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L’Europe des Français, 1943-1959

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Gérard Bossuat

Troisième partie. L’intégration européenne des années 1955-1958, expression de la modernité française

11. Le général de Gaulle sauve le marché commun

Texte intégral

1Incontestablement le retour au pouvoir du général de Gaulle le 1er juin 1958 en tant que chef du dernier gouvernement de la IVe République (jusqu’au 8 janvier 1959) ne passa pas inaperçu dans le domaine de la politique européenne. Les diplomates et les observateurs s’attendaient à des critiques contre la politique européenne antérieure. Ils savent que de Gaulle a protesté contre la CECA, la CED surtout et le Marché commun. Deux dossiers sont sur le bureau du nouveau président du Conseil en politique européenne : celui des traités de Rome. La France peut-elle appliquer les dispositions prévues au 1er janvier 1959, l’abaissement des barrières douanières de 10 %, la suppression des contingentements entre les Six ? Le second dossier est celui de la Zone de Libre-échange, que les Anglais cherchent à négocier dans le cadre beaucoup plus large de l’OECE, pour faire contrepoids au Marché commun des Six. De Gaulle ne serait-il pas plus favorable à une zone de libre-échange sans ambitions politiques ? Sa crédibilité internationale et intérieure dépend des réponses qui seront apportées par le général de Gaulle au dossier européen. Peut-il renier la parole de la France solennellement prononcée par le vote du Parlement en juillet 1957 ? Mais n’a-t-il pas aussi l’occasion de manifester sa préférence politique dans le cas de la zone de libre-échange en cours d’élaboration ?

Le choc du retour.

  • 1 Voir le chapitre précédent.
  • 2 Gérard Bossuat, « La coopération franco-allemande dans le domaine des industries d’armement, 1944- (...)

2Au cours du premier conseil interministériel du 10 juin 1958 consacré aux questions internationales, le nouveau président du Conseil, Charles de Gaulle, demande quels sont les engagements pris par la France en matière de nucléaire militaire. On l’informa des accords tripartites franco-germano-italiens1. Louis Joxe plaida pour la poursuite de l’association entre la France, l’Italie et l’Allemagne2. Maurice Couve de Murville s’employa à valoriser le soutien de l’Allemagne à la France, à l’UEP et en Afrique, de Gaulle parut intéressé par la question du siège des Communautés européennes. « Paris évidemment, dit-il, si l’Europe devait réellement s’organiser ». Se souvenait-il encore de sa conférence de presse tenue au Palais d’Orsay le 22 décembre 1951, anti CED, mais positive en termes de constructions européennes : « La Communauté européenne doit être une confédération. Oui ! une confédération d’États constituant entre eux un pouvoir confédéral commun, auquel chacun délègue une part de sa souveraineté. Cela en particulier dans la matière économique, dans la matière de la défense, dans la matière de la culture. Il faut que la confédération encadre l’Allemagne par des liens et des institutions tels qu’il n’y ait pas de risques, autant que les choses humaines puissent en prévoir, d’hégémonie de sa part... ». Il est vrai que de Gaulle refusait violemment tout compromis avec les faux semblants tels que le pool charbon-acier et le projet d’armée européenne.

L’abandon de la politique de défense européenne

  • 3 SHAA, E 2119, secret, 6 juillet 1958, Résumé des déclarations faites le 3 juillet 1958 par M. Stra (...)
  • 4 Revue d’histoire diplomatique, Eckart Conze, « La coopération franco-germano-italienne dans le dom (...)
  • 5 SHAA, E 2085, DTIA, 28 octobre 1958, secret, 20/20, 4 pages, le problème de l’avion d’interception (...)
  • 6 SHAA, E 2119,24 octobre 1958, Fiche pour M. l’ambassadeur, source non indiquée.
  • 7 DCA, 12004090613/04515, carton 12, 1957-1962, Organisation et gestion, dossier, archives de l’IG B (...)
  • 8 Pierre Maillard, De Gaulle et l’Allemagne, le rêve inachevé. Plon, 1990, p. 171.

3Les projets communs franco-allemands, sur lesquels, en secret, l’Europe unie pouvait être bâtie seraient-ils conservés ? La coopération franco-allemande dans le domaine nucléaire n’était pas acceptable pour de Gaulle, car elle impliquait à ses yeux une interdépendance insupportable. Strauss vint à Paris dans l’été 1958 pour les Mirages III et pour parler de nucléaire avec le cabinet de Gaulle3. Il plaida pour l’Europe. Il repartit déçu, de Gaulle repoussa cette coopération. L’accord a été dénoncé le 17 juin 1958 d’après Couve de Murville. Pierre Messmer en 1960 écartait encore l’idée de doter la RFA d’armes nucléaires4. Pour cette raison, les Starfighters furent sans doute préférés aux Mirages III. Le 21 octobre 1958 Pierre Guillaumat, ministre des Forces armées, fut informé que les Allemands avaient choisi définitivement l’avion américain Lockeed F 1045. L’affaire durait depuis la fin de l’année 1957. Que faire ? L’appel à la coopération au nom des accords tripartites du 28 novembre 1957 et de la rencontre de Colombey en septembre 1958 fut de peu de secours. L’échec du Mirage III était-il dû aux limites de l’électronique de bord de l’appareil, était-il dû au refus de De Gaulle d’honorer les accords Chaban-Delmas-Strauss-Taviani de février 1958 sur l’usine de séparation isotopique, était-il dû à des pressions américaines déterminantes ? Connaît-on toutes les données du problème ? Les conséquences du choix allemand étaient graves. A la veille de l’entrée en vigueur du Marché commun, il liait l’industrie allemande à l’industrie américaine pour de longues années6. Une occasion de construire une industrie européenne de l’armement aéronautique était perdue. La coopération politique franco-allemande en fut perturbée. Strauss laissa entendre que la coopération franco-allemande avait été plus intense avant l’arrivée au pouvoir de De Gaulle. Il souhaita vainement que « soient reprises les consultations entre chefs militaires responsables dans les deux pays, comme cela s’est fait au cours des années 1956 et 19577 ». Adenauer estime dans ses Mémoires que la chute de la IVe République étouffa la coopération franco-allemande dans le domaine nucléaire. L’ambassadeur Pierre Maillard confirme à sa façon ce regret. Adenauer s’était accommodé de la bombe française « reconnaissant peu à peu les avantages qu’elle pouvait présenter pour la France, pour l’Europe et même pour la sécurité de son pays, espérant peut-être aussi que la République Fédérale, dans le cadre de son entente avec la France, y serait un jour peu ou prou associée8 ». Adenauer regrettait-il l’échec de l’Europe de la Défense ou que l’Allemagne n’ait pas été associée au développement des armes nucléaires ?

  • 9 Klaus Jurgen Muller, Adenauer and de Gaulle, de Gaulle and Germany, a special relationship, The Ko (...)
  • 10 Bertrand Goldschmidt, Le complexe atomique, Fayard, 1980, p 205.
  • 11 DCA, 1200409046/04515, carton 7, 1952-1961, organisation et gestion, dossiers, archives de l’IG Bo (...)

4Le refus de De Gaulle de poursuivre les schémas nucléaires européens dessinés par la France, l’Allemagne et l’Italie depuis 1956 a nécessairement limité la coopération franco-allemande et incitait la RFA à se tourner vers les États-Unis9. De Gaulle continuait d’avoir peur de l’Allemagne en dépit de l’amitié qui le liait depuis peu avec Adenauer. Il est sûr qu’il fit cesser ce rapprochement nucléaire entre la France, l’Allemagne et l’Italie, « proche du domaine nucléaire militaire », écrit justement Bertrand Goldschmidt10. Le Mirage III en a fait les frais. La coopération franco-allemande recule après les avancées ambiguës des années 1956-1957. La déception des Français fut énorme à propos des Mirages, comme elle le fut pour les Allemands à propos de la coopération nucléaire. Le général Accart parle de reconsidérer la politique de la France, déplorant que les modifications techniques demandées par les Allemands ne puissent être apportées par une coopération inter européenne11. Mais avait-il bien senti les enjeux diplomatiques ?

