« Les personnes les plus susceptibles de devenir créatives et d’agir comme chefs ne sont pas celles qui entrent dans la vie avec la plus vaste somme d’informations spécialisées et de détail, mais plutôt celles qui possèdent assez de connaissance théorique, de jugement critique et de discipline d’étude pour s’adapter rapidement aux situations nouvelles et aux problèmes qui surgissent constamment dans le monde moderne. »1
Daniel Bell

1Les services techniques des bibliothèques universitaires aux Etats-Unis comprennent les services de commande et d’acquisition, les services de catalogage, les services de périodiques, les services d’estampillage et de reliure. Tous concernent le traitement du livre dans son circuit complet, du bon de commande à la mise en rayon. Les processus de gestion du produit ont évolué plus vite que le produit lui-même, surtout avec l’introduction de l’informatique dans les diverses opérations techniques ; d’où une nouvelle orientation de ces services, bien marquée surtout dans les grandes bibliothèques de recherche qui disposent d’importants moyens. C’est dans ce domaine que de nombreux changements sont apparus et que le plus de progrès a été réalisé, modifiant considérablement les tâches du personnel. On a moins besoin de bibliothécaires qualifiés et de spécialistes, à qui est réservé le catalogage original en langue difficile. La plupart des autres opérations peuvent être effectuées par du personnel d’exécution, qui tend donc à se multiplier. Les bibliothécaires, en revanche, se voient de plus en plus souvent confier des tâches proprement bibliothéconomiques et scientifiques, principalement la formation et l’information des usagers, qui deviennent indispensables, en raison justement de l’information croissante. Car si cette dernière facilite les opérations de traitement du livre, permettant de les rendre plus rapides et moins coûteuses, elles compliquent l’identification, la recherche et la localisation des documents. L’usager doit apprendre à consulter un catalogue sur microfiches ou sur terminal d’ordinateur. Il doit comprendre et assimiler cette nouvelle technologie. Cette initiation ne peut se faire qu’avec l’aide active du personnel de la bibliothèque.

2L’organisation des services techniques est plus compliquée que celle des services publics à cause de la complexité des opérations. Ces services sont généralement regroupés sous la responsabilité d’un bibliothécaire adjoint du Directeur. L’organigramme est plus ou moins détaillé, selon la taille de l’établissement. Dans les grandes bibliothèques, certains services, comme les périodiques, peuvent former une unité relativement autonome. Mais, dans tous les cas, l’ensemble de ces services est centralisé sous une direction unique qui assure la coordination de toutes les opérations. Ceci va de pair avec le fait que, dans toutes les bibliothèques, même s’il existe un grand nombre de bibliothèques annexes, ces opérations sont réservées aux services centraux, qui les regroupent et les unifient à un moindre coût et dans une meilleure harmonisation. Il existe toujours un catalogue collectif de toutes les bibliothèques du campus à la bibliothèque centrale. Ce catalogue constitue la base des opérations techniques et des services publics. Il coexiste parfois avec un catalogue automatisé, mais reste consulté sur fiches. Même si l’on prévoit que, d’ici quelques années, les catalogues des grandes bibliothèques universitaires, à la suite de la Library of Congress, seront consultés sur terminal d’ordinateur en direct, on pense conserver les fichiers, au moins à titre d’archives et de sécurité. Les catalogues imprimés en usage au dix-neuvième siècle ne sont désormais plus utilisés que pour les fonds anciens ou les collections particulières. Les fonds spéciaux font encore souvent l’objet d’un catalogue imprimé pouvant être consulté comme une bibliographie. Citons les catalogues des collections de l’Institute of Governmental Studieset de l’East Asiatic Library à l’University of California, campus de Berkeley, ou, pour les catalogues collectifs, The University of California Union Catalog of Monographs Catalogued by the Nine Campuses from 7963 to 7967 (UCUCS) en quarante-sept volumes.

