Introduction
p. 7-27
Texte intégral
1Depuis la fin des années soixante-dix, de nombreux pays en Amérique latine ont assisté au désengagement politique des militaires et à la reprise en main des affaires de l’État par des civils élus au suffrage universel. Apparues assez rapidement, la fragilité et les limites de ces régimes ont amené la plupart des analystes de la région à s’intéresser aux processus de transition et aux conditions de la consolidation démocratique. Au pouvoir, dans certains cas, depuis le milieu des années soixante, les forces armées n’ont accepté de rentrer dans leurs quartiers qu’à la suite d’un processus de transition contrôlée dont la durée témoigne des intérêts en jeu. À une première génération de travaux centrés sur les régimes militaires a ensuite succédé une série d’études sur les relations entre les forces armées et les civils dans le cadre des régimes réprésentatifs. Sont depuis lors posées non seulement la question de la continuité du pouvoir martial et de ses limites, mais aussi celle de la redéfinition du rôle des généraux et de leurs troupes. Derrière le problème de l’influence politique prolongée des forces armées se profile également la possibilité ou non pour les civils d’exercer un certain contrôle sur ces militaires qui depuis longtemps ont imposé leur marque à l’histoire de la région.
2Sollicitées dès le début du XXe siècle par les oligarchies terriennes, les forces armées d’Amérique latine se sont très tôt consacrées à la défense des intérêts dominants contre les risques de subversion des « classes dangereuses ». Après la Deuxième Guerre mondiale, ce sont les paramètres du conflit Est-Ouest et la nécessité de se préserver de l’infiltration communiste qui ont guidé leur action. Au cours des années quatre-vingts, la fin de la guerre froide et les démocraties émergentes invitent les militaires à redéfinir leur rôle en fonction de nouvelles réalités nationales et internationales. Mettant l’accent sur la présence moins visible des généraux, remplacés par des civils aux plus hautes fonctions de l’État, certains analystes ont souligné l’évolution positive des relations entre civils et militaires depuis le retour à la démocratie. Samuel P. Huntington1 est de ceux qui identifient une tendance à l’amélioration des rapports entre les détenteurs de ces deux sphères de pouvoir, l’institutionnalisation du contrôle civil étant désormais reconnue de part et d’autre comme un élément favorable aux processus de consolidation démocratique. L’auteur reconnaît toutefois la permanence d’une influence politique résiduelle des militaires qui peut être considérable, surtout là où le retour aux casernes s’est effectué avec le plus de résistance.
3D’autres observateurs de la scène politique latino-américaine se montrent en effet beaucoup plus réservés quant à la « normalisation » des relations entre civils et militaires. En effet, malgré la mise en place de régimes élus démocratiquement, l’institution militaire jouerait encore un rôle politique très actif, au point de constituer une menace réelle ou potentielle à la consolidation démocratique. La continuité entre les « États de sécurité nationale » instaurés dans les années soixante et soixante-dix et les régimes qui leur ont succédé – souvent choisis par les militaires eux-mêmes – est mise en perspective par la plupart des auteurs. Tout en reconnaissant l’extrême hétérogénéité des pays du sous-continent, certains affirment que le pouvoir politique institutionnalisé des militaires a survécu aux transitions et qu’on assiste à l’émergence de nouvelles formes d’État au sein desquels l’élément martial exerce un contrôle ou une influence décisive. Dans le passé, les officiers se sont généralement montrés réfractaires au changement et certainement toujours insatisfaits des expériences démocratiques. L’organisation martiale évolue très lentement. Il serait donc étonnant que le retour aux casernes ait, dans un laps de temps aussi court, modifié l’éthique professionnelle des militaires, tout comme l’image qu’ils ont d’eux-mêmes2. J. Patrice McSherry3 souligne pour sa part la persistence, dans bon nombre d’institutions militaires, d’une culture organisationnelle profondément marquée par les comportements hérités de la guerre froide et l’idéologie de la sécurité nationale.
4Paul Zagorski4 reconnaît même l’établissement d’un « État de sécurité nationale » postérieur aux processus de transition démocratique et dont la fonction serait de garantir un ensemble de privilèges accumulés au fil des ans. Dans certains cas, en Argentine et au Brésil par exemple, les processus de transition à la démocratie s’inscriraient dans une logique de continuité au niveau de l’État, mais de rupture dans les formes de régimes politiques5. Avant d’être adoptées massivement au cours des années quatre-vingt-dix, les réformes néo-libérales ont en effet bien souvent été mises en oeuvre par des gouvernements militaires. Dans ce contexte, la réduction des fonctions et des dépenses des États touche cependant de plein fouet les appareils militaires dont les budgets sont généralement beaucoup moins importants que dans les années soixante-dix et quatre-vingts.
5D’autre part les politiques d’ajustement imposées par le Fonds monétaire international (FMI) ont pour effet d’accroître la pauvreté et constituent à cet égard un facteur potentiel de déstabilisation politique. D’où l’accent mis sur le rôle de maintien de l’ordre dans plusieurs pays témoins d’une augmentation de la violence urbaine, les militaires apparaissant de plus en plus comme un substitut mieux organisé et discipliné que les forces policières. La « menace communiste » a peut-être disparu en même temps que la guerre froide, mais les militaires n’en restent pas moins préoccupés par la subversion, les activités syndicales et partisanes, les mobilisations populaires6. La méfiance caractérise également leurs relations avec les civils. Aussi les services de renseignements ont-ils continué, dans différents pays et pendant un laps de temps plus ou moins long, à être de puissants organismes jouant un rôle clé même après le retour à la démocratie. Là où ils étaient peu performants, ils se sont également développés et continuent encore aujourd’hui d’être les antennes du pouvoir. Héritiers de tout un arsenal de lois d’exception, les régimes actuels seraient en fait des « démocraties protégées », placées sous la bonne garde des militaires7.
6Car si elles ont pris le chemin du retour aux casernes, les forces armées n’en continuent pas moins à tenir une place sur l’échiquier politique latino-américain. Avec la fin des régimes autoritaires, on les avait cru engagées dans un processus de redéfinition professionnelle centré sur la protection des frontières. Mais c’était méconnaître un pouvoir martial que certains ont considéré, peut-être un peu hâtivement, comme un acteur politique révolu ou déjà acquis aux valeurs démocratiques. Ce qu’on a appelé la « deuxième vague de transition démocratique »8 a, au contraire, mis en évidence sinon la disparition, du moins la redéfinition des fonctions militaires en Amérique latine, et ce sur les plans tant national que régional.
7Plusieurs facteurs ont contribué à modifier le rôle assigné aux forces armées au cours des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix : la consécration des États-Unis comme puissance hégémonique et la disparition de la menace communiste qui remettent en cause les notions de sécurité et de défense hémishérique, l’ouverture et la libéralisation des marchés invitant les partenaires commerciaux à s’associer en vue d’une meilleure intégration économique, l’imposition de politiques budgétaires restrictives qui influent sur le développement professionnel des armées9. Les pressions des Etats-Unis en faveur d’une réduction tant du pouvoir que des effectifs militaires apparaissent à cet égard décisives tout comme le déclin de l’influence militaire nord-américaine dans le sous-continent10. Ne percevant aucune menace directe à ses intérêts économiques et militaires, Washington s’engage désormais envers les pays d’Amérique latine dans des termes tout à fait différents de ceux qui avaient prédominé dans les années soixante et soixante-dix. De moins en moins de fonds sont donc alloués à des projets impliquant les forces armées. En 1996, moins de 3 % des Foreign Military Sales ont été accordés à la région Amérique latine-Caraïbes dont les demandes de financement militaire équivalaient à seulement 0, 1 % du total mondial11.
