDL, pour le plus grand bonheur d’ailleurs des communistes. Les socialistes Fernand Bouchier (Drôme), Charles Foulon (Ille-et-Vilaine), Robert Monnestier (Indre), et Ambroise Bordelongue (Basses-Pyrénées), qui ne furent pas associés au CAS, prônaient en 1945 des listes communes avec le PCF et le vote « Oui – Non » au référendum. En revanche, le groupe parlementaire représenta mieux cette pluralité de l’engagement résistant des socialistes, la sélection des candidats aux législatives et aux sénatoriales devant tenir compte autant du capital social que des références partisanes.
24Néanmoins, l’ouverture aux résistants non socialistes fut faible, bloquée par la règle des cinq ans d’ancienneté pour accéder à des postes de responsabilité ou à une candidature, même si elle ne fut pas partout appliquée pour les élections législatives, faute de cadres en nombre suffisant. Cette règle servit de prétexte à différentes occasions. Dans l’Ain, où la question laïque dominait, la candidature d’Yvon Morandat fut rejetée. Dans le Rhône, le président du CDL, Bernard Farbmann, qui avait des titres de Résistance supérieurs aux militants locaux, fut écarté et se présenta sur une liste dissidente.
25La Résistance fut donc un facteur de promotion mais essentiellement interne et constituait, en outre, une condition nécessaire mais non suffisante32, comme le montre l’analyse des cadres de la Libération.
Typologie des cadres de la Libération
26Il convient d’abord de souligner la faible représentation féminine, à l’heure où les femmes accédaient au droit de vote, et donc le maintien d’une domination masculine séculaire : onze femmes seulement figurent dans un échantillon de deux cent quinze cadres. Ainsi Gilberte Brossolette, Germaine Degrond, Eugénie Ébouée, Irène Laure, Rachel Lempereur, Marie Oyon, Andrée Viènot furent élues députées. Pour la première fois, des femmes devinrent secrétaires fédérales, Thérèse Espinadel, ayant acquis son titre dans la clandestinité en Dordogne, et Renée Murdin en Saône-et-Loire. Enfin Suzanne Charpy, Andrée Marty-Capgras et Emilienne Moreau entrèrent au Comité directeur. La moitié d’entre-elles étaient des militantes confirmées de l’entre-deux-guerres, mais elles connurent à la Libération une véritable promotion. Il faudra attendre près de 50 ans pour que cette proportion augmente. Nous constatons ensuite un rajeunissement des groupes parlementaires par rapport à celui de 1936 (fig. 4) et du Comité directeur par rapport à la CAP. Un plus grand dynamisme aurait dû en résulter, mais il n’en fut rien. La pénurie de cadres confirmés, de théoriciens et de techniciens de talent était trop patente. Elle se faisait cruellement sentir alors qu’il fallait encadrer un flux d’adhérents sans expérience, mais aussi donner des hommes d’Etat au pays et expliquer la politique menée contre vents et marées au sein du tripartisme puis de la Troisième force. Dans ce contexte, le poids de personnalités telles que Félix Gouin, Vincent Auriol, Paul Ramadier, André Philip, Marius Moutet ou Jules Moch – les ministres ou parlementaires les plus en vue pendant l’immédiate après guerre – est symptomatique des difficultés du Parti à se renouveler. Contestés mais indispensables, ils tenaient une place d’autant plus valorisée que peu de militants pouvaient prétendre détenir un bagage comparable.
Fig. 4 – Les groupes d’âge des députés socialistes de 1936 à 1946.

27L’origine politique des dirigeants retient alors plus particulièrement l’attention. Marc Sadoun a déjà démontré dans sa thèse que le renouvellement se fit, pour l’essentiel, dans la continuité par une promotion accélérée d’anciens militants socialistes. L’utilisation d’outils prosopographiques pour les trois niveaux de responsables – membres du Comité directeur de 1944 et 1945, élus aux deux Assemblées constituantes et secrétaires fédéraux de l’année 1945 – confirme ce diagnostic (fig. 5).
Fig. 5 – L’origine politique des dirigeants socialistes à la Libération.

