Version classiqueVersion mobile

L’Europe des Français, 1943-1959

 | 
Gérard Bossuat

Conclusion

Texte intégral

  • 1 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 239, fin avril-début mai 1955, note du Départem (...)

1En politique européenne les gouvernements de la IVe République, tout en se situant dans l’Alliance, ont eu le souci de se dépêtrer d’une dépendance américaine encombrante qui pourtant était vitale pour la France. Ils ont cherché à modérer l’affrontement des blocs. Il est très utile de constater que dans des domaines aussi différents que ceux de l’économie ou de la défense, les Français s’attachèrent intensément à la notion de directoire à trois après le temps fort de la dépendance de 1947 à 1950. L’échec français de la prise du pouvoir au sein de l’Alliance fut sanctionné par le départ de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966. Une telle disposition, si fondamentalement inscrite au coeur de la politique française depuis 1949, devait nécessairement avoir des répercussions sur la politique de construction européenne de la France. L’essentiel de la politique de construction européenne de la France n’était pas la formation de l’unité. La très belle formule de Jean Monnet, « unir les hommes plutôt que coaliser les Etats », n’était pas au coeur des préoccupations gouvernementales françaises. Un texte du Quai d’Orsay de 1955 définissait avec bonheur la politique européenne de la France. On y trouve trois idées clefs, la sécurité, le rang, l’idéal : « contrôler l’Allemagne sans discriminer contre elle, obtenir un meilleur résultat dans un cadre élargi par la mise en commun des hommes, des techniques, du financement, de la production et du marché, faire acte de constitution politique pour parvenir à l’unification de l’Europe1 ».

  • 2 Irwin M. Wall, « La France, l’OTAN et l’Algérie, 1956-1960 », RHMC, 1997.
  • 3 Christian Pineau, Christiane Rimbaud, Le grand Pari, Fayard, 1991 ; Maurice Faure, Le Monde, 1977.

2La première raison de faire l’Europe était de donner à la France de l’influence dans les affaires européennes et mondiales par un relèvement économique. Cette quête était due au fait que la France n’inspirait plus confiance depuis le 17 juin 1940. Les Français ressentaient comme une injustice que leurs alliés leur renvoient cette image d’indignité et leur interdisent de participer à la direction du monde occidental. Cette frustration a nourri la vague gaulliste de 1958 et l’anti-américanisme des années de prospérité. La réhabilitation internationale de la France ne fut pas réalisée bien que la France ait forgé les moyens de l’influence par la modernisation économique et militaire et les constructions européennes. Le déficit d’image de la France a pesé lourd sur ses relations internationales du fait de la guerre d’Algérie2. La politique européenne de la France est passée d’un concept gallo-centrique d’Europe continentale sous contrôle français, avec mise en tutelle de l’Allemagne, à un concept d’Europe franco-britannique à l’OECE. Les Français ont toujours voulu faire l’Europe avec la Grande-Bretagne. Or quand les Britanniques se manifestent, ils prétendent imposer leurs conceptions à l’OECE en 1949, au Conseil de l’Europe, à propos de la Zone de Libre-échange en 1957. La tentative française de convertir la Grande-Bretagne à une stratégie de développement concerté, fondé sur les projets nationaux de chacun des deux états, a échoué. Á cause du rejet par les Britanniques de la contractualisation des économies européennes, la France a subi la logique d’une ouverture libérale des marchés. Les Néo-libéraux français l’acceptaient tout en étant prudents. Il s’agissait de sauvegarder, quel que soit le type de libéralisation, le plan de modernisation et d’équipement, phare de la politique de renouveau de la France. Le plan Schuman fut un modèle sans postérité, utile pour régler le problème politique des relations franco-allemandes mais incapable d’élargir à d’autres secteurs la notion de supranationalité. Il faut donc bien mesurer la distance existant entre Monnet et les gouvernements français, sauf un bref moment, de mai à octobre 1950, où il est un ministre officieux des affaires européennes. Le Marché commun a été imposé grâce à la pugnacité de Guy Mollet. Il n’était pas désiré par les experts ni par les fonctionnaires des ministères. Les partisans du Marché commun firent apparemment un acte de foi audacieux dans les capacités françaises3. En fait, en dépit de ses insuffisances, la France avait retrouvé un dynamisme économique de bon aloi. Son économie, comme en témoigne l’attitude modérée du CNPF à propos du Marché commun, était capable de supporter le choc de la concurrence avec ses proches voisins, sinon celui du grand large. En revanche en 1957 le rêve d’une plus grande Europe, de l’Irlande à la Vistule, avait été tué par la guerre froide. C’est ce qui différenciait la politique européenne de la France en 1957 par rapport à 1943, ou par rapport au temps de Briand.