  • 12 DCA, 12004090063/4525, vol 15, 1959-1961, 11 juin 1959, E.H. MEIL1 to W. R. Burgess, US ambassador (...)
  • 13 DGA, 12004090063/4525, vol 15,1959-1961, Service technique aéronautique, direction, projet du 10 j (...)
  • 14 Europe 1955-60, Allemagne 29, DGAP, Europe, 27 novembre 1959, note, a/s la France et l’Allemagne.
  • 15 Maurice Couve de Murville, Le monde en face : entretiens avec Maurice Delarue, Plon, 1989 p. 15 ; (...)

5Au début de la Ve République, la France fut sollicitée par les Américains, comme les autres alliés de l’OTAN, pour fabriquer des IRBM à têtes nucléaires américaines. La France manifesta sa réticence. Les Américains ont proposé de faire fabriquer une centaine de missiles destinés au SACEUR, puis de laisser les nations européennes libres de fabriquer des missiles supplémentaires pour satisfaire leurs besoins nationaux. Bien sûr, les têtes nucléaires fournies par les États-Unis resteraient sous contrôle américain. Le général Lavaud aurait donné son accord à ce projet après avoir consulté le Premier ministre et le ministre de la Défense (Michel Debré et Pierre Guillaumat). Les Allemands étaient prêts à participer technologiquement à cette affaire12. Les services français étaient disposés à accepter ce missile OTAN capable de porter une charge atomique américaine de 250 kg, pour en faire dériver un jour un lanceur capable de porter la charge atomique française de 700 kg13. De Gaulle en décida autrement. Le thème du danger allemand fit un retour remarqué, même s’il n’avait jamais été ignoré. Au Quai d’Orsay une certaine inquiétude persistait. Peut-on être sûr des choix européens de l’Allemagne et du Marché commun ? L’Allemagne est puissante ; elle peut pencher dans un sens ou un autre14. N’est-ce pas pour cette raison que de Gaulle abandonne la coopération militaire nucléaire avec l’Allemagne ?15. En dépit de ses excellents rapports avec Adenauer, trois jours après la rencontre de Colombey le 17 septembre 1958, de Gaulle proclame haut et fort la vocation de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis à diriger le monde atlantique et en conséquence à limiter la possession des armes nucléaires à ces trois pays. L’Allemagne ne ferait pas partie des pays ayant accès aux technologies nucléaires militaires, à défaut de posséder une arme atomique, même en copropriété et sous clef française.

  • 16 M. Couve de Murville, Le monde en face : entretiens avec Maurice Delarue, Plon, Paris, 1989, 323 p (...)
  • 17 François Seydoux, Mémoires d’Outre-Rhin, Grasset, 1975, 309 p. p. 224.

6La différence est grande avec les années 1957-1958 durant lesquelles une grande coopération militaire franco-allemande, élargie à l’Italie, avait été engagée. Comme les archives parcimonieusement ouvertes le font apparaître, selon les Mémoires de Strauss, de Couve de Murville16, de Seydoux17, Français et Allemands ont envisagé les études d’un avion capable d’emporter une arme nucléaire tactique, voire une coopération dans le domaine du nucléaire militaire. Ils ont pensé développer un IRBM. Ils ont certainement signé avec l’Italie un accord sur le financement d’une usine de séparation isotopique. Ces faits ont beaucoup de sens pour les relations bilatérales et pour la recherche de puissance nationale. Ils ont un sens en termes de construction de la Défense européenne. Faute de volonté politique après juin 1958 aucun des projets majeurs franco-allemands n’a été réalisé.

Les risques pour le Marché commun

  • 18 Europe 1955-1960, Allemagne 27, Xavier de Montjoye, consul général de France à Kiel, 27 août 1958, (...)
  • 19 P.-H. Teitgen, Faites entier le témoin suivant, 1940-1958, de la résistance à la Ve République, Ou (...)

7Le changement de pouvoir en France a ravivé au sein des hauts fonctionnaires et des diplomates français l’espoir d’un retour à la première politique française envers l’Allemagne et la fin de « l’aventurisme européen ». Ainsi le consul de France à Kiel, Xavier de Montjoye, juge que la politique de la IVe république « devait réduire la France à des dimensions la rendant acceptable comme partenaire au sein d’une Europe fédérale et ne pouvant manquer d’ouvrir un champ fécond d’influence et d’activités économiques à l’héritière du Reich allemand18 ». Des gaulliste influents comme Michel Debré ont condamné le Marché commun. De Gaulle s’était tu depuis la relance de Messine et la défaite du parti gaulliste aux élections de janvier 1956. On le sait pourtant hostile aux Communautés en gestation. Sans doute craint-il la supranationalité, la dénationalisation de la France, la confusion des intérêts. De Gaulle, comme les responsables politiques de la IVe république tient à voir la France prendre la tête de toute construction européenne, une France associée à l’Union française. Mais de Gaulle n’est-il pas changeant dans le domaine des constructions européennes ? Teitgen rappelle sa conférence de presse du 17 août 1950 après la Déclaration Schuman : « Nous avons à rassembler l’Europe. L’actuel Conseil de Strasbourg (le Conseil de l’Europe) ne le fera pas, lui qui n’a pas de mandat européen valable. Il y faut comme base une entente pratique franco-allemande, car sur notre vieux continent, c’est là que sont, pour l’essentiel, les réelles possibilités stratégiques et économiques ». De Gaulle approuvait le projet Monnet-Schuman pour le lien privilégié franco-allemand. En revanche il suggérait des élections directes d’institutions européennes habilitées à résoudre les questions économiques et de défense de l’Europe et ayant reçu des États des délégations de souveraineté. « Il y faut enfin, dit-il, un système de défense commun dont il appartient normalement à la France de tracer le plan et de désigner le chef, tout de même que cette prééminence revient aux États-Unis sur le théâtre du Pacifique, à l’Angleterre sur celui de l’Orient, le tout sous une direction suprême par le Conseil des puissances et son État-Major combiné19 ».

8Le Marché commun n’avait nullement l’ampleur de la CED ou des rêves gaullistes d’Europe organisée sous la direction de la France. De Gaulle jugea que l’intérêt national commandait de conserver le Marché commun. Les agriculteurs français en avaient besoin. Ils avaient soutenu le retour de De Gaulle. D’autre part il est possible que de Gaulle ait considéré préférable de s’en prendre à l’OTAN plutôt qu’au Marché commun. Enfin il a pu considérer qu’une des voies du rapprochement franco-allemand passait par l’Europe du Marché commun et pas par une Europe nucléaire. S’appuyer sur le couple franco-allemand dans l’Europe du Marché commun était le moyen idéal de développer la puissance française vis-à-vis des États-Unis et de la Grande-Bretagne.

9Les premiers effets du traité de CEE ont peut-être joué un rôle dans la décision de De Gaulle. En effet, le 19 mai 1958, en raison de la crise politique en France, le gouvernement avait imposé des restrictions de change. Le 23 mai, la très jeune Commission européenne et le Conseil des ministres européens décidaient d’aider la France à franchir ce passage difficile. L’action de l’Europe a donc été positive pour la France et pour de Gaulle. De Gaulle n’a-t-il pas compris que le Marché commun était utile ?

  • 20 651.00/1-1057, HBS, Dillon to Secretary of State 3363, January 10, [19571, 6 p.m. « felt certain t (...)
  • 21 751.00/6-258, Department of State, memorandum of conversation, June 2, 1958, « Policies toward Fra (...)
  • 22 RG 59, 840.00/4390, Memorandum of conversation, October 6, 1958, F. Wigny, Under Secretary for Sta (...)
  • 23 840.00/6-1058, Dulles, circular 1163,1958 June 10 p.m.