28Globalement, parmi les 40 % de nouveaux cadres de la Libération, il n’y a en fait que 6 % de nouveaux adhérents et 9 % de militants de base qui accédèrent à un poste de direction. C’était peu, d’autant qu’une partie des « nouveaux » représentaient des anciens. Emblématique fut le cas de Renée Blum qui siègea au Comité directeur à la place de son beau-père. Il en était de même des veuves de martyrs, devenues parlementaires : Andrée Viénot, Gilberte Brossolette, Madeleine Léo-Lagrange, Eugénie Éboué et Marie Oyon. Toutes firent preuve, toutefois, de courage et de qualités remarquables durant la guerre et ne se montrèrent pas moins compétentes que leurs homologues masculins par la suite. L’immense majorité des cadres étaient donc des personnages déjà connus ou en voie d’ascension dans le Parti, au niveau fédéral tout au moins. Ce furent les anciens secrétaires fédéraux, leurs adjoints et les autres cadres qui formèrent plus de la moitié des nouveaux dirigeants. Mais une part de ces deux catégories, non quantifiable naturellement, n’aurait sans doute jamais accédé sans la Résistance au niveau de responsabilité qui fut le leur à la Libération. Daniel Mayer – militant obscur, chargé d’une rubrique dans Le Populaire, avant guerre – était devenu secrétaire général ; ses deux adjoints, Robert Verdier et Gérard Jaquet, avaient été respectivement militant de base et cadre aux Étudiants socialistes. Avant 1939, le rayonnement de Guy Mollet ne dépassait pas la section d’Arras et la tendance « Redressement ». Dans la limite de ces continuités, le renouvellement fut profond, puisqu’il n’y eut guère que 22 % des responsables de 1945 qui furent membres de la CAP ou parlementaires avant guerre. Deux générations de cadres, celle qui adhéra avant l’unité et celle qui connut la scission de Tours, furent ainsi laminées.
29De même, on trouve peu de cadres des Jeunesses socialistes (JS) d’avant-guerre. La cause tient sans doute autant à l’engagement pacifiste massif de ceux-ci, souvent fils d’hommes du feu, qu’aux dissolutions successives des JS. Alors que nombre d’entre eux avaient suivi Paul Faure, la pénurie générale de cadres et la nécessité de faire face aux adversaires, en particulier aux communistes, se conjuguèrent pour favoriser le retour de quelques anciens paul-fauristes, comme Bernard Chochoy, pourtant exclu à la Libération. Les mêmes causes conduisirent à retrouver au premier plan des cadres dits « attentistes », mais de talent : tels Jean Le Bail en Haute-Vienne, Antoine Mazier dans les Côtes-du-Nord et Maurice Deixonne33. Mais il ne faudrait pas que ces quelques exceptions connues cachent l’écrasante majorité des résistants.
Une inégale promotion interne
30L’observation par niveaux de responsabilité permet d’affiner l’analyse (fig. 6).
31La promotion des cadres fut plus grande au Parlement que dans les organes internes du Parti. Près des trois quarts des députés ne figuraient pas parmi les dirigeants nationaux d’avant-guerre (parlementaires ou membres de la CAP). L’élection d’un nombre significatif d’anciens secrétaires fédéraux fut rendue possible par l’exclusion des parlementaires de leur département ; tels Lucien Coffin à la place de Robert Lazurick dans le Cher ou Paul Parpais à celle de Max Hymans dans l’Indre. Le Comité directeur devait plus à l’ancien Parti puisqu’il comprenait plus de 55 % d’anciens élus nationaux d’avant guerre, dont quatorze anciens parlementaires et neuf anciens membres de la CAP, quatre cumulant les deux qualités. Chez les secrétaires fédéraux, la continuité fut un peu moins forte34. Au total, 60 % des secrétaires fédéraux de 1945 accèdèrent pour la première fois à un tel niveau de responsabilité. Dans les grosses fédérations, la pemanence fut souvent assumée, soit par des secrétaires fédéraux des années précédentes (Mureine en Gironde), soit par d’anciens adjoints (Pas-de-Calais, Nord, Allier, Var, Somme...). En pratique, dans notre échantillon, les nouveaux adhérents se retrouvèrent surtout dans le groupe parlementaire. Il est vrai que l’on imagine mal un secrétaire fédéral et, plus encore, un membre du Comité directeur n’ayant pas reçu une formation politique dans le Parti ou dans une organisation proche. On trouve par contre beaucoup de nouveaux adhérents, en dehors de notre corpus, dans les bureaux fédéraux où ils firent leur apprentissage aux côtés de militants confirmés, sans forcément respecter la règle des cinq années d’ancienneté35. Parmi ces nouveaux, nous repérons d’anciens cadres d’autres organisations, comme la CGT ou la Ligue des droits de l’Homme par exemple, plutôt chez les députés que chez les sénateurs. On songe ici à Robert Lacoste, Albert Gazier et Christian Pineau qui eurent un destin national sous la IVe République. Une quinzaine de cadres de ce type furent élus, car il avait fallu trouver des figures connues pour les campagnes électorales. Et de fait, le recrutement des nouveaux se fit pour beaucoup dans « l’espace » proche36. Quoi qu’il en soit, le mode de fonctionnement du Parlement et, surtout, les règles disciplinaires contraignantes du groupe parlementaire assuraient un encadrement suffisant pour éviter des dérapages.