3 L’ensemble des opérations obéit aux règles et aux coutumes anglo-américaines : commandes faites sous diverses formes, parfois très simples, catalogage selon les règles en vigueur dans le pays, catalogage matière selon les normes des Library of Congress Subject Headings, en microfiches, livre ou conversationnel en direct et classification des documents selon la Library of Congress Classification, alphanumérique, très détaillée, correspondant bien aux spécialisations universitaires. Elle consiste en grandes classes symbolisées par des majuscules suivies de combinaisons de lettres et de chiffres séparés par des points selon un double système à la fois alphanumérique et décimal. Il ne faut pas sous-estimer les difficultés de maniement et de lecture de cette classification. A notre époque, où le savoir prend une complexité extrême, une classification qui veut en rendre compte et couvrir toute son étendue ne peut qu’être elle-même complexe et délicate. Elle est très détaillée dans le domaine scientifique et tenue à jour pour suivre l’évolution des sciences et des techniques. Mais elle n’en néglige pas pour autant les sciences humaines, comme l’histoire, qui est très développée. Les vieilles bibliothèques qui utilisaient une classification propre l’ont peu à peu abandonnée pour se rallier à cette classification, qui est en quelque sorte devenue nationale pour les bibliothèques universitaires. Dans tous ces domaines, règles de catalogage auteurs, de catalogage matières, et d’indexation apparaît avec évidence le souci d’une normalisation poussée, non imposée mais librement consentie par les établissements, dans le but de favoriser la coopération entre les bibliothèques et l’automatisation. La Library of Congress joue un rôle prioritaire en ce domaine, celui d’une bibliothèque nationale. On ne peut oublier à ce propos que la plus ancienne entreprise de coopération en matière de catalogage est le National Union Catalog créé en 1900 et établi sur fiches en 1901, reproduit par procédé photographique en volumes depuis 1942 et tenu à jour depuis cette date. Les établissements ont compris très tôt, du fait des structures documentaires mises en place dans le pays, la nécessité de se plier aux règles et n’ont pas hésité à faire des investissements financiers importants, par exemple pour reclasser des fonds anciens comme ce fut le cas dans de nombreuses bibliothèques. Dans ce cadre, un effort, considérable est fait partout pour la formation du personnel qui fait preuve généralement de compétence et d’efficacité.

4Le service des commandes est lié de très près à la fois au service de sélection des acquisitions et au service de catalogage, surtout dans les bibliothèques automatisées. Dans les grands établissements, on cherche à mettre à la disposition du lecteur tous les éléments d’information con cernant le document, dès que l’ordre de commande est parti. L’usager peut être informé de la situation du livre, en commande, en cours de traitement, en cours de reliure, et peut en avoir éventuellement communication sur le champ pour un temps très limité. Il a facilement accès à ces informations car tous ces éléments sont mémorisés. Il peut consulter les sorties d’ordinateur, hebdomadaires, bi- ou tri-mensuelles selon les disciplines, comme à la bibliothèque de Columbia University, ou les terminaux d’ordinateur mis à sa disposition, ou un catalogue automatisé produit sur microfiches comme à la Bibliothèque de l’University of California, campus de Berkeley. Ceci est rendu possible dans les cas où toutes ces opérations, commandes, entrées, cotation provisoire, catalogage, reliure, sont automatisées et mémorisées. Ce procédé est réellement très utile pour l’usager, car il n’a pas à attendre les nouveautés, comme dans beaucoup de bibliothèques universitaires françaises qui, malgré leurs efforts, ne peuvent mettre à la disposition des lecteurs les nouvelles acquisitions qu’après un délai assez long, parfois plusieurs mois ou mêmes plus.

5On trouve une organisation de ce type très élaborée à l’University of California, campus de Berkeley. Depuis 1977, le supplément courant du catalogue est automatisé, y compris les opérations de commandes et d’échanges. Tous les documents commandés ou en cours de traitements, aussi bien que les données récemment cataloguées, sont recensés (sous les vedettes auteur, titre et collection) dans un catalogue hebdomadaire en microfiches, qui compte environ 52.000 données sous plus de 120.000 vedettes. Ce système a été mis en place par un bureau d’étude formé de membres du personnel de la bibliothèque, et utilise un IBM- 360/65, qui mémorise les données comptables et financières ainsi que bibliographiques. Ce nouveau système de commandes automatisées peut remplir diverses tâches qui sont toutes utiles : la tenue à jour de 350 comptes différents par sujet, etc., envoyés régulièrement sous forme de sorties d’ordinateurs aux bibliothécaires bibliographes chargés de la sélection des documents ; conversion automatique de la monnaie étrangère en monnaie américaine pour les dépenses en livres ou en périodiques étrangers ; réajustement de tous les droits et charges étrangers pour suivre le taux courant des changes ; l’impression des ordres de commande et des documents concernant les dons et les échanges et la comparaison de ces derniers avec les acquisitions pour déceler les duplications ; production automatique de lettres de réclamation pour les documents non reçus ; comptes rendus des documents qui se rapportent aux acquisitions étrangères, au National Program for Acquisitions and Catalography (NPAC), de la Library of Congress. Le système mémorise toutes les données bibliographiques dans le format MARC (Machine Readable Cataloguing). Les documents sont catalogués à l’aide du numéro d’appel du système BALLOTS (Large Library Operating using Time-Sharing System), coopérative de catalogue collectif dont fait partie la bibliothèque. Les agents qui sélectionnent les achats obtiennent un rapport hebdomadaire qui se présente comme une sortie d’ordinateur, indiquant les documents réclamés, annulés ou payés – et le montant des sommes qui reste à leur disposition pour de nouvelles acquisitions sur leur budget personnel. Tous les trois mois, chaque bibliothèque annexe reçoit de la bibliothèque centrale une sortie d’ordinateur qui recense les titres et les éléments principaux de leur gestion.

