L’Europe des Français, 1943-1959
|Seconde partie. L’unité européenne, 1949-1955 ? Une solution élégante du conflit franco-allemand
5. La crise de l’unité á l’OECE
Texte intégral
1Si l’on examine maintenant la politique française à l’OECE au printemps 1949 après le cuisant échec de l’entente France-Bénélux et France-Grande-Bretagne, la déroute de l’Autorité Internationale de la Ruhr, on peut se demander si les Français peuvent encore être une source d’organisation de l’Europe du plan Marshall. La surprise vient du fait que la diplomatie française reste très active. Est-elle dopée par les échecs ? Espère-t-elle encore exercer son influence sur les pays du continent ? Est-elle soutenue paradoxalement par les Américains dans le domaine de l’unité européenne, sinon dans celui de l’exploitation de l’Allemagne ? La complexité des rapports franco-américains laisse place à de multiples enchaînements. Le gouvernement français se méfie de l’administration américaine en Allemagne, mais il a le soutien des Américains du plan Marshall en France. Monnet travaille à rassurer ses amis américains et à convaincre ses interlocuteurs français de l’intérêt de modifier profondément la politique allemande de la France. Des hauts fonctionnaires au Quai d’Orsay ou au Ministère des Finances, opposés à Jean Monnet, parlent eux aussi d’Europe. L’OECE leur semble être un excellent endroit pour libéraliser totalement les échanges en Europe et dans le monde ensuite. Le gouvernement français se trouve confronté à deux logiques d’intégration européenne, la logique libérale du laisser faire, facile à mettre en œuvre parce que la guerre et la crise de 1929 ont élevé des barrières insupportables même aux tenants de l’organisation concertée des économies européennes. Une logique de concertation volontaire et contractuelle est perceptible dans les ministères. Monnet appartient à ce groupe, car au delà de l’économie il pense à l’unité des Européens. 1949 est une bonne année pour apprécier comment les Français pensent organiser l’Europe de l’OECE.
Les limites du projet d’organisation de l’Europe Marshall
2Les Français voulaient une libéralisation des échanges entre les pays de l’OECE, selon une méthode originale qui pourrait conduire à l’intégration économique.
Les accords de paiements intereuropéens
- 1 voir le chapitre 3, 3e partie, une dernière tentative pour bâtir une OECE sous direction franco-br (...)
- 2 B 33854, 26 juillet 1947, (Archives du Ministère des Finances) « Échange de vues franco-anglais et (...)
- 3 « Documents économiques » du Bulletin mensuel d’information, novembre-décembre 1947, n° 32-33, « L (...)
- 4 B 25434, 9 juillet 1948, s.o. probablement DFE, Guindey, 3 p., fait suite à des notes de la DFE. F (...)
3Á défaut d’intégrer les économies sous une direction franco-britannique1, l’OECE pouvait au moins rétablir les conditions normales des échanges en Europe. Les Belges pilotèrent les premiers projets en juillet 19472. La situation de l’Europe était caractérisée par la non convertibilité des monnaies et l’existence de contingentements commerciaux drastiques. L’idée était de rendre utilisables les excédents disponibles dans un pays en une devise pour régler les comptes débiteurs en une autre et de convertir en or ou en dollar les excédents3. Seuls la France, le Bénélux et l’Italie adoptèrent (novembre 1947) un système de compensation imparfait. Un projet ambitieux de « Fonds commun des monnaies européennes » échoua en 19484.
- 5 F 60 ter 471, (Archives Nationales, fonds du SGCI) OECE, PC(48) 38, 7 octobre 1948, comité des pai (...)
4Le comité des paiements de l’OECE, présidé par Guillaume Guindey, formula de nouvelles propositions en juillet 1948. Un accord fut conclu pour un an, le 8 octobre 1948. Il établit un système de compensations bilatérales et de crédits en faveur des pays déficitaires (droits de tirage). Les Américains prirent en charge les déficits sous le nom d’aide conditionnelle5. Cette heureuse disposition ne pouvait durer : mais l’accord a favorisé les échanges en Europe sans pour autant créer une unité économique et monétaire européenne.
- 6 CE 71 JPB, CE, le 22 avril 1949, note « a/s accord de compensation et de paiements pour l’année 19 (...)
5L’ECA exigeait une multilatéralisation totale et immédiate des droits de tirage, premiers pas vers la convertibilité mondiale6. Les Anglais, peu disposés à dépenser de l’or ou des dollars, proposèrent la libération des échanges en Europe contre une accumulation de sterling. Mais l’empire britannique n’offrait pas autant d’opportunités que la zone dollar. Finalement l’OECE décida de multilatéraliser 25 % des droits de tirage, c’est-à-dire de leur donner la possibilité d’être utilisés sur n’importe quel pays européen. L’accord fut signé le 7 septembre 1949. Ce système manquait de souplesse. Le problème de la convertibilité des monnaies européennes n’était pas résolu, pas plus que celui de la convertibilité générale des monnaies..
L’harmonisation concertée des économies
- 7 F60 ter 471, et F 60 ter 469, J. Desrousseaux à PFS le 3 août 1949 service de coordination industr (...)
6La coordination économique intereuropéenne était le projet français dominant à l’OECE. Coordination signifie partager la production entre les pays européens, et donc les efforts d’investissements. Monnet avait proposé cette opération aux Britanniques au début de l’année 1949 sans succès, on l’a vu. La France entendait aussi s’emparer des secteurs industriels où l’Allemagne était forte à la faveur des réparations ou d’une internationalisation de la Ruhr. Elle avait échoué. Que proposer d’autre ? Les Français acceptèrent la suppression progressive des obstacles quantitatifs aux échanges jusqu’à leur disparition totale. Mais ils demandaient que les Européens libèrent ensemble les échanges sur les mêmes produits. C’est ce qu’on appelle la libération par liste unique européenne, progressivement élargie à tous les échanges. Comment réaliser cette libération sous liste unique ? Qui décidera des produits à libérer ensemble ? On songe un instant à confier au Conseil de l’Europe un rôle d’arbitre. Le ministère de l’industrie, très protectionniste pourtant, eut cette formule heureuse et vite oubliée, « les souverainetés nationales ne doivent plus pouvoir s’opposer à l’exécution de ce plan7 ».
