« Mais c’est une faute de dire à un administrateur de coIlege : ° Si vous dépensez autant de dollars par an, vous aurez une bibliothèque satisfaisante”. La qualité d’une bibliothèque ne peut être mesurée entièrement, ni même partiellement, en termes de dépenses. Elle doit être mesurée en termes de services rendus et en terme de fonctionnement. »1
William Randall et Françis L.D. Goodrich.

1Dans une université américaine, la gestion du budget et les affaires financières courantes sont déléguées à un certain nombre de personnes dont chacune est responsable directement ou indirectement devant le Président2. Dans les limites des fondations, dont les fonds sont entre les mains du trésorier et de la Commission des Finances du Conseil d’Administration, les affaires financières sont généralement déléguées à un gestionnaire financier dont les activités incluent la justification des dépenses, l’établissement des rapports financiers, la coopération avec les autres agents pour la préparation du budget, l’emploi du personnel non enseignant, la direction du matériel, les opérations d’administration secondaires, les acquisitions et les droits perçus auprès des étudiants. En collaboration avec l’économe et, parfois, les Doyens, ils forment le noyau du Conseil Consultatif du Budget auprès du Président. C’est ce Conseil qui donne son avis en matière de budget. Il détermine celui du Président et ensuite celui du Conseil d’Administration.

2 Les relations du Directeur de la Bibliothèque avec le gestionnaire financier incluent un certain nombre d’opérations : passer les commandes, payer les factures, vérifier mensuellement les comptes du gestionnaire financier avec les dépenses de la bibliothèque pour s’assurer que le budget de cette dernière n’est pas en voie de dépassement, établir les inventaires et les couvertures d’assurances, l’inventaire du matériel, le recrutement des agents non bibliothécaires professionnels (à moins qu’il n’y ait un Service du Personnel, qui existe dans toutes les grandes universités), approuver les réparations et les programmes de rénovation importants des bâtiments et du matériel, le transfert des fonds d’une catégorie du budget à l’autre, et quelquefois les amendes de la bibliothèque, quand celle-ci a échoué dans ses efforts. Il est essentiel que le Directeur de la Bibliothèque entretienne de bons rapport avec le gestionnaire financier. Le gestionnaire financier s’attend à ce que le Directeur de la Bibliothèque reste dans les limites de son budget, et fasse approuver rapidement ses factures pour leur paiement. Généralement, le Directeur a délégation de pouvoir pour faire directement ses commandes de documents et de matériel. Tous deux doivent collaborer également pour la préparation du budget et le Directeur doit accepter de bon gré la décision de l’université relative à ses attributions de fonds pour l’année à venir, même si celle-ci n’est pas très favorable. Il doit gérer son budget avec sagesse et rendre des comptes exacts des fonds qu’il administre. En revanche, il a le droit d’espérer une pleine et entière coopération avec le gestionnaire financier dans sa délégation d’autorité pour les commandes, le rapport mensuel financier, la protection des intérêts de la bibliothèque dans lesquels sont inclus dons et fondations, une large perspective favorable au développement de la bibliothèque et une aide efficace pour répondre à des obligations financières inattendues ou inhabituelles qui pourraient surgir, même après l’approbation du budget.

3A l’intérieur de la bibliothèque, le Directeur délègue lui-même la responsabilité de la gestion financière à un adjoint et, de plus en plus souvent, à un bureau de la planification. Une politique de grande envergure exige maintenant que, pour la gestion des grands établissements, on use d’une planification à long terme, de trois à cinq ans, et non d’une gestion quotidienne au coup par coup qui n’envisage pas les grands problèmes. De plus en plus souvent, les bibliothèques universitaires de recherche ont établi un tel bureau. La bibliothèque de Columbia University a créé un bureau de la planification en Juillet 1972 et l’a chargé d’un certain nombre de tâches dont on peut dénombrer les plus importantes :

« 1. La préparation et la définition détaillée des objectifs et du critère de fonctionnement et d’exécution des différentes unités du système.

