Chapitre 3. Les forces armées et l’exclusion de l’APRA
p. 83-103
Texte intégral
1Au moment où il fait son entrée dans la capitale, Sánchez Cerro est accueilli en véritable héros par la foule qui en fait le symbole de ses aspirations au changement. Jamais Lima n’aura connu une manifestation populaire aussi spontanée et enthousiaste. En 1930, les forces politiques civiles sortent affaiblies d’une dictature qui a proscrit toute forme d’activité partisane, supprimé la liberté de presse et réprimé les mouvements de travailleurs. Le « coudillo romantique » d’origine indienne cristallise alors, autour de sa personne, l’espoir des masses.
2Point de départ du mouvement qui portera au pouvoir le jeune officier, le soulèvement d’Arequipa n’est cependant pas le résultat d’une démarche dans laquelle un secteur des forces armées serait le porte-parole des classes populaires. Le manifeste présenté au moment du pronunciomiento dévoile son véritable sens. Apparemment l’oeuvre d’un collectif, il expose les doléances des secteurs moyens provinciaux, intellectuels libéraux et commerçants de la région d’Arequipa, assoiffés de décentralisation et d’une certaine démocratisation. Insatisfaits de l’administration antérieure, ils en dénoncent les abus, l’inefficacité et la corruption ; ils promettent d’assainir l’État et de libérer la nation des créanciers étrangers. Ils ne proposent ni programme politique, ni projet de transformation sociale. Leurs exigences se résument à la tenue d’élections libres et à la mise sur pied d’une assemblée constituante chargée d’élaborer une nouvelle constitution.
3Comment les classes possédantes accueillent-elles ces revendications ? Fragmentées politiquement et incapables de se regrouper au sein d’un grand parti conservateur, l’oligarchie côtière a continué à diversifier ses activités. Dès la Première Guerre mondiale, certains planteurs s’étaient tournés vers l’industrie et avaient commencé à rayonner dans tous les secteurs de l’économie. Même déplacés temporairement du pouvoir pendant plus d’une décennie, les grands propriétaires terriens ont donc pu reprendre pied aussitôt après la crise de 1929. Grâce au relâchement des investissements étrangers, une partie du capital national a également eu plus de latitude pour s’orienter vers le développement industriel et le marché interne. De cette diversité croissante résulte une aggravation des conflits d’intérêts à partir de 19301. Divisés, les groupes dominants choisissent de ne pas s’opposer au mouvement dirigé par Sánchez Cerro et d’utiliser son charisme sur les masses2.
4De leur côté, les forces anti-oligarchiques font leur entrée sur la scène politique. Mais scindées en de multiples courants qui opposent les partisans de Haya de la Torre à ceux de Sánchez Cerro, les communistes aux anarchosyndicalistes, elles ne parviennent pas à se regrouper à l’échelle nationale. Exigeant un élargissement de la base sociale de l’État, l’APRA s’impose alors comme le principal mouvement populaire organisé, canalisant les aspirations de la petite-bourgeoisie et d’une partie des masses. C’est l’émergence de cette force politique avec laquelle il faut désormais compter qui permet d’identifier 1930 comme le début de la crise de l’État oligarchique. « Fuite des élites » ou « situation révolutionnaire présentant un danger réel pour le pouvoir », la crise qui s’amorce avec la chute de Leguía inaugure une période de tensions socio-politiques qui n’épargnent pas les forces armées3.
Le premier gouvernement de Sánchez Cerro (1930-1931)
5Loin d’apaiser les esprits, la présence de Sánchez Cerro à la tête de l’État nourrit le climat de violence et accroît la polarisation sociale, perceptibles dès les premiers mois de son gouvernement. Le jeune coudillo tente avant tout d’asseoir sa légitimité en prenant des positions critiques à l’endroit de l’oncenio. Puis il adopte quelques mesures destinées à resserrer ses liens avec les masses : distribution de nourriture, défense des locataires, peruonizoción de certains secteurs de l’enseignement, abolition de la conscripción viol4. Il n’arrive pas toutefois à calmer le mouvement populaire. Les syndicats sont très actifs, en particulier chez les mineurs de la Cerro de Pasco et les ouvriers du pétrole à Talara. En novembre 1930, 50 000 travailleurs se réunissent lors du premier congrès de la Confederoción Generol de Trobojodores del Perú (CGTP), d’obédience communiste. Principale instigatrice des mouvements de revendication, la CGTP sera dissoute par le gouvernement un an plus tard, mais poursuivra ses activités, souvent en concurrence avec l’APRA qui s’engage à son tour dans l’action syndicale5.
6L’agitation gagne le pays. Sánchez Cerro décrète l’état de siège dans les départements de Junin et de Lima. Il met également sur pied des conseils de guerre pour juger ceux qui, par incitation verbale ou écrite, menacent l’ordre public. Le droit de réunion est suspendu. Parallèlement, le coudillo s’entoure de personnalités nettement identifiées aux classes possédantes et prend des dispositions qui leur sont favorables : baisse du prix des fertilisants, élimination des taxes sur les propriétés sucrières et cotonnières, augmentation des crédits agricoles. On convoque, enfin, une assemblée constituante dont le mandat est d’élire un président provisoire et de préparer une nouvelle constitution.
7Mais Sánchez Cerro ne prend pas le risque de perdre le pouvoir : il annonce la tenue d’un plébiscite dont l’objectif est d’assurer son élection et d’accroître la légitimité de son gouvernement. Cette tentative d’auto-élection suscite l’opposition des sánchezcerristos de la première heure. Déçus parce qu’il n’a pas tenu certains de ses engagements, notamment la promesse d’accroître l’autonomie locale, ses partisans sont également hostiles à la présence, au sein de la junte, de membres du parti civiliste. D’autre part, la haute hiérarchie militaire, exclue du pouvoir, n’a jamais vu d’un très bon oeil l’arrivée d’un gouvernement formé de majors et de colonels. En outre, même au plus fort de son prestige, le chef de l’Etat n’a toujours pu compter que sur un soutien partiel du corps des officiers. À Cuzco, Arequipa, Piura et Lambayeque, des militaires de tous niveaux hiérarchiques déclenchent une série de révoltes. Devant l’ampleur du mouvement d’opposition au sein de l’armée, la junte expédie troupes, avions et navires de guerre.
8Quelque temps plus tard, Sánchez Cerro suspend les opérations et convoque à une scéance de conciliation tous les groupes d’opinion, à l’exception du parti communiste. Mais en février 1931, les pressions des secteurs moyens du sud l’obligent à démissionner et à retirer sa candidature aux élections présidentielles. Une assemblée se forme, composée des responsables de différentes institutions, des directeurs de journaux, des représentants de toutes les formations politiques et de douze délégués ouvriers. Pour la première fois, la marine adopte une position autonome : elle exige la mise en place immédiate d’un gouvernement provisoire, dirigé par le président de la Cour suprême et le chef d’état-major de l’armée. Entretemps, les insurgés du sud ont établi une junte présidée par David Samañez Ocampo, riche propriétaire terrien et ancien montonero. Mais la junte d’Arequipa ne reconnaît pas celle de Lima, elle-même contestée par la garnison de la capitale qui porte au pouvoir le commandant Gustave Jiménez6.
