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    Plan détaillé Texte intégral Les figures du temps politique Repérer l’architecture temporelle du politique Quitter l’histoire événementielle ? Notes de bas de page Auteur

    Science politique et interdisciplinarité

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Les temps du politique

    Yves Déloye

    p. 105-115

    Texte intégral Les figures du temps politique Repérer l’architecture temporelle du politique Quitter l’histoire événementielle ? Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Dans un article ancien, Jean Leca tente de résoudre la difficile question du « repérage du politique »1. La relecture de ce texte établit une absence : parmi les différents critères évoqués par l’auteur pour identifier le politique, celui de la temporalité n’est guère présent. Le repérage du politique s’envisage ici largement indépendamment de sa dimension historique. La référence explicite aux théories fonctionnalistes (d’inspiration marxiste ou parsonnienne) explique pour partie ce silence. Cette modalité intemporelle de repérage du politique renvoie à la volonté de la science politique de l’époque de produire des énoncés formulés en termes de propositions « logiquement universelles » (pour reprendre un terme de Karl Popper). D’où le souhait d’épurer les faits politiques ainsi repérés de toutes coordonnées spatio-temporelles afin d’accéder à ce que Jean-Claude Passeron appelle une forme « d’intelligibilité nomologique »2.

    2Depuis de nombreuses années déjà, la sociologie historique bouleverse les termes de ce débat : parce qu’elle oblige le chercheur à constamment historiciser ces raisonnements, elle l’amène à tenir compte de la « mainmorte du passé », à apprécier la persistance de ce dernier, à évaluer l’influence (sur l’action présente) des actions et configurations sociales passées. Car « le passé des relations sociales et ses sous-produits – matériel, idéologique, et autres – contraignent le présent des relations sociales »3. Parce qu’elle se veut attentive à la diversité des espaces, aux évolutions décalées, parfois discordantes, aux temporalités multiples, aux discontinuités comme aux persistances, aux effets émergents, la sociologie historique du politique entend éviter toute pensée qui tend à hypostasier l’existence du Politique avec un grand P et à y reconnaître une substance permanente (le pouvoir, la domination...). Par-là même, elle entend ériger en objet d’analyse les frontières fluctuantes et l’autonomie toujours contestée de l’espace et du temps politiques. Il s’agit donc de penser l’articulation complexe et dynamique du politique et du social, du global et du local, du présent et du passé. Pour reprendre une problématique chère à Karl Polanyi, il s’agit de penser non seulement les moments et les espaces du « désencastrement » du politique par rapport au social (au sens large : religieux, économique...), mais aussi les périodes et les secteurs où le social se réapproprie le politique. Bref de faire, certes, une histoire sociale du politique capable d’établir les logiques sociales à l’œuvre dans la vie politique mais aussi et surtout une histoire politique du social apte à identifier l’empreinte du politique sur le social. Cette double perspective est essentielle : s’interroger sur les raisons historiques et culturelles pour lesquelles un individu, une situation, un enjeu est considéré comme « politique » ; apprécier le degré d’autonomie ou, au contraire d’hétéronomie, de ce « politique » par rapport au « social » (et réciproquement). Loin de tenir son objet de l’extérieur, il s’agit donc d’interroger la manière dont nous instituons, inventons et rompons avec nos propres pratiques politiques, en essayant d’éclairer tout ce que le présent politique doit à des pratiques parfois fort anciennes. Pour autant, cette démarche n’entend pas rechercher des schémas évolutionnistes liant passé et présent de façon mécanique. Car nulle « instance » ne détient de primauté absolue. Contre le temps des chroniques et des régimes politiques, il s’agit simplement de réhabiliter la longue durée du politique. L’objectif est, en fait, de montrer que la poussière des événements est sous-tendue par une « histoire des profondeurs politiques » qui doit cesser d’aller sans dire. De démêler l’écheveau que constituent des temporalités sociales, religieuses et politiques d’âges différents, mais parfois simultanément à l’œuvre au sein d’une même société. Usant d’échelles chronologiques différentes (du rythme haletant du calendrier électoral à celui presque immobile des mentalités politiques), la sociologie historique du politique se veut donc à l’écoute de la polyphonie des temps du politique. En un mot, elle entend retrouver les intuitions d’un Alexis de Tocqueville ou d’un Marc Bloch qui n’ignoraient pas que le dialogue entre le passé et le présent est au centre de toute compréhension véritable. Et ce faisant, contribuer à une modalité nouvelle de « repérage du politique » qui renonce à l’« utopie de transcender l’histoire »4.

    3Longtemps laissée « hors du temps », la science politique éprouve encore aujourd’hui une certaine difficulté à reconnaître la légitimité de ce détour par le passé et à définir les protocoles méthodologiques qui lui permettent de prendre en considération les temporalités propres aux activités et institutions politiques5. À l’exception de quelques domaines de recherches6, son retard est ici flagrant notamment lorsqu’on compare sa situation avec celle d’autres sciences sociales, l’anthropologie par exemple7. Faire de la temporalité un critère de repérage du politique, c’est approfondir ces questionnements. C’est notamment s’interroger sur les régimes d’historicité et les modèles de temporalité pertinents pour l’étude des faits politiques. C’est aussi incidemment évoquer la question de l’autonomie du temps « politique » par rapport aux autres temps sociaux.