« 2. L’évaluation des besoins du personnel.

« 3. La planification pour mettre en pratique les changements dans l’organisation du personnel, recommandés par une étude du système.

« 4. Le projet d’un système du budget.

« 5. Le développement d’une politique qui pourra fournir des indications pour l’implantation des programmes essentiels de la bibliothèque. »3

4Les tâches de ce service incluent également la collection et l’étude des informations statistiques diverses relatives au fonctionnement des activités de la bibliothèque, la préparation du budget et l’analyse de l’application possible des nouvelles techniques de gestion. Les services de la planification et du budget travaillent en étroite liaison avec le Directeur de la Bibliothèque. Ils peuvent utiliser des méthodes de planification comme la méthode PERT, Programme Evaluation and Review Technique, ou construire des modèles mathématiques à partir des données connues. Ils se servent avantageusement de l’ordinateur pour ces tâches, mais l’essentiel de leur fonction est la prospective, la liaison entre les objectifs à long terme, déterminés par la mission de la bibliothèque, et les moyens indispensables à mettre en jeu pour y parvenir. De plus en plus souvent, le bureau de la planification utilise les techniques de gestion par objectifs, Management by Objective (MbO). Cette méthode suppose la définition exacte des tâches que la bibliothèque doit accomplir, avec l’inventaire des priorités et l’établissement de guides à cet effet. Le système est alors analysé en détail et un état plus précis est établi pour les objectifs à long terme, relatifs à chaque partie constitutive de l’organisation. On a reproché à la gestion par objectifs un danger qui la guette souvent, soit une exigence de normes de réalisation de plus en plus élevées. Cette escalade peut être néfaste à la bonne marche de la bibliothèque et au moral du personnel. Il faut donc garder la mesure, dans ce type de gestion, de la sagesse et de la modération. Il convient aussi que s’établisse une coopération très étroite entre le personnel et l’administration dans la conception et l’implantation d’un système de cette sorte, si l’on veut que celui-ci réussisse4.

5L’établissement de statistiques détaillées est également un élément essentiel de la gestion financière à long terme. Il faut remarquer à ce sujet que les États-Unis, qui n’ont pas la même tradition du secret administratif que l’Europe, publient volontiers et largement toutes les statistiques dans les différents domaines d’activité du pays. Les établissements peuvent donc se livrer à des comparaisons fructueuses, à des études très précises, qui leur permettent une meilleure évaluation de leurs besoins et des moyens qu’elles doivent mettre en œuvre pour y répondre convenablement.

6Les sources de revenus des bibliothèques universitaires sont diverses et variables, selon qu’elles dépendent d’universités d’État ou d’universités privées. Cependant, depuis les années soixante-dix, toutes ont vu leur budget diminuer considérablement en raison de la crise économique. Les budgets ont été amputés de 10 à 20 % ou plus. En outre, la chute du dollar sur le marché monétaire international a rendu très difficile l’achat de publications étrangères. Avec la fluctuation de la monnaie américaine, les commandes de documents étrangers sont difficiles à chiffrer et les prix de plus en plus élevés. Les bibliothèques ont fait face à cette situation avec beaucoup d’objectivité. Dans la mesure du possible, elles ont donné la priorité aux collections et ont essayé plutôt de faire des économies sur la reliure – qui a beaucoup diminué pour atteindre des chiffres très bas – et sur les postes budgétaires. Les employés qui partent à la retraite ne sont pas remplacés et les effectifs sont sérieusement restreints. On cherche à résoudre les problèmes financiers par une rationalisation, une simplification et une meilleure organisation du travail, par le développement de l’automatisation qui permet des économies sensibles de personnel, surtout de personnel qualifié qui coûte cher. Mais l’équipement et les programmes informatiques sont également très coûteux, les sommes mises en jeu dans ce domaine importantes. Cependant, on considère ce secteur comme prioritaire et on essaie dans la mesure du possible de lui assurer les moyens financiers nécessaires. Mais les fondations et les donations se font plus rares, les subventions d’Etat baissent, car on fait passer avant les dépenses d’enseignement supérieur les dépenses afférentes à la santé publique, la sécurité, l’enseignement primaire et secondaire, par exemple. En raison du chômage des diplômés d’université et du reflux démographique pour la génération des dix-huit /vingt ans, récession qui suit une période d’expansion, les citoyens sont de moins en moins enclins à payer des impôts élevés pour financer les universités et les bibliothèques universitaires. Dans certains Etats, la situation est devenue critique, et il est difficile de prévoir l’évolution future du budget des bibliothèques universitaires. Elles rencontreront certainement encore bien des difficultés et devront faire preuve d’intelligence et d’ingéniosité pour les résoudre.

