Préface à l’édition brésilienne
p. 11-12
Texte intégral
1Dans le tohu-bohu de l’évolution contemporaine, rares sont les valeurs qui restent sûres l
2Pourtant, les objectifs de la révolution industrielle n’impliquaient, a priori, aucun bouleversement. Il ne s’agissait, il ne s’agit encore, que de mieux faire ce que l’humanité a toujours fait, a toujours eu besoin de faire, et avait toujours assez mal réussi, il ne s’agissait, il ne s’agit encore que de mieux vêtir les hommes, de leur donner plus de confort, de diminuer leurs souffrances et leurs maladies, d’allonger la durée de leur vie... Ces objectifs ont été atteints au Brésil, et doivent l’être dans tous les pays du monde pour peu qu’ils identifient clairement les méthodes à suivre et accomplissent les efforts nécessaires.
3Mais, l’Histoire a commencé de montrer que ces objectifs conscients et volontaires du progrès économique et social n’ont pu et ne peuvent être atteints sans qu’une foule de bouleversements en soient les conséquences inattendues. C’est ainsi qu’est apparu inopinément le spectre catastrophique de la croissance démographique mondiale, qui frappe le plus durement les Nations qui peuvent le moins la supporter : l’Égypte, l’Inde, le Pakistan... Mais dans les mêmes pays qui surmontent aisément leur croissance démographique, la révolution technique engendre une série de réactions en chaîne, les unes favorables, d’autres défavorables, certaines tragiques, d’autres sur lesquelles on ne sait pas encore se prononcer – mais toutes modifient si profondément la condition humaine que l’on peut parler à coup sûr d’une mutation de l’humanité.
4Ainsi, un milieu technique se substitue rapidement au milieu naturel dans lequel vivaient les hommes depuis des centaines de milliers d’années ; dans ce milieu technique, construit par l’homme, artificiel, rationnel, réglementé, ordonné, efficace, où la route goudronnée se substitue au sentier, le béton à la terre, la pierre à l’arbre, la ville à la forêt, d’où l’animal est banni, l’homme instinctuel, l’homme sensible, l’homme cordial, se sent désemparé. Les vieux cadres sociaux craquent ; une « nouvelle société » est partout attendue, mais elle tarde à venir, et personne n’en voit clairement les caractères ; au contraire, les idéaux socialistes qui paraissaient simples, clairs et sûrs il y a 50 ou 100 ans, se délabrent aujourd’hui.
5La crise n’atteint pas seulement la société politique plus profondément, elle gagne la culture, c’est-à-dire les philosophies, la morale, l’art, les religions, les conceptions du monde... À mesure que les pouvoirs de l’homme sur la nature et sur lui-même s’accroissent, il cesse de savoir ce qu’il doit faire de sa puissance, il cesse même de savoir ce qu’il doit faire de sa vie ; il ne sait plus ni ce qu’il doit être, ni ce qu’il est...
6Dans ces bouleversements, une valeur reste sûre : la science expérimentale. Cause de la mutation, elle est aussi remède aux perturbations qu’apporte cette mutation. Dans le désarroi des doctrines, dans la mise en question des morales et des religions, un seul terme reste ferme, à la fois cause de toutes les incertitudes, espoir de toutes les clartés.
7C’est à cette valeur sûre que s’attache M. Mário Tomelin. Dès aujourd’hui, la connaissance scientifique domine l’évolution des Nations ; demain, elle jouera un rôle plus prépondérant encore. Dès aujourd’hui le travail physique de millions d’hommes peut être valorisé par l’organisation et les méthodes conçues par quelques milliers de techniciens ; demain, une Nation n’existera qu’à la mesure de ses savants et de ses chercheurs.
8C’est donc à bon droit que M. Tomelin se préoccupe de ces problèmes et du développement organique des fonctions scientifiques. Le classique classement des activités économiques en trois secteurs : primaire, secondaire, tertiaire, éclate en fonction de ce nouveau critère de la fonction scientifique. Le secteur quaternaire sera le secteur – clef du XXIe siècle.
Auteur
Ancien Membre de l’Institut de France
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