    Les figures du temps politique

    4Sans entreprendre ici de démonstrations trop complexes, il suffit toutefois, pour se convaincre de l’urgence d’un tel questionnement, de remarquer que le modèle braudélien des trois durées historiques n’a guère suscité de débat en science politique. Il est vrai que son application à l’étude des faits politiques pose deux problèmes. La première difficulté tient à la place que l’auteur de La Méditerranée accorde lui-même aux phénomènes politiques dans son œuvre majeure. On se souvient que l’intérêt que cet ouvrage suscita auprès de plusieurs générations d’historiens tient pour partie à son ostracisme à l’égard du politique. Ainsi, pour Pierre Chaunu, « La Méditerranée [...] c’était, merveilleuse découverte, l’espace dégagé de l’État, l’espace vrai, entendez le paysage, le dialogue donc de l’homme avec la terre, et le climat, ce séculaire combat de l’homme et des choses, sans l’écran de l’État, sans la diminutio capitis d’un cadre national avec sa géographie administrative et ses frontières »8. Comme si, pour Fernand Braudel et ses épigones, le ralentissement voire l’immobilisation du temps de l’histoire supposait sa dépolitisation. Ce que confirme encore la lecture que fait Jacques Le Goff de ce livre phare de l’après guerre : « l’histoire (politique y) est reléguée dans une troisième partie qui, loin d’être le couronnement de l’œuvre en est, je dirais presque, le débarras. D’“épine dorsale” de l’histoire, l’histoire politique en est devenue un appendice atrophié. C’est le croupion de l’histoire »9. Assimilé le plus souvent au temps court, à l’événement dont on surévalue souvent la portée, le politique est ici victime d’une condamnation qui l’engloutit : celle d’une illusoire croyance qui « laisse[rait] à penser que le destin dépend de nos volontés, que modeste ou illustre, nous faisons notre propre histoire »10.

    5La deuxième série de difficultés tient à l’architecture temporelle retenue par Braudel. Dès la préface de La Méditerranée, ce dernier retient, on le sait, un découpage ternaire largement emprunté à Gaston Roupnel. La première partie du livre (« La part du milieu ») est consacrée à la découverte d’une toute « nouvelle » dimension de l’histoire : celle structurale, très lente, « quasi immobile, celle de l’homme dans ses rapports avec le milieu qui l’entoure ; une histoire lente à s’écouler, à se transformer, faite souvent de retours insistants, de cycles sans cesse recommencés »11. À cette histoire « presque hors du temps » reposant sur des témoignages tant archéologiques que littéraires, Fernand Braudel ajoute le temps long auquel il consacre la deuxième partie de l’ouvrage (« Destins collectifs et mouvements d’ensemble »). Il s’agit du temps de l’histoire sociale, celle qui « s’intéresse à des structures sociales, donc à des mécanismes lents à s’user ». Cette deuxième durée faite de stabilité mais aussi de mouvement n’est plus appréhendée, comme la précédente, à l’aune des millénaires mais à celle du siècle dont elle trace les lignes de forces qui échappent le plus souvent à la conscience des acteurs historiques. Si, à l’intérieur de chaque « structure sociale », le temps paraît quasi stationnaire, la comparaison des structures successives permet à l’auteur de montrer que cette durée est aussi celle de changements irréversibles, aptes à transformer une structure en une autre. La dernière partie de La Méditerranée (« Les événements, la politique, les hommes ») aborde enfin une troisième durée qui était jusqu’alors la matière presque exclusive de l’histoire : celle des expériences individuelles, des événements et de la politique. Durée « ultra sensible par définition », fortement re« sentie, décrite, vécue » qui apparaît à Fernand Braudel comme largement illusoire voire « fallacieuse »12 (« une agitation de surface, les vagues que les marées soulèvent sur leur puissant mouvement »). Trop superficielle, dans tous les cas, pour l’intéresser vraiment13. Héritier ici de la perspective des premières Annales, Fernand Braudel reprend à son compte les préventions que Marc Bloch et plus encore Lucien Febvre avaient formulées, une vingtaine d’années plutôt, à l’égard de l’histoire politique jugée par trop événementielle et historisante. Récit historique « [qui] demande peu. Très peu, trop peu »14. Cette relégation du politique dans le temps court et événementiel explique, pour partie, la perplexité que les politistes peuvent éprouver à l’égard du modèle braudélien. Et ce, d’autant que ce modèle renforce la prévention légitime à l’égard d’une histoire politique traditionnelle dont Charles Seignobos considérait encore, en 1924, dans la préface qu’il rédige pour son Histoire politique de l’Europe contemporaine, qu’elle permettait de « reconnaître à quel point les phénomènes superficiels de la vie politique dominent les phénomènes profonds de la vie économique, intellectuelle et sociale » et dont le « retour », souvent autoproclamé ces dernières années, ne lève pas forcément toutes les ambiguïtés. Faut-il alors se résigner à considérer que le temps politique est synonyme d’une durée superficielle laissant échapper l’essentiel de l’explication socio-historique ? Faut-il continuer à confondre politique et contingence ? Et ainsi renoncer à une explication politique des faits politiques et sociaux ? Faut-il par-là même refuser de reconnaître au politique une architecture temporelle plus complexe, faite certes de périodes courtes mais aussi de rythmes temporels plus lents ? Faut-il plus encore renoncer à repérer le politique à travers la complexité de ses temporalités ?