Fig. 6 – Origine politique des responsables socialistes à la Libération.

1. origine non connue
2. nouveaux cadres
3. cadres SFIO avant 1940
4. secrétaires fédéraux avant 1940
5. dirigeants nationaux avant 1940
32L’engagement résistant des socialistes se traduisit donc par un faible recrutement externe de dirigeants et par une forte promotion de petits et moyens cadres d’avant-guerre. Ce constat brutal, qui contraste avec le discours officiel sur un parti « rénové », invite à comprendre les causes de léchec des tentatives d’élargissement et ses conséquences dans les années 1944-1948.
Un élargissement limité
Un réel regroupement de la famille socialiste ?
33Si la Résistance avait définitivement consommé le divorce entre les paul-fauristes convaincus et les autres, elle avait – à l’inverse – rapproché d’anciennes tendances frappées d’exclusion et marginalisées par la scission. La Libération constitua ainsi un des rares moments de réunification de la famille socialiste. Au congrès de novembre 1944, sous les applaudissements des délégués, Daniel Mayer affirmait que, dans le « grand parti républicain patriote et fraternel » dont il avait rêvé, « les disciples de Renaudel et ceux de la Gauche révolutionnaire », unis dans un « grand rassemblement, à la fois républicain et révolutionnaire groupant l’ensemble de ceux qui veulent travailler à la transformation économique et sociale, sans perdre un seul instant le souci de la notion de liberté »37 avaient de nouveau leur place. Avec Paul Ramadier, revinrent à la SFIO Joseph Paul-Boncour, Max Hymans et une poignée de notables qui confortèrent l’assise électorale du Parti. S’ils n’apportaient guère de sang neuf, ils étaient des hommes pragmatiques et éloignés de tout doctrinalisme – et quelque peu suspects pour cela. Marceau Pivert ne réintégra la SFIO qu’en 1946 mais nombre de ses disciples l’avaient précédé et avaient repris pour lui la fédération de la Seine. On trouve encore des pivertistes à des postes de direction dans l’Ain, le Cher, le Nord, le Rhône, etc.
34En revanche, pour la première fois depuis la scission de 1920, la SFIO n’attira pas de cadres communistes en rupture de banc. On ne peut guère citer que les cas de Gilbert Zaksas de la Haute-Garonne, anciens responsables des Jeunesses communistes locales, et René Nicod, parlementaire de l’Ain, qui quitta le PCF au moment du pacte germano-soviétique. Dans ces deux cas, le PCF en fit un casus belli, jusqu’à la tribune de l’Assemblée consultative où il tenta de faire invalider Nicod. Au contraire, le PCF – à l’apogée de son histoire – sut récupérer une partie des cadres socialistes dès la clandestinité ou à la Libération. Les figures les plus connues furent Michel Zunino, un des « 80 », qui siégea à la direction du Front national, et Jean Zyromski.
35La SFIO eut enfin une faible faculté d’attraction sur sa droite, alors qu’il a souvent été dit qu’à la base elle prenait la place du parti radical. Deux députés radicaux d’origine adhérèrent au moment de la Libération, Maurice Montel du Cantal, un des « 80 », et Émile Poirault des Deux-Sèvres38. S’il y eut une réunification de la famille socialiste, elle fut limitée et ne permit pas l’élargissement aux courants de la Résistance.