9Cet éclatement du pouvoir inaugure la période d’anarchie la plus grave de l’histoire péruvienne. Depuis le pronunciomiento de Sánchez Cerro en août 1930 juqu’à la prise de Lima par le commandant Jiménez le 5 mars 1931, le pouvoir a changé de mains cinq fois. En un mois, il y a eu six insurrections militaires et trois sources d’autorité sont apparues simultanément. Durant plusieurs jours, deux juntes se partagent le pouvoir, l’une à Lima, l’autre dans le sud, celle-ci divisée entre une junte civile et une autre militaire. Pour freiner le processus de désintégration, le commandant Jiménez et la marine concluent un accord. En mars 1931, ils font appel à Samañez Ocampo pour former une junte nationale réunissant des représentants de toutes les régions. Elle comprend six civils et deux militaires. Son mandat étant de préparer des élections libres, la junte est chargée de réorganiser les partis et les groupes politiques. Le droit de réunion est rétabli. Pendant ce temps, l’agitation sociale se poursuit ; des grèves éclatent, entre autres dans les transports en commun et chez les ouvriers du pétrole.
10L’armée n’est pas à l’abri des tensions qui agitent la société civile. Plusieurs révoltes militaires se produisent encore à Puno, Cuzco et Lima où des soldats et des élèves d’un régiment d’infanterie se soulèvent sous la direction d’un sergent. Pris à leur tour d’une fièvre subversive, ils vont jusqu’à demander l’amélioration des conditions de vie du prolétariat. Des officiers opposés à la junte auraient même entamé des pourparlers avec la CGTP. De son côté, le parti communiste encourage soldats et ouvriers à fraterniser.
L’élection présidentielle d’octobre 1931
11C’est dans ce contexte de crise généralisée que se prépare l’élection à la présidence. Dans le passé, les rivalités inter-personnelles étaient au coeur des luttes électorales et seuls quelques groupes étaient vraiment concernés. Fugace, la participation aux élections se limitait aux clubs électoraux, manipulés et disparaissant au gré des scrutins. Mais en 1931, le droit de vote est accordé à tous les hommes âgés de vingt-et-un ans et plus sachant lire et écrire. Analphabètes, les paysans en sont privés. L’élection reste donc un phénomène essentiellement urbain auquel ne participe que 7, 4 % de la population7.
12La période pré-électorale met en évidence la dispersion des forces politiques. Du côté de l’oligarchie, l’existence de conflits d’intérêts régionaux empêche l’émergence d’un leader d’envergure nationale. Les représentants des grandes familles organisent une convention, mais se révèlent incapables de rassembler leurs forces et de proposer un candidat unique. Le mouvement populaire est tout aussi fragmenté. Relativement peu nombreuse et divisée, la classe ouvrière est en voie de formation et la paysannerie vit retranchée. Les masses urbaines se polarisent donc en deux camps apparemment fort éloignés l’un de l’autre : d’un côté les disciples de Sánchez Cerro, de l’autre les partisans de Haya de la Torre. Cette polarisation s’accompagne d’une violence verbale sans précédent, entretenue par les deux candidats.
13De l’exil le coudillo organise sa campagne électorale, appuyé par un groupe d’ultra-nationalistes. Issus des classes moyennes ou membres de quelques vieilles familles aristocratiques, les partisans de Sánchez Cerro sont particulièrement sensibles à la question de l’intégrité territoriale. Opposés à la réforme universitaire quand ils étaient étudiants, ils ont également eu maille à partir avec Haya de la Torre, suspect en raison de ses liens avec l’étranger. Afin de promouvoir la candidature de leur chef ils fondent un parti, l’Unión Revolucionorio (UR), et un journal, Lo Opinión. L’enthousiasme populaire est tel que plusieurs clubs sánchezcerristos se forment spontanément dans les quartiers pauvres. Près de cinquante-cinq clubs comptant plus d’une centaine de membres chacun s’établissent à Lima, la plupart du temps sans que le parti y soit vraiment pour quelque chose8.
14Les manifestations de masse prennent une ampleur inégalée. Sánchez Cerro attire surtout la clientèle des secteurs populaires non syndiqués ; les groupes de travailleurs organisés adhérent plutôt à l’APRA. Mais c’est le style du leader plus que son programme politique, relativement confus, qui détermine le caractère du mouvement. Il développe une relation charismatique, paternaliste, directe et personnalisée avec les masses. Ses contacts avec elles sont fréquents. Il fait appel à leurs émotions plus qu’à leur engagement idéologique qui se résume à une adhésion individuelle, sans réserve, à sa personne. La confusion de son programme ressort clairement dans une remarque désinvolte du jeune coudillo qui confiait à l’un de ses proches : « Le jour où j’aurai quelques heures de liberté, je résoudrai le problème économique du Pérou »9.
15L’ascendant de Sánchez Cerro sur les masses inquiète l’oligarchie qui se montre tout d’abord réservée à son endroit. Présidée par Samáñez Ocampo, la junte a tenté par tous les moyens (purges au sein de la bureaucratie, censure de la presse, etc.) de minimiser l’influence des sánchezcerristos. Loin d’être radicaux, ces derniers ne réclament pourtant qu’un rajeunissement des structures traditionnelles. Sánchez Cerro représentant une force politique incontournable, l’oligarchie choisira finalement de l’appuyer en lui prodiguant ses conseils et en finançant sa campagne électorale. La correspondance échangée entre deux représentants des élites traditionnelles annonce déjà leur choix : « Depuis que Sánchez Cerro s’est fait le défenseur des intérêts conservateurs, il a le soutien de ceux qui sont à droite, car il n’y a pas de candidat qui ait mieux réussi que lui avec les masses »10. Réussite attribuée tant à ses prises de position qu’à l’emploi de la force : « Heureusement que Sánchez Cerro utilise le fouet et l’épée, car il est clair qu’il n’y a pas d’autre moyen de gouverner ce pays »11. Reconnaissant de cet appui, le coudillo choisira une partie de son premier cabinet parmi les civilistes écartés du pouvoir en 1919.
16La décision de soutenir Sánchez Cerro tient compte également de sa popularité au sein de l’armée. Plusieurs facteurs expliquent la coïncidence d’intérêts entre l’UR et les milieux militaires. Le parti s’adresse à une petite-bourgeoisie conservatrice dont le seul objectif est de maintenir l’ordre public et la sécurité des institutions ; il réserve aussi à l’État, seul capable de contrôler le mouvement populaire, le soin de réaliser cet objectif. A l’instar d’autres formations politiques, l’UR trouve au sein des forces armées, perméables aux luttes politiques civiles, un terrain privilégié d’influence.
17D’autre part, le mouvement lancé par Sánchez Cerro a puisé son premier souffle au contact des jeunes officiers : les membres de son gouvernement ne dépassaient pas le grade de colonel. Sa victoire a donc ouvert la voie à la promotion politique d’un grand nombre de subalternes, métis comme lui, et qui ont vu se multiplier leurs chances d’accéder au pouvoir. Le président, « après une comédie constitutionnelle »12, propose à la Chambre les colonels qu’il a choisis et seul ce choix compte, les critères d’ancienneté ou de services exceptionnels rendus n’intervenant pas dans les promotions. Plus visible en 1930, cette volonté d’accéder au pouvoir n’est pourtant pas nouvelle. Dix ans plus tôt, la correspondance du ministre de France laissait déjà entrevoir cette évolution :
18« ... tous ceux qui déplorent les funestes effets qu’a produit au Pérou le règne des généraux, qui redoutent le retour (…) du militarisme et de la dictature, reprochent aux Missions françaises, (…), d’avoir créé dans l’État un nombreux Corps d’Officiers qui restent sans emploi puisque l’armée est extrêmement réduite et qui forcément sont amenés à faire de la politique et à servir d’instruments pour les coups d’État. Nos officiers n’avaient pas les moyens d’organiser l’armée péruvienne sur le modèle des armées d’Europe : les ressources manquaient pour mettre sur pied un grand nombre de Bataillons. On s’est contenté d’instruire comme officiers le plus possible de jeunes gens. On a créé un état-major sans troupe. Une armée de pronunciomientos »13.