  • 4 Eric Bussière, La France, la Belgique et l’organisation économique de l’Europe, 1918-1935, préface (...)
  • 5 Joseph Rovan, K. Adenauer, témoignage de Jean Laloy, p. 163, Beauchesne, 1967.
  • 6 Joseph Rovan, K. Adenauer, témoignage de Jean Laloy, p. 164, Beauchesne, 1967.

3Le second mobile de la politique de construction européenne de la France a été d’assurer sa sécurité militaire et économique par rapport à l’ennemi allemand. Le gallo-centrisme de l’immédiate après-guerre répondait à cette attente. Il reprenait les tentatives d’union économique et douanière franco-belges de 1918-19234. Cette politique échoua à cause des résistances russes, britanniques et américaines. En 1947, ne subsistent plus de cette politique que la revendication d’internationalisation de la Ruhr et l’autonomie de la Sarre, « dernier résidu de conceptions très éloignées de la réalité ». Mais pendant longtemps la diplomatie française a cru davantage au danger allemand qu’au danger soviétique5. Initialement la France ne voulait pas l’intégration allemande à l’Europe occidentale. Elle a consenti ensuite les gestes nécessaires pour la canaliser. Mais elle a toujours redouté le tête-à-tête franco-allemand en dépit des réels apaisements que Konrad Adenauer a su donner aux jeunes diplomates français6. La création à l’OECE d’un régime paradoxal de concurrence contrôlée était la vraie politique de la France. Elle répondait aux préférences américaines et à l’objectif français de modernisation au moindre coût et de sécurité. Cette politique de coopération négociée a échoué très largement. La France aura vécu la libération des échanges comme la manifestation d’une politique européenne qu’elle ne désirait pas vraiment. Elle a su néanmoins se projeter sur le devant de la scène européenne par la Déclaration du 9 mai 1950. Le geste était beau. Il était désespéré, comme celui de Pleven le 25 octobre 1950 pour l’armée européenne. Mais il fut riche de rebondissements heureux pour la France, car il assura la paix et le progrès en Europe. La Déclaration arrangeait tout le monde, mais le principe de supranationalité fut contesté immédiatement. L’échec de la CED et de l’APE montrait combien de telles idées étaient illusoires dans la société française de ce temps. Dans ces conditions, les traités de Rome peuvent apparaître comme un très grand succès après des années de tâtonnement, moins sans doute parce que la France, son gouvernement, son peuple ont changé, qu’en raison de l’habileté des négociateurs. Le succès de Rome fut le fruit de la nécessité, du respect des aspirations nationales et de la volonté politique d’aboutir de Guy Mollet et de Konrad Adenauer.

  • 7 Michel Debré, Gouverner, Mémoires***, 1958-G2, Albin Michel, 1988, p. 365.

4Cette politique de construction européenne ne fut pas pour autant une politique de soumission à Washington. Les extrêmes se rejoignent. Michel Debré juge sévèrement un régime « dont la faiblesse fit de la construction européenne et de l’Alliance atlantique un alibi aux dépens de nos intérêts fondamentaux et de la fierté nationale7 » Michel Debré et les chefs de la Ve République gaulliste associent comme une évidence construction européenne et inféodation à Washington. Il nous semble juste de conclure, que sans ignorer l’importance de la dépendance américaine, la plupart des hommes de la IVe République ont voulu insérer la France dans un tissu européen pour des objectifs propres, qui répondaient d’abord aux intérêts de l’Europe et de la France. Ces responsables français ont cherché plus ou moins, selon leur appartenance partisane, leur tempérament, leurs possibilités d’action, à offrir à la France un rôle éminent dans cette construction, et à faire jouer à l’Europe nouvelle un rôle mondial différent de celui que les Américains lui destinaient.

  • 8 La relance européenne, op. cit., p.187.