6Le système informatique utilisé est le système Batch, ou système de traitement par lots, par l’intermédiaire d’un datapoint 1100 accessible au personnel. Les entrées sont faites le vendredi et les données produites pendant le week-end pour revenir le lundi. Toute la documentation arrive avec un double qui est conservé dans le service. Les opérations sont effectuées toutes les semaines, ou trois ou quatre fois dans le mois. Ceci est très important, car une liste des duplications permet de comparer les commandes des différents bibliothécaires-bibliographes sélectionneurs et permet alors de les harmoniser en annulant les doubles trop coûteux. Cette liste est d’autant plus utile que beaucoup de libraires font un service direct de livres à la Bibliothèque d’après un profil de sujet préétabli et que la diversité de méthodes de commande risquerait d’entraîner la multiplication d’achats superflus s’il n’y avait une politique d’ensemble automatisée des acquisitions. Toutes les commandes sont mises en microfiches au moment même où l’ordre de commande est produit. Les documents commandés ou en cours de traitement sont entrés dans un catalogue provisoire complet, sauf qu’il ne possède pas encore de vedettes matières ni d’indexation selon Library of Congress Classification. L’information bibliographique complète n’apparaît que sous la vedette du titre. Chaque opération et chaque document ont un numéro particulier dans ce système automatisé. Les livres en cours de reliure sont entrés de la même façon. Les documents autres que les livres sont égalements concernés, comme les cartes de géographie et les publications en série. A son arrivée, le document reçoit une côte provisoire jusqu’à ce qu’il soit catalogué, soit d’après BALLOTS système, soit par le personnel. Mais avant de procéder au catalogage original, on attend quelques mois pour être sûr que la notice catalographique du document n’apparaîtra pas dans la mémoire collective de BALLOTS. Le système est également capable, au reçu de la facture, de comparer celle-ci avec d’autres documents et d’effectuer les vérifications nécessaires. La difficulté vient seulement des fluctuations du cours du dollar, qui ont des incidences sur les commandes de documents étrangers, et non du système lui-même, qui est bien au point. Parfois même, les commandes sont effectuées dans l’ignorance du prix réel du livre. L’ordinateur peut produire aussi des listes comptables par sujet, ou par langue, ou par crédit particulier. Chaque mois, l’ordinateur imprime un rapport comptable complet qui donne la situation du budget. Il peut également fournir des informations pour chaque fonds particulier, vendeur ou période de temps. La gestion comptable et budgétaire entière est donc automatisée, mais même à ce niveau, toutes les possibilités de l’ordinateur n’ont pas été encore explorées et il reste certainement des progrès à faire.

7Les dons et les échanges sont automatisés par format, malgré l’importance du programme d’échanges qui concerne plus de 4.000 institutions dans le monde entier. Bien que la mémoire soit limitée, elle peut cependant prévoir le type de livres à mettre dans le fonds réservé et entrer les annulations, mais parfois avec difficulté. Elle régit également les abonnements de périodiques et les réclamations.

8Ce système est particulièrement intéressant. On le retrouve sous différentes formes dans la plupart des grandes bibliothèques universitaires de recherche. Il y a toutes les chances qu’il se généralise dans un proche avenir. Mais naturellement, il doit être complété par un service de catalogage en harmonie avec lui, c’est-à-dire automatisé.

