10. L’entente franco-allemande pour l’Europe des traités de Rome
p. 333-377
Texte intégral
1Les traités de Rome sont signés le 25 mars 1957. La présentation quasi mythique de la négociation gomme les difficultés survenues entre les Six après le triomphe de Venise. Elle ignore aussi les tensions franco-allemandes puisque on fait remonter à Schuman en 1950 la fin de l’antagonisme franco-allemand ! Une autre lecture des négociations présente la crise de Suez entre juillet-novembre 1956 comme l’accélérateur de la négociation. Les remarques faites précédemment ont conduit le lecteur à prendre conscience de la volonté française de négocier le Marché commun tout autant qu’Euratom. Le contentieux franco-allemand a été levé effectivement le 6 novembre 1956. En conséquence la négociation des traités a été poursuivie. Le succès n’était pourtant pas naturellement inscrit au terme de cette évolution. Il convient de mesurer l’efficacité du gouvernement Guy Mollet, de plus en plus affaibli par la guerre d’Algérie et les difficultés économiques, par rapport aux résistances de larges secteurs de l’État. Le retour de la Grande-Bretagne dans le débat, sinon dans les négociations, a troublé les négociateurs. Pourtant les traités sont signés puis ratifiés. Ne sont-ils pas, du côté français, une victoire de la volonté ? Ce succès « européen » du gouvernement de Guy Mollet s’articule cependant avec un projet franco-allemand tout à fait original, et sur une nouvelle conception de la place de la France dans le monde.
La rencontre décisive du 6 novembre 1956
2L’échec de la France et de la Grande-Bretagne à Suez en novembre 1956 réveilla l’opinion publique. La France et l’Europe parurent brutalement trop dépendantes des États-Unis. Ne fallait-il pas construire une Europe unie ?
Le choc de Suez sur la négociation
3Le gouvernement français avait envisagé avant la crise aiguë au Moyen-Orient une relance politique européenne à la suite du discours d’Adenauer à Bruxelles du 25 septembre, comme si l’ampleur des menaces pesant sur l’Europe occidentale appelait un traitement particulier. On suggéra d’organiser des rencontres mensuelles des ministres des Affaires étrangères, de mettre en place un mécanisme à Six, à Sept (UEO), à Deux (franco-allemandes ou à Trois (franco-anglo-allemandes). La méthode proposée était opportuniste. Une politique commune n’avait de chance de naître, disait-on, « que par une sorte d’habitude de cohabiter, de penser en commun »1.
4Le choc de novembre 1956 retourna certains hésitants en faveur du Marché commun2. Le gouvernement français put s’appuyer sur Suez pour justifier l’Europe devant l’opinion publique. L’échec de la France en Égypte montrait les limites de la puissance européenne à une opinion publique surchauffée. Après les affrontements militaires d’octobre-novembre, Monnet fit remarquer à Dillon que les événements avaient augmenté considérablement l’intérêt du public pour Euratom. C’est exactement le témoignage de Christian Pineau3. Monnet réclame d’ailleurs aux Américains un soutien public en faveur d’Euratom prétendant même que cela aurait un effet comparable à l’offre du plan Marshall. Cette idée a tellement frappé Dillon qu’il écrivit une lettre personnelle à Dulles pour l’y intéresser le 19 novembre4. Monnet demande aussi que les trois sages chargés de mener un travail sur le développement de l’énergie atomique en Europe soient invités rapidement aux États-Unis en signe d’intérêt de l’administration Eisenhower pour Euratom5. L’administration américaine accepte. Il était urgent que Guy Mollet et Konrad Adenauer débloquent la négociation tant sur le Marché commun que sur Euratom. En octobre 1956, les Français voulaient bien d’Euratom à condition qu’elle ne les empêche pas de disposer librement du plutonium qu’ils produiraient à Marcoule. Ils étaient prêts à accepter l’idée d’explosions nucléaires sous contrôle européen. Cette disposition n’excluait pas la poursuite des travaux nationaux sur les piles et les moteurs atomique6. Les observateurs américains en Europe, qui s’étaient assurés de fabuleux correspondants dans les antichambres ou les bureaux ministériels des Six, faisaient constamment remarquer à Washington la nécessité de trancher sur les pouvoirs d’Euratom. Dillon avait écrit : « Il m’apparaît que la rencontre Mollet-Adenauer sera, bien entendu, cruciale et que vient le temps désormais pour les États-Unis d’utiliser certaine ou toute influence qu’ils peuvent avoir sur Adenauer pour lui faire comprendre la nécessité d’accepter le droit de propriété et le monopole de la fourniture des matériaux nucléaires pour Euratom7 ». Spaak attachait une importance essentielle à la rencontre du 6 novembre 19568.
Adenauer à Matignon, le 6 novembre 1956
5Le 6 novembre 1956, jour déterminant pour la crise militaire et diplomatique de Suez, Christian Pineau et Guy Mollet rencontrent le Chancelier Adenauer. Les deux chefs de gouvernement manifestent la volonté politique de conclure, c’est-à-dire de passer outre à certaines difficultés bien réelles. Les décisions sont prises après avoir passé en revue, le 6 au matin, les grands problèmes internationaux, Suez et la Hongrie. On peut comprendre la nécessité de l’entente sur l’Europe tellement la situation internationale était dramatique. « Et maintenant il faut faire l’Europe ! » dit Adenauer dans le bureau de Mollet après l’annonce par Eden de la suspension de l’opération Mousquetaire9. Devant Adenauer, Guy Mollet et Christian Pineau ont lu et commenté la lettre menaçante de Boulganine à la France et à l’ONU. Adenauer leur a fait part de ses doutes concernant la sécurité de l’Europe sous la Pax Atomica américano-soviétique. « Nous devons nous unir contre l’Amérique, ose-t-il dire, [..] Naturellement l’Angleterre doit faire partie de ces pays européens10 ». Cette coopération s’inscrit implicitement dans une réflexion sur la défense européenne. Français et Allemands estiment nécessaires de « préserver la pleine capacité des pays européens en matière atomique ». Adenauer et Mollet s’entendent pour relancer l’utilisation civile de l’énergie nucléaire. Ils écrivent à Spaak pour créer un comité atomique des Sages (Etzel, Armand et Giordani) qui a mandat de dire combien d’énergie nucléaire les Six doivent produire11. Adenauer accepte qu’Euratom ne contrôle pas l’usage des matières fissiles destinées au domaine militaire. Il ouvre ainsi la voie au développement de la bombe A française. Les Allemands acceptent aussi le principe d’une distribution centralisée des matières fissiles par Euratom pour un temps limité, sauf si Euratom s’avère incapable de répondre aux besoins ou si les prix sont trop élevés. La diplomatie française entend ainsi conserver le contrôle du développement de l’industrie nucléaire civile allemande. L’Allemagne fait des concessions aux Français parce que l’attitude des Américains durant la crise aiguë de Suez a suscité la méfiance d’Adenauer. Ils ont « co-menacé » avec l’URSS l’Europe occidentale. Ils veulent co-diriger le monde avec les Soviétiques. Adenauer bouge en faveur d’Euratom pour des raisons politiques, notent les Américains, sans le juger pour autant anti-américain12. Toutefois les questions d’une politique agricole commune et des TOM n’ont pas été tranchés. De son côté, la France accepte que les pays du Marché commun se dirigent vers l’objectif de la semaine de 40 heures sans en faire une obligation immédiate. L’Europe sociale recule déjà par rapport au modèle français. La France obtient l’autorisation de conserver les taxes à l’importation et les aides à l’exportation en attendant de régler le problème du déficit de sa balance des paiements. Elle ne mettra pas son veto au développement du Marché commun après la première période de 4 ans.
6L’ambassade de RFA à Washington confirme très précisément l’importance de cette rencontre du 6 novembre : « Les difficultés qui sont apparues à la Conférence des Ministres des Affaires étrangères du 21 octobre concernant les projets de traités établissant le Marché commun et l’Euratom ont été surmontées lors de la rencontre du Chancelier Adenauer et du Premier ministre Mollet, à Paris, le 6 novembre 195613 ». Le succès des conversations Mollet-Adenauer du 6 novembre 1956 fut tel que Monnet envisagea devant Dillon que le traité d’Euratom soit signé par les Six avant la fin de l’année ! Il était angoissé par la dépendance européenne en pétrole du Moyen-Orient, et donc par la nécessité de développer l’énergie atomique. Mais il recommandait aux États-Unis d’accepter qu’Euratom se charge de contrôler l’usage des matières fissiles fournies par l’AEC, à la place d’inspecteurs américains14.
La Sarre retourne à l’Allemagne
7Si la rencontre du 6 novembre fut un succès pour la bonne fin des deux traités, une des raisons coactives tient au recul français sur la Sarre depuis juin 1956. Adenauer pouvait être satisfait. L’échec du statut d’Européanisation de la Sarre au référendum du 25 octobre 1955, où 67, 7 % des Sarrois avaient voté contre, précipita le rattachement de la Sarre à l’Allemagne. En fait il fut difficile de conclure cette affaire. Les hauts fonctionnaires du ministère des Finances contestaient les abandons envisagés par le Quai d’Orsay. Le ministère des Finances demandait à Guy Mollet de ne pas céder sur le retrait sans contrepartie des billets français en Sarre, sur la fixation à un taux uniforme des péages sur la Moselle, sur le rejet de tout partage de la production hydroélectrique sur la canal d’Alsace, sur l’extraction en 25 ans de 90 millions tonnes de charbon du Warndt15. Il tentait manifestement de lier le destin économique de la Sarre à la France car la Sarre rapportait des devises et contribuait au relèvement de la France. Peut-être a-t-il aussi une position de fond plus conservatrice qu’au Quai d’Orsay ou chez Guy Mollet.
8L’accord sur la Sarre est acquis à la suite d’une rencontre franco-allemande à Luxembourg le 4 juin 1956. Guy Mollet et Christian Pineau ont rassuré les Allemands sur leur conversations avec les Soviétiques à Moscou et les deux parties se sont mis d’accord sur la Sarre, (amodiation des mines de charbon du Warndt pour 20 ans, financement de la canalisation de la Moselle à hauteur de 300 millions DM par la RFA). La RFA supportera la modification du plan d’aménagement du canal d’Alsace16. La question de la conversion monétaire traîne encore en septembre 1956. Mais l’accord est fait après la rencontre de Bonn entre Adenauer et Mollet, le 29 septembre 1956. Il tombent d’accord pour détruire 40 milliards de francs de billets échangés contre des DM en Sarre. La France renonce à faire payer à la RFA les modifications du tracé du Canal d’Alsace en échange d’un renoncement allemand au paiement d’une redevance sur la production électrique. La RFA prend à sa charge dans la proportion de 120 sur 370 les dépenses de canalisation de la Moselle17. Les aciéries de Völklingen retournent à la famille Röchling. La France renonce à sa politique sarroise séculaire. Cette affaire réglée par la signature le 27 octobre 1956 du traité de Luxembourg, « ouvre des perspectives intéressantes à la fois pour la coopération proprement franco-allemande et pour l’édification progressive de l’Europe » écrit alors Maurice Couve de Murville18. La Sarre est rattachée politiquement à l’Allemagne le 1er janvier 1957 et économiquement le 1er janvier 1960. Cette affaires résolue dégage la voie pour l’approfondissement de la coopération franco-allemande mais aussi pour la conclusion des traités européens.
Euratom et les armes nucléaires
9Les aspirations françaises à l’indépendance nucléaire ne faisaient pas l’affaire des Américains, obsédés par les risques de prolifération nucléaire. Pour couper court aux programmes nucléaires militaires français élaborés depuis juin 1956, Douglas Dillon, l’ambassadeur américain en France, envisagea de mettre à la disposition de la France des armes nucléaires tactiques dans le cadre de l’OTAN et d’entraîner des pilotes français de F 84F. L’ambassadeur écrit que par ce biais et par Euratom, on obtiendra des Français un moratoire sur la production d’armes atomiques françaises19. Les Américains font donc pression pour créer une organisation atomique européenne contrôlant l’ensemble de la filière nucléaire. Il était sans aucun doute trop tard. Le Quai d’Orsay se plaignit de cette pression, révélant au passage l’ardeur du Ministère des Affaires étrangères, dirigé par Christian Pineau, à bâtir ce programme nucléaire militaire. « Le programme français pèche donc aux yeux des Américains par de sérieux défauts. Il est trop important, il est indépendant. Á ces deux défauts congénitaux peut s’ajouter bientôt un vice nouveau et plus grave : la fabrication d’armes atomiques » écrit fort astucieusement le Secrétariat Général du Quai en novembre 195620. Christian Pineau avait affiché les intentions françaises à la conférence des ministres des Affaires étrangères de Paris des 20 et 21 octobre 1956 : « Le gouvernement français n’entend pas renoncer définitivement à toute explosion non contrôlée, mais il peut s’engager à ne pas y procéder pendant un certain délai [..]21 ». Pour réagir contre l’indépendance des Français, Eisenhower abaissa de 25 % le prix à l’exportation de l’U-235 de fabrication américaine le 17 novembre 1956. L’administration américaine annonça aux trois sages « atomiques » européens que les États-Unis mettaient à la disposition de l’Euratom des matières fissiles indispensables à son programme. La création d’une usine européenne était rendue sans objet. Sans doute pour mieux se faire comprendre des Européens, le Département d’État suspendit en décembre 1956 toutes les négociations bilatérales avec les pays européens en matière atomique pour faciliter la conclusion du traité d’Euratom. Toutefois trois accords furent signés (ou renouvelés) avec la France, la Belgique et les Pays-Bas. Mais les deux négociations avec l’Allemagne et l’Italie furent suspendues. Trois autres étaient en cours d’élaboration avec l’Espagne, la Suède et la Norvège. Monnet, en janvier 1957, pressait encore l’amiral Strauss et John Foster Dulles, avec lequel il s’entretenait à l’ambassade américaine de Paris, de ne pas favoriser de tels accords bilatéraux avant la signature d’Euratom. Au passage retenons qu’il s’enquit des réserves possibles de Dulles sur la nomination d’Hervé Alphand comme ambassadeur à Washington, qu’il recommandait chaudement22.
10Il fallait convaincre Adenauer de laisser les signataires d’Euratom poursuivre un programme militaire, s’ils en avaient le droit et les possibilités. La rencontre du 6 novembre fur positive. Il convenait maintenant de conclure. Dans les dernières semaines de 1956, la version d’Euratom ne contint plus aucune limitation au droit pour les États de procéder à la production d’armes atomiques (sauf pour l’Allemagne)23. L’entente personnelle entre Guy Mollet et Konrad Adenauer avait joué, comme les diplomates le remarquent24. Le moratoire de 4 ans sur l’expérimentation des armes atomiques a disparu sous la pression des milieux militaires, du CEA, de la Défense Nationale, de leaders de la majorité comme de l’opposition25. L’orientation des Français pour un développement militaire de l’énergie atomique était devenue criante au début de l’année 1957. Guy Mollet avait cédé aux pressions. Il donna l’assurance qu’Euratom cessera son contrôle à l’instant où les matières fissiles « entreront dans les ateliers qui les façonnent en armes26 ». Le gouvernement savait que sans cette disposition juridique il aurait eu de la peine à obtenir plus de 50 votes favorables à l’Assemblée. En février 1957 la presse française annonçait que la France pourrait produire des armes nucléaires dans les 18 mois suivant la mise en œuvre du traité d’Euratom. En février 1957 Spaak s’enquit personnellement auprès des Américains de la conformité de l’accord bilatéral belgo-américain avec le nouveau schéma d’Euratom, i.e. un traité n’empêchant pas le développement des usages militaires de l’atome. Spaak regrettait cette clause, mais elle était nécessaire politiquement pour satisfaire la France27. Toutefois, comme Monnet, il ne croyait pas au développement des fabrications militaires atomiques françaises en raison des hauts coûts de production.