5La politique européenne de la France traduit aussi l’image que la nation a d’elle-même, du danger que les voisins représentent. Elle dépend de la conscience collective du passé, de la perception des progrès ou des difficultés de la nation. L’Autorité Politique européenne a paru trop fédérale aux dirigeants français dès lors qu’elle ne renforçait pas la nation. La défense de l’intérêt national, perçu comme vital, a souvent été le moteur des constructions européennes. Pourquoi s’en étonner ? Un gouvernement démocratique devait tenir compte des aspirations nationales les plus traditionnelles. Il est difficile de déceler au temps de la IVe République un moment où les gouvernements auraient travaillé à bâtir l’unité européenne pour répondre à un idéal d’entente et de fraternité intereuropéennes. Ces comportements appartenaient au domaine de l’utopie et étaient le propre des mouvements européens ou de partis politiques. Certains responsables politiques français ont parfois joué le jeu de l’idéalisme européen par conviction profonde : Léon Blum au moment de la création du Conseil de l’Europe, Paul Reynaud au temps de l’Autorité Politique européenne, Jean Monnet à partir du 9 mai 1950. Comment démêler l’idéal européen de l’intérêt national dans l’acceptation par Schuman du projet Monnet de Haute-Autorité ? Les pères de l’Europe ont souvent été unitaires pour sortir la France d’une difficulté plus que pour servir l’idéal d’unité européenne. Monnet lui-même bâtit un plan de modernisation et d’équipement très autocentré sur la France.. Il n’y avait pas en France d’homme de gouvernement désireux de positionner son action sur la supranationalité. C’eût été « trahir » la nation. Robert Schuman dit à propos de l’adhésion des T.O.M. français au Marché commun : « ce serait un joli cadeau que nous ferions à l’Europe et cela sans contrepartie, il n’en est pas question8 ».

  • 9 voir aussi les conclusions de René Girault, « La France entre l’Europe et l’Afrique » in la relanc (...)

6L’histoire de la France et des constructions européennes a trois temps. Le premier court de 1943 à 1950. C’est celui des reconstructions idéologiques, des anticipations et des urgences. Alphand, Baraduc, Monnet au Commissariat général du Plan, et d’autres travaillent à l’accouchement d’une Europe et d’une France nouvelles avec une Allemagne réconciliée. Le second temps de 1950 à 1954 est celui des désillusions. La France était plus forte économiquement. Elle était aussi plus menacée par les conflits est-ouest et coloniaux. Les milieux dirigeants se partagent entre ceux qui jouent la carte de l’effort solitaire, économique, militaire et impérial, et ceux qui croient au salut par une organisation européenne bien tempérée. Le troisième temps, celui du compromis qui est peut-être la maturité, va de 1955 à 1959. Les traités de Rome représentaient une synthèse des deux tendances. C’est pourquoi ils ont été acceptés. Euratom servait les intérêts du premier groupe. Les traités de Rome étaient aussi une tentative pour bâtir une Europe réaliste comme le second groupe l’espérait. Les hommes de la Relance dans les cabinets de Guy Mollet, de Christian Pineau et de Maurice Faure étaient conscients qu’une époque se terminait dans les colonies, Algérie mise à part. Ils ont vu dans le Marché commun le point de départ d’une nouvelle aventure pour l’Europe. Le développement des pays pauvres était peut-être leur utopie9. Leur volonté de les arrimer à l’Occident face à l’offensive communiste témoignait de leur réalisme. Il ont voulu assurer par l’union européenne la sécurité économique et politique du monde libre, constituer les fondements d’une Troisième Force internationale, donner du poids aux Européens dans l’Alliance atlantique, et de l’influence à la France dans l’Europe. Ces grands projets stratégiques venaient davantage des équipes politiques ou de personnalités d’exception que des hauts fonctionnaires. Les idées européennes du GPRF ont été élaborées par des résistants, des fonctionnaires, des diplomates ou des politiques. La nouvelle politique allemande de la France entre 1948 et 1950 est venue du réseau Monnet-Alphand, minoritaire dans les services. Les services de l’Etat ont eu un rôle positif dans la définition de la politique de la France à l’OECE. Ils ont joué un rôle dans la mise à mal de trois grands projets européens : le plan Schuman, la CED et l’APE. Mais ce sont les politiques qui ont fait le succès de la CECA (Schuman) ou l’échec de l’APE et de la CED (Bidault, Mendès France). Ce sont les cabinets ministériels qui au temps de Mendès France puis de Guy Mollet ont élaboré de nouvelles perspectives européennes (UEO, Marché commun et Euratom). Les hauts fonctionnaires semblent voués à prêcher la prudence aux équipes politiques, à révéler les contradictions des princes et à conserver les droits souverains de l’Etat.