9Toujours à la bibliothèque de l’University of California, campus de Berkeley, le service de catalogage est également automatisé en liaison avec le système BALLOTS de Stanford University. Son organisation est simple et logique : elle distingue le catalogage des monographies, des publications en séries et des documents spéciaux. 50 % des livres sont catalogués par l’intermédiaire de BALLOTS. 75 % des exemplaires sont catalogués à l’aide des bandes magnétiques MARC de la Library of Congress. Il reste 15 à 20 % de catalogage original à faire sur place. Les bibliothèques qui font partie du réseau OCLC (Ohio College Library Center) et non de BALLOTS peuvent obtenir la notice catalographique des publications en série et bientôt celle des alphabets non latins. Par l’intermédiaire de ces catalogues collectifs automatisés, directement accessibles sur terminal d’ordinateur, les services de catalogage font d’importantes économies en temps et en effectif. Le livre n’est catalogué qu’une fois et les centaines d’autres bibliothèques membres du réseau peuvent appeler la notice catalographique, la corriger en fonction des règles propres de l’établissement et recevoir peu de jours après un jeu de fiches de l’ouvrage. Les corrections particulières ne sont pas entrées en mémoire, elles ne servent qu’à la commande. L’ordinateur peut aussi produire une sortie d’ordinateur donnant immédiatement sur feuille imprimée toutes les informations bibliographiques. Le dialogue sur terminal est effectué, la plupart du temps, par des étudiants employés à temps partiel ou par des bibliothécaires assistants, bien formés à cette tâche.

10Grâce à cette méthode d’un catalogue courant automatisé provisoire, le livre peut attendre plusieurs mois que sa notice bibliographique apparaisse dans un catalogue collectif, tout en étant disponible pour les usagers. La méthode évite un grand nombre de duplications d’opérations techniques. Toutes ces activités pour l’ensemble des bibliothèques de l’université sont généralement assumées par le service de catalogage de la bibliothèque centrale, par souci d’économie et de rationalisation du travail. Seules, les bibliothèques qui jouissent d’une certaine autonomie et les fonds rares et précieux sont catalogués à part. Pour le catalogage original, le plus souvent, les livres sont triés par grands sujets ou par langues, et chaque bibliothécaire effectue lui-même toutes les opérations, catalogage auteur, catalogage matière et indexation. En effet, la spécialisation à outrance, exigée dans certains cas, s’est montrée peu rentable, car elle est ennuyeuse et monotone.

11Pratiquement, toutes les bibliothèques universitaires font partie d’une coopérative de catalogage ou ont accès aux fiches MARC de la Library of Congress. Cependant, certaines bibliothèques ont leur propre système automatisé qui recouvre toutes les opérations de la bibliothèque, comme les bibliothèques de l’University of Chicago ou de Northwestern University. Mais là encore, les fiches MARC sont utilisées ou, du moins, elles sont compatibles avec le système. Catalogues et réseaux seront plus largement expliqués dans le chapitre sur la coopération entre bibliothèques dont ils relèvent. Sur le plan local, leurs services sont indiscutables. Les bibliothèques moins importantes, qui n’ont pas accès à l’informatique – et elles sont de plus en plus rares – peuvent également utiliser des jeux de fiches tout prêts. Dans ce domaine technique, la rationalisation est très poussée. Ajoutons que de nombreux catalogues collectifs et de réseaux régionaux viennent encore faciliter le travail des bibliothèques.

12Ces systèmes sont plus ou moins coûteux, mais étant donné les économies de salaires qu’ils permettent de réaliser, leur coût peut être supporté par les établissements. Par exemple, à la bibliothèque de l’University of California, l’heure d’IBM coûte de $ 300 à $ 400. Chaque microfiche de catalogue revient à $ 2 pour la fiche mère et à et 15 pour les suivantes. Elles sont réalisées au dehors par une entreprise commerciale ; dans d’autres établissements, les coûts sont de $ 1.05 pour le premier exemplaire et de et 8 pour les suivants. L’entrée d’informations catalographiques nouvelles dans la mémoire du catalogue collectif est gratuite. Une fiche abrégée coûte $ 1.25 et les copies de fiches MARC $ 1.65. Une sortie d’ordinateur imprimée donnant une notice bibliographique revient à et 25. Par mois, l’utilisation de BALLOTS coûte $ 8.000 pour la bibliothèque de l’University of California, campus de Berkeley, et l’automatisation $ 225.000 par an2. Cependant, prix et coûts sont très variables car ils dépendent de la politique de l’université. Souvent, celle-ci achète le matériel et la bibliothèque ne paie que les frais de maintenance et d’utilisation. On s’oriente de plus en plus vers l’usage de mini-ordinateurs plus souples et plus maniables que les gros équipements des premières générations. On s’oriente également de plus en plus vers le système en conversationnel. En effet, l’utilisation d’un ordinateur en direct permet d’importantes économies, car il évite les fastidieuses opérations de rédaction de bordereaux, de préparation de cartes perforées. Les systèmes automatisés ont commencé dans les années soixante, en 1963 à Harvard University. Ils sont bien éprouvés maintenant et ne cessent de se développer, suivant étroitement en ce domaine les progrès de la technologie. Les programmes ont pour la plupart été étudiés et conçus par des membres du personnel spécialistes ou non d’informatique avec lesquels peuvent collaborer d’autres agents concernés, qui se forment sur le tas eux-mêmes, par expérience. Les établissements ont bénéficié de subventions gouvernementales pour la réalisation de leur programme d’automatisation du catalogue, car ce point était considéré comme prioritaire.