L’échec d’une Fédération de la Résistance
36Sous l’Occupation, les mouvements étaient en concurrence directe avec le Parti socialiste clandestin puisqu’ils recrutaient dans les mêmes milieux et se fondaient sur les mêmes valeurs morales et spirituelles. Afin de ne pas diviser la Résistance et parce qu’il ne lui était guère possible de renverser le cours des choses, le CAS décida de « verser » les socialistes dans les mouvements et réseaux39. A la Libération, Georges Izard et Henri Ribière – respectivement secrétaires généraux de l’OCM et de Libération-Nord – furent chargés des négociations afin de constituer une « fédération des socialistes et socialisants de la Résistance », sorte de Front national du Parti socialiste capable de faire pendant à celui du PCF. Les travaux de Marc Sadoun ont montré comment la création d’un parti travailliste échoua, alors que le principe d’un regroupement politique était admis. Le parti n’était plus disposé à faire les concessions doctrinales nécessaires à l’intégration des éléments peu orthodoxes de la Résistance. Mais il convient d’insister, ici, sur le décalage entre les aspirations à un renouveau de la vie politique et les frilosités qui conduisirent à un repli sur soi. Déjà en novembre 1944, André Philip, qui était également membre du Comité directeur du MLN, avait émis quelques réserves. S’il appelait à constituer des listes communes pour les futures élections municipales et envisageait une fusion ultérieure, il mettait en garde contre les risques d’un débordement par les classes moyennes et d’une perte de substance doctrinale40. Lors du congrès d’août 1945, Roger Priou-Valjean, Georges Izard, Henri Ribière et Daniel Mayer plaidèrent en faveur de l’unité d’action avec l’Union démocratique et socialiste de la résistance, à défaut de l’unité organique41. Se défendant de toute manœuvre anticommuniste, ils y voyaient un « immense réservoir » et le moyen de rallier en particulier tous les jeunes résistants, sans aucune expérience politique, et qui ne souhaitaient pas adhérer au PCF. Mais plusieurs secrétaires fédéraux exprimèrent leurs réticences envers des forces qu’ils jugeaient douteuses voire réactionnaires. Les conséquences de l’échec furent à la hauteur des espérances suscitées par ce projet ; le Parti ne réussit ni à impulser le rajeunissement de ses troupes ni à les renouveler. De sorte que les figures emblématiques de cette tentative d’élargissement furent peu nombreuses et se trouvaient essentiellement dans le groupe parlementaire et non dans les fédérations. En outre, si certains jouèrent un rôle éminent dans le Parti socialiste, comme Alain Savary (FFL), Christian Pineau ou Robert Lacoste (Libération-Nord), d’autres, tels Georges Gorse (FFL), Robert Salmon et Daniel Jurgensen (Défense de la France) disparurent de l’avant-scène.
37Et Claude Bourdet put conclure :
« Alors que nous avons vu, après cet échec, la Résistance socialisante s’effilocher, et glisser vers les compromissions, et le Parti socialiste redevenir rapidement un vieux parti sclérosé, on peut imaginer qu’un parti vraiment nouveau aurait vu le jour, changeant les conditions d’après guerre »42
L’évolution de l’encadrement de la Libération à la Guerre froide
38Du fait de cet échec, à la Libération, la SFIO manqua cruellement de dirigeants, de théoriciens et de techniciens, alors même qu’elle connaissait un afflux momentané de nouveaux adhérents sans expérience qu’il fallait encadrer. Puis jusqu’à la fin de 1947, se succédèrent sept élections qui furent autant de motifs de tensions et de sélections au sein de l’appareil car les résultats ne cessaient de se détériorer. Le Parti se déchira de nouveau entre tendances et, en août 1946, la direction née de la Résistance, représentée par Daniel Mayer, fut désavouée. Une contraction spectaculaire des effectifs s’amorça, laissant exangue plus de la moitié des fédérations43. Une nouvelle fois, les JS furent dissoutes en 1947 et deux scissions privèrent l’aile gauche, qui avait porté Guy Mollet au pouvoir, d’une partie de ses troupes. Ces chocs se répercutèrent sur l’encadrement du Parti. A propos de ce congrès d’août 1946, « une revanche des attentistes » fut souvent évoquée : que resta-t-il, réellement, des dirigeants issus de la Résistance les années suivantes ?
39Tout d’abord, on peut observer un deuxième renouvellement du personnel dirigeant durant les années 1946-1948. Il est surtout visible au Comité directeur : en 1946, dix-huit nouveaux membres furent élus (sur trente et un), huit l’année suivante et sept encore en 1948. Cette dernière année, il resta dix membres du comité directeur de la Libération et trois membres de la CAP d’avant-guerre – dont deux suppléants44 – alors qu’ils étaient neuf en 1944. La direction du Parti se stabilisa à partir de 1949 seulement. Le groupe parlementaire socialiste, qui diminua à chaque scrutin d’octobre 1945 à novembre 1946, se renouvela moins profondément. Les échecs face au suffrage universel n’expliquent pas à eux seuls ces changements, car deux autres facteurs s’ajoutèrent. D’une part, certains élus furent éliminés par la procédure de sélection interne. Dans le Cantal, Jacques Meyniel fut désigné aux dépens de Maurice Montel en juin 1946, puis évincé à son tour, pour l’investiture SFIO, par Géraud Jouve. D’autre part, le manque de motivation de certains élus de la Libération les conduisit à ne pas se représenter. Ils avaient accepté leur mandat plus pour combler les vides que par vocation. Citons, ici, trois exemples extrêmes : René Naegelen et André Maudet démissionnèrent en septembre 1946. Jean Courtois refusa de se représenter et expliqua son rejet de l’activité parlementaire à des militants du département voisin qui sollicitaient sa candidature. Ils continuaient cependant à militer très activement, le premier dirigeant Le Populaire, le second administrant sa ville de Saintes et le troisième cumulant les fonctions de secrétaire fédéral avec celles de secrétaire du groupe parlementaire, de membre du Comité directeur et de responsable adulte des Jeunesses socialistes.