7 En Californie, la Proposition 73, votée en 1978, a pour conséquence une diminution importante, pour les années à venir, des budgets des institutions publiques. Les fonds baissent déjà depuis plusieurs années, parce qu’il a été reproché à la bibliothèque de l’University of California, en particulier, de manquer de politique d’ensemble. Celle-ci a répondu en établissant un plan à long terme, sur dix ans, défini en Janvier 1976. Ce plan précise les objectifs prioritaires des bibliothèques des neufs campus et indique les moyens indispensables pour y parvenir. En Californie, cependant, le budget attribué aux bibliothèques universitaire représente 7 % du budget général de l’université, ce qui reste favorable, car le pourcentage, dans les autres États, ne dépasse pas 5 %. Pour être plus précis, le budget attribué à l’enseignement supérieur en 1978 était de quatre millions de dollars, soit 1/3 (36 % de cette somme) pour l’University of California5. Ces chiffres sont encore très positifs comparés aux budgets européens.

8Le pourcentage des fonds qui ne viennent pas de l’État sont constituées par des subventions du Gouvernement Fédéral attribuées pour des programmes précis, des donations et des ressources propres.

9Les fonds des bibliothèques des universités privées proviennent essentiellement de l’université, des droits d’étudiants, parfois très élevés, surtout dans les universités renommées, des fondations et des donations. Les bibliothèques pratiquent une politique visant à récolter de l’argent auprès des donateurs éventuels, anciens étudiants, industriels, hommes d’affaires, etc. A cet effet, elles ont créé depuis déjà de nombreuses années des Associations des Amis de la Bibliothèque, qui disposent d’une revue ou d’un bulletin où sont données les nouvelles de la bibliothèque, décrits les dons importants, avec des articles sur les collections et les activités de la bibliothèque. Ces périodiques à but publicitaire sont de plus ou moins bonne qualité, mais peuvent être tout à fait remarquables dans les grandes bibliothèques de recherche. Ils sont bien présentés, agréablement illustrés. Ils permettent de garder le contact avec les donateurs et d’en susciter d’autres. Des manifestations sont également organisées pour attirer des dons, inaugurations, vernissages, réceptions, cocktails, etc. Des plaques de marbre sont apposées pour commémorer les donations particulièrement fastueuses ; les livres donnés ou achetés grâce à un don portent un ex-libris rappelant leur origine. Rien n’est négligé pour obtenir de l’argent et les bibliothèques d’universités prestigieuses comme Harvard University ou Yale University possèdent des services spécialisés bien organisés chargés de cette tâche, qui prospectent, attirent et coordonnent les dons. Ces derniers peuvent prendre la forme de collections spéciales de livres réunis pendant la vie du donateur en fonction de ses intérêts propres et qui deviendront le noyau d’un fonds spécial ou d’une bibliothèque spécialisée, et des dons en argent plus ou moins importants. Dans ces établissements, donations et fondations sont une source de revenus importante. Même les petits apports, de $ 50 ou plus, représentent parfois 5 à 10 % du budget général de la bibliothèque6.