- 8 F 60 ter 411, OECE, secret, CGM(49) 12, le 2 juin 1949, groupe consultatif des ministres, délégati (...)
- 9 F 60 ter 411, note pour M. Filippi le 4 novembre 1949, AK/SL, « Objet mémorandum français ».
- 10 CE 68, M. des Finances, SE affaires économiques, 41 q. Branly, 31 janvier 1950, de la part de Kojè (...)
- 11 F 60 ter 411, voir différentes notes de Kojève.
7Maurice Petsche, le ministre des Finances, et Alexandre Kojève, haut fonctionnaire de la DREE, proposèrent de supprimer les obstacles quantitatifs aux échanges grâce à une liste unique de libération sous le contrôle d’une banque européenne8. Kojève imagine même une monnaie commune établie sur l’or, et un tarif extérieur commun9. « La création d’un marché unique devrait se faire par l’extension progressive d’une liste commune de produits libérés simultanément par tous les pays participants », écrit Kojève en janvier 195010. En échange la France ouvrirait ses T.O.M. au commerce européen. Des contrats collectifs à long terme seraient conclus sur les matières premières. Ils constitueraient des ententes industrielles privées mais sans référence aux cartels d’avant guerre11. Maurice Petsche, ministre des Finances, expliqua à Snyder, son homologue américain, que la France voulait créer un véritable marché commun des produits libérés. Ce terme n’avait pas l’acception qu’il a pris avec les traités de Rome de 1957. Il ne s’agissait pas d’abaisser les barrières douanières entre les pays de l’OECE mais tout simplement de supprimer les obstacles quantitatifs, c’est-à-dire de revenir à la liberté des échanges et à la concurrence internationale. La question des obstacles douaniers serait traitée ensuite. Il faut comprendre qu’il s’agissait d’une grande révolution par rapport à une situation de pénurie, de méfiance commerciale et de cloisonnement économique et monétaire par rapport aux années trente et quarante. La contradiction de ces projets est de faire confiance au marché et de vouloir l’organiser. Cette ambiguïté illustrait un dilemme : Comment faire confiance au marché européen sans bouleverser le fragile tissu économique français ? Maurice Petsche, un néo-libéral, était proche des néo-dirigistes socialistes ou démocrates chrétiens du MRP.
- 12 Discours à l’Assemblée nationale du 24 mai 1949 et projet de déclaration d’investiture Œuvres comp (...)
8Les déclarations de Pierre Mendès France sont proches des précédentes. Mendès France prône une spécialisation des économies des 16 pays de l’OECE, une division internationale ou au moins européenne du travail. Les économies européennes seraient organisées et les investissements coordonnés au niveau de l’OECE. Mais dans le cas de Mendès France, il n’y a guère de trace de l’intervention des marchés. Tout est négocié entre Etats. Mendès France préconise par exemple la négociation d’accords bilatéraux dans le domaine agricole entre la France, la Grande-Bretagne et la Belgique. Son idée est d’offrir un débouché aux agriculteurs français et de gagner les devises de la modernisation. Parti de l’idée d’une organisation planifiée de l’économie européenne, intégrant l’Europe orientale, sous direction française, il pense à la CEE-ONU comme fédérateur économique, puis au couple franco-britannique. L’échec successif de ces solutions l’amène à accepter la solution d’une libération progressive des échanges au sein de l’OECE. Il s’est coulé dans le moule néo-libéral sans doute parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire. Il n’y a pas d’Europe unie dans ce projet. Toutefois son projet de déclaration d’investiture d’octobre 1949 témoigne d’une évolution en faveur de l’Europe. Des accords internationaux à long terme sont nécessaires, dit-il, « mais il serait inutile d’attendre des résultats décisifs, tant que nous n’aurons pas fait de progrès véritables vers la constitution d’une Europe économiquement organisée12 ». Député d’une circonscription agricole, il exprime clairement le souci d’une concertation agricole européenne. Il recommande la négociation d’accords bilatéraux à long terme et désigne les partenaires idéaux : la Grande-Bretagne et la Belgique. Il ignore d’abord l’Allemagne, puis en octobre 1949 la reprend en considération comme partenaire. L’unité européenne passe par des obligations contractuelles tissées par les Etats, dans le respect des souverainetés nationales et des intérêts économiques traditionnels.
9Néo-libéraux et anciens planificateurs se rejoignent sur un compromis. Mendès France, Petsche ou Kojève préconisaient l’harmonisation des économies de l’Europe des Seize avec plus ou moins de marché. L’administration française abritait deux groupes, les résistants à la libération des échanges et les croyants. Les croyants l’emportèrent, mais leur foi était modérée. Les Français n’étaient pas en phase avec leurs partenaires sur la méthode des libérations qui leur semblait trop dirigiste. La politique française avait pour objectif de préserver les chances françaises de développement et de modernisation économiques en tentant de négocier avec les autres Européens les secteurs de développement, voire de partager les secteurs d’investissements.
10La politique de libération des échanges décidée par l’OECE pose problème à la France dans sa confrontation économique avec l’Allemagne, car elle ne pouvait que profiter à l’Allemagne, en vertu des bas prix et des bas salaires allemands et de l’abondance de dollars en Allemagne. L’Allemagne est ressentie comme une économie puissante et comme un pays non respectueux des règles du jeu de la concurrence. Les Français estiment que la trizone n’achète pas assez européen et bien trop aux Etats-Unis, aggravant ainsi le problème dollar de l’OECE. L’intervention française à l’OECE fit réduire le déficit de la France avec l’Allemagne. Les Français soupçonnaient les Allemands de rechercher le déficit avec la zone dollar pour engranger de l’aide, en affecter la contre-valeur aux investissements et violer les accords de Londres sur la limitation de la production. L’entrée de la RFA à l’OECE, es-qualité, en octobre 1949 en raison des accords de Washington du 9 avril 1949 ne fit qu’inquiéter les Français. Mais de l’avis de Hall Patch, Président du Comité des ministres de l’OECE, les Allemands firent une entrée discrète et convaincante, bref rassurante pour les Français.
