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L’Europe des Français, 1943-1959

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Gérard Bossuat

Troisième partie. L’intégration européenne des années 1955-1958, expression de la modernité française

8. La France « spectatrice engagée » de la relance européenne de Messine

Texte intégral

  • 1 Archives Ramadier, Pleven, Bidault, Mayer, et papiers diplomatiques américains disponibles Suitlan (...)

1La relance de Messine à laquelle la France participe n'est pas une affaire française. Le gouvernement d'Edgar Faure réagit seulement à l'offre de Spaak et de Monnet. Des travaux d'historiens, éclairés par l'accès aux archives d'État, racontent comment cette Relance si importante pour l'Europe et la France s'est produite1. Il est important de comprendre pourquoi la France a accepté de participer à ces projets de construction européenne dont elle n'était pas à l'origine. Le gouvernement d'Edgar Faure savait bien que de nouvelles initiatives se préparaient et qu'elles viendraient du couple Monnet-Spaak. Le gouvernement français pouvait-il les rejeter alors que l'Europe maudissait encore l'échec de la CED et hésitait sur l'Europe de l'UEO ?

La genèse de la relance

2Nous avons rappelé que Mendès France avait eu un vrai projet de construction de l'Europe, capable de satisfaire les Britanniques, les Français et les Allemands. Mais les contemporains ont considéré que Mendès était un obstacle à la naissance de l'Europe intégrée. Aussi sa chute incita les partisans d'une Europe fédérale et fonctionnaliste à agir.

Le sens de la démission de Jean Monnet

3Jean Monnet s'appuya sur pour relancer l'intégration européenne selon le modèle du plan Schuman qui avait si bien réussi. II avait repris sa liberté en novembre 1954 en ne demandant pas un nouveau mandat de Président de la Haute autorité, puis en démissionnant de la Haute Autorité. Monnet n'imaginait pas une relance qui s'appuierait sur le gouvernement Edgar Faure, car celui ci était partagé entre pro et anti européen. Il reçut néanmoins le soutien d'importants ministres français dont Robert Schuman, ministre de la Justice, et Antoine Pinay, ministre des Affaires étrangères. Monnet proposa une extension des compétences de la CECA aux transports et à l'énergie atomique. Ces secteurs avaient été retenus aussi par Spaak dès novembre 1954. L'hypothèse d'une Europe atomique à des fins civiles était populaire dans les cercles européens. Louis Armand voulait développer l'énergie électrique d'origine nucléaire en coopération avec les États-Unis. L'idée d'une double finalité militaire et civile de l'Europe atomique était complètement écartée par le groupe Monnet.

L'appel de Spaak du 4 avril 1955

  • 2 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 163, M. Rivière, ambassadeur de France à Bruxel (...)
  • 3 P-H Spaak, Textes, réunis et présentés par Paul F. Smets, Goemare, tome 1, 1980, p. 438 lettre à B (...)

4Les Accords de Paris sont acceptés par le Conseil de la République le 27 mars 1955 ainsi que l'accord franco-allemand sur la Sarre par 217 voix contre 92. Des divergences existent encore sur l'interprétation des accords sur la Sarre et sur la date du référendum d'européisation. Mais Monnet et Spaak considèrent que le moment est favorable. Le quai d'Orsay sentait que Monnet préparait quelque chose. Le 1er avril l'ambassadeur de France à Bruxelles annonce que Spaak pense à relancer l'idée européenne dans un autre cadre. « Il envisagerait l'institution d'organismes contrôlant respectivement les transports, l'électricité, voire l'énergie atomique...Il a également en tête un plan susceptible de diminuer par étapes le taux des droits de douane dans des zones européennes déterminées2 ». Le projet de relance remis à Spaak par Monnet et Uri était le résultat de huit avant-projets élaborés en février 1955. Le 4 avril 1955 Spaak lance « officiellement » l'idée d'une relance européenne. Il écrit à ses partenaires de la CECA : « Cette extension de la CECA pourrait s'appliquer à l'ensemble des formes d'énergie et aux moyens de transports. La mise en commun des efforts pour le développement de l'énergie atomique à des fins pacifiques pourrait également être confiée à une organisation qui dépendrait de la CECA3 ». Le modèle de référence est la Haute Autorité de la CECA. Il souhaite donc faire accepter ce programme lors d'une prochaine réunion des ministres de la CECA à Luxembourg. Ce même jour, J. W. Beyen remit à Spaak un mémorandum sur un Marché commun général qui changeait tout.

  • 4 Pierre Uri, Penser pour l'action, un fondateur de l'Europe, Editions Odile Jacob 1991, p. 115. Le (...)
  • 5 Pierre Gerbet, « La « relance » européenne jusqu'à la conférence de Messine », et témoignage d'Uri (...)

5Le projet Beyen de Marché commun complétait une première esquisse du 10 mars 1955 qui avait suscité d'âpres débats au sein du gouvernement hollandais. Il s'appuyait sur son mémorandum de décembre 1952, rejeté après l'échec de l'APE et la CED. Beyen n'allait pas dans le sens de Monnet. Il voulait la création d'une « communauté supranationale, ayant pour tâche de réaliser l'intégration économique de l'Europe au sens général en passant par la voie d'une Union Douanière à la réalisation d'une Union Économique ». Pierre Uri avait fait des propositions pour élargir le champ d'action de la CECA à d'autres domaines que l'acier et le charbon. Monnet les avait reprises sans toutefois retenir un Marché commun. Il expliqua au représentant américain auprès de la CECA que les Six voulaient élargir le domaine de compétences de la CECA à l'énergie électrique et au pétrole et créer une nouvelle organisation des transports et de l'énergie atomique. Monnet soumit son projet d'Euratom à l'allemand Carl Friedrich Ophùls, directeur d'Europe au ministère allemand des Affaires étrangères. Ophùls avertit clairement Monnet que les Allemands s'opposeraient à une Europe atomique. En revanche un projet comportant à la fois une Europe atomique et un Marché commun pourrait les satisfaire. Pierre Uri rédigea le 13 avril 1955 un nouveau document comportant « à la fois la coopération politique, le Marché commun, l'Euratom et pour faire plaisir à la Haute Autorité, l'énergie4 ». C'était un projet de déclaration pour la future conférence des Six ministres des Affaires étrangères de la CECA5. Mais Beyen remplaça ce qu'avait écrit Uri sur le Marché commun par son propre texte. Pierre Uri en fut marri mais il réussit à introduire des correctifs chers aux Français, tels que le Fonds de réadaptation ou la lutte contre les dysharmonies économiques et sociales. La relance sectorielle et générale convainquit Ophüls. Ce fut la base du mémorandum des pays du Bénélux.

  • 6 « DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 171, M. Paul-Henri Spaak, MAE de Belgique à M (...)
  • 7 840.00/4-1255, to the Secretary, from EUR-Merchant, subject: M. Monnet's personal plans and his vi (...)

6L'idée de Spaak était de confier à Monnet la nouvelle négociation6. Monnet tenta alors de reprendre sa démission de Président de la Haute Autorité de la CECA. Il considérait maintenant qu'un tel poste pouvait servir la cause de l'unité européenne. Il avait laissé filtrer le bruit le 24 mars 1955, preuve qu'il préparait de nouveaux projets de relance et que Spaak se montrait favorable. Il avait dit aux Américains qu'il avait le soutien d'Adenauer et de Pinay, mais il leur demandait de n'en rien dire encore. Ses interlocuteurs le suivirent complètement, preuve de leur immense confiance en lui7.

L'état d'esprit au sein du gouvernement français

  • 8 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 181, note du département, intégration européenn (...)

7Où en était le gouvernement français ? La réaction à la lettre de Spaak du 4 avril est préparée le 7 avril par le Quai d'Orsay. Auparavant, Edgar Faure avait déclaré le 5 avril qu'il n'était pas opposé à poursuivre la politique européenne « sans dogmatisme » dans le domaine des transports et de l'énergie. La note du Quai tend à minimiser l'originalité du projet de Spaak La question de transports est abordée à l'OECE. Elle signale l'existence aux États-Unis de l'Interstate Commerce Commission dont l'Europe pourrait s'inspirer. Elle accepte favorablement des investissements communs dans les autoroutes et l'électrification. Elle accepte une coordination des politiques de l'énergie pour éviter des concurrence dangereuses. Le pool vert sera traité par l'OECE. Elle accepte l'idée de zone de libre échange avec clause échappatoire et tarif extérieur commun8. L'enthousiasme n'est pas au rendez-vous en termes politiques.

  • 9 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, Annexe 1, 1955, conversations franco-britanniques, (...)

8Lors des conversations Pinay-MacMillan du 21 avril, il ressort que les deux responsables souhaitent une relance européenne. Mais qu'entendent-ils par là ? L'affaire autrichienne est réglée et ils conviennent qu'il ne faut pas laisser l'Allemagne sans espoir. La relance dans les transports, l'énergie et l'atome est évoquée. Pinay veut du concret pour l'opinion publique. MacMillan approuve la relance pour l'opposer aux communistes. Il évoque le rôle de l'UEO, alors que Pinay met en avant la CECA et l'association de la Grande-Bretagne à la CECA. Pinay manifeste donc très probablement un choix réel en faveur d'une relance à la Monnet ou au moins dans un cadre supranational. Il parvient même à convaincre MacMillan de prendre la CECA comme cadre de la relance9. MacMillan confirma plus tard le choix de la CECA. Ce témoignage sur Pinay indique que le ministre, à titre personnel, est favorable à une relance. Il a d'ailleurs un plan de relance.

  • 10 DDF, 1955,1, 182, Jean Laloy, directeur adjoint du cabinet du MAE, à M. François-Poncet, Haut Comm (...)
  • 11 voir DDF, 1955,1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 245, M. Pinay, MAE au Haut commissaire de l (...)
  • 12 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 220, 25 avril 1955 Le ministre des Affaires étr (...)
  • 13 DDF, 1955, annexes, tome 1, p. 39-42, compte-rendu de la conversation Pinay-Adenauer du 29 avril.

9La réunion des six de la CECA, prévue à Luxembourg est repoussée. Français et Allemands doivent se voir à Bonn les 29 et 30 avril à Bonn. Strauss, représentant d'Adenauer, avait vu Pinay le 3 avril pour lui dire que le gouvernement allemand hésitait devant la méthode Monnet et qu'il souhaitait une concertation franco-allemande préalable10. Mais Bonn est obsédé par la question de la Sarre et l'affaire Röchling, la canalisation de la Moselle et la coopération économique franco-allemande11. Le « plan Pinay » de conseil confédéral européen proposé le 29 avril 1955 à Adenauer n'est pas vraiment une relance européenne de nature à favoriser une intégration. Il disposait que les diplomaties des Six se rencontreraient régulièrement sur des points concrets intéressant l'Europe12. Il n'y aurait même pas eu de traité13. Le gouvernement Edgar Faure est disposer aussi à relancer la construction européenne pour « accomplir le possible et non chercher à réaliser tout le souhaitable ». Le gouvernement français se demandait s'il ne faudrait pas choisir entre le développement solitaire de l'énergie nucléaire à des fins civiles et militaires ou une Europe atomique contrôlée par les États-Unis mais qui empêcherait l'Allemagne de maîtriser seule les techniques atomiques. Mais la France serait liée elle aussi.. Il restait une solution, faire une Europe de l'atome qui profite intelligemment à l'effort français. Ces propositions françaises, encore mal connues, ont une réalité, mais elles n'ont pas la précision de celles que le Bénélux préparait. Il est vrai qu'on a désormais davantage parlé du projet Spaak parce qu'il a eu du succès. La relance ne sera ni française, ni allemande.