    Repérer l’architecture temporelle du politique

    6À ces questions, finalement assez neuves en science politique, la sociologie historique apporte un début de réponse. Qu’ils se consacrent à la genèse de l’État ou au développement de la civilisation électorale, les travaux de sociologie historique établissent clairement la pertinence d’un regard attentif à la longue durée des institutions et activités politiques. Probablement faut-il admettre que cette longue durée est moins stationnaire, plus mobile, que celle qu’affectionnait Fernand Braudel. Il semble toutefois difficile de pas reconnaître au politique, par exemple, la capacité de marquer durablement de son empreinte le social. Et notamment, d’établir, à l’exemple de Norbert Elias, les affinités qui existent entre les systèmes politiques (féodaux puis étatiques) et les « types d’économie psychique » qui leur correspondent. Dans la perspective d’une histoire longue de l’étatisation des sociétés européennes, de nombreux travaux s’interrogent sur la contribution de l’État à la naissance de l’individu moderne. Ils tentent de démontrer la relation qui existe entre l’affirmation de l’État moderne et la transformation des sensibilités – notamment politiques – dans le sens « d’un refoulement, plus ou moins lent, de l’activité émotionnelle par l’activité intellectuelle »15. Produit de la densification des relations sociales et de l’affirmation progressive de l’État, « le processus de civilisation des mœurs », décrit par Norbert Elias, impose une régulation sans cesse plus différenciée de l’appareil psychique, une maîtrise de la vie affective, un conditionnement des pulsions en fonction des impératifs de la vie dans une société de plus en plus dirigée par l’État. Ce processus se traduit par l’obligation, pour les individus, de refouler leurs passions spontanées, par le développement d’autocontraintes, conscientes ou simplement automatiques. Il favorise l’autocontrôlé et le développement de normes de comportement de plus en plus exigeantes. Il s’agit de transformer l’« habitus psychique » afin d’habituer les individus à un état de société qui exige une maîtrise supplémentaire de la violence (du fait principalement de sa monopolisation tendancielle par l’État) et des émotions extrêmes, de modifier profondément la manière de voir, de sentir et de se comporter politiquement. Le processus de civilisation qu’engage la construction de l’État moderne donne ainsi naissance à « l’homme civilisé » mais aussi au « bon citoyen » qui sait gouverner ses passions et maîtriser ses émotions. De manière plus générale, ces travaux – usant souvent d’une démarche génétique16 – tentent de reconstituer des logiques d’action historiquement stabilisées, plus ou moins fortement institutionnalisées et continuant à produire des effets dans le présent fréquemment méconnus car reposant sur des ressorts cachés. Révélant les processus de structuration tant des institutions que des pratiques politiques, ils partagent de plus en plus avec l’histoire le « goût des archives ». Ils font alors surgir l’épaisseur historique des faits politiques et ce, en usant d’échelles d’observation temporelle différentes adaptées à leur objet.

    7Il ne nous est pas possible, dans le cadre de cet article, de nous étendre davantage sur ce point, si ce n’est pour préciser que cette histoire politique du social renvoie à une architecture temporelle complexe. Les travaux de la sociologie historique de l’État l’illustrent. Si ceux, désormais classiques, de Perry Anderson ou encore d’immanuel Wallerstein (fortement marqué, on s’en souvient, par l’œuvre de Braudel) proposaient des schémas explicatifs remontant de manière assez simple à la période féodale voire même à l’antiquité, certains travaux plus récents développent des perspectives temporelles plus fines17. Dans son livre18, Thomas Ertman montre ainsi que la trajectoire patrimonialiste spécifique de certains États européens (souvent mais pas systématiquement situés dans la partie orientale du continent) s’explique largement par une variable temporelle. L’auteur reprend ici l’hypothèse aujourd’hui classique selon laquelle la genèse de l’État renvoie, pour partie, aux enjeux de la compétition militaire et aux contraintes administratives et fiscales qui lui étaient liées. Reste toutefois que le timing de cet enjeu modifie, selon lui, sensiblement les conséquences de cette contrainte partagée par la plupart des États européens. Parce qu’ils vont devoir y faire face avant le xve siècle, les États de l’Europe de l’Ouest et du Sud ne bénéficieront pas des mêmes ressources cognitives et financières que celles dont disposeront plus tard les États de l’Europe de l’Est qui purent importer ici des savoirs plus élaborés. La prise en compte de ce timing propre à chaque processus de construction étatique et de modernisation administrative permet à l’auteur d’apprécier finement et de manière individualisée l’action des variables jugées déterminantes. L’idée est ici que les différentes modalités de construction étatique expérimentées en Europe ont leurs modes spécifiques d’action, de conscience et de détermination historiques. Autres temps, autres configurations politiques : l’attention que l’auteur accorde à l’inscription séquentielle d’un fait politique impose le point de vue de la relativité historique. Dans ses travaux, Stefano Bartolini prouve lui aussi l’importance de la prise en compte de la variable temporelle dans l’analyse comparée des processus de démocratisation en Europe19. L’enquête empirique importante à laquelle il s’est livré ces dernières années montre bien l’intérêt de dépasser la seule narration événementielle en la matière. S’il importe bien sûr d’établir précisément la chronologie des réformes électorales qui vont établir à terme le suffrage universel en Europe, il convient aussi d’être attentif tant au timing qu’au tempo de ce processus. En croisant le calendrier avec le rythme des réformes électorales (qui peuvent être soudaines ou au contraire progressives), l’auteur renouvelle en profondeur notre connaissance de l’histoire démocratique en Europe.

    Quitter l’histoire événementielle ?