8Les ventes de matériel militaire des États-Unis aux armées latino-américaines ont ainsi pratiquement disparu ces dernières années, les ressources octroyées étant de plus en plus orientées vers d’autres fins, notamment les actions de maintien de la paix et de déminage ou encore les opérations conventionnelles de lutte contre le narcotrafic, considéré par les États-Unis comme l’une des menaces les plus sérieuses à la sécurité nationale12. Programme le plus controversé, la « guerre anti-drogue » est critiquée pour l’utilisation qui serait faite du matériel de combat contre la subversion et pour les risques de militarisation des régions où se déroulent ces nouvelles activités. Par ailleurs les États-Unis ont également limité les ventes de matériel sophistiqué de crainte d’attiser les conflits inter-étatiques.
9Beaucoup plus importants que les ventes de matériel, les programmes de formation du personnel, principalement des officiers en provenance d’Amérique latine, draine par contre l’essentiel des fonds consacrés à l’assistance militaire. Des 18 000 personnes entraînées en 1995 dans le cadre du programme de l’International Military Education and Troining (IMET), 30 % étaient des Latino-américains : en 1997, 20 % du budget de ce programme était également consacré à l’Amérique latine13. Le plus discuté actuellement des programmes de formation est celui de la School of the Americas, dénoncée depuis nombre d’années pour avoir éduqué les militaires à la guerre anti-subversive, et dont les cours seraient maintenant davantage centrés sur la lutte anti-drogue.
10Cette réorientation du rôle des forces armées, que les États-Unis souhaiteraient voir se transformer en des « gardes nationales » modernes chargées de la sécurité interne, n’est pas sans créer de remous chez les principaux intéressés. Les nouvelles priorités de Washington les obligent en effet à remettre en cause l’agenda de la sécurité à l’échelle du sous-continent14. La fin de la guerre froide et les dynamiques d’intégration et de concertation régionales auraient pour effet d’une part d’encourager le règlement pacifique des litiges frontaliers, de l’autre de revaloriser, au sein des forces armées, la mission traditionnelle de défense de la souveraineté et du territoire. Le déclenchement des hostilités entre le Pérou et l’Équateur en 1995 illustre comment cette question peut être réactivée pour maintenir ou augmenter les dépenses militaires, justifier la résistance des forces armées à la démilitarisation et revaloriser l’existence d’une institution en situation de « crise existentielle »15.
11Cette crise surgit dans un contexte de détérioration de l’ensemble de la fonction publique et surtout d’austérité fiscale sans précédent. De 1985 à 1990, les budgets de la défense n’ont pas échappé à l’érosion de l’État. Dans la plupart des pays d’Amérique latine, la part du PNB attribuée aux dépenses militaires a considérablement diminué au cours de cette période : de 50 % au Brésil, 75 % au Chili et 60 % en Argentine16. D’où le mécontentement qui a gagné plusieurs secteurs des forces armées dont les salaires, le pouvoir d’achat et l’équipement sont directement touchés par les politiques de restrictions budgétaires. Mais cette détérioration n’est pas seulement d’ordre économique : elle remet également en cause les possibilités de développement professionnel. N’assurant plus une certaine sécurité matérielle, la carrière militaire cesse d’être un véhicule de mobilité sociale pour les classes moyennes, n’attire plus des candidats de bon niveau et entraîne une baisse des critères d’admission tant dans les académies militaires que dans la troupe. Un malaise généralisé se ferait donc sentir au sein des forces armées latino-américaines dont les meilleurs éléments abandonnent en cours de route17.
12Cette incertitude professionnelle génère des tensions internes, un mécontentement et une résistance au changement qui varient selon les pays. Les ressources, le degré d’autonomie et le pouvoir dont jouissent encore les militaires sont fonction d’un ensemble de facteurs spécifiques aux divers contextes nationaux. Mais une fois ces distinctions établies, on peut affirmer sans risque d’erreur que leur engagement à l’égard des droits de la personne et des principes démocratiques est loin d’être acquis. Tout comme leur loyauté envers les gouvernements élus, plusieurs officiers restant persuadés que les régimes actuels ne vont pas se maintenir indéfiniment18. Et si l’usurpation directe du pouvoir n’apparaît plus généralement comme une alternative plausible, les civils ne peuvent actuellement gouverner en Amérique latine sans composer avec les vestiges, souvent encore considérables, du pouvoir militaire.
13Expression d’un malaise interne causé tant par les reconversions qui leur sont imposées que par les tensions entre civils et militaires, plusieurs tentatives de coups d’État et de révoltes se sont produites au sein des forces armées ces dernières années. Qu’il suffise de mentionner les cas de l’Équateur (1989), de l’Argentine (1987 à 1990), du Guatemala (1988-1989) ou encore du Vénézuela (1992-1993). Ces mouvements internes surviennent dans un contexte de fragilité des institutions démocratiques et en particulier des partis politiques, propice à l’émergence de leaders et de régimes autoritaires19.
14Dans certains pays, loin de s’effriter, le pouvoir des armées, tout en se transformant, s’est maintenu et même consolidé. C’est le cas du Pérou où l’élection du président Alberto Fujimori en 1990, puis de nouveau en 1995, a consacré la formation d’une alliance entre un Exécutif fort et un secteur de l’institution militaire. L’engagement des militaires péruviens dans la lutte anti-subversive et leur présence plus visible sur les plans local et régional dans des activités de développement économique, enfin les pouvoirs même politiques qui leur sont octroyés dans les régions déclarées en « situation d’urgence » illustrent bien l’importance de leurs fonctions actuelles. Indépendant des partis politiques traditionnels, le chef de l’État a été porté au pouvoir sans l’appui d’une organisation partisane. En plus d’assurer la défense de l’ordre interne, les forces armées péruviennes sont donc invitées à jouer le rôle de « parti substitut ». En échange de cet appui partisan, elles sont assurées d’une garantie d’immunité dans les cas de violation des droits humains et de protection des officiers compromis dans le narcotrafic.
15Tous ces éléments confirment sinon l’immuabilité du moins le prolongement sous d’autres formes d’un pouvoir martial qui a résisté aux processus de transition démocratique. L’évolution régionale et internationale a peut-être imposé une certaine reformulation des tâches militaires traditionnelles, mais une étude attentive de l’histoire des forces armées invite à plus de prudence quant à leur disparition comme organisation politique active. Le continent latino-américain s’étant à juste titre acquis la réputation peu enviable d’être une terre fertile en pronunciomientos, certains ont eu tendance en effet à oublier que les militaires, à quelques reprises au cours de l’histoire, ont accepté de rentrer dans l’ombre pour laisser les civils occuper le devant de la scène. D’autres ont cependant mis en évidence le mouvement pendulaire qui semble régir le développement politique de ces États passant, à une fréquence plus ou moins régulière, d’un régime militaire à un gouvernement dirigé par des civils, la prépondérance de ces derniers ne constituant pas en soi un gage de démocratie20. Quelques-uns n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner le caractère restreint des régimes représentatifs mis en place au cours des années quatre-vingts ainsi que les conditions et les limites dont tout processus de démilitarisation est assorti21.
16Car s’ils ont pris le chemin du retour aux casernes, les militaires n’en continuent pas moins à tenir une place sur l’échiquier politique latino-américain. Sans préjuger de l’évolution des États-Nations d’Amérique latine, il nous paraît donc important non seulement de garder en mémoire que la domination martiale a été un phénomène récurrent de la vie politique du sous-continent, mais également de ne pas méconnaître les intérêts ni les préoccupations des milieux militaires. Au Pérou, l’influence de certains généraux risque de peser d’autant plus lourdement que les forces armées, chargées de mettre un terme aux activités subversives, apparaissent comme une composante indispensable dans la conformation d’un nouveau type de régime autoritaire. Leur engagement dans de multiples activités non seulement militaires mais socio-économiques et du coup leur présence plus visible dans plusieurs régions témoignent du rôle qu’elles continuent à jouer dans la vie de la Nation.