40Le personnel fédéral, quant à lui, fut très instable dès la Libération. C’est d’avantage le retour des militants déplacés, des prisonniers et déportés et l’entrée de secrétaires fédéraux au Parlement qui constituèrent les principales causes de ces changements entre 1944 et 1946, plus que des désaccords politiques. Mais le phénomène s’accentua encore durant les années 1946-194845. Au total, il y eut au moins cent quatre vint trois secrétaires fédéraux pour quatre vingt dix départements métropolitains sur quatre ans. Si la moyenne n’est que de deux par département, elle recouvre une grande disparité, correspondant à une stabilité réelle de la plupart des grosses fédérations, et une instabilité chronique pour la plupart des petites. Rares furent les secrétaires d’avant-guerre à se maintenir jusqu’en 1948. Alors que trente et un d’entre eux avaient franchi le cap de l’Occupation, neuf seulement restaient à leur poste en 1948. Ce fut donc un dixième de l’effectif qui demeura en fonction sur la décennie. Et parmi ceux qui avaient été en poste en 1945, seulement vingt-neuf sur quatre-vingt-dix étaient encore en place trois ans plus tard. L’apparente continuité des années 1944- 1945 était donc une transition, tant pour la direction que pour le personnel fédéral.
41Malgré ces évolutions, l’identité résistante ne fut pas érodée, tout au plus se modifia-t-elle quelque peu. Les bouleversements de l’encadrement ne diminuèrent pas, ou peu, la part des résistants. Ainsi, quarante-quatre des quarante-six membres qui se succédèrent au Comité directeur entre 1946 et 1948 avaient leur brevet de résistance, les deux derniers (Marceau Pivert et Oreste Rosenfeld) étant empêchés, l’un exilé au Mexique, l’autre prisonnier en Allemagne. Par contre, les parts respectives du CAS et des mouvements de Résistance étaient moins déséquilibrées qu’en 1945. Ainsi Guy Mollet de l’OCM, Pierre Commin de « Ceux de la Résistance », André Ferrat de Franc-Tireur peuvent être cités. Mais on se gardera de conclure à une revanche des résistants socialistes sur les socialistes résistants. Parmi ceux qui appuyèrent Guy Mollet et qui entrèrent alors au Comité directeur, certains avaient en effet milité dans le mouvement socialiste clandestin comme Georges Brutelle, Léon Boutbien, Henri Malacrida ou Georges Rougeron. Si le nouveau Comité directeur était plus diversifié, il n éliminait pas pour autant la direction clandestine. Le maintien de l’identité résistante est aussi avéré au groupe parlementaire, où l’on note tout au plus un léger effritement d’un groupe à l’autre, guère significatif46. Il en est de même pour les secrétaires fédéraux47 où l’on note toutefois le retour de cinq secrétaires fédéraux d’avant guerre, avec Marceau Pivert mais aussi quatre « attentistes », Armand Gonthier (Alpes-Maritimes) Pierre Lamarque (Haute-Marne), Benoît Roiron (Loire) et Charles Vêque (Côte-d’Or), ces derniers officiant dans de petites fédérations où sévissait durement la crise de l’encadrement.