19Affirmant sa volonté de rendre au Pérou le prestige d’une nation souveraine, le jeune coudillo apparaît comme le moteur d’un « nationalisme intégral » qui séduit une partie de l’opinion, civile et militaire. Depuis la dernière décennie, la présence peu discrète des Américains n’a pas été sans encourager la montée d’un courant nationaliste dont un secteur des forces armées se fait maintenant le porte-parole. Quelques mesures percutantes ont d’ailleurs nourri l’idéal patriotique des sànchezcerristos. Dès 1930, les chefs de la mission militaire américaine, marine et aviation, sont écartés de leurs fonctions administratives et confinés aux tâches didactiques. Ils sont remplacés par des Péruviens. Les forces armées comptent ainsi parmi l’un des premiers secteurs à emboîter le pas au mouvement de peruonizoción.
20Même l’opposition de Sánchez Cerro à l’APRA, qu’il désigne sous le vocable de l’« anti-patrie », prend l’allure d’une croisade nationaliste. Publié peu de temps avant les élections, un document dénonce tous ceux qui exploitent les différends socio-économiques entre Péruviens, aux dépens de l’unité nationale. L’emprise de Sánchez Cerro sur les masses désavantage Haya de la Torre qui modifie la stratégie électorale de son parti. Deux moments marquent la trajectoire politique de l’APRA : le premier, antérieur à 1931 ; le second, postérieur à cette date, et qui s’amorce avec la candidature de son chef à la présidence14. Au cours de la première période, le parti identifie l’État comme l’instrument politique des trois classes opprimées qu’il prétend représenter : la paysannerie, le prolétariat industriel naissant et les classes moyennes.
21Depuis sa fondation, l’APRA s’est portée à la défense de la petite-bourgeoisie, victime du mouvement de paupérisation qui s’est amorcé au début du XXe siècle et s’achève avec la crise de 192915. L’accent est alors mis sur la lutte anti-impérialiste et la confrontation avec l’oligarchie. À partir de 1931, le parti fait volte-face. Il adopte des positions plus modérées sur la réforme agraire et la nationalisation de l’industrie minière. Haya de la Torre propose encore de freiner la progression de l’impérialisme, mais en s’alliant aux capitaux étrangers sans lesquels le développement national serait compromis. S’il fustige la corruption et la décadence des civilistes, son parti entretient aussi des liens étroits avec certains membres des classes possédantes dont il reçoit une aide substantielle pendant la campagne électorale16. L’État devient seul responsable du déséquilibre économique et socio-politique du pays.
22L’APRA n’a pas l’apanage du discours anti-impérialiste. Aux élections de 1931, Sánchez Cerro prône également le contrôle du capital étranger et la création d’une institution financière qui pourrait soutenir les nationaux en difficulté. L’organisation verticale et le paternalisme envers les masses sont d’autres points communs au populisme militaire de Sánchez Cerro et à celui de Haya de la Torre. Le chef apriste ira même jusqu’à identifier le prolétariat péruvien à un enfant qui n’a pas les aptitudes nécessaires pour se diriger lui-même17.
Les forces armées : enjeu et terrain des luttes politiques civiles
23Tous les efforts déployés par l’APRA ne suffisent pas à lui assurer la victoire. Candidat officiel des forces conservatrices, Sánchez Cerro accède à la présidence avec l’élection de soixante-dix-huit députés. D’autres groupes gagnent une présence – minoritaire mais officielle – sur la scène politique, notamment l’APRA qui, avec ses vingt-sept députés, émerge comme la principale force d’opposition organisée. Le Congrès devient un lieu privilégié d’affrontement politique18. En témoigne le débat qui s’engage sur le contenu d’un nouveau texte constitutionnel. D’un côté les forces conservatrices souhaitent limiter les attributions du Congrès ; de l’autre les secteurs anti-oligarchiques exigent une démocratisation du système. Leurs positions sont irréconciliables. En février 1932, la crise est imminente. La majorité ultra-nationaliste refuse tout élargissement des bases sociales de l’État. Les vingt-sept députés apristes seront expulsés en vertu de leur appartenance à une « organisation internationale ».
24Mutilé, le Congrès n’en continue pas moins ses activités. Lieu de regroupement des forces conservatrices dispersées avant l’élection de 1931, il assure une couverture légale et officielle à un gouvernement qui s’appuie de plus en plus sur la répression. Les mesures adoptées instaurent progressivement un régime de force qui aboutira, en 1933, à la nomination du général Benavides à la présidence. L’exclusion du parti de Haya de la Torre pèsera lourdement sur l’histoire politique nationale. La réputation de violence qui le poursuivra tout au cours de son itinéraire politique prend sa source au cours de cette période dite des « catacombes ». Les consignes attentistes des dirigeants sont désavouées par leurs troupes qui s’engagent dans une série d’actions clandestines avec la complicité de certains éléments des forces armées19. Dès la publication des résultats confirmant la victoire de Sánchez Cerro et au cours des seize mois de son gouvernement, les actes de violence attribués au parti se succèdent : attentat contre le président en mai 1932 ; révoltes à Lima en juin, à Trujillo en juillet, à Huaraz en août et à Cajamarca en mars 1933 ; enfin, assassinat de Sánchez Cerro en avril de la même année.
25Il paraît étonnant qu’un parti ayant une aussi large audience que l’APRA soit dans l’obligation de recourir à l’appui des militaires. Mais à l’intérieur d’un espace politique dont la majorité des secteurs sociaux est exclue, le recours aux forces armées apparaît comme l’unique possibilité d’accéder au pouvoir. D’autre part, la crise qui secoue le Pérou au début des années trente se caractérise par l’incapacité de tous les groupes ayant un projet politique, même plus ou moins bien défini, de s’imposer. L’APRA n’est donc pas le seul parti à se rapprocher des forces armées. Le PC aurait également tenté quelques démarches en ce sens. De leur côté, les classes possédantes ne font pas exception : en plus d’être profondément divisées, elles s’avèrent incapables d’intégrer les différents secteurs de la société. Le retranchement de la paysannerie indigène leur assure une marge de manoeuvre plus étendue ; mais l’irruption des masses urbaines sur la scène politique les oblige à compter de plus en plus sur la force et à utiliser régulièrement l’armée comme arène de leurs conflits.
26Ainsi, plusieurs soulèvements où se côtoient civils et gens d’armes se produisent. Souvent spontanés, certains se réclament de l’ex-dictateur Leguía ; d’autres sont soutenus par les grands propriétaires du sud. Simultanément, de nombreux pronunciomientos sont lancés par les clubs sánchezcerristos en réponse aux révoltes des militants apristes, déçus des résultats du scrutin. Loin d’être monolithiques, les forces armées deviennent donc à leur tour l’« enjeu et le terrain des luttes politiques civiles »20. Pour contenir les mouvements insurrectionnels qui éclatent sur plusieurs points du territoire, une vague de répression généralisée déferle sur le pays. La répression frappe non seulement les civils, mais également les militaires, surtout les jeunes officiers de rang intermédiaire et inférieur chez lesquels l’APRA aurait suscité le plus de remous. Plus rares, les sympathies de certains membres de l’estoblishment militaire – les généraux Gustave Jiménez, Antonio Rodríguez, Juan de Dios Cuadros et José del Carmen Marín – sont également notoires21. À plusieurs reprises entre 1932 et 1948, l’APRA a cherché à s’engager dans une action concertée avec ces hauts gradés de l’institution avec lesquels s’est établie une coïncidence d’intérêts, personnels ou politiques.