7Toutefois des forces profondes agissaient en faveur de l’unité. L’après-guerre montrait qu’en raison de l’affaiblissement générale des grandes nations européennes, la poursuite de l’unité sous forme d’une coopération ou d’une intégration fédérative servait les intérêts de chaque nation. L’unité devenait une sorte d’obligation dont personne ne pouvait se passer à moins de subir des coups très rudes : baisse du niveau de vie, difficultés d’approvisionnements en matières premières, isolement politique, menace sur la sécurité. L’intégration européenne était un alibi pour rebâtir la collectivité nationale. C’est pourquoi la recherche de l’unité européenne n’est pas vraiment au coeur de l’histoire des constructions européennes d’après guerre. Derrière les mots d’unité européenne se cachent bien d’autres objets que l’histoire nous révèle progressivement. La défense de la nation en est un, la sécurité un second, la quête d’influence internationale, le développement des territoires colonisés, l’augmentation du niveau de vie, l’aide américaine, le contrôle militaire et économique de l’Allemagne en sont d’autres. L’unité européenne serait-elle alors un trou noir, un non objet ? Certainement pas puisque des institutions d’intégration ont été créées qui ont eu des effets sur les rapports intereuropéens. Pour les grands Etats européens à la fin d’un cycle historique de puissance, l’unité devenait le moyen de les sauver de la décadence. Ils hésitaient d’autant moins qu’ils pouvaient espérer manipuler l’ensemble européen à leur profit. Ils y parvinrent parfois à la suite d’une savante négociation. Ainsi la France a-t-elle pu obtenir Euratom dont l’Allemagne ne voulait pas, en échange de son adhésion sous conditions au Marché commun. Sans doute était-ce une première étape nécessaire de l’unité européenne, la phase de désintoxication progressive des nationalismes. S’unir ou périr, écrivait Paul Reynaud très convaincant. Michel Debré répondait au contraire que s’unir c’est périr. Des transformations s’opéraient derrière ces faux semblants. On admettait en France que la grandeur du pays ne résidait plus dans la force qu’elle ferait peser sur les épaules de ses voisins, sur les humiliations subtiles qu’elle pourrait imposer aux vaincus. On comprenait que la grandeur d’un pays, dans le cadre des institutions européennes, était d’influencer les décisions du groupe par des propositions politiques servant l’intérêt commun, en cohérence avec le sien propre. Les qualités d’un peuple et d’une culture étaient appelées à s’épanouir différemment. Les valeurs nationales cultivées depuis des siècles pouvaient vivre, à condition qu’elles ne deviennent pas l’objet d’un culte exclusif et le ressort principal de l’action. Une saine et pacifique concurrence entre les peuples pouvait se développer. L’identité des vieilles nations pouvait se manifester, mais sans cette course à la domination qui avait failli faire disparaître l’Europe.

  • 10 René Pleven, Témoignages à la mémoire de Jean Monnet, cahier rouge, Fondation Jean Monnet pour l’E (...)

8L’unité européenne est née de la faiblesse des grandes nations européennes après la seconde guerre mondiale plus que de la parole des grands prophètes. Le peuple français n’a pas été consulté directement sur la politique de construction européenne de la France. Ses élus l’ont représenté. Le projet le plus dramatisé fut celui de la CED, parce qu’il fut compris comme un projet de réarmement allemand. L’association du réarmement allemand à l’idée européenne, une vision saine des intérêts à long terme des peuples européens, a été mal ressentie et a fait du tort à l’idée européenne. Malgré tout la moisson a été féconde et propre à donner aux peuples européens les moyens de l’influence dans le monde du xxie siècle. « Des peuples qu’on avait crus saignés à blanc, sous-alimentés, broyés, se montraient capables d’un redressement qui permit à l’Europe de reprendre la première place dans les exportations mondiales devant les Etats-Unis et le Japon. On a parlé du miracle allemand, du miracle italien. En fait, chacun des pays signataires du traité de Rome a apporté, selon ses ressources et ses aptitudes naturelles, sa part industrielle, agricole, maritime et marchande au miracle européen des deux décennies qui s’achevèrent en 1973 » expliquait René Pleven10. La France, comme ses voisins, a profité de cette construction européenne. Elle a pu conjurer les fantômes du protectionnisme, développer ses échanges dans la CEE et donc sa prospérité. Elle a su retrouver surtout ce bien si précieux qu’est la paix aux frontières. Elle le doit aux hommes de la IVe république qui ont donné un destin européen à la France : Jean Monnet, Robert Schuman, Maurice Faure, Christian Pineau et Guy Mollet. Certes il n’est nullement inconvenant de développer l’opinion qu’un progrès de l’unité européenne pourrait nuire à la France. Mais l’histoire des constructions européennes après la seconde guerre mondiale montre que le bilan est largement positif pour la France, pour son peuple et les peuples européens.