10Les Américains ont fait de discrets sondages sur ses intentions alors qu’il était encore à Colombey-les-deux-Églises. Une conversation de janvier 1957 entre Dillon et de Gaulle, rue de Solférino, éclaire son état d’esprit. L’essentiel de la conversation porta sur les rapports franco-américains, la faiblesse du régime, le rôle futur de la Chine plus que sur les traités européens. A une question sur les négociations européennes en cours, de Gaulle ne répondit rien sur Euratom. Mais sur le Marché commun, affirme l’ambassadeur, de Gaulle « était certain que le traité ne fonctionnerait jamais réellement20 ». Les Américains nourrissent donc la plus extrême méfiance à propos des intentions du général de Gaulle en matière d’unité européenne. Parfois ils pensent qu’il a des préoccupations plus urgentes que l’Europe (Algérie, relations avec la Tunisie et le Maroc, réforme constitutionnelle). Puis ils estiment qu’il n’attend qu’un moment pour repousser l’intégration européenne. Ils craignent davantage une remise en question de l’OTAN que celle du Marché commun. D’ailleurs les premières notes du mémorandum de septembre 1958 sont audibles dès juillet 1958. Dulles eut des conversations avec de Gaulle le 5 juillet 1958. Ce dernier fit savoir que les armes atomiques américaines stockées en France devraient être mises sous contrôle français et Louis Joxe insista sur la responsabilité première de la France. Une certaine perplexité gagne aussi les interlocuteurs européens qui s’en ouvrent aux Américains. Ainsi Manlio Brosio, ambassadeur d’Italie aux États-Unis, propose-t-il de concéder à de Gaulle des choses peu importantes pour permettre à la France de rester dans le Marché commun, comme la localisation en France de la capitale des Communautés européennes. Dulles s’interroge avec Von Brentano sur la mystérieuse politique gaulliste. Il manifeste cependant sa confiance en de Gaulle. Von Brentano au contraire exprime officiellement le souhait que la France respecte les traités21. En octobre 1958 ils furent surpris que l’homme de la « grandeur de la France » accepte l’Europe unie22. La réaction de Dulles a été tout compte fait beaucoup plus optimiste qu’on pouvait l’escompter. Les Américains ont été rassurés par la participation de Mollet, Pinay et Pflimlin au gouvernement. En conséquence, Dulles donne la consigne de ne rien faire qui puisse donner l’impression que la politique américaine envers l’intégration européenne a changé en raison de l’arrivée au pouvoir de De Gaulle. Il s’agit de préserver les acquis du Marché commun et d’Euratom et d’avancer vers l’unité européenne et la solidarité atlantique23. Toutefois les Américains n’étaient pas sûrs que Monnet, auquel ils se référaient en permanence, puisse maintenant gagner son combat pour l’Europe unie.

  • 24 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; DAEF, O.W. 26 novembre 1958, note, problème du Marché commun et de (...)
  • 25 771 471, art 59-70, SGCI 1195, Renault, M. Bosquet à SGCI, 2 octobre 1958.

11De Gaulle pouvait constater aussi que les milieux industriels français avaient en partie accepté le Marché commun. Cette transformation des mentalités ne touchait pas toutes les catégories d’industriels mais repousser le Marché commun aurait déçu les plus innovateurs. Il sentit leurs réactions quand il remit en cause l’OTAN. Le patronat français réagit contre de Gaulle, plus pour des raisons économiques que pour sauver l’OTAN elle-même. Si les relations de la France avec l’OTAN étaient remises en cause, les bonnes relations économiques que les industriels français espéraient avoir avec les Allemands deviendraient caduques. De Gaulle dit à son entourage que les industriels français « paraissaient s’accommoder » du Marché commun ce qui traduisait une confiance nouvelle dans les capacités de l’économie française24. Les cercles économiques français acceptaient le Marché commun mais repoussaient la zone de libre-échange. Pierre Dreyfus, le patron de la Régie Renault, estimait qu’il y avait « incompatibilité entre le Marché commun et la zone de libre-échange, telle qu’elle est conçue actuellement25 ». Donc de Gaulle a dû prendre en considération l’accoutumance du pays aux traités de Rome.

La continuité pour les traités de Rome

  • 26 771 471, art 59-70, SGCI 1187, et DE-CE 1945-1960, vol. 757, Ministère des Affaires étrangères DAE (...)
  • 27 771 471, art 59-70, SGCI 1195, O.W., 2 juin 1958, note DAEF.
  • 28 DE-CE 1945-1960, 743, DAEF, coopération et intégration économiques, O.W., 12 juin 1958, a/s Zone d (...)
  • 29 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958 (...)
  • 30 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; DAEF, O.W, 5 novembre 1958, note, a.s. Zone de libre-échange. Voir (...)

12La continuité prévalut très rapidement dans le domaine des traités de Rome, à la surprise générale. Olivier Wormser, directeur des Affaires économiques et financières au Quai d’Orsay, souligne le 22 juillet 1958 que « les événements politiques récents n’ont pas entraîné de modifications fondamentales dans l’attitude française à l’égard de l’Association Économique Européenne26 ». Wormser avait joué précédemment un rôle clef dans l’élaboration de la politique européenne de la France. Pour faciliter les rapports entre les pays du Marché commun et les autres pays européens, il suggéra de faire bénéficier les Onze des abaissements tarifaires de 10 % prévus entre les Six au 1er janvier 1959. Cette novation par rapport au projet Gaillard était subordonnée au redressement interne de l’économie française27. Pour le reste il s’en tint au document Gaillard28. De Gaulle formula le 10 juin les principes directeurs pour l’Europe. « L’essentiel, dit-il le 10 juin 1958, c’est le Marché commun qui en soi n’est pas une mauvaise chose, et surtout l’organisation politique et culturelle de l’Europe29 ». La zone de libre-échange n’était donc pas une priorité. Le gouvernement français définit les bases d’un compromis à Six30. Il accepta d’élargir à l’OECE les abaissements tarifaires et les ouvertures de contingent prévus entre les Six au 1er janvier 1959. Mais il ne voulut pas céder sur la clause d’action unilatérale, le vote à l’unanimité pour le passage à l’étape suivante, la correction des distorsions des tarifs nationaux.

  • 31 DE-CE. 1945-1960, 753, JBD, 15 juillet 1958, Cabinet du ministre, note à l’attention du ministre, (...)
  • 32 DE-CE 1945-1960, 743, DAEF, coopération et intégration économiques, 30 juillet 1958, note, a. s. N (...)
  • 33 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, le renouveau, Plon 1970, p. 199.
  • 34 DE-CE, 1945-1960, 753, p. 225 à 227, p. 241 du dossier.
  • 35 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958 (...)
  • 36 Raymond Poidevin, « De Gaulle et l’Europe en 1958 », p. 79-87, De Gaulle en son siècle, tome 5, l’ (...)
  • 37 851.00/10-1558, D. J. Mac Grew to the Department of States, french economic and financial situatio (...)
  • 38 740.00/5-1259, John W. Tuthill, minister for economie affairs, AmEmbassy, Paris, to the Department (...)
  • 39 400.116/9-2359, Houghton, Strasbourg, to Secretary of State n° 40, September 23, 1959, 6 p.m.

13Certes le rapport Ockrent, expression d’une position commune des Six sur la zone de libre-échange, ne reprit pas complètement les positions françaises, mais il fut approuvé par le cabinet du ministre des Affaires étrangères31. Les négociations avec les Anglais sur l’Association Économique Européenne, autrement dit la Zone de libre-échange, purent reprendre32. De Gaulle rapporte qu’en juin 1958 Harold MacMillan lui lança : « le Marché commun, c’est le blocus continental33 ». Les relations MacMillan-de Gaulle n’étaient pas bonnes. MacMillan comparait la ligne de partage entre le Marché commun et les Onze avec la ligne qui divisait tragiquement l’Europe, de Stettin à Trieste. Le 5 juillet de Gaulle répondit à son « cher ami » MacMillan que la coopération européenne ne devait pas ébranler les finances françaises ni la coopération entre les Six34. MacMillan plaidait pour une accélération des négociations sur la Zone de Libre-échange. De Gaulle se posait maintenant en défenseur du traité de Rome et de l’agriculture française. MacMillan menaçait de se dégager de l’Allemagne en l’absence d’accord. De Gaulle réclamait du temps. Il s’attira alors cette remarque de MacMillan : « Mais pourquoi êtes-vous si protectionnistes ?35 » Était-ce la bonne question ? L’attitude des Français dépendait-elle de considérations économiques ? Certes la situation difficile de la France dans le domaine économique rendait probable le recours aux clauses échappatoires prévues par le traité de Marché commun à moins de mettre en train un programme de réformes36. En octobre 1958, Roger Gœtze, conseiller économique et financier de De Gaulle, disait à Mac Grew de l’ambassade américaine à Paris, qu’il est encore bien tôt pour savoir si la France sera en état de respecter ses déclarations devant la CEE et l’OECE. Gœtze pensait que l’économie française pourra supporter la réduction de 10 % des tarifs douaniers intereuropéens. Il serait plus difficile de respecter les libéralisations dans le cadre de l’OECE37. La France devrait être aidée par l’Allemagne, pensait-on, ce qui ne manquerait évidemment pas d’originalité ! Le discours officiel affirmait vouloir respecter les obligations du traité de Rome au 1er janvier 1959, c’est-à-dire abaisser de 10 % les droits de douane entre les Six. Les Américains jugeaient maintenant que de Gaulle ne toucherait pas au Marché commun parce que l’Europe des Six relevait de l’économique et non du politique ou du militaire, domaines préférentiels de De Gaulle38. Ils ont compris assez rapidement que la présence de Pierre Guillaumat à la tête du Ministère des Armées renforçait la détermination de la France de se doter d’armes atomiques. De Gaulle aurait-il laissé de côté sa critique de la CEE s’il avait su l’étroite implication de la Commission de Bruxelles avec les Américains ? La question est évidemment sans réponse. Mais on est étonné de lire dans des dépêches américaines combien Hallstein, Marjolin, Rey, Van der Grœben souhaitent confidentiellement que les États-Unis poursuivent leurs conseils à la Commission dans le domaine économique39. D’une certaine façon les propositions de la Commission de Bruxelles sont sous influence américaine, ou au moins sous le regard et les critiques immédiates des Américains.