10L’inconvénient des donations est qu’elles exigent souvent des clauses particulières. Une collection spéciale doit rester rassemblée dans une pièce ou un bâtiment unique ; les fonds sont destinés à tel ou tel objectif, acheter des ouvrages bibliographiques, par exemple, et ne peuvent être transférés d’un compte du budget à l’autre, même s’il y a pléthore d’argent dans un domaine et manque dans l’autre. Enfin, certaines fondations ou donations provenant d’industries ou d’organismes politiques peuvent être liées à des programmes de recherche précis imposés à l’université, ce qui risque d’infléchir la politique d’ensemble à long terme de la bibliothèque. Ce fut le cas, par exemple, de fonds en provenance de la Corée du Sud, d’une valeur d’un million de dollars, qui ont été donnés à Harvard University. Cette donation particulière ainsi que celle du Premier Ministre de Singapour, liées à des conditions et des programmes de recherche spéciaux, inquiétèrent l’opinion américaine et furent même l’objet d’une enquête du Gouvernement. De nombreux autres exemples pourraient être cités, car il est certain que ces donations ne sont pas toujours purement philanthropiques, mais parfois intéressées, surtout au niveau de l’orientation de la recherche et des enseignements. Il n’en reste pas moins que fondations et donations sont une source de revenus appréciables, qui a beaucoup contribué au développement des bibliothèques américaines.

11Les fondations pour les achats de livres ont sensiblement perdu de leur valeur. Il en va de même pour les dons destinés à des achats de matériel, la construction de nouveaux bâtiments (important moyen de financement dans ce domaine), les activités bibliographiques et l’entretien générale de la bibliothèque. Au dix-neuvième siècle, les fondations les plus prestigieuses provenaient de Carnegie, Rockefeller et du General Education Board. Dans les années plus récentes, des subventions furent accordées par l’Association of College and Research Libraries, la United States Steel Corporation, la Remington Rand, la National Biscuit Company et bien d’autres. Ces subventions concernent surtout des acquisitions d’ouvrages, l’emploi de personnel, la constitution de microfilms de périodiques, en particulier de journaux quotidiens, le gros équipement, le soutien de programmes définis. Pratiquement, toutes les bibliothèques reçoivent des dons, dont beaucoup proviennent d’anciens étudiants. Elles ont donc à préciser leur politique en matière de dons, pour à la fois en attirer beaucoup et ne pas être encombrées par des collections’ inutiles, de deuxième ordre, ou régies par des normes trop strictes. Il y a là un équilibre difficile à maintenir que le Directeur de la Bibliothèque doit rechercher en collaboration avec le Président de l’université, car il est essentiel pour l’avenir de l’établissement.

12Une autre source importante de revenus provient du Gouvernement Fédéral, qui accorde des crédits surtout au titre de la recherche. Ces crédits se sont beaucoup accrus ces dernières années, depuis la seconde guerre mondiale, et intéressent en priorité les sciences fondamentales et la recherche appliquée. Mais de plus en plus, ils concernent aussi les sciences sociales et, dans une moindre proportion, les sciences humaines et, ces dernières années, des sommes non négligeables ont été attribuées aux universités et aux bibliothèques pour soutenir des programmes dans ces domaines.