  • 14 Pierre Guillen, « La France et la négociation des traités de Rome : 1' Euratom », in E. Serra, La (...)
  • 15 840.00/4-1855, from Paris, Dillon, to S of S; n° 4517, April 18, 7 p.m; pouched Washington 4517 et (...)

10Sur le plus long terme les services français travaillaient toujours à l'Agence des armements, mais les réalités s'imposaient progressivement. François Valéry, chef du service de coopération et d'intégration économique de la Direction des Affaires économiques du Quai d'Orsay admettait que son service travaillait sur de nouvelles possibilités de coopération européenne. Elles ne devraient pas comporter de supranationalité ou effrayer les anticédistes. Elles seraient modestes et réalistes, respecteraient les intérêts privés et publics de l'économie française. Il semble bien que le Quai d'Orsay n'ait pas cru à une autorité européenne des transports en raison de l'intérêt de chaque État porté à ce domaine. La question de l'énergie électrique souffrait de la faiblesse des échanges européens d'électricité. On voyait mal aussi comment une organisation européenne pourrait réguler les comportements des grandes compagnies pétrolières internationales. Seul le développement de l'énergie atomique intéressait le Quai d'Orsay, à condition que les progrès atomiques de la France ne soient pas bridés par l'Europe. Évidemment les Français n'entendaient nullement partager leurs secrets avec les Allemands. Toutefois le CEA, d'après Pierre Guillen, envisageait favorablement la construction d'une usine de séparation isotopique en coopération avec les allemands, dans un cadre européen14. Le 30 mars 1955, le comité de la Défense nationale avait décidé d'avancer sur la voie d'une Europe atomique dans le but de défendre les intérêts nationaux français. François Valéry pensait aussi qu'il fallait faire de nouveaux gestes européens pour pouvoir conforter la participation du MRP au gouvernement. On devine au sein du gouvernement français de graves divergences sur les questions européennes. Gaston Palewsky, un gaulliste, Républicain social, ministre délégué à la Présidence s'oppose à Pierre Henri Teitgen, MRP, ministre de la France d'Outre-Mer15. Pour enraciner la nouvelle image pro européenne de la France acquise avec l'UEO, pour effacer la honte du rejet de la CED, Edgar Faure souhaitait faire des gestes en faveur de l'intégration européenne, surtout après le départ de Pierre Mendès France. Le choix du candidat français à la succession de Monnet serait une indication sur sa politique. Il réussit à faire ratifier les Accords de Paris par le Conseil de la République sans pouvoir avancer beaucoup sur le pool des armements, fer de lance de la politique européenne de Mendès France. Edgar Faure avait besoin d'une politique européenne de rechange, plus pour des raisons de politique intérieure que par volonté de poursuivre l'unité européenne. Au moment où Spaak et Monnet proposent une relance, la France n'a pas de politique européenne nouvelle. Edgar Faure est intéressé par les questions européennes dans un sens large, mais pas vraiment en terme de relance européenne.

Le mémorandum des pays du Bénélux du 18 mai 1955

11Le programme de relance fut accepté par Spaak et par Beyen le 23 avril lors de la conférence des ministres des affaires étrangères du Bénélux. Elle chargea une équipe belge et hollandaise de préparer un mémorandum des pays du Bénélux à fournir aux Six pays de la CECA. Les mots d'États-Unis d'Europe, écrits dans le projet de Monnet, ne figurent plus dans celui de Spaak. On évite d'utiliser les mots de Haute Autorité et de supranationalité remplacés par celui d'autorités communes. Le 5 mai 1955 le texte est accepté par Monnet, malgré la dérive libre-échangiste en faveur d'un Marché commun.

  • 16 Europe généralités 1949-55, 64, Paris, DG pol Europe, 18 mai 1955, note. SGCI, Réunion des ministr (...)
  • 17 DDF, 1955-1, p. 665-670, note de la DAEF, « extension de la politique européenne », 18 mai 1955.

12Le 18 mai 1955 Spaak remet aux Six le mémorandum des pays du Bénélux sur la relance. Il propose la fusion progressive des économies par la création d'un Marché commun et la constitution d'une autorité atomique commune16. Il a été envoyé aux Six après une rapide enquête pour s'assurer que l'idée de tenir une conférence ne sera pas rejetée17. Le gouvernement allemand, dégagé des contraintes de l'occupation par les Accords de Bonn de mai 1952, mis en œuvre par les Accords de Londres et de Paris d'octobre 1954, ne manifestait plus autant de sentiment européen qu'au moment de la CECA. Dans sa réponse au mémorandum, la veille de la conférence de Messine, il insista sur la possibilité de développer le réseau européen de canaux, d'autoroutes, de chemins de fer, plus que sur l'énergie atomique. Il penchait pour un Marché commun doté d'un fonds commun d'investissements. Il voulait la création d'une université européenne. L'Italie n'était pas enthousiaste, mais elle formula elle aussi ses idées avant la conférence. Son gouvernement parla de coopération sectorielle plus poussée. Il acceptait la création d'un fonds européen de réadaptation lié à un Marché commun.

  • 18 cité par E. Kocher, Le rôle de la France dans les négociations des traites de Rome, vol 1, p. 30, (...)
  • 19 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 6, boite 16, O.W ; 25 mai 1955, note pour le Président, (...)
  • 20 DDF1955, tome 1, janvier-juin 1955, n° 310, note du département, plan Beyen, 26 mai 1955, p. 692. (...)
  • 21 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 288, note de la direction des Affaires économiq (...)
  • 22 DDF, 1955, 1,1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 301, note du Département, Plan Beyen, Paris le 2 (...)

13Edgar Faure souffla le chaud et le froid. Il avait indiqué le 13 avril que la France s'attacherait à développer les armes nucléaires sans référence à la coopération européenne. Le gouvernement français ne répondit pas au mémorandum du Bénélux appelé plan Beyen dans certains documents français, signe de l'embarras d'Edgar Faure. Olivier Wormser, directeur des Affaires économiques au Quai d'Orsay, manifesta tout de suite son opposition à un Marché commun libéral. La DAEF repousse l'intégration économique totale et ne voit possible qu'une coopération dans le domaine des transports et de l'énergie atomique18. Le 25 mai, s'exprimant sur le « plan Beyen », en fait sur le mémorandum des pays du Bénélux du 18 mai, Wormser expliqua que l'intérêt du Bénélux est d'abaisser les droits de douane. Il rappelle aussi les débats de la conférence de Rome de septembre-octobre 1953 et de janvier 1954 à Paris sur le premier plan Beyen de Marché commun. Les Français ne voulaient surtout pas étendre le Marché commun à toutes les marchandises19. En effet « la création d'un Marché commun soulève pour la France de très graves difficultés » disait-on au Département20. Les Français estimaient ne pas pouvoir désarmer en raison de leur faible taux de suppression des obstacles quantitatifs, soit à peine 46 % de libération des échanges. Les réactions du Quai d'Orsay à l'intégration totale manifestent surprise et opposition. « Il paraît préférable d'avertir nos partenaires européens que nous ne sommes pas prêts à envisager une intégration globale des économies ». Aussi est-il utile, se demande Wormser, de tenir une telle conférence si on n'aborde pas l'essentiel vu du côté français, i.e. des projets sectoriels, la question des préférences européennes, et la coordination des investissements. On a reconnu là la position traditionnelle à l'OECE de la délégation française. En revanche une certaine sympathie se manifeste envers les unions sectorielles, en dépit des méfiances du CEA. Mais elle ne s'engage pas dans la voie d'une extension des pouvoirs de la Haute Autorité. On parle soit de conseils intergouvernementaux ; soit d'administration internationale sous le contrôle des ministres. La supranationalité serait donc réservée aux organismes d'exécution et non de décision21. A la veille de Messine, le président Pinay reçoit de ses services une note contre le plan Beyen. On y condamne le libéralisme du plan qui accentuerait les différences entre régions riches et pauvres. Il n'y aurait plus de protection agricole, de préférence avec l'Outremer. En même temps, il ne faut pas repousser le plan parce que la notion de Marché commun est contenue dans l'accord franco-allemand sur la Sarre22. Les Français ne sont pas disposés à accepter le mémorandum des pays du Bénélux. La DAEF a réagi défavorablement. Pinay s'engage davantage en faveur du mémorandum, mais il est ministre des Affaire étrangères. Il doit donc avoir de la retenue dans un contexte peu favorable à la relance parmi les Français.

  • 23 850.33/5-2355, Matthew, the Hague, to Secretary of State, n° 1820, may 23, 5 p.m.

14Les Hollandais firent savoir qu'ils accepteraient une union douanière et une union sectorielle, malgré leurs réticences pour ces dernières. Au total, l'idée qu'une avancée européenne était possible se développait dans les cercles bien informés. Les Américains envisageaient d'envoyer des observateurs en Sicile pour la nouvelle conférence des Six de la CECA, preuve là aussi de leur excellente information sur le dossier23. Monnet était probablement derrière cette remarquable information.

Débat sur la présidence de la Haute Autorité

  • 24 363 AP 33, ou SGCI, F 60, classement provisoire. Carton 6, boite 16, Jean Monnet, 21 mai 1955, Pdt (...)
  • 25 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 118, M. Rivière, ambassadeur de France à Bruxel (...)
  • 26 RG 469, Office of African and European Opérations Régional organization staff, subject files 1953- (...)
  • 27 850.00/box 4556, Buchanan, May 25, 1955, Luxembourg to Secretary of State n° 125.
  • 28 850.33/2-2455, S.B/ Wolff, Amembassy, Rome, 1744, to the Department of State; CERP, Apr. 26, 1954, (...)
  • 29 850.00/ Box 4556, Hoover, D. of S; May 12, 1955, n° 4994, to Amembassy Paris.