    8Capable de dégager ces réalités « que le temps use mal et véhicule très longuement », la sociologie historique du politique permet ainsi de repérer un certain nombre de structures au sens où l’entendait Braudel : « à vivre longtemps, [elles] deviennent des éléments stables d’une infinité de générations : elles encombrent l’histoire, en gênent, donc en commandent, l’écoulement »20. Qu’il s’agisse des figures de l’État-Nation, des modèles bureaucratiques ou encore des configurations civiques, les sociétés politiques actuelles restent encombrées de telles structures qu’il convient de repérer finement avant d’en préciser les métamorphoses. Pensons, par exemple, au lent passage du modèle féodal à l’âge de l’État moderne ou au mouvement d’identification nationale qui émerge au xviiie siècle et dont l’action reste aujourd’hui largement perceptible. Se maintenant souvent pendant une période pluriséculaire, ces structures politiques sont des phénomènes de longue durée reposant tant sur des institutions matérialisables – assez aisément repérables – que sur des « outillages mentaux » (pour reprendre une formule chère à Lucien Febvre) souvent plus diffus et enfermant durablement les individus dans un certain cadre cognitif. Cette dichotomie entre les structures institutionnelles et les structures mentales ou encore conceptuelles favorise le repérage de décalages temporels particulièrement utiles à la compréhension de certains faits politiques. Ainsi récemment, certains travaux de sociologie historique consacrés au développement de la civilisation électorale en France21 ont établi l’écart qui existait entre le temps des réformes institutionnelles (ici celles qui établirent plus ou moins soudainement l’égalité devant le suffrage électoral) et celui des mentalités politiques. L’attachement de nombreux électeurs aux formes communautaires de représentation, le sens traditionnel qu’ils continuent d’attribuer à la pratique électorale tout au long du xixe siècle, mais aussi les conditions d’encadrement social et culturel dans lesquelles ils vivent22, les éloignent de la conception « moderne » du vote qui fait de ce dernier un acte individuel porteur d’un choix réfléchi rompant avec l’unanimité communautaire. Ce décalage entre une culture politique traditionnelle et des principes politiques modernes traduit aussi la désynchronisation entre la temporalité propre à l’introduction de nouvelles technologies électorales et l’évolution, souvent beaucoup plus lente et incertaine, des conceptions de la politique qui donnent son sens à l’activité de délégation politique.

    9Cet intérêt à l’égard des « prisons de longue durée » ne doit toutefois pas dispenser la sociologie historique de rester attentive à la polyphonie des temps à l’œuvre en politique. Entre l’instantanéité du présent et la stabilité – parfois l’immobilité – du passé, se trouve tout une série de temporalités intermédiaires qui mérite de retenir son attention. À chaque configuration politique correspond un régime d’historicité et de temporalité. Plus encore, c’est probablement dans le croisement de ces durées que se trouve une part essentielle de l’explication politique. Pour réaliser ce programme, la sociologie historique doit préciser son rapport à l’histoire événementielle, histoire dont la durée suscite depuis Voltaire23 un intense débat. Il ne s’agit pas forcément de poursuivre ici la « longue bataille épistémologique »24 qui entoure cette courte durée souvent soupçonnée à raison de superficialité mais de profiter des débats contemporains en histoire25 pour spécifier une modalité nouvelle de repérage, puis d’analyse de ces contingences souvent révélatrices. Encore faut-il préciser que tous les événements n’offrent pas la même pertinence au regard de la sociologie historique. Fidèle en cela aux enseignements tant de Max Weber26 que – plus récemment – de Marshall Sahlins, il convient de privilégier les événements significatifs : « La contingence ne devient pleinement historique que dans la mesure où elle est significative : dans la seule mesure où l’acte personnel ou la détermination écologique prennent une valeur systématique ou positionnelle à l’intérieur d’un schéma culturel »27. En identifiant ainsi la « présence historique » d’un événement avec sa « réalité culturelle », l’anthropologue américain nous fournit un instrument de repérage et de tri des événements politiques pertinents. Structure culturelle ou conceptuelle et histoire événementielle sont ici complémentaires dans l’approche des faits sociaux et politiques à l’instar de deux dimensions conjointes qui se révèlent mutuellement. L’événement ne fait sens – et par là-même devient objet de connaissance savante – que s’il est replacé dans un ordre culturel qui le précède et l’enveloppe. Ce faisant, il ne s’agit pas seulement de « ralentir » la temporalité des événements étudiés28 mais de s’ouvrir aux multiples interprétations et réinterprétations29 dont il est l’objet. Comme le souligne Sahlins, « l’événement est une occurrence interprétée, et nous savons combien les interprétations peuvent varier »30. Qu’elles soient indigènes, ordinaires ou plus élaborées, ce sont ces exégèses que le repérage des événements doit privilégier. Sans oublier que si les significations font l’événement, c’est la situation qui fait souvent les significations. C’est ce double mouvement analytique qui dote l’événement d’une densité historique31 suffisante pour éviter que l’analyse ne sombre dans l’évocation de détails dénués d’intérêt.