Un vieillissement accentué
42Entre 1946 et 1948, l’évolution la plus lourde de conséquences fut l’accentuation du vieillissement du Parti et la pénurie des cadres. De nombreux jeunes résistants avaient adhéré aux JS qui comptèrent ainsi près de 35000 membres en 1945. Après leur disparition en juin 1940, le PS clandestin n’avait pas cherché à reconstituer des Jeunesses largement acquises aux paul-fauristes. Toutefois, le 13 septembre 1944, une équipe provisoire fut chargée de la réorganisation nationale qui, en pratique, se fit au coup par coup. Ainsi, à Grenoble, les JS profitèrent de l’occupation du siège du Mouvement de la Libération Nationale, et à Paris, des locaux réquisitionnés du journal Le Matin... Le 13 octobre 1944, dans le premier numéro de son organe, Jeunesse, Roger Priou-Valjean, capitaine FFI et secrétaire à la propagande de la Seine, avait salué : « l’appoint de cette jeunesse ardente ». En novembre 1944, la reconstitution des JS avait donc été confiée, à un secrétaire général jeune, Pierre-Robert Alexandre, doublé d’un secrétaire-général adulte, Roger Mistral. Celui-ci voulait former des cadres – et acceptait donc de laisser une large initiative aux jeunesses, sans qu’elles puissent toutefois s’immiscer dans les questions de politique générale qui relevaient du Parti48. Leur engagement devait s’inscrire dans un champ d’action très limité, et leur obéissance aux adultes devait être entière. La suprématie de l’expérience et de l’ancienneté du militant aguerri l’emportait et ne permettait pas de concevoir le jeune militant comme une force d’action immédiate. Ainsi en janvier 1945, la SFIO se prononça contre le droit de vote à 18 ans. Or, cette attitude se trouvait d’autant plus en porte-à-faux que la plupart de ces jeunes avaient pris des risques, voire endossé de lourdes responsabilités, à Libération-Nord ou, pour la plupart, au sein de l’Organisation Combattante des Mouvements de Jeunesse (OCMJ) qui fusionna en partie avec les JS en novembre 1945. Ces jeunes, issus pour la plupart de la Résistance, ne pouvaient admettre que l’éducation prime sur l’action et lorsque le Comité directeur sanctionna la direction des JS, accusée de trotskisme en juin 1947, la scission laissa les JS exangues avec à peine 2000 adhérents en 1948. La SFIO avait manqué l’occasion de puiser dans les forces vives de la Résistance en rajeunissant ses troupes. Et, si le groupe parlementaire de 1945 était plus jeune que celui de 1936, les groupes socialistes ultérieurs ne cessèrent de vieillir sensiblement durant toute la IVe république, contribuant à détériorer l’image du Parti.
43L’absence de sang neuf et la crise des JS concoururent à un vieillissement rapide du personnel dirigeant du parti qui, à terme, ne disposa plus d’un vivier où se ressourcer.
44En 1944, le Parti ne put tirer un bénéfice moral du sacrifice des siens tombés du fait de la répression, parce que la dispersion des résistants socialistes dans les mouvements et réseaux avait rendu peu lisible l’action des socialistes résistants. En outre, cette hécatombe de cadres fut aggravée par des mesures d’épuration rigoureuses au sommet qui, contrairement à ce qu’espérait la nouvelle direction, ne purent restaurer l’image peu flatteuse du Parti dans l’opinion, en particulier chez les jeunes. A cette réduction des effectifs s’ajouta une mauvaise représentation de la diversité de la résistance socialiste dans la mesure où le Parti socialiste clandestin sembla être privilégié en 1944-1946. Ce décalage provoqua des tensions qui expliquent – en partie – les réglements de comptes du congrès de 1946 et le renversement du secrétariat général de Daniel Mayer. La Résistance fut néanmoins un réel facteur de promotion interne, surtout pour ceux qui capitalisaient une certaine expérience ; le groupe parlementaire apparut comme le plus ouvert, à la fois par pragmatisme électoral et parce qu’il était régi par une stricte discipline. La volonté d’élargissement, qui s’exprima avec force dans la clandestinité et à la Libération, ne put trouver de réalisation concrète avec une Fédération des socialistes et socialisants de la Résistance. Cet échec fut d’autant plus grave qu’au-delà d’une éphémère réunification, les rivalités chroniques entre tendances réapparurent avec la scission des Jeunesses en 1947 et le départ de l’Action socialiste révolutionnaire et de la Bataille socialiste à la fin de la période étudiée ici. Le rajeunissement des cadres et leur renouvellement ne pouvaient donc être amorcés, ce qui constitua un handicap patent dans les années cinquante. Néanmoins, même si les militants socialistes réagirent différemment à la CED et au retour du général de Gaulle en 1958, tous se fondaient sur les valeurs communes de la Résistance. L’engagement résistant marqua donc de manière indélébile les parcours et la culture des hommes de la SFIO de la IVe République et au-delà.
Notes de bas de page
1 Nouvelle série du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (sous la direction de Claude Pennetier).
2 Dans son étude sur L’épuration française, (Paris, Balland, 1985, p. 178) Peter Novick concluait qu’aucun autre parti mena une épuration comparable, par sa rigueur, à celle réalisée par la SFIO.
3 Dans nos calculs, nous n’avons pas tenu compte du décès de ceux qui auraient été épurés, comme le collaborateur Georges Barthélémy, abattu en 1944.
4 « Bilan trois ans après la reconstitution... », Circulaire aux secrétaires régionaux et départementaux, (s.d.), AN, 72AJ/3, réf. XII, dossier « Circulaires aux secrétaires régionaux et départementaux ».
5 Congrès national extraordinaire des cadres des fédérations socialistes réconstituées dans la Résistance, Paris, 9-12 novembre 1944, sténotypie, p. 44.