11En dépit de la peur de l’Allemagne, les gouvernements français des années 1949 et 1950 acceptèrent progressivement de s’engager dans un libéralisme précautionneux pour amener l’économie française à parité concurrentielle avec l’Allemagne. L’Europe du possible, moins séduisante que l’Europe à la française ou que l’Europe franco-britannique, est une Europe libérale contrôlée. L’évolution de Pierre Mendès France est significative d’une évolution générale de la classe politique française. Les Français sont obligés de conserver la plus grande prudence et de proposer des formes de coopération économique couplées avec le processus de libération. C’est pourquoi remonte à la surface le projet de Banque Européenne d’Investissements, clef de voûte de l’édifice d’harmonisation européenne à la française. La logique initiale de la France était caractérisée par l’organisation concertée des marchés, assortie d’un système des paiements se référant au dollar, celle de la Grande-Bretagne répugnait à toute discipline des marchés organisée par l’OECE, et proposait un système des paiements fondé sur l’accumulation réciproque de devises faibles et de sterling, sur une transformation de l’OECE en grande zone sterling. Au début de 1950 la première position avait reculé, parce qu’elle exprimait trop précisément l’intérêt de la France, la seconde n’avait pas gagné parce qu’elle exprimait les intérêts britanniques, sans aucune perspective d’unité européenne. L’OECE avait déçu, c’est une évidence, puisque Français et Britanniques n’avaient pas réussi à lui donner une direction commune. On en sentit bientôt les conséquences.
La menace d’un repli américain sur l’Atlantique.
12Devant la cacophonie européenne, les Américains ont été particulièrement sévères. Depuis l’été 1947, ils tentent de réunir ces Européens, disposés à consommer des dollars mais pas à s’unir. La querelle franco-allemande qu’ils ont traitée légèrement n’est pas résolue. Les Français développent le soupçon à leur égard. Les Français veulent profiter du plan Marshall pour assurer la modernisation française et contrôler plus intelligemment l’Allemagne. Ils découvrent bientôt en septembre 1949 un projet de George Kennan qu’ils jugent très dangereux.
La stratégie périphérique de Kennan
- 13 CE 03 Bonnet, 3159-74,22 août 1949,18h 20 réservé, priorité absolue.
13La crise anglaise du sterling dans l’été 1949 entraîna un étonnant rapprochement anglo-américain. La signature du Pacte atlantique avait modifié la perception américaine concernant l’unité européenne. Henri Bonnet avertit le Quai d’Orsay en août 1949 : « Un mécanisme de coopération atlantique devrait être proposé, de même qu’un mécanisme européen a été suggéré au secrétaire d’Etat au lendemain de son discours d’Harvard13 ». Les Américains auraient-ils abandonné l’idée de soutenir l’unité de l’Europe occidentale ? L’Europe occidentale risquait d’être dévorée par l’Alliance atlantique. Accepter une telle dérive aurait réduit à rien tous les efforts français pour créer et faire vivre l’OECE d’une façon autonome et selon un projet contractuel.
- 14 CE 03, Bonnet, 3268-72 DET 182,3 septembre 1949, conversation avec Kennan.
- 15 W. Lippman, New York Time du 8 janvier 1949.
14En effet Bonnet fut saisi d’une effarante proposition de George Kennan du Policy Planning Staff. Les Etats-Unis doivent prioritairement s’occuper de la Grande-Bretagne et « esquisser le projet d’union des pays anglo-saxons qui pourrait constituer un objectif attrayant pour l’opinion publique14 ». L’Europe continentale était abandonnée ! C’était le spectre de la stratégie périphérique, d’une défense contre l’armée rouge en Afrique du Nord et au mieux sur les Pyrénées. Kennan répliqua que le monde libre serait composé de deux ensembles, comme un haltère, l’un anglo-américain, l’autre continental sous la direction de la France, en coopération avec l’Allemagne. Kennan était-il sérieux ? Cette rupture de la politique européenne des Etats-Unis n’était pas acceptable par les Français apeurés par le tête-à-tête franco-allemand. Kennan était-il à l’unisson du gouvernement américain ? L’offre de Kennan d’un leadership français sur le continent était étonnante car durant l’été le patron de l’ECA à Washington, Paul Hoffman, avait poussé l’OECE à créer un marché unifié avec la Grande-Bretagne. Il est vrai que l’offre de Kennan dépassait le cadre économique ou monétaire. La France était appelée à exercer le leadership en Europe mais dans l’entente avec l’Allemagne et le reste de l’ouest européen continental15. Lors des conversations Bevin, Acheson, Schuman du 15 septembre 1949, Dean Acheson proposa le leadership français en Europe, car les Etats-Unis et le Royaume-Uni étaient trop loin, dit-il. Une des plus fortes craintes américaines a été de voir l’Allemagne s’écarter du bloc occidental au moment où les alliés occidentaux lui redonnaient sa souveraineté. Pour contrer ce risque ils veulent donner à l’OECE des pouvoirs supranationaux dans le domaine économique et monétaire. Ils parlent d’ailleurs d’intégration. Paul Hoffman insiste sur l’organisation en Europe occidentale d’un grand marché, semblable à celui des Etats-Unis (1949). La direction française de l’Europe continentale se ferait en maintenant des liens étroits avec les Britanniques et les Américains. Cette contre-assurance américaine et anglaise pourrait être donnée dans le cadre de l’OECE et de l’OTAN. Les hauts fonctionnaires américains oscillent souvent entre une union européenne continentale (occidentale) utile pour dépasser le conflit franco-allemand et une communauté atlantique avec le continent et l’Angleterre qu’ils préfèrent sans doute et où ils seraient les maîtres.