Le premier rejet des Britanniques par de Gaulle.

14Les Six devaient impérativement se prononcer sur leurs relations avec les Onze à travers le projet de zone de libre-échange. Le rapport Ockrent fut étudié en octobre, mais l’unité des Six n’était que de façade. Allaient-ils détruire en quelques semaines une œuvre de plusieurs années, avant même que les Communautés ne soient entrées en fonctionnement ?

Les Britanniques divisent les Six

  • 40 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, coopération et intégration économiques, Wormser, 3 octobre 1958 5h30 t (...)
  • 41 DE-CE, 1945-1960, 754, DAEF/F.V. 20 octobre 1958, note.
  • 42 771 471, art 59-70, SGCI 1187, 0.W. DAEF, 20 octobre 1958, note, ZLE.
  • 43 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, CE, 6 novembre 1958, a.s réactions après la réunion du CIG. Jean-Charl (...)

15Les Belges pressaient les Allemands d’en terminer vite, au risque d’isoler la France40. François Valéry jugeait que le temps était venu de poursuivre ou de rompre les négociations41. Wormser accusa les Anglais de « rendre caduc le traité de Rome en proposant le traité de Zone ». Couve de Murville estimait qu’une position commune des Six, en dépit du rapport Ockrent, était devenue impossible. La Grande Bretagne avait réussi à diviser les Six. Wormser suggéra au ministre de risquer une crise au sein des Six « pour maintenir la lettre et l’esprit du traité de Rome42 ». Snoy et d’Oppuers accusa Wormser d’avoir trahi l’esprit du rapport Ockrent. Müller-Armack reprocha aux Français de « créer par une attitude négative et isolée un climat peu favorable à la coopération au sein de la Communauté43 ». Maudling ne montra donc aucune souplesse devant cette cacophonie.

  • 44 DE-CE , 1945-1960, 754, DAEF O.W. 31 octobre 1958, note.
  • 45 DE-CE , 1945-1960, 754, Présidence du conseil, Paris le 6 novembre 1958, note pour le ministre des (...)
  • 46 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958 (...)
  • 47 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, a.s Zone de Libre-échange, note, 6 octobre 1958.
  • 48 SGCI F 60, classement provisoire, carton 29, dossier 125.3.1, mémorandum anglais « concernant l’ag (...)

16Fin octobre la France était à nouveau isolée. Pourtant la rupture ne se produisit pas car la délégation française avait reçu l’ordre « de ne pas provoquer de rupture, de ne pas provoquer de crise, de ne pas prendre d’engagement44 ». Mais la tension était telle que Sir Gladwyn Jebb, ambassadeur d’Angleterre à Paris, dut démentir les rumeurs de représailles en cas d’échec de la zone de libre-échange. De Gaulle parla de « revendications excessives auxquelles le gouvernement français n’était pas en état de satisfaire, sinon la France serait submergée45 ». A Londres, Selwyn Lloyd parla avec grandiloquence d’un désastre. « On est arrivé au stade le plus critique des relations anglo-françaises depuis juin 1940 ». Il ajouta : « Il vaut mieux rompre aujourd’hui plutôt que de continuer à entretenir des illusions46 ». Le gouvernement français ne croyait pas à une zone tarifaire autonome à 17. Il désirait, comme les gouvernements précédents construire une communauté européenne à Six, bien identifiée au sein de l’OECE et du GATT47. Il avait en fait deux soucis : protéger dans un cadre européen négocié le relèvement de l’économie française, préserver le cadre des Six comme espace de développement d’une ambition politique européenne. Les Anglais avaient cherché à faire plier les Français au nom de conceptions des rapports économiques variables selon leurs intérêts du moment (nationale, impériale, libérale et mondiale), selon l’état de la négociation et l’interlocuteur. Incontestablement, ils se battaient contre l’intégration des Six. Ils se battaient pour eux d’abord. On peut discuter en effet de l’attitude des Britanniques. Est-ce du sabotage délibéré ? Sans aller jusque là, quoique quelques doutes subsistent, le comportement britannique s’explique par la profonde divergence d’intérêts économiques avec les Six. Cette divergence est parfaitement exprimée depuis juillet 1957, moment où les Six et les non six ont repris leurs conversations sur une ZLE : « La gamme de nos produits alimentaires en provenance du Commonwealth qui de ce fait bénéficient d’un régime de préférence dans notre tarif est telle que nous ne voyons pas de possibilité autre que d’exclure les produits alimentaires de la ZLE envisagée », expliquait très directement la délégation britannique à l’OECE48. Le problème était donc simple. Aucun compromis n’étant possible, il convenait de faire plier les Six et particulièrement la France et de les amener sur les positions britanniques..

La deuxième naissance de l’Europe des Six

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17La suspension des négociations à 17 était dans les têtes depuis début octobre au moins. Pourtant la rupture surprit. Elle parut scandaleuse car elle reconnaissait l’existence de deux ensembles régionaux en Europe de l’ouest. Jacques Soustelle, ministre de l’information, déclara le 13 novembre 1958 : « Il n’est pas possible pour la France de créer une zone de libre-échange entre les six pays du Marché commun et les onze de l’OECE, et cela faute d’un tarif douanier unique aux frontières des dix-sept pays et faute de mesures d’harmonisation dans les domaines économique et social49. » Reginald Maudling, le négociateur anglais, décida alors de suspendre les négociations de Paris sur la zone de libre-échange50. Il commit une faute tactique dans laquelle de Gaulle s’engouffra. Pour prouver aux Cinq la sincérité de sa conversion aux traités de Rome, le général de Gaulle décida de respecter scrupuleusement les obligations du Marché commun au 1er janvier 1959. Pour priver la Grande-Bretagne d’un prétexte de rupture et de tension à l’OECE, il offrit à tous les pays membres du GATT l’abaissement des tarifs douaniers de 10 % et l’extension de 20 % des contingents d’importation. Curieusement la France n’avait plus peur de la concurrence internationale ! de Gaulle prit sans doute un pari sur l’avenir. Mais il savait que le plan Pinay-Rueff était prêt. Antoine Pinay, ministre des Finances et des affaires économiques, était chargé de préparer « des mesures destinées à faciliter l’entrée de l’économie française dans le Marché commun51 ». De Gaulle flatta les Américains en acceptant leurs propositions de réduction des droits de douane au GATT52. La France dénonça « l’intransigeance » britannique. Elle releva les réserves américaines envers la zone de libre-échange pour justifier ses propres réserves53. Douglas Dillon, le sous-secrétaire d’État américain, était plus favorable à la CEE qu’à la zone de libre-échange54. De Gaulle était en train de gagner la bataille de l’opinion et celle des Américains. Monnet lui manifesta sa confiance car il sait qu’un plan d’assainissement est en préparation, pour un programme « drastique et dramatique ». L’amitié franco-allemande qu’il avait développée en 1950 était devenue la politique de De Gaulle. Le temps avait consacré la justesse de ses intuitions. Monnet déclara à ses amis américains que de Gaulle pourrait prendre une décision théâtrale concernant le renforcement de l’intégration européenne. De Gaulle allait-il ratifier le rêve de Monnet d’une Europe fédérée ? Monnet dit que « le Général était en train de réaliser que l’avenir de l’Europe ne se trouvait pas dans la souveraineté individuelle des États, mais dans un ensemble intégré ». Son interlocuteur américain évoqua finement l’ingénuité de Monnet55. En l’occurrence l’historien partage pleinement le sentiment du diplomate américain. Il crut en une relance du processus d’unité. Les rapports de l’ambassade américaine à Paris sur l’attitude de Monnet sont sans ambiguïté56. Dans ses Mémoires, il rappelle que le Comité d’Action pour les États-Unis d’Europe en octobre 1958 avait soutenu le projet des Six contre le libre-échange empirique. Jamais Monnet n’avait été aussi proche de De Gaulle. Walter Hallstein, le président de la Commission de la CEE était lui aussi satisfait de sa rencontre avec de Gaulle, le 22 novembre 1958. Il espérait encore qu’une solution serait trouvée à la crise avec les Britanniques57.

