L’idée socialiste en 1945
p. 15-22
Texte intégral
Socialisme de l’opinion ou socialisme des socialistes ?
1Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les socialistes se trouvent dans une situation paradoxale. Le Parti socialiste a choisi une voie de reconstruction quasiment à l’identique de la SFIO d’avant-guerre. Cela ne le met pas en situation favorable face à la concurrence d’un communisme qui le surclasse largement en prestige, en force de frappe militante, et – de peu encore – en voix sur le terrain électoral. Par contre, il existe une aspiration très marquée à un remodelage de la société sur des bases « socialistes » au sens large, tournant le dos à un capitalisme largement délégitimé et à un totalitarisme dont l’immense majorité de la population et des intellectuels ne veut à aucun prix. On retrouve donc un fort courant d’opinion social-démocrate bien au-delà des frontières du Parti socialiste, ce que Jean Rous, revenant sur cette époque dira à sa manière :
« A la Libération un formidable courant de gauche, né de la base pendant la Résistance, permettait d’espérer que la France pourrait se lancer dans la voie du capitalisme d’État démocratique »1
Tous les chemins mènent à Rome
2L’idéologie socialiste semble en effet, à la Libération, être « maîtresse de l’heure ». Les causes en sont multiples : il y a le prestige de l’URSS victorieuse, qui rejaillit sur tout ce qui peut évoquer ce qu’un Hayek, inquiet de voir les démocraties prendre la « route de la servitude », appellera le « constructivisme », c’est-à-dire l’effort conscient de mode- 1er une société selon les principes de la Raison. Le saint-simonisme des technocrates qui reconstruisent la France en découle également. On peut aussi constater que l’idée socialiste, au sens le plus général, bénéficie alors des retombées de Stalingrad, tout comme, après 1989, elle devra affronter les effets négatifs de l’écroulement du Mur de Berlin. Le capitalisme libéral, tenu pour avoir été « gros » des fascismes (chez Jaurès et en 1914-18, c’était de la guerre...), semble voué à une extinction prochaine. Enfin, il faut tenir compte du virage de la pensée chrétienne qui retrouve les aspirations de 1848. Enfin, last but not least la recherche d’un « socialisme humaniste » est le plus petit commun dénominateur d’une intelligentsia qui cherche les voies de sa propre reconstruction. Observateur sagace, Albert Camus constate de son côté qu’« une doctrine socialiste est en train de prendre corps dans de larges fractions de l’opinion publique... » et que « de Mauriac à Jurgensen, tout le monde, en France, est ou se dit socialiste ». Camus voit bien que derrière ce « tout-socialiste », il y a une aspiration réelle à la conciliation de la justice et de la liberté, un recul devant les perspectives totalitaires où les communistes, au nom du socialisme eux aussi, voudraient entraîner le pays2. Et de fait, Jean-Paul Sartre lui-même se réclame à la Libération d’un socialisme compatible avec la liberté individuelle (son « réseau » ne se dénommait-il pas, en 1941, « Socialisme et Liberté »), tout comme son « petit camarade » Raymond Aron. Ce dernier, il est vrai – contrairement à l’auteur de L’Etre et le Néant – a un passé socialiste avec lequel il n’a pas encore totalement rompu... Mais, il n’y a pas que les équipes des Temps modernes ou de Combat à professer ce pansocialisme démocratique. Venus de tous autres horizons, les philosophes catholiques Jacques Maritain et Emmanuel Mounier ne sont pas en reste. Le premier affirme que « la France est mûre pour le socialisme ». Le second cite Jaurès, qui ne faisait pas partie de son panthéon, en décembre 1944. On pourrait multiplier les exemples. Car l’idée d’une inéluctabilité du socialisme, la conviction que l’ère bourgeoise s’achève, touche – c’est là un fait nouveau – des milieux croyants d’une importance significative (et qui ont appris à lire Hegel, voire Marx !). Dans ces milieux comme dans ce qui reste de la tradition anarcho-syndicaliste, mais aussi chez les sociologues proudhoniens ou marxistes qui s’installent dans les labos du CNRS sous l’emblème des enquêtes industrielles « à l’américaine », on est persuadé qu’une nouvelle civilisation, dite « du travail » est en train de se dégager des ruines de la guerre, qui sont aussi celles de l’âge capitaliste. Tandis que, dans le droit fil des réflexions de l’« Ordre nouveau » des années Trente, Alexandre Marc chante L’avènement de la France ouvrière, l’ex-ouvrier Georges Navel obtient le Prix Concourt pour son roman au titre significatif : Travaux.