13La bibliothèque de Stanford University utilise le système BALLOTS, non seulement pour le catalogage de ses ouvrages, mais aussi pour l’ensemble de ses services techniques, excepté pour les manuscrits, dans un programme d’ensemble intégré, qui représente une base de données de plus de cent langues – en raison de la vocation de haute recherche de cette bibliothèque ; le système mémorise depuis 1972 les données MARC de la Library of Congress, les titres du catalogue, catalogués ou en cours de traitement, ainsi que les titres souhaités et non encore commandés, un fichier de références qui peut servir aux services publics. Il conservait, en 1977, 750.000 données à un rythme d’accroissement de 200.000 par an. Les fonctions majeures du système sont nombreuses et relativement complètes : base de données, recherche automatique, commandes pour livres et périodiques, dons et échanges, réception de documents, réclamations, acquisition des ouvrages épuisés, décisions de ne pas commander et raisons de ce refus, recherches sur questions des données MARC, catalogage, impression (fiches de catalogue par exemple), détection des erreurs, contrôle des données individuelles par le cycle de traitement des documents, mise au fonds réservé de certains livres, entretien du catalogue, références. Environ 125 personnes dans sept unités différentes de la bibliothèque utilisent un terminal BALLOTS quotidiennement pour leur travail pour des périodes allant de quelques minutes à plusieurs heures. Le système employa longtemps un IBM 360/67, remplacé récemment par un IBM 370/168, moins coûteux de fonctionnement et qui offre une plus grande capacité que le précédent. Le cycle de production de fiches est de trois jours, ce qui est compétitif, et on espère pouvoir aboutir bientôt à un cycle d’une journée. Le système a été implanté non globalement mais par phases successives et a été conçu d’une façon assez simple pour pouvoir s’adapter aux structures et à l’organisation existante, ce qui facilita beaucoup son acceptation et son utilisation par le personnel et permit à cette mutation considérable de se faire sans difficulté. Un gros effort fut fait là aussi d’ailleurs pour former le personnel à ces nouvelles tâches. Le programme a bénéficié de diverses subventions, en particulier du Council on Library Resources et du National Endowment for the Humanities. Il a contribué efficacement au développement de cette bibliothèque et en raison de son succès il doit être considéré avec attention3.

14Les services de périodiques dans les bibliothèques regroupent en général toutes les opérations concernant les périodiques, commandes, catalogage, magasins, microcopies, reliure, salles de lecture et prêt. Mais dans les grandes bibliothèques, ils peuvent être beaucoup plus spécialisés, comme à la bibliothèque de l’Université of California, campus de Berkeley, étant donné l’importance du nombre de périodiques traité par le service de la bibliothèque centrale, soit 41.000 titres courants. Les tâches les plus importantes de ces services sont le bulletinage et le catalogage.