11En janvier 1957 les Français demandèrent aux Allemands et aux Italiens de se concerter pour reprendre les négociations bilatérales avec les États-Unis sur la livraison d’U-235. La conférence des ministres des Affaires étrangères de Bruxelles des 26, 27, 28 janvier et 4 février 1957 aborda la question de l’usine de séparation isotopique. Un accord de principe est donné sous réserve d’un rapport d’experts sur les choix techniques (diffusion gazeuse ou centrifugation). Les Américains suivaient avec la plus vive attention cette affaire, soulignant les désaccords entre les Français et ses partenaires28. La construction ne fut pas inscrite dans le traité au grand dam des Français qui espéraient bien obtenir un financement européen. Maurice Faure avait cherché le soutien de Walter Hallstein, secrétaire d’État allemand aux Affaires étrangères29. La question sera reprise sur un plan trilatéral.
Vers l’Europe unie ou vers l’Europe franco-allemande ?
12Après le 6 novembre 1956, jour terrible pour les Européens, jour de progrès pour la réalisation de l’unité européenne, Strauss, ministre allemand de la Défense, visita la base de Colomb-Béchar où étaient expérimentés des engins spéciaux français en janvier 1957. Cette coopération visait-elle les relations bilatérales ou préparait-elle l’unité européenne sous direction franco-allemande ? Les accords secrets de collaboration bipartite Strauss-Bourgès-Maunoury du 17 janvier 1957 (protocole de Colomb-Béchar), l’accord tripartite franco-germano-italien de novembre 1957 sur la fabrication d’IRBM30, et les accords secrets Strauss-Chaban-Delmas-Taviani d’avril 1958 sur une usine de séparation isotopique traduisent un effort français pour maîtriser la filière des armes nouvelles. Cette coopération à dominante franco-allemande satisfait d’une manière complexe les aspirations françaises à la sécurité et à l’influence dans un cadre européen31.
13Après la visite d’Adenauer à Guy Mollet le 6 novembre 1956, les Français ont rédigé le lendemain un protocole de coopération. « Ce protocole d’une rédaction fort concise, note l’IG Buisson, énumère les points où une coopération franco-allemande (doctrine militaire, programme de recherches, fabrication) est d’intérêt mutuel ». Le gouvernement français se montrait favorable à la création de sociétés mixtes franco-allemandes. Il a une connotation européenne puisqu’il prévoit l’association d’autres nations à la coopération franco-allemande32. Adenauer acceptait peu après qu’Euratom ne contrôle pas l’usage militaire des matériaux fissiles. Le 30 novembre, le gouvernement français autorisait le CEA à préparer des explosions atomiques expérimentales. Toutefois la réponse allemande à l’offre de coopération se fait encore une fois attendre. Franz-Joseph Strauss se rend compte « que le gouvernement français avait, à bon droit, conçu quelque amertume du fait que ces nombreuses conversations n’avaient jamais abouti à des résultats pratiques33 ». Paris, en effet, s’inquiétait34. La morosité s’accentua quand on apprit que la RFA se dotait de 225 Sabre VI canadiens pour $ 75 millions, après avoir reçu 75 Sabre V, à la place du chasseur français Mystère SMB4. Lors de la session du Comité économique franco-allemand à Bonn, le 11 janvier 1957, Olivier Wormser plaida pour accroître les liens entre industriels français et allemands dans le domaine nucléaire. H. Bereman, fonctionnaire du ministère de la défense de RFA, évoqua les contrats conclus avec les Français en matière d’armement. Il fit aussi une allusion aux projets de coopération du général Ailleret en matière de protection contre les armes RFA, B, C. Wormser demanda que les deux ministres, Strauss et Bourgès-Maunoury, règlent cette question, « la semaine prochaine » à Colomb-Béchar, où le ministre allemand était attendu35.
14En effet un accord est conclu le 17 janvier 1957. Il s’agit du protocole de Colomb-Béchar, signé par Strauss et Bourgès-Maunoury. Cet accord crée un Comité militaire franco-allemand et des sous-comités Terre, Mer, Air36. Le document évoque une coopération dans le domaine des armes nouvelles37. Il y avait à Colomb-Béchar des spécialistes allemands des fusées, recrutés en Allemagne en 1945, dépendant du LRBA de Vernon38. L’IG Molinié écrit que Strauss est allé à Colomb-Béchar pour assister à une présentation de fusées sur le terrain d’Hammaguir39. Toutefois il serait hasardeux d’imaginer qu’il s’agissait d’un plan d’ensemble de développement d’armes atomiques. Le texte des accords, même partiellement disponible, est muet. Rien n’interdit de penser que les deux ministres en ont parlé "off the record". En effet, à défaut de connaître officiellement le texte du protocole de Colomb-Béchar, nous avons quelques renseignements de première main. Le 2 février 1957, le général Lavaud informe les Secrétaires d’État, Air, Marine, Terre, et l’État-major général des Forces armées des décisions des deux ministres : « Dans le cadre des traités de l’OTAN et de l’UEO, le gouvernement français et le gouvernement allemand ont décidé de créer un comité militaire des deux pays [..] et de confier à ce Comité la mission d’établir un programme d’action ayant pour but : -d’harmoniser les conceptions militaires des deux pays concernant l’organisation, les doctrines d’emploi et l’armement de leurs forces armées en particulier dans le domaine des armes nouvelles et de créer les moyens de combat nécessaires pour réaliser ces conceptions, - d’entreprendre, dès maintenant, des études communes de matériel d’armement répondant à des caractéristiques générales approuvées par les deux parties ainsi que des recherches techniques dans les domaines reconnus de part et d’autre comme présentant un intérêt pour la mise au point de matériels nouveaux ; à cet effet, d’établir des accords d’exécution entre les deux gouvernements dans le domaine des études et recherches y compris les dispositions techniques, économiques et financières à insérer dans les accords, - de promouvoir un programme d’armement communs40 ».
15Que signifie matériels nouveaux ou armes nouvelles ? Tout le monde est d’accord pour souligner la difficulté de comprendre les termes, imprécis volontairement41. Il faut y placer les missiles. Le site de Colomb-Béchar s’appelle périmètre français d’essai des engins spéciaux. Il est frappant de noter la concordance entre les préoccupations françaises concernant la fabrication d’un missile stratégique sol-sol42, permettant d’emporter une bombe nucléaire américaine ou française, et les accords de Colomb-Béchar. Le protocole arrive au bon moment par rapport aux projets nucléaires militaires français et par rapport à la volonté avérée d’Adenauer de disposer d’une capacité nucléaire43. Euratom n’interdisait pas aux Européens, sauf à l’Allemagne, de fabriquer des armes nucléaires. L’accord franco-allemand sur Euratom était-il lié à l’accord de Colomb-Béchar ?44 Le National Security Council américain affirme que la production française d’armes atomiques pourra se faire avec les Allemands45. D’ailleurs les accords de Paris d’octobre 1954 n’interdisent pas à l’Allemagne de fabriquer des armes atomiques hors de son territoire.
16Adenauer rencontre Guy Mollet à nouveau le 19 février 1957. Ils ont une discussion sur les armes nucléaires. D’après Adenauer, Mollet lui dit que la France aura des armes dans 5 ans, parce que les Français mesurent leur dépendance des États-Unis46. Adenauer a-t-il alors avancé l’idée d’une coproduction franco-allemande d’armes atomiques tactiques sur le territoire français ? Bien entendu il ne dit rien de tel dans sa conférence de presse du 6 avril 1957. Mais il plaide pour l’utilisation par l’armée allemande d’armes atomiques tactiques47. Une réaction très vive de savants allemands opposés à la fabrication d’armes nucléaires s’en suivit (Manifeste de Göttingen de 12 avril 1957). Strauss a pensé que France et Allemagne pourraient développer un missile « qui éventuellement pourrait servir de vecteurs d’ogives nucléaires » dit l’historien allemand Η-P Schwarz48. Mais la preuve qu’une coopération franco-allemande dans les armes interdites a été tentée se trouve dans une note du général Lavaud du 20 juin 1957. Le général Lavaud invite explicitement ses services à entrer en conversation pour l’étude de « matériels que les traités de Paris n’autorisent pas l’Allemagne à construire ». Les traités de Paris sont les accords du 23 octobre 1954 interdisant à l’Allemagne de fabriquer des armes A, B, C sur son territoire. Il précise encore : « Il est bien entendu que le comité n’est en aucun cas [autorisé] à prendre des positions contraires à la lettre des traités, mais que des études franco-allemandes aboutissant à la construction, obligatoirement en France, des matériels visés, peuvent donner satisfaction aux deux parties ». Il est remarquable que l’article du Général Chassin « Avions pilotés ou fusées », publié par la revue allemande Wehrkunde en septembre 1957 établit que l’Allemagne devrait avoir le droit « de produire elle-même des explosifs atomiques et de pouvoir en cas de danger les utiliser49 ». De quoi s’agit-il en juin 1957. La réponse est dans la note de Lavaud : des bombardiers légers, des chasseurs lourds, des propulseurs fusées à oxygène liquide « dont l’intérêt correspond, semble-t-il, aux engins sol-sol à longue portée que l’Allemagne ne peut construire50 ». Ce document d’application semble découler du Protocole des Généraux, signé par les généraux Ely et Heusinger, et daté par l’I.G. Robineau du 6 juin 195751. Il s’agit donc de faire participer les Allemands, à la conception, au financement et à la construction, sur le sol français, d’un engin sol-sol à longue portée, un IRBM en fait, dont on imagine mal qu’il ne soit pas doté d’une tête nucléaire. L’importance de ce document est attesté par la qualité des participants à cette réunion. Ainsi la France était décidée à partager certains secrets avec l’Allemagne. On ne peut pas vouloir partager les efforts financiers pour construire le vecteur d’une bombe atomique et disposer seul des armes nucléaires. Il faut conclure à la sincérité de la politique française concernant la coopération franco-allemande même si elle n’est pas dénuée d’une certaine roublardise. Cette coopération, financièrement avantageuse, permettait de contrôler l’Allemagne dans le cadre d’une défense commune. Il est vrai que la dimension européenne reste potentielle. Plus traditionnellement, industriels et services des États poursuivaient leurs contacts sur des programmes classiques (l’ATAR volant de la Snecma, le char standard de 30 t, des munitions de 90 mm et de 105 mm, des engins anti-chars SS 11). L’essentiel de l’attente française portait sur le Mirage III.
17La coopération franco-allemande s’est développée dans des domaines différents. Une lettre commune franco-allemande sera envoyée aux missions diplomatiques françaises et allemandes en Amérique Latin, en Afrique arabe, en Asie pour les inciter à réfléchir ensemble sur l’industrialisation, les communications, l’action commune, et partager les appréciations sur l’activités de l’URSS52. Des projets ou des réalisations communes ont été engagés : coopération en Égypte pour la centrale d’Assouan, aciérie en Argentine, barrage et centrale électrique à Ceylan, raffinerie de pétrole en Finlande, électrification des chemins de fer au Portugal, production de fer, d’engrais, matières plastiques en Sardaigne, projet de chemin de fer en Arabie Saoudite, aciérie et chemins de fer au Brésil, aluminium au Congo belge. Il semble que la coopération sur les marchés tiers ait été mise à l’ordre du jour du comité économique franco-allemand le 28 mars 1958 en particulier avec la Chine continentale53.
18La rencontre du 6 novembre a favorisé la négociation Euratom, mais aussi la coopération franco-allemande dans le domaine des armements, y compris nucléaires. Parallèlement à la construction d’une Europe des Six, pacifique et économique, s’élaborait dans le secret des deux chancelleries une construction européenne plus indépendante autour du couple franco-allemand.
L’Europe telle que les deux traités de Rome la dessinent
19Jean Monnet affirme que la préparation des traités terminée en février 1957 grâce à Konrad Adenauer et à Guy Mollet qui venaient de liquider le contentieux sarrois54. Sa remarque est liée à la rencontre du 6 novembre 1956 et à ses suites positives. Entre temps, Guy Mollet avait su gagner la confiance d’une majorité de l’Assemblée nationale sur le Marché commun lors du débat du 15 au 22 janvier 1957. Un ordre du jour proposé par Robert Verdier, Président du groupe socialiste, félicita le gouvernement du bon travail accompli en matière européenne55. Il fut adopté.
Les derniers règlements entre les Six
20Au début de l’année 1957 des questions essentielles étaient encore pendantes. Les solutions sont apportées par les conférences des ministres des Affaires Étrangères de la CECA tenues au cours du premier trimestre à un rythme soutenu. Les questions délicates portaient sur le taux de protection du tarif extérieur commun (TEC), l’association des TOM au Marché commun et le montant des contributions des pays membres au Fonds de développement, enfin les rapports entre les nouvelles institutions européennes avec la CECA. La question du Marché commun agricole devait absolument être traitée.
21Les Français avaient dit qu’il n’y aurait pas de Marché commun si l’agriculture française n’approuvait pas le projet de traité. Marjolin avait insisté sur une meilleure rémunération des agriculteurs français plus que sur l’augmentation des exportations françaises de blé vers ses partenaires. Il fallait calmer l’appréhension des Américains concernant les importations agricoles dans la Communauté. Les Américains avaient soutenu le projet de Marché commun et celui de zone de libre échange par une déclaration officielle du 11 décembre 1956. Ils avaient manifesté leur souci de promouvoir à cette occasion la convertibilité des monnaies et un système multilatéral d’échanges. En fait ils mettaient en garde les Six contre toute atteinte aux règles du GATT et contre un retour au protectionnisme. Alors que le projet de traité de Marché commun arrivait à son terme, le Canada fit connaître ses réserves sur le Tarif extérieur commun (TEC) trop élevé. Encore fallait-il savoir ce que cela signifiait. Il proposait pour éviter le protectionnisme que les Six s’engagent, tout en abaissant les tarifs douaniers, à abandonner les contingentements. Les Six refusèrent. L’étude du traité par le GATT risquait d’entraîner des modifications que les Français jugeaient dangereuses pour l’avenir de l’unité européenne56. Ludwig Erhard, toujours aussi libéral, joua dangereusement de la peur américaine. Il déclara que « le projet de Marché commun était erroné sur le plan économique57 ». Cette déclaration, faite 10 jours avant la signature des traités, mit en émoi le gouvernement français. L’ambassadeur à Bonn, Maurice Couve de Murville, en tête-à-tête, tenta d’obtenir davantage de mesure d’Erhard. Cette hantise des Américains trahissait la confiance limitée qu’ils mettaient dans les Européens et en particulier dans la France. Les Américains ne voulaient absolument pas que le Marché commun développe des restrictions vis-à-vis de l’extérieur.