17Tout comme dans l’ensemble des pays d’Amérique latine, la passation des pouvoirs aux civils en 1980 et la mise en place du « Nouvel Ordre Mondial » n’a pas, du jour au lendemain, altéré la doctrine des militaires péruviens ni l’image qu’ils ont de leur institution et de son rôle. Ils partagent d’ailleurs avec leurs homologues du sous-continent de forts doutes quant à la capacité des régimes civils de gérer efficacement les problèmes nationaux. Cette méfiance et la nécessité de justifier l’existence des forces armées étaient manifestes au moment de la transition. Grâce à un ensemble de dispositions légales, elles se sont alors assurées une autonomie complète sur les questions institutionnelles.
18Depuis le retour des civils, le spectre du coup d’État est d’ailleurs venu hanter périodiquement les milieux politiques et journalistiques péruviens. En avril 1985, laissant présager la victoire de l’opposition, la baisse de popularité de Fernando Beláunde Terry et de son parti Action Populor, a fait craindre pendant un moment une intervention de l’armée barrant la route à la prise du pouvoir par l’APRA (Alionza Popular Revolucionorio Americana) ou Izquierdo Unido (Gauche Unie)22. Deux ans plus tard, la création d’un ministère de la Défense – destinée à renforcer le contrôle du gouvernement sur l’institution militaire – souleva de nouveau la question de la possibilité d’un coup de force, suite au mouvement de résistance de quelques officiers liés à l’armée de l’air23. À l’automne de 1988, il semble que l’idée d’une action militaire – avancée par certains secteurs des forces armées opposés au président Alan García – ait été une fois de plus à l’ordre du jour dans les casernes24. En 1992 enfin, certains secteurs des forces armées ont soutenu directement l’outogolpe du président Fujimori, pendant qu’une tentative de coup d’État faisait apparaître au grand jour l’opposition d’un autre groupe de généraux à la cooptation du haut commandement militaire. Faut-il le rappeler, l’abandon de la gestion directe de l’État par l’institution militaire n’exclut pas définitivement son retour sur la scène publique sous diverses formes, pas plus qu’il ne la fait disparaître comme force politique exerçant en coulisses une influence décisive.
19La « question militaire » reste donc au centre des études sur les possibilités réelles de consolidation des régimes actuels. Après avoir été déserté par les latino-américanistes qui, au cours des deux dernières décennies, ont privilégié l’analyse des modalités de la transition démocratique et des conditions de réussite des nouvelles démocraties, le champ de la sociologie militaire a refait surface, une décennie à peine après l’amorce des processus de transition. Si quelques travaux récents ont mis l’accent sur l’organisation interne des régimes militaires et sur l’évolution de la professionnalisation et de la doctrine institutionnelle, ce sont les relations entre civils et militaires qui ont davantage retenu l’attention25. Aussi faut-il se référer aux nombreux travaux effectués dans les années soixante et soixante-dix pour dégager quelques axes de réflexion nous permettant d’appréhender le phénomène de la domination martiale en Amérique latine.
Le phénomène militaire en Amérique latine : les principales théories
20Il n’est pas dans notre propos de déployer l’éventail des théories explicatives élaborées par tous ces auteurs dont les noms sont familiers à ceux d’entre nous qui se sont engagés dans la périlleuse entreprise d’interpréter le militarisme latino-américain. Les travaux de S.E. Finer, S.P. Huntington, J.J. Johnson, E. Liewen, etc., sont en effet devenus des classiques. Associé au développement de la sociologie militaire aux États-Unis, Morris Janowitz fait également partie de ce groupe de pionniers nord-américains qui ont permis une meilleure compréhension du « fait militaire »26. Stimulés par les premiers ouvrages parus dans les années soixante, plusieurs chercheurs ont emboîté le pas, certains s’inscrivant d’emblée dans la ligne de pensée des maîtres, d’autres apportant un éclairage nouveau sur un phénomène qui a constitué pendant plus de vingt ans le centre d’intérêt de nombreux universitaires. Une grande variété d’approches et d’interprétations ont donc vu le jour, certaines mettant l’accent sur la culture autoritaire dont auraient hérité les anciennes colonies ibériques ; d’autres sur la professionnalisation de l’institution militaire ; d’autres encore sur l’impact des programmes d’assistance militaire étrangers ; etc. Nous en esquissons ici les grandes lignes.
21Pendant un certain temps, la théorie de la modernisation a trouvé grâce auprès de ceux qui tentaient d’expliquer le rôle politique des militaires27. Souvent bien disposés envers l’armée, les tenants de cette approche estimaient que leur force organisationnelle, leur cohésion et leurs compétences professionnelles rendaient les militaires plus aptes que les civils à diriger le processus de modernisation. En réaction à une opinion assez répandue chez les intellectuels nord-américains des années cinquante qui déploraient l’état « pathologique » de la démocratie en Amérique latine28, certains analystes ont d’ailleurs affirmé que, loin d’être une anomalie, l’intervention des militaires dans la vie politique du continent constituait un phénomène normal et même bénéfique29. En vogue surtout dans les années soixante, le mythe de l’armée comme force modernisatrice a eu la vie dure, se prolongeant encore dans certains écrits plus récents30. Les piètres performances des derniers gouvernements militaires, tout aussi impuissants à résoudre la crise que leurs homologues civils, semblent finalement avoir eu raison de ce parti-pris favorable aux « gestionnaires en uniforme ».
22Sans condamner les régimes militaires dont ils ont parfois reconnu les mérites, d’autres auteurs ont abordé la question sous un angle différent. Certains ont prétendu que l’Amérique latine était par essence élitiste et autoritaire, soutenant que la démocratie « à l’américaine » ne correspondait pas à la culture du sous-continent : ils se sont même interrogés sur sa volonté réelle d’accéder à la démocratie31. Soulignant le poids de la tradition politique commune au monde ibérique, ils ont également vu l’ombre du corporatisme se profiler derrière les régimes autoritaires apparus dans les années soixante et soixante-dix32.
23Un autre type d’explication du comportement politique des forces armées latino-américaines, l’approche institutionnelle, a focalisé l’appareil militaire lui-même et mis en évidence leur autonomie par rapport à l’ensemble de la société. Les études s’inscrivant dans cette perspective ont privilégié la structure organisationnelle ainsi que les comportements des membres de l’institution militaire, d’abord préoccupés de défendre des intérêts d’ordre corporatif33. L’origine et le sens du phénomène militaire se trouveraient donc à l’intérieur même de l’institution. L’analyse institutionnelle présente en effet le rôle politique des militaires comme le résultat d’une perception et d’une logique corporatives et le processus de socialisation interne comme la source de l’action extra-professionnelles des forces armées.
24Pour expliquer la martialisation des régimes politiques du Tiers-Monde, certains analystes, enfin, ont réduit les militaires au rôle d’instruments passifs de groupes d’intérêt extérieurs à la société. Des versions différentes de cette conception dite « instrumentale » existent cependant. Quelques auteurs ont estimé décisifs les liens unissant ces pays aux grandes puissances industrielles – et notamment la dépendance de leurs forces armées à l’endroit des États-Unis34 : d’autres ont plutôt cherché à identifier la nature de classe du pouvoir militaire35.