27En proie aux dissensions internes, l’institution militaire se ressent profondément des conflits qui agitent la société. Ces tensions se répercutent avec une telle intensité au sein des corps armés que l’institution doit sévir pour préserver son unité. Elle va jusqu’à imposer l’exil ou même éliminer physiquement ses membres récalcitrants. En avril 1932, plusieurs officiers (commandants, capitaines et lieutenants) sont déportés à titre de prisonniers politiques. Le 8 mai, le personnel subalterne des croiseurs Grau et Bolognesi se soulève et fait prisonnier les officiers de la garde. Pour éviter que le mouvement ne se propage, la sanction sera exemplaire : l’exécutif condamne à mort dix-sept des accusés dont huit seront fusillés sur le champ. Les causes réelles du mouvement demeurent obscures et les liens avec le parti communiste ou l’APRA restent encore à déterminer. L’événement est cependant révélateur du degré d’intensité de la crise interne qui atteint différents niveaux hiérarchiques.
28Une fois matés les insoumis, l’institution demeure garante du système de domination, formant en quelque sorte une « classe politique de remplacement » à laquelle les groupes dominants s’adressent au besoin. Jusque dans les années cinquante, l’appareil militaire et l’oligarchie ont d’ailleurs cimentées leurs relations sur une volonté commune d’exclure l’APRA du pouvoir. La rivalité entre le parti de Haya de la Torre et les forces armées – rivalité qui a pris naissance au cours des années trente suite aux actes de terrorisme politique attribués à l’APRA – a constitué l’un des éléments les plus fréquemment proposés pour expliquer la prise du pouvoir par l’armée en 1933, 1936, 1948, 1962 et 196822. Les militaires constituant la classe politique en exercice et les apristes aspirant à le devenir, ils se dresseraient les uns contre les autres dans la course au pouvoir. L’institution militaire se serait également sentie menacée par le projet initial de l’APRA préconisant la subordination des forces armées au pouvoir civil et leur substitution par une armée partisane23. Mais bien que réelle, la volonté d’exclure l’APRA n’explique pas à elle seule le rôle des militaires dans le système politique. D’autres facteurs entrent en ligne de compte dont il sera fait mention en cours de route.
29Après l’assassinat de Sánchez Cerro, le Congrès nomme à la tête de l’État le général Benavides. Mais la décision est anti-constitutionnelle : l’article 137 de la constitution de 1933 stipule, en effet, que les officiers en service actif sont inéligibles aux postes de président ou de vice-président, à moins qu’ils n’aient démissionné un an avant les élections. La sécurité de l’État prévaut toutefois sur les considérations d’ordre constitutionnel. « Le général se porte une fois de plus à la rescousse de l’oligarchie, au nom de l’harmonie de toute la famille péruvienne »24. Il intervient pour éviter que l’État ne tombe aux mains de ces « classes dangereuses », représentées par le parti de Haya de la Torre, et faciliter la recomposition des forces conservatrices. Promulgation de l’état de siège, répression généralisée des secteurs rebelles de l’institution militaire et mise en place d’une dictature avec la complicité du Congrès : toutes ces mesures permettront de mener à terme le mandat du président assassiné et de dépasser la crise qui risquait d’entraîner le Pérou vers la guerre civile.
L’armée à la défense de l’État (1933-1939)
30Plusieurs raisons expliquent la nomination du général Benavides qui obtient l’accord de toutes les parties représentées au Congrès, formé majoritairement de partisans de Sánchez Cerro. « Naguère tout-puissant mais constitué comme le sont en général les groupements politiques de ce pays, grâce au prestige d’une personnalité et dont la cohésion s’évanouit avec la disparition de son chef »25, l’Unión Revolucionorio n’a d’autre alternative que de s’en remettre à l’armée. Promu général de division et commandant suprême par Sánchez Cerro, Benavides avait également appuyé le coudillo lors de son élection. Avant sa disparition, il aurait même été approché pour former un nouveau cabinet. Le Congrès garde donc en mémoire les liens d’amitié qui unissaient les deux hommes.
31Au cours des premiers mois de son mandat, le président choisit de gouverner avec la complicité de ceux qui l’ont porté au pouvoir. L’influence de l’UR est du reste considérable dans l’armée et l’administration publique, entièrement renouvelée par Sánchez Cerro. Mais le général ne se réclame d’aucune allégeance politique. Son autonomie à l’égard des forces en présence – autonomie qui ira s’amplifiant – s’exerce sur tous les plans. Il prend de plus en plus ses distances à l’endroit des héritiers de Sánchez Cerro et du Congrès qui, laissés pour compte, lui reprocheront bientôt d’exercer une quasi-dictature. Dès juin 1933, il forme un cabinet de « conciliation et de bonne entente » sous la présidence de José Prado. Accueilli assez fraîchement par l’ensemble de l’oligarchie dont les intérêts ne sont pourtant pas remis en cause, ce choix traduirait l’ouverture d’un secteur des classes possédantes à l’industrie26.
32Parallèlement, le général Benavides et Haya de la Torre s’accordent une trève ; le second obtient la tenue d’élections et le rétablissement de la liberté de presse. L’APRA poursuit ses activités ; un grand nombre de prisonniers politiques recouvrent la liberté et Lo Tribuno, porte-parole du parti, a de nouveau droit de cité. Accusant le gouvernement de complicité avec l’APRA, les ultra-conservateurs – particulièrement l’UR dont la raison d’être est son hostilité envers le parti de Haya de la Torre – s’opposent à la politique de conciliation. Tout comme les forces armées où les partisans de Sánchez Cerro restent nombreux. L’origine sociale des officiers – qui redoutent de voir l’APRA retrouver son influence parmi eux – n’est pas étrangère à cette identification posthume à la personne du coudillo. Les Français en poste à Lima ont, à plusieurs reprises, souligné le niveau social peu élevé et l’origine modeste des officiers péruviens, écartés du « grand monde » et qui se tiennent à l’écart de l’élément civil : « Les conservateurs péruviens laissent l’armée se recruter presqu’exclusivement parmi les métis qu’ils traitent avec autant de dédain »27. Si les classes possédantes ont soutenu Sánchez Cerro en 1931, c’est que le seul moyen de barrer la route au « blanc » Haya de la Torre était de lui opposer un coudillo de sang indien.
33Le général Benavides ne peut se réclamer de cette forme de légitimité. Sa position d’officier issu des groupes dominants lui permettra toutefois d’accroître son autonomie : « Il a su jouer sur ce double tableau avec une rare maîtrise, en s’imposant aux militaires par sa situation sociale et d’autre part, en agitant devant les conservateurs, pour éluder leurs exigences, le spectre de cette armée qu’ils ignorent et qu’ils méprisent, bien que leur sort en ait si souvent dépendu »28. N’ayant pas les mêmes atouts que Sánchez Cerro, le général se fait l’avocat d’un « populisme de droite ». Soucieux d’étendre sa base de pouvoir à l’extérieur du Congrès, il adopte quelques mesures réformistes qui auront finalement peu d’impact sur l’ensemble de la société : réglementation des heures de travail des employés ; construction de restaurants populaires et d’un quartier ouvrier à Lima ; création d’un ministère de la Santé, du Travail et de l’Assistance sociale.