22Il fallait régler la participation des TOM au Marché commun. Elle supposait un minimum de préférences réciproques. Un procès d’abandon fut instruit d’abord contre le gouvernement. Georges Boris, l’homme de confiance de Pierre Mendès France, vit dans l’Eurafrique un mirage parce qu’elle évincerait la France de ses TOM : « Les rêveurs naïfs de l’Eurafrique peuvent l’ignorer, mais il y a peut-être des esprits machiavéliques pour qui le Marché commun est une étape vers la liquidation souhaitée de l’Union française58 ». Le débat au sein du gouvernement français fut animé, mais unanime en fin de compte. La passion apparut dans les propos des ministres. « Les TOM dedans ou rien du tout, pas de Marché commun ! » déclarèrent Gaston Defferre et Jacques Chaban Delmas59. Les Hollandais étaient particulièrement opposés à l’insertion des TOM dans le Marché commun européen. Il fallut expliquer aux Pays-Bas, redoutant d’être « taxés » pour les colonies françaises, qu’il s’agissait en fait de créer un grand marché commercial très avantageux pour tous. Les partenaires de la France répugnaient à entrer dans les contentieux coloniaux en cette période de décolonisation. Les Allemands auraient aimé associer à l’entreprise européenne les pays colonisés eux-mêmes. Il convenait donc de les décoloniser préalablement pour ne pas déconsidérer l’Allemagne auprès des pays africains60. Les Allemands tentèrent même d’acheter leur désengagement en proposant de verser aux TOM pendant cinq ans un capital qui les dispenserait de consentir des préférences commerciales aux producteurs de cacao, bananes et café africains ou antillais. Pineau et Faure, scandalisés, rejetèrent ce plan « Marshall pour les TOM français » en proposant à leur tour un plan Marshall français pour la RFA afin de lui permettre d’acheter les produits d’outre-mer61. Mais l’enjeu du Marché commun était si fort que l’Auswärtiges Amt acceptait la coopération intereuropéenne en Afrique. Sans doute aussi l’administration allemande a-t-elle été poussée par les industriels allemands. Car lors de la seconde session du comité économique franco-allemand, le 17 mai 1957, le représentant de la Gute Hoffnungs Hütte parla d’entente entre les sidérurgistes allemands pour investir en Afrique noire, parce qu’il y a le Marché commun. L’Allemagne est prête à ne pas regarder uniquement vers le Brésil, le Labrador et le Venezuela. Les projets de Tindouf, Fort-Gouraud, Mékambo, Tchibanga l’intéressaient. Gaetano Martino se borna à faire des remarques désobligeantes sur la qualité des cafés importés des TOM français. L’insertion des TOM fut acquise en principe lors de la conférence des Six de Paris du 20 février 1957. Les Français voulaient convaincre ses partenaires de créer une Eurafrique pour asseoir l’emprise économique de l’Europe en Afrique et pour empêcher celle des communistes. Les intentions françaises sont contenues dans cette phrase : « Faire prévaloir des formules qui, répondant à des préoccupations d’ordre politique, ménagent l’avenir sur le plan économique62 ». L’association des TOM au Marché commun relève pour une part de la manœuvre politique permettant à la France de gagner à bon compte des alliés dans les relations internationales, en dépit de la guerre d’Algérie, et de faciliter le désengagement français de l’Outre-Mer. D’un autre côté elle est une réponse sérieuse à la nécessité d’insérer les territoires sous développés dans un espace commerciale large. Les Français durent réagir encore contre Spaak qui tenta de retirer le Congo de l’association avec les Six, ce qui aurait « vicié la mystique de l’Eurafrique » écrit un diplomate américain63. Sur une idée de Pierre Uri, il fut décidé que la France renoncerait à ses préférences dans l’Union française contre une participation des cinq aux charges du développement des TOM Les Américains étaient devenus conscients de l’importance des relations Nord-Sud, - le terme est employé à l’époque-, que les tensions est-ouest avaient longtemps occultée. Une relation privilégiée entre l’Europe et ses anciennes colonies était un gage de sécurité pour les Américains. Guy Mollet a su jouer de cette attente américaine dans le débat sur l’Eurafrique. En juin 1957, après la signature des traités, Dulles donna l’ordre aux diplomates américains de soutenir le Marché commun et d’éviter d’engager un débat avec les Soviétiques ou les Afro-asiatiques sur le colonialisme. Ils devaient dire que le Marché commun contribuait au développement économique des territoires africains sur une base d’égalité et d’intérêt mutuel64. L’association Europe-TOM fut établie. Mais Maurice Faure manifesta son dépit pour la modestie du Fonds de développement prévue par les Six, $ 581,25 millions en unités de comptes UEP dont 512 pour les TOM français en 5 ans. La contribution française et allemande était fixée à $ 200 millions chacune. Les tarifs douaniers des Six seraient abaissés de 30 % sur les importations en provenance des TOM. Les TOM seraient libres de maintenir leur propre tarif vis-à-vis des tiers et de la métropole pour protéger leurs industries naissantes. Les Français avaient demandé $ 100 millions par an pour les TOM français à la charge des partenaires de la France, en sus d’une somme fournie par la France, égale à celle payée par l’Allemagne65. L’ensemble aurait donc excédé largement les S512 millions sur 5 ans. L’Allemagne proposait une somme de $ 100 millions à partager entre les Six. La solution retenue était proche de celle de l’Allemagne.
23La question de la localisation des institutions européennes ne fut pas réglée. Les Français préféraient la centralisation des institutions. Ils voulaient faire de Paris la capitale des communautés européennes. Ils prirent comme objectif de ne pas céder sur Bruxelles. Ils espéraient arriver par suite d’évolutions tactiques à une candidature de compromis sur Paris, par refus successifs de Bruxelles, Strasbourg-Kehl ou Milan. Paris, c’était, disaient-ils, le rayonnement, la "capitale de l’Eurafrique"66. Ce sera finalement Bruxelles, à titre provisoire, un provisoire qui dure. Maurice Faure a tenté d’installer le Comité intérimaire du Marché commun à Paris, mais Ophüls estima avec réalisme que cela préjugeait du siège définitif. Spaak n’a pas pu faire admettre son projet de faire de Paris le siège du Marché commun, de Bruxelles celui d’Euratom, de la Haye celui de la Cour de Justice et de placer le parlement en RFA67.
La conversion au Marché commun
24La petite Europe du Marché commun et de l’Euratom divisait l’administration française et les responsables politiques. L’Europe signifie une « confrontation directe de l’économie française avec l’économie allemande.. » explique Wormser à ses homologues allemands en janvier 195 768. Est-ce prudent ? Par ailleurs les Français étaient perturbés de voir la grande industrie allemande considérer le futur Marché commun comme une opportunité pour libérer les échanges et abaisser les tarifs plutôt que pour organiser les relations entre les Six69. L’inquiétude était renforcée par le lobby mendésiste opposé au Marché commun. Conseillé par Georges Boris, Mendès France critiqua le projet de Marché commun lors du grand débat à l’Assemblée nationale de janvier 1957. « L’Europe oui, mais dans le progrès social ». Il évoqua devant l’Assemblée nationale le spectre d’un Mezzogiorno au Sud de la Loire, les risques d’une invasion de travailleurs étrangers et de pression sur la monnaie française. Il affirma toutefois être partisan « d’une construction organique de l’Europe ». L’absence de la Grande-Bretagne le désolait profondément car un marché agricole considérable était perdu et la France subissait un tête-à-tête dangereux avec l’Allemagne. Aussi envisageait-il avec faveur une zone de libre échange avec la Grande-Bretagne. Mais Boris lui fit remarquer qu’une telle construction assurerait encore moins la concertation des économies. Du débat se dégage l’impression que la France n’est pas en état d’entrer dans le Marché commun. Il y avait là comme une image traditionnelle de la faiblesse française. L’image de faiblesse était fausse. Des évolutions étaient perceptibles. Deux doctrines se dessinaient. L’une refusait de prendre le risque du Marché commun. Elle était soutenue par quelques caciques de la SFIO, des ex-RPF et des radicaux, par le PCF évidemment et par des hommes d’affaires ou des industriels engagés dans les TOM L’autre souhaitait l’adhésion au prix d’une remise en ordre intérieure et de garanties raisonnables. Avec discernement, l’appareil dirigeant du pays prit le risque de « choisir » l’Europe.
25L’absence de l’Angleterre troublait les services et Guy Mollet lui même. Un puissant courant, auquel Ramadier et Mendès France appartiennent, voulait la création d’une zone de libre échange plutôt qu’un Marché commun en raison de la présence rassurante de la Grande-Bretagne. Au cabinet de Paul Ramadier, Georges Paul-Boncour crut même que les Anglais préparaient une « union politico-économique entre le Commonwealth et l’Europe ». Il cherchait en fait à prouver à tout prix que la troisième force internationale était en route. Or il n’y avait aucune volonté britannique d’aller dans ce sens70. Ramadier manifesta l’intérêt qu’il portait aux projets anglais de zone de libre-échange élargie aux pays de l’OECE et à l’étroite association qui en résulterait « que je considère personnellement comme essentielle71 ». Mendès France défendit la notion politique d’entente cordiale, car il n’entendait pas créer d’unité européenne sans la Grande-Bretagne72. On comprend le souci de Mendès France, co-inventeur de l’UEO. Mais la pertinence de sa démonstration était ruinée par la détermination britannique à privilégier les rapports économiques avec le Commonwealth. Mendès France semblait ne pas s’en apercevoir. Il faut y voir la permanence du rêve français d’une grande Europe sous direction franco-britannique. Les entretiens Mollet-Macmillan du 9 mars 1957 confirmèrent le statu quo ante en dépit des dispositions pro-européennes de MacMillan. Une zone de libre échange ne pourra pas comprendre les échanges de produits agricoles. Les Anglais percevaient comme un obstacle à l’unité de l’Europe la création du Marché commun si la zone de libre-échange ne devait pas voir le jour73. La victoire des Six à Rome ne pouvait qu’inciter le gouvernement français à être exigeant pour une future zone de libre-échange.
Guy Mollet, un des pères de l’Europe
26Le Marché commun et l’Euratom étaient-ils « le tremplin du grand relèvement » de la France, l’expansion pour la France, et le rééquilibrage de l’Alliance atlantique au profit de l’Europe ?74 Quel bilan Guy Mollet a-t-il tiré, à chaud, de la ratification des traités par l’Assemblée nationale ? Ils étaient, a-t-il dit, le moyen de contrôler l’Allemagne par un pouvoir supranational, au nom de l’exigence de sécurité de la France. Â ce titre il estimait avoir parfait la CECA. Cette présentation de Guy Mollet a pour objectif de mesurer la place de la personnalité de ce grand responsable de la SFIO dans un des actes les plus importants de ce siècle pour la France et l’Europe75.
L’indépendance réelle des peuples
27Les traités européens ouvraient la voie vers « l’indépendance réelle » de la France. On sait l’acception particulière de ce terme chez Guy Mollet qui distinguait, selon la formule de Léon Blum, entre l’indépendance indispensable et la souveraineté totale, inutile voire dangereuse. L’Europe donnait à la France la possibilité de s’épanouir réellement. Les traités offraient à l’Europe la possibilité de devenir une partenaire des deux grands et d’être associée aux États-Unis. Ils étaient la voie vers une Europe politique. Ils offraient aussi aux pays sous-développés une émancipation réelle, économique et sociale contre les leurres de l’émancipation politique. Toutefois l’Europe ne serait grande qu’avec les Britanniques76. Elle n’était donc pas achevée.
28L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle lui permit de préciser sa philosophie politique de l’intégration européenne. Elle a été modifiée par sa critique de plus en plus rude de la politique gaulliste. Guy Mollet attendait mieux qu’une application littérale des traités par de Gaulle. La déclaration du général de Gaulle du 31 mai 1960 lui parut offrir les plus grands espoirs : « Bâtir l’Europe occidentale en un groupement politique, économique, culturel et humain, organisé pour l’action, le progrès, la défense ». Or les développements de la politique gaulliste entraînèrent une crise pour l’Europe dont Pompidou sortit les Six en décembre 1969 seulement. Très rapidement Guy Mollet manifesta son opposition à de Gaulle sur l’Europe : « Je ne suis d’accord avec de Gaulle ni sur l’Europe ni sur le Pacte atlantique » dit-il en 195977. Il condamna la politique de « grandeur », tandis que Michel Debré y voyait le sursaut78. Les réactions de Guy Mollet dans la période 1958-1964 eurent le mérite d’affiner sa politique européenne. Ainsi sur le rapprochement franco-allemand, un pilier de la propagande gaulliste, on pourrait croire à un accord. Guy Mollet approuvait l’entente franco-allemande. N’avait-il pas refermé le dossier sarrois en son temps, ouvert la coopération franco-allemande à des domaines prometteurs ? Mais il refusait le condominium franco-allemand sur l’Europe comme de Gaulle tentait de le faire. Guy Mollet pouvait montrer que l’accord politique avec Adenauer du 6 novembre 1956 avait eu pour objectif de réussir l’unité européenne. Nous avons vu que les faits sont plus complexes, car les Français ont poussé leurs avantages nationaux dans le domaine du nucléaire et des industries d’armements sous couvert d’une coopération franco-allemande.
29Les attaques gaullistes contre la supranationalité de la CECA ont favorisé, d’après Guy Mollet, la puissance des sidérurgistes allemands, engeance maudite pour les Français79. Avait-il raison ? On trouve dans les archives américaines une confirmation de ce risque. Les milieux sidérurgiques français veulent désormais une CECA forte. Jean François-Poncet qui épouse la fille de De Wendel, un des actionnaires de la SOLLAC, confirme que les sidérurgistes français espéraient que la CECA pourrait contrôler la recartellisation de la Ruhr, c’est-à-dire limiter la puissance des Thyssen et autres magnats de la Ruhr80. L’idée supranationale n’est qu’un leurre ou une hypocrisie, dit de Gaulle. Soyez européens pour Six répond Guy Mollet aux cinq autres pays du Marché commun81. Bien que le terme de supranationalité soit utilisé abusivement par de Gaulle pour qualifier les institutions de la CEE, les deux hommes ne peuvent être d’accord. « La France vient du fond des âges. Elle vit. Les siècles l’appellent. Mais elle demeure elle-même au long des temps » écrit superbement de Gaulle82. Guy Mollet voit la grandeur du peuple français dans l’internationalisme librement consenti « qui a fait sa force historique ». Il cherche à faire de l’Europe une force internationale capable de participer à l’organisation de l’économie mondiale selon les vœux du socialisme démocratique.
L’Europe, un nouvel espoir pour les relations internationales
30Le choix du Marché commun se situe à un moment où la France abandonne la colonisation et vit de graves difficultés économiques conjoncturelles. Le Marché commun représente-t-il le moyen de reporter sur les Européens les charges induites par ces problèmes ? Alors la France ne serait grande que par procuration ! Le choix européen de Guy Mollet ne peut pas se réduire à un problème conjoncturel. Il s’agit d’une volonté politique affirmée dès janvier 1956, préparée depuis 1946 après une « conversion » de Guy Mollet à l’idée européenne. Il ne fait aucun doute que Guy Mollet, membre de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, de l’Assemblée de la CECA, du Comité d’Action pour les États-Unis d’Europe de Jean Monnet, s’est donné comme objectif de fonder une unité européenne démocratique. Il s’agit bien d’une vision nouvelle de la place de la France dans les affaires mondiales : « Si le gouvernement à direction socialiste s’était uniquement fondé sur la situation conjoncturelle en mars 1957, il n’aurait pas signé le traité de Rome » écrit-il en 195983. Nos sources confirment totalement ce jugement. Guy Mollet a cru à la puissance d’innovation et d’adaptation du peuple français.
31Mais les responsables français ont accepté l’Europe parce qu’ils ont pris conscience qu’autrement la France et le reste de l’Europe seraient laminés. Cette conscience était antérieure à Suez. L’échec de l’expédition les a confirmés dans l’idée européenne. Christian Pineau dit au Sénat que « devant la menace soviétique et l’indifférence américaine il est plus que jamais indispensable que l’Europe se construise elle-même84 ». Adenauer eut aussi cette réaction. La politique européenne du gouvernement Guy Mollet n’est donc pas seulement la mise en œuvre d’une idée généreuse. Les relatifs abandons de souveraineté dans le cadre d’Euratom et du Marché commun ont un sens dans le contexte de la décolonisation et de l’Alliance atlantique. Les Français se rendent mieux compte de leur impuissance internationale. Ils misent désormais sur une participation européenne dans leurs TOM L’Eurafrique offre une perspective enthousiasmante aux progressistes qui ont eu dans le passé le culte de l’Empire. Il s’agit d’une reconversion idéologique et politique tout à fait remarquable. Le Marché commun pour sauver l’Union Française ou pour la faire disparaître, se demande René Girault ?85 « La signature des traités de Rome constituait un jalon important dans la politique de décolonisation de la France, dans sa politique africaine », conclut-il. Ainsi l’Eurafrique a-t-elle le merveilleux avantage d’éloigner les colonies africaines en voie d’émancipation du capitalisme américain mis en appétit par le plan Marshall et du danger communiste. Il n’y a pas eu vis-à-vis de l’Afrique Noire cette crispation « nationale-mollettiste » faite de rancœur et de frustration, comme on pouvait en détecter sur l’Algérie. Il semblait admis que le rayonnement de la France dans les affaires mondiales passait par les chemins de l’autonomie et de l’aide au Tiers-Monde, en association avec l’Europe. L’exclusion de l’Algérie de ce processus de libération apporte une limite grave à la pertinence de l’action de Guy Mollet et traduit des contradictions dangereuses.