25Les études abordant la question sous l’angle de l’État ont également connu un certain engouement. Derrière le « nouvel autoritarisme »36 apparu il y a une vingtaine d’années dans les pays les plus industrialisés du sous-continent, G.A. O’ Donnell a vu l’expression d’une coalition d’intérêts entre les fractions des classes dominantes locales associées au capital multinational, les technocrates et les militaires37. S’il a souligné la nécessité d’analyser le comportement politique des militaires dans une perspective historique, en se situant au niveau tant institutionnel que sociétal38, il ne s’est toutefois intéressé qu’accessoirement à la forme de ces régimes, insistant plutôt sur les causes et les effets socio-économiques associés à l’instauration de l’État bureaucratique-autoritaire.
26Tout en admettant la pertinence du concept d’« autoritarisme-bureaucratique », F.H. Cardoso a préféré en réserver l’usage à l’identification non pas de l’État, mais du type de régime politique39. Après avoir affirmé que le développement du capitalisme dépendant s’accomodait très bien de différentes formes de régime, il a également refusé de considérer les dictatures militaires comme la condition sine quo non de la modernisation capitaliste. Soulignant l’établissement de liens de plus en plus étroits entre les économies du sous-continent et le système international, Cardoso n’a pas voulu attribuer aux généraux la responsabilité de la dépendance des pays d’Amérique latine.
27S’il a reconnu, par ailleurs, que les régimes militaires traduisaient la volonté politique des forces armées en tant qu’institution et contribuaient à renforcer leur autonomie, il n’a proposé aucun cadre d’analyse permettant d’appréhender le phénomène propre du pouvoir martial. En privilégiant comme élément explicatif des coups d’État et des gouvernements militaires l’incapacité des classes dominantes de résoudre la crise provoquée par les pressions de divers secteurs sociaux, l’auteur s’inscrit d’emblée dans la ligne de ceux qui ont adopté une démarche périphérique.
28Rejetant ce type d’approche, d’autres analystes se sont écartés résolument des grandes théories explicatives de l’État et du militarisme latino-américain. A. Rouquié a préféré se « placer au niveau de la société globale et à celui des institutions militaires envisagées dans la dynamique de leurs rapports réciproques »40. Privilégiant une approche comparée, il a exploré la physiologie du pouvoir militaire, « ses mécanismes, son fonctionnement et ses fonctions »41. Sans prétendre tout expliquer en termes corporatifs, il s’est interrogé sur les forces armées en tant qu’organisation, mettant en relief leur nature et leur finalité propres. De plus, adoptant une perspective historique, il a souligné la double insertion étatique et sociétale de l’armée, considérée comme une force politique étroitement associée aux transformations de l’État et du système politique.
29Voulant saisir la dynamique interne des bureaucraties militaires, d’autres, tel G.D.E. Philip, ont choisi d’analyser leur comportement politique en s’intéressant aux différences et aux similitudes entre divers modèles d’organisation militaire ainsi qu’aux différents types de sociétés politiques avec lesquelles elles sont en interrelation42. A l’instar de Rouquié, il a rappelé en effet que, loin d’être isolés, les militaires entretiennent des contacts constants avec divers secteurs de la société civile. En outre, après avoir souligné l’importance des facteurs organisationnels dans l’engagement extra-professionnel des armées, l’auteur est arrivé à la conclusion qu’il est impossible d’esquisser un modèle d’interprétation unique pouvant rendre compte de situations tout aussi diversifiées les unes que les autres.
L’État militaire au Pérou
30Apparues dans les années soixante au moment où le militarisme latino-américain semblait prendre une direction nouvelle, quelques-unes des théories explicatives que nous avons présentées ont servi de cadre d’analyse du phénomène militaire au Pérou. Ainsi l’idée que l’appareil militaire constituait l’élément le plus apte à moderniser les sociétés moins développées n’a pas été sans influencer l’interprétation des politiques mises en oeuvre par le gouvernement du général Juan Velasco Alvarado. Sans considérer comme révolutionnaires les mesures adoptées par les généraux au pouvoir de 1968 à 1975, R.L. Clinton a en effet reconnu l’originalité de leur projet et perçu l’armée péruvienne comme un véritable agent de modernisation43.
31Soulignant également le travail de promotion et de gestion du processus de modernisation accompli par ce gouvernement, les tenants de l’approche corporatiste ont analysé l’expérience péruvienne de militarisme réformiste en termes de « régime autoritaire d’orientation développementiste »44. Dans la même ligne de pensée, d’autres ont attribué le caractère vertical des mécanismes de participation mis en place sous l’égide de l’État à la tradition politique héritée de l’époque coloniale45.
32L’explication institutionnelle a également trouvé des adeptes parmi ceux qui ont tenté d’identifier les sources du « processus révolutionnaire » déclenché par les militaires péruviens. Quelques études ont en effet mis en perspective l’évolution interne des forces armées. Loin de les éloigner de la politique, leur professionnalisation accrue les aurait amenées, au contraire, à jouer un rôle public de plus en plus important46. La formation professionnelle acquise depuis 1950 aurait ainsi fait des militaires une « élite stratégique »47. L’« ancien professionnalisme », apolitique et axé sur les fonctions traditionnelles de défense territoriale, aurait cédé la place au « nouveau professionnalisme » orienté vers le maintien de la sécurité intérieure. D’autre part, percevant la marginalisation sociale et l’état de sous-développement économique comme affaiblissant les capacités défensives du pays, les militaires auraient été amenés à redéfinir leur mission. Outre la protection des frontières, l’armée se serait sentie de plus en plus concernée par les questions de développement national.
33Ce nouveau rôle des forces armées ne serait-il pas l’aboutissement d’un long processus de changement de la mentalité militaire, suite aux frustrations ressenties par l’institution48 ? Animés d’un fort sentiment de mépris envers les civils et les partis politiques, les officiers de l’armée auraient également acquis une grande confiance en eux-mêmes en tant que groupe formé pour diriger le pays. Les généraux qui ont pris le pouvoir en 1968 auraient d’ailleurs puisé leur orientation réformiste au Centro de Altos Estudios Militores (CAEM) où sont passés bon nombre d’officiers supérieurs depuis 195049. Tout en s’intéressant aux transformations institutionnelles, d’autres études ont cependant élargi leur perspective et mis l’accent sur les contacts existant entre les membres des forces armées et certains secteurs civils50. En plus de considérer l’interaction entre les militaires et divers groupes d’intérêt, ces analystes ont également tenu compte des relations entre les officiers et l’environnement socio-économique.
34Négligeant la dimension proprement corporative, plusieurs auteurs ont choisi, au contraire, d’appréhender le comportement politique de l’armée péruvienne en s’attachant aux causes ou encore au sens de l’intervention militaire. C’est le cas de A. Quijano51 qui a vu derrière le projet réformiste du nouveau régime l’instrument des intérêts des fractions modernisantes de la bourgeoisie dépendante, désireuse de consolider un nouveau mode d’accumulation capitaliste dont le secteur industriel serait la base. D’autres ont adopté une perspective similaire, y introduisant toutefois quelques variantes. S’il a reconnu l’impact de la professionnalisation des forces armées, A. Meister52 a affirmé que les officiers réformistes ont servi d’instruments de renforcement d’une techno-bureaucratie civile et militaire, partenaire locale du système transnational de domination. Un groupe d’intellectuels tant péruviens que nord-américains ont, pour leur part, considéré le coup d’État de 1968 et les politiques d’appui au secteur industriel comme le point culminant de la « révolution bourgeoise » au Pérou53.