9Le temps de l’unité européenne par repli des Etats nations européens est terminé. Vient le temps de l’unité, consciemment élaborée et imaginée comme un bien supérieur pour chacune des vieilles nations et des peuples européens. Vient le temps de l’unité par la volonté d’hommes et de femmes fiers d’être Français et confiants à l’idée de bâtir la maison commune européenne. L’adhésion de la France des années cinquante aux constructions européennes a été une profonde mutation en rupture avec l’histoire antérieure. Elle marqua le passage d’une France autonome mais en rivalité, impériale et orgueilleuse puis démantelée par la catastrophe de la seconde guerre mondiale, à une France renouvelée par la Résistance et la modernisation, acceptant volontairement une Europe communautaire. Ce pas décisif a été fait sous l’aiguillon de la nécessité plus que par une inclination naturelle. Il peut conduire à plus d’harmonie entre les peuples européens. La nécessité a été ratifié par la volonté. Nous sommes très loin d’une vision téléologique de l’unité européenne. Les gouvernements français n’ont pas agi, animés d’une foi européenne profonde, pour orchestrer savamment cette aventure humaine. Il n’y a pas de grand dessein européen utopique chez les gouvernements français. Il y a le souci de la France, d’une France heureuse et forte, si possible indépendante, ou à défaut membre d’une communauté européenne stimulante. Ainsi notre triptyque de départ, la sécurité, le rang, l’idéal, se retrouve encore de nos jours dans les préoccupations d’unité européenne des Français. La sécurité ne concerne plus vraiment l’Allemagne, mais la sécurité économique et la stabilité générale de l’Europe et de ses marges. Le rang et l’idéal semblent deux préoccupations contradictoires, si par idéal nous entendons le dépassement de la nation. Pourtant elles sont bien présentes dans les manifestations de la conscience politique française contemporaine. La France ne peut accepter l’Europe qu’à condition d’y exercer une influence majeure. Est-ce suffisance, inconscience ou vrai destin d’une vieille nation ?

Notes

1 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 239, fin avril-début mai 1955, note du Département.

2 Irwin M. Wall, « La France, l’OTAN et l’Algérie, 1956-1960 », RHMC, 1997.

3 Christian Pineau, Christiane Rimbaud, Le grand Pari, Fayard, 1991 ; Maurice Faure, Le Monde, 1977.

4 Eric Bussière, La France, la Belgique et l’organisation économique de l’Europe, 1918-1935, préface de G. Kurgan-Van Hentenryk, Paris, Comité pour l’Histoire économique et financière de la France, 1992, 521 p., Etudes générales.

5 Joseph Rovan, K. Adenauer, témoignage de Jean Laloy, p. 163, Beauchesne, 1967.

6 Joseph Rovan, K. Adenauer, témoignage de Jean Laloy, p. 164, Beauchesne, 1967.

7 Michel Debré, Gouverner, Mémoires***, 1958-G2, Albin Michel, 1988, p. 365.

8 La relance européenne, op. cit., p.187.

9 voir aussi les conclusions de René Girault, « La France entre l’Europe et l’Afrique » in la relance européenne et les traites de Rome, actes du colloque de Rome 25-28 mars 1987, sous la direction de Enrico Serra, Bruylant, Giuffré, LGDJ Nomos Verlag, 1989.

10 René Pleven, Témoignages à la mémoire de Jean Monnet, cahier rouge, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, novembre 1989, Lausanne, p. 395.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search