L’Alliance
32Faire l’unité de l’Europe est un moyen de rééquilibrer l’Alliance atlantique au profit des Européens et nécessairement de la France. Le gouvernement de Front Républicain a tenté de dialoguer avec l’URSS en mai 1956. Il n’a pas été capable de faire partager aux autres Européens ses objectifs. Il leur a fait peur, comme Mendès France en 1954. L’influence de la France au sein de l’Alliance n’en sortit pas renforcée, bien que la France montrât à ses alliés européens qu’elle n’hésitait pas à agir contre les vœux américains. Toutefois cette attitude indisposait les Américains à l’heure où la France avait besoin d’eux (Algérie, armement, aide financière). Finalement influencer les États-Unis ne pouvait se faire que par l’Europe unie86. Ainsi la création du Marché commun pouvait être une étape d’un projet de troisième force internationale. On ne s’étonnera donc pas des réactions de Guy Mollet à la politique de De Gaulle à l’OTAN ou à l’ONU. Face à la revendication gaulliste d’indépendance nationale, « charbonnier est maître chez soi », Guy Mollet reconnaissait que la France n’avait pas accès aux armes nucléaires, qu’elle n’avait pas une place dans l’Alliance correspondant à sa puissance retrouvée : « Cette réserve quant aux responsabilités stratégiques pèse sur l’alliance et divise les partenaires en alliés seconds qui voient leur liberté d’action réduite et en alliés principaux qui ont vocation à diriger le monde libre ». Mais il s’élevait contre les « gestes passionnés » de De Gaulle et la vaine grandeur dans la solitude. Il proposait l’intégration de la défense européenne, voire une plus grande intégration des armées du Pacte atlantique qui traduirait « l’interdépendance de nos pays87 ». Guy Mollet était d’un atlantisme qui se conjuguait avec la création d’une Europe unie et forte en vue d’un partenariat euro-américain égalitaire. En mai 1957 lors d’une rencontre avec Dulles, il demande que les États-Unis confient à l’Europe des armes atomiques de nouvelles générations, celles qui occasionneront le moins de retombées radioactives. Toutefois l’image est brouillée dans la mesure où on ne sait pas bien s’il s’agit d’un partenariat de l’Europe continentale conduite par la France avec les Anglo-saxons ou d’un condominium de la France, des Américains et des Anglais sur l’Alliance. Le fait que Guy Mollet n’ait pas écarté le développement d’une force atomique pour l’Europe, sur une base technologique française, invite à conclure prudemment qu’il voit la France jouer un rôle majeur dans l’OTAN et peser sur les choix de l’Alliance grâce aux constructions européennes.
Les circonstances favorables
33Si l’équipe de Guy Mollet est responsable politiquement du choix européen d’Euratom et du Marché commun, des circonstances favorables ont servi leur volonté. Comme pour le plan Schuman proposé dans une conjoncture économique favorable, comme pour le rejet de la CED et de l’APE concédé dans une ambiance économique morose, l’acceptation du Marché commun s’est faite alors que la France se portait bien. Il était rare qu’un Américain le remarque. Pourtant A. L. Strang, un haut fonctionnaire américain en Europe, écrit en cet été de 1957 : « À la Foire de Paris j’ai été étonné par la quantité, la qualité et l’importance des produits industriels français. De même lors d’un voyage de Pentecôte agréable à Bergerac et Bordeaux avec un ami français, j’ai vu des blés en abondance, éclatants de santé. Certains, par leur riche apparence, surpassaient ceux que j’avais vus au Kansas88 ». La situation économique profonde était saine. Les Français vivaient dans les Trente Glorieuses.
34Le gouvernement de Guy Mollet a pris le risque de l’Europe sans toutefois réaliser toutes les conditions d’un passage aisé au marché commun. Le Département d’Etat devient de plus en plus pessimiste sur la situation en raison de la durée de la crise française des paiements et de l’inflation. La guerre d’Algérie drainait des ressources considérables, au point qu’à l’automne 1957 Hirsch, commissaire général du Plan, est consulté par les premiers ministres potentiels sur les solutions à apporter. Il en sort le « programme Gaillard » d’économies. Le gouvernement américain estime que les mesures prises par Félix Gaillard sont insuffisantes pour justifier une aide à la France. En juin 1958 la position d’Houghton, ambassadeur des États-Unis en France, est identique. Les Américains attendent de voir ce que de Gaulle décidera pour redresser la situation89 avant de se prononcer sur une aide éventuelle. Les mesures Pinay-Rueff de la fin 1958, décidées par de Gaulle, accomplirent totalement les souhaits de 1957.
35Reconnaissant le fait incontestable que la France seule ne pouvait plus grand chose, Guy Mollet l’a engagée sur la voie de l’union européenne pour préserver la sécurité des Français, assurer la croissance, créer cette Troisième force internationale qui manquait tant dans les affaires du monde. Guy Mollet réalise les espoirs des socialistes français formulés par Léon Blum en 1941 ou ceux du MRP. Les traités de Rome, écrit Pineau, furent « la grande œuvre de sa vie, à laquelle l’Histoire rendra un jour sa pleine justice90 » Cependant, au moment où ce choix crucial est effectué, les difficultés de balance des paiements limitèrent l’influence de la France. Ses exigences de clauses dérogatoires exaspérèrent. Elle ne catalysait plus l’espérance européenne comme en 1950. Pour toutes ces raisons, les traités furent un « pari audacieux91 », dans une conjoncture dramatique. Cette volonté de « faire l’Europe » justifie de considérer Guy Mollet, Christian Pineau, Maurice Faure et Félix Gaillard, sans restriction, comme de grands artisans de l’Europe unie. Monnet ne s’y est pas trompé puisqu’il écrivit à Suzanne Mollet : « Le Marché commun lui doit beaucoup. Il figurera parmi les fondateurs de l’Europe92 ». Savary témoigne ainsi : « J’irai pour ma part jusqu’à dire que la construction européenne a été largement due à la ténacité de Guy Mollet. Autant il pouvait passer pour froid à l’égard de certains problèmes, autant il s’est engagé à fond sur cette affaire, et c’est lui qui à tort ou à raison, a imposé la politique agricole commune qui était la condition de la ratification pour le parlement français, de même qu’il a tenu compte des exigences de Gaston Defferre pour les Départements et Territoires d’outre-mer93 ». Guy Mollet, au témoignage de Monnet, fut un fondateur d’Europe, il en est donc un des pères.
Ratifications et suites des traités de Rome
36Après la signature des traités le 25 mars 1957, il fallait une ratification rapide pour effacer les hésitations qui avaient suivi la signature du traité de CED. Maurice Faure avait dit qu’elle se ferait avant Pâques. Il était trop optimiste. Les traités furent adoptés par l’assemblée nationale du 3 au 10 juillet 1957 par 342 voix contre 239.
Les opposants et les admirateurs
37De rudes oppositions vinrent de l’intérieur. On aura une bonne mesure de ces réticences, davantage marquées pour le traité de Marché commun que pour Euratom, par les déclarations de Pierre Mendès France, le 6 juillet 1957. Pierre Mendès France juge que le traité de Marché commun est trop libéral et qu’il constitue une menace pour l’emploi en France dont profiterait le PCF. Sur l’unité européenne Mendès France affirme : « J’ai toujours soutenu, pour ma part, que l’intégration européenne correspondait à une utilité profonde mais qu’elle devait être entreprise selon certaines modalités et avec des précautions que je crois indispensables94 ». Mendès France craint aussi la férule d’une autorité supranationale : « ce sera en fait une loi supérieure à la loi française qui s’imposera à nous95 ». Une telle construction serait un crime contre la France, dit-il encore. Monnet rapporta des propos significatifs de Mendès France : « Une démocratie abdique en s’abandonnant à une dictature interne mais aussi en déléguant ses pouvoirs à une autorité extérieure. L’Europe véritable ne peut se faire que par le redressement de la France96 ». Son opposition tenait à l’absence de tout mécanisme européen de coordination des investissements, à la faiblesse économique de la France (qu’il surestime), au bourbier colonial. Il ne croit pas à une organisation des marchés agricoles européens97. Dans les Cahiers de la République, les Mendésistes démontraient que l’unité italienne avait été dommageable à l’Italie du Sud, pays de la misère et du chômage, que les Etats du Sud des États-Unis avaient périclité après leur intégration dans la Fédération98. D’ailleurs Pierre Mendès France affirme que le Marché commun ne « verra jamais le jour ». Il plaide pour une communauté franco-africaine où l’Europe n’a pas sa place.
38La question d’Euratom était plus délicate pour lui. Il s’agissait d’examiner si la création d’Euratom entraînerait une renonciation de la France et de l’Europe à la fabrication des armements atomiques. L’égalité entre tous les membres aurait abouti à un alignement sur l’Allemagne, privée du droit de fabriquer la bombe atomique. En dépit de ses dénégations, Mendès France n’avait pas exclu les applications militaires de l’énergie nucléaire. En effet, le 26 octobre 1954, un décret secret avait décidé la création d’une Commission Supérieure des applications militaires de l’énergie atomique99. S’il était opposé aux explosions nucléaires expérimentales, il avait accepté de lancer un premier programme d’équipement atomique, susceptible au bout de 3 ans de bifurquer vers les applications militaires. Georges Boris lui a conseillé de se méfier de l’égalitarisme européen de Monnet100. Fallait-il repousser Euratom pour ne pas être lié ? Mais l’absence d’une Europe atomique n’aurait-elle pas conduit l’Allemagne à l’aventurisme nucléaire ? L’Allemagne risquait de devancer la France dans la recherche nucléaire. Pire ! elle risquait de le faire grâce à des accords bilatéraux germano-américains. Ayant bien réfléchi, il vota contre les deux traités. Mendès France se méfiait des idées européennes de Jean Monnet et des projets européens de Guy Mollet. Il représentait une tendance de l’opinion parlementaire et publique françaises attachée à ne pas obérer l’indépendance de la France par des traités européens contraignants. Il faisait partie de ceux qui n’avaient pas encore bien saisi combien la France ne pouvait plus, seule ou appuyée sur ses colonies, bâtir sa prospérité et influencer le monde. Sans être anti européen, Mendès France ne croyait pas au relèvement français par l’Europe. Il estimait que la France devait préalablement se relever pour adhérer aux institutions européennes. Se manifestait en lui la crainte d’une atteinte à la souveraineté de la France, de l’humiliation en cas d’incapacité de la France à honorer les engagements. Les critiques de Mendès France ont sans doute été renforcées par les partisans d’une lecture libérale du traité de Rome. Dans le fond, quelles qu’aient été ses réticences, il les aurait surmontées si la Grande-Bretagne avait adhéré aux constructions nouvelles. Ses positions ternissaient son image auprès de ceux qui l’admiraient : « Comment un homme averti comme Mendès peut-il assurer que le moment n’est pas venu ? Le moment viendra-t-il jamais ? » écrit P.O. Lapie. Mendès France avait certainement en tête la situation financière difficile de la France à l’UEP. Cependant Mendès France évolua et finit, un an plus tard, par accepter le Marché commun, une « tentative imparfaite ». Il affirme qu’il est un européen. Il accepte des abandons de souveraineté. Il remarque objectivement que le Marché commun a profité aux industriels français. Il continue tout de même à stigmatiser les incorrigibles idéalistes de l’Europe, comme Monnet. 1959 fut une année clef de la transformation de Mendès France à propos du Marché commun. À quelque anecdote, on est conforté dans cette analyse : Georges Boris lui remit un jour une note sur l’Europe, Mendès France écrivit en marge : « C’est encore anti-Marché commun ! ». Bientôt il défendit l’eurocratie bruxelloise contre le nationalisme gaulliste. Il défendit aussi la supranationalité dont il se méfiait à condition de la contrôler par la démocratie. Cette valorisation de l’Europe unie était une réponse au gaullisme en action, un appel pour défendre la démocratie qu’il croyait menacée en France quand de Gaulle interrompit le passage à la règle de la majorité qualifiée le 31 juin 1965. L’exemple de Mendès France n’épuise pas la palette des critiques. Michel Debré, Conseiller de la République, expliquait au moment des ratifications qu’Euratom est une organisation volontairement réduite dans son étendue, qu’elle est tournée vers la dépendance américaine, que l’organisation handicape la France. Ses critiques du Marché commun étaient presque moins graves101. Elles annonçaient la différence de traitement réservé au deux organisations par de Gaulle. Les débats de ratification permirent très abruptement de percevoir les fantasmes des députés et de l’opinion. Ainsi Jacques Debu-Bridel, conseiller de la république repousse l’Europe des Six, parce qu’elle serait l’Europe des « sacristains et des technocrates ». Pierre Cot parla d’une « Europe bornée ».
39Monnet dont le triomphe était très limité, manifesta un grand intérêt pour les traités de Rome. Il réfléchit à un complément des traités dans le domaine monétaire, estimant que les dispositions de l’UEP étaient insuffisantes. Il fit appel à Robert Triffin et à Pierre Uri qui produisirent un texte précurseur dès 1957. Ce mémorandum appelait les Européens à créer un centre financier de premier ordre. Les conditions étaient de rendre convertibles les monnaies européennes entre elles, d’instaurer la confiance de l’épargnant, d’utiliser les réserves à des fins d’investissements productifs. Le moyen passait par la création d’un Fonds Européen de réserve alimenté par une fraction des ressources en devises des Etats participants. Les capitaux seraient libellés en unité de compte, dont la valeur aurait été alignée sur la monnaie européenne la plus stable102.
Le « contre » anglais
40Les Anglais ont tenté de faire capoter les traités en proposant le « Grand design ». Le Mouvement Européen (section britannique), dont Churchill était encore l’inspirateur, condamna un Marché commun sans zone de libre échange. Les Français pensaient que ce « grand dessin » ne pourrait être mené à bien en moins d’un an et que d’ici là Euratom et la CEE auraient été ratifiés. Ils ont donc choisi non pas d’affronter les Anglais mais de contourner l’obstacle en ratifiant vite les traités de Rome. Les Français n’étaient pas opposés à la création d’une Assemblée européenne unique comme les Anglais le demandaient, mais il était évident que la subordination des institutions européennes originales, telles la CECA, à ce Parlement européen aurait fait disparaître le caractère propre des organisations européennes continentales. Les organisations intégrées ne devaient pas être confondues avec les organisations de coopération. Les Anglais ont repoussé le Marché commun parce qu’ils savaient qu’ils ne pourraient pas en prendre la tête. A partir de mars 1957 ils ont parié sur le succès de la zone de libre échange pour contrarier la ratification des traités de Rome. En août 1957 le gouvernement britannique nomma Reginald Maudling à la tête de la délégation britannique aux négociations sur une Zone de libre-échange103.