    10Un exemple peut illustrer cette modalité de repérage du politique. Il s’agit du célèbre toast d’Alger du 12 novembre 1890 au cours duquel Mgr Lavigerie va conseiller aux catholiques français de se rallier aux institutions républicaines. Plus que « l’événement » lui-même, ce qu’il importe ici de repérer, c’est la querelle d’interprétations dont ce discours va faire l’objet, plus encore c’est la stratégie de l’Église catholique de l’époque pour tenter de maintenir dans une conjoncture politique nouvelle (marquée par la fin des espoirs de restauration immédiate de la monarchie) son système d’emprise sur les attitudes et les esprits, et donc sa tentative de perpétuer une définition catholique de l’allégeance politique afin de limiter les « coûts d’accommodement » entraînés par la politique du Ralliement. Ce faisant, l’analyse de cette conjoncture événementielle révèle un paradoxe : loin d’être ce moment de rupture que proclament de nombreux contemporains et, plus tard, la plupart des historiens politiques pressés « de croire aveuglément à [son] importance obligatoire »32, le Ralliement favorise la continuité d’une entreprise d’encadrement des électeurs catholiques désormais stratégiquement ralliés à une forme chrétienne de démocratie. Elle révèle surtout la permanence d’un ordre culturel catholique intransigeant qui continuera – au prix d’aménagements conjoncturels – à imprégner durablement les événements politiques français. Au-delà des apparences de changement que cette politique procure – apparences d’autant plus dangereuses qu’elles correspondent à un horizon d’attente, celui de l’« esprit nouveau » d’Eugène Spuller – c’est bien la résistance au changement qu’elle donne finalement à voir. En mettant ainsi en relation un phénomène politique avec sa matrice culturelle et conceptuelle, ce genre d’analyse aide à dépasser l’opposition entre structure et conjoncture, entre ordre culturel et engagement effectif des hommes dans leur histoire, entre la pesanteur du passé et l’expérience du vécu historique.

    11On le constate, le « tournant historique » de la science politique entend forger un nouveau rapport de connaissance à l’objet politique en se montrant attentif et aux modes de constitution des réalités présentes et aux logiques sociales des réalités du passé. Adopter ainsi un point de vue sur le politique capable de repérer les continuités mais aussi les changements. En incitant la science politique à contextualiser ses universalismes, à éprouver constamment le degré de généralisation acceptable de ses hypothèses et de ses modèles théoriques, la sociologie historique la conduit aussi à déconstruire les catégories de son analyse pour tenir compte de l’histoire et de la culture qu’elles incorporent. Le détour par le passé qu’elle propose l’amène encore à porter un regard renouvelé sur ses objets familiers. Elle favorise ainsi la constitution d’une grammaire du politique soucieuse de prendre la mesure du temps et capable de repérer et d’analyser des configurations historiques de durée et de forme inégales. Une façon, en somme, de favoriser l’émergence de ce qu’avec bonheur Jacques Le Goff appelait une véritable « science sociale du temps ».

    Notes de bas de page

    1 Jean Leca, « Le repérage du politique », Projet, 71 (1973), p. 11-24.

    2 Cf. notamment Jean-Claude Passeron, « Statique et dynamique. Caractériser, expliquer, comprendre le changement. Epilogue du colloque », Revue européenne des sciences sociales, 110 (1998), p. 200 et suiv.

    3 Charles TILLY, « Future History », dans S. Kendrick et al., Interpreting the Past, Understanding the Présent, Londres, Macmillan, 1990, p. 16.

    4 Pour reprendre une expression de François Chazel, « Sur quelles bases établir des relations stables entre historiens et sociologues ? », dans Qu’est-ce qu’on ne sait pas en histoire ?, Y. Beauvoir, C. Blondel dir., Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998, p. 119.

    5 Et ce malgré les avertissements déjà anciens d’un Georges Gurvitch qui considérait, dès le début des années 1960, que « tous les problèmes de sociologie générale reçoivent un éclairage particulier si on les envisage sous l’angle de la multiplicité des temps sociaux, ainsi que des diverses manières de prendre conscience de ces temps et, enfin, de maîtriser leurs échelles » (Georges Gurvitch, La multiplicité des temps sociaux, Cours de la Sorbonne, Paris, CDU, 1961). Les apories d’une telle indifférence seront également fortement dénoncées par Norbert Elias pour qui la sociologie est forcément historique dans son texte classique : « The Retreat of Sociologists into the Présent », Theory, Culture & Society, vol. 4, 2-3 (1987), p. 323-337.

    6 Pour un bilan de ces études, cf. Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 1997. D’autres réflexions stimulantes sur le temps en politique doivent être signalées notamment dans le domaine des études internationales (voir ici principalement Le temps mondial, Zaki Laïdi dir., Bruxelles, Éditions Complexe, 1997 et Id., « Le temps mondial. Enchaînements, disjonctions et médiations », Cahiers du CERI, 14 (1996)), ou encore dans celui de la transitologie (par exemple : Javier Santiso, « The Fall into the Present. The Emergence of Limited Political Temporalities in Latin America », Times & Society, vol. 7, 1 (1998), p. 25-54 ; et Id., « Les horloges et les nuages. Temps et contretemps des démocratisations », Hermès, 19 (1996)). De son côté, l’École doctorale de science politique de la Sorbonne (Université Paris I) a organisé en mai 1999 un colloque, à l’initiative de Paul Zawadzki sur les « crises du temps » (Malaise dans la temporalité, P. Zawadzki dir., Publications de la Sorbonne, 2002).