34Les mouvements d’opposition prennent de l’ampleur. Même l’armée vacille : des rumeurs de complots contre la personne du général Benavides se font jour ; un pronunciomiento se serait même produit à Lima en janvier 1934. Le général a pourtant cédé aux pressions du ministre de la Guerre, devenu porte-parole des opposants à sa politique de conciliation avec l’APRA. Il sacrifie également le cabinet Prado. Un anti-apriste notoire est nommé ministre de l’Intérieur. La consigne se résume à une seule formule : lutte à outrance contre l’APRA. De nombreux militants sont emprisonnés ; les locaux et les journaux du parti sont fermés. Une bonne partie de la clientèle apriste se recrute au sein de l’institution militaire où des cellules se sont formées. Le gouvernement charge donc un groupe de policiers-enquêteurs de démanteler les mouvements subversifs. C’est le règne de la méfiance tant au sein de la population que des forces armées. Epuration, promotions et hausse des soldes devraient cependant assurer que les postes de commande sont entre les mains d’officiers inféodés au régime.
35Toutes ces mesures répressives n’empêchent pas l’opposition de s’accroître. En juillet 1934, l’effervescence ouvrière gagne divers points du pays : grèves des cheminots de la Peruvian Corporation, des travailleurs agricoles de Cañete, des dockers de Callao, etc. L’agitation s’étend aux universités et aux lycées. Pendant plusieurs mois, des noyaux de résistance se forment, entre autres à Huancavelica, Ayacucho et Arequipa. Des complots sont mis à jour et des révoltes éclatent, impliquant civils, policiers et militaires. En 1935, un membre de la famille Miró Quesada, propriétaire de El Comercio et farouchement opposée à l’APRA, est assassiné.
36Entre-temps, invité par le général Benavides à former un nouveau cabinet, Pedro Beltrán, propriétaire de Lo P renso et membre éminent de l’oligarchie, choisit ses collaborateurs parmi les éléments les plus exaltés de l’ancien parti de Sánchez Cerro. Aussi le chef de l’État réaffirme-t-il son autonomie. Doté d’un pouvoir quasi illimité, il restreint le rôle du Congrès dont les membres votent, sans discussion, une centaine de lois. Ils s’en remettent finalement à l’Exécutif pour fixer la date des élections, ajournées indéfiniment depuis un an. Exception faite de deux civils, le nouveau cabinet se compose presqu’entièrement d’officiers, anciens collaborateurs de Sánchez Cerro.
37L’omniprésence des militaires au sein du noyau dirigeant met en évidence l’échec du général Benavides et des forces conservatrices à mettre sur pied un groupe viable politiquement. À la veille du scrutin de juillet 1936, la droite est divisée en plusieurs partis. Pedro Beltrán dirige le Portido National Agrorio, porte-parole des agro-exportateurs ; Jorge Prado met sur pied le Frente Notionol, associant des éléments plus ou moins épars. Les frontières idéologiques flottantes de la plupart des formations partisanes de l’époque favorisent ces regroupements qui naissent au moment d’une élection pour disparaître presque aussitôt. De son côté, Elaya de la Torre est exclu de la course, toujours en raison de l’appartenance du parti à une « organisation internationale ». Le chef de l’État justifie sa décision d’exclure l’APRA en invoquant la constitution de 1933 : sont privés de leurs droits politiques les partis « qui prétendent détruire le moral et la discipline de notre armée »29. En guise de protestation contre l’ostracisme dont est victime Haya de la Torre, le chef d’un groupe social-démocrate, Luis A. Eguiguren, se dissocie du rassemblement formé par Jorge Prado et prend la tête des secteurs anti-oligarchiques soutenus par l’APRA.
38Dispersion de la droite ; divisions au sein de l’armée et crainte d’une victoire possible des forces démocratiques : tous ces facteurs conduisent le général Benavides, partisan de Jorge Prado, à annuler les élections et à se maintenir au pouvoir même si la constitution lui interdit de prolonger son mandat. Après la nomination d’un nouveau cabinet composé exclusivement de militaires et d’amis personnels, le général convoque les députés élus en 1931. Pour se légitimer, il fait donc appel, paradoxalement, à un Congrès totalement dépourvu de légitimité et dont même les militaires souhaitaient la révocation. En plus d’entériner la prorogation de son mandat, les parlementaires délèguent au président tous les pouvoirs attribués par la constitution à la Chambre. Il a désormais non seulement le droit de légiférer, mais encore celui d’« interpréter, modifier et casser les lois existantes »30. Il s’éloigne également de plus en plus de la droite qu’il a tenté d’unifier au cours des trois dernières années. Sans succès : les ultra-conservateurs lui sont toujours hostiles. Arrestations et déportations sont le lot des opposants. Les dirigeants de l’UR en sont les premières victimes.
39La lutte contre l’APRA et le communisme reste toutefois le terrain d’action privilégié du chef de l’État. En mars 1937, il adopte une loi prévoyant exil, amendes, travaux forcés ou peine de mort, si des attentats sont commis contre le président, ses ministres et ses fonctionnaires. Cette loi s’addresse à tous ceux qui professent des doctrines internationales ou reçoivent des subsides de gouvernements ou de partis étrangers ; qui propagent de fausses nouvelles dans le but de troubler l’ordre public ; organisent des grèves ; arborent des uniformes, drapeaux ou emblèmes non autorisés ou conspirent contre les autorités constituées.
40Jamais la censure n’aura été aussi stricte. Même le très officiel West Coost Leoder, organe d’information du monde des affaires américain, doit renoncer à son compte rendu hebdomadaire de la situation politique. La gauche est particulièrement touchée par la loi. Selon la presse péruvienne de l’époque, cette loi s’inspire de la législation de « défense sociale » adoptée dans plusieurs pays d’Amérique latine – notamment le Brésil, l’Argentine et le Chili – contre le « péril communiste ». Elle frappe d’interdit la propagande des « doctrines communistes ou dissolvantes », par « quelque moyen de publication ou diffusion qu’elle s’exerce : livres, journaux, (…) tracts, annonces, dessins, inscriptions murales, instruments acoustiques ou lumineux, cinéma ou radio, etc. (…), en interdit l’introduction sur le territoire national, la production, la vente et l’acquisition, la distribution... »31. L’Universol, organe officieux du gouvernement, justifie une telle sévérité : « Le monde est en effet divisé en deux tendances irréconciliables. Au travers de tous les noms que se donnent les partis politiques, de toutes les tendances idéologiques des individus, on n’aperçoit au fond que deux tendances, ceux qui sont pour le communisme et ceux qui sont contre lui »32.
41Faisant contrepoids à la répression dirigée contre les opposants politiques, l’accroissement du rôle de l’État sur le plan social et infrastructure ! assure au gouvernement une certaine légitimité. Les mesures les plus importantes sont la création d’une assurance sociale obligatoire ; l’établissement de normes réglementant les arrêts de travail, les jours fériés et les pensions des fonctionnaires ; enfin, l’élaboration d’un code de procédures régissant les associations ouvrières. La jeunesse fait l’objet d’une attention paticulière. Craignant de la voir touchée par les « théories sectaires et dissolvantes », le général Benavides souhaite lui inculquer le sentiment national et la défense de la patrie par les armes33. Montées en épingle par la presse gouvernementale, nombre de ces mesures ne sont destinées qu’à frapper l’imagination populaire, par exemple la distribution de petits déjeuners gratuits aux écoliers. En 1936, les dépenses d’aide sociale augmentent cependant de 193 % comparativement à 1933 ; celles de l’éducation de 77 % et celles des travaux publics de plus de 400 %34.
42D’autre part, le général Benavides ne néglige rien pour s’assurer la loyauté des officiers. Amorcé sous l’administation de Sánchez Cerro, l’accroissement des dépenses militaires se poursuit, motivée surtout par la remise en cause du traité Salomón-Lozano signé en 1922 entre le Pérou et la Colombie. L’occupation de la petite ville de Leticia a servi de détonateur au conflit, déclenché par un noyau d’officiers et quelques civils de la région nord-est du pays. Soutenu par le nationalisme exacerbé de ses partisans, Sánchez Cerro s’était engagé dans une politique belliciste et intransigeante. Les dépenses consacrées à la défense nationale représentant « une charge excessive pour le budget d’un pays en état d’insolvabilité », les milieux d’affaires s’en étaient d’ailleurs inquiétés35.
