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Liens personnels, réseaux, solidarités en France et dans les îles Britanniques (xie-xxe siècle)

 | 
Bates David
, 
Gazeau Véronique

Conclusion générale

François-Joseph Ruggiu

Texte intégral

1 Je ne saurais commencer ces brèves conclusions sans remercier très vivement les deux organisateurs, David Bates – et, à travers lui, l’université de Glasgow – pour son accueil chaleureux et Véronique Gazeau pour l’attention sans faille qu’elle nous a témoignée afin de nous amener tous ici. J’aimerais également souligner la grande qualité d’ensemble de notre réunion : le haut niveau des communications présentées ainsi que la vigueur et l’intérêt des débats prouvent, s’il en était besoin, que la formule choisie par David Bates et Véronique Gazeau : une table ronde transpériode avec un nombre limité d’intervenants, est la plus à même de faciliter les échanges entre les chercheurs de part et d’autre de la Manche.

2Le souci de travailler dans la durée a été une première préoccupation commune à beaucoup des intervenants : ils ont insisté sur le fait que les réseaux sociaux évoluent au fil du temps et des événements. Éric Anceau, Anne Curry, Judith Green, David Potter ont montré qu’un réseau n’était jamais figé et Nicolas Le Roux a employé le terme de « recomposition » qui me semble fondamental.

3L’apparition, ou plutôt la mise à la disposition de tous, de nouveaux outils est le second des acquis attestés par notre colloque. Pascal Brioist a ainsi magistralement présenté les méthodes de la network analysis et il en a donné, comme Gareth Prosser et Julien Vincent, une très belle illustration. Ils ont montré que, loin d’être réservés à une poignée d’initiés, les procès – certes rigoureux – de la network analysis sont à la portée de tous les historiens à la condition qu’ils se rappellent qu’il ne s’agit que d’un outil. La reconstruction d’un réseau, c’est-à-dire d’un ensemble de liens entre des personnes données, n’est pas une fin en soi ; l’essentiel – ce sur quoi doit travailler l’historien – est ce qui circule le long de ces liens : faveurs, services, dons, échanges intellectuels... et aussi la manière dont cela circule. Apparition de nouveaux outils mais aussi de nouvelles sources. Le travail de Frédérique Lachaud sur les armoiries sculptées sur les tombes nous est apparu à tous particulièrement stimulant d’autant plus qu’il témoigne de la réussite du projet des défunts : témoigner pour l’éternité de ses liens personnels.

4Le troisième et dernier acquis est la réflexion permanente qui a été menée, et que l’on trouve, en particulier, chez Pierre Bauduin, Stuart Carroll ou Michel Nassiet, sur la nature des liens qui unissait un individu et sa famille, d’une part, et un individu et son entourage, d’autre part. Ils prouvent que nous en avons fini, du moins je l’espère, avec les explications mécaniques qui juxtaposaient, dans une relation automatique de cause à effet, des attitudes et des liens attestés de parenté ou de solidarités. Rien n’est aussi simple et chaque individu est engagé dans un jeu complexe d’obligations ou d’échanges – parfois très symboliques, parfois très concrets comme le cheval dont nous a parlé Stuart Carroll – qui le met en situation à un moment donné de faire des choix qui lui sont personnels.

5Pour terminer en quelques mots, il me semble que trois directions de travail nous ont été ouvertes durant ces deux jours. Une meilleure définition des termes que nous utilisons, entre les différentes périodes mais aussi au sein de chaque période, est d’abord nécessaire. Il me paraît important également de nous tourner vers d’autres terrains d’enquête : vers les milieux sociaux plus modestes à l’image de ce qu’a fait de façon très intéressante David Hopkin ; vers les femmes : le monde des solidarités féminines – son vocabulaire, ses valeurs – reste très mal connu comme le soulignait Nicolas Le Roux ; vers l’analyse des différences régionales : la France du Sud, la France de l’Ouest, la France du Nord sont des espaces indiscutablement différents par le droit et parfois par la langue comme peuvent l’être, sous d’autres modalités, l’Angleterre, le pays de Galles et, bien sûr, l’Écosse. La troisième et dernière direction nous amènerait à réfléchir à nouveau sur la dialectique de la solidarité et du conflit. Au sein d’une même famille, au sein d’un même réseau, ces deux attitudes ne s’excluent pas : elles coexistent, comme l’a suggéré Michel Nassiet. Tout cela montre que malgré, ou plutôt à cause, de l’indéniable succès de cette rencontre, nous avons encore beaucoup de travail.

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