Quelle « rénovation » ?
3Effets contradictoires de la Résistance : fondamentalisme ou hyper-révisionnisme. Tout dépend, en effet, de l’interprétation que l’on donne du ralliement de certains ci-devant socialistes à Vichy ou au nazisme. Pour certains, c’est l’infidélité aux principes de la lutte des classes, la déviation parlementaire, bref la « corruption bourgeoise » qui a entraîné l’effondrement final. On a, dès les débats qui accompagnent en 1942-1943 la reconstitution du Parti, une préfiguration des thèses de Zeev Sternhell : le « révisionnisme »– au sens de révision du matérialisme historique – comme pêché originel qui conduit aux fascismes ! Cette thèse séduit avant tout les hommes de la tradition guesdiste, les anciens de la Bataille Socialiste, les pivertistes qui font retour vers la « vieille maison », mais aussi d’anciens « non-conformistes des années Trente » avides de radicalité anticapitaliste et antiparlementaire, et elle correspond également à un certain ethos antipolitique de la Résistance. Mais ce dernier peut aussi conduire au nom des mêmes valeurs (méfiance vis-à-vis des partis, recherche de l’unité et de la vertu) à renouveler profondément la doctrine, à se débarrasser du marxisme comme théorie « de classe », à changer le programme, voire le nom du Parti. On sait assez que ce fut l’ambition d’un Pierre Brossolette, considéré pour cela comme un crypto-fasciste par certains socialistes de Londres ou d’ailleurs3.
4En réalité la question qui se pose est de savoir si le socialisme français va se ressourcer à sa racine jacobine ou s’il reste fidèle à une certaine forme d’utopie ouvriériste. Le fait qu à l’époque (en fait depuis ses origines), le communisme français (mais aussi un homme comme le Déat de la Collaboration !) ait cherché à capter à son unique profit la référence au jacobinisme ne doit pas conduire à occulter le fait que, dans la Résistance (mais peut-être de ce point de vue la Résistance commence-t-elle juste après Munich où se multiplient journaux et clubs faisant référence aux « Volontaires », à la Patrie en danger ?), revient très fortement le recours à la mémoire républicaine originelle, celle de 1792. Un Brossolette qui était toujours socialiste, un Jean Prevost qui ne l’était plus (mais jusqu’à quel point ?), un Marc Bloch sans-parti, mais ayant subi l’empreinte d’Henri de Man, un Cavaillès ou un Canguihem dont le maître à penser et à s’« engager » était Spinoza et non Marx, étaient avant tout des républicains révoltés contre ce qu’était devenu la Troisième République. L’idée socialiste, au sens de la justice sociale, d’une société rationnellement organisée était la leur autant que celle de la République. Elle anime des équipes sorties de la Résistance, à la recherche d’une politique nouvelle (Franc-Tireur, Libération-Nord, MUR) et des intellectuels groupés autour de leurs revues ou journaux divers, qu’ils veulent dégagés de la vénalité et des connivences d’avant-guerre.
Un exemple de socialisme hors-parti : André Hauriou
5Dans le livre d’André Hauriou4, juriste, résistant, fils de l’illustre (et conservateur) Maurice Hauriou, on trouve les éléments caractéristiques d’identification du socialisme à l’esprit même de la Résistance. La Résistance, qu’Hauriou envisage comme un grand mouvement « spirituel », est une force de reconstruction qui porte en elle « une Révolution, ou, plus exactement, une Renaissance ». Elle permet de dépasser les vieilles querelles françaises (antimilitarisme, antisémitisme, anticléricalisme, antimaçonnisme) et les vieilles antinomies « jouant » sur la lutte des classes, la démocratie économique ou les partis. Très proche des pamphlets-programmes des années Trente, la brochure d’André Hauriou prône, sous le label de « socialisme humaniste », la recherche d’une troisième voie entre le « tout à l’individu » et le « tout au collectif ». Tout montre qu’on est plus près, ici – la démocratie représentative en plus – d’un personnalisme façon « Ordre nouveau » d’avant-guerre que de ce que Léon Blum et Daniel Mayer entendront bientôt par « socialisme humaniste ». Il y a quelque chose de « péguyste », si on veut rester à la surface des choses, dans l’aspiration de beaucoup de résistants, chrétiens ou non, à ne pas laisser la mystique du combat antinazi se déliter en « basse » politique. Or, on le sait, le socialisme des origines (par exemple celui du jeune Victor Considerant publiant en 1834 un pamphlet anti louis-philippard intitulé La débâcle de la politique) se nourrissait exactement de la même idée, paresseusement attribuée au seul Charles Péguy : il fallait qu’une « métapolitique », d’essence scientifique, éthique, religieuse, remplace l’odieuse lutte des partis. On constate donc la continuation, à travers l’expérience de la Résistance, du retour aux sources qu’Henri de Man avait déjà tenté dans les années de l’entre-deux-guerres.