13Les fonds fédéraux sont attribués sur dossiers par des commissions d’étude composées d’experts. Ils ne sont pas nécessairement renouvelables d’une année à l’autre, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes à l’égard des opérations de longue haleine. Ces crédits sont accordés par les Départements d’État et par des institutions officielles comme la National Endowment of Humanities, la National Science Foundation, la National Commission on Libraries and Information Science, le Council on Library Resources, etc. Ces attributions de fonds ont été favorisées par le Library Service Act, loi promulguée en 1956 et renouvelée en 1966, et le Library Service and Construction Act, en 1963, et le Higher Education Act, en 1965, qui prévoit une aide financière pour l’enseignement et la recherche en bibliothéconomie, des subventions aux grandes bibliothèques universitaires de recherche, leur promotion et celle de la politique documentaire au sens large. De 1956 à 1973, les subventions furent attribuées sur des programmes présentés par les États pour les bibliothèques. De 1963 à 1967, ce fut en quelque sorte la période faste du fédéralisme dont l’idée triompha dans tous les domaines. A partir de 1964, avec Nixon, une autre idée apparut, la notion de Revenue Sharing ; on ne subventionna plus de façon catégorielle des actions ponctuelles, mais le Gouvernement redistribua une partie des impôts équitablement entre les États qui organisèrent eux-même, de façon globale, les subventions dans le secteur socio-culturel, donc les bibliothèques. En 1972, le State and Local Fiscal Assistance Act vint préciser ces dispositions. En 1973/1974, malgré l’intervention de Nixon au Congrès, celui-ci continua à voter des autorisations de dépenses pour des programmes au titre des lois jusqu’en 1976, grâce, il faut le dire aussi, à l’action dynamique menée par les organisations professionnelles. L’aide financière aux bibliothèques devient donc moins ponctuelle et plus globale. Mais elle ne fut pas négligeable, car de 1966 à 1975, le Higher Education Act, Titre II, A, B et C a procuré $ 273 618 375 aux bibliothèques, l’Elementary and Secondary Education Act, Titre II a procuré de 1966 à 1975 $ 849 234 000, et le Library Service Act, suivi du Library Service and Construction Act de 1957 à 1975 a procuré $ 677 858 7507. Ces crédits ont souvent concerné des opérations d’automatisation, études préliminaires, programmes particuliers, etc. Ces opérations ponctuelles, limitées dans le temps, mais fort coûteuses, se prêtent particulièrement bien à ce type d’aide financière. Ces subventions ont intéressé aussi des programmes de restauration de fonds détériorés, de microfilmage de documents, de développement des collections, d’embauche de personnel, en particulier d’étudiants, et de nombreuses opérations de coopération entre les établissements. On ne peut citer tous les types de subventions qui ont été accordées tant elles sont nombreuses et variées. Disons que cette source de revenus est actuellement très importante et qu’elle concrétise la volonté du Gouvernement Fédéral d’aider, de soutenir et d’organiser la politique documentaire de la nation.

Tableau 2 Montant des fonds fédéraux attribués pour la recherche en 1974 (en millions de dollars)8

14La dernière source de revenus de la bibliothèque provient de ses bénéfices propres, droits d’étudiants, amendes, vente de publications, services rendus payants comme les livraisons de livres à domicile, les interrogations de banques de données, les droits de reproduction photographique, microfilms, microfiches et photocopies. Ces services sont calculés au plus juste prix. Les redevances sont simplement destinées à couvrir les frais entraînés par ces opérations et leurs tarifs restent modestes. L’idée que la bibliothèque est un service collectif impose sa marque dans ce domaine où les bibliothèques ne cherchent pas à tirer un bénéfice financier à proprement parler de l’usager.

15Les ressources de bibliothèques sont d’origine variée, nombreuses, et elles exigent une politique cohérente et prospective. Pour ces raisons, et à cause de leur importance, la gestion des budgets devient de plus en plus difficile.

16Rogers et Weber, dans leur célèbre ouvrage, University Library Administration, définissent très clairement les différents aspects du budget d’une bibliothèque :

« Le budget d’une bibliothèque universitaire est un exposé formalisé de tous les comptes ayant des fonds disponibles pour une période donnée (habituellement une année) attribués et répartis selon des catégories (livres, reliure, équipement, voyages, etc.) ou selon des unités opérationnelles (service du catalogue, bibliothèque de chimie, services administratifs, etc.). Depuis qu’une part substantielle (approximativement 60 %) du budget de la bibliothèque est destinée au personnel, les noms des membres du personnel et les salaires peuvent constituer une tranche importante de l’information budgétaire. La source des fonds disponibles (c’est-à-dire les subventions générales, les revenus des fondations, les subventions) peuvent apparaître à la fois sur les pages individuelles du budget et dans la table des sommaires. Les revenus des petites fondations, dons, revenus de la vente des livres en double, subvention spéciales et fonds gagnés par des opérations commerciales (soit le service de reproduction photographique) peuvent ou ne peuvent pas être inclus dans le budget officiel, mais, dans l’un et l’autre cas, ils seront gérés dans des comptes séparés. »10