15Le 21 mai 1955, Monnet écrivit aux six gouvernements pour leur faire savoir qu'il était prêt à reprendre sa démission pour conduire la négociation envisagée par le mémorandum des pays du Bénélux du 18 mai et aussi, écrit-il, pour servir la cause « d'une Fédération européenne24 ». La prise de position était franche. Était-elle habile, sachant qu'Edgar Faure venait de la majorité mendésiste ? Pouvait-il espérer le convaincre d'être le candidat de la France à la Haute Autorité ? En fait ce retournement était prévu depuis longtemps par ceux qui voulaient bien voir. Début mars, Spaak avait dit à propos de la présidence de la Haute Autorité pour laquelle le gouvernement Edgar Faure avait pressenti Paul Ramadier, que Monnet « n'avait pas dit son dernier mot25 ». Les explications que Jacques Van Helmont donne indiquent que Monnet ne désirait pas véritablement revenir à la tête de la Haute Autorité. Il aurait voulu forcer le gouvernement français à prendre position sur l'intégration européenne. Le Monde démentit peu après Messine les rumeurs concernant les intentions de Monnet de prendre la tête du comité d'experts chargé de faire des propositions sur les suites de Messine26. A dire vrai Monnet n'a probablement pas été aussi détaché que Van Helmont ou Le Monde l'écrivent. Le gouvernement français porta à la connaissance de ses partenaires à la veille de la conférence de Messine que son candidat pour le poste de Président de la Haute Autorité était désormais René Mayer. Monnet a accusé le coup du choix de René Mayer comme candidat de la France d'après Joseph Bech27. Mais nos sources s'accordent sur la volonté de Monnet de ne pas engager l'épreuve de force avec les Français. René Mayer a hésité un moment à maintenir sa candidature. Le Conseil des ministres avait avancé son nom et celui de Jean-Marie Louvel, ex-ministre de l'Industrie. Paul Ramadier, pressenti par Mendès France, ne fut pas retenu car il n'était pas en odeur de sainteté européenne auprès des autres membres de la CECA en raison de son faible militantisme européen et parce qu'il avait été le poulain de Mendès France. Les Allemands avaient envisagé la candidature de Robert Schuman ou le retour de Monnet, parce qu'ils ne croyaient pas possible de proposer un candidat allemand28. L'opposition à Monnet vint du patronat français de la sidérurgie, de Koenig et de Palewski, des gaullistes membres du gouvernement Faure, mais aussi des sidérurgistes allemands. Ceux ci auraient préféré le belge Albert Coppé Comme leurs homologues français, ils accusaient Monnet d'avoir été dirigiste et même d'avoir été un planiste socialiste. Edgar Faure aurait fait savoir que si des pressions étrangères pour le retour de Monnet se manifestaient trop fort, il retirerait la France de la CECA. Il perdrait ainsi quelques ministres mais gagnerait une grande popularité en France, ajouta-t-il29. Les Belges ont regretté le départ de Monnet, mais la candidature de Mayer les a rassurés. Ils ont même dit qu'il serait plus souple que Monnet, ce qui serait utile pour réconcilier les industriels français avec la CECA. A Messine, même les fidèles de Monnet renoncèrent à sa candidature, car ils étaient décidés à ne pas provoquer le gouvernement français en échange de son accord sur la poursuite de l'intégration. Une fois René Mayer élu, Monnet fit contre mauvaise fortune bon coeur. Mayer était proche de lui et Monnet pensa trouver un allié. Il lui proposa un programme d'action pour les « États-Unis d'Europe ». Nous en trouvons la trace dans une correspondance avec Mayer. Il lui exposa l'intérêt d'étendre la CECA aux transports et à l'atome, de créer un fonds européen de sécurité de l'emploi pour les travailleurs touchés par les modifications structurelles dans les domaines précités, d'élire enfin au suffrage universel l'Assemblée de la CECA, permettant ainsi de relancer l'entente avec la Grande-Bretagne. Sauf dans le domaine atomique, ce n'était pas sur un tel programme que le gouvernement français, pas plus que Mayer voulaient s'avancer.

La conférence de Messine (1er et 2 juin 1955).

16Le conférence de Messine est passée dans l'histoire, au même titre que les Traités de Rome. Elle marque le début d'une forme d'unité européenne qui envisage à la fois l'élargissement des marchés européens par abaissement des droits de douane et suppression des contingentements, et une intégration sectorielle dans un domaine prometteur, l'atome civile. Personne ne peut dire que la relance de Messine sera un succès à la fin de la conférence.

La déclaration

  • 30 semaine du 18 au 25 juin 1955, p. 18 et 19.
  • 31 52 J 114, F. Valéry, note 7 mai 1956, historique du Marché commun. On retrouve cette phrase dans u (...)

17Les Six ministres des Affaires étrangères de la CECA se réunirent à Messine du 1er au 2 juin 1955. Il s'agissait de Walter Hallstein, de Paul-Henri Spaak, de Joseph Bech, de Jan Willem Beyen, d'Antoine Pinay et de Gaetano Martine Dans un hebdomadaire bien connu du public français d'alors, Paris-Match30, on voit une photo de Joseph Bech, Jan-Willem Beyen et Paul-Henri Spaak dans leur hôtel de San Domenico de Taormina près de Messine. Les trois ministres des affaires étrangères du Luxembourg, des Pays-Bas, de Belgique viennent de faire leur proposition d'union économique et douanière. Ils sont les vedettes de la conférence des Six parce qu'ils ont décidé de rester unis pour défendre le mémorandum du Bénélux du 18 mai. La conférence a été réunie le 1er juin 1955, en Sicile où le ministre italien des Affaires étrangères, Gaetano Martino a des intérêts électoraux. La photo porte un titre : « L'Europe malade reprend des forces ». La France avait été à l'origine de la maladie de l'Europe, selon ses partenaires. Elle n'était pas décidée à relancer l'Europe par les hautes autorités, mais au moins à faire preuve de bonne volonté. Antoine Pinay, ministre des Affaires étrangères d'Edgar Faure, exprima seulement « l'intention de contracter » un accord sur un Marché commun à Six plus qu'il ne prit « un engagement de contracter » un tel accord31. Pinay et le gouvernement étaient-ils disposés à agir ? La thèse généralement admise explique que le gouvernement français se serait laissé conduire par les événements. Olivier Wormser, directeur des Affaires économiques au Quai d'Orsay, avait établi le 25 mai une note de réflexion dont nous avons déjà parlée. D'après cette note, il s'agissait d'empêcher la création d'un Marché commun libéral. Il n'y a pas eu de mémorandum français pour la conférence alors que les Allemands et les Italiens réagirent au mémorandum des pays du Bénélux.

  • 32 Christian Pineau, Christine Rimbaud, le grand pari, l'aventure du traité de Rome, Fayard, p. 168.
  • 33 850.33/6-955, From Amembassy Brussels to the Secretary of State June 9, 1955, Belgians views regar (...)
  • 34 SGC1, F 60, classement provisoire, Carton 6, boite 16, projet de p.v de la réunion des ministres d (...)

18La première séance a été ouverte par Martino le 1er juin à 17 heures et présidée par Bech. Les ministres ont examiné la question de la démission de Monnet. Malheureusement les archives ne laissent aucune trace de cet épisode car cet examen a été déclaré entretien privé et n'a donc pas laissé de traces écrites officielles. A 19h 45 la séance officielle a repris. A l'unanimité, les ministres ont nommé René Mayer, membre de la Haute Autorité et Président. « Il a bien mérité de l'Europe » dit de Monnet en guise de conclusion Joseph Bech. Pinay s'associe à l'hommage. La séance est levé à 20h 30 après une présentation par Beyen du projet du Bénélux. Il argumente sur l'intégration en s'appuyant sur le danger soviétique ; il demande une solution supranationale. Monnet tenta d'influencer le déroulement de la conférence de Messine, alors qu'il n'y était pas présent. Max Kohnstamm était les yeux de Monnet qui lui téléphonait toutes les dix minutes pour le charger de messages pour les ministres. Ce proche de Monnet eut le sentiment que la conférence était un échec. La deuxième séance commence le lendemain 2 juin à 11 h. Hallstein renforce le ton anti communiste en rappelant la proximité des conversations est-ouest et l'attente des opinions publique européennes après les déceptions récentes, claire allusion à la CED. Hallstein demande aussi qu'un message pour la jeunesse européenne soit inscrit dans la conférence. On sait qu'Edgar Faure, président du Conseil, a donné comme instructions à Pinay d'accepter une Europe atomique (ce qui ne préjuge en rien des institutions) et d'être prudent à propos d'un Marché commun32. D'après le compte-rendu des séances, Pinay en effet commence par approuver les projets d'intégration nucléaire. Il termine par un appel au possible, ce qui est très différent du souhaitable. La tendance est de favoriser les accords par secteur, conformément aux débats préalables à Paris. On retrouve dans son intervention des mots qui ressortent constamment au sein de la délégation française, tel qu'harmonisation des réglementations sociales, système douanier protecteur du Marché commun, contrastes régionaux de développement. Il parle de convertibilité des monnaies, un sujet peu abordé. La troisième séance se développe le jeudi 2 juin à 15h 30. Pinay doit intervenir pour expliquer que sont attitude est positive, preuve qu'elle n'a pas été comprise ainsi. Spaak refuse un projet franco-allemand établissant des conditions préalables à l'intégration : harmonisation sociale, création d'un fonds d'investissement, coordination des politiques monétaires. Il propose cependant de mettre tous ces points à l'étude simultanément. Des passes d'armes se produisaient sur le TEC. Sera-t-il protectionniste ou protecteur ? Faut-il un fonds d'investissement ou un fonds de réadaptation ? La séance est levée à 20h 15 sans que le communiqué final ait été rédigé. Une quatrième séance, la fameuse séance d'après le spectacle se déroule le 3 juin à lh 30 du matin à l'hôtel San Domenico de Taormina. C'est à ce moment qu'un incident éclat entre les Belges et les Français à propos de l'uranium du Congo. La Belgique était lié aux États-Unis pour la vente de son uranium. Comment pourrait-elle alors contribué au pool atomique européen ? La question avait été soulevée par Olivier Wormser33. Cette contradiction soulevée par les Français excita Spaak. Spaak et Beyen rejetèrent aussi un paragraphe écrit par Hallstein concernant la jeunesse car ils estimaient que le projet de Marché commun et d'Europe atomique ou des transports avait une finalité économique. La séance fut levée à 4 heures du matin34. La déclaration de Messine sortit de ces derniers débats. Pinay n'avait pas les coudées franches en raison de l'hétérogénéité du gouvernement Faure. Il était favorable à une intégration sectorielle dans le domaine de l'énergie et des transports, pas à un Marché commun, à la différence de W. Hallstein. De plus, Pinay refusait d'étendre la compétence de la Haute Autorité de la CECA au domaine atomique. Les pro-européens, tels Uri, comptaient sur le souvenir du scandale de la CED pour faire avaler la potion européenne à la France.

  • 35 FRUS IV, 1955-57, p. 317; n° 111, Mémorandum of conversation, Department of State; Washington July (...)