6 Idem, p. 152 et 155.
7 Expression employée par Daniel Mayer, idem, p. 26.
8 Cf. Marc Sadoun, Les socialistes sous l’Occupation, Paris, Presses de la FNSP, 1982, p. 35.
9 Idem, p. 228.
10 « Ce qu’est, ce que veut le P.S. », Le Populaire du Midi, n° spécial du 15 janvier 1944, AN, 72AJ/3, réf. XII.
11 Bulletin intérieur de documentation et d’études, n° 1, octobre 1943, AN, 72AJ/3, réf. XII.
12 Le regroupement socialiste à la Libération du territoire (s.d.), AN, 72AJ/3, réf. XII, dossier « Projets, rapports et manifestes ».
13 Bulletin intérieur de documentation et d’études, n° 1, octobre 1943, op. cit.
14 Marc Sadoun, op. cit., p. 115.
15 Témoignage de Robert Verdier à Marie Granet du 6 janvier 1949, AN, 72AJ/70, Ail.
16 Conférence des secrétaires fédéraux du Parti socialiste SFIO, 20 mai 1945, sténotypie, p. 217-218.
17 Idem, p. 236.
18 Voir supra, Frédéric Cépède, « L’identité du Parti socialiste, permanences et ruptures ».
19 « La répression redouble... », Circulaire aux secrétaires régionaux et départementaux (s.d.), AN, 72AJ/3 réf. XII, dossier « Circulaires aux secrétaires régionaux et départementaux ».
20 « Le comité exécutif croit devoir attirer l’attention de tous les secrétaires départementaux sur le fait extrêmement grave que cela représenterait pour notre organisation. Celle-ci doit être absolument pure. Pour cela, elle doit demeurer sévère, et seul un congrès souverain pourra se prononcer sur le cas de litige », Circulaire aux secrétaires régionaux et départementaux (s.d.), AN, 72AJ/70, BII, Documentation remise par Robert Verdier.
21 On note des paul-fauristes : Théo Bretin, Maurice Caille, Châtignon, Jules Granvallet, Maurice Paz et Robert Prieur ; des collaborationnistes : René Château et Francis Desphilippon.
22 Il s’agit de Gaston Allemane, René Arbeltier, Sylvain Blanchet, Max Hymans, Paul Lambin, André Pringolliet, Camille Riffaterre, Charles Saint-Venant, et Louis Sibué (« oui ») ; André Dupont (Massilia) ; Pétrus Faure et Charles Lussy (abstention). Congrès national extraordinaire..., 9-12 novembre 1944, sténotypie, op. cit., p. 728-729 et « Annexe au procès-verbal de la séance du mercredi 10 juillet 1940 », Annales de l’Assemblée nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1940, p. 826-828.
23 Congrès national extraordinaire..., 9-12 novembre 1944, sténotypie, op. cit., p. 792 et p. 795.
24 Par ordre d’examen, François Blancho, Albert Rivière, Joseph Lagrosillière, Jean-Marie Thomas et Georges Monnet, demeurèrent exclus à cette date. Les douze suspensions évoquées plus haut ne furent pas révisées.
25 Il s’agit de Kléber Beaugrand (Loir-et-Cher) ; François Blancho (Loire Inférieure) ; René Boudet (Allier) ; Léon Betoulle, Gabriel Debrégeas, Eugène Nicolas (Haute-Vienne), Ernest Esparbès (Haute-Garonne) ; Louis Fieu (Tarn) ; Toussaint Franchi (Bouches-du-Rhône) ; Albert Rivière (Creuse) ; Hubert Rouger (Gard) ; André Février (Rhône), auxquels il faut ajouter Arsène Gros du Jura en mai. Cf. Conseil national des 25 et 26 février 1950, sténotypie.
26 Quelques uns furent réintégrés plus tardivement : Maxence Roldes (décembre 1951), Armand Chouffet et Marius Dubois (février 1956).
27 Cette révision à la hausse du nombre de résistants est l’un des apports de l’enquête prosopographique. Elle permet de retrouver des militants qui avaient été mutés par Vichy ou qui s’étaient réfugiés dans d’autres départements, et dont le parcours résistant demeura inconnu dans leur fédération d’origine. Ainsi L. Bergès, secrétaire fédéral de l’Ariège qui, déplacé dans les Pyrénées-Orientales, fut résistant dans ce département.
28 Nous préférons la notion d’accommodement telle que l’a développée Philippe Burrin à celle d’attentisme. Cf. Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, Paris, Seuil, 1995.