6D’autre part, malgré la création du Mouvement Républicain populaire (MRP), beaucoup d’intellectuels catholiques restent disponibles, comme le prouve, entre autres, la lecture d Esprit, pour d’autres hypothèses politiques. L’Angleterre travailliste est en particulier un modèle de changement social auquel ces milieux sont attentifs. Beaucoup de réflexions du temps de la Révolution nationale et/ ou de la Résistance vont être réinvesties dans une réflexion sur un « socialisme » moral, comme on le voit dans les écrits des économistes Jean Domarchi ou François Perroux, du philosophe Jean Lacroix, du journaliste Philippe Viannay. C’est à ces milieux que s’adresse un Léon Blum, qui a écrit des pages pleines de sympathie pour l’Église catholique dans son livre A l’échelle humaine, composé en captivité, et que l’on découvre alors.
Le cas Léon Blum
7Il y a « un cas Léon Blum » des dernières années de sa vie (1945- 1950). Ces dernières peuvent apparaître comme un retour aux sources. Il est frappant de voir qu’il ne se lie pas à la nouvelle génération d’écrivains ou de philosophes, mais cultive les vieilles amitiés du temps du Banquet ou de La Revue blanche (Gide, Thadée Natanson). Du point de vue philosophico-politique, il revient manifestement à Herr et Sembat, ses mentors et interlocuteurs d’autrefois. Il puise aussi dans un fonds personnel, ou Pascal, Retz et Stendhal tiennent une place à laquelle les classiques du socialisme ne peuvent prétendre. Il est revenu de Buchenwald convaincu qu’il fallait au Parti, comme au pays, une profonde « réforme intellectuelle et morale ». Mais il ne peut empêcher la « reconstruction à l’identique » (Léo Hamon) du Parti. Cependant, il représente une mémoire socialiste qui tend la main au xixe siècle. Il a été le disciple de Lucien Herr. Son interlocuteur favori est Marcel Cachin, parce que ce dernier est un guesdiste historique, comme Bracke-Desrousseaux. Il y a encore des Communards dans les défilés populaires en 1945, et l’Affaire est encore évoquée par des témoins directs. Or la pensée de Blum, après le sinistre été 1940, a renoué avec une thématique oubliée (ou plutôt dissimulée, enfouie ?) pendant vingt ans. Léon Blum n’a peut-être jamais été marxiste au fond de son coeur, mais il a volontairement tenu compte, tout au long de la période qui va du Congrès de Tours à la Guerre, de ce qu’il nommera en juin 1945 le « qu’en-dira-t-on communiste ». Véritable « marrane » du socialisme, il sacrifie peut-être son intime conviction, qui le poussait plus vers une conception morale et quasi-religieuse, à la crédibilité de la « vieille maison » parmi les masses ouvrières, sensibles à l’utopie soviétique. Comme le montre bien Ilan Greilsammer5, l’auteur de La réforme gouvernementale a manifesté un intérêt constant pour la rationalisation industrielle, le modèle de l’entreprise, et a toujours inscrit son action dans le cadre de la démocratie libérale. Il apparaît donc que les années de captivité, où il est libre de tout souci d’appareil, lui ont permis de prendre de la hauteur et de dire clairement des choses essentielles qui seraient malaisément passées dans un éditorial du Populaire. Ce n’est pas que le thème, déjà jauressien, du socialisme comme « religion civile » (nous empruntons cette excellente caractérisation à Ilan Greilsammer), soit nouveau dans l’œuvre de Léon Blum. Il suffit de relire Pour être socialiste (1919) afin de s’en convaincre. Mais c’est à l’égard du Parti communiste et de la théorie marxiste que le vieux leader retrouve une liberté de ton toute nouvelle. Certes, il avait écrit en 1900 : « Nul n’ignore parmi les socialistes réfléchis que la métaphysique de Marx est médiocre, que sa doctrine économique rompt une de ses mailles chaque jour ». C’était là le fruit de l’enseignement de Herr et d’Andler, accueilli avec jubilation dans le milieu anarchiste de La Revue Blanche. Quelques années plus