19La question de l'uranium belge eut des suites. Les Belges estimaient que les Français voulaient « partager » uniquement ce qu'ils n'avaient pas. Pourtant ils ne pouvaient ignorer qu'un pool atomique aurait bénéficié des connaissances des Français dans ce domaine. Il semble que Pays-Bas et Allemagne ont soutenu les Belges pour ne pas remettre en cause leurs accords nucléaires bilatéraux avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Mais le 7 juin, après la conférence, Massigli fit connaître aux Belges son mécontentement du nouvel accord belgo-américain sur l'énergie atomique, incompatible avec l'idée d'Europe. Le projet d'Europe atomique impliquait directement les Américains. Pour qu'une véritable Europe atomique existe il faudrait partager les connaissances techniques que certains pays détenaient en vertu d'accords avec les États-Unis. Ceux-ci permettraient-ils la diffusion des connaissances ? En juillet B. Goldschmidt du CEA demanda 200 tonnes d'uranium naturel aux Belges, ce qui inquiéta les Américains. Les Américains s'interrogeaient. Fallait-il encourager ce pool ? La réponse fut positive. Mais quel serait son objet ? Aurait-il accès aux connaissances atomiques américaines secrètes ? Les Américains ont bien vu qu'il pouvait être un excellent moyen de conduire les Français vers l'unité européenne car sa création leur donnerait l'opportunité d'y exercer une direction scientifique et de contrôler le développement nucléaire allemand. Toutefois la méfiance l'emportait. La France n'avait pas bonne réputation en matière de sécurité. On était réticent à l'idée de confier aux Français des connaissances classifiées35.

  • 36 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 332, M. Pinay, MAE aux représentants diplomatiq (...)

20Le bilan de la conférence est-il satisfaisant pour la France et pour l'unité de l'Europe ? Personne ne sait encore quels développements Messine comportera. Pinay, rendant compte de la conférence, insiste sur les conditions qu'il a mises à la création d'un Marché commun : tarif extérieur commun, harmonisation des politiques sociales, création d'un fonds d'investissement européen, coordination des politiques monétaires des pays membres. La conclusion est très positive : « La conférence de Messine marque le premier pas accompli depuis le 30 août 1954 vers un nouveau développement de l'intégration européenne. Un effort réel et fructueux a été fait pour dégager les bases concertées de la construction européenne36 ». Le clivage est net entre partisans d'une intégration globale et partisans d'une intégration sectorielle, entre libéraux et interventionnistes régulateurs.

La relance par le Marché commun ou l'Europe atomique ?

  • 37 840.00/7-855, July 8, 1955, Joseph Palmer 2nd acting director, office of European Régional affairs (...)
  • 38 FRUS IV, 1955-1957, p. 302-303, from the acting US representative to the ECSC to the acting direct (...)
  • 39 RG 469, USRO, Executive section, Box 13, de Dulles to Paris american Embassy, 1 July 1955, unnumbe (...)
  • 40 FRUS IV, 1955-1957, p. 306, Memorandum from the special assistant to the Secretary of State for at (...)

21Messine ralluma la flamme de l'intégration européenne par un projet d'Europe atomique plus que par le projet de Marché commun. Les fonctionnaires américains furent étonnés de cette relance encore si proche de l'échec de la CED. Le projet de pool atomique sur le modèle du plan Schuman a été bien accueilli par l'administration américaine parce que les liens entre l'Allemagne et l'ouest seraient renforcés37. Ils n'imaginaient pas les gouvernements européens se lancer dans le Marché commun, « a pretty nebulous project38 ». Dulles poussa activement les feux de l'Europe fédérale sous la forme d'une Europe atomique à usage pacifique39. Il bouscula les fonctionnaires américains de l'Atomic Energy Commission et du Département d'État chargés des affaires nucléaires, opposés à un soutien des États-Unis à Euratom. Il est intéressant de savoir que leur opposition se fondait sur la préservation en l'état de l'accord nucléaire américano-belge sur la livraison d'uranium du Congo, « le plus important pour notre sécurité nationale et pour la défense du Monde Libre » disait l'AEC40. Partout en Europe, on estimait que le soutien américain était essentiel.

  • 41 Le Monde, 16juin 1955.

22Les partisans du Marché commun s'accommodaient de la situation précaire et seconde faite à leur projet. Jan-Willem Beyen affirma qu'il avait été encouragé par la conférence, mais qu'il était conscient des difficultés que la France et l'Allemagne rencontreraient. Beyen était beaucoup moins optimiste que les Américains. Il savait que Messine n'était pas la relance européenne, mais seulement le début d'un processus qui pouvait y conduire. Messine enregistrait, malgré les difficultés françaises et allemandes du moment, l'acceptation du principe d'intégration supranationale et un Marché commun. Monnet profita de son départ de la Haute Autorité en juin pour formuler auprès d'André Fontaine, au Monde, quelques vérités qui sans aucun doute montraient les limites de la relance de Messine. Les États-Unis d'Europe sont nécessaires à la paix comme facteur de stabilité entre l'est et l'ouest. Il n'y a pas de Marché commun sans délégation de souveraineté à une autorité commune décidant pour le bien de tous ; l'Europe unie est ouverte à tous ; l'Europe c'est un pouvoir fédéral plus l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, comme autrefois, le communisme avait été le pouvoir des Soviets plus l'électricité !41. Cette déclaration fut répercutée par Monnet et ses amis partout dans le monde. La résolution de Messine était plus floue. Elle parlait de développer de nouvelles institutions communes, de regrouper progressivement les économies nationales, de créer un Marché commun et d'harmoniser la politique sociale, de créer une Europe atomique. Les dispositions de Messine furent avalisées par le Conseil des ministres français du 8 juin. L'important avait été sans aucun doute d'avoir accepté une méthode de négociation qui n'empêchait ni la relance ni l'avortement de la relance. C'était exactement le contraire de la méthode Monnet lors de la création de la CECA.

Une méthode Messine ?

23Le succès de Messine est-il du à une méthode particulière, qui pourrait être utilisée en permanence pour la construction européenne ? L'organisation d'un comité intergouvernemental pour l'intégration européenne est due à la sagesse des pays du Bénélux qui ont accepté de temporiser, à la différence de la méthode Monnet - Schuman de mai-juin 1950. La conférence a concédé qu'il fallait étudier les questions atomiques et des transports. Elle a subordonné la mise en application d'un Marché commun à des conditions d'égalisation sociale.

  • 42 DDF, 1955, 1, 317, M. Garnier, ambaF à La Haye, à M. Pinay, MAE, tel 290-294 confidentiel, La Haye (...)

24Antoine Pinay était personnellement favorable à l'idée européenne, mais il a manifesté un « sens très raisonnable des réalités » dit Jan William Beyen42. Ce réalisme touche à la sécurité de la France. Walter Hallstein aurait dit que l'Allemagne serait européenne si la France l'était aussi. Cette arrogance a pu faire entrevoir au ministre le retour à une tension intereuropéenne du fait de la récente indépendance allemande. Pinay a reconnu qu'il fallait tout faire pour insérer l'Allemagne dans l'Europe et passer peut-être sur les obstacles techniques ou économiques soulevés par ses services. Le succès de Messine ne devrait donc rien à une méthode spécifique mais au jeu classique des peurs réciproques franco-allemandes et jamais totalement expurgées. La sécurité de la France vaut bien une messe « européenne ».. ! Inversement le succès de Messine s'explique aussi par la levée de l'hypothèque allemande puisque les Accords de Paris sur l'UEO et l'entrée de l'Allemagne dans l'OTAN l'avait précédée. La France a accepté d'étudier une intégration européenne en partie parce qu'elle avait encore une peur diffuse de l'Allemagne, en partie parce que cette peur était contrôlée par des traités internationaux.

  • 43 DDF, 1955, 1, 332, M. Pinay, MAE aux représentants diplomatiques de France à 1'étranger, Paris lOj (...)
  • 44 DDF, 1955,1, 337, M. Rivière, ambaF à Bruxelles, à M. Pinay, MAE tel 362, urgent, Bruxelles, 13 ju (...)
  • 45 Archives Ramadier, 52 J 114, note de F. Valéry (DAEF) du 7 mai 1957, historique du Marché commun.
  • 46 Cité par Eric Kocher, carton SGCI 1211, Le rôle de la France dans les négociations des traités de (...)
  • 47 DDF 1956, 1, 302, note de la DAEF. Marché commun, historique de la position française à la confére (...)
  • 48 Christian Pineau, Christine Rimbaud, Le grand pari, l'aventure du traité de Rome, Fayard, p. 176.
  • 49 Débat, p. 168, Il rilancio dell'Europea e i trattati di Roma, Actes du colloque de Rome, 25-28 mar (...)

25Spaak, Beyen et Bech ont proposé la création d'un Comité de délégués gouvernementaux présidé par une personnalité politique nommée par les Six gouvernements, pour mener ces études « de faisabilité ». Pinay a insisté sur la présence britannique43, tout en saluant la méthode Spaak44. A ce prix, Pinay pouvait donner un accord de principe pour un Marché commun45. La « méthode Messine » n'est que l'art du compromis, un compromis entre la thèse du Bénélux favorable à l'institution d'un Marché commun et la thèse française beaucoup plus nuancée. « S'il apparaît que tous les gouvernements sont disposés à s'engager dans la voie la plus audacieuse et la plus fructueuse de l'intégration générale » ose affirmer Spaak, très œcuménique, « cette direction devrait être préférée sans pour autant abandonner l'effort visant à obtenir des résultats limités mais plus rapides dans des secteurs économiques particuliers ». Pinay répond qu'il y aurait avantage « à procéder d'abord par secteurs..46 ». En fait devant l'impossibilité d'un consensus, les ministres ont été assez sages pour décider de ne rien décider et pour seulement manifester leur intention de contracter un engagement47. « L'accord ne s'est pas fait sur des conclusions mais sur des méthodes de travail » dit Christian Pineau48. Ils ont donc créé un comité d'experts. La méthode du comité d'experts indépendants était celle du Comité de direction des Échanges de l'OECE ou de l'UEP, estime le comte Snoy49.

  • 50 Débat, p. 167, Il rilancio dell'Europea e i trattati di Roma, Actes du colloque de Rome, 25-28 mar (...)
  • 51 Pierre Uri, Penser pour l'action, un fondateur de l'Europe, Odile Jacob, 1991 p. 117.
  • 52 Michel Dumoulin, « Les travaux du Comité Spaak (juillet 1955-avril 1956) », Il rilancio dell'Europ (...)

26Cette décision de créer un comité d'experts indépendants chargés d'établir « un plan d'ensemble sur les divers aspects de la mise en commun, avant de démarrer le dialogue des diplomates » ressort de la méthode pour Pierre Uri50. Pour l'historien, tout n'appartient pas à la méthode. Il traduit les incertitudes françaises. Il est le fruit de l'échec de la CED. Il ne fallait pas recommencer la même erreur51. Spaak l'a compris, Pinay sans doute aussi et certainement les conseillers du ministre comme Olivier Wormser. La « méthode » Messine ne serait donc qu'une réaction de bon sens aux cuisants échecs précédents. Toutefois, comme l'a écrit Michel Dumoulin, il y aurait eu, avant la conférence, préparation à l'idée de créer un Comité chargé d'approfondir les plans arrêtés à Messine52. L'originalité et l'efficacité du projet tient à la nomination d'un politique à la tête du comité d'experts, dit comité Spaak ou Comité intergouvernemental (le CIG).