35Ce type d’interprétation établissant un lien entre les politiques gouvernementales et les intérêts de la « bourgeoisie nationale » n’a cependant pas fait l’unanimité. Se situant à mi-chemin entre les conceptions institutionnelle et instrumentale du comportement militaire, B. Borj54 a tenu à souligner l’insuffisance de l’une et l’autre approches. Dans un ouvrage réunissant plusieurs études sur le réformisme des généraux péruviens, il a insisté notamment sur la nécessité de reconnaître le caractère particulier des bureaucraties armées dont le rôle serait de garantir la stabilité de l’ordre social existant. Il a également proposé de considérer leur engagement politique comme la réponse spécifique du corps des officiers à la lutte des classes et aux conflits idéologiques qui divisent la société. D’où la possibilité pour les militaires de promouvoir un projet politique qui, loin d’exprimer les intérêts des classes dominantes, traduirait les aspirations réformistes et nationalistes des secteurs moyens.
36G.D.E. Philip55 s’est également refusé à privilégier les facteurs institutionnels, tout comme il a rejeté l’approche percevant l’intervention armée comme le résultat de l’action des forces sociales. Ayant analysé le contexte politique dans lequel s’est inscrit le coup d’État d’octobre 1968, il a attribué l’accession au pouvoir d’un gouvernement militaire « radical » à la faiblesse de la gauche civile. Il s’est aussi intéressé aux auteurs du coup d’État ainsi qu’au noyau dirigeant lui-même, à sa composition et à ses divergences, sans négliger les relations que cette minorité d’officiers « radicaux » entretenaient avec leur principale base de pouvoir, les forces armées. Opposé à l’idée que les militaires sont de simples exécutants, H. Pease García56, enfin, a voulu rendre compte de la dynamique et de la complexité du processus politique en cours de 1968 à 1975. Reconnaissant l’autonomie particulière du régime, il a souligné le caractère non monolithique du gouvernement ainsi que l’impact des pressions civiles sur le développement de tendances divergentes au sein du noyau dirigeant.
37Agent de modernisation, élite stratégique, représentants de la bourgeoisie et de l’impérialisme : autant d’étiquettes, autant d’approches du phénomène militaire. Proposées par des analystes dont non seulement les interprétations mais également les stratégies de recherche sont parfois à l’opposé les unes des autres, elles ont toutefois en commun de ne pas rendre compte de la spécificité du pouvoir martial. C’est pourquoi nous avons choisi de n’en privilégier aucune, mais plutôt, comme d’autres l’ont fait avant nous, de centrer notre étude sur l’institution militaire considérée comme une force politique57. Privilégier l’acteur militaire ne signifie pas pour autant se limiter à l’approche organisationnelle dont les adeptes ont eu tendance à se confiner à l’univers clos des casernes. « Branche militaire de l’État », selon la formule de Alain Rouquié, l’armée est en effet « miroir et enjeu » d’une société civile dont les tensions et les conflits se répercutent sur l’institution et ses membres.
38Réorganisées dès le début du XXe siècle sous l’égide des missions militaires européennes, les armées latino-américaines sont apparues rapidement comme le premier « corps de fonctionnaires stables », éduqués et soumis à des normes de recrutement et d’avancement beaucoup plus rigoureuses que leurs homologues civils. D’autre part, tout en restant attachées à la finalité première de l’institution – la défense du territoire, elles n’ont été que rarement engagées dans des conflits avec l’extérieur, jouant prioritairement le rôle de bureaucraties d’État58.
39La nature et la spécificité des États du sous-continent ont fait l’objet de nombreux articles, souvent polémiques, dont il n’est pas dans notre propos d’exposer la teneur. Rappelons seulement que l’édification de l’État a été conditionnée par les liens de dépendance qu’ont entretenu les économies latino-américaines avec les grands centres du capitalisme mondial, surtout la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les effets de l’insertion au système économique international ne sont pas identiques dans tous les pays d’Amérique latine, mais des traits généraux peuvent être dégagés : extraversion de l’économie, concentration du pouvoir économique entre les mains d’oligarchies associées aux capitaux étrangers, faiblesse des marchés intérieurs et exclusion des masses, difficultés d’affirmation des bourgeoisies industrielles.
40Dans ce contexte, l’État a joué et continue de jouer un rôle tout à fait spécifique. Il intervient d’abord activement dans la formation et le renforcement des groupes dominants. Sans être au-dessus des classes, il dispose d’une autonomie particulière comme lieu de négociation non seulement entre les intérêts souvent conflictuels des élites capitalistes locales, mais également entre celles-ci et les bourgeoisies métropolitaines. En plus d’exercer la fonction d’arbitre, il est garant du système de domination des classes possédantes, incapables d’une part d’imposer leur hégémonie et d’autre part de se réclamer du statut de défenseurs de l’intérêt général de la nation, en raison de l’exclusion de la vaste majorité des secteurs sociaux. Aussi l’État, et tout particulièrement son appareil militaire, sont-ils chargés d’imposer des mesures de mise à l’écart politique des classes populaires.
41Mettre en perspective leur double appartenance à l’État et à la société ne signifie pas toutefois négliger la nature proprement militaire des forces armées. Certains auteurs ont fait ressortir une « tendance à la convergence » en vertu de laquelle les singularités martiales de l’armée moderne s’effriteraient, en raison notamment de son engagement dans un grand nombre d’activités extra-militaires59. D’où l’idée de « civilisation » de l’univers militaire, mettant les forces armées sur le même pied que n’importe quelle autre organisation bureaucratique. Quelques-uns ont même intégré les militaires dans une nouvelle « couche bureaucratique dirigeante »60, ne distinguant pas leur rôle de celui des gestionnaires et des technocrates civils.
42Dans ce cas, la spécificité des forces armées s’estompe quand elle n’est pas tout simplement ignorée. Pourtant les bureaucraties militaires présentent un ensemble de caractéristiques propres qui les différencient des bureaucraties civiles et font d’elles des forces politiques dont le fonctionnement contraste avec celui des autres aspirants au pouvoir. Ce qui distingue les militaires, c’est tout d’abord leur mission : formés dans le but de combattre, ils sont des « experts en organisation de la violence »61.
43Obéissant à une logique propre, le fonctionnement des armées est d’ailleurs indissociable de leurs fonctions premières. Car de leur finalité belligène découlent un système organique et un système normatif. Le premier, relativement universel, se réfère à la « constitution pyramidale » et à la « centralisation du commandement », conformément aux nécessités de l’action guerrière. Le second, relatif au système de valeurs institutionnelles (sens de l’honneur, abnégation, héroïsme, etc.) se modifie selon le contexte historique, culturel et socio-politique. De multiples facteurs déterminent ainsi la singularité organisationnelle et fonctionnelle de l’armée : isolement de la société civile, sélection des futurs membres selon des procédures de recrutement choisis hors de toute ingérence civile, acquisition d’un haut savoir proprement militaire, esprit de corps et sentiment d’appartenir à un groupe d’élite. Ces traits distinctifs établissant l’indépendance de l’organisation militaire moderne correspondent au profil des armées étatiques qui voient le jour en Amérique latine au début du XXe siècle62.
44Au Pérou comme ailleurs dans le sous-continent, la nécessité de créer une armée nationale permanente – par opposition aux armées privées et partisanes des coudillos- est indissociable de la volonté des groupes dominants locaux d’intégrer le pays à l’économie mondiale et de mettre en place un État moderne dont la réorganisation de la branche militaire sur le nouvelles bases constitue un élément essentiel. Soutenue par les civils souhaitant décourager l’activisme politique des chefs militaires, la professionnalisation de l’armée péruvienne conduit cependant les premiers diplômés, formés depuis 1896 par des instructeurs français, à assumer de nouvelles responsabilités politiques.