tard, à la fureur d’un Péguy, il ne sera plus séant de le dire ou de l’écrire publiquement, « unité » oblige... Sans doute le « révisionnisme » de Blum va-t-il plus loin, après tant de décennies de luttes et de réflexions, qu’une simple critique des « erreurs » de Marx. Comme Bruno Trentin l’avait fait remarquer il y a déjà longtemps6, Blum préface élogieusement L’ère des organisateurs de James Burnham en 1946. Il accepte la théorie burnhamienne des « directeurs » d’entreprise, qui remplacent les patrons privés, ce qui transforme insidieusement le capitalisme concurrentiel en « bureaucratie » monopolistique. Guy Mollet bientôt adoptera la même attitude, intéressée, envers les thèses du publiciste américain. Si l’on ajoute qu’à la même époque des militants trotskistes inconnus lisent Burnham (ils ont pour nom Cornélius Castoriadis, Claude Lefort), on se convaincra qu’un tournant est en train de se produire. L’Union soviétique, malgré les apparences, n’incarne plus à elle seule le « socialisme réel », comme on dira bien plus tard. Le capitalisme américain, pour le meilleur ou pour le pire, représente désormais une version possible de l’éternelle Utopie organisatrice et rationnalisatrice. Le Plan existe au cœur de la reconstruction française, au moins comme mythe sorelien, et des hommes comme Alfred Sauvy (qui ne perd aucune occasion à cette époque pour proclamer sa foi « dirigiste ») ou Charles Bettelheim en sont les grands théoriciens-praticiens. On a donc des raisons de penser que l’idée social-démocrate est capable à l’époque de faire rêver (voir tous ces livres enthousiastes sur l’Angleterre du Labour), ce qui est une grande première...
Une tentative de rayonnement intellectuel ? La Revue socialiste
8La Revue socialiste reparaît en 1946 sous la double direction d’Ernest Labrousse et de Roger Pagosse. Roger Quilliot se souvient qu’« elle n’est guère lue que d’universitaires et d’intellectuels que regroupent les cercles Jean-Jaurès » (pp. cit. p. 231). Sans doute. Mais il faut bien constater alors que la qualité des membres de ces cercles est d’un niveau que l’on ne retrouvera jamais plus dans le Parti socialiste. Roger Quilliot cite lui-même les noms de Jean Beaufret, Georges Friedmann, Charles-André Julien et Henri Lévy-Bruhl. On peut ajouter, à la lecture des sommaires, ceux de Maurice Allais, Jean Hippolyte ou Maximilien Rubel. Il y a aussi des noms qui ne passent pas inaperçus, tant ils sont significatifs d’une évidence, à savoir que 1946 est plus près des temps de l’Affaire, de l’unité socialiste, des Universités populaires que nous le sommes nous-mêmes de la Libération. Il y a dans les séries de La Revue socialiste un parfum de « socialisme universitaire » et de « syndicalisme » tout à fait repérable. Les noms de Maxime Leroy, d’Edouard Dolléans voisinent avec ceux de vieux compagnons de Jaurès, déjà cités plus haut. Mais la génération des années Trente n’est pas absente. On peut trouver exemplaire de lire dans les pages de la revue un débat sur le « matérialisme dialectique » ou s’affrontent deux bretteurs au passé déjà chargé, l’ex-trotskiste Jean Rous et l’expersonnaliste Georges Izard, devenus tous deux, non sans arrière-pensées, membres du Parti. Enfin La Revue socialiste n’est pas absente des débats de l’époque, comme celui qui fait rage autour de la nature (« réactionnaire » ? ; « progressiste » ?) de l’existentialisme. Les intellectuels socialistes prennent également part au débat sur « la nature de l’URSS » (voir l’article de Boris Nicolaevski en décembre 1947 : « Nature de l’État Soviétique : capitalisme ?, socialisme ?, ou quoi ? »), malgré une certaine timidité à aborder la question du communisme. Il est vrai que ce sont les trotskistes qui s’en chargeront, en s’efforçant de maintenir en vie l’idée révolutionnaire, et de lui subordonner l’idée socialiste (voir, outre ceux de Rous, les témoignages d’Yvan Craipeau).