  • 58 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, le renouveau. Plon 1970, p. 199.

18De Gaulle était devenu en six mois l’homme de l’Europe parce qu’il était porteur d’une volonté politique pour l’Europe. Il le dit avec juste raison dans les Mémoires58. Il l’avait manifestée, comme les archives le prouvent, lors du premier conseil interministériel consacré à l’international, le 10 juin 1958.

  • 59 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; O.W., DAEF, 18 novembre 1958, note pour M. Couve de Murville. a/s (...)
  • 60 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958 (...)
  • 61 Pierre Maillard, De Gaulle et l’Allemagne, le rêve inachevé, Plon, 1990, p. 157 et p 158.
  • 62 Raymond Poidevin, « De Gaulle et l’Europe en 1958 » in De Gaulle en son siècle, tome 5, l’Europe, (...)
  • 63 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, le renouveau. Plon 1970, p. 190.
  • 64 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958 (...)
  • 65 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; DAEF, O.W, 13 décembre 1958, note.
  • 66 771 471, art 59-70, SGCI 1189, couve de Murville, Paris, 23 décembre 1958 à Bonn.
  • 67 DE-CE, 1945-1960, 754, DAEF, O.W. 27 novembre 1958, note a. s Entrevue franco-allemande du 26 nove (...)
  • 68 771 471, art 59-70, SGCI 1196, Assemblée Parlementaire européenne, la ZLE et les commentaires de l (...)
  • 69 840.00/12-1658, from Embassy, Paris, to The Department of States, Washington, polto circular 25, D (...)

19De Gaulle se décida aussi en raison des rapports confiants qu’il entretint avec Adenauer. Il exprima en comité interministériel le 18 novembre 1958 la volonté de s’appuyer sur le couple franco-allemand, donc de faire un choix politique pour l’avenir des Six et des relations intereuropéennes. De Gaulle refuse une crise entre les Six parce qu’il se rend compte qu’Adenauer tient beaucoup aux traités de Rome. Ainsi résistera-t-on à la colère britannique59. La relative sérénité française s’explique par les convergences franco-allemandes remarquées lors d’une première rencontre de Gaulle-Adenauer à Colombey-les-deux-Églises le 14 septembre 1958. L’homme de Colombey était entouré d’un certain mystère et d’une réputation à la fois flatteuse et inquiétante. Adenauer se présenta comme le liquidateur du passé allemand le plus trouble. Il affirma son désir d’union européenne : « Nous ignorons de quoi le monde sera fait dans 4 ou 5 ans. C’est un fait que les grandes puissances existent et c’est la raison pour laquelle l’Europe doit s’unir et pour laquelle aussi, en premier lieu, l’amitié et la coopération entre la France et l’Allemagne doivent être renforcées. Je me suis déjà fait le champion de cette idée dès 1925. Je suis convaincu de la nécessité absolue de cette union. Notre rôle, à nous Européens est important dans la politique mondiale60 ». Adenauer avait alors plaidé pour la zone de libre-échange et l’Angleterre. De Gaulle avait insisté sur le couple franco-allemand. Si effectivement de Gaulle a indiqué à Adenauer que l’Allemagne était désormais le partenaire privilégié de la France, il y avait là pour Adenauer une continuité avec le proche passé et une promesse d’entente sur l’unité européenne, en dépit des réticences françaises à poursuivre la coopération nucléaire secrète. De Gaulle ne pouvait plus s’opposer au Marché commun puisque l’Allemagne le voulait. De Gaulle a indiqué que le gouvernement français acceptait le Marché commun, comme le dit Pierre Maillard. Adenauer a dû, et ce n’était pas rien car il était soumis aux pressions de son cabinet, accepter la création d’une Politique Agricole commune. Il a entendu de Gaulle dire qu’il ne voulait pas des Anglais en Europe. La zone de libre-échange était donc condamnée. De Gaulle, comme le rappelle l’ambassadeur Pierre Maillard, a demandé à Adenauer de renoncer complètement à l’armement atomique. En effet « le général n’oubliait pas les tractations qui avaient eu lieu avant son arrivée au pouvoir entre le ministre français de la défense, Jacques Chaban-Delmas, et son collègue allemand, Franz-Joseph Strauss et qui avaient abouti à un accord de recherches communes sur l’armement, complété selon toute vraisemblance, par un accord secret de collaboration aux recherches sur l’arme atomique61 ». Sa vision de l’entente et de l’Europe a été préparée en août 1958 par une note signée de Jean-Marc Boegner. De Gaulle a accepté le Marché commun et l’Euratom tout en espérant aller vers une unité européenne politique et culturelle62. Le mystère de la rencontre de Colombey subsiste. Adenauer n’a pas été dominé par de Gaulle. Les deux hommes ont été conquis mutuellement. Il en est sorti un renforcement de l’entente franco-allemande alors que l’Allemagne semblait perdre un avantage. Mais la relation Adenauer-de Gaulle était d’une nature différente de celle entre Adenauer et Schuman, Adenauer-Monnet ou Adenauer- Mollet. La seconde rencontre de Gaulle-Adenauer se tint après la suspension des réunions du comité Maudling, le 26 novembre 1958 à Bad Kreuznach. De Gaulle écrit : « Les deux gouvernements s’accordent en particulier pour mettre un terme aux négociations menées par Richard Maudling et qui tendent à noyer, au départ, la Communauté des Six en la plongeant dans une vaste zone de libre-échange où ils trouveraient l’Angleterre et bientôt tout l’Occident63 ». Adenauer a changé depuis la rencontre de Colombey-les-deux-Églises64. Français et Allemands sont d’accord pour proposer aux Six d’élargir aux pays tiers l’abaissement tarifaire de 10 % et les contingents d’importation prévus dans le Marché commun au 1er janvier 1959. Ces mesures sont le prix à payer par la France pour passer sans encombre le 1er janvier 1959 et pour repousser la zone de libre-échange65. De Gaulle ajouta devant Adenauer : « la zone c’est quelque chose d’exagéré et nous n’en voulons pas ». Adenauer approuva. Les Onze n’ont pas protesté contre le traité de Rome quand il a été signé, pourquoi le feraient-ils aujourd’hui ? Etzel, rapporte Couve de Murville, « n’a pas cessé de souligner la nécessité de maintenir une différence de traitement entre les Six et les Onze66 ». L’entente était totale, même si Adenauer dut défendre vivement le concept institutionnel soutenant la Commission européenne67. Cette prise de position commune empêcha la Grande Bretagne de dresser l’OECE contre la CEE et la France. Ce front uni permit aux Six de ratifier les propositions franco-allemandes le 3 décembre 195868. Les Britanniques engagèrent cependant le combat à l’OECE le 15 décembre. La question était de savoir si l’Europe des Six pouvait se comporter en zone économique spécifique. Couve de Murville défendit l’autonomie de l’Europe des Six69. Le consensus à Six tenait uniquement aux bons rapports Adenauer- de Gaulle. Mais les Six réussirent à affirmer leur caractère propre par rapport à l’OECE et au GATT tout en facilitant très largement les échanges inter européens.