17Le budget d’une bibliothèque peut être géré selon deux méthodes : la plus fréquente, line item, est par chapitre et par catégorie ; la moins fréquente, lump sum System, est globale. Parfois, on combine les deux systèmes. Mais généralement, le gestionnaire peut faire passer des fonds d’une catégorie à l’autre, sauf quand il s’agit de fondations ou de dons à données restrictives. On peut distinguer, par exemple, les catégories de dépenses suivantes : 12 Equipement, 14 Automatisation, 17 Voyages et autres, 18 Souscriptions de livres, 19 Reliure, 20 Publication, Edition, 37 Annuaire, 50 Impression de fiches de catalogue, 57 Microfilms, 59 Photographie, 67 Prêt interbibliothèques11. A l’intérieur de ces catégories, on distingue les fonds sans clause de restriction et les fonds avec clause de restriction, fondations et autres, qui ne peuvent être transférés.

18La gestion du budget devient de plus en plus rigoureuse et de plus en plus scientifique. Depuis 1965, le Planning, Programming Budgeting System (PPBS), développé d’abord par la Rand Corporation et le Department of Defense, a été adopté avec enthousiasme par le Gouvernement Fédéral et imposé par le Président Johnson dans toutes les institutions officielles sur ce modèle. Les universités l’ont donc mis en œuvre, mais non sans problème parfois, étant donné leur spécificité. Fielden et Lockwood décrivent très clairement le concept de PPBS :

« (a) Les organisations devraient essayer de défendre leurs missions et leurs objectifs.

« (b) Les plans devraient être tous complets à leur terme (5 à 10 ans) et identifier les implications de ressources dans toutes les organisations concernées.

« (c) Les plans devraient être en rapport avec les objectifs et préparés séparément pour chaque programme ou activité qui vise à atteindre un objectif.

« (d) Les programmes alternatifs (c’est-à-dire les moyens de parvenir à un objectif défini) devraient être soumis à une analyse rigoureuse pour faciliter le choix entre les possibilités.

« (e) Le système de contrôle devrait mesurer non seulement les ressources utilisées, mais aussi les résultats obtenus et réussis eu égard aux objectifs. Ils devraient aussi vérifier et revitaliser les opérations projetées en se concentrant sur les énergies et les rendements. »12

19Il n’est pas toujours facile d’adapter cette méthode à la situation universitaire et bibliothéconomique. Cependant elle peut être bénéfique et profitable, surtout pour le processus décisionnel, par la définition précise des questions à poser et à résoudre, relatives à la planification des objectifs à long terme. La plupart de ces questions étaient posées depuis longtemps par le Directeur de la Bibliothèque, mais d’une façon moins rationnelle et moins consciente. Désormais, elles sont incluses dans la planification d’un programme en tenant compte des implications financières. De nombreux congrès et journées d’étude furent consacrés depuis 1971 à ce concept de PPBS et un certain nombre de bibliothèques universitaires commenceront à l’adopter, à partir surtout de 1973, comme la bibliothèque de l’University of Utah, dans une perspective plus large et plus compréhensive. D’autre bibliothèques ont peu à peu incorporé des concepts du PPBS dans leur gestion courante ou prospective, comme les bibliothèques de Columbia University, Pennsylvania State et la Joint University. Le gros obstacle à l’adoption de ces méthodes nouvelles est qu’elles nécessitent un surplus de personnel pour identifier et spécifier les objectifs, pour réaliser l’analyse de coût et la planification des méthodes susceptible d’atteindre ces objectifs. Or, dans la période de récession financière actuelle, on tend plutôt à diminuer les effectifs des bibliothèques qu’à les augmenter. Comme toute méthode très élaborée, c’est une méthode qui coûte cher et mérite d’être maniée avec prudence. Ainsi, la bibliothèque de Princeton University, après une étude préalable, a décidé de ne pas utiliser le PPBS. Mais cette opération expérimentale l’incita à mieux maintenir l’équilibre entre le budget d’acquisitions et le budget du personnel pour les nouveaux programmes universitaires13.