9Il y a en effet un vide, à cause de la disparition de nombreux intellectuels ayant fait le « mauvais choix » au moment de Munich ou de l’Occupation. Le trotskisme, ou un certain gauchisme diffus, était déjà fort avant-guerre chez les étudiants. En 1945, il a d’autant plus le vent en poupe que les intellectuels français (Sartre et Mounier les premiers !) considèrent que si l’URSS n’est pas vraiment un idéal réalisé, les États-Unis d’Amérique représentent la quintessence du mal. Les communistes sont donc, chez les existentialistes ou personnalistes comme pour les disciples du « Vieux », des partenaires incontournables, et le marxisme (Sartre ne l’exprimera, on le sait, qu’en 1957) un « horizon indépassable ». La Revue socialiste reflète manifestement, par son marxisme intransigeant, les espoirs, voire les illusions du tripartisme et des retrouvailles entre les frères séparés du mouvement ouvrier, dont on ne soupçonne pas qu’elles puissent être sans lendemain. Mais puisque le socialisme français est en fait très divisé doctrinalement, (nous avons évoqué les réserves croissantes de Léon Blum sur l’« orthodoxie »), ses clivages transparaissent dans son organe théorique officieux. Cela explique l’audace « révisionniste » de certains. Ainsi le futur Prix Nobel, Maurice Allais, n’hésite-t-il pas à parler dans une longue étude sur l’avenir de l’économie française (La Revue socialiste, nos 24-25-26, janvier-février-mars 1949), de « socialisme concurrentiel », alors même que la planification chère à Charles Bettelheim est beaucoup mieux vue dans les colonnes de la revue. Toutefois cette dernière est-elle vraiment en synergie avec le Parti profond ? On peut en douter lorsqu’on lit ce que dit Roger Quilliot dans La SFIO et l’exercice du pouvoir..., concernant les plaintes des fédérations contre le type de formation théorique proposé d’en-haut. En réalité La Revue socialiste de 1946 semble, comme cela s’est souvent produit dans l’histoire de la SFIO, l’affaire d’un groupe d’intellectuels désireux d’affirmer leur attachement à des valeurs plutôt que d’influer réellement sur les choix des militants.
10L’idée socialiste démocratique a donc connu une période faste à la Libération. La guerre froide, en la soumettant au pilonnage du Parti communiste, la mettra à rude épreuve. Mais elle sortira victorieuse de cette confrontation, et résistera également à la tentative gaulliste de la marginaliser. Cela doit être dit pour considérer d’un œil neuf une époque qui n’était ni le triomphe annoncé, ni un chant du cygne.
Notes de bas de page
1 D’après Roger Gauthiez, Un homme de l’ombre, Jean Rous, Paris, Cana-Jean Offredo, 1983.
2 Cf. Combat, 23-novembre 1944 d’après Roger Quilliot, La SFIO et l’exercice du pouvoir, 1944-1958, Paris, Fayard, 1970, p. 42.
3 De son côté Henri Queuille – dans son Journal de Guerre 1943-1944, Paris, Plon, 1995 (édition établie par Hervé Bastien et Olivier Dard) – n’hésite pas à évoquer « les néofascistes Philip, Brossolette... » (p. 53).
4 André Hauriou, Vers une doctrine de la Résistance – Le socialisme humaniste, Alger, Fontaine, 1944.
5 Ilan Greilsammer, Blum, Paris, Flammarion, 1997.
6 Bruno Trentin, « L’apogée du néo-capitalisme et ses lendemains », Les Temps modernes, septembre 1962.
Auteur
-
Daniel Lindenberg
Professeur de Sciences politiques, Université de Paris 8.
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