Une entente à Six fragile.

  • 70 7 7 1 471, art 59-70. SGCI 1196. Assemblée Parlementaire européenne, la ZLE et les commentaires de (...)
  • 71 Les six avaient décidé la suppression des contingents nuls et d’élargir les contingents faibles qu (...)
  • 72 DE-CE 1945-1960, 745, télégramme, DAEF/CE, 15 janvier 1959.
  • 73 Jean-Charles Snoy, Rebâtir l’Europe, Mémoires, entretiens avec Jean-Claude Ricquier, Duculot, Fond (...)
  • 74 840.00/1-2859 HBS, from Paris, to Secretary of State, n° 2764, January 28, 8 p.m. Houghton, sectio (...)
  • 75 840.00/6-959, Department of State, Eur; RA: J. Myerson: dr 6/11/59; meeting with European Communit (...)
  • 76 DE-CE 1945-1960, 745, DAEF, p. o. O. Wormser, à postes [européens] et Washington, 24 février 1959.
  • 77 771 471, art 59-70. SGCI 1190, CEE/ commission, Com(59)7 rev. Bruxelles 22 janvier 1959, aide mémo (...)
  • 78 771 471, art 59-70, SGCI 1190, Mémorandum de la France au Comité spécial [ non daté].
  • 79 DE-CE 1945-1960, 755, DAEF, CE, circulaire n° 39,17 mars 1959.
  • 80 771 471, art 59-70, SGCI 1190, DAEF, O.W., 25 mars 1959, a. s. conversations franco-allemandes d’A (...)
  • 81 771 471, art 59-70, SGCI 1190, Représentant français auprès de la CEE et CEEA, Carbonnel, 30 avril (...)
  • 82 771 471, art 59-70, SGCI 1190, AK, 18 mars 1959, note pour M. Clappier, objet : ZLE (2e round).
  • 83 771 471, art 59-70, SGCI 1190, cr 5e réunion du Comité spécial du conseil des ministres de la CEE (...)

20Les réactions britanniques à la suspension des négociations sur la zone de libre-échange furent inquiétantes. Selwyn Lloyd, ministre britannique des Affaires étrangères, déclara : « La tradition de coopération confiante qui se crée en Europe sur le plan politique et militaire pourrait bien ne pas survivre à la division de l’Europe sur le plan économique70 ». Eccles essaya de faire revenir les Six sur leur décision de se réserver les élargissements des ex-contingents faibles ou nuls71. Il tentait de limiter voire de supprimer l’originalité des Six. Les Six se rencontrèrent le 14 janvier 1959. La France fut d’abord félicitée des mesures de libération prises le 29 décembre, mais le Bénélux était manifestement désireux de satisfaire les Anglais. Il se heurta à la discrétion allemande et à l’opposition de l’Italie et de la France72. Toutefois le soutien américain aux Six permit de passer le cap. L’application de la première phase des abaissements tarifaires et l’élargissement des contingentements entre les Six montrèrent aux Américains que le mouvement d’intégration européenne était bien vivant. C’est pourquoi ils furent très favorables à la CEE73. La France du général de Gaulle semblait donc abandonner le protectionnisme, préserver voire développer l’intégration européenne à Six et s’ouvrir aux débats de l’OECE. Les Américains n’avaient évidemment aucun intérêt à encourager une grande zone européenne de libre échange, peut-être élargie au Commonwealth. Ils préféraient un système mondial non discriminant, assorti d’une convertibilité générale des monnaies. Ils acceptaient le Marché commun comme structure d’intégration politique de qualité et rassurante économiquement parce que limitée à Six. Les Américains en Europe ont donc soutenu sans difficulté les quelques mesures propres à différencier les Six de l’OECE et de la Zone dollar afin de faire naître un pôle européen puissant politiquement. Butterworth, l’ambassadeur américain à Luxembourg, était persuadé que les événements mondiaux conduisaient les Six à accentuer l’intégration politique. Il appuyait sa démonstration sur la politique soviétique, la poussée du nationalisme arabe, l’agitation en Afrique Noire, la croissance démographique en Chine et en Inde, la faiblesse militaire des Européens à Suez et leur dépendance pour le pétrole. L’ambassadeur américain en France, Amory Houghton, était très enthousiaste sur la politique européenne de De Gaulle et des Six (une certaine discrimination provisoire) au point de suggérer au Département d’État de ne pas attaquer de front au GATT les dispositions prises par la CEE à l’égard des tiers (quotas, TEC etc..) mais de persuader les Six de démanteler les dispositifs protecteurs74. Quelques mois plus tard Hallstein prouva, chiffres en main, que la CEE avait favorisé les échanges entre les Six et les Onze75. Le 26 février 1959 la Commission du Marché commun rédigeait un rapport sur l’Association Économique Européenne (AEE), autre nom de la zone de libre-échange. Olivier Wormser constatait que la Commission du Marché commun avait eu le souci de préserver « l’autonomie du traité de Rome » tout en atténuant les discriminations avec les pays de l’OECE76. En fait beaucoup se demandaient si une zone de libre-échange était encore utile alors que la récente convertibilité des monnaies rendait sans objet les subtiles négociations sur l’élargissements des contingents77. Un comité spécial, constitué le 16 mars par le Conseil des ministres de la CEE, examina le rapport. D’emblée, la France approuva tout ce qui dans ce mémorandum renforçait le traité de Rome78. Preuve était donnée de son attachement paradoxal au traité de Marché commun. Ce rapport traitait plus des relations de la CEE avec le reste du monde qu’il ne donnait de solutions pour réussir une zone de libre-échange. Les Allemands comme le Bénélux n’étaient pas satisfaits79. Belgique, Pays-Bas et RFA voulurent reprendre contact avec les Onze pour créer une AEE, tandis que la Commission voulait manifestement renforcer les Six. Mueller Armack promoteur des nouvelles idées allemandes s’érigeait en médiateur entre la France et la Grande-Bretagne au grand dam de Wormser80. La France déplorait les accusations qu’on portait contre elle de faire traîner, ce qui au demeurant semble vrai81. Un haut fonctionnaire français, toujours brillant tacticien, Alexandre Kojève, suggéra de s’appuyer sur les États-Unis au GATT pour torpiller « les préférences néo-régionales erhardo-bénéluxiennes » au sein de l’OECE afin de faire ressortir la différence entre une union douanière orthodoxe (CEE) et les « nébuleuses zonales hérétiques envisagées par les anglo-germains82 ». La France s’opposait toujours à un marché libre à 17 car aucune harmonisation des marchés n’était prévue. Le comité spécial de la CEE n’aboutit pas. L’AELE fut la punition des Six. Le 18 septembre 1959 la Commission sortit un second mémorandum recommandant le pragmatisme, le décontingentement des productions industrielles et l’abaissement des tarifs vis-à-vis du monde entier, la création d’une structure de contact entre les Six et les Onze83.

  • 84 771 471, art 59-70, SGCI 1190, AK, Paris, le 3 juillet 1959, note pour M. Clappier.

21Malgré l’entente de Gaulle-Adenauer, les partenaires de la France étaient attirés par une large ouverture libérale et donc par une zone de libre-échange. Le couple franco-allemand fonctionnait mal au delà des rencontres de Gaulle-Adenauer. Comment évacuer le projet de contact entre les Six et les Onze ? Kojève conseilla de gagner du temps pour sauver la CEE et apaiser les pays tiers en leur consentant au 1er janvier 1960 les mêmes abaissements douaniers que ceux consentis au 1er janvier 195984.