43Évènement mineur à prime abord, le conflit est l’occasion pour l’armée péruvienne d’entreprendre un important programme de modernisation. Un bilan déposé en 1931 décrit l’état de confusion dans lequel elle se trouve après trois décennies d’assistance militaire36. La diversité de l’équipement est telle que l’infanterie est une espèce de musée. L’aviation possède des appareils et des pièces d’origine diverse. Le matériel n’est pas toujours approprié au théâtre d’opérations. Parfois on s’est efforcé d’adapter les règlements français les plus récents au matériel désuet en usage dans l’armée péruvienne. Mais, dans certains cas, on les a tout simplement traduits sans se soucier du fait que le Pérou ne pourra se procurer, dans l’immédiat, l’équipement moderne pour lequel ces réglements ont été prévus. À cette incohérence s’ajoute la confusion des méthodes d’enseignement : une partie des officiers est formée en France ; l’autre aux États-Unis.
44Pour renouveler l’équipement, on se tourne tout naturellement vers Paris qui, depuis plus de trente ans, est l’un des principaux fournisseurs du Pérou. Même s’il ne s’est pas toujours très bien acquitté de ses dettes dans le passé, l’industrie française accepte de négocier avec le gouvernement de Lima. Ainsi l’armée péruvienne achètera-t-elle à la France pour plus de cent millions de francs de matériel, dont 73 millions au cours de la seule année 193337. Le conflit entre le Pérou et la Colombie – l’un étant très bien informé des achats de l’autre – suscite un regain d’intérêt de la part des pays producteurs d’armements qui profitent de la volonté des deux camps de s’équiper militairement.
45La France n’est pas la seule, en effet, à tirer profit du litige. De nombreux pays livrent du matériel de guerre aux belligérants : l’Espagne, la Pologne, l’Allemagne et bien sûr, les États-Unis. Au début des années trente, une commission du Sénat américain révéle qu’en Amérique latine, les principaux fabricants de matériel militaire se sont engagés dans une lutte impitoyable ; en plus de dénoncer les importants bénéfices réalisés par ces compagnies, l’enquête prend à partie les missions militaires dont le rôle est de faire pression sur les gouvernements locaux afin qu’ils accroissent leurs achats d’armes38.
46En 1934, la signature du traité de Rio met fin aux hostilités. Mais la modernisation de l’équipement se poursuit. Les sommes allouées à la défense passent ainsi de 29, 2 millions de soles en 1933 à 45, 3 millions en 1934, le budget atteignant alors 123, 7 millions de soles ; mais en 1936 – année où elles sont le plus élevées, elles représentent 146 % du montant de 192839. Inscrites au chapitre d’un budget spécial, les dépenses ainsi engagées sont tenues secrètes puisqu’elles concernent la défense nationale. Le haut commandement militaire a carte blanche et peut puiser à volonté dans les fonds publics. Pour ménager la susceptibilité des militaires et des ultra-nationalistes, insatisfaits de l’entente, le général Benavides manifeste son indépendance à l’endroit des milieux d’affaires qui supportent mal les nouvelles hausses d’impôts. Le Congrès n’intervient pas ; la presse en est peu informée.
La passation des pouvoirs aux civils (1939-1948)
47Les faveurs accordées aux forces armées n’empêchent pas certains éléments de se dissocier du général Benavides dont le régime se transforme progressivement en une dictature de moins en moins militaire. Quelques tentatives de complots sont mises à jour, entre autres parmi la garde présidentielle. En 1937, accusés de conspirer pour l’APRA, le commandant J.C.V. Guerrero, des sous-officiers et des soldats de l’École militaire de Chorillos sont emprisonnés. En 1939, un ministre qui possédait pourtant la confiance du chef de l’État, le général Antonio Rodríguez, prépare un soulèvement. Appuyé par le secteur nationaliste des classes possédantes et par El Comercio, il ne trouve aucun soutien au sein des forces armées. Sa tentative échoue. Traits dominants de cette période, la suspicion et la répression généralisées n’épargnent pas les militaires : « Tout ce qui porte un uniforme est aujourd’hui suspect (…) il n’y a vraiment qu’un seul officier dont on soit tout à fait sûr qu’il ne trempait pas dans un complot, le général Benavides »40. Sur le moindre soupçon, au hasard des délations, on arrête des officiers de l’armée, de la police, de la marine ou de l’aviation. Ces pratiques se limitent toutefois à la garnison de la capitale qui, finalement, assure la stabilité du gouvernement.
48À la tête d’une armée divisée par neuf ans de pouvoir, le général Benavides s’apprête à quitter la présidence. Les pressions des milieux internationaux favorables au retour des civils au pouvoir ne sont pas étrangères à sa décision. Manuel Prado l’emporte aux élections de 1939, grâce un peu à la clandestinité du parti de Haya de la Torre qui aurait secrètement offert les votes de ses partisans en échange d’une promesse de légalisation. Les hostilités se relâchent entre les deux groupes. Dès son accession à la présidence, Manuel Prado se montre plus tolérant à l’endroit de l’APRA dont les positions se sont adoucies, notamment à l’endroit des États-Unis.
49Cet apaisement n’est pas de nature à plaire aux forces armées. Mais le déclenchement d’un conflit avec l’Équateur en 1941 – conflit dont elles sortent victorieuses – les éloigne provisoirement de la politique. Pour s’assurer leur neutralité bienveillante, le gouvernement soutient l’accroissement des effectifs, les hausses de salaires des officiers et l’augmentation du budget des trois armes. De 1939 à 1945, le budget et les effectifs de l’armée augmentent de 151 %, le corps des officiers de 30 % et les soldes des officiers supérieurs d’environ 70 % ; deux fois plus d’officiers obtiendront également des promotions comparativement à la période précédente41. Parallèlement, la bureaucratie connaît une expansion sans précédent : en 1945, le nombre d’employés de la fonction publique a doublé42.
50Sur le plan économique, l’élection de Manuel Prado marque l’accession au pouvoir d’un secteur des groupes dominants intéressé au développement de l’industrie d’exportation. Avec la Deuxième Guerre mondiale, de nouveaux liens se tissent entre les États-Unis et les économies latino-américaines. Le Pérou accueille les investissements directs nord-américains qui s’introduisent progressivement dans certains secteurs de l’industrie nationale. D’où une nouvelle polarisation socio-économique : les grands propriétaires terriens, les exportateurs et les industriels associés au capital étranger, d’un côté ; le petit et moyen capital industriel produisant pour le marché interne, de l’autre.
51En 1945, Manuel Prado quitte la présidence. Les noms de deux généraux, Oscar R. Benavides et Eloy G. Ureta, refont surface au cours de la période pré-électorale. Le premier a bien quelques appuis parmi les officiers, mais ils ne lui seront pas très utiles lors d’une élection. Inspecteur général de l’armée et officier-vedette de la guerre contre l’Équateur, le second apparaît comme « l’homme de la situation ». Sans passé politique, il occupe le poste le plus élevé de la bureaucratie militaire et recueille l’appui d’une partie des classes possédantes qui le considèrent plus malléable que Benavides. De son côté, soutenu par quelques personnalités libérales, Haya de la Torre met sur pied le Frente Democrotico Nocionol. Le mouvement rassemble différents partis dont l’APRA, base principale du regroupement.. Le parti et son chef étant toujours dans l’illégalité, c’est José Luis Bustamente y Rivero qui prend la direction du groupe. N’ayant aucune chance de l’emporter, Benavides retire sa candidature et se range aux côtés de ce conservateur pratiquement inconnu et sans appartenance politique. Déçu de ne pouvoir être lui-même candidat, Haya de la Torre joue parallèlement la carte du complot et encourage quelques partisans, civils et militaires, à se soulever. La tentative échoue.