    7 La comparaison avec la discipline anthropologique est ici saisissante. Il est aujourd’hui banal pour un anthropologue de disserter sur les rapports entre sa discipline et celle des historiens et d’engager, ce faisant, une réflexion fondamentale (parfois polémique comme l’atteste l’ouvrage récent de Marcel DÉTIENNE, Comparer l’incomparable, Paris, Seuil, 2000) sur la place de l’historicité dans la démarche anthropologique. Pour un bilan de cette réflexion, voir le très bel article de Gérard lenclud, « Anthropologie et histoire, hier et aujourd’hui », dans I. Chiva, U Jeggle dir., Ethnologies en miroir, Paris, MSH, 1987, p. 35- 65. Voir aussi Nicholas Thomas, Hors du temps. Histoire et évolutionnisme dans le discours anthropologique, Paris, Belin, 1998 (1re éd. 1989).

    8 Pierre Chaunu, Histoire Science sociale. La durée, l’espace et l’homme à l’époque moderne, Paris, SEDES, 1974, p. 62.

    9 « L’histoire politique est-elle toujours l’épine dorsale de l’histoire ? » (1971), dans Jacques Le Goff, L’imaginaire médiéval. Essais, Paris, Gallimard, 1985, p. 337.

    10 Fernand Braudel, Les ambitions de l’histoire, Paris, Le Livre de Poche, 1999 (1re éd. 1997), p. 34-35.

    11 Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949, p. XIII.

    12 F. Braudel, Les ambitions de l’histoire, op. cit.

    13 Dans son célèbre texte consacré à « la longue durée », F. Braudel admet toutefois que « l’histoire politique n’est pas forcément événementielle, ni condamnée à l’être » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée » (1958), repris dans Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1984 (1re éd. 1969), p. 46).

    14 Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1953, p. 118.

    15 Ibid., y. 225.

    16 Comme l’indique Charles Tilly, cette démarche peut être aussi bien rétrospective que prospective. Cf. C. Tilly, Roads from Past to Present, New York, Rowman and Littfield Publishers, 1997, p. 17 et suiv.

    17 Sur ces questions, voir aussi Gianfranco Poggi, The Development ofthe Modem State. À Sociological Introduction, Standford, Stanford University Press, 1978.

    18 Thomas Ertman, Birth of the Leviathan. Building States and Régimes in Médiéval and Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

    19 Stefano Bartolini, « Enfranchisement, Equality and Turnout in the European Democratization Process : A Preliminary Comparative Analysis », Working papers, 121, Barcelone, Institut de Ciencies Politiques i Socials, 1996, p. 67.

    20 F. Braudel, La Méditerranée, op. cit., p. 50.

    21 Cf. Christine Guionnet, L’apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, 1997.

    22 Une attention tout particulière doit être apportée ici aux mécanismes cléricaux et aux cultures religieuses qui limitent parfois fortement l’autonomisation de la sphère des pratiques électorales par rapport à celles, plus ancrées historiquement, des pratiques religieuses. Le repérage du « politique » est alors conditionné par la compréhension de ce contexte culturel particulièrement prégnant. Pour les premiers résultats d’une enquête sur la situation française, voir Yves Déloye, « Gouverner les citoyens. Normes civiques et mentalité en France », L’Année sociologique, vol. 46, I (1996), p. 87-103.

    23 Dans ses Nouvelles considérations sur l’histoire, publiée en 1744, Voltaire observe avec ironie : « On a grand soin de dire quel jour s’est donnée une bataille et on a raison. On imprime les traités, on décrit la pompe d’un couronnement, la cérémonie de la réception d’une barette, et même l’entrée d’un ambassadeur dans laquelle on n’oublie ni son suisse ni son laquais. Il est bon qu’il y ait des archives de tout afin qu’on puisse les consulter dans le besoin ; et je regarde à présent tous les gros livres comme des dictionnaires. Mais, après avoir lu trois ou quatre mille descriptions de batailles, et la teneur de quelques centaines de traités, j’ai trouvé que je n’étais guère plus instruit au fond. Je n’apprenais là que des événements » (cité par Krzystof Pomian, L’ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984, p. 7 qui propose une très stimulante réflexion sur les conditions d’intelligibilité des événements historiques).

    24 Pour reprendre une expression de Krzystof Pomian dans « L’histoire des structures » (1978), dans La nouvelle histoire, Jacques Le Goff dir., Bruxelles, Éditions Complexe, 1988, p. 116.

    25 Voir notamment l’article d’Andreas Suter, « Histoire sociale et événements historiques. Pour une nouvelle approche », Annales HSS, 3 (1997), p. 543-567.

    26 « Les événements ne sont pas seulement là à se produire, admet l’auteur d’Economie et société, mais ils sont dotés de sens et ne surviennent que parce qu’ils signifient », cité par Marshall Sahlins, Des îles dans l’histoire, Paris, Gallimard-Seuil, 1989 (1re éd. 1985), p. 158.

    27 Ibid., p. 118. Du même auteur, voir aussi sur cette question : Historical Metaphors and Mythical Realities. Structure in the Early History of the Sandwich Islands Kingdom, Ann Arbor, Michigan, University of Michigan Press, 1981.

    28 Andreas Suter, op. cit., p. 559.

    29 Les travaux de Marshall Sahlins signalés plus haut soulignent, à juste titre, la plasticité relative de ces interprétations. À chaque conjoncture temporelle correspond une structure d’opportunités significatives faite à la fois de reproduction des principes et catégories culturelles traditionnelles mais aussi de la fabrication de nouvelles valeurs pratiques. Ce que l’auteur résume, en empruntant le vocabulaire de Braudel, par la notion de « structure de la conjoncture », soit « un ensemble situationnel de relations qui se cristallise à partir des catégories culturelles à l’œuvre et des intérêts des acteurs » (Marshall Sahlins, op. cil. n. 6, p. 141).