45La première manifestation politique de l’armée se produit en 1914, soit après vingt ans d’absence au cours desquels l’institution a commencé à acquérir de nouvelles ressources tant organisationnelles que morales, bases d’un pouvoir militaire autonome. Cette brève incursion sur la scène politique et le retour en force qu’elle effectuera au cours des années trente ne peuvent d’ailleurs être dissociés des conditions particulières d’émergence des États-Nations d’Amérique latine. Sur ce point, l’armée péruvienne ne diffère pas des autres armées du continent dont les officiers, à peine sortis des écoles militaires récemment créées, ont été investis d’une fonction décisive dans l’édification de l’État naissant, confronté aux disparités territoriales, culturelles et sociales et dont le pouvoir central restait à mettre en place.
46En outre, loin de s’engager dans les sentiers de la guerre comme les armées classiques chargées traditionnellement d’assurer la protection des frontières, l’armée péruvienne prend d’abord pour cible l’ennemi intérieur : les classes populaires. Car en plus d’être le creuset de l’État-Nation, elle est la gardienne de la paix sociale contre l’indigène ou l’ouvrier en révolte, contre les masses inorganisées mais non moins menaçantes, bref contre tout ce qui pourrait faire obstacle à la bonne marche de l’économie agro-minière exportatrice.
47De ce rappel des origines de l’armée péruvienne se dégagent les principaux axes d’analyse privilégiés dans cette étude : d’un côté l’appartenance de l’appareil militaire à l’État, de l’autre son insertion dans la société globale. En nous réappropriant cette double référence à l’État et à la société, notre objectif est de cerner la spécificité du phénomène militaire au Pérou et d’en appréhender les causes profondes. On ne saurait y arriver sans esquisser en toile de fond les grandes lignes de l’évolution socio-économique et politique du pays, évolution à laquelle les militaires ont été associés directement. Mettre en évidence la dimension étatique de l’armée nous amènera dans un premier temps à observer l’évolution de la « branche militaire de l’État » et à identifier son rôle dans la construction de cet État, tout en retraçant la trajectoire ainsi que les caractéristiques propres du développement économique national.
48Le caractère extroverti de l’économie péruvienne a, par ailleurs, façonné le processus de formation des classes sociales. Mettre en relief la dimension sociétale de l’armée nous conduira ainsi à analyser l’engagement politique des militaires à la lumière de la constitution particulière des groupes dominants locaux. Consentant à défendre les intérêts de l’oligarchie dont certains n’ont pas manqué de souligner l’inaptitude à « gouverner à visage découvert », les chefs militaires ont en effet joué le rôle de « force politique de substitution »63.
49Loin d’être homogènes, les forces armées ont toutefois été constamment sollicitées par les divers aspirants au pouvoir, membres de la société politique ou représentants des secteurs exclus du système de domination. Dans les années trente, les contacts établis par l’APRA avec certains officiers l’ont mis en évidence. Loin de circonscrire notre étude aux seules interventions militaires réussies, nous tenterons donc – dans les limites des sources auxquelles nous avons eu accès – d’esquisser les luttes pour le pouvoir qui se sont déroulées à l’arrière-scène et auxquelles l’armée a presque toujours été associée.
50« Chiens de garde de l’oligarchie » pendant plusieurs décennies, les militaires ont cependant commencé, à partir des années soixante, à questionner leur rôle de représentants des forces conservatrices. La stagnation du secteur exportateur, les conflits entre les diverses secteurs des classes possédantes, l’incapacité des partis politiques traditionnels, le malaise croissant et l’éclatement de la violence dans le secteur rural : tous ces facteurs ont amené peu à peu certains officiers à remettre en cause l’orientation suivie jusque-là par les forces armées et à intervenir politiquement, mais cette fois en opposition au système de domination oligarchique.
51Après avoir retracé l’histoire du pouvoir militaire et de ses multiples manifestations tant au XIXe qu’au XXe siècles, nous analyserons le « processus révolutionnaire » amorcé le 3 octobre 1968 par le général Juan Velasco Alvarado. Situation propice à l’observation du comportement politique des forces armées, l’expérience péruvienne de « militarisme réformiste » nous a permis de faire la lumière sur certains aspects moins visibles de l’institution militaire et sur son fonctionnement spécifique en tant que force politique. Nous nous interrogerons donc sur le « comment » du pouvoir mis en place et sur la spécificité des mécanismes et des pratiques politiques de l’armée.
52Une fois identifiés les facteurs proprement institutionnels qui ont conduit les militaires péruviens à interrompre le processus démocratique en cours depuis 1963, nous mettrons en perspective l’hétérogénéité de l’équipe dirigeante en esquissant les principales tendances politico-idéologiques en lutte pendant le septennat. Puis, soulignant l’autonomie particulière ainsi que le caractère essentiellement autoritaire du régime, nous décrirons les organismes créés pour promouvoir les changements socio-économiques. Nous analyserons simultanément le processus d’élaboration et d’adoption de quelques réformes en faisant une large part au rôle des technocrates civils qui, recrutés pour appuyer le projet réformiste, n’en ont pas moins été soumis au contrôle direct du gouvernement.
53Les forces armées étant la seule base d’appui du régime, un contrôle rigoureux s’est exercé sur le personnel non militaire responsable du programme de mobilisation des masses. Principal défi des dirigeants militaires, l’organisation de l’appui populaire aux réformes a tout d’abord mis en relief les contradictions et les limites de cette « révolution par le haut ». De plus, loin de faire l’unanimité, la politique de mobilisation a accentué les divergences entre les membres du gouvenrment qui ont commencé à en faire état publiquement, révélant l’absence d’homogénéité du noyau dirigeant, résultat de la politisation interne inhérente à l’exercice du pouvoir. Aussi aborderons-nous une question centrale dans l’analyse des processus politiques propres à l’armée : celle des modalités de résolution des conflits internes dans le cadre de l’institution militaire, d’abord préoccupée de préserver son unité menacée.
54Cette volonté de maintenir la cohésion institutionnelle de même que l’évolution de la situation géopolitique régionale amènent un secteur de l’armée à renverser le général Velasco en août 1975. L’abandon des réformes mises en place pendant le septennat par un gouvernement qui se réclame des forces armées au même titre que le précédent soulève une autre question liée à l’étude du fonctionnement de l’armée en tant que force politique. Tout en rappelant les principales mesures adoptées par le gouvernement du général Francisco Morales Bermúdez, nous tenterons donc d’identifier les multiples facteurs, tant externes qu’internes, qui l’ont incité à mettre fin à l’expérience réformiste. Largement responsables de la réorientation du régime, les préoccupations d’ordre institutionnel – notamment la sauvegarde de l’unité corporative – amènent également les forces armées à vouloir se libérer progressivement de leur engagement direct dans la gestion des affaires publiques. Aussi nous attacherons-nous à analyser les causes, les modalités, les conditions et les limites du processus de démilitarisation amorcé à la fin des années soixante-dix.
55Avant de prendre le chemin du retour aux casernes, les militaires ont toutefois adopté des dispositions garantissant tant la pérennité que l’autonomie de leur pouvoir. Loin d’être un phénomène récent, le pouvoir autonome de l’armée s’est constitué peu à peu à la suite d’un long processus de développement institutionnel. Tournés vers l’extérieur tout comme l’État et l’économie, les dirigeants civils qui à la fin du XIXe siècle poussent l’armée sur la voie de la modernisation, ont d’abord confié à la France le soin de mettre sur pied une force militaire nationale régulière. Après la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis ont pris la relève des instructeurs français. Tout en entretenant une certaine relation de dépendance, leurs programmes d’assistance militaire n’ont pas toujours eu l’effet escompté. En témoigne la volonté d’autonomie des généraux péruviens à l’endroit de Washington qui s’est manifestée de manière éclatante à la fin des années soixante.