Les enjeux du premier Comité Spaak

  • 53 Paul-Henri Spaak, Combats inachevés, 2, Fayard, 1969, p. 69.
  • 54 DDF 1955, 2, ler juillet-31 décembre, 2, M. Pinay MAE à M. Rivière, ambaf à Bruxelles, tel 1002 à (...)

27La conférence confia à Spaak le soin de présider un Comité spécial chargé de faire des propositions claires, le comité intergouvernemental. La méthode Spaak (ou du Bénélux) permit de mettre sur pied un comité intergouvernemental composé d'experts, mais coiffé par une personnalité politique. Elle est très souple à la différence de la méthode Monnet de 1950. Aucun a-priori n'est imposé aux experts. Il y a cependant une certitude. L'homme qui dirige le comité, choisi par ses pairs, Paul-Henri Spaak, a la confiance de tous. Il est passionné par l'intégration européenne. Il a été et est encore proche de Monnet, alors que l'étoile de ce dernier commence à décliner. Il a l'oreille des socialistes français. Est-ce le succès assuré ? Certes non. A Paris certains s'étonnent de la création d'un nouveau comité d'experts. Ils oublient que l'originalité de la méthode Spaak réside dans ce mariage curieux entre un comité d'experts et un grand politique53. Le comité invite la Grande-Bretagne à participer à ses travaux. Tout le monde en est d'accord. Les Français y tiennent beaucoup54. Toutefois il lui est demandé de se tenir aux objectifs fixés à Messine, i.e. de travailler à la mise en commun des ressources européennes. Les Anglais ont accepté. Donc Spaak constitua le 9 juillet 1955 à Bruxelles 4 commissions et 4 sous-commissions avec, au sommet, un comité des chefs de délégations (Marché commun, Énergie classique, Énergie atomique avec Louis Armand, Transports, Investissements, Problèmes sociaux, Transports aériens, Télécommunications).

L'action de Jean Monnet

28Monnet suivit les travaux grâce à Uri qui était membre du comité des chefs de délégations au titre d'expert et rédacteur principal du rapport final avec Von der Groeben. Pierre Uri engageait d'une certaine façon Monnet, quoiqu'il insiste aujourd'hui sur son rôle personnel. Il n'avait pas de poids sur le gouvernement français, mais il connaissait bien Félix Gaillard, le chef de la délégation française. Son rapport, comme celui de Louis Armand sur Euratom, était prêt début janvier 1956. Uri y évoquait l'irrévocabilité de l'adhésion, mais aussi les mesures de flexibilité nécessaires à l'adoption d'un Marché commun.

  • 55 Voir la liste des participants au Comité d'Action des Etats-Unis d'Europe dans Pascal Fontaine, Le (...)

29Pour peser sur les négociations Jean Monnet fonda le Comité d'Action pour les États-Unis d'Europe, le dernier grand réseau de Monnet55. Monnet mit de son côté la Démocratie chrétienne européenne, les socialistes, y compris allemands qui étaient opposés à l'Europe vaticane (octobre 1955). La SFIO adhéra au Comité d'Action des États-Unis d'Europe à l'unanimité du Comité directeur. Bien entendu le Comité d'Action subit l'attaque des Communistes qui y virent une Sainte-Alliance des capitalistes. Il s'appuyait sur un réseau international de journalistes talentueux : Hubert Beuve-Méry du Monde à partir de 1954, André Fontaine (Le Monde), Antoine Chastenet (Le Figaro), Roger Massip (Le Figaro), Emanuele Gazzo (Agence Europe), Charles Ronsac (Franc-Tireur). Monnet avait des entrées au New-York Times, au Times, à la Frankfurter Allgemeine Zeitung.

  • 56 840.00/7-1855, from Faris, to Secretary of State n° 261, July 18, 2 p.m., Dillon to Merchant.

30L'action de Monnet n'allait pas forcément dans le sens des autorités politiques françaises. Le successeur de Monnet à la tête de la Haute Autorité de la CECA, René Mayer, faisait des propositions qui différaient largement de celles étudiées par les Six. Il envisageait un accord monétaire établissant une convertibilité partielle au sein de la CECA, une association étroite de la CECA avec l'Autriche et la Suisse et la création d'un pool atomique. Monnet ne songeait pas à un Marché commun. Au contraire. L'Europe atomique était au coeur de son projet de relance européenne. Mais en raison de l'avancée technologique des Français dans ce domaine, il leur faudrait obtenir de leurs partenaires des avantages. Pourquoi, par exemple, la Belgique ne favoriserait-elle pas l'approvisionnement du pool européen en uranium du Congo ? Ces confidences furent faites en juillet 1955 à l'ambassadeur américain en France, Douglas Dillon, afin d'obtenir son soutien pour la révision de l'accord bilatéral belgo-américain sur l'uranium du Congo56.

Les options et réactions du gouvernement français au CIG

  • 57 DDF 1955, 2, 1er juillet - 31 décembre, 22, M. Rivière, ambaf. à Bruxelles, à M. Pinay, MAE, tel 4 (...)

31Les objectifs du gouvernement français pour ce comité intergouvernemental sont encore assez vagues. Mais progressivement la délégation française passe d'une situation réservée à une activité soutenue. La délégation française est dirigée par Félix Gaillard. Félix Gaillard, dit Rivière, ambassadeur de France à Bruxelles, « s'est personnellement efforcé de faire prévaloir des méthodes de travail en vue d'aboutir à des solutions rapides et concrètes57 ».

  • 58 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 7, boites 19 et 20.
  • 59 SGCI, F GO, classement provisoire, Carton 8, boite 23 discours du ministre devant l'Assemblée cons (...)
  • 60 DDF 1955, 2, 1er juillet-31 décembre, 13, note du service de coopération économique, Comité interm (...)
  • 61 SGCI, F 60, classement provisoire. Carton 6, boite 16, Instructions de Pinay à Gaillard, 12 juille (...)

32On peut suivre les interventions françaises dans les comptes rendus des séances du CIG (Comité des chefs de délégations par exemple)58. Les propositions françaises en juillet 1955 sont les suivantes. Le point fort porte sur une organisation européenne de l'énergie, atomique et classique. L'Agence atomique européenne ne devra pas avoir de monopole étendu. Elle ne contrôlera pas les programmes militaires. Il avait été entendu du côté français que l'Agence ne pourrait pas avoir la forme d'une Haute Autorité du type CECA. Les Français demandent aussi la création d'une organisation atomique commune pour financer une usine de séparation isotopique et de fabrication d'eau lourde. Les Français sont plus prudents sur les transports. Ils demandent l'établissement d'un comité d'experts permanents et la création d'un fonds routiers et des voies navigables. La question doit être prise en charge par la conférence européenne des ministres des transports de l'OECE. Mais les Français tiennent à créer une compagnie aérienne européenne (Eurofima) et une société européenne pour l'achat des matériels aéronautiques. Les positions françaises sur les télécommunication européennes sont celles que le ministre des PTT, Edouard Bonnefous, a présentées à l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe. Une organisation européenne des télécommunications, quel progrès explique le ministre ! « Est-il besoin d'insister sur l'effet qui serait produit si l'on pouvait, automatiquement (...) obtenir alternativement Londres, Bonn, La Haye, Bruxelles, Rome, la Sarre et peut-être demain encore d'autre pays d'Europe », explique le ministre59. Le lecteur savourera la rapidité des évolutions. La question de la convertibilité des monnaies est abordée d'une façon marginale, car elle est traitée par le Conseil de l'Europe et l'OECE. Les institutions envisagées encore très vaguement pourraient s'apparenter au modèle de la CECA qui de ce fait verrait ses compétences s'élargir, mais la question n'est pas clarifiée pour l'Agence atomique. On parle de conférer des pouvoirs régaliens au Conseil des ministres nationaux. La question du Marché commun n'est pas prioritaire. Elle sera traitée selon la règle du « do ut des ». Les Français insistent déjà sur la création d'un Fonds de compensation pour les travailleurs migrants géré par un centre européen de Sécurité sociale. Le Quai d'Orsay accepte un calendrier de désarmement tarifaire et la gestion par une autorité supranationale des clauses de sauvegarde dans le cadre du Marché commun général60. La Grande-Bretagne est la bienvenue si elle ne torpille pas le projet d'unité défini à Messine61.

  • 62 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 9, boite 27, cr du comité interministériel du 29 juillet (...)
  • 63 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 9, boite 27.

33De nouvelles instructions pour la délégation française ont été préparées à la suite d'un comité interministériel tenu le 29 juillet sous la présidence d'Edgar Faure. Ce comité a tranché semble-t-il un point qui avait soulevé des discussions au sein du gouvernement. Tous les programmes atomiques français devront-ils passer sous la coupe de la future Agence européenne ? Répondre oui, c'est se priver de la bombe. Répondre non c'est poursuivre les recherches seuls. La décision a été prise de ne pas demander par principe « le maintien dans le domaine national de tous les programmes atomiques actuellement en cours62 ». Nous comprenons qu'il s'agissait de manifester sa bonne volonté, sans se contraindre à basculer les recherches en cours dans le domaine de l'Agence atomique. Gaston Palewski, le lendemain, écrit au Président du Conseil qu'il veut sauvegarder l'indépendance atomique de la France, « ce qui exclut, à mon avis, dit-il, que organisation envisagée puisse dans l'immédiat ou à terme, par une concentration des ressources financières jusque là consacrées par les États membres à leur programme atomique tendre à priver le gouvernement français des moyens nécessaires au développement sur un plan national de l'effort déjà entrepris63 ». Il faut entendre par « effort déjà entrepris » les travaux du CEA et des militaires pour un programme civil national ou pour les recherches sur la bombe A.

  • 64 DDF 1955, 2, 1er juillet-31 décembre, 48, M. Rivière ambaf. à Bruxelles, à M. Pinay, MAE, tel 473, (...)
  • 65 RG 469, Office of African and European Operations Regional organization staff, subject files 1953- (...)

34Peu à peu le Comité intergouvernemental se met au travail sous la direction de Spaak. D'après l'ambassadeur de France à Bruxelles, la méthode suivie est très pragmatique64. La nature des institutions est réservée. Mais on voit que les travaux sur le Marché commun prennent progressivement le pas sur les unions par secteurs. La dérive est notée par l'ambassadeur de France à Bruxelles. Spaak laisse faire, car d'après Rivière, il juge que, une fois le Marché commun réalisé, l'approche par secteurs sera dépourvue d'intérêt. Sans doute alors pense-t-il à lui donner une direction fédérale. Il semble que pour Spaak, faire le Marché commun était plus significatif en termes d'unité européenne que bâtir des unions sectorielles. La méthode Monnet était donc ignorée. On peut s'en étonner. Mais la question déterminante porte sur la nature des institutions. Début août, Pierre Uri, l'adjoint immédiat de Spaak, peut rédiger un premier papier sur le Marché commun. Le Marché commun est une action commune prise dans l'intérêt général. Chaque état membre doit être sûr qu'un autre ne commettra pas d'agression économique à son endroit une fois les barrières douanières abaissées. Le Marché commun doit être irrévocable, même s'il y a des mesures transitoires. II faut corriger les distorsions sociales qui conduisent à des pratiques non économiques. L'harmonisation des droits de douane vis-à-vis des tiers doit être faite automatiquement et au plus bas niveau. Des mesures en faveur des régions européennes sous-développées seront prises. La liberté des transactions monétaires sera établie avec les États en situation de la mettre en pratique65.