20Car c’est bien là où réside la difficulté de la gestion du budget d’une bibliothèque : dans la répartition des crédits entre les différents chapitres. Il convient de rassembler les données les plus nombreuses et les plus précises et de déterminer une méthodologie qui facilite, éclaire et oriente le processus décisionnel définitif. Celui-ci est rendu d’autant plus délicat qu’il n’y a pas de normes nationales en la matière aux Etats-Unis et que les normes recommandées par les divers organismes, comme l’American Library Association, ou les Etats, diffèrent de l’une à l’autre. Il y a eu bien des tentatives variées pour rationaliser les techniques de répartition des fonds, par exemple à l’aide de formules ou d’équations préétablies. Elles tiennent compte des effectifs des étudiants, de la taille des collections, du rendement du personnel, etc., à partir de statistiques de plus en plus affinées. Mais, malgré l’abondante littérature sur le sujet, en livres et en articles, il ne semble pas que les bibliothèques soient arrivées à des résultats éprouvés et induscutables. Les crédits attribués aux différents chapitres varient selon les établissements, en fonction des choix fondamentaux, de la politique générale de la bibliothèque, de ses objectifs et de ses besoins. Les établissements les mieux gérés sont également ceux qui ont su trouver le meilleur équilibre entre les différentes catégories de dépense. A titre d’exemple, on peut donner la répartition du budget de la bibliothèque de l’University of California, campus de Berkeley, en 1978, soit $ 12 millions, qui se décomposent comme suit :

21La bibliothèque a réalisé une économie de $ 1 300 000 au cours de l’année sur le budget du personnel, soit 55 postes, surtout en remplaçant pas les agents partis à la retraite. Sur cette répartition, 95 % des fonds venaient de l’Etat de Californie, le reste de dons et de fondations, parmi lesquelles une subvention de $ 675 000 du Gouvernement Fédéral, Department of Education, attribués également aux bibliothèques du campus de Los Angeles et à Stanford University pour le programme d’automatisation en cours des titres de périodiques. Deux ans plus tot, $ 600 000 avaient été reçus de deux grandes fondations privées pour développer les collections et le service du prêt interbibliothèques entre Stanford et Berkeley ; $ 155 000 de l’Etat de Californie pour répondre aux besoins bibliothéconomiques du Department of Health (State) ; enfin S 200 000 de l’Association of Research Libraries pour réaliser un projet d’analyse des collections14.

Tableau 4 Exemple de répartition des dépenses dans quelques grandes bibliothèques en 197715.

22D’une façon générale, les budgets des grandes bibliothèques se tiennent de près, sauf celui de Harvard University, qui jouit de moyens beaucoup plus importants. Ces budgets suffisent encore pour assurer un développement normal des établissements, mais ne peuvent plus permettre les achats rétrospectifs, surtout étrangers, ni une ouverture plus large des locaux aux usagers, ce qui est demandé partout. Le budget livres est séparé en départements, le budget automatisation, entretien, équipement est général pour toute la bibliothèque et ses annexes. Le choix des priorités de dépenses est fait par le Directeur de la Bibliothèque au vu des différents rapports des chefs de service et sur l’avis des différents conseils et commissions intéressés, le Selection Committee pour le budget acquisition, l’Advisory Committee to the University Librarian, l’Academic Library Senate ; en fait, c’est le Directeur qui décide en dernier ressort. Les priorités choisies ces dernières années concernaient les acquisitions et l’automatisation. Le choix des priorités dépend en grande partie de l’orientation de la politique d’enseignement et de recherche de l’université, de ses grandes options, des besoins des usagers.