Conclusion

22Quels étaient, au début de son mandat, les véritables objectifs de De Gaulle, en matière européenne ? De Gaulle avait maintenu la solidarité chancelante des Six contre la zone de libre-échange, au nom des traités de Rome. Il n’agissait pas pour la Fédération européenne, mais pour l’identité de l’Europe occidentale et pour la gloire de la France. L’entrée de la France dans le Marché commun répondait peut-être pour Jacques Rueff au désir de sortir du protectionnisme, mais pour de Gaulle, elle servait la politique extérieure de la France. L’état de l’économie française à l’automne 1958, avait été amélioré par un plan de redressement (le plan Rueff-Pinay), trop longtemps différé par Guy Mollet ou Félix Gaillard. De Gaulle pouvait avoir des ambitions pour la France et l’Europe. Il rappela en août 1959 qu’il était opposé au concept de supranationalité. Mais son attitude très ouverte en matière de rapprochement franco-allemand (sauf en matière nucléaire) a renforcé l’engagement de la France dans le processus d’unité européenne. La dimension européenne paradoxale de cette relation bilatérale compensait aux yeux de Hallstein ou même des Américains la féroce critique de De Gaulle sur la supranationalité. Si de Gaulle a réellement sauvé le Marché commun au début de son mandat, ses véritables intentions apparurent très vite. Le Marché commun ne sera jamais l’antichambre d’une unité européenne à la Monnet. Paris s’efforça de monopoliser à son profit les relations CEE-outre-mer indépendante, contre l’avis des Allemands ou des Hollandais. Les difficultés de la CECA en 1959 incitèrent de Gaulle à faire proposer par Vendroux, devant l’Assemblée Consultative du Conseil de l’Europe à Strasbourg une révision du fonctionnement de la CECA, dans le sens d’une subordination de la Haute Autorité au Conseil des ministres. Dans ces deux cas, il apparaissait nettement que l’intérêt de l’Europe devait être celui de la France.

Notes

1 Voir le chapitre précédent.

2 Gérard Bossuat, « La coopération franco-allemande dans le domaine des industries d’armement, 1944-1959 », actes du colloque organisé par le CHEAR en novembre 1993, Paris ; ADDIM, 1994.

3 SHAA, E 2119, secret, 6 juillet 1958, Résumé des déclarations faites le 3 juillet 1958 par M. Strauss, ministre de la Défense de l’Allemagne fédérale devant M. Guillaumat, ministre des Forces armées, au sujet du Mirage III..

4 Revue d’histoire diplomatique, Eckart Conze, « La coopération franco-germano-italienne dans le domaine nucléaire dans les années 1957-1958, un point de vue allemand », p. 129.

5 SHAA, E 2085, DTIA, 28 octobre 1958, secret, 20/20, 4 pages, le problème de l’avion d’interception et la coopération franco-allemande.

6 SHAA, E 2119,24 octobre 1958, Fiche pour M. l’ambassadeur, source non indiquée.

7 DCA, 12004090613/04515, carton 12, 1957-1962, Organisation et gestion, dossier, archives de l’IG Bonte ; EM général des Armées, note du général Lavaud, n° 3166, EMGA/BT, 28 novembre 1960, cr. entretiens Strauss-Messmer, Bonn, 24 novembre.

8 Pierre Maillard, De Gaulle et l’Allemagne, le rêve inachevé. Plon, 1990, p. 171.

9 Klaus Jurgen Muller, Adenauer and de Gaulle, de Gaulle and Germany, a special relationship, The Konrad Adenauer Memorial Lecture, 1992, St Antony’s College, Oxford, Konrad Adenauer Stiftung, p. 18.

10 Bertrand Goldschmidt, Le complexe atomique, Fayard, 1980, p 205.

11 DCA, 1200409046/04515, carton 7, 1952-1961, organisation et gestion, dossiers, archives de l’IG Bonte ; Comité militaire tripartite, cr de la réunion pléniére du 13 juin 1958 à Bonn, commission Air, Steinhof, Hentz, Benecke, Kammhuber, Accart, Cigerza.

12 DCA, 12004090063/4525, vol 15, 1959-1961, 11 juin 1959, E.H. MEIL1 to W. R. Burgess, US ambassador and permanent Representative to the North Atlantic Council, 2 rue Saint Florentin, Paris.

13 DGA, 12004090063/4525, vol 15,1959-1961, Service technique aéronautique, direction, projet du 10 juin 1959, 2e réunion NATO sur IRBM européen.

14 Europe 1955-60, Allemagne 29, DGAP, Europe, 27 novembre 1959, note, a/s la France et l’Allemagne.

15 Maurice Couve de Murville, Le monde en face : entretiens avec Maurice Delarue, Plon, 1989 p. 15 ; voir aussi François Seydoux, Mémoires d’Outre-Rhin, Grasset, 1975, p. 224.

16 M. Couve de Murville, Le monde en face : entretiens avec Maurice Delarue, Plon, Paris, 1989, 323 p. p. 15/16.

17 François Seydoux, Mémoires d’Outre-Rhin, Grasset, 1975, 309 p. p. 224.

18 Europe 1955-1960, Allemagne 27, Xavier de Montjoye, consul général de France à Kiel, 27 août 1958, n° 56/AMB, à ambaF RFA

19 P.-H. Teitgen, Faites entier le témoin suivant, 1940-1958, de la résistance à la Ve République, Ouest-France, 1988, p. 493-494.

20 651.00/1-1057, HBS, Dillon to Secretary of State 3363, January 10, [19571, 6 p.m. « felt certain that treaties would never actually work ».

21 751.00/6-258, Department of State, memorandum of conversation, June 2, 1958, « Policies toward France under de Gaulle »; 751.00/6-556, Department of State, « The evolution of French Folicy, memorandum of conversation », June 5,1958.

22 RG 59, 840.00/4390, Memorandum of conversation, October 6, 1958, F. Wigny, Under Secretary for State.

23 840.00/6-1058, Dulles, circular 1163,1958 June 10 p.m.

24 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; DAEF, O.W. 26 novembre 1958, note, problème du Marché commun et de la ZLE..

25 771 471, art 59-70, SGCI 1195, Renault, M. Bosquet à SGCI, 2 octobre 1958.

26 771 471, art 59-70, SGCI 1187, et DE-CE 1945-1960, vol. 757, Ministère des Affaires étrangères DAEF, Coopération et intégration économiques, 30 juillet 1958, note, a/s conversations franco-allemandes des 21 -22 juillet sur la ZLE. Olivier Wormser a été directeur des affaires économiques et financières au Quai d’Orsay de 1954 à 19GG.

27 771 471, art 59-70, SGCI 1195, O.W., 2 juin 1958, note DAEF.

28 DE-CE 1945-1960, 743, DAEF, coopération et intégration économiques, O.W., 12 juin 1958, a/s Zone de libre-échange et opération 10 %, 8 pages dactylographiées.

29 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958, vol 282, c.r. réunion chez le général sur les questions internationales, très secret, 16 juin 1958, réunion du 10 juin, Couve de Murville, Joxe, Wormser, Laloy, Pompidou, Boegner. Voir De Gaulle en son siècle, tome 5, l’Europe, Plon, La Documentation française, 1992, R. Poidevin, « De Gaulle et l’Europe en 1958 », p. 82.

30 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; DAEF, O.W, 5 novembre 1958, note, a.s. Zone de libre-échange. Voir DE-CE, 1945-1960, 753, Réunion interministérielle présidée par Roger Gœtze les 10 et 11 juillet 1958 et Conseil restreint du 17 juillet 1958 présidé par de Gaulle.

31 DE-CE. 1945-1960, 753, JBD, 15 juillet 1958, Cabinet du ministre, note à l’attention du ministre, a/s ZLE.

32 DE-CE 1945-1960, 743, DAEF, coopération et intégration économiques, 30 juillet 1958, note, a. s. Négociations relatives à l’Association Economique Européenne, 14 pages.

33 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, le renouveau, Plon 1970, p. 199.

34 DE-CE, 1945-1960, 753, p. 225 à 227, p. 241 du dossier.

35 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958, vol 282 Entretiens franco-britanniques des 29 et 30 juillet 1958, Présidence du Conseil, 2e séance 29 juin, 22 heures.

36 Raymond Poidevin, « De Gaulle et l’Europe en 1958 », p. 79-87, De Gaulle en son siècle, tome 5, l’Europe, collection espoir, Institut Charles de Gaulle, Plon, La Documentation française, 1992 ; Edmond Jouve, Le Général de Gaulle et la construction de l’Europe, Paris, LGDJ, 1957.