Les déceptions d’Euratom
41Dans le domaine atomique, Euratom fut presque immédiatement une déception. Un accord bilatéral fut signé le 3 juillet 1957, après l’aboutissement des traités de Rome entre la France et les États-Unis disposant que les États-Unis fourniraient 2,5 tonnes d’U 235 pour la recherche et les réacteurs de puissance. Euratom, une fois mise en œuvre, hériterait des prérogatives de l’Etat français dans cet accord. Deux autres accords furent signés avec l’Italie et l’Allemagne. Mais les Américains ne purent empêcher les Français de mettre en place les instruments de la puissance nucléaire militaire nationale. La construction de l’usine de Marcoule allait dans ce sens (100 kg de plutonium par an)104. Ils continuèrent de s’interroger sur ce programme militaire estimant qu’il ne fallait pas le prendre au sérieux au moment où ils envisageaient de mettre à la disposition de leurs alliés de l’OTAN des armes atomiques105. Dulles a pensé que l’Union européenne à Six était une merveilleuse opportunité politique puisqu’elle assurerait la prospérité des Européens, les rendrait fort contre les dangers de l’est, ferait taire le danger allemand et dispenserait à terme les États-Unis de trop engager ses hommes en Europe. Les Américains ont rêvé l’Europe à travers les yeux de Monnet, ce fut Euratom-1, pacifique, supranationale et comptable de toutes les activités nucléaires européennes. La véritable Europe atomique, née des discussions inter européennes, pacifique, mais laissant place à des activités nucléaires nationales, fut acceptée par réalisme. Monnet s’était complètement trompé sur les intentions et les capacités françaises. Le nouveau gouvernement de Bourgès-Maunoury106, auquel des membres de l’équipe Guy Mollet appartenaient, tenta comme prévu de mettre Euratom au service des programmes français de développement atomique. Monnet se rendit compte que l’insistance française pour l’usine d’U-235 aurait des répercussions sur l’organisation européenne. Il alla même jusqu’à dire que la France, une fois en possession d’armes atomiques, serait « moins prudente à manier ces jouets dangereux que les Américains et les Russes ne l’avaient été107 ». Le moins que l’on puisse dire est que Monnet n’avait pas confiance dans son propre pays. Dulles prit position en décembre 1957 pour la création d’une usine de séparation isotopique construite par Euratom, avec l’aide des États-Unis. Il tentait ainsi d’empêcher la construction d’une usine par les Français. Reçu en privé par Eisenhower. en janvier 1958, Monnet devenu encore davantage « monsieur Europe », apprit que les États-Unis étaient disposés à aider Euratom pour financer des réacteurs atomiques ($ 100 millions) et à fournir le combustible de ces réacteurs. Monnet joua encore un rôle important « behind-the-scenes » dans la préparation des décisions concernant la nomination des membres de la commission de la CEE et celle de l’Euratom. La coopération entre Euratom et les États-Unis fut sollicitée rapidement, puis effectivement engagée. On vit encore Monnet, en juin 1958, insister auprès de Christian Herter pour que le gouvernement américain ratifie le plus vite possible les accords de coopération. Le 12 juin 1958, Dulles recommanda au Président des États-Unis d’approuver un prêt de $ 135 millions pour la constructions de 6 grandes centrales atomiques en Europe108. Alphand formula quelques remarques à Herter à propos d’une éventuelle modification des modalités d’inspection des États-Unis concernant l’utilisation de produits fissiles américains par Euratom en raison de l’arrivée au pouvoir de De Gaulle. Rassuré, le gouvernement de Gaulle ne manifesta pas de critiques particulières. Au contraire, puisque en janvier 1959 des représentants français arrivèrent aux États-Unis pour négocier un nouvel accord bilatéral franco-américain concernant le transfert d’U-235 américain au profit d’usages paramilitaires français (le moteur expérimental d’un sous-marin). Le département d’Etat s’est préoccupé de vérifier si des conversations préalables avaient eu lieu entre les Français et Euratom. Les États-Unis auraient été ennuyés de devoir passer par dessus Euratom. Les Français ont cherché à se mettre d’accord avec Euratom, ce dont Dulles s’est félicité. Il n’y a pas eu dans les premiers mois du retour au pouvoir de De Gaulle de provocation à l’égard d’Euratom. Toutefois cette organisation ne répondait pas aux vraies espérances françaises, la fabrication d’U-235.
La coopération franco-italo-allemande pour l’Europe ?
42Après la signature des traités de Rome et leur ratification, la coopération entre la France, l’Allemagne et l’Italie s’accentua. La question d’une relance nucléaire européenne est posée. Le 9 mai 1957 le ministre de la Défense Nationale avait prescrit aux forces aériennes françaises « une orientation nettement offensive », comportant une force de frappe et une force d’intervention qui ne devait pas seulement se préparer à la mission OTAN mais également à d’autres missions qui pouvaient être « purement nationales ». Le Mirage III, avion tactique léger, était chargé de missions offensives. La question de doter le Mirage d’une bombe nucléaire tactique 1957 pour répondre aux intérêts nationaux français a été envisagée très clairement lors d’une réunion au Secrétariat d’Etat Air le 27 septembre. Le Mirage devrait être adapté « aux missions tactiques, et notamment aux attaques en pénétration, à l’aide de bombes classiques, d’engins Air-Air adaptés aux tirs A/S et si possible de la bombe atomique tactique109 ». Le Mirage III devait pouvoir recevoir une bombe atomique tactique américaine si les Allemands l’achetaient. Ces préoccupations tactiques des Français dans le domaine nucléaire correspondaient aux réflexions du général Gallois110.
43Maurice Faure, membre du gouvernement Gaillard111, discuta la forme de l’accord à Bonn, le 16 novembre 1957, en relation avec le général Lavaud et l’Etat-major de la Défense Nationale. On y constate l’engagement des Allemands pour la construction en commun d’armes nucléaires, explique G.-H. Soutou112. Des contacts furent établis avec Taviani, ministre italien de la défense. Maurice Faure rencontra Von Brentano et Adenauer. Ils estimèrent que les fusées à longue portée américaines et soviétiques risquaient de provoquer le départ d’Europe des États-Unis. En conséquence une Europe de la Défense était de nouveau à l’ordre du jour et une discussion entre les deux ministres Strauss et Chaban-Delmas était indispensable. Son idée était de signer un accord tripartite pour une politique de défense européenne et de recherche fondamentale dans le domaine du nucléaire. « Á la fin de l’entretien, Maurice Faure mentionna un compte-rendu confidentiel du général Lavaud, d’après lequel l’Etat-major français s’était déclaré favorable à une collaboration aussi complète et étroite que possible avec l’Allemagne » écrit Adenauer113. Cette relance de la coopération franco-allemande s’explique par les conceptions françaises en matières stratégiques et tactiques, et par les limites des programmes de coopération réellement engagés. Peut-on parler d’une politique de défense européenne après la signature des traités de Rome ?
44Une coopération franco-allemande sur le vecteur de la bombe tactique et sur les engins stratégiques était la bienvenue en raison des coûts financiers énormes. L’ambassadeur François Puaux rappelle cet épisode114. Les responsables français et allemands en signant l’accord avec les Italiens avaient pour objectif la mise en œuvre d’un armement nucléaire et de ses vecteurs. Il n’y a apparemment guère d’Europe dans ces projets. Pourtant, au moins jusqu’au premier trimestre 1958, le doute existe. Les accords Strauss-Chaban Delmas du 20 novembre 1957, élargis semble-t-il aux Italiens le 28 novembre 1957, portent sur un projet de coopération tripartite franco-germano-italienne dans les domaines des constructions aéronautiques, la fabrication d’engins spéciaux, une première approche commune dans le domaine des recherches nucléaires115. Il y a là une authentique esquisse de coopération européenne continentale dans le cadre général de l’OTAN (Maurice Faure et Christian Pineau) ou en vue de renforcer le potentiel national français (Bourgès-Maunoury et Chaban-Delmas). Peut-on aller au delà et parler d’un projet de Défense commune européenne ? Peut-être, si l’on remarque que cet accord a été caché aux États-Unis dans un premier temps, parce qu’il porte en lui les germes d’une rupture de la stratégie de l’Alliance atlantique. Observons qu’existent deux organisations parallèles chargées des affaires nucléaire. Euratom d’un côté adonnée à des fins civiles, et une organisation à trois, secrète, destinée à produire des armes nucléaires. Le lien entre les deux est réalisé par le projet français de faire construire par Euratom une usine de séparation isotopique pour l’U-235. L’intérêt allemand pour des armes atomiques est évident. Adenauer le dit lui-même au Bundestag le 20 et 21 mars 1958116. Le protocole d’accord entre la France, la RFA et l’Italie du 25 novembre 1957117, a été signé en considération de « problèmes ayant un caractère européen propre », lit-on dans les papiers du ministre des Affaires étrangères.
45Cet accord aurait pu marquer le début d’une indépendance européenne dans le domaine de la défense. Il n’a pas eu le retentissement politique international mérité du fait des profondes hésitations tactiques des Européens que trahit son caractère secret. Les documents concernant les réunions des commissions tripartites font régulièrement allusion à cet accord du 28 novembre 1957. Ainsi en 1960, il est dit que l’accord du 28 novembre 1957 avait pour objectif de réaliser des programmes communs d’armement, de standardiser les armements, de réaliser des études en commun, et même d’utiliser en commun ces armes118. Un document de 1960 se réfère explicitement au volet nucléaire de l’accord. Il indique que l’accord prévoit une coopération dans le domaine de l’aéronautique, de l’électronique, des engins guidés et du nucléaire. Il précise aussi que « ce dernier domaine n’a pas été étudié jusqu’à présent119 ». En effet de Gaulle a écarté la coopération nucléaire avec l’Allemagne. Il semble indiquer que l’accord n’a pas eu d’application nucléaire dans les six derniers mois de la IVe République. Une occasion était donnée de mesurer l’efficacité de la coopération franco-allemande et de l’insérer dans un effort européen d’armement, le développement des Mirage III. Un protocole d’accord franco-allemand sur l’achat des Mirage est signé en octobre 1957. En décembre 1957, la nouvelle fiche technique du Mirage III (vecteur d’une bombe tactique) est acceptée par le pilote d’essai allemand Werner et par Strauss120. Or en décembre, Strauss envoie à Chaban-Delmas une lettre expliquant que les avions américains sont supérieurs aux Mirage. Il demande une coopération pour développer un Mirage de seconde génération. Le Mirage III n’était encore qu’un prototype121. Le général Kammhuber défend le F 104 américain au nom des impératifs stratégiques pesant sur la nouvelle Luftwaffe. Il veut une machine apte à l’interception et à l’attaque au sol. Or le Mirage est seulement un intercepteur. Pour toutes ces raisons il repousse les matériels français. Le gouvernement de la RFA cultiva l’ambiguïté et choisit finalement les matériels américains122. Adenauer le regretta : « On peut toutefois se demander si la République fédérale n’a pas exagéré, en particulier dans les années suivantes, ses commandes d’armes aux États-Unis et ne s’est pas mise par là dans une trop grande dépendance de ceux-ci123 ». On a du mal à comprendre pourquoi il a tant hésité en 1958. Quelques conventions particulières, signées au début de l’année 1958, découlent des accords du 28 novembre 1957. Une convention est signée à Bonn le 21 janvier 1958 entre les trois ministres à propos de la coopération dans le domaine des armements. Il en sort un Comité central tripartite composé d’officiers de haut grade pour guider les travaux des experts. Les Français auraient proposé aux Allemands d’utiliser en commun les installations et les centres d’essais de l’aéronautique militaire124. Un protocole secret aurait été signé entre les trois ministres en février 1958 sur la construction d’une usine de séparation isotopique, préfigurant une sorte de CED atomique125. Nous savons que Jacques Chaban-Delmas, ministre de la Défense Nationale, avait la volonté de réaliser une coopération franco-germano-italienne sur les armements atomiques puisque le 20 mars 1958 il demande à Christian Pineau, ministre des Affaires Etrangères, de sonder les États-Unis sur ce projet. Pineau laisse entendre que cette coopération tripartite n’était pas encore engagée, ce qui indique qu’un accord tripartite n’était pas encore signé126. L’accord définitif a été signé le 8 avril 1958 à Rome127. « On ne connaît pas, écrit G.-H. Soutou, la contrepartie prévue, qui d’après certaines indications, aurait pu être soit la constitution d’une force nucléaire tripartite, soit le stockage en France de bombes nucléaires qui n’auraient été remises à l’Allemagne qu’en cas de guerre ». Le financement aurait été de 45 % pour la France, 45 % pour la RFA, 10 % pour l’Italie128. Bonn aurait même passé un accord pour participer au développement des bombes françaises et de leurs vecteurs en échange du contrôle de quelques-unes d’entre elles basées en France129. Á cette époque circulaient en Angleterre et aux États-Unis des rumeurs sur une aide allemande à la France dans le domaine atomique. Il est vrai qu’Adenauer venait de se prononcer en faveur de l’armement nucléaire de la Bundeswehr. Il réclamait des armes nucléaires tactiques. Les rumeurs ont été démenties130. En tous cas le décret permettant l’achat des terrains de Pierrelatte est signé par Gaillard le 11 avril 1958 avec ordre d’expérimenter la bombe atomique au premier trimestre 1960.
46La construction d’armes nucléaires à deux ou à trois n’était-elle qu’ingénuité de la part des dirigeants de la IVe République comme semble le croire l’ambassadeur François Puaux ? L’hypothèse de la matoiserie française n’est pas à écarter (faire payer à l’Allemagne le développement du programme), ni celle de la sécurité (encadrer le développement des technologies allemandes de pointe). Les recherches récentes confirment que les dirigeants du Front Républicain, puis les gouvernements Bourgès-Maunoury et Gaillard espéraient construire avec l’Allemagne une défense ayant une dimension nucléaire. La thèse d’une Europe de la Défense, dans l’esprit des traités de Rome, est douteuse, mais l’intention a été proclamée plusieurs fois. L’intérêt bilatéral ou national l’emportait. Pourtant Français, Allemands et italiens n’avaient pas exclus ce que nous appelons aujourd’hui une Défense européenne commune.
Les idées de Félix Gaillard sur la Zone de libre échange
47L’OECE s’est saisie de la question d’une Zone de Libre Echange, à l’initiative de la Grande-Bretagne le 19 juillet 1956, alors que les négociations du Marché commun et de l’Euratom progressaient rapidement. L’affaire était importante car comme le pensaient Mendès France ou Ramadier et la plupart des responsables français, une Europe à Six n’était pas le vrai destin de l’Europe unie. Le fait même que l’Angleterre propose cette négociation contentait forcément les Français, intéressés par une implication de la Grande- Bretagne sur le continent.
Une proposition bien accueillie
48La proposition britannique de créer une zone de libre-échange entre les pays de la CEE et les autres membres de l’OECE fit sensation. Les 11 pays de l’OECE (sur 17) non membres du Marché commun désiraient absolument éviter une discrimination douanière entre grande et petite Europe. Trois groupes de travail de l’OECE furent créés pour analyser les problèmes relatifs à ces questions. Immédiatement les services français se demandent s’il ne s’agit pas d’un sabotage de l’Europe des Six131.
49Les négociations tardèrent à démarrer car les Six donnèrent la priorité à la bonne fin des négociations des traités de Marché commun et d’Euratom. Mais si les Italiens émirent des réserves, les Allemands furent immédiatement favorables à une zone de libre-échange tout en défendant l’autonomie de la CEE132. Les Anglais durent attendre la fin des négociations du Marché commun et de l’Euratom et les ratifications pour se faire entendre à nouveau. Les Britanniques proposèrent une zone de libre-échange excluant les produits agricoles, de façon à maintenir les courants d’échanges avec le Commonwealth, tout en profitant de l’ouverture de l’Europe à leurs produits industriels133. La Grande-Bretagne, dit David Eccles, Président du Board of Trade, « appartient à cette communauté de peuples qui s’appelle le Commonwealth134 ». L’Angleterre se rapprochait du continent pour conjurer Je spectre de l’autarcie de la CEE, mais toute sa politique consistait donc à obtenir le maintien des avantages du Commonwealth.