15Le souhait d’un bloc anglo-saxon fort et d’une Europe continentale unifiée par la France suscita les plus vives méfiances du gouvernement français et du président Vincent Auriol. Ces dispositions nouvelles, de prime abord flatteuses, étaient en vérité dangereuses. Le problème de la sécurité dut une fois encore être posé. Acheson assura Schuman du soutien des Etats-Unis aux objectifs de puissance de la France : « C’est par elle que l’Europe va se créer » dit-il, mais avec l’Allemagne, rappela-t-il. Bonnet qualifie ainsi les positions de Schuman : « À l’idéal d’une entente anglo-saxonne qui en fait dissoudrait le monde en trois parties, nous devons activement opposer celui de l’organisation du monde occidental, dont la Grande-Bretagne, qui ne peut pas être séparée de l’Europe, est membre comme les Etats-Unis ». L’émotion fut suffisamment grande pour que David Bruce, ambassadeur des Etats-Unis en France, soit convoqué par le Président du Conseil Henri Queuille. L’offre de Kennan était elle un coup de semonce aux Européens, accusés le 31 octobre 1949 par Hoffman de ne pas chercher à s’unir ? Etait-ce le moyen de réveiller la France de son cauchemar antigermanique ?
Un cas pratique, la gestion de la crise du Sterling
16La dévaluation du sterling en septembre 1949 fut l’occasion de mesurer encore une fois la peur française de l’Allemagne et le désintérêt des Britanniques et des Américains pour l’OECE. Il fallait modifier le taux de change des autres monnaies européennes, ou en tous cas réagir à la dévaluation de 30 % de la livre sterling. La question d’un réalignement du mark se posait. Les hauts commissaires alliés en Allemagne avaient à se prononcer sur cette dévaluation. Les Français firent tout ce qu’ils purent pour négocier un mark fort de façon à renchérir les prix des produits allemands sur les marchés d’exportation. Les prix français, plus compétitifs sur les marchés en dollars à la suite de la dévaluation du franc consécutive à la dévaluation de la livre, conserveraient cet avantage par rapport aux marchandises allemandes. Le gouvernement en profita pour exiger des Allemands l’abrogation des mesures qui faussaient la concurrence entre les économies française et allemande, en particulier le double prix du charbon de la Ruhr vendu plus cher à l’exportation que sur le marché intérieur. Le gouvernement français recommanda une faible dévaluation du mark, de l’ordre de 10 % à 15 %. La France fit de ses exigences un test de la coopération européenne. Une faible dévaluation du mark serait le signe de la volonté de coopération de l’Allemagne dans l’Europe nouvelle. Les allemands demandèrent une dévaluation de 25 % que les Français trouvèrent excessive. Mais les Français durent céder du terrain sur le niveau du taux de change, 20 % au lieu de 15 %. Ils obtinrent néanmoins une victoire par la reconnaissance des double prix sur le charbon et l’engagement de les faire disparaître. La diplomatie française montra qu’elle avait une petite influence sur les Américains. La grande leçon était que les Français avaient toujours peur de l’Allemagne. Ils estimaient qu’elle avait trop d’alliés aux Etats-Unis. Cette passe d’armes avec les anglo-américains et avec les Allemands eut le mérite de révéler que la paix entre les deux peuples passait par la solution de l’approvisionnement en coke de la sidérurgie Lorraine. Il fallait que les Américains le comprennent enfin. Mais la possibilité d’une Europe continentale sous direction française, comme dans le schéma de Kennan, était irréalisable, à cause de la persistance du désarroi français face à l’Allemagne.
Une réponse française à la menace américaine, le Finebel
17Dans le même temps les Français tentaient de construire une petite Europe continentale. Elle n’avait rien à voir avec les projets de Kennan. Le projet de petite Europe a été mis en route en mai 1949 par la Direction des Finances extérieures du ministère des Finances, à l’initiative de Guillaume Guindey, son directeur. Ce projet était donc antérieur aux souhaits de Kennan de septembre 1949. Il répondait à une volonté française de parfaire les relations commerciales et financières intereuropéennes. Il pouvait s’agir aussi d’un brouillon d’unité selon le mode d’emploi français présenté à l’OECE. Guindey voulait aller plus loin dans le domaine de la libération des échanges et des paiements. Il s’inspirait des tentatives de 1946 de créer un grand « Bénélux » avec la France. Guillaume Guindey pensait faire une Europe à deux étages, non pas couper la France de la Grande-Bretagne. Ce n’était pas non plus un projet supranational à la Monnet même si Guindey lui trouvait des parentés. Il répondait aux Américains qui voulaient une unité européenne. En mai 1949, les Français envisagèrent de définir un contingent global de libération, de supprimer le contrôle des changes, mais pas les barrières douanières. Il était envisagé de créer une libre circulation des travailleurs dans certains secteurs économiques. Le projet de Guindey fut perçu par Harriman comme une sorte de bouée de sauvetage de l’idée européenne. La négociation débuta par des conversations franco-belges. Puis les Hollandais se mirent dans la partie contre leur gré, après avoir subi une « pression très forte » des Américains.
- 16 CE 03 Bonnet, 3159-74, 22 août 1949,18h20, réservé, priorité absolue.
- 17 CE 03, Bonnet, 3268-72 DET 182, 3 septembre 1949, conversation avec Kennan : idem AMF 12/7/1.
18Le projet de Finebel devint l’objet d’un ping-pong diplomatique curieux. Quand le dialogue atlantique faisait espérer une participation britannique à l’organisation des parités monétaires et des échanges commerciaux dans le cadre de l’OECE, le projet Fritalux puis Finebel était oublié. Inversement, quand le dialogue privilégié entre les Anglais et les Américains devenaient une réalité, Schuman demandait un accord étroit avec les Belges et les Italiens pour une large libéralisation des échanges entre les trois pays afin de faire contre poids à l’Angleterre auprès des Etats-Unis. On voit combien ce projet de petite Europe dépendait de la conjoncture et combien il avait pour but de valoriser la position française auprès des Américains. Il était présenté comme une solution de repli en cas d’échec de la concertation économique européenne avec les Anglais. Les Américains étaient intéressés et on comprend pourquoi à la lumière de la position de Kennan exprimée fin août. Bonnet affirme que les projets français « de rapports monétaires avec la Belgique et l’Italie, et de libéralisation des échanges commerciaux seront bien accueillis16 ». Le gouvernement américain approuve donc le projet de Finebel. Le projet paraissait être une étape « sur la voie d’une intégration des pays de l’Europe occidentale » expliquèrent Kennan et Bissell à Bonnet tout étonné et vibrant d’indignation diplomatique en raison des risques d’abandon du continent par les Américains. Mais Kennan demanda que la France ait « l’imagination et la générosité nécessaires pour assurer l’intégration de l’Allemagne dans une Europe unie17 ».