37 851.00/10-1558, D. J. Mac Grew to the Department of States, french economic and financial situation, Oct. 15 1958, memorandum of conversation.

38 740.00/5-1259, John W. Tuthill, minister for economie affairs, AmEmbassy, Paris, to the Department of State, Washington, May 12,1959,3 pages; 740.00/3-2559; Amembassy Paris, to the Department of State 25 mars 1959, European Integration and all that, John W. Tuthill, minister fore economic affairs.

39 400.116/9-2359, Houghton, Strasbourg, to Secretary of State n° 40, September 23, 1959, 6 p.m.

40 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, coopération et intégration économiques, Wormser, 3 octobre 1958 5h30 télégramme, à Londres.

41 DE-CE, 1945-1960, 754, DAEF/F.V. 20 octobre 1958, note.

42 771 471, art 59-70, SGCI 1187, 0.W. DAEF, 20 octobre 1958, note, ZLE.

43 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, CE, 6 novembre 1958, a.s réactions après la réunion du CIG. Jean-Charles Snoy, Rebâtir l’Europe, Mémoires, entretiens avec Jean-Claude Ricquier, Duculot, Fondation Jean Monnet, 1989, p. 132

44 DE-CE , 1945-1960, 754, DAEF O.W. 31 octobre 1958, note.

45 DE-CE , 1945-1960, 754, Présidence du conseil, Paris le 6 novembre 1958, note pour le ministre des Affaires étrangères, Cabinet.

46 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958, vol 282, Conversation Selwyn Lloyd, Couve de Murville, Maudling, Londres, 6 novembre 1958.

47 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, a.s Zone de Libre-échange, note, 6 octobre 1958.

48 SGCI F 60, classement provisoire, carton 29, dossier 125.3.1, mémorandum anglais « concernant l’agriculture « , 8 juillet 1957, transmis à l’OECE, § 6.

49 771 471, art 59-70, SGCI 1196, Assemblée Parlementaire européenne, la ZLE et les commentaires de la presse, APE 1153.

50 Jacques Helmont, Options européennes, 1945-1985, Perspectives Européennes, Commission des communautés européennes, 1986, p. 78.

51 31 octobre 1958, communiqué officiel du gouvernement.

52 DE-CE , 1945-1960, 754, MU, à LBN, 14 novembre 1958, comment éviter que la crise de la Zone de libre échange n’affecte profondément les relations de la France avec ses partenaires de la Communauté économique européenne et les autres pays européens, 6 pages.

53 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, coopération et intégration économiques, Couve de Murville, 21 novembre 1958, pour Washington, n° 12 464/84, a/s problèmes de l’Association Economique Européenne. 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; télégramme départ, Paris, DAEF, Couve de Murville, 21 novembre 1958, à Washington ; a/s problèmes de l’Association Economique Européenne.

54 DE-CE 1945-1960, 744, Washington, Alphand, 31 octobre 1958.

55 840.00/11-1458, J. Tuthill, amembassy, Paris, to Department of State, European integration, November 14, 1958; « He spoke with a feeling of conviction that the General was in the process of realizing that the future of Europe lay not in the individual sovereign states but in being an integrated whole ».

56 840.00/11-1458 HBS, November 14, 1958, John W. Tuthill, minister for economic affairs, from embassy, Paris, to The Department of State, Washington, Memorandum of conversation, November 12,1958, M. Jean Monnet, John W. Tuthill, European integration, desp. n° 867.

57 840.00/11-2858, from Embassy, Paris, to The Department of States, Washington, November 28, 1958, French trade liberalization; plans on eve of de Gaulle-Adenauer talks, John Tuthill, minister for Economic Affairs.

58 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, le renouveau. Plon 1970, p. 199.

59 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; O.W., DAEF, 18 novembre 1958, note pour M. Couve de Murville. a/s ZLE. ; O.W., 18 novembre 1958, DAEF, cr comité interministériel restreint Hôtel Matignon, 18 novembre, 10h. DE-CE , 1945-1960, 754, DAEF O.W. 18 novembre note pour Monsieur Couve de Murville a.s Zone de Libre-échange, et compte rendu du Comité interministériel restreint tenu à l’Hôtel Matignon le 18 novembre, à 10h sous la présidence du Général de Gaulle. 2 pages ; [ il s’agit d’un relevé de conclusion et non pas d’un cr Verbatim],

60 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958, vol 282, Entretiens de Gaulle, Adenauer, 14 septembre 1958 à Colombey, très secret, 16h-18h 30.

61 Pierre Maillard, De Gaulle et l’Allemagne, le rêve inachevé, Plon, 1990, p. 157 et p 158.

62 Raymond Poidevin, « De Gaulle et l’Europe en 1958 » in De Gaulle en son siècle, tome 5, l’Europe, Plon, La Documentation française, 1992 p. 83.

63 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, le renouveau. Plon 1970, p. 190.

64 Ministère des Affaires étrangères Cabinet du ministre, M. Couve de Murville, cr d’entretiens, 1958, vol 282, lettre personnelle de J-M Boegner à F. Seydoux de Clausonne, ambassadeur de France à Bonn, 29 novembre 1958.

65 771 471, art 59-70, SGCI 1189 ; DAEF, O.W, 13 décembre 1958, note.

66 771 471, art 59-70, SGCI 1189, couve de Murville, Paris, 23 décembre 1958 à Bonn.

67 DE-CE, 1945-1960, 754, DAEF, O.W. 27 novembre 1958, note a. s Entrevue franco-allemande du 26 novembre, 8 pages.

68 771 471, art 59-70, SGCI 1196, Assemblée Parlementaire européenne, la ZLE et les commentaires de la presse, APE 1153.

69 840.00/12-1658, from Embassy, Paris, to The Department of States, Washington, polto circular 25, December 16, 2 p.m.; Burgess, OEEC Ministerial meeting, December 15, afternoon and night session.

70 7 7 1 471, art 59-70. SGCI 1196. Assemblée Parlementaire européenne, la ZLE et les commentaires de la presse, APE 1153.

71 Les six avaient décidé la suppression des contingents nuls et d’élargir les contingents faibles qui portaient sur des produits sensibles pour le commerce entre les Six, mais ils les maintinrent vis-à-vis de l’extérieur ce qui provoqua la colère des 11.

72 DE-CE 1945-1960, 745, télégramme, DAEF/CE, 15 janvier 1959.

73 Jean-Charles Snoy, Rebâtir l’Europe, Mémoires, entretiens avec Jean-Claude Ricquier, Duculot, Fondation Jean Monnet, 1989, p. 135.

74 840.00/1-2859 HBS, from Paris, to Secretary of State, n° 2764, January 28, 8 p.m. Houghton, section two of two.

75 840.00/6-959, Department of State, Eur; RA: J. Myerson: dr 6/11/59; meeting with European Community Presidents. General questions pertaining to European Integration; The European Economic Community; Economic Development of Underdeveloped areas.

76 DE-CE 1945-1960, 745, DAEF, p. o. O. Wormser, à postes [européens] et Washington, 24 février 1959.

77 771 471, art 59-70. SGCI 1190, CEE/ commission, Com(59)7 rev. Bruxelles 22 janvier 1959, aide mémoire pour entretiens de la commission avec les Etats membres sur l’Association économique Européenne (AEE).

78 771 471, art 59-70, SGCI 1190, Mémorandum de la France au Comité spécial [ non daté].

79 DE-CE 1945-1960, 755, DAEF, CE, circulaire n° 39,17 mars 1959.

80 771 471, art 59-70, SGCI 1190, DAEF, O.W., 25 mars 1959, a. s. conversations franco-allemandes d’Aix la Chapelle et de Bonn du 24 mars 1959.

81 771 471, art 59-70, SGCI 1190, Représentant français auprès de la CEE et CEEA, Carbonnel, 30 avril 1959, n° 160 à SGCI.

82 771 471, art 59-70, SGCI 1190, AK, 18 mars 1959, note pour M. Clappier, objet : ZLE (2e round).

83 771 471, art 59-70, SGCI 1190, cr 5e réunion du Comité spécial du conseil des ministres de la CEE sur l’AEE (Bruxelles, 18 septembre).

84 771 471, art 59-70, SGCI 1190, AK, Paris, le 3 juillet 1959, note pour M. Clappier.

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