50La zone de libre-échange avait suscité dans le personnel gouvernemental français une certaine sympathie. L’Assemblée nationale avait accepté le principe d’une zone de libre-échange en janvier 1957 pour impliquer la Grande-Bretagne sur le continent. Cependant après avoir compris ce que voulaient les Anglais, un anglophile aussi déterminé que Paul Ramadier, ministre des Affaires économiques et financières, rappelait que la France ne saurait oublier l’Algérie et les DOM et surtout qu’elle ne pouvait supporter de charges nouvelles en plus de celles du Marché commun135. En somme les intentions du gouvernement français sur la zone de libre-échange étaient floues. Les services proposaient de ralentir les travaux à l’OECE pour donner au gouvernement le temps de la réflexion136. Une esquisse de position française fut élaborée par François Valéry au Quai d’Orsay (direction des Affaires économiques et financières), fondée sur l’hypothèse d’une réussite de la négociation137. Les Français repoussaient les accusations de Maudling, le négociateur anglais, insinuant que le Marché commun divisait l’Europe. Les Français n’imaginaient pas une zone sans tarif extérieur commun (TEC). Ils étaient attachés aux institutions de type CEE138. Ils étaient prêts à accepter des abaissements tarifaires et des extension de contingents en échange d’une coordination des politiques économiques, financières et sociales139.
Un projet politiquement utile, économiquement impossible
51La perspective de voir les Anglais participer à une zone de libre-échange effrayait les services français tant aux Finances qu’au Ministère des Affaires Etrangères. Les Anglais disposaient d’une puissance industrielle énorme, d’un marché impérial, de ressources charbonnières abondantes et d’instruments financiers performants. Ils étaient capables d’absorber le Marché commun. Les pays Scandinaves eux-mêmes semblaient redoutables dans certains domaines industriels et agricoles. Les pays européens en voie de développement distribuaient de bas salaires. Les TOM français seraient ouverts au commerce allemand et italien. Serait-il possible de coordonner les politiques de tous ces pays si divers ? Toutes ces raisons de fond, sérieuses ou fantasmatiques, expliquent que la France désirait exercer une discrimination raisonnable entre les Six et la zone de libre-échange.
52Les services conseillèrent donc la prudence au nom surtout de la situation économique conjoncturelle et de la balance des paiements140. Cependant les Six ne pouvaient s’isoler. Il fallait sauvegarder l’UEP, œuvre de l’OECE. Ne fallait-il pas aussi dépasser le tête-à-tête franco-allemand, gênant selon certains services ?141 Aux deux solutions extrêmes de l’absorption du Marché commun par la zone de libre-échange ou de la forteresse des Six fondée sur le couple franco-allemand, le Quai d’Orsay proposait de réduire progressivement les discriminations entre les Six et les autres pays de l’OECE. Cette politique jugeait que la grande Europe était utile financièrement et économiquement à la France, puisque l’UEP apportait des crédits européens à la France et que ses partenaires à l’OECE lui ouvraient libéralement leurs marchés alors qu’elle discriminait provisoirement. Les Anglais se rendirent compte de l’impossibilité de conclure rapidement un traité de libre-échange. Ils se sentirent dupés d’avoir laissé se dérouler le processus des ratifications des traités de Rome. Bon prince, Olivier Wormser dit que la France « essaiera de ménager le principe du maintien de la préférence impériale auquel tient le gouvernement de Londres142 ». Il réclama tout de même le maintien d’une spécificité douanière pour les Six. Marjolin, alors au cabinet du ministre des Affaires étrangères, résume bien le dilemme : « la zone de libre-échange est politiquement nécessaire (en raison de nos liens d’amitié avec la Grande-Bretagne), mais économiquement impossible143 ». Ces hauts fonctionnaires se rendent compte des incompatibilités entre la zone de libre-échange et le Marché commun, mais ils sentent aussi que « le Marché commun porte la zone de libre-échange comme la nuée porte l’orage144 ». Ils demandent donc au gouvernement de prendre une décision145. On savait Félix Gaillard, Président du Conseil depuis novembre 1957, et Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères, personnellement favorables à la zone de libre-échange. Maurice Faure, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, défendait l’unification européenne comme un impératif politique146. La décision leur revenait. Comment choisir ?
53Les responsables politiques pouvaient difficilement ignorer les résistances des milieux économiques français. Le Conseil National du Patronat français (CNPF) avait publié le 17 septembre 1957 un texte très critique sur la zone de libre-échange147. Le textile, l’automobile, les aciers spéciaux, le papier, l’agriculture y étaient hostiles148. Toutes les branches industrielles avaient critiqué le projet de zone de libre-échange. Un danger mortel, estime la Chambre de commerce d’Épinal en janvier 1958, pour l’industrie cotonnière des Vosges en raison du risque d’invasion des produits bas de gamme de Hongkong, via le marché anglais, si les préférences sont maintenues. Cette raison est invoquée par la chambre de commerce de Charleville à propos des dangers que courraient le textile et l’automobile français. Les papetiers et les électrométallurgistes se sentent menacés par les Scandinaves. La Chambre de commerce de Roubaix craint la fin du Marché commun et le dumping salarial. La Chambre syndicale des constructeurs d’automobiles juge l’industrie française incapable de répondre aux constructeurs britanniques plus habiles qu’eux à vendre sur le continent. Les DOM protestent au nom de l’égalité entre départements parce qu’ils auraient été exclus de la zone de libre-échange. La Chambre de commerce de Strasbourg dénonce l’absence de TEC, d’harmonisation, l’exclusion des produits agricoles, l’absence de participation de l’Empire britannique. Robert Marjolin observe : « L’objection-clé était essentiellement la suivante : la zone de libre-échange aurait donné aux Anglais pour les produits qui les intéressaient, les produits industriels, les mêmes avantages que les partenaires du Marché commun s’accordaient réciproquement sans que les Anglais eussent à accepter les contreparties et obligations diverses que les Six avaient jugé nécessaires d’inscrire dans leur projet de traité pour en assurer l’équilibre, la création d’un TEC, le développement progressif d’une politique commerciale et d’une politique agricole communes, l’harmonisation, sur certains points, des législations sociales149 ».
54Invités aussi à donner leur avis les services de l’État réagirent. La Marine veut mettre hors zone la pêche, maintenir le monopole du pavillon, protéger la marine de commerce face aux Anglais et aux Norvégiens. La France d’outre-mer veut exclure les DOM et les TOM (Jacquet). Ces ministères défendent manifestement des intérêts économiques. D’autres veulent gagner du temps. Leurs raisons sont d’ordre politique. Félix Gaillard, Chef du gouvernement, comme Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères, craignent un échec semblable à celui de la CED150. Des ministres veulent bien la zone de libre-échange mais redoutent le Parlement. D’autres veulent faire échouer la zone de libre-échange mais redoutent l’affrontement avec les cinq et la Grande-Bretagne. La diversité d’appréciation est énorme. La direction d’Europe joue la carte de l’utilité politique de la zone de libre-échange. En effet en cas de crise, la solidarité atlantique est nécessaire. La zone de libre-échange la renforcerait. Elle serait un moyen de lier la Grande-Bretagne au continent. Elle évite le neutralisme des Scandinaves. La zone de libre-échange aura un effet attractif sur la Yougoslavie151. La conclusion s’impose. Les Français n’en veulent pas. Mais faut-il les écouter ?
Le projet français d’Union européenne de Coopération Économique
55La position française sur la zone de libre-échange fut définie par le gouvernement de Félix Gaillard, le 24 février 1958, à travers le projet d’Union Européenne de Coopération Économique152. Il propose que le rythme du désarmement douanier soit plus rapide entre les Six du Marché commun qu’entre le Marché commun et les Onze, au sein de l’UECE. Il demande l’inclusion des produits agricoles dans la zone de libre-échange-UECE et l’élaboration de politiques communes. Ce texte cherche à désarmer les opposants et à lever les réserves sur le principe de la zone de libre-échange. En effet, sauf le ministre des Finances et des Affaires économiques, Pierre Pflimlin, les différents ministères techniques sont réticents. Félix Gaillard, le Président du Conseil, estime que la France n’est pas en mesure d’entrer directement dans une zone de libre-échange. Aussi adopte-t-il l’idée d’un décalage de 3 ans du désarmement douanier et contingentaire entre les Six et les Onze. Il demande la non automaticité du passage à l’étape suivante, des études sur les conditions de la concurrence et bien sûr une zone de libre-échange comprenant les produits agricoles. Le projet recommande d’éliminer les obstacles aux échanges, à condition d’élaborer des politiques communes (concurrence, accords par secteurs, PAC)153.
56On retrouve dans ce texte les accents bien connus des positions françaises à l’OECE depuis 1948, sur le « développement concerté des productions et des échanges dans les domaines de base les plus importants comme l’agriculture154 ». Ce projet s’inspire beaucoup des dispositions du Marché commun155. La notion de politique commune est devenue familière aux Européens de notre temps après l’adoption du traité d’Union Européenne, mais une telle ambition était insupportable aux Britanniques. Ce projet reflétait les rapports économiques entre la France et ses partenaires non communautaires. Ce projet était-il calculé pour conduire à l’échec ? Nous ne le pensons pas parce que Gaillard était sincèrement pro-européen. Mais il était conscient des limites de la balance commerciale française, malgré le plan de stabilisation et la quasi dévaluation de 20 % de l’été 1957. Un haut fonctionnaire le soutint publiquement dans la presse, regrettant seulement que les règles du Marché commun ne puissent être appliquées à la zone de libre-échange. Néanmoins, dit-il, le contre-projet français, qui abandonne le mot de zone de libre-échange, « traduit le souci de s’engager vers un système plus souple tenant mieux compte de la situation des pays et d’un équilibre entre ceux-ci156 ». Ce texte était conforme à la politique française traditionnelle d’unité européenne, mis à part l’intermède du plan Schuman et de la CED157.
57Le projet Gaillard a été approuvé dans son principe par les partenaires de la France au sein des Six, mais il n’a pas été retenu158. Au cours d’un entretien entre Maurice Faure et Ludwig Erhard, le 20 février 1958, ce dernier a manifesté cordialement mais très fermement son opposition. Maurice Faure de son côté a plaidé pour une position commune des Six qui soit proche des thèses françaises. Erhard a fait ressortir combien il serait dangereux de rompre avec les Britanniques qui dans ce cas prévoyaient une union avec les Scandinaves159. La tactique des 5 était habituelle. Ils voulaient avancer vers les Anglais. Reginald Maudling affirme sèchement qu’il n’est pas question « de diminuer la préférence sur les produits agricoles importés du Commonwealth »160. Les discordances entre la France et l’Angleterre empêchent un accord. Dans ce conflit les partenaires de la France au sein du Marché commun ne peuvent guère contester la défense des très jeunes traités de Rome. Mais certains, comme Erhard, sont tentés de jouer les intermédiaires, mettant ainsi en danger la solidarité des Six, au nom du libéralisme ou d’un inéluctable attrait des grands et larges marchés sur les entreprises allemandes.
58Un compromis est-il possible ? En dépit de propositions techniques ingénieuses de l’Italien Carli, les divergences entre les Six sont beaucoup trop profondes pour être surmontées. Les 5 sont opposés au recours unilatéral aux clauses de sauvegarde alors qu’ils sont accommodants pour les préférences impériales britanniques161. La France est isolée. Les Six ont cependant un réflexe politique pour surmonter leurs différences. C’est le rapport Ockrent disponible dans l’été 1958. La négociation sur la zone de libre-échange est volontairement dramatisée dans la perspective du premier abaissement de 10 % des droits de douane et l’élargissement des contingents entre les Six du Marché commun au 1er janvier 1959. Les Anglais ont promis de lutter contre cette discrimination insupportable. Les Français doutent des capacités de leur économie d’assumer sans aide extérieure les engagements du Marché commun. Les Américains de Paris jugent que l’entrée effective dans le Marché commun sera délicate pour la France, qu’elle lui coûtera entre $ 100 et $ 150 millions de charges supplémentaires et qu’une aide allemande sera sans doute nécessaire. De plus, à l’entrée dans le Marché commun, s’ajouteront les libéralisations retardées dans le cadre de l’OECE (environ 120 milliards de francs d’après Clappier, 200 milliards de francs au total)162.
59L’offensive anglaise pour briser l’opposition française à la zone de libre-échange échoua. Si le projet de zone de libre-échange pouvait paraître attrayant, y compris pour certains intérêts économiques français tournés vers le Commonwealth163, il était stupéfiant de constater que la Grande-Bretagne voulait accéder au Marché des Six sans renoncer aux traditionnels privilèges impériaux. La zone de libre-échange semblait donc monstrueuse164. Les gouvernements de la IVe République ont défendu les traités de Rome. Ils n’étaient pas prêts à céder aux Britanniques ou à Erhard165, d’une part au nom d’un authentique choix politique en faveur de la petite Europe, d’autre part en raison des fragilités supposées de l’industrie française, et enfin en raison de la non participation de l’agriculture à la zone de libre-échange, ce qui lésait gravement les intérêts français.
Conclusion
60L’entente franco-allemande à Val Duchesse a-t-elle sauvé l’Europe du Marché commun et de l’Euratom ? Sans aucun doute, puisque la rencontre du 6 novembre 1956 a été décisive. Mais on connaissait moins le jeu subtil que Français et Allemands jouaient, les uns pour promouvoir leur capacité nucléaire, les autres pour participer au réarmement et partager un tant soit peu les secrets nucléaires. Les deux gouvernements ont parfois oublié, à propos d’Euratom, la finalité unitaire de cette organisation. L’accord que les Allemands donnent aux Français à propos d’Euratom semble s’accompagner d’une recherche de puissance allemande, ou d’une recherche de sécurité, fondée sur le couple franco-allemand. La culture du pré carré national est parfaitement visible dans le cas de l’Euratom, une construction « européenne ». Un petit groupe a su agir avec finesse dans les structures de l’État au temps de la IVe république. Gaston Palewski, ministre chargé de l’énergie atomique et Pierre Kœnig, ministre de la Défense nationale en 1955 (Pinay) ainsi que le Commissariat à l’Énergie atomique (CEA) ont choisi de créer une force militaire nucléaire française tout en l’appuyant techniquement et financièrement sur un projet d’Europe atomique (EURATOM)166. Les armées ont joué un rôle de pression fort efficace auprès des gouvernements en faveur de la force nucléaire française167. Une autre surprise apparaît aussi. La cellule « Europe » du cabinet Guy Mollet est décidée à faire entrer la France dans le Marché commun. L’idée de privilégier Euratom sur le Marché commun n’est pas juste. Les deux institutions sont une priorité. Le Marché commun représente nettement le choix de l’Europe unie, tandis que l’Euratom signifie plus de poids et d’influence pour la France dans la communauté européenne des Six. Les négociations sur l’élargissement de la zone de libre-échange aux pays du Marché commun échouèrent. Les Anglais opposèrent un « non-possumus absolu » à l’entrée des produits agricoles continentaux en Grande-Bretagne. Ils rejetèrent la possibilité d’une adhésion des colonies britanniques à une zone de libre échange élargie aux pays du Marché commun. Ils contestèrent la forme de l’adhésion des TOM des Six au Marché commun, comme contraire au GATT. La rancœur britannique éclatait au grand jour168. Les Français étaient disposés à accepter une zone de libre échange à condition que l’essentiel y figurât, c’est-à-dire l’inclusion des produits agricoles, comme l’indiquent les entretiens entre Maurice Faure et le Chancelier de l’Échiquier, Thorneycroft en mai 1957169. Les Anglais avaient marqué leur profonde méfiance vis-à-vis des nouvelles institutions européennes. La France devait en tenir compte.
Notes de bas de page
1 DDF, 1956-3, n° 123, p. 197, note pour le Président du Conseil en vue des entretiens prévus au cours de la visite à Paris du Chancelier Adenauer, Paris 3 et 5 novembre 1956.
2 Jacques Van Helmont, Options européennes, 1945-1985, Perspectives européennes, 1986, p. 62. ; voir aussi Christian Pineau, in Enrico Serra, La relance européenne, op. cit, p. 525.