- 18 F 60 ter 384, Bonnet tel, 9 septembre 1949 : Alphand a rencontré Kennan, Nitze et Bissell.
- 19 Voir « The 1949 sterling crisis and british policy towards european integration », by Scott Newton (...)
19Dans sa logique du moment, cela signifiait que la France devait prendre la tête d’une union de l’Europe continentale, tandis que les États-Unis se rapprocheraient de la Grande-Bretagne et esquisseraient un projet d’union des pays anglo-saxons. L’ECA offrit d’ailleurs $ 150 millions pour les projets d’intégration européenne. Rassurants, Kennan et Bissell tentèrent de dissiper l’impression désagréable d’une entente privilégiée entre les États-Unis et l’Angleterre. Kennan expliqua : « Les États-Unis ne seront en aucune façon enclins à abandonner la politique occidentale qu’ils ont entreprise avec leur plan Marshall et par leur adhésion au pacte atlantique18 ». Ils voulaient renforcer l’OECE et même y faire participer les États-Unis, mais ils dirent aussi, ce qui parait contradictoire, que l’OECE ne devait pas empêcher les contacts particuliers anglo-américains, ni la formation sur le continent de groupements économiques et financiers régionaux. De son côté Bevin expliqua : « Nos relations avec ces régions ont priorité sur nos relations avec l’Europe, et pour cette raison seule, il y a une limite à la part que nous pouvons prendre à l’Union européenne19 ». On voit que pour Kennan et les Américains, Finebel ou une petite Europe continentale, quel que soit son nom, devait comprendre l’Allemagne qui n’était pas dans le projet initial de Guillaume Guindey. Kennan ajouta aussi les pays Scandinaves. Or c’était le moment où les trois occidentaux s’étaient rencontrés à Paris les 9 et 10 novembre 1949 sur l’Allemagne. La RFA avait été autorisée à adhérer au Conseil de l’Europe et à l’OECE. La réunion marqua la fin de la limitation de la production d’acier à 11, 4 millions de tonnes. Le risque de confrontation franco-allemande que tout le monde craignait et regrettait existait bel et bien.
La France accepte l’égalité avec l’Allemagne le 14 novembre 1949
20Devant les signes du rapprochement anglo-américain, Finebel prit le sens d’une résistance française à cet éloignement des Américains et des Anglais du continent, même si les Français luttaient de toutes leurs forces contre un tel projet. Mais ce projet n’était pas acceptable par tous les membres du futur club européen à cinq. Les Italiens se rebiffèrent, frustrés d’avoir perdu l’union douanière franco-italienne. L’Italie et les Pays-Bas émirent des objections sur le projet. Les Italiens estimèrent qu’une zone libéralisée en Europe troublerait les courants commerciaux avec la zone sterling. Ils observèrent que les capitaux italiens seraient attirés vers la Suisse par la Belgique plus libérale que l’Italie dans ses rapports financiers avec la Suisse. Quant aux Hollandais, ils n’étaient pas favorables à la petite Europe.
- 20 F 60 ter 469, HA MAE 14 novembre 1949, mémorandum, secret.
- 21 F 60 ter 444, HA /MJC MAE, secret, 12 novembre 1949 mémorandum.
- 22 F 60 ter 472, cr des séances de l’Assemblée nationale, 1e séance du 24 novembre 1949, J.O. p. 6217
- 23 G. Bossuat : « la SFIO et la construction européenne 1945-1954 » in Cahiers Léon Blum n° 21 1987, (...)
- 24 Pierre Mendès France, Œuvres complètes, T.2, Une politique de l’économie, 1943-1954, Gallimard, 19 (...)
21Le débat s’engagea sur la participation allemande. Il est très intéressant de savoir qu’Alphand parla de l’Allemagne dans le projet français du 14 novembre pour la conférence des experts du Finebel prévue le 29 novembre 1949. Le changement réel de la politique française envers l’Allemagne n’est pas le 9 mai 1950, mais le 14 novembre 1949. L’hypothèse d’une participation allemande à une forme d’unité européenne à six en novembre 1949 a été formulée par l’un des plus hauts responsables de la politique étrangère et économique française, Hervé Alphand. Elle était contenue par prudence dans un mémorandum secret et n’a donc pas la portée de la déclaration Schuman du 9 mai. Elle signifiait qu’Alphand et le ministre des Affaires étrangères, Robert Schuman, voulaient régler la vieille querelle franco-allemande. Alphand se demanda « s’il ne sera pas désirable d’inviter l’Allemagne occidentale à se joindre à ce premier groupe20 ». Il était dit aussi que « l’association de l’Allemagne qui est conforme aux buts de la politique européenne du gouvernement français faciliterait peut-être la solution des difficiles problèmes de débouchés, notamment dans le domaine agricole ». La place qu’occupait l’Allemagne dans le mémorandum français de novembre 1949 semblait anodine, une question de débouchés agricoles pour l’économie française21. Mais elle était faussement anodine. Pour la première fois un responsable français offrait à l’Allemagne de participer en coresponsabilité à une organisation européenne. Ces nouvelles positions du gouvernement français n’échappèrent pas aux parlementaires français. Francis Leenardt (SFIO) critiqua la « NEP » de l’OECE, -car il croyait que le Finebel était un enfant de l’OECE-. Preuve que l’offre d’association de l’Allemagne au projet avait transpiré, le parlementaire déclara sans appel : « L’Allemagne intégrée dans un groupement régional c’est la France, jardin potager, c’est le rêve d’Hitler réalisé malgré sa défaite, c’est l’Europe allemande22 ». La vraie politique allemande de la France passait toujours par l’internationalisation de la Ruhr et l’expropriation des magnats de la Ruhr. Ce rappel à l’ordre dénué d’ambiguïté était partagé par Léon Blum qui dénonça le « trust franco-allemand ». Mais Léon Blum avait le sens des nuances. L’Europe se fera avec l’Allemagne et non pour l’Allemagne, avec la Grande-Bretagne et non contre elle23. Réagissant un peu plus tard, Mendès France s’aligna sur les critiques précédentes, en raison des déséquilibres entre la sidérurgie française et allemande, du danger de concurrence dû aux prix bas du charbon allemand. Bref Mendès exprima une méfiance très caractéristique envers l’industriel et le commis voyageur allemands. Il ne pouvait accepter de faire l’Europe avec l’Allemagne sans que tous ces problèmes soient mis à plat24. Sur les principes il ne semblait pas opposé à une réconciliation franco-allemande.