15Les commandes et le catalogage sont souvent automatisés. C’est le cas de l’University of California, qui a lancé en 1975/1976 un Universitywide Library Automation Program (ULAP), utilisant un projet développé par l’University of California Berkeley System Office avec des membres du personnel. A partir de 1978, ce programme a produit l’Union List of Sérials sur microfiches, qui est tenu à jour de la même façon que le supplément alphabétique auteurs et anonymes. Beaucoup de bibliothèques universitaires font partis du réseau OCLC et peuvent obtenir sur terminal la notice catalographique du périodique mémorisé au préalable. Il existe un autre catalogue collectif de périodiques sur le plan national, qui est dirigé et animé par la Libary of Congress, le Conversion of Serials (CONSER) project, auquel participent une douzaine des principales bibliothèques universitaires du pays. Ainsi, comme pour les ouvrages, les bibliothèques peuvent utiliser les systèmes automatisés de catalogues de périodiques et acheter des fiches toutes faites, ce qui a raccourci de plus de 90 % le temps exigé par le catalogage. D’autres opérations concernées par la gestion des périodiques comme les abonnements, la production de catalogues collectifs et de statistiques sont aussi facilement automatisées. Elles sont liées à l’évolution de la normalisation. Commandes et comptabilité ne posent guère de problèmes non plus. Mais les opérations comme le bulletinage, les réclamations et la reliure sont liées à la nature mouvante des publications en série et leur automatisation est beaucoup plus délicate.

16Le bulletinage des périodiques est encore assez rarement automatisé, en raison surtout du grand nombre de titres gérés qui rendent le problème technique difficile à résoudre. Les chiffres sont significatifs : en 1977, les bibliothèques de l’University of California, campus de Berkeley, géraient 97 199 titres de périodiques courants, de Columbia University 57 617, de Harvard University 97 000, de l’University of Illinois 85 558, du Massachusetts Institute of Technology 18 311, de Princeton Univesity 31 104, de Stanford University 53075, et de Yale University 60 8864. Des études sont menées dans beaucoup d’établissements, en particulier à la Library of Congress, qui gère 75 000 titres courants, mais elles n’ont encore abouti que sur une petite échelle, très ponctuellement, et restent encore souvent expérimentales. Le terme « bulletinage » signifie l’enregistrement de l’arrivée d’un fascicule de périodique qui vient s’ajouter à l’état de la collection antérieure. C’est une tâche extrêmement lourde à laquelle sont liées les réclamations de fascicules manquants. Il faut ajouter à la complexité du problème la multiplication des fichiers de publications en série, le fichier de bulletinage et d’état des collections, généralement de type Cardex ou Forindex, le fichier des abonnements, le catalogue, le fichier de reliure, le fichier alphabétique de matières, etc. L’idéal d’une opération d’automatisation est faite de tous ces fichiers avec encore des éléments d’information supplémentaires, langues, fournisseurs, par exemple. Viennent s’ajouter à ces difficultés un grand nombre de périodiques en alphabets non latins, et la fluctuation des titres. Dès 1956, aux Etats-Unis, fut lancé le projet CODEN, visant à doter chaque titre scientifique d’un code, sur l’impulsion de l’American Society of Testing and materials (ASTM), et de la National Science Foundation (NSF). Le procédé s’est répandu et le CODEN figure désormais à la fois sur l’enveloppe postale et la couverture de la publication. Dès les années 1963 puis 1966, des listes et des cumulatifs sont publiés. Cette initiative fut intéressante mais insuffisante pour des opérations d’ensemble, car elle ne touchait que les périodiques scientifiques. En 1969/1970, une norme établissait les numéros d’identification des publications en série et, depuis 1972, la Library of Congress l’applique à toutes les entrées du National Sériais Data Program. Ce code de numérotation, International Standard Serial Number (ISSN), a été repris par l’Organisation Internationale de Normalisation (International Standards Organization – ISO), qui l’a internationalisé. Malgré ces entreprises importantes, le problème de l’automatisation du bulletinage reste ardu et n’est pas encore résolu5.