3 Christian Pineau et Christine Rimbaud, Le Grand pari, Fayard, 1991.
4 840.1901/11-1956, Douglas Dillon, to Foster Dulles, Paris, November, 19, 1956.
5 840.1901/11-2956, Dillon, Paris, to Secretary of State n° 2661, November 29, noon.
6 840.1901/1-1053, Euratom, especially military uses, Cleveland-RA, Van Baard, Netherland Embassy, memorandum of conversation, October 10, 1956.
7 840.00/10-2656, Dillon to Secretary of State, n° 1970, October 26, noon. « It appears to me that Mollet-Adenauer meeting will be indeed crucial and that now is the time for US to use any or all influence it may have with Adenauer to get him to understand the necessity for ownership and monopoly supply of nuclear materials by Euratom ».
8 840.00/0-2156, Adair, Brussels, to Secretary of State. n° 309, September 21, 6 p.m., From Butterworth.
9 Christian Pineau, Christine Rimbaud, Legrand pari, l’aventure du traité de Rome, Fayard, 1991, p. 223.
10 Z Europe 1955-1960, Allemagne 26, cr entretiens Guy Mollet, K. Adenauer du 6 novembre 1956, en présence de Pineau, Faure, Couve de Murville, Von Brentano, Von Maltzan, etc.
DDF 1956-3, n° 138, p. 235, Procès-verbal de l’entretien du 6 novembre 1956 entre le président Guy Mollet et le Chancelier Adenauer.
Voir aussi G.-H. Soutou, « les accords de 1957 et 1958 : vers une communauté stratégique et nucléaire entre la France, l’Allemagne et l’Italie ? », in Matériaux pour l’histoire de notre temps, avril-juin 1993, n° 31. p. 1-12.
11 SGCI, F60, classement provisoire, carton 13, boite 122.14.
12 740.00/3106, Bonn, from american Embassy to Department of State, n° 1095, despatch, E. O’Shaughnessy, counselor of Embassy, January 8, 1957, German policy regarding West European Integration from September-December 1956
13 840.00/11-1256, aide-Mémoire 12 novembre 1956, Embassy of Federal Republic of Germany, Washington DC, « The difficulties which had appeared at the Foreign Ministers Conference of the 21st of October concerning the drafting of treaties establishing a Common Market and Euratom have been overcome at the meeting of Chancellor Adenauer and Prime Minister Mollet in Paris, November 6, 1956 »
14 RG 469, Office of African and European Operations regional organizations staff, subject files 1953-57, box 68, Dillon to Secretary of State, n° 2460, November 19, noon
15 Archives Paul Ramadier, 52 J 118, 30 mai 1956, R. Sadrin et P.P. Schweitzer, note pour le président, n° 244 cd,
16 DDF 1956, 1, n° 366, Conférence franco-allemande de Luxembourg, directives des ministres, le 5 juin 1956.
17 DDF 1956, 2, n° 235, M. Pineau, MAE aux représentants français à l’étranger, Paris, 2 octobre 1956, cire. n° 73/SGL. Bilan des conversations Adenauer/Mollet sur la Sarre après leur rencontre du 29 septembre dans Ramadier, 52 J 118, note pour le président, PPS et R. Sadrin du 12 octobre 1956, DT 546 CD, négociations sur la Sarre, l’affaire Röchling, la canalisation de la Moselle et le canal d’Alsace.
18 DDF 1956, 3, n° 59, Couve de Murville, ambaF à Bonn à M. Pineau, MAE, tel 3320-3324, Bonn 30 octobre 1956, 22 h 20
19 NND 881 090, Memorandum, 9/ 20/56, From EUR- Mr. Elbrick to Secretary of State, Program to secure Nuclear base rights and increase Nuclear capability through NATO.
20 DDF-3, 1956, n° 192, p. 334, note du secrétariat général, Paris 16 novembre 1956.
21 SGCI, F60, classement provisoire, carton 23, dossier 122.17 (III), déclaration de CHRISTIAN Pineau conférence des MAE de Paris, 20-21 octobre 1956, p.v.
22 840.1901/1-1857, Department of State., J FD. the Secretary, January 18, 1957, memorandum of conversation with Mr. Jean Monnet.
23 DDF 1956-3, p. 576, n° 316, note du Secrétariat Général, la négociation d’Euratom, Paris, 21 décembre 1956 ; et non pas en février comme le dit P. Guillen, La relance européenne, op. cit, E. Serra (ed, p. 186.
24 SGCI, F60, classement provisoire, carton 24, dossier 122.18, Bruxelles 28 novembre 1956, R. Bousquet, ambassadeur de France en Belgique à M. Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères, attitude des délégations de nos 5 partenaires, analyse confidentielle.
25 Christian Pineau. Christine. Rimbaud, Le grand pari, op. cit, p. 237.
26 Jacques Van-Helmont, Options européennes, 1945-1985, Perspectives européennes, commission des communautés européennes, 1986, p. 64.
27 840.1901/2-857, memor. of conversation, February 8, 1957, Euratom and Related Questions.
28 52 J 104, Ministère des affaires économiques et financières, Sadrin, 16 janvier 1957, n° 18cd, note pour le président. Objet : Négociations sur l’Euratom, 3 pages.
29 DDF 1957-1, n° 8, M. Faure, SE aux Affaires étrangères, à M. Hallstein, SE aux Affaires étrangères, 2 janvier 1957.
30 M. Vaïsse, « un dialogue de sourds, les relations nucléaires franco-américaines 1957-1960 », Relations internationales, n° 68, hiver 1991, p. 409.
31 Jean Delmas, « L’armée entre l’Algérie et la bombe A, 1956-1962 », Relations internationales n° 57, printemps 1989, p. 79 ; Pierre Maillard, De Gaulle et l’Allemagne, Plon 1990, p. 157 ; Georges-Henri Soutou, « les problèmes de sécurité dans les rapports franco-allemands de 1956 à 1963 », Relations internationales, n° 58, été 1989, p. 227-251.
32 DGA, 1200409046/04515, carton 8, 1955-1962, organisation et gestion, dossiers, archives de l’IG Bonte, Buisson ; IG Buisson, cr. entretiens du 7 novembre 1956 avec le Lt-Colonel Leveque, objet : questions allemandes ; G.-H. Soutou, « les accords de 1957 et 1958 : vers une communauté stratégique et nucléaire entre la France, l’Allemagne et l’Italie ? », Matériaux pour l’histoire de notre temps, avril-juin 1993, n° 31 p. 3 note 19 ; G.-H. Soutou cite pour soutenir le même argument une note du Quai d’Orsay du, Secrétariat général, 22 janvier 1957. Il ne voit pas la connotation européenne.
33 DGA, 1200409164/0451701, Carton 1953-1961, relations internationales, Inventaire 254, Wirth, AmbaF. Bonn 14 novembre 1956, à Diplomatie Paris.
34 SHAA, E 2085, Laforest, DTIA, secrétariat d’Etat aux Forces Armées Air, à M. le ministre de la Défense nationale et des Forces armées, 10 janvier 1957, possibilités d’échanges franco-allemands en aéronautique (recherches- prototypes- fabrications).
35 1 A 445, cr 2e session du Comité économique franco-allemand, Bonn, 11 janvier 1957.
36 DGA, 5-6-11, carton 122, 123, 133, Coopération franco-allemande en matière d’études et de fabrication d’armements, date non précisée, niais 1960, source non indiquée ; voir aussi 12004090613/04515, carton 12, 1957-1962, Organisation et gestion, dossier, archives de l’IG Bonte ; DTIA, note, 28 décembre 1959, 2916, coopération franco-allemande ; ces documents évoquent l’accord de Colomb-Béchar ; cf. aussi entretien avec IG Robineau du 28 septembre 1992 et lettre à G. Bossuat du 1er octobre 1992 : « Je peux ajouter qu’après avoir cherché -en vain- à Chatellerault, ce document dont j’avais entendu parler à l’époque (et presque jamais ensuite, j’ai pu en voir une copie dans le carton 15T848, classement provisoire, au SHAT à Vincennes » ; voir les extraits de cet accord tels qu’ils ont été rapportés par l’IG Robineau dans : IGA Robineau, IGA Assens, Relations internationales (1945-1975). fasc. 1.5, octobre 1991, projet, dactylographié).
37 Pour l’IGA Β. Robineau armes nouvelles signifie roquettes ou missiles guidés (antichars, air-air, air-sol. sol-air, mer-mer, etc, sans exclure les vecteurs de têtes nucléaires, cf. sa lettre â l’auteur du 1er juin 1993.
38 Gérard Bossuat, « Armements et relations franco-allemandes, 1945-1963 », in Histoire de l’armement en Fiance, 1914-1962, Institutions, industries, innovations, relations internationales, actes du colloque du 19 novembre 1993, ADDIM, Paris, 1994, p. 147-206.
39 IG Molinié, Souvenirs d’une carrière à la DEFA, document dactylographié communiqué à l’auteur, p. 76.
40 SHAA. E 2905, le général de division Lavaud, conseiller technique MDN et FA, à M le SE FA terre. Air, Manne, M. le Général, chef d’Etat major général des Forces armées, n° 001560/DN/CAB/ARM.TS, le 2 février 1957.
41 Revue d’histoire diplomatique, Eckart Conze, « La coopération franco-germano-italienne dans le domaine nucléaire dans les années 1957-1958, un point de vue allemand », p. 121.
42 Maurice Vaïsse, « Le choix atomique de la France (1945-1958) », Vingtième Siècle, octobre-décembre 1992, n° 36, p. 28.
43 Revue d’Histoire diplomatique, 1-2/1990, Colette Barbier, Les négociations franco-germano-italiennes en vue de l’établissement d’une coopération militaire nucléaire au cours des années 1956- 1958, p. 87.
44 RG 469, Office of African and European Operations, Regional Organizations Staff, Subject Files. 1953-57, box 68, from Paris to Secretary of State n° 3354, January 10, 1 am.
45 National security Council (NSC 5721), sept. 30, 1957, US Policy to France, draft, statement of US Policy on France.
46 Konrad Adenauer, Mémoires, tome 3, 1956-63, p. 112.
47 cité par Corrine Thiblet, La coopération économique et technologique franco-allemande entre 1956 et 1958, Maîtrise Paris, R. Girault et G. Bossuat, juin 1993, p 94.
48 H.-P. Schwarz, « Adenauer, le nucléaire et la France », Revue d’histoire diplomatique, 1992, p. 297-311.
49 cité par Corrine Thiblet, La coopération économique et technologique franco-allemande entre 1956 et 1958, Maîtrise Paris, R. Girault et G. Bossuat, juin 1993, p. 96.
50 Source privée, note concernant la réunion du 20 juin, 15h, à la Défense nationale, 21 juin 1957, objet : relations franco-allemandes, présidence Général Lavaud, colonel Leveque.
51 IG Robineau, op. cit, p. 52.
52 Β 43 695, projet de lettre commune franco-allemande.
53 Z Europe 1944-1960, Allemagne 80 à 82.
54 Jean Monnet, Mémoires, t. 2. Livre de Poche, p. 632.
55 DDF 1957-1, n° 75, p. 141, M. Alphand, ambassadeur de France à Washington à M. Pineau, ministre des Affaires étrangères, télégramme. n° 606 à 608, Washington, 24 janvier 1957, 15h 50.
56 DDF 1957-1, p. 263, n° 144, note de la DGAEF, (coopération économique attitude des États-Unis et du Canada vis-à-vis du Marché commun, 18 février 1957.
57 DDF 1957-1, n° 242, M. Pineau, MAE à M. Couve de Murville, ambassadeur de France à Bonn, teleg n° 966-967, 15 mars 1957, 21h 45.
58 L’Express, 28 décembre 1956, « Mirages de l’Eurafrique » par Georges Boris.
59 SGCI, F60, classement provisoire, carton 24, dossier 122.21, note prises en séance, au crayon, par qui ? Comité interministériel du 13 février 1957 sur les TOM
60 Corinne Thiblet, la coopération gouvernementale économique et technologique franco-allemande entre 1956 et 1958, Maîtrise Paris-1, direct. R. Girault. G. Bossuat, septembre 1993, p. 79.
61 SGCI, F60, classement provisoire, carton 24, dossier 122.18, Bruxelles 21 février 1957, R. Bousquet, ambassadeur de France en Belgique à M. Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères, très confidentiel, conférence des ministres des affaires étrangères du 18 février 1957, association des TOM au Marché commun.
62 PDF 1957-1, n° 110, note de la direction des Affaires économiques et financières (coopération économique, TOM et Marché commun, 5 février 1957.
63 RG 469, Office of African and European Operations regional organizations staff, subject files 1948-57, Box 61, from Yost, Paris to Secretary of State, n° 4578, March 7.
64 RG 469, Office of African and European Operations regional organizations staff, subject files 1948-57, box 61, Dulles to Embassy, Luxembourg, Paris, circular 985, 6/19/57.
65 SGCI, F60, classement provisoire, carton 22, dossier 122.16 u, CIG, secrétariat, 20 février 1957, relevé de décisions.
66 DDF-2, n° 457, note de la direction d’Europe, 19 décembre 1956, « conférence des 6 ministres des Affaires étrangère, question du siège ».
67 SGCI, F60, classement provisoire, carton 24, dossier 122.18, Bruxelles 9 mars 1957, R. Bousquet, ambassadeur de France en Belgique à M. Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères, débats sur le siège.
68 1 A 445, cr 2e session du Comité économique franco-allemand, Bonn. 11 janvier 1957.
69 DE-CE 1945-1960, 629, Louis Joxe, ambaF en RFA à Christian Pineau MAE, 13 février 1956.
70 52 J 113, Ministère des affaires économiques et financières, cabinet, n° 230, G.P.B./jml, 28 juin 1956, note au sujet des liens politiques et économiques à établir éventuellement entre le Commonwealth et l’Europe.
71 52 J 115 16 décembre 1956, le ministre des affaires économiques et financières à monsieur le ministre des affaires étrangères, note signée de Ph. Huet, chef de cabinet de Ramadier.
72 IPMF 1957, H. Menahem. 19 avril 1957. Note, « Marche commun et libre-échange ».
73 DDF 1957-1, n° 228, p. 427, compte rendu des entretiens franco-anglais, 9 mars 1957, 15 heures.
74 Pierre-Olivier Lapie, De Léon Blum à de Gaulle, Fayard 1971, p. 732. Pierre Gerbet, La construction européenne, Imprimerie Nationale, Paris, 1983, réédition 1994. p. 207-212. Jean- Pierre Rioux, la France de la Quatrième République, t.2, L’expansion et l’impuissance, 1952-58, NHFC, Seuil, 1983, p. 119.
75 Voir une présentation politique générale de Guy Mollet dans Denis Lefebvre, Guy Mollet, le mal aimé, Plon, 1992,563 p.
76 Populaire-Dimanche n° 438, 28 juillet 1957, « Euratom et le Marché commun, une étape sur la voie de la vaste Europe politique de demain », G.M.
77 OURS, Comité Directeur, 1 avril 1959. CD, 9 décembre 1959 ; CD, 30 janvier 1963.
78 Michel Debré, Trois républiques pour une France, Mémoires, tome 2, 1946-1958, Albin Michel, 1988.
79 Démocratie n° 7, 11 décembre 1959, « Perspectives économiques du Marché commun ». G.M.
80 740.00/3-2559 ; Amembassy Paris, to the Department of State, 25 mars 1959, European Integration and all that, John W. Tuthill, minister for economic affairs.
81 Discours de Guy Mollet au 6e congrès des P.S. de la CEE, Rome 18 septembre 1964.
82 De Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 1,1958-1962, Plon, 1970, p. 1.
83 Démocratie, n° 7,11 décembre 1959, « Perspectives économiques du Marché commun ».
84 Le Figaro, 28 novembre 1956.
85 « La France entre l’Europe et l’Afrique », Il rilancio dell’Europea e i trattati di Roma, actes du colloque de Rome, 25-28 mars 1987, sous la direction de Enrico Serra, Bruylant/Bruxelles, Giufré/ Milano, LGDJ/ Paris, Nomos Verlag/Baden Baden, 1989. p. 372.