- 25 F 60 ter 411, Note pour M. Filippi le 4 novembre 1949, AK/SL, objet mémorandum français.
22En Allemagne on suivait de très près ces négociations franco-italo-bénéluxiennes. Mais les industriels allemands se gaussaient de Fritalux, autre nom de Finebel : « Une association de paralytiques », sans l’Allemagne. Ludwig Erhard, ministre des finances et de l’économie de RFA témoigna de l’intérêt pour le Fritalux. Il demanda à y participer. Le docteur Erhard proposa de libéraliser les échanges franco-allemands. L’industrie sidérurgique allemande offrit même que la France place des capitaux américains dans la sidérurgie allemande ! La France pourrait ravitailler en céréales l’Allemagne de l’ouest dans le cadre d’un développement du commerce inter-rhénan. Le Haut Commissariat français à Bonn sentait que les Allemands attendaient un geste de la France. Il faut, disaient certains, accepter la concurrence avec l’Allemagne et même favoriser les ententes entre industriels allemands et français puisque l’Allemagne est autorisée à dépasser les 11, 4 millions de tonnes d’acier. Des journalistes militaient pour la réconciliation franco-allemande. Alexandre Kojève demandait au gouvernement français de déclarer officiellement sa volonté d’inclure l’Allemagne dans l’accord régional. Signalons au passage qu’il semblait croire à la sincérité de la proposition allemande de transformer le contrôle international de la Ruhr en un « organisme européen pour l’organisation de l’industrie lourde. ». Il est très intéressant de noter qu’il conseillait de créer une organisation continentale, si l’Angleterre se dérobait, à condition d’être appuyé par les États-Unis. Son intérêt pour l’Allemagne s’expliquait par l’analyse catastrophique qu’il faisait d’une entente anglo-germano-américaine sur le dos de la France. Pour rendre l’Europe viable il est nécessaire d’envisager un accord régional continental « à condition que celui-ci implique l’Allemagne de l’ouest25 ».
- 26 CE 68, S.M. La Haye, 6 décembre 1949, 15h, 695, Télégraf, interview de P. Hoffman.
23Ainsi donc de nombreux secteurs de l’État aspiraient, en novembre 1949, à intégrer l’Allemagne dans une construction européenne nouvelle. Paradoxalement, le Finebel, un projet technique pour l’Europe, devenait l’occasion pour les Américains de poser le vrai problème de l’unité européenne, l’entente franco-allemande. Cette affaire a suscité des échos profonds au sein des administrations françaises. Le courant en faveur d’une politique d’entente franco-allemande prenait de l’ampleur, puisque officiellement, mais secrètement, Schuman acceptait de construire une unité européenne à égalité de droit avec l’Allemagne. Il rencontrait les vœux pressants et comminatoires, quoique diplomatiquement formulés, des Pays-Bas qui souhaitaient aussi la présence de la Grande-Bretagne. Les Pays-Bas lançaient d’ailleurs un contre-projet, le 26 novembre 1949, dont l’essentiel était la réduction draconienne des tarifs douaniers et rien moins que l’association de la Grande-Bretagne. On est en droit de se demander s’il ne s’agissait pas d’une action de la Grande-Bretagne pour faire échouer Finebel, alors qu’il était notoire que les Français étaient réticents au désarmement douanier. Les Pays-Bas gagnèrent à leur vue l’ensemble du Bénélux sur la question allemande. Les trois gouvernements du Bénélux demandèrent que le groupement régional soit élargi à l’Allemagne car ils ne crurent pas autrement à sa viabilité. Aussi parlèrent-ils de créer une véritable union douanière européenne liée au Commonwealth par un régime préférentiel. Paul Hoffman encouragea ce projet, persuadé que la Grande-Bretagne se tournait vers le bloc sterling sans espoir de retour. Mais tout aussi clairement il dit qu’il était « hautement désirable que l’Allemagne de l’ouest fit partie d’une zone de commerce libre en Europe occidentale26... ». Les discussions sur le Finebel dépassaient donc largement le problème de la libération des échanges et des paiements. Le projet français avait été transformé et dépassé. Ce qui était en jeu c’était la forme nouvelle de l’unité européenne. On vit encore le Portugal, qu’on n’imagine pas agir seul en l’occurrence, s’entremettre pour sonder la France sur une éventuelle participation de l’Espagne franquiste et fasciste au Finebel !
Finebel ne répond pas aux attentes des partenaires de la France
- 27 CE 56 Garnier, le 7 décembre 1949, 17h 35, n° 709 : CE 89, Garnier, La Haye 15 décembre 1949, n° 7 (...)