56En plus de retracer les principales étapes de la modernisation extravertie des forces armées, nous mettrons en perspective les facteurs d’émergence des politiques d’affirmation nationale adoptées par le gouvernement au pouvoir de 1968 à 1975. À la lumière de l’évolution de la conjoncture internationale des années soixante-dix, nous analyserons également le programme de modernisation et de renforcement militaires en mettant l’accent sur la question des conflits territoriaux opposant le Pérou aux autres pays de la région andine. Le déclenchement des hostilités avec l’Équateur en 1981, puis en 1995, a mis en évidence la persistence du problème frontalier. Mais si dans le premier cas, les forces armées péruviennes bénéficiaient d’une supériorité professionnelle et matérielle sur leur adversaire, dans le second elles se retrouvent en situation très nette d’infériorité.
57Au cours des deux dernières décennies, les événements survenus tant aux plans international que national et régional ont en effet contribué à redéfinir en partie la position, la capacité et le rôle professionnel et politique des militaires. D’une part le Pérou a été confronté simultanément à la violence terroriste et à une crise économique dont la gravité s’est particulièrement fait sentir à la fin des années quatre-vingts ; d’autre part la société péruvienne se désagrège, les gouvernements civils qui accèdent au pouvoir par les urnes résistent mal à l’ampleur des problèmes et la démocratie se fragilise. De son côté, l’armée se voit confier la tâche de combattre la subversion sans être investie des pouvoirs et des moyens qu’elles réclament, et ce dans un contexte de méfiance entre civils et militaires, les uns et les autres n’ayant pas réussi à proposer une stratégie commune de pacification.
58L’élection d’Alberto Fujimori en 1990 inaugure toutefois une nouvelle étape dans les relations entre le pouvoir civil et l’institution militaire dont un secteur est, depuis lors, étroitement associé au gouvernement. Dans un contexte de crise des partis, cet appui traduit-il l’apparition d’une nouvelle forme de pouvoir politique des militaires, invités une fois encore à jouer le rôle de « force politique de substitution » ? Consacré à l’évolution des forces armées péruviennes depuis le début des années quatre-vingts, le dernier chapitre abordera la question de l’impact de la lutte anti-subversive sur les relations entre civils et militaires ; il analysera également le fonctionnement d’un régime qui, à l’encontre des objectifs de professionnalisation institutionnelle, confirme la tendance historique des forces armées à être un acteur permanent de la vie politique, un acteur qui, même s’il se retranche périodiquement dans ses quartiers, n’en continue pas moins à l’arrière-plan d’influencer les destinées nationales.
Notes de bas de page
1 S.P. Huntington, « Reforming Civil-Military Relations », in L. Diamond et M.F. Plattner (éd.), Civil-Military Relations and Democracy, Baltimore et Londres, 1996, p. 3-11.
2 F. Nunn, « The South American Military and (Re) Democratization : Professional Tought and Self-Perception », in Journal of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 37, n° 2, été 1995, p. 1-56.
3 J.P. McSherry, « Military Political Power and Guardian Structures in Latin America », Journal of Third World Studies, vol. XII, n° 1, 1995, p. 80-119. Sur la mise en place de ce type de structures en Argentine cf. id., « Strategic Alliance. Menem and the Military-Security Forces in Argentina », Latin American Perspectives, 97, vol. 24, n° 6, nov. 1997, p. 63-92.
4 P.W. Zagorski, Democracy vs National Security : Civil-Military Relations in Latin America, Boulder, 1992.
5 M.E. Carranza, « Transitions to Electoral Régimes and the Future of Civil-Military Relations in Argentina and Brazil », Latin American Perspectives, 96, vol. 24, n° 5, 1997, p. 7-25.
6 F. Agüero, « The Military and the Limits to Democratization in South America », in S. Mainwaring, G. O’Donnell et J.S. Valenzuela (éd.), Issues in Démocrotie Consolidation : The New South American Democraties in Comporative Perspective, Notre-Dame, 1992, p. 183-198.
7 B. Loveman, « Protected Democracies and Military Guardianship : Political Transitions in Latin America, 1978-1993 », Journol of Interamericon Studies and World Affoirs, vol. 36, n° 2, été 1994, p. 105-189.
8 Selon la formule de G.A. O’Donnell, « Transitions, Continuities, and Paradoxes », in S. Mainwaring, G.A. O’Donnell et J.S. Valenzuela (éd.), op. cit., p. 17-56.
9 M. Hens et J.A. Sanahuja, « Seguridad, conflictos y reconversión militar en América Latina », Nueva Sociedod, n° 138, Julio-Agosto 1995, p. 48-69. Sur la propension mais également le danger pour les forces armées de s’engager dans des activités non traditionnelles cf. L.W. Goodman, « Military Roles. Past and Présent », in L. Diamond et M.F. Plattner (éd.), op. cit., p. 30-45.
10 J.S. Fitch, « The Decliné of US Military Influence in Latin America », Journol of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 35, n° 2, été 1993, p. 1-49.
11 R.L. Millet, « The United States and Latin America’s Armed Forces », Journol of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 39, n° 1, printemps 1997, p. 123.
12 En 1995, des 90 millions de dollars accordés par les États-Unis dans le cadre de l’assistance militaire, 53 millions étaient destinés à la lutte contre la drogue. International Institute for Strategie Studies, The Military Balance 1995-1996, Londres, 1996, p. 203.
13 R.L. Millet, op. cit., p. 126.
14 F. Bustamante, « La Seguridad hemisférica en los años 90 », Nuevo Sociedod, n° 138, Julio-Agosto 1995, p. 106-119.
15 C. Perelli, « Las Fuerzas Armadas Latinoamericanas después de la Guerra Fría », Nuevo Sociedod, n° 138, p. 89.
16 D’après les données de l’Internatianal Institute for Strategie Studies, The Military Balance, 1991-1994, in M. Hens et J.A. Sanahuja, op. cit., p. 53 et 67.
17 C. Perelli, op. cit., p. 94.
18 F.M. Nunn, « Self-Perception of the Armed Forces », Latin American Studies Association, mars 1994, in J.P. McSherry, op. cit., p. 89.
19 Sur les partis politiques en Amérique latine cf. : S. Mainwaring et T.R. Scully, Building Démocratie Institutions. Porty Systems in Latin America, Stanford, 1995.
20 La question de l’alternance entre régimes civils et militaires a été discutée dans J.M. Malloy et M.A. Seligson (éd.), Authoritarians and Democrats. Regime Transition in Latin America, Pittsburgh, 1987, chap. 1 et 11.
21 A. Rouquié, L’Étot militoire en Amérique lotine, Paris, 1982, chap. 11.
22 La revue Quehocer (Lima), n° 31, octobre 1984, a fait état de ces rumeurs. Voir également les déclarations « rassurantes » du ministre de la Guerre affirmant la subordination des forces armées au pouvoir constitutionnel : « El pensamiento de las fuerzas armadas en la presente coyuntura », Quehocer, n° 34, avril 1985, p. 11-13.
23 R. Ames Cobían, « Que esta en debate con el Ministerio de Defensa ? », Quehocer, n° 46, avril-mai 1987, p. 27.
24 Quehocer, n° 55, octobre-novembre 1988, p. 4-9.
25 Voir notamment : K.L. Remmer, Military Rule in Latin America, Boston, 1989 ; F.M. Nunn, The Time of the Générois : Latin American Professional Militarism in World Perspective, Lincoln, 1992 ; A. Stepan, Rethinking Military Politics : Brail and the Southern Cone, Princeton, 1988 ; A. Varas (éd.), Democracy under Siege : New Military Power in Latin America, Greenwood, 1989.
26 The Military in the Political Development of New Nations. An Essay in Comparative Analysis, Chicago, 1964. Sur l’évolution de la sociologie militaire américaine, voir : M.L. Martin, « Quelques aspects de la sociologie militaire aux É tats-Unis », Défense notionole, octobre 1981, p. 105-119 et « La sociologie militaire aux États-Unis : M. Janowitz », Défense notionole, mars 1982, p. 103-125.