52Pour sa part, l’armée prend le risque d’une victoire apriste. Au cours des dernières années, le parti semble avoir abandonné ses pratiques subversives ; son discours est aussi devenu plus rassurant. Les militaires laissent donc le processus électoral suivre son cours. L’engagement de leurs représentants – l’un en coulisse, l’autre à l’avant-scène – permet d’en surveiller le déroulement. Grâce à la victoire de José L. Bustamante y Rivero, l’APRA contrôle désormais la Chambre et met fin à ses activités clandestines. Mais le nouveau président et le parti prennent de plus en plus leurs distances. Sans majorité parlementaire, le premier échoue dans sa volonté d’exercer un pouvoir modérateur. Sur le plan économique, l’incohérence et l’indétermination de ses mesures se heurtent aux intérêts conservateurs qui, en accord avec les capitaux étrangers, continuent à s’orienter prioritairement vers l’exportation des matières premières. Un clivage se dessine progressivement entre les intérêts agro-miniers exportateurs et le secteur industriel qui se disputent le contrôle de l’État.
La consolidation des intérêts exportateurs
53La crise de 1929 marque un tournant en Amérique latine. Dans certains pays, en Argentine par exemple, l’industrialisation par substitution d’importations se développe. Au Pérou, la crise n’a pas les mêmes effets. D’importants changements se produisent entre 1930 et 1948, mais il n’y a, au cours de cette période, ni déplacement des groupes d’intérêts locaux, ni réorientation des investissements nord-américains. La consolidation des premiers continue de s’effectuer dans le cadre de l’économie d’exportation, dans des secteurs laissés pour compte par le capital étranger.
54Aussi le Pérou apparaît-il comme l’un des moins touchés par la crise mondiale. Après un ralentissement initial commun à toute la région, il connaît, dès 1933, une renaissance économique très rapide dépassant celle des autres pays, Chili et Mexique exceptés43. De plus, la tendance à la domination du capital étranger qui a marqué l’évolution des vingt dernières années s’estompe au profit des exportateurs locaux. La part des exportations attribuable aux entreprises étrangères passera de 60 % à la fin des années vingt à moins de 30 % à la fin des années quarante44. En raison des difficultés des économies industrialisées, de nouvelles possibilités d’investissements s’offrent, là où le capital national n’a pas à affronter la concurrence des investissements directs étrangers.
55Dans un premier temps, la chute des prix du sucre sur le marché mondial oblige quelques producteurs locaux, particulièrement dans les vallées entourant Lima, à se réorienter vers la culture du coton. Ce transfert renforce d’autant la domination des départements de Lambayeque et de La Libertad qui, en 1940, fourniront 85 % de la production sucrière45. Grâce à l’augmentation des prix et de la demande consécutives à la Deuxième Guerre mondiale, les agro-exportateurs de ces régions étendent leur influence économique et politique. D’autre part, le soutien de l’État s’est avéré déterminant dans la promotion du capital national. Dès 1931, l’État s’est réservé tous les gisements aurifères encore inexploités et en a garanti l’accès prioritaire aux nationaux. D’où la montée d’une nouvelle génération de compagnies minières péruviennes. De 1930 à 1938, près d’une quarantaine d’entreprises d’exploitation de l’or sont créées ; au moins une vingtaine comptent une participation importante des membres les plus en vue des classes possédantes locales46. La mise sur pied, en 1941, d’une banque de développement minier permet également d’acheminer les crédits vers les entrepreneurs nationaux dont l’expansion s’effectue dans des secteurs non encore exploités par les étrangers. Il n’existe donc aucune source de conflit potentiel entre les deux groupes. Les intérêts locaux sont cependant confinés aux gisements de moindre importance, les dépôts les plus rentables demeurant propriété étrangère47.
56Le pétrole connaît un développement similaire à celui des produits miniers. Dans un premier temps, le gouvernement du général Benavides soutient l’expansion d’un secteur d’État et encourage l’exploitation intensive de l’or noir pour soulager la crise des finances publiques. Craignant la montée du nationalisme péruvien, l’International Petroleum Company (IPC) souhaite en même temps tirer le maximum de ses gisements. Au cours des années trente, la production croît donc à un rythme inégalé, pour ensuite décliner de manière irréversible. En outre, les stratégies d’exploitation sont l’objet d’un débat entre deux points de vue : l’un partisan inconditionnel de l’investissement étranger, l’autre favorable au renforcement de l’État dans l’octroi des concessions. L’intensité du conflit opposant les deux groupes et l’impossibilité d’en arriver à un consensus gêneront sensiblement la reprise des activités d’exploration, tout comme la définition d’une politique publique d’intérêt national.
57Un dernier secteur s’ouvre enfin aux exportateurs locaux : celui des produits de la pêche qui, à partir de la Deuxième Guerre mondiale, connaît une expansion remarquable, même s’il ne représente encore que 1 % des exportations en 194548. L’ouverture du marché américain et les liens privilégiés du gouvernement de Manuel Prado avec les États-Unis favorisent ce développement. La production de poisson augmente alors de sept fois et le nombre de compagnies passe de une en 1939 à douze en 1954. En 1945, vingt-trois conserveries de poisson opèrent également le long de la côte ; cinq ans plus tard, elles seront au nombre de quarante-neuf49. Le capital initial investi est essentiellement péruvien. Une seule entreprise reçoit un financement important des États-Unis. L’après-guerre marque cependant la fin de cette première phase d’expansion. En effet, l’élection de Bustamante y Rivero porte au pouvoir un secteur des classes possédantes moins enclin à promouvoir les produits d’exportation. D’autre part, la fermeture du marché nord-américain a un impact négatif sur l’industrie. Seules les entreprises soutenues par les capitaux étrangers tiendront le coup.
58Dans l’ensemble, les classes possédantes ont manifesté peu d’intérêt pour l’industrie. Plusieurs facteurs expliquent cette indifférence : l’hégémonie du secteur exportateur ; le degré peu élevé de diversification de l’économie avant 1930 ; l’absence d’une stratégie d’industrialisation globale et cohérente ; et enfin un degré insuffisant d’intervention de l’État. Au début des années trente, quelques industries ont bien réussi à prendre de l’expansion : textiles, chaussures, savon, produits pharmaceutiques, etc. D’autres verront le jour pendant la guerre : pneumatiques, lait condensé, produits chimiques de base. Mais dès 1942, un certain ralentissement est perceptible. Même l’élection de Manuel Prado a finalement peu d’impact sur le développement industriel. Grâce à l’augmentation des charges fiscales, le gouvernement s’empare d’une partie du surplus généré par le secteur exportateur. Il adopte également une Loi de la promotion industrielle. Mise au service d’entreprises tant commerciales qu’agricoles ou manufacturières, ces dispositions profiteront toutefois essentiellement aux sociétés du groupe Prado et à quelques compagnies américaines.