29 Congrès national extraordinaire..., 9-12 novembre 1944, sténotypie, op. cit., p. 629.
30 Citons Félix Gouin, Jean Biondi, Augustin Malroux pour le groupe, Edouard Depreux pour la CAP, et parmi les secrétaires fédéraux Alfred Bernard (Indre-et-Loire), mort en déportation, et Jean-Baptiste Calvelli (Bouches-du-Rhône), lui aussi déporté.
31 Les autres étaient Salomon Grumbach et Marins Moutet, empêchés, et Marcel-Edmond Naegelen, qui administra les réfugiés alsaciens dans le Sud.
32 Des résistants de premier plan ne franchirent pas l’obstacle des élections cantonales ou législatives de l’automne 1945 et se retirèrent rapidement, comme Gabriel Thierry dans la Marne, Pierre Gauthé de la Nièvre ou Georges Delaunay de la Vienne, pour s’en tenir à quelques présidents de CDL.
33 Deixonne illustre par ailleurs un autre phénomène : la pénurie de cadres locaux qui obligea parfois à avoir recours à des militants extérieurs au département. Ancien secrétaire fédéral du Cantal, il fut appelé dans le Tarn. De même, Georges Archidice, chef regional de l’Armée secrète, passa du Lot au Lot-et-Garonne. Tous deux se firent rapidement élire dans leur nouveau département. Nous avons aussi relevé une dizaine de transferts chez les secrétaires fédéraux à la Libération.
34 Un tiers de ceux en poste avant la guerre retrouvèrent leur place à la Libération, sans oublier d’autres militants ayant exercé dans le passé des responsabilités nationales (membres de la CAP, anciens parlementaires ou secrétaires fédéraux).
35 On citera ainsi, pour mémoire, Paul Débauges, secrétaire fédéral adjoint de la Haute-Garonne et délégué au congrès de novembre 1944, qui rejoignit le CAS dans la clandestinité au début 1942. Voir encore les études locales dans Recherche Socialiste n° 4, octobre 1998.
36 Cf. infra, Gilles Morin, « Espace et réseaux socialistes ».
37 Congrès national extraordinaire..., 9-12 novembre 1944, sténotypie, op. cit., p. 57.
38 A un niveau de responsabilité moindre, elle attira des élus dans quelques départements, comme les Côtes-du-Nord. Ainsi, à ce jour, sur plus de 850 élus socialistes, nous avons repéré 24 conseillers généraux d’origine radicale, élus sous étiquette socialiste à la Libération.
39 Daniel Mayer, Les socialistes dans la Résistance, Paris, PUF, 1968, p. 66-68.
40 Congrès national extraordinaire..., 9-12 novembre 1944, sténotypie, op. cit., p. 537-540.
41 37e Congrès national du Parti socialiste SFIO, Paris, 11-15 août 1945, sténotypie, p. 438- 439, 448, 450-454 et 461.
42 Claude Bourdet, L’aventure incertaine, Paris, Stock, 1975, p. 179.
43 Sur l’évolution des effectifs et des résultats électoraux, voir Gilles Morin, De l’opposition socialiste à la guerre d’Algérie au Parti socialiste autonome, Thèse, Université de Paris 1,1992, chapitre 1.
44 Marceau Pivert de retour à la direction en 1947, Edouard Depreux qui était suppléant en 1939 et Pierre Commin, suppléant l’année précédente. Salomon Grumbach et Augustin Laurent revinrent au comité directeur après un retrait provisoire en 1948.
45 Si l’on exclu l’outre-mer, nous avons compté 123 fédéraux pour 90 départements de 1944 à la mi-1946, puis 173 du congrès d’août 1946 à la fin 1948. Du fait de l’inégalité des sources, quelques-uns ont pu nous échapper.
46 Le groupe d’octobre 1945 comprenait 90,6 % de résistants, celui de juin 1946, 85,5 % et celui de novembre 1946 encore 85 %.
47 Le personnel fédéral de 1948 est moins bien connu. Nous connaissons l’activité de 59 secrétaire fédéraux de 1948 durant l’Occupation : 50 furent résistants, 4 « attentistes », 4 prisonniers, 1 empêché (Pivert).
48 Bulletin national intérieur, jeunesses socialistes, n° 1, décembre 1944.
Auteurs
Professeur agrégée à l’IUFM de Versailles.
Chercheur au Centre d’histoire sociale du xxe siècle, Université de Paris 1, upresa-CNRS 8058.
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Maurice Halbwachs
Espaces, mémoire et psychologie collective
Yves Déloye et Claudine Haroche (dir.)
2004
Gouvernement des juges et démocratie
Séverine Brondel, Norbert Foulquier et Luc Heuschling (dir.)
2001
Le parti socialiste entre Résistance et République
Serge Berstein, Frédéric Cépède, Gilles Morin et al. (dir.)
2001