23En 1968, un conseil commun entre l’Association of Research Libraries et l’Association of College and Research Libraries se réunit pour étudier les normes des bibliothèques universitaires en matière de planification budgétaire. En 1967, cinquante bibliothèques universitaires fournirent des données à ce conseil qui effectua une étude comparative et, dans son rapport du 21 Juin 1969, proposa quelques critères de jugement. Il suggéra que 60 % du budget d’une bibliothèque de $ 3 000 000 (elle-même 5 % du budget de l’université) soit consacré aux salaires. Le personnel se répartissait de la façon suivante :

24 Ces proportions n’ont jamais été officiellement adoptées ni par l’ACRL ni par l’ARL, mais un certain nombre d’établissements s’en sont inspirés17.

25Le problème des priorités budgétaires est vital pour un établissement. C’est dans ce domaine que se révèle les qualités d’une planification judicieuse et d’une bonne gestion.

26Le budget lui-même est préparé quelques mois avant la fin de l’année fiscale (ler Juillet/30 Juin) par le Service Financier de la bibliothèque, d’après les rapports, les statistiques et les documents réunis par les différents chefs de service et les bibliothèques annexes. Il est soumis au Vice-Président, dans une université privée, ou au Vice-Chancelier dans une université d’Etat, par le Directeur de la Bibliothèque, qui le défend lui-même, pour être transmis au Président ou au Chancelier, puis au Conseil d’Administration de l’université pour approbation. Dès son attribution, au début de l’année universitaire en cours, il peut être dépensé. L’élaboration d’un budget exige le respect de quelques principes éprouvés auxquels on doit se tenir : le Directeur de la Bibliothèque doit être invité par le Président ou par le responsable du bureau du budget à défendre lui-même ses propres propositions, car il est le mieux informé et le mieux qualifié en la matière ; le budget doit être soumis et apprécié à temps pour assurer le fonctionnement de la bibliothèque, en particulier l’embauche de nouveaux personnels ; le Directeur doit réclamer suffisamment de crédits dans chaque catégorie pour assurer le développement normal de son établissement, croissance des collections, services publics et salaires suffisants eu égard au coût de la vie à la date du dépôt du budget ; le budget doit répondre à une planification à long terme en vue de la réalisation des objectifs d’enseignement et de recherche de l’université et non simplement couvrir les urgences, le quotidien, les besoins critiques ; le budget doit être suffisamment flexible dans son exécution ; permettre de résoudre les problèmes inattendus ; enfin, la classification des chapitres budgétaires doit permettre à la bibliothèque d’apurer aisément ses comptes financiers et de fournir sans problème toutes les informations requises à ce sujet à l’université et aux diverses associations et institutions concernées18.

27Le budget est exécuté selon les méthodes traditionnelles. Il est réparti entre charges fixes, fonds généraux et fonds des bibliothèques annexes, tout en gardant une certaine souplesse de gestion, sous la forme de fonds libres ou fonds de réserve. Toutes les dépenses doivent être justifiées et vérifiées par le Service Financier de l’université. Des archives complètes sont conservées à la bibliothèque, un double étant adressé à l’université avec le rapport mensuel.

28 Il est intéressant de constater, d’après les statistiques, que les fonds qu’une bibliothèque universitaire doit dépenser par étudiant sont en proportion inverse au nombre d’étudiants inscrit. Plus la bibliothèque est grande, plus le budget nécessaire par étudiant est proportionnellement restreint, si les services rendus demeurent les mêmes19. Ce fait largement prouvé dans de nombreuses publications est significatif et pourrait inciter à créer de larges unités plutôt qu’un grand nombre de petites institutions. Il va dans le sens de la centralisation systématique et de la coopération.

29Si l’on fait abstraction des règles propres au pays, on constate que la gestion financière et le budget des bibliothèques universitaires aux États-Unis ont une place relativement importante. Ils répondent surtout à des exigences de rationalisation, de planification et d’économie justifiée. Cette gestion est plus souple qu’en Europe, plus ouverte et plus prospective. C’est l’un des secteurs clefs de la vie et du développement des bibliothèques, d’où l’importance qui lui est attribué.