17Des bibliothèques comme celle du Lawrence Radiation Laboratory de l’University of California, gèrent leurs périodiques par cartes perforées, mais cette dernière ne reçoit que 4000 titres courants ; le système est fondé sur une prévision et une symbolisation de la périodicité des arrivées de fascicules, visant à attirer dans le cadre des publications dites régulières les autres types de livraisons. D’autres bibliothèques ont essayé de fusionner la périodicité et les dates des fascicules comme la bibliothèque de l’University of Lousville. D’autres encore se contentent d’un cadre assez lâche, pour bulletiner l’arrivée de leurs fascicules, comme la bibliothèque de l’University of California, campus de Davis, ou la Biomedical Library, campus de Los Angeles. Des systèmes limitent l’utilisation de l’ordinateur à la surveillance de la périodicité et du nombre de fascicules entrés chaque mois. Ces programmes moins ambitieux bornent l’automatisation à l’apport d’une aide technique par la reconnaissance optique ou le traitement conventionnel. C’est le cas de l’University of Kansas avec son Optimal Mark Reader (OMR), qui lit et mémorise les informations données par un bordereau écrit au crayon sur papier imprimé sensible. Un aspect intéressant du bulletinage automatisé en direct est donné par la bibliothèque de Northwestern University qui entre dans un programme complet d’automatisation de la bibliothèque à tous les niveaux. Cette bibliothèque utilise un processus de pointage en temps partagé, éprouvé depuis 1971. Ce Northwestern On-Line Total Integrated System utilise un IBM 370/130 et un IBM 3 270 à écran cathodique. Ce système peut aussi être adapté à l’utilisation d’un mini-ordinateur. Tous les titres, courants ou morts, sont mémorisés selon l’ISSN. Le système peut bulletiner les fascicules arrivés et produire les réclamations. Le nombre de périodiques reçus est cependant élevé, soit 27 403, et 45 000 titres au total. Mais il faut considérer que si ce système est réussi, il reste ponctuel et a été réalisé pendant des années où le problème économique ne se posait pas avec le même sérieux que maintenant. Des moyens financiers importants ont pu être mis en jeu pour ce faire. Ce programme a été mis au point au sein même de la bibliothèque par une équipe restreinte de deux personnes et demie. Dans l’ensemble, il donne satisfaction et se montre très efficient. Le coût du service est de $ 3 600 par mois, auquel il faut ajouter $ 25 000 pour les terminaux, etc. L’intérêt du système est d’être en direct, de ne pas utiliser microfiches ou microfilms, ce qui simplifie beaucoup et rend plus attrayantes les opérations, dans une bibliothèque qui a plusieurs annexes. Les langues en caractères non latins sont introduites en translittéré dans la mémoire. Un gros effort de formation du personnel a été fait pour le préparer à ces nouvelles techniques, et cette opération a été réussie6. Dans les établissements, des solutions de divers types ont été apportées au problème du bulletinage et à celui des réclamations des publications en série. Mais ces solutions restent locales et on peut dire que le problème est toujours à l’étude, dans tous les grands établissements. Au cours des prochaines années, il est vraisemblable qu’il sera résolu, et que ce nouveau secteur d’activités sera également automatisé.

18Il ressort de toutes ces expériences plus ou moins avancées qu’un certain nombre de précautions s’impose lorsqu’on étudie un programme d’automatisation des services techniques d’un établissement : il faut de la prudence dans l’étude du programme et le choix des solutions, car les moyens financiers mis en jeu sont importants ; une bonne communication entre les différents services de la bibliothèque afin de pouvoir intégrer toutes les opérations dans un programme d’ensemble ; il est indispensable de disposer de quelques personnes spécialisées en informatique et connaissant bien le fonctionnement de la bibliothèque, de préférence des membres du personnel ; l’analyse du système doit se faire en étroite collaboration avec les bibliothécaires, ceux-ci écoutant attentivement les analystes et réciproquement ; on doit se tenir informé de toutes les initiatives prises sur le plan national et aussi des grands programmes internationaux, spécialement des normes appliquées, car, dans le domaine de l’informatique, plus encore qu’en aucun autre, nul n’est un empire dans un empire, tout se tient et doit pouvoir communiquer ; l’équipement doit être choisi en fonction du but à atteindre, car certains ordinateurs répondent mieux aux exigences des données bibliographiques, par exemple, alors que d’autres sont plus compétitifs pour les opérations de calcul. Il convient de suivre de près les progrès de la technologie. L’idéal est le mini-ordinateur plus souple, plus adaptable. On peut d’ailleurs en prévoir plusieurs qui communiquent ensemble7.

19L’automatisation des services techniques des bibliothèques universitaires aux Etats-Unis est bien avancée, mais elle connaîtra vraisemblablement une nouvelle étape encore imprévisible dans ses conséquences lorsque les catalogues seront entièrement automatisés, accessibles en direct sur terminal d’ordinateur, ce qui est prévu prochainement pour les grandes bibliothèques de recherche, à la suite de la Library of Congress, qui lancera l’opération en premier. Bien des problèmes changeront et le travail, à la fois du personnel et des usagers, sera modifié. Une révolution d’une telle ampleur ne peut qu’entraîner des résultats très différents, certainement spectaculaires, et transformer en profondeur le contenu et la forme de la bibliothéconomie.