Discours d’ouverture

1Monsieur le Président, chers collègues, mesdames, messieurs.

2C’est toujours pour moi un grand plaisir, en même temps qu’un honneur, d’ouvrir un colloque, d’accueillir en Sorbonne une telle rencontre organisée par nos équipes. La Sorbonne est certes un lieu symbolique, et sur l’antériorité entre les grandes universités européennes qui continue de faire débat, j’aime à faire remarquer à ceux qui font valoir à l’université de Bologne une antériorité de soixante-dix ans sur la Sorbonne que Bologne était alors un collège de droit canonique, alors que la Sorbonne a toujours, dès son origine, été créée comme une université de studium generale avec une vocation à couvrir les grandes disciplines de l’époque et à non pas être un établissement spécialisé.

3Nos thèmes d’aujourd’hui, même si les lieux nous enracinent dans l’histoire, sont combien plus actuels ! Encore qu’un retour sur l’histoire, ne fut-il que d’un siècle, n’est pas sans intérêt. Ce colloque présente, à mes yeux, une grande originalité, un grand intérêt. Originalité en termes d’objet, d’abord. Cette focalisation sur l’avion et la multiplicité des enjeux qui s’y attachent, des enjeux lourds, objectifs : sur le plan technique, sur le plan économique en termes d’emplois, de masses financières, sur le plan environnemental, on en reparlera, et aussi des enjeux plus symboliques, dans la manière qu’a l’avion d’illustrer un certain nombre d’interfaces entre technique, société, pensée. Originalité en termes d’approche aussi. Une approche qui peut dérouter, comme l’évoque le sous-titre : le rêve, la puissance et le doute. C’aurait pu être la gloire ; mais non, c’est le doute. Cette approche, évidemment, porte la « patte » d’Alain Gras qui nous a habitués à ce positionnement, dirais-je, d’une socio, philo, anthropologie de la technique. Le reconnaîtriez-vous dans cette description ? Sous cet aspect, votre colloque va aborder ou côtoyer les grands enjeux, les grandes questions posées par l’avion aujourd’hui. Je disais techniques ou culturelles, mais aussi environnementales qui font l’objet de nouvelles et croissantes préoccupations.

4J’aurais aimé pouvoir participer personnellement à vos travaux, car sur ce sujet, je me sens un amateur. Mais un amateur dans les deux sens du terme. Certes un amateur en tant que non professionnel : professionnel ni du monde de l’avion, ni des disciplines qu’il mobilise, encore que, comme économiste, j’éprouve un léger regret de ne pas voir ma discipline davantage sollicitée.

5Amateur, surtout dans l’autre sens du terme. Celui qui porte un intérêt personnel à ces questions, voire une certaine fascination qui remonte à des souvenirs de jeunesse : avoir été adolescent dans les années 1950, et comme beaucoup de jeunes de cette génération, passionné par la littérature et l’objet symbolique que représentait l’avion. Amateur, je suis resté – je disais l’autre jour à nos amis que ma compétence en matière d’avion se limite au niveau des épreuves théoriques de BESA. On posera la question : qui se rappelle ce qu’était ce brevet élémentaire des sports aériens ?

6J’aimerais dire que ce centrage sur l’avion peut être complété encore par son croisement avec d’autres angles d’approche. Les travaux du CETCOPRA, d’Alain Gras en particulier, se sont illustrés dans l’étude d’un système technique local, l’interface homme/machine, peut-être même homme/équipe/ machine. Vous avez également fait des travaux, que je connais moins, sur les macro-systèmes techniques. L’interrogation sur l’avion rebondit me semble-t-il sur d’autres systèmes. J’en citerai deux.

7Le tourisme de masse est ainsi l’un des systèmes dans lesquels s’inscrit l’avion. Une interrogation prospective sur la place de l’avion peut-elle l’ignorer, avec ses enjeux de durabilité par exemple ? S’agissant des déplacements d’affaires, on peut côtoyer d’autres questions tout aussi passionnantes sur la circulation de l’information : dans une gouvernance mondiale, dans les coordinations d’organisations globalisées, quel sera le partage entre le présentiel dans une rencontre physique, par rapport au travail à distance, aux téléconférences, dans des équipes et des réseaux ?

8Il y aurait, bien évidemment, un autre angle d’approche : celui des limites à la robotisation, où la part irréductible de la présence humaine, notamment dans les systèmes d’armes aériens mais aussi éventuellement dans des systèmes d’utilisation plus civile, suscite de nombreuses interrogations.

9C’est peut-être la marque de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne que d’être le lieu où l’on s’efforce de porter des regards à la fois originaux et divers sur des questions qui sont des grands enjeux de société et de réflexion. Je suis convaincu que vous y participerez avec conviction.

10Je vous remercie.