86 Populaire-Dimanche n° 438, 28 juillet 1957, « Euratom et le Marché commun, une étape sur la voie de la vaste Europe politique de demain ». G.M. Cf. aussi le nouveau discours d’investiture de Guy Mollet, Populaire-Dimanche n° 447, 3 octobre 1957.
87 Populaire-Dimanche, n° 584, 11 septembre 1960, « Nous ne sommes pas d’accord » G.M. Supplément au N° 595, 27 novembre 1960, le débat sur la force de frappe devant l’Assemblée nationale. 25 ans d’action socialiste, textes et discours, OURS, Motion de censure 16 juillet 1962, p. 29. Sur la place de la France dans le Pacte, voir Tribune Libre 13 mai 1958-13 mai 1962, Plon, 1962, p. 42, p. 47 « le Pacte atlantique », le Populaire de Paris, 30 avril 1959 : « J’estime que la qualité de grande puissance ne se définit pas sur un plan moral ou juridique, elle ne s’arrache pas non plus par des gestes passionnées qui nous séparent de nos alliés plus faibles sans convaincre les plus grands. Le temps est passé où la grandeur pouvait être faite de solitude ; les fondements les plus solides de cette grandeur seront notre sagesse, notre réalisme, notre courage silencieux ».
88 RG 469, office of African and European operations, Regional organizations staff, subject files, 1948-57, Box 71, Bonn, 21 June 1957, A. L. Strang, to Mr. Alexis Lachman, Washington.
89 851.00/6-358, despatch n° 2074, possibility of Economic Aid to the de Gaulle Government.
90 Témoignages, op.cit, Christian Pineau p. 95.
91 Maurice Faure, le Monde, 25 mars 1977, « un pari audacieux ».
92 Cahiers et Revue de l’Ours, n° 98, Guy Mollet et l’Europe, Arras, 1er octobre 1977, p. 9, lettre de Jean Monnet du 28 septembre 1977.
93 Un camarade en République, Presses Universitaires de Lille, 1987, p. 531.
94 Œuvres complètes IV, Pour une République moderne, 1955-1962, Gallimard, 1987, p. 290, Lettre à André Istel, 27 février 1957.
95 Œuvres IV op.cit., p. 299, § Entreprise, 1er avril 1957.
96 cité par Monnet, Mémoires, Fayard 1976, Livre de poche, tome 2, p. 634-635.
97 Pierre Mendès France, Œuvres IV, op. cit. p. 350. Pierre Mendès France et l’Economie, sous la direction de Michel Margairaz, p. 191, Odile Jacob 1989.
98 Les Cahiers de la République, mai-juin 1957, Alain Chambrey, « Problèmes français et intégration européenne », p 75-90.
99 I.P.M.F, archives carton de l’année 1964, note sur la politique atomique en 1954/55, 12 janvier 1964, 6 p. dactylographié, sans auteur.
100 I.P.M.F. 1956, note pour le Président, a/s : l’Euratom, 4 février 1956,2 p. dactylographié.
101 SGCI, F 60, classement provisoire, carton 28, séance du Conseil de la République du 19 juillet 1957.
102 Pierre Uri, Fragments de politique économique, PUG, 1989, p. 259-263.
103 DDF 1957-2, n° 96, p. 192, M. Chauvel, ambassadeur de France à Londres à M. Pineau, MAE, télégramme. n° 4692-4694, Londres 8 août 1957, 17h 20.
104 RG 469, Office of African and European operations regional organizations staff, subject files 1953-57, Box 68, Amembassy Paris to the Department of State 316 despatch, 26 August 1957, recent developments in atomic energy in France.
105 DDF 1957-2, n° 48, 17 juillet 1957 ; note du Secrétariat Général « coordination des questions atomiques armement nucléaire de la France ».
106 16 juin 1957- 30 septembre 1957.
107 840.1901/11-2757, Max Isenbergh, special assistant for atomic energy, November 27, 1957, conversations with M. Jean Monnet, from American Embassy, Paris, to the Department of State « less prudent in handling dangerous toys than the Americans and the Russians have been thus far ».
108 840.1901/6-1258, Dulles, June 12, 1958, memorandum for the President, US-Euratom nuclear power program.
109 SHAA, E 2905, MDN, SE FA, Air, 4 octobre 1957, n° 90/CAB/CT.2/S, objet : relations franco-allemandes, PV définitif de la réunion du 27 septembre 1957 à 11 h, présidence de M. Jacomet, directeur de cabinet de M. le S.E à l’Air, ampliation colonel Bloch, 16 pages, dactylographié, p. 15
110 cf. le document 345 achevé en 1955 prévoyant des unités légères munies d’un armement nucléaire tactique, D. Mongin, « Forces armées et genèse de l’armement nucléaire française », Relations internationales, n° 59, automne 1989, p. 301.
111 4 novembre 1957.
112 G.-H. Soutou, « les accords de 1957 et 1958 : vers une communauté stratégique et nucléaire entre la France, l’Allemagne et l’Italie ? », in Matériaux pour l’histoire de notre temps, avril-juin 1993, n° 31. p. 6.
113 Konrad Adenauer, Mémoires, tome 3.1956-63, p. 140.
114 Défense Nationale, La France, l’Allemagne et l’atome : discorde improbable, accord impossible, décembre 1985.
115 DDF 1957-2, n° 359, M. Pineau, MAE aux ambassadeurs de France à Bonn, Rome, teleg. n° 4678-4685 ; 2871 à2878. Très secret, 20 novembre 1957. 22h ; n° 380, Protocole, 25 novembre 1957.
116 DDF 1958, 1, n° 207, M. Couve de Murville, ambaF Bonn a M. Pineau. MAP, Bonn le 21 mars 1958, 22 h tel 696-702.
117 ou du 28 novembre. II a été élargi à l’Italie le 28 novembre 1957.
118 DGA, 12004 09 16.4, carton unique, dossier 7, Commission Air, Bonn ; 3 novembre 1960, notes prises en séances, p. 33, dactylographié ; Mention d’un protocole tripartite du 28 novembre 1957 dans 5-6-11, carton 122, 123, 133, Etat Major de l’armée, groupe d’études d’armement, 31 octobre 1959, coopération franco-allemande en matière d’armement.
119 DGA, 5-6-11, extrait des cartons 122, 123, 133, Coopération franco-allemande en matière d’études et de fabrication d’armements, date : 1960, source non indiquée.
120 SHAA, E 2906, SDECE, Bulletin de renseignements économiques, 21.2./B.05.399, 14 mars 1958, République fédérale allemande, programme de constructions aéronautiques.
121 DGA, 12004090613/04515, carton 12, 1957-1962, Organisation et gestion, dossier, archives de l’IG Bonte ; SNECMA, voyage d’information de M. Von Gersdorff à Bonn, Bad Godesberg, Cologne, 11-12 février 1958, sujet : Mirage III A pour l’Allemagne.
122 DCA, 1100102032. carton 484. Fiche à l’attention de M. le secrétaire d’Etat aux Force armées Air, 26 mars 1958.
123 Konrad Adenauer, Mémoires, tome 3, 1956-63, p. 90.
124 DGA, 12004090613/04515, carton 12, 1957-1962, Organisation et gestion, dossier, archives de l’IG Bonte ; DTIA, note, 28 décembre 1959,2916, coopération franco-allemande.
125 Maurice Vaïsse, « Le choix atomique de la France (1945-1958) », Vingtième Siècle, octobre-décembre 1992, n° 36, p. 26.
126 DDF 1958 1, n° 234, M. Pineau, MAE à M. Chaban- Delmas, M. de la Défense nationale et des FA. D. n° 797/CM, Paris le 3 avril 1958.
127 Georges-Henri Soutou, « Les relations franco-allemandes de 1955 à 1963 », Storia delle relazioni internationali, anno VIII, 1992/1-2, p. 222.
128 Revue d'Histoire diplomatique, 1-2/1990, Colette Barbier, « Les négociations franco-germano-italiennes en vue de l'établissement d'une coopération militaire nucléaire au cours des années 1956-1958 », p. 110-111.
129 Revue d'histoire diplomatique, Eckart Conze, « La coopération franco-germano-italienne dans le domaine nucléaire dans les années 1957-1958, un point de vue allemand » p. 125.
130 DDF, 1958, 1, n° 207, Couve de Murville, à M. Pineau, MAE, tel n° 696 à 702, Bonn le 21 mars 1958, 22h.
131 B 44823, DGAEF, CE, 29 juillet 1956, circulaire 26, p.o. Joxe.
132 771 471, art 59-70, SGCI 1185, Tel. Londres 2 avril 1957 pour M. Donnedieu de Vabres, rencontre Thorneycroft, David Eccles, Erhard à la trésorerie.
133 771 471, art 59-70, SGCI 1186, extrait du rapport au nom de la Commission des Affaires Etrangères par M. Savary, 26 juin 1957, réactions des pays tiers par rapport à la CEE.
134 910004, art 3, SGCI 12316, Rome, J. Fouques-Duparc à Christian Pineau (MAE) 21 juin 1957, 1119/CE, a/s entretiens sir David Eccles à Rome sur la ZLE.
135 771 471, art 59-70, SGCI 1185, DFE, à MAE, 15 avril 1957, objet : négociations sur la ZLE.
136 DE-CE 1945-1960, vol. 740, note pour le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, le 11 avril 1957, probablement de Wormser ou Donnedieu de Vabres.
137 DE-CE 1945-1960, vol. 740, DAEF, Coopération économique, Paris le 16 avril 1957, FV as négociations en cours à l’OECE sur la ZLE.
138 771 471, art 59-70, SGCI 1185, dr 711.5, Remarques pour un projet de réponse au questionnaire du chancelier de l’Echiquier.
139 771 471, art 59-70, SGCI 1185, OECE historique des travaux OECE ref 711.0, « note d’étude relative à la ZLE établie à l’occasion des discussions de l’OECE ou du comité intérimaire de Bruxelles », 33 pages dactylographiées, source : Finances, non daté.
140 B 44823, DAEF, note de Wormser faisant le point sur la ZLE, 20 avril 1957, 18 pages [il s’agit d’un papier de réflexions ouvert].
141 771 471, art 59-70, SGCI 1186, DAEF, 8 juin 1957, FV, note, a.s instructions sur la ZLE.
142 DE-CE 1945-1960, 752, DAEF, coopération et intégration économiques, cr d’une réunion tenue à Londres lundi 7 octobre 1957 au Foreign Office.
143 Revue du Marché commun, n° 1, mars 1958, p. 30, « La zone de libre échange devant l’opinion française ».
144 DE-CE 1945-1960, vol. 742, DAEF, OW, 4 décembre 1957, note pour le ministre a/s Zone de Libre-échange.
145 DE-CE 1945-1960, vol. 741, note pour le président, Etat des conversations de Bruxelles entre les Six pays du Marché commun en vue de définir une position commune en ce qui concerne la ZLE, R. Marjolin, 16 septembre 1957. DE-CE 1945-1960, vol. 741, DAEF, coopération économique, as instructions sur la ZLE, Paris le 8 juin 1957, FV.
146 771 471, art 59-70, SGCI 1187, Maurice Faure devant le comité intergouvernemental sur la ZLE, 14 novembre 1957 [source non précisée].
147 CNPF, 17 septembre 1957, La zone de libre échange, 3 pages dactylographiées sur papier à en-tête, non signées.
148 771 471, art 59-70, SGCI 1187, dr 712.0, Entretien entre M. Maurice Faure et M. Maudling, note, [source non précisée].
149 Robert Marjolin, Le travail d’une vie, mémoires, 1911-1986, Robert Laffont, 1986, p. 315.
150 DE-CE 1945-1960, 752, DAEF, coopération et intégration économiques, O.W. 20 janvier 1958, note pour M. Valéry.
151 DE-CE 1945-1960, 752, D Europe, 17 février 1958, note pour M. Joxe, a.s. aspects politiques de la ZLE.
152 SGCI : Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économiques inter européennes. DE-CE 1945-1960, 752, DAEF, coopération et intégration économiques, 5 février 1958, note pour M. Joxe, a/s ZLE, rapport de la France avec le Royaume-Uni.
153 DE-CE 1945-1960, 752, DAEF, coopération et intégration économiques, note, O.W., 9 janvier 1958, a/s ZLE.
154 771 471, art 59-70, SGC1 1187, 19 février 1958, Projet français, associant à la CEE les autres pays européens au sein d’une Union Européenne de Coopération Economique, [notules sur le texte : texte étudié à la suite de la réunion de la Commission Delcourt du 18/2/58, soumis au Comité interministériel du 20/2/1958], 15 pages dactylographiées. DE-CE , 1945-1960, 753, projet français associant à la CEE les autres pays européens au sein d’une Union Européenne de Coopération Economique., 24 février 1958.15 pages, le document est divisé en paragraphe : rappel des positions françaises sur le renforcement de la coopération économique européenne, I-Présentation générale, II-Les objectifs de la politique commune, III-Les accords par secteurs, IV-Le cadre général d’élimination des obstacles aux échanges, V- Les secteurs de base à incidences générales, VI-Le fonctionnement de l’union européenne de coopération économique, VII- Rapports avec la Communauté économique européenne.
155 DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, coopération et intégration économiques, GA, 20 mars 1958, télégrammes à postes européens. DE-CE 1945-1960, 744, DAEF, coopération et intégration économiques, JPB, 26 mars 1958, note, M. Valéry, a/s état des négociations sur la ZLE.
156 Revue du Marché commun, n° 2, avril 1958, XXX, « Le libre échange.. sans la zone ? » p. 65.
157 Revue du Marché commun, n° 2, avril 1958, XXX [haut fonctionnaire français anonyme], « Le libre échange.. sans la zone ? » p. 65.
158 771 471, art 59-70, SGCI 1187, note Donedieu de Vabres, SGCI, 11 juin 1958, note pour M. le ministre des Finances [A. Pinay]. [la note fait l’historique récent]
159 771 471, art 59-70, SGCI 1187, note, 20 février 1958, a/s entretiens entre M. Maurice Faure et M. Erhard.
160 DE-CE 1945-1960, 743, DAEF, coopération et intégration économiques, 3 avril 1958, n° 16/CE, a/s ZLE, c.r ; 6e session CIG, Paris, 31 mars 1958.
161 DE-CE 1945-1960, 743, DAEF, coopération et intégration économiques, JPB 21 mai 1958, a/s élaboration du mémorandum des Six sur la zone.
162 851.00/7-2558, Memorandum of conversation, July 24, 1958, B. Clappier, John W. Tuthill, subject: state of France.
163 Combat, François Bruel, « La France menacée par l’Angleterre d’une guerre économique a outrance », 10 mars 1958.
164 Combat, 20 février 1958.
165 De Gaulle en son siècle, tome 5, l’Europe, Plon, La Documentation française, 1992, intervention de Dirk Spierenburg, p. 109.
166 Pierre Guillen, “La France et la négociation du traité d’Euratom”, Relations internationales, 44, hiver 1985, p. 391-412.
167 Dominique Mongin, “Forces armées et genèse de l’armement nucléaire français”, Relations internationales, 59 automne 1989, p. 301 -315.
168 52 J 115, télégramme à l’arrivée, Londres, 17 janvier 1957, réservé, très urgent, Chauvel. 5 pages.
169 52 J 115, Londres le 7 mai 1957, Ambassade de France à Londres, l’attaché financier, Paul Leroy-Beaulieu, à monsieur le ministre des affaires économiques et financières, cabinet, n° 413, PLB, objet : zone de libre-échange. Entretiens de M. Maurice Faure avec le Chancelier de l’Echiquier.
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