24Fin novembre, les experts du Finebel se réunirent pour discuter du contenu de l’entente. Fidèle à des tendances antérieures, Alexandre Kojève revint sur un « vieux » projet français d’accord de coopération industrielle et agricole. Thierry de Clermont Tonnerre parle d’une Banque des Investissements ou d’un office des investissements patronné par la Banque. Le rapport de 9 décembre 1949 enregistre un désaccord sur la main d’œuvre à cause des exigences italiennes. Mais on s’était entendu sur la notion d’investissements coordonnés à condition de ne pas recréer des cartels. La libre cotation des monnaies était autorisée sans que cela puisse entraîner des disparités entre les monnaies du groupe. On pouvait donc parler de changes flottants contrôlés. En effet, si la variation de la valeur d’une devise dépassait 5 % par rapport à son taux officiel, cette monnaie devait être réajustée par rapport au dollar. L’accord était acquis pour une libération des échanges, 75 % à la fin de 1950 et une libération totale en 1951 contre une coordination des économies. Le désaccord persistait sur l’abaissement des droits de douane. On n’échappait pas à la question allemande, posée par les Pays-Bas, qui devait être tranchée par les gouvernements. Schuman et Stikker s’étaient rencontrés fin décembre 1949 à La Haye. Des télégrammes de l’ambassade française au Département prouvent que le ministre français des Affaires étrangères a donné son accord à la participation de l’Allemagne occidentale au Fritalux. Or les engagements de Schuman n’ont pas été suivis d’effets. En tous cas il est certain que le compte rendu de la conversation du 29 décembre 1949, remis par les Néerlandais au ministre français, fait état d’une approbation par ce dernier à la participation allemande27.
- 28 CE 56, PB, CE, 7 janvier 1950, note pour le comité interministériel, coopération européenne.
25Les résultats de ces négociations Finebel ne furent pas probantes aux yeux des Américains. Le projet n’allait pas assez loin. La convertibilité était partielle. L’Allemagne n’en faisait pas partie. Les libérations commerciales étaient soumises à conditions. Les Etats-Unis furent incités à revenir à l’idée d’une convertibilité des monnaies s’étendant à toute l’Europe occidentale. Ce fut le plan Bissell qui donna le coup de grâce au Finebel. Tout pouvait encore être sauvé si le gouvernement français se prononçait pour une participation allemande à cette union régionale. Il fallait innover politiquement pour sauver cette proposition française de petite Europe. Un haut fonctionnaire du Quai d’Orsay, Pierre Baraduc, écrivait en janvier 1950 : « La constitution d’une association régionale à laquelle l’Allemagne serait invitée à participer apparaîtrait comme particulièrement opportune ». Le réalisme était d’ailleurs au rendez-vous, car, disait-il, la France garderait un œil « sur le développement de la politique économique de l’Allemagne occidentale28 ». Les ultimes réunions d’experts du Finebel fin janvier firent ressortir deux questions fondamentales. Comment intégrer l’Allemagne au projet d’unité européenne ? Faut-il créer une zone préférentielle en Europe continentale ?
26Finebel disparut, coulé par le projet d’Union européenne des paiements et par les Anglais qui ne voulaient pas d’une petite Europe comprenant l’Allemagne. L’affaire de Finebel prouvait que les Français avaient été les jouets des Américains et de leurs propres hésitations. Des Américains, dans la mesure où ils ne voyaient Finebel que comme un moyen de tester leurs propres intuitions sur la libération générales des changes et des échanges. De leurs propres hésitations, dans la mesure où en dépit des souhaits de nombreux hauts fonctionnaires et du ministre des Affaires étrangères lui-même, Robert Schuman, le gouvernement n’a pas été capable de définir un politique nouvelle vis-à-vis de l’Allemagne. Dans quelle mesure le Finebel n’est-il pas mort de l’action de Monnet ? Guindey ne l’excluait pas. Le projet Finebel ressemblait au programme du Marché commun de 1957 plus qu’au plan Schuman. Qu’on songe aux taux de change fixes mais adaptables du Système monétaire européen (SME) et à l’harmonisation des économies. Pour Bernard Clappier, ce furent des « cogitations » lancées pour le Congrès des États-Unis, ce qui nous paraît faux. Ce proche de Schuman ne paraît pas avoir retenu l’engagement en faveur de l’Allemagne de Robert Schuman. Ce qui frappe, c’est le fait que le projet français ait été malmené sans que les autorités françaises puissent rien faire. Il servit de repoussoir ou de faire valoir aux grandes puissances. Dans cette affaire, la France n’apparaissait plus comme une puissance qui compte mais comme un pion des Américains. La France aurait pu se tailler une influence tout autre si elle avait su accepter l’Allemagne dès l’origine. La question allemande restait au cœur de l’unité européenne. Si la France voulait compter, elle devait abandonner sa méfiance envers l’Allemagne. Elle n’avait plus vraiment le choix de sa politique, mais elle avait encore le choix du moment pour changer de politique, car elle restait assez forte pour empêcher les alliés de restaurer d’un coup l’Allemagne.
Un obstacle à l’unité, la Sarre
27Un autre élément peut être mis en évidence pour mieux comprendre les difficultés françaises à sortir d’une politique allemande désuète. Il s’agit de la Sarre. La Sarre était devenue l’obstacle le plus visible aux bonnes relations franco-allemandes et donc à l’unité européenne. Une violente campagne fut orchestrée contre le politique française en Sarre et Adenauer n’hésita pas à faire des déclarations contre les nouvelles conventions conclues entre la France et la Sarre le 3 mars 1950. Adenauer déclara parler au nom de tous les Allemands et donc des Sarrois. Le problème avec l’Allemagne se doublait d’un problème franco-sarrois sur la façon dont les Français traitaient les Sarrois dans le cadre du plan Marshall. Il est clair que la Sarre représentait un gain économique de première importance pour la France : 5, 1 millions tonnes de charbon livrées à la France, 800.000 tonnes d’acier, échange de 3, 6 millions de tonnes de coke contre du charbon sarrois. La Sarre rapportait 10 milliards de francs de devises, elle offrait des débouchés à l’agriculture française. Des entreprises françaises s’introduisaient en Sarre. Or l’utilisation de la contre-valeur Marshall en Sarre, gérée par la commission des investissements, permettait « de faire prévaloir les intérêts français directs ou indirects ».