    30 Ibid., p. 159.

    31 Si la taille de cet article ne l’interdisait, il conviendrait d’opérer ici un rapprochement avec les conseils méthodologiques forts que préconise Clifford Geertz dans le chapitre introductif de son célèbre recueil d’essais The Interprétation of Cultures (1973). On se souvient que la « description dense » qu’il prône n’est pas sans lien là encore avec l’attention que l’auteur accorde « aux toiles de signification » dans lesquelles l’action historique des hommes se déroule. Sur cette question, voir récemment le dossier que lui consacre la revue Enquête, 6 (1998).

    32 F. Braudel, Les ambitions de l’histoire, op. cit., p. 30.

    Auteur

    • Yves Déloye

      Professeur à l’IEP de Strasbourg

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    1 Jean Leca, « Le repérage du politique », Projet, 71 (1973), p. 11-24.

    2 Cf. notamment Jean-Claude Passeron, « Statique et dynamique. Caractériser, expliquer, comprendre le changement. Epilogue du colloque », Revue européenne des sciences sociales, 110 (1998), p. 200 et suiv.

    3 Charles TILLY, « Future History », dans S. Kendrick et al., Interpreting the Past, Understanding the Présent, Londres, Macmillan, 1990, p. 16.

    4 Pour reprendre une expression de François Chazel, « Sur quelles bases établir des relations stables entre historiens et sociologues ? », dans Qu’est-ce qu’on ne sait pas en histoire ?, Y. Beauvoir, C. Blondel dir., Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998, p. 119.

    5 Et ce malgré les avertissements déjà anciens d’un Georges Gurvitch qui considérait, dès le début des années 1960, que « tous les problèmes de sociologie générale reçoivent un éclairage particulier si on les envisage sous l’angle de la multiplicité des temps sociaux, ainsi que des diverses manières de prendre conscience de ces temps et, enfin, de maîtriser leurs échelles » (Georges Gurvitch, La multiplicité des temps sociaux, Cours de la Sorbonne, Paris, CDU, 1961). Les apories d’une telle indifférence seront également fortement dénoncées par Norbert Elias pour qui la sociologie est forcément historique dans son texte classique : « The Retreat of Sociologists into the Présent », Theory, Culture & Society, vol. 4, 2-3 (1987), p. 323-337.

    6 Pour un bilan de ces études, cf. Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 1997. D’autres réflexions stimulantes sur le temps en politique doivent être signalées notamment dans le domaine des études internationales (voir ici principalement Le temps mondial, Zaki Laïdi dir., Bruxelles, Éditions Complexe, 1997 et Id., « Le temps mondial. Enchaînements, disjonctions et médiations », Cahiers du CERI, 14 (1996)), ou encore dans celui de la transitologie (par exemple : Javier Santiso, « The Fall into the Present. The Emergence of Limited Political Temporalities in Latin America », Times & Society, vol. 7, 1 (1998), p. 25-54 ; et Id., « Les horloges et les nuages. Temps et contretemps des démocratisations », Hermès, 19 (1996)). De son côté, l’École doctorale de science politique de la Sorbonne (Université Paris I) a organisé en mai 1999 un colloque, à l’initiative de Paul Zawadzki sur les « crises du temps » (Malaise dans la temporalité, P. Zawadzki dir., Publications de la Sorbonne, 2002).

    7 La comparaison avec la discipline anthropologique est ici saisissante. Il est aujourd’hui banal pour un anthropologue de disserter sur les rapports entre sa discipline et celle des historiens et d’engager, ce faisant, une réflexion fondamentale (parfois polémique comme l’atteste l’ouvrage récent de Marcel DÉTIENNE, Comparer l’incomparable, Paris, Seuil, 2000) sur la place de l’historicité dans la démarche anthropologique. Pour un bilan de cette réflexion, voir le très bel article de Gérard lenclud, « Anthropologie et histoire, hier et aujourd’hui », dans I. Chiva, U Jeggle dir., Ethnologies en miroir, Paris, MSH, 1987, p. 35- 65. Voir aussi Nicholas Thomas, Hors du temps. Histoire et évolutionnisme dans le discours anthropologique, Paris, Belin, 1998 (1re éd. 1989).

    8 Pierre Chaunu, Histoire Science sociale. La durée, l’espace et l’homme à l’époque moderne, Paris, SEDES, 1974, p. 62.

    9 « L’histoire politique est-elle toujours l’épine dorsale de l’histoire ? » (1971), dans Jacques Le Goff, L’imaginaire médiéval. Essais, Paris, Gallimard, 1985, p. 337.

    10 Fernand Braudel, Les ambitions de l’histoire, Paris, Le Livre de Poche, 1999 (1re éd. 1997), p. 34-35.

    11 Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949, p. XIII.

    12 F. Braudel, Les ambitions de l’histoire, op. cit.

    13 Dans son célèbre texte consacré à « la longue durée », F. Braudel admet toutefois que « l’histoire politique n’est pas forcément événementielle, ni condamnée à l’être » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée » (1958), repris dans Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1984 (1re éd. 1969), p. 46).

    14 Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1953, p. 118.

    15 Ibid., y. 225.

    16 Comme l’indique Charles Tilly, cette démarche peut être aussi bien rétrospective que prospective. Cf. C. Tilly, Roads from Past to Present, New York, Rowman and Littfield Publishers, 1997, p. 17 et suiv.