  • 66 DDF 1955, 2, 1er juillet-31 décembre, 151, M. Dufournier, c.a de France à Bruxelles, à M. Pinay. M (...)
  • 67 DDF 1955, 2 1er juillet-31 décembre, 179, note de la direction des Affaires économiques et financi (...)
  • 68 M. Dumoulin, « Les travaux du Comité Spaak (juillet 1955-avril 1956) » in « La relance européenne  (...)
  • 69 840.00/8-2655, from amembassy Paris, Harry Bell, to the Department of State, CERP D-6, August 26, (...)
  • 70 DDF 1956, 1, 302, note de la DAEF. Marché commun, historique de la position française à la confére (...)
  • 71 RG 469, Office of African and European Operations Regional organization staff, subject files 1953- (...)

35Les premières tensions apparaissent au sein de la délégation française. Ainsi le représentant du Ministère de l'économie et des Finances (DREE) s'oppose à la fixation d'un délai de réalisation du Marché commun. Le Quai d'Orsay y est favorable66. Félix Gaillard propose d'entrer sans réserve dans un Marché commun, durant la première étape, puis de laisser aux institutions le soin de définir les étapes suivantes. Antoine Pinay ne tranche pas67. Mais Olivier Wormser, directeur des affaires économiques au Quai d'Orsay, rejette des institutions supranationales ou susceptibles d'acquérir de leur propre mouvement, au terme d'une disposition juridique du type de l'article 38 du traité de Paris sur la CED, des compétences élargies. Les Français étaient partagés entre ceux qui souhaitaient poursuivre la coopération sur les transports au sein des organisations techniques existantes à l'OECE et ceux qui voulaient créer une nouvelle organisation. Les Français insistent sur les transports aériens. Ils veulent mettre en pool les services intercontinentaux des compagnies d'aviation européennes à travers une Société européenne de constructions aéronautiques (SECAIR)68. Cette relance sectorielle avait pour objectif d'affaiblir le projet général de Marché commun. Pourtant les Américains reconnaissaient que des progrès avaient été faits par les Français69. Les experts français du Comité intergouvernemental de Bruxelles ont été amenés à négocier et à dégager un compromis au sein de la délégation française. Officiellement ils n'engageaient pas le gouvernement et pourtant ils allaient au delà de la simple expertise, parce que Spaak était un politique70. N'est-ce pas là le piège ou l'intelligence de la méthode Spaak ? Les experts français proposent de développer les applications civiles de l'énergie atomique par un pool européen, alimenté en uranium par le Congo belge. Les Allemands ont manifesté quelque dépit, sans doute parce que leur programme nucléaire n'était pas aussi vaste que le programme français. Le 5 août, le Dr. Pretsch, spécialiste allemand des question nucléaires et délégué auprès du comité intergouvernemental de Bruxelles estimait que les Français avaient surévalué leur programme de construction de réacteurs nucléaires, sous entendu qu'ils n'étaient pas capables de le mener à terme71.

  • 72 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 6, boite 16, Bruxelles, 31 août 1955, DGAEF, réunion de (...)

36La réunion des ministres des Affaires étrangères de Noordwijk, près de La Haye, le 6 septembre 1955, ne brille pas par son efficacité. Les experts ont peu progressé. Il y a eu les vacances ! Les Français seuls s'opposent à fixer un délai de bonne fin du Marché commun72. Antoine Pinay rassure ses partenaires, mais demande qu'il y ait une concomitance entre l'établissement d'un Marché commun et la création des autres organisations. On décide donc de laisser les experts libres de leurs conclusions.

  • 73 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 7, boite 21, CIG 30 septembre 1955, doc 297 Commission d (...)
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37Les questions de fond n'ont donc pas encore été abordées. Les clivages subsistent. Pour les Français, l'important est de savoir reprendre l'initiative sur des questions ignorées par leurs partenaires, comme l'Euratom. Dans ce domaine, la France propose très rapidement la construction d'une usine de séparation isotopique tout en prenant conscience que le prix de l'U235 américain est beaucoup moins cher. La délégation française tente de justifier cette usine « pour garantir la possibilité d'un développement indépendant de tout programme atomique73 ». Dans le labyrinthe des discussions, la question des transports est oubliée. Faut-il créer une organisation européenne des transports ? Le sentiment majoritaire, contre l'avis de la délégation française, conduit à intégrer les transports dans le cadre d'un Marché commun général. Il n'y aura donc pas organisation européenne des transports comme il n'y aura pas organisation européenne de l'énergie classique. Le Marché commun continue d'inquiéter les Français. Le projet de rapport en cours de rédaction serait, croyait-on, « l'amorce d'un véritable gouvernement économique supranational » auquel les finesses de la diplomatie traditionnelle ne pourraient pas s'appliquer. Les hésitations françaises rappellent de mauvais souvenirs à ses partenaires. L'hypothèse d'une retour de Mendès France au pouvoir, en cas de victoire du Front Républicain, glacent les cinq. Spaak exprima sa crainte d'une mise en sommeil de l'intégration européenne. Gaillard les rassura. Paul-Henri Spaak, d'après Robert Rothschild, son directeur de cabinet, fut favorablement impressionné par les projets français concernant le Marché commun en octobre 1955. C'était, confia-t-il à l'ambassadeur américain en Belgique, « la première proposition constructive d'intégration émanant du gouvernement français en trois ans74 ».

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38Les rapports des commissions sont étudiés par le comité directeur du CIG le 7 novembre. Le délégué britannique, observateur attentif mais distant, explique que le Royaume-Uni aurait des difficultés particulières à participer au Marché commun. Il n'annonce pas encore un retrait définitif. Il critique le caractère trop supranational du projet d'Europe atomique. En effet le rapport sur Euratom évoquait un conseil doté « de pouvoirs étendus et réels » pour réaliser des travaux techniques et de recherche, pour industrialiser et pour approvisionner l'Europe en matériaux fissiles. Il se paye le luxe de défendre les intérêts de l'OECE, « instrument général du développement de la coopération économique en Europe ». A cela Spaak répond qu'il faut avancer75. Un aide-mémoire anglais du 17 novembre estime que le projet Euratom lie trop étroitement programme civil et militaire. La Grande-Bretagne ne peut s'y associer. La réponse du gouvernement français est ambiguë. Il regrette la décision britannique et rappelle qu'aucun indice ne laisse penser que les gouvernements européens de Messine seront prêts « à aliéner leur liberté d'action dans le domaine militaire76 ». Spaak prépare le rapport du Comité. Mais l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale française, le 2 décembre 1955, reporte de six mois sa publication et relance les négociations. Conformément aux choix effectués à Messine, les travaux du Comité n'ont pas été de vraies négociations. Le visage de l'Europe unie n'est pas encore défini. Cette méthode aura permis de pointer la difficulté de bâtir un Marché commun. Chaque délégation d'experts explore à fond un problème sans pour autant engager son gouvernement, mais en donnant des solutions. C'est ainsi que la délégation française a pu élaborer très librement un mémorandum remis le 25 octobre 1955 sur la Marché commun. Il est conseillé de s'engager pour une première étape de 4 ans seulement, accompagné de multiples précautions (harmonisation, fonds de réadaptation, TEC, régime spécial pour l'agriculture, clause de sauvegarde unilatérale). Ce rapport indique que les Français ont des positions totalement divergentes de celles des autres délégations. Pourtant la négociation n'est pas rompue77. Les négociations peuvent commencer et les arbitrages politiques se faire. Le travail en commission a montré que les États s'intéressaient d'abord au Marché commun et à l'énergie atomique, moins à l'énergie classique ou aux transports. Le CIG a provoqué la discussion.. Il a laissé les arguments s'épanouir et esquissé les concessions. Une telle ambiance a interdit à la délégation française de poser un ultimatum ou de claquer la porte. Peut-être aussi était-ce dû aux personnalités qui la dirigeaient. La pression était beaucoup moins forte qu'en 1954, l'enjeu moins dramatisé, alors que la France avait à régler d'immenses problèmes hors d'Europe : le désengagement de l'Indochine, les questions est-ouest, la fins des protectorats d'Afrique du Nord et le début de l'insurrection algérienne. La clef du succès était aux mains des Français. Rien n'était fait encore. Les élections législatives françaises de janvier 1956 seraient cruciales pour l'Europe.

Le retrait de la Grande-Bretagne du CIG

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  • 79 Alain Pratte, Quelle Europe ?, Commentaire, Julliard. 1991, p. 44..
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39L'attitude réservée des Britanniques sur le Marché commun risquait encore d'aggraver les réserves françaises et allemandes. Les réserves françaises venaient de la peur de l'Allemagne au sein d'un groupement à Six. Or en novembre les Anglais décidèrent de se retirer du comité des experts. Ils en avertirent préalablement le gouvernement américain. Les raisons qu'ils donnèrent sont intéressantes. Outre le conflit bien connu entre le Commonwealth et une Europe unie, il y avait le doute britannique concernant la volonté française de procéder à des ajustements économiques et budgétaires pour entrer dans un Marché commun. La remarque était justifiée par l'attitude française. Reste à savoir si cela n'a pas été un prétexte plus qu'une bonne raison pour se retirer. Les Britanniques considéraient encore qu'un Marché commun établirait une zone protégée contraire aux accords du GATT. Déjà pointait la Zone de Libre-échange. Ils hésitaient enfin à favoriser la naissance d'une Europe atomique à Six plutôt qu'à l'OECE78. La Grande-Bretagne se retira à la fin de l'année 1955 en avertissant les Six pays européens qu'il n'était pas souhaitable qu'ils aboutissent. Une menace à peine voilée était formulée par les Anglais. Un négociateur estima que la Grande-Bretagne désirait « dissoudre le Marché commun comme un morceau de sucre dans une tasse de thé79 ». Dulles le remarqua très expressément lors de son voyage à Paris pour une session de l'OTAN en décembre 1955. Il écrivit même à Eisenhower, lui expliquant que les Anglais « faisaient tout pour bloquer le développement de l'idée européenne au titre de l'énergie atomique et du Marché commun80 ».