27 Pour l’illustration d’une telle approche : J.J. Johnson, The Military and the Society in Latin America, Stanford, 1964, 308 p.
28 W.W. Pierson (éd.), « Pathology of Democracy in Latin America : A Symposium », American Political Science Review, vol. XLIV, mars 1950, p. 100-149.
29 Lyle N. McAlister, « Peru », in L.N. McAlister, A.P. Maingot et R.A. Potash, The Military in Latin American Socio-Political Evolution : Four Cases Studies, Washington. 1970, p. 21-83.
30 I.L. Horowitz, Beyond Empire and Révolution : Militarisation and Consolidotion in the Third World, New York, 1982, p. 96-106.
31 Comme en témoigne le titre d’un article de H.J. Wiarda, « Is Latin America Démocratie and Does it Want to Be ? The Crisis and Quest of Democracy in the Hemisphere », in H. J, Wiarda (éd.), The Continuing Struggle for Democracy in Latin America, Boulder, 1980, p. 3-24. Pour une critique de ce point de vue : J.A. Booth et M.A. Seligson, « The Political Culture of Authoritarianism in Mexico : A Reexamination », Latin American Research Review, vol. XIX, n° 1, 1984, p. 106-124.
32 H.J. Wiarda, « Corporatism and Development in the Iberic-Latin World : Persistent Strains and New Variations », in F.B. Pike et T. Stritch (éd.), New Corporotism : Sociol-Politicol Structures in the Iberion World, Notre-Dame, 1974, p. 3-33.
33 A. Stepan, The Military in Politics. Changing Patterns in Brazil, Princeton, 1974.
34 M.D. Wolpin, Military Aid and Counterrevolution in the Third World, Lexington, 1972.
35 J. Nun, « A Latin American Phenomenon : The Middle-Class Military Coup », in J. Petras et M. Zeitlin (éd.). Latin America : Reform or Revolution ?, Greenwich, 1968, p. 145-185.
36 D’après le titre d’un ouvrage de D. Collier (éd), The New Authoritorionism in Latin America, Princeton, 1979.
37 G.A. O’Donnell. Modernisotion and Bureoucrotic-Authoritorionism : Studies in South American Politics, Berkeley, 1973. Dans un article postérieur, l’auteur a cependant reconnu qu’une fois au pouvoir, les militaires n’agissaient plus comme les simples instruments du grand capital, sans pour autant définir leurs intérêts propres : « Corporatism and the Question of the State », in J.M. Malloy (éd), Authoritarianism and Corporatism in Latin America, Pittsburgh, 1977, p. 47-87.
38 G.A. O’Donnell, « Modernization and Military Coups : Theory, Comparisons, and the Argentine Case », in A.F. Lowenthal et J.S. Fitch (éd.). Armies and Politics in Latin America, New York. 1976, pp. 197-243.
39 F.H. Cardoso, « On the Characterization of Authoritarian Regimes in Latin America », in J.M. Malloy (éd.), op. cit., p. 33-57.
40 A. Rouquié, Pouvoir militoire et société politique en République orgentine, Paris, 1978, p. 9.
41 A. Rouquié, L’Étot militoire, p. 21 et « Les processus politiques au sein des partis militaires définitions et dynamiques », A. Rouquié (éd.), Lo politique de Mors. Les processus politiques dons les portis militoires, Paris, 1981, p. 17-38.
42 G.D.E. Philip, The Military in South American Politics, Dover, 1985.
43 R.L. Clinton, « The Modernizing Military : The Case of Peru », Inter-American Economie Affoirs, vol. 24, n° 4, printemps 1971, p. 43-66.
44 J.M. Malloy, « Authoritarianism, Corporatism and Mobilization in Peru », in F.B. Pike et T. Stritch (éd.), op. cit., p. 52-84. Et dans une perspective plus critique : J. Cotler, « The new Mode of Political Domination in Peru », in A.F. Lowenthal (éd.), The Peruvian Experiment. Continuity and Change under Military Rule in Peru, Princeton, 1975, p. 44-78.
45 D.S. Palmer et K.J. Middlebrook, « Corporatist Participation under Military Rule in Peru », D. Chaplin (éd.), Peruvian Nationalism. A corporotist Révolution, New Brunswick, 1976, p. 428-453.
46 L.R. Einaudi et A. Stepan, Latin American Institutional Development : Changing Military Perspectives in Peru and Brazil, Santa Monica, 1971.
47 A. Stepan, The Stote and Society. Peru in Comparative Perspective, Princeton, 1978.
48 V. Villanueva, Nuevo mentolidod militor en el Perú ?, Buenos Aires, 1969 ; 100 Años del Ejército Peruono : Frustrociones y Combios, Lima, 1972 et El CAEM y lo Révolución de lo Fuerzo Armodo, Lima, 1972.
49 Pour un point de vue différent : J. Rodríguez Beruff, Los militores y el poder : un ensoyo sobre lo doctrino militor en el Perú, 1948-1968, Lima, 1983. À l’encontre de V. Villanueva, l’auteur affirme que, loin d’être en rupture avec le passé, l’adoption d’une orientation réformiste par le CAEM s’inscrit dans l’évolution de la doctrine militaire péruvienne, qui a commencé à prendre forme dans les années quarante sous l’influence française, puis nord-américaine.
50 C. McClintock et A.F. Lowenthal (éd.), The Peruvian Experiment Reconsidered, Princeton, 1983.
51 A. Quijano Obregón, Nocionolismo, neoimperiolismo y militorismo en el Perú, Buenos Aires, 1971.
52 A. Meister, L’outogestion en uniforme. L’expérience péruvienne de gestion du sous-développement, Paris, 1981.
53 Latin American Perspectives, vol. IV, n° 3, été 1977.
54 B. Sorj, « The State, the Bourgeoisie and Imperialism in the Light of the Peruvian Expérience », in D. Booth et B. Sorj (éd.), Military Reformism ond Social Classes : The Peruvian Expérience, 1968-1980, Londres, 1983, p. 185-202.
55 G.D.E. Philip, The Rise and Fall of the Peruvian Military Radicals, 1968-1976, Londres, 1978.
56 H. Pease García, El ocoso del poder oligárquico : Lucho político en lo esceno oficiol, 1968-1975, Limo, 1977.
57 Nous reprenons dans ses grandes lignes la stratégie de recherche adoptée par A. Rouquié dans « Les processus politiques » et « Le camarade et le commandant. Réformisme militaire et légitimité institutionnelle », Revue fronçoise de science politique, vol. XXIX, n° 3, juin 1979, p. 381-401.
58 A. Rouquié, L’Étot militoire, p. 126-133.
59 M. Janowitz a été le premier à souligner ce phénomène de « convergence » : The Professionol Soldier : A Social and Political Portrait, Glencoe, 1960.
60 L. Mercier Vega, Lo révolution por l’Étot. Une nouvelle closse dirigeonte pour l’Amérique Latine, Paris, 1978, p. 185. Pour l’application, au Pérou, d’un point de vue similaire : A. Meister, op. cit., p. 269-287.
61 Selon la formule de E. Schwcisguth, « L’institution militaire et son système de valeurs », Revue fronçoise de sociologie, XIX. 1978, p. 375.
62 A. Rouquié, « Les processus politiques », p. 24-26 et L’Étot militoire. Sur le système de valeurs des militaires latino-américains cf. : L.N. McAlister, « The Military », in J.J. Johnson (éd.). Continuity and Change in Latin America, Stanford, 1964, p. 136-160.
63 Id., « Les processus politiques », p. 18.
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