    17 Sur ces questions, voir aussi Gianfranco Poggi, The Development ofthe Modem State. À Sociological Introduction, Standford, Stanford University Press, 1978.

    18 Thomas Ertman, Birth of the Leviathan. Building States and Régimes in Médiéval and Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

    19 Stefano Bartolini, « Enfranchisement, Equality and Turnout in the European Democratization Process : A Preliminary Comparative Analysis », Working papers, 121, Barcelone, Institut de Ciencies Politiques i Socials, 1996, p. 67.

    20 F. Braudel, La Méditerranée, op. cit., p. 50.

    21 Cf. Christine Guionnet, L’apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, 1997.

    22 Une attention tout particulière doit être apportée ici aux mécanismes cléricaux et aux cultures religieuses qui limitent parfois fortement l’autonomisation de la sphère des pratiques électorales par rapport à celles, plus ancrées historiquement, des pratiques religieuses. Le repérage du « politique » est alors conditionné par la compréhension de ce contexte culturel particulièrement prégnant. Pour les premiers résultats d’une enquête sur la situation française, voir Yves Déloye, « Gouverner les citoyens. Normes civiques et mentalité en France », L’Année sociologique, vol. 46, I (1996), p. 87-103.

    23 Dans ses Nouvelles considérations sur l’histoire, publiée en 1744, Voltaire observe avec ironie : « On a grand soin de dire quel jour s’est donnée une bataille et on a raison. On imprime les traités, on décrit la pompe d’un couronnement, la cérémonie de la réception d’une barette, et même l’entrée d’un ambassadeur dans laquelle on n’oublie ni son suisse ni son laquais. Il est bon qu’il y ait des archives de tout afin qu’on puisse les consulter dans le besoin ; et je regarde à présent tous les gros livres comme des dictionnaires. Mais, après avoir lu trois ou quatre mille descriptions de batailles, et la teneur de quelques centaines de traités, j’ai trouvé que je n’étais guère plus instruit au fond. Je n’apprenais là que des événements » (cité par Krzystof Pomian, L’ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984, p. 7 qui propose une très stimulante réflexion sur les conditions d’intelligibilité des événements historiques).

    24 Pour reprendre une expression de Krzystof Pomian dans « L’histoire des structures » (1978), dans La nouvelle histoire, Jacques Le Goff dir., Bruxelles, Éditions Complexe, 1988, p. 116.

    25 Voir notamment l’article d’Andreas Suter, « Histoire sociale et événements historiques. Pour une nouvelle approche », Annales HSS, 3 (1997), p. 543-567.

    26 « Les événements ne sont pas seulement là à se produire, admet l’auteur d’Economie et société, mais ils sont dotés de sens et ne surviennent que parce qu’ils signifient », cité par Marshall Sahlins, Des îles dans l’histoire, Paris, Gallimard-Seuil, 1989 (1re éd. 1985), p. 158.

    27 Ibid., p. 118. Du même auteur, voir aussi sur cette question : Historical Metaphors and Mythical Realities. Structure in the Early History of the Sandwich Islands Kingdom, Ann Arbor, Michigan, University of Michigan Press, 1981.

    28 Andreas Suter, op. cit., p. 559.

    29 Les travaux de Marshall Sahlins signalés plus haut soulignent, à juste titre, la plasticité relative de ces interprétations. À chaque conjoncture temporelle correspond une structure d’opportunités significatives faite à la fois de reproduction des principes et catégories culturelles traditionnelles mais aussi de la fabrication de nouvelles valeurs pratiques. Ce que l’auteur résume, en empruntant le vocabulaire de Braudel, par la notion de « structure de la conjoncture », soit « un ensemble situationnel de relations qui se cristallise à partir des catégories culturelles à l’œuvre et des intérêts des acteurs » (Marshall Sahlins, op. cil. n. 6, p. 141).

    30 Ibid., p. 159.

    31 Si la taille de cet article ne l’interdisait, il conviendrait d’opérer ici un rapprochement avec les conseils méthodologiques forts que préconise Clifford Geertz dans le chapitre introductif de son célèbre recueil d’essais The Interprétation of Cultures (1973). On se souvient que la « description dense » qu’il prône n’est pas sans lien là encore avec l’attention que l’auteur accorde « aux toiles de signification » dans lesquelles l’action historique des hommes se déroule. Sur cette question, voir récemment le dossier que lui consacre la revue Enquête, 6 (1998).

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    • (2004) Bibliographie. Droits, n° 39. DOI: 10.3917/droit.039.0231
    • Bourgou, Taoufik. (2011) Une sociologie des pratiques d'exécution de contrats de recherche à partir de l'observation de deux équipes de recherche interdisciplinaires sciences dures - sciences sociales. Contrats de recherche en sciences sociales et conventions tacites d'organis. Marché et organisations, N° 13. DOI: 10.3917/maorg.013.0137

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    • Muller, Pierre. (2004) L'État en action revisité. Pôle Sud, n° 21. DOI: 10.3917/psud.021.0031
    • Déloye, Yves. Mayer, Nonna. (2019) Les trois défis de la science politique française. Idées économiques et sociales, N° 195. DOI: 10.3917/idee.195.0028
    • Cossart, Paula. Talpin, Julien. Keith, William. (2012) Introduction. Comparer les pratiques délibératives à travers les époques : une aberration historique ?. Participations, N° 3. DOI: 10.3917/parti.003.0005
    • Lindenberger, Thomas. (2016) Qu’est-ce que l’autorité ?. DOI: 10.4000/books.editionsmsh.28598

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