59L’élection de Bustamente y Rivero ne modifie pas sensiblement la situation. Représentant un ensemble hétérogène, le nouveau président attaque les intérêts exportateurs en imposant le contrôle des changes, mais fait des appels répétés aux capitaux étrangers. Ces contradictions reflètent l’absence de stratégie industrielle et l’inexistence d’un projet structuré qui serait l’expression des intérêts d’une classe. Sa politique se soldera par un échec. Le secteur agro-minier exportateur s’organise rapidement pour faire obstacle aux mesures gouvernementales. Bustamente sera renversé en octobre 1948 par le général Manuel Odría qui rétablit la liberté de change. Il fait aussitôt appel à une mission américaine qui recommande l’adoption d’une politique de stabilisation. Dans le secteur des mines et du pétrole, les codes d’investissement renforcent l’orthodoxie économique. À la fin des années quarante, le Pérou se distingue, en Amérique latine, pour son engouement à l’égard des politiques de libéralisme économique et d’accueil au capital étranger.
Notes de bas de page
1 Le développement d’intérêts industriels opposés à ceux des grands propriétaires terriens orientés vers le marché externe aurait entraîné une scission au sein des classes possédantes. B. Caravedo Molinari, Burguesío e industrio en el Perú, 1933-1945, Lima, 1976. Pour un point de vue différent cf. H. Favre, « El desarrollo y las formas del poder oligárquico en el Perú », in J. Matos Mar (éd.), op. cit., chap. 3.
2 Il ne faudrait pas en conclure pour autant, comme le fait A. Quijano Obregón, que le soulèvement d’Arequipa naît d’une complicité entre l’oligarchie et un secteur des forces armées. Imperiolismo, closes socioles y estodo en el Perú, 1890-1930. El Pérú en lo crisis de los oños 30, Lima, 1978, p. 119-125.
3 H. Pease García, op. cit., p. 21 ; A. Quijano Obregón, Imperiolismo ; S. Stein, Populism in Peru. The Emergence of the Mosses and Politics of Sociol Control, Madison, 1980, chap. 2 ; et C.R. Balbi et L. Madalengoita, Porlomento y lucho político, Perú 1932, Lima, 1980.
4 La conscripción viol consistait en l’enrôlement des Indiens pour la construction du réseau routier.
5 Sur l’organisation des travailleurs, cf. D. Sulmont, op. cit., chap. 4.
6 Jusqu’en novembre 1930, le commandant G. Jiménez était ministre de l’Intérieur dans le premier cabinet de Sánchez Cerro. Accusé de sympathies de gauche, il en sera exclu. Par la suite, il sera l’homme-fort de la junte présidée par Samañez Ocampo qui lui déléguera tous les pouvoirs. Mis à l’écart avec le retour de Sánchez Cerro. il prend la tête, en mars 1933, d’une révolte militaire sans orientation idéologique définie.
7 D. Sulmont, op. cit., p. 127. Sur l’élection de 1931, cf. O.A. Cicarelli, Militorism, Aprismo, and Violence in Peru, the Presidentiol Election of 1931, Buffalo, 1973.
8 S. Stein, op. cit., p. 126.
9 M. Bustamante de la Fuente à L.A. Sánchez, Lima, 23 mai 1970, in ibid., p. 110.
10 S. Stein, op. cit., p. 118.
11 Ibid.
12 Correspondonce des ottochés militoires, 28 février 1931.
13 Lettre de M. Dejean de la Bâtie, ministre de France au Pérou, à M. Leygues, président du Conseil, 27 décembre 1920, Archives diplomotiques.
14 Sur l’évolution de l’APRA cf. L. North, The Origins and Development of the Peruvian Apristo Porty, thèse de Ph. D., Berkeley, 1973 et V. Villanueva, « The Petty-Bourgeois Ideology of the Peruvian Aprista Party », Latin American Perspectives, vol. IV, n° 3, été 1977, p. 57-76.
15 Une étude sur la composition sociale de l’APRA révèle qu’en 1931 les cols blancs représentaient déjà 63 % des membres du parti et les cols bleus seulement 26 %. Au comité exécutif national – l’instance dirigeante du parti –, la composition d’origine petite-bourgeoise prédominait également sur celle d’origine ouvrière ou paysanne. L. North, « Social Recruitment and Projects for Development in the Peruvian Aprista Party », in V. Villanueva, « The Petty-Bourgeois », p. 66.
16 S. Stein, op. cit., p. 170.
17 Ibid., chap. 9 et V.R. Haya de la Torre, El Plon de Acción, t. IV, in F. Bourricaud, op. cit., p. 123.
18 C.R. Balbi et L. Madalengoita, Porlomento.
19 V. Villanueva estime à une trentaine le nombre de soulèvements dont l’APRA aurait été l’institgateur de 1930 à 1939, la plupart de caractère militaire. El APRA y el ejército (1940- 1950), Lima, p. 21.
20 Selon la formule de A. Rouquié, « Les processus politiques », p. 34.
21 Id., El APRA en busco del poder, p. 75. Sur les activités subversives du parti de 1933 à 1939, cf. T.M. Davies et V. Villanueva (éd.), 300 documentos poro lo historio del APRA : conspirociones opristos de 1935 o 1939, Lima, 1979.
22 Parmi les auteurs qui proposent cet élément d’explication : C. Astiz, Pressure Groups and Power Elites in Peruvian Politics, Ithaca, 1969 ; F. Bourricaud, op. cit. ; V. Villanueva, Ejército Peruono.
23 J. Cotler, « Crisis política y populisme militar », in F. Fuenzalida Vollmer (éd.), Perú Hov, Mexico, 1975, p. 87-174.
24 Message du général O.R. Benavides, in J. Basadre, op. cit., t. XIV, p. 408.
25 Archives diplomotiques, 14 juin 1933.
26 Sur la politique économique du général Benavides : B. Caravedo Molinari, op. cit., chap. 3-4.
27 Archives diplomotiques, 21 mai 1935.
28 Ibid.
29 Message présidentiel, 8 déc. 1936, Archives diplomotiques, 28 déc. 1936.
30 Ibid., 17 nov. 1936.
31 Archives diplomotiques, 3 mai 1937.
32 Ibid., 3 mai 1937.
33 Message du général Benavides, Archives diplomotiques, 8 déc. 1937.
34 D’après F. Pike, The Modem History of Peru, New York, 1967, p. 272.
35 Archives diplomotiques, 12 déc. 1932.
36 « Lettre de l’Attaché Militaire au Ministre de la Guerre », Lima, 28 sept. 1931, Correspondonce des ottochés militoires.
37 Archives diplomotiques, 7 juin 1935 et Correspondonce des ottochés militoires, 14 mars 1936.
38 US Senate, Spécial commission investigating the munitions industry, Munitions Industry, Hearings, 73d Congress, Washington, sept.-déc. 1934 et janv.-fév. 1936.
39 Archives diplomotiques, série Amérique (Finances), 1918-1940, p. 258-259.
40 Archives diplomotiques, 10 mars 1939.
41 V. Villanueva, El APRA y el ejército, p. 25-26.
42 B. Caravedo Molinari, op. cit., p. 162.
43 R. Thorp et G. Bertram, Peru 1890-1977. Growth ond Policy in on Open Economy, New York, 1978, p. 151.
44 Ibid., p. 152-153.
45 Ibid., p. 172.
46 Les noms de Beltrán et Aspíllaga figurent sur la liste des membres des conseils d’administration de ces compagnies. Ibid., p. 159-160.
47 En 1929, les trois plus grandes entreprises étrangères produisent encore 70 % de toutes les exportations de métaux. Ibid., p. 155.
48 Ibid., p. 180.
49 B. Caravedo Molinari, « The State and the Bourgeoisie in the Peruvian Fishmeal Industry », Latin American Perspectives, vol. IV, n° 3, été 1977, p. 105.
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Du papier à l’archive, du privé au public
France et îles Britanniques, deux mémoires
Jean-Philippe Genet et François-Joseph Ruggiu (dir.)
2011