Le choix américain en faveur d'une Euratom pacifique

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  • 82 840.00/12-2755, Dulles, tel. 1143G, 1955, Dec. 27, p.m. 7. 51.
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40Du fait de l'insistance des Français, la question de l'Europe atomique était devenue une affaire très sérieuse. Les Américains poussaient à sa création, préférant à l'évidence traiter de la vente de matériaux fissiles ou de la non prolifération avec une organisation centralisée. Le CEA manifestait habilement ses préférences pour une usine de séparation isotopique européenne afin de renforcer le potentiel français. Les Anglais, un moment intéressés par le recyclage des déchets nucléaires dans leurs usines, écartèrent une collaboration atomique, sans doute sous la pression américaine pour des raisons de sécurité. L'Atomic Energy Commission (AEC) américaine n'était sans doute pas dans les mêmes dispositions que le Département d'État. Il est vrai que les engagements législatifs américains à propos de la sécurité des informations atomiques étaient draconiens. Les Français refusaient toute industrie nucléaire allemande autonome. Les résistances allemandes, en particulier celles du clan Erhard et des industriels allemands ont été vivement combattues par les États-Unis. Malgré cela, Monnet pensait qu'Euratom avait toutes les chances d'être mise en place tandis que le Marché commun serait une œuvre de longue haleine. Il rencontra sur ces sujets brûlants, durant une demi heure, le secrétaire d'État américain, John Foster Dulles, à l'ambassade américaine de Paris le 25 octobre 1955. Il demanda aux États-Unis d'éviter de passer des accords atomiques bilatéraux avec l'un ou l'autre des pays européens pour inciter l'Europe à s'intégrer. Notons à quel point Monnet faisait partie des gens informés systématiquement par les États-Unis. Dulles le rassura sur les intentions américaines de coopérer avec une institution européenne et non pas avec l'Industrie privée, comme l'espéraient les Allemands. Monnet lui avait exprimé ses craintes à propos de la volonté des industriels allemands de se réserver entièrement le monopole du nucléaire sans interférence gouvernementale ou intergouvernementale. La question était posée aux Américains de suspendre ou non les négociations atomiques bilatérales pour pouvoir favoriser l'émergence des États-Unis d'Europe dans le domaine atomique. Monnet revit Dulles le 17 décembre 1955, durant une demi-heure encore, à l'ambassade. Il réitéra sa crainte d'une offensive patronale allemande contre Euratom. Il exerça des pressions très vives pour que l'administration américaine ne signe aucun accord bilatéral ni avec la France ni avec l'Allemagne. Monnet pressentait le danger que représenterait un accord entre l'Allemagne et les États-Unis. Il s'efforça de convaincre Louis Armand de faire la même démarche pour éviter des incidents avec l'opinion française81. Il n'était pas possible qu'un des membres de la future communauté atomique passât un accord qui lui donne accès à des matériaux et à des informations américaines que les autres membres de la communauté ne posséderaient pas. En janvier 1956 Dulles gela les négociations des accords bilatéraux. Monnet avait été entendu. Les Américains venaient, après six mois d'observation et d'étonnement devant la relance européenne, de définir leur politique. Elle a été exprimée par Dulles, fin décembre 1955 selon les lignes suivantes : encouragements à l'unité de l'Europe permettant à l'Allemagne de s'ancrer à l'ouest, approbation d'une Europe atomique, refus d'une approche bilatérale. En janvier, les Américains écrivirent qu'ils étaient décidés à mieux traiter Euratom qu'un simple État dans le domaine des accords atomiques82. Une note de Merchant de l'Office of European Regional Affairs du Département d'État proposa même de favoriser la construction d'une usine de séparation isotopique en Sarre, sur la base de renseignements techniques déclassifiés par les États-Unis, mais sous réserve de créer une autorité européenne souveraine, capable de négocier avec les États-Unis83. L'Atomic Energy Commission (ACE) n'a pas été convaincue et a répondu par le conseil de vendre de l'U 235 américain produit dans les usines américaines largement amorties. Les élections législatives en France perturbèrent les observateurs américains. Ils jugèrent faussement que la naissance d'Euratom était compromise. Aussi envisagèrent-ils la création d'une autorité atomique atlantique où les participants partageraient les secrets à des fins civiles, mettraient les matières fissiles sous contrôle de cette autorité, y compris les États-Unis, et s'engageraient, sauf les États-Unis et le Royaume-Uni à ne pas produire d'armes atomiques. La France aurait pu être écartée des nations atlantiques si nécessaire. Mais l'essentiel pour les Américains étaient bien de créer une Euratom supranationale. Le Marché commun n'avait pas la même importance pour eux en termes politiques et de sécurité84. Il leur fallait agir vite car ils savaient que les Français étaient capables au cours de l'année 1957 de disposer de stocks de plutonium suffisants pour entrer dans la fabrication d'armes atomiques. Ils savaient aussi que les Français avaient dépensé 1 million de dollars pour des recherches sur la construction d'une usine d'enrichissement d'U 235.

Conclusion

  • 85 Paul-Henri Spaak, La pensée européenne et atlantique de Paul-Henri Spaak, tome 1, textes réunis et (...)

41L'année 1955 avait commencé par la célébration de l'UEO. Elle se termine par un travail commun à Six sur de nouveaux projets d'intégration. Le remarquable rebondissement de l'idée d'intégration et de délégation de souveraineté, somme toute l'idée fédérale, était dû à la volonté de Monnet, de Spaak et de Beyen. Les travaux du Comité intergouvernemental doivent beaucoup à Spaak. Il veut établir un bilan des difficultés à surmonter pour atteindre les objectifs de Messine, la création d'un grand marché commun et l'exploitation pacifique et en commun de l'énergie nucléaire. Il rejette tout préalable politique de type Assemblée ad hoc de 195385. Cette méthode, si habile soit-elle, n'est pas à l'origine du succès du 25 mars 1957. Elle ne peut garantir le succès, car les conditions de son fonctionnement sont modifiées par les nouvelles élections françaises du 2 janvier 1956. La conjoncture politique modifie en permanence la donne de Messine et personne ne sait encore dans quel sens. En revanche que ce soit dans le cadre de Messine ou dans la nouvelle conjoncture politique française, la volonté des hommes, Monnet, Gaillard, Spaak, trouve l'occasion de se manifester. Mais la poursuite de la négociation doit beaucoup aussi à la cohérence des buts poursuivis par la France avec ses intérêts profonds. Le gouvernement d'Edgar Faure éprouve un grand intérêt à promouvoir une Europe atomique s'il négocie finement. Son objectif est donc de conclure sur l'Europe atomique tout en tergiversant au maximum sur le Marché commun. L'Europe regarde vers Paris dont l'attitude sera déterminante pour l'avenir de l'unité européenne. L'événement a son rôle dans cette histoire.

Notes

1 Archives Ramadier, Pleven, Bidault, Mayer, et papiers diplomatiques américains disponibles Suitland (Va) ou aux National Archives de Washington-DC.

2 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 163, M. Rivière, ambassadeur de France à Bruxelles, à M. Pinay, MAE, tel 211, Bruxelles le 1er avril 1955.

3 P-H Spaak, Textes, réunis et présentés par Paul F. Smets, Goemare, tome 1, 1980, p. 438 lettre à Beyen du 7 avril dit Smets.

4 Pierre Uri, Penser pour l'action, un fondateur de l'Europe, Editions Odile Jacob 1991, p. 115. Le texte a été publié dans fragments de politique économique, PUG, 1989, p. 199-203.

5 Pierre Gerbet, « La « relance » européenne jusqu'à la conférence de Messine », et témoignage d'Uri in La relance européenne et les traités de Rome, op. cit.. E. Serra (ed.) p. 61 et seq. p. 166.

6 « DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 171, M. Paul-Henri Spaak, MAE de Belgique à M. Pinay, MAE de France, Bruxelles, 4 avril 1955.

7 840.00/4-1255, to the Secretary, from EUR-Merchant, subject: M. Monnet's personal plans and his views re. progress in European intégration, 12 avril 1955, mémorandum.

8 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 181, note du département, intégration européenne, Paris le 7 avril 1955.

9 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, Annexe 1, 1955, conversations franco-britanniques, Londres 21 avril 1955, p. 29.

10 DDF, 1955,1, 182, Jean Laloy, directeur adjoint du cabinet du MAE, à M. François-Poncet, Haut Commissaire de la République française, en Allemagne, Paris le 7 avril 1955, sur une visite de Strauss du dimanche 3 avril 1955.

11 voir DDF, 1955,1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 245, M. Pinay, MAE au Haut commissaire de la république française en Allemagne, Paris le 3 mai 1955, tel 1951-1957.

12 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 220, 25 avril 1955 Le ministre des Affaires étrangères aux représentants diplomatiques de France à l'étranger, télégramme circulaire. n° 35.

13 DDF, 1955, annexes, tome 1, p. 39-42, compte-rendu de la conversation Pinay-Adenauer du 29 avril.

14 Pierre Guillen, « La France et la négociation des traités de Rome : 1' Euratom », in E. Serra, La relance européenne et les traités de Rome, op. cit. p. 514.

15 840.00/4-1855, from Paris, Dillon, to S of S; n° 4517, April 18, 7 p.m; pouched Washington 4517 etc..

16 Europe généralités 1949-55, 64, Paris, DG pol Europe, 18 mai 1955, note. SGCI, Réunion des ministres des Affaires étrangères des Etats membres de la CECA, secrétariat, Mémorandum des pays du Bénélux aux six pays de la CECA, ref.465 f/55 gd, 5 pages dactylographiées.

17 DDF, 1955-1, p. 665-670, note de la DAEF, « extension de la politique européenne », 18 mai 1955.

18 cité par E. Kocher, Le rôle de la France dans les négociations des traites de Rome, vol 1, p. 30, maîtrise Paris-1, sous la direction de R. Girault, 1989. DDF, 1955, janvier-juin 1955, n° 288, note de la Direction des affaires économiques et financières, extension de la politique européenne. Paris le 18 mai 1955, p. 665.

19 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 6, boite 16, O.W ; 25 mai 1955, note pour le Président, a/s plan Beyen.

20 DDF1955, tome 1, janvier-juin 1955, n° 310, note du département, plan Beyen, 26 mai 1955, p. 692. et note 308, relance européenne, mai 1955.

21 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 288, note de la direction des Affaires économiques et financières, extension de la politique européenne, Paris le 18 mai 1955.

22 DDF, 1955, 1,1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 301, note du Département, Plan Beyen, Paris le 26 mai 1955. et n° 308 note du département, Relance européenne, Mai 1955.

23 850.33/5-2355, Matthew, the Hague, to Secretary of State, n° 1820, may 23, 5 p.m.

24 363 AP 33, ou SGCI, F 60, classement provisoire. Carton 6, boite 16, Jean Monnet, 21 mai 1955, Pdt de la CECA à E. Faure, Pdt du Conseil.

25 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 118, M. Rivière, ambassadeur de France à Bruxelles, à M. Pinay, MAE, tel. n° 153-154, Bruxelles, 7 mars 1955,18h 48.

26 RG 469, Office of African and European Opérations Régional organization staff, subject files 1953-57, Box 60, Luxembourg, from W. F. Miller to Eisenberg, conversation with Van Helmont, June 3, 1955.

27 850.00/box 4556, Buchanan, May 25, 1955, Luxembourg to Secretary of State n° 125.

28 850.33/2-2455, S.B/ Wolff, Amembassy, Rome, 1744, to the Department of State; CERP, Apr. 26, 1954, D5, February 24, 1955, European Coal- steel Community: the problems of a successor to Monnet.

29 850.00/ Box 4556, Hoover, D. of S; May 12, 1955, n° 4994, to Amembassy Paris.

30 semaine du 18 au 25 juin 1955, p. 18 et 19.

31 52 J 114, F. Valéry, note 7 mai 1956, historique du Marché commun. On retrouve cette phrase dans une note proche dans DDF1 -1956 p.725, n° 302, rédigée par M. Francis Gutmann.

32 Christian Pineau, Christine Rimbaud, le grand pari, l'aventure du traité de Rome, Fayard, p. 168.

33 850.33/6-955, From Amembassy Brussels to the Secretary of State June 9, 1955, Belgians views regarding the CSC Foreign Ministers' conférence at Messina, Ph.D. Sprouse, counselor of Embassy.

34 SGC1, F 60, classement provisoire, Carton 6, boite 16, projet de p.v de la réunion des ministres des Affaires étrangères. Messine, le 1 et 2 juin 1955, en annexe mémorandum des pays du Bénélux, du gouvernement italien, du gouvernement fédéral.

35 FRUS IV, 1955-57, p. 317; n° 111, Mémorandum of conversation, Department of State; Washington July 15, 1955, proposais for Six nations European Atomic Energy authority patterned on the Schuman plan.

36 DDF, 1955, 1, 1 janvier-30 juin 1955, IN, 1987, n° 332, M. Pinay, MAE aux représentants diplomatiques de France à l'étranger, télégramme circulaire n° 49, Paris le 10 juin 1955.

37 840.00/7-855, July 8, 1955, Joseph Palmer 2nd acting director, office of European Régional affairs, to P. D. Sprouse, esquire, counselor, american embassy, Brussels.

38 FRUS IV, 1955-1957, p. 302-303, from the acting US representative to the ECSC to the acting director of the office of European regional Affairs (Palmer), Luxembourg, June 30,1955.

39 RG 469, USRO, Executive section, Box 13, de Dulles to Paris american Embassy, 1 July 1955, unnumbered; sur la façon de faire, voir sa réponse à L. Merchant du 5 juillet, in FRUS IV 1955-1957, p. 309, Memorandum by the Secretary of State.

40 FRUS IV, 1955-1957, p. 306, Memorandum from the special assistant to the Secretary of State for atomic energy affairs Smith to the Secretary of State, Washington, July 1, 1955.

41 Le Monde, 16juin 1955.

42 DDF, 1955, 1, 317, M. Garnier, ambaF à La Haye, à M. Pinay, MAE, tel 290-294 confidentiel, La Haye,4 juin 1955,18h, 18h 30.

43 DDF, 1955, 1, 332, M. Pinay, MAE aux représentants diplomatiques de France à 1'étranger, Paris lOjuin 1955, 23h 30 circulaire, 49.

44 DDF, 1955,1, 337, M. Rivière, ambaF à Bruxelles, à M. Pinay, MAE tel 362, urgent, Bruxelles, 13 juin 1955, 12h 50.

45 Archives Ramadier, 52 J 114, note de F. Valéry (DAEF) du 7 mai 1957, historique du Marché commun.

46 Cité par Eric Kocher, carton SGCI 1211, Le rôle de la France dans les négociations des traités de Rome (un aspect de la relance 1954-1957) tome 1, maîtrise Paris 1, sous la direction de René Girault, 1989, p. 39-40.

47 DDF 1956, 1, 302, note de la DAEF. Marché commun, historique de la position française à la conférence de Messine et à la commission permanente de Bruxelles, Paris, le 7 mai 1956.

48 Christian Pineau, Christine Rimbaud, Le grand pari, l'aventure du traité de Rome, Fayard, p. 176.

49 Débat, p. 168, Il rilancio dell'Europea e i trattati di Roma, Actes du colloque de Rome, 25-28 mars 1987, sous la direction de Enrico Serra, Bruylant/Bruxelles, Giufré/ Milano, LGDJ/ Paris, Nomos Verlag/Baden Baden, 1989.

50 Débat, p. 167, Il rilancio dell'Europea e i trattati di Roma, Actes du colloque de Rome, 25-28 mars 1987, sous la direction de Enrico Serra, Bruylant/Bruxelles, Giufré/ Milano, LGDJ/ Paris, Nomos Verlag/Baden Baden, 1989.

51 Pierre Uri, Penser pour l'action, un fondateur de l'Europe, Odile Jacob, 1991 p. 117.

52 Michel Dumoulin, « Les travaux du Comité Spaak (juillet 1955-avril 1956) », Il rilancio dell'Europea e i trattati di Roma, Actes du colloque de Rome, 25-28 mars 1987, sous la direction de Enrico Serra, Bruylant/Bruxelles, Giufré/ Milano. LGDJ/ Paris, Nomos Verlag/Baden Baden, 1989, p. 198.

53 Paul-Henri Spaak, Combats inachevés, 2, Fayard, 1969, p. 69.

54 DDF 1955, 2, ler juillet-31 décembre, 2, M. Pinay MAE à M. Rivière, ambaf à Bruxelles, tel 1002 à 1005, 1e 1er juillet 1955, 16h 30.

55 Voir la liste des participants au Comité d'Action des Etats-Unis d'Europe dans Pascal Fontaine, Le Comité d'Action pour les Etats-Unis d'Europe de Jean Monnet, Centre de recherches européennes, Lausanne, 1974, p. 35, 36, 37 et pp. 216, 217, 218. Eugène Descamps (CFDT) ; François Duchêne ; François Fontaine ; Jacques Van Helmont, Willy Brandt, Pascal Fontaine (assistant de Monnet 1973-1977), Richard Mayne, Max Kohnstamm, Lord Jenkins, Sicco Mansholt, Pierre Pflimlin, Leo Tindemans, Pierre Werner, Eric Ollenhauer (SPD) etc..

56 840.00/7-1855, from Faris, to Secretary of State n° 261, July 18, 2 p.m., Dillon to Merchant.

57 DDF 1955, 2, 1er juillet - 31 décembre, 22, M. Rivière, ambaf. à Bruxelles, à M. Pinay, MAE, tel 452-458 Bruxelles, 9 juillet 1955, 22 h 30.

58 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 7, boites 19 et 20.

59 SGCI, F GO, classement provisoire, Carton 8, boite 23 discours du ministre devant l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe, 9 juillet 1955.

60 DDF 1955, 2, 1er juillet-31 décembre, 13, note du service de coopération économique, Comité interministériel du 5 juillet 1955, préparation des instructions pur la délégation française à la conférence de Bruxelles.

61 SGCI, F 60, classement provisoire. Carton 6, boite 16, Instructions de Pinay à Gaillard, 12 juillet 1955, confidentiel.

62 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 9, boite 27, cr du comité interministériel du 29 juillet 1955, Edgar Faure, Palewski. R. Schuman, Pinay, Pflimlin, Corniglion-Molinier, Teitgen, Bonnefous, Abelin, Gaillard.

63 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 9, boite 27.

64 DDF 1955, 2, 1er juillet-31 décembre, 48, M. Rivière ambaf. à Bruxelles, à M. Pinay, MAE, tel 473, Bruxelles 20 juillet 1955.

65 RG 469, Office of African and European Operations Regional organization staff, subject files 1953-57, Box 60, R. Eisenberg, Luxembourg, value of CSC, Experience for general Economie Integration, to the Department of State

66 DDF 1955, 2, 1er juillet-31 décembre, 151, M. Dufournier, c.a de France à Bruxelles, à M. Pinay. MAE, tel 531-533, urgent, Bruxelles, 31 août 1955,13h 4.

67 DDF 1955, 2 1er juillet-31 décembre, 179, note de la direction des Affaires économiques et financières, impressions à la suite de la conférence de Noordwijk, Paris le 7 septembre 1955.

68 M. Dumoulin, « Les travaux du Comité Spaak (juillet 1955-avril 1956) » in « La relance européenne », op. cit..., E. Serra (ed), p. 206.

69 840.00/8-2655, from amembassy Paris, Harry Bell, to the Department of State, CERP D-6, August 26, 1955, Views of Foreign Office officiai on Intergovernmental Committee on European Integration.

70 DDF 1956, 1, 302, note de la DAEF. Marché commun, historique de la position française à la conférence de Messine et à la commission permanente de Bruxelles, Paris, le 7 mai 1956.

71 RG 469, Office of African and European Operations Regional organization staff, subject files 1953-57, Box 60, C. H. Breecher, American embassy, Bonn to the Department of State, n° 265, August 5, 1955.

72 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 6, boite 16, Bruxelles, 31 août 1955, DGAEF, réunion de la Commission du Marché commun, le 30 août.

73 SGCI, F 60, classement provisoire, Carton 7, boite 21, CIG 30 septembre 1955, doc 297 Commission de l'énergie nucléaire, projet sommaire de conclusion.

74 FRUS IV, 1955-57, 121, teleg from the Ambassador in Belgium (Alger to the Department of State, Brussels, October 21, 1955, 5 p.m.

75 SGCI, F 60, classement provisoire. Carton 8, boite 22, Réunion du comité directeur, Bruxelles, 7 novembre 1955, pv du 15 novembre. Ref MAZE/CIG 360. Réunion à 16h 30.

76 SGCI, F 60, classement provisoire. Carton 8, boite 22, Aide-mémoire du gouvernement britannique du 17 novembre et réponse du gouvernement français le 22 décembre 1955.

77 Archives Ramadier, 52 J 114, note de François Valéry (DAEF) du 7 mai 1956, Historique du Marché commun.

78 FRUS IV, 1955-57, 131, p. 350, memorandum of conversation, Department of State Washington, November 22, 1955, European Integration; Common Market and Euratom.

79 Alain Pratte, Quelle Europe ?, Commentaire, Julliard. 1991, p. 44..

80 FRUS IV, 1955-57, 139, p. 369, Message from the Secretary of State to the President, Paris, December 17,1955.

81 840.1901/12-2755, A/20, Howard A. Robinson, special assistant to the Ambassador, Embassy, Paris 27 December 1955, to Robert Bowie, director of the Policy Planning Staff, Department of State, Washington, 10 pages; ce document a été publié dans les FRUS IV 1955-57, n° 145.

82 840.00/12-2755, Dulles, tel. 1143G, 1955, Dec. 27, p.m. 7. 51.

83 FRUS IV, 1955-57, 133, p. 355, Memorandum prepared in the Office of European Regional Affairs, Washington, December 6, 1955, Peaceful uses of atomic energy and european integration.

84 840.1901/1-2456, 11378, 1956, janv. 26, PM 5.36, Department of State, Dulles, to Amembassy [in Europe occidentale].

85 Paul-Henri Spaak, La pensée européenne et atlantique de Paul-Henri Spaak, tome 1, textes réunis et présentés par Paul-F. Smets, Goemaere, 1980, p. 549 et seq. texte 77, 11 mai 1956, assemblée commune de la CECA interpellation de M. Debré par Paul-Henri Spaak.

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