28La signature en mars 1950 d’importants accords franco-sarrois pouvait être reçue comme une provocation par la RFA : autonomie sarroise, mais entente douanière et commerciale franco-sarroise, exploitation des mines sarroises par la France. L’affaire sarroise empoisonnait les relations franco-allemandes tout comme la pénurie volontairement entretenue de coke de la Ruhr. Bonn publiait le 9 mars 1950 un livre blanc contre les accords franco-sarrois du 3 mars. Les échanges de douceurs entre la presse allemande et française étaient quotidiens. Schuman avait fait un voyage officiel en Allemagne et Jacques Dumaine qui accompagnait Schuman avait trouvé les Allemands aussi arrogants que d’habitude. Adenauer s’était plaint de l’occupation de l’Allemagne et de la position française en Sarre. L’affaire sarroise devait être surmontée avant d’envisager une coopération franco-allemande.
L’OECE montre son utilité.
29L’intérêt que les Américains ont porté au Finebel indiquait que la stratégie du repli atlantique avait fait long feu. Elle était trop dangereuse pour le monde occidental. Les tergiversations françaises à propos de l’unité européenne avec ou contre l’Allemagne indiquaient à ces observateurs attentifs que les Français étaient mûrs pour une autre politique allemande. L’OECE gagna ses galons dans le domaine de l’unité européenne à travers le succès de l’Union Européenne des Paiements et la floraison de plans de libération générale des paiements qui suivirent.
Un succès américain, l’Union Européenne des paiements
- 29 CE 68, PB, 14 décembre 1949, CE à postes européens, nota le Quai D’Orsay.
- 30 Maurice Niveau, Histoire des faits économiques contemporains, PUF, 1966, p. 427.
30La coopération européenne progressa dans le domaine monétaire. La France ayant raté l’internationalisation de la Ruhr et la création d’une petite Europe économique et monétaire, elle fut bien obligée d’accepter la création de l’Union Européenne des Paiements. Toutefois elle approuvait cette forme de coopération. L’acceptation par les Britanniques de l’hypothèse américaine du plan Bissell, ancêtre de l’UEP, quitte à le discuter âprement, relança le dialogue intereuropéen. Il pouvait déboucher sur une nouvelle forme d’unité européenne. Henri Bonnet annonça que le plan Bissell était fondé sur l’idée de la multilatéralisation complète des paiements intereuropéens grâce à la création d’une sorte de clearing géré par la Banque des Règlements Internationaux (BRI). On envisageait donc une transférabilité des monnaies européennes et la libération du commerce en Europe au 1er juillet 1950. S’il devait rester des contingents, ceux ci devraient être globaux et non plus bilatéraux, afin de faire disparaître le bilatéralisme sclérosant des années passées. L’heure était à la souplesse. Il était précisé que ce plan vaudrait aussi pour la zone sterling. Les Américains s’interdisaient donc de légitimer une « sécession » britannique. Ce type de proposition était très éloigné des projets antérieurs français d’organisation concertée dés économies. Nous avons la traduction d’un mémorandum de l’ECA du 21 décembre 1949 dans lequel l’ECA demande qu’un plan soit établi rapidement pour assurer « la transférabilité complète entre les monnaies européennes, assurant la liberté des paiements intra-européens pour les paiements commerciaux courants et le maximum possible de liberté pour les transactions invisibles ». Le projet ou la suggestion, comme dit Alphand, était très important. Il venait de « jeter un jour nouveau sur le problème de l’intégration économique européenne29 ». La nouvelle organisation devait durer au delà de 1952, terme prévu du plan Marshall. Elle serait sous la direction de l’OECE et de l’ECA durant le temps de l’ERP tout au moins. Il est intéressant de noter que le bureau Europe du Département d’État place la création de l’UEP dans le cadre du « containment » de l’Allemagne. L’unité économique européenne s’apparenterait ici à des abandons de souveraineté monétaire du type de ceux pratiqués par les États avant 1914, dans le cadre du Gold Standard. Il n’est pas question ici d’entrer dans la description des mécanismes de l’UEP. Mais par rapport à la politique française de coordination des économies européennes à l’OECE, l’UEP était intéressante sans être enthousiasmante. Les Français ne pouvaient que se féliciter d’un accord qui multilatéralisait les paiements intereuropéens. Il était un succès pour ceux qui, en France, croyaient que les rapports internationaux devaient être organisés et non pas laissés aux « équilibres automatiques » du marché comme l’écrit Maurice Niveau30. L’accord de paiement facilitait intrinsèquement les échanges commerciaux. Ainsi décida-t-on que les discriminations intereuropéennes devaient disparaître quand elles étaient liées aux difficultés de balance des paiements. Or les Français avaient toujours justifié de cette manière, et non pour des raisons de protectionnisme, les discriminations commerciales. Une arme importante du protectionnisme provisoire français s’écroulait.
- 31 SGCI, F 60 classement provisoire, carton 4, boite 11, p.v. réunion du 24 janvier 1954, Paris, secr (...)
31Les premiers mois de l’UEP furent heureux pour la France, alors que la RFA connaissait de graves difficultés. La France se sentait plus sûre d’elle en face du « malheur » de l’Allemagne, endettée de $ 398, 3 millions auprès de l’Union en janvier 1951. Les alliés donnèrent des conseils de stabilisation, refusèrent une aide supplémentaire. Mais l’UEP était-elle une construction européenne telle que les Français la rêvaient pour l’OECE ? Sûrement pas, puisque cette UEP n’apportait ni une Banque européenne d’investissements, ni une structure de concertation économique, ni un moyen de partager les investissements. L’UEP était la condition de la libération des échanges en Europe. La création de l’UEP était une victoire pour tous ceux qui ne concevaient pas l’Europe sans la Grande-Bretagne. Elle n’était pas le chemin de l’unité européenne. Elle était celui du libéralisme en Europe. Pourtant a cause des contraintes qu’elle imposait, elle était à mi chemin du retour aux lois du marché et de l’organisation contractuelle des économies. C’est pourquoi, vu de Washington, les « planners » triomphaient sur les libéraux et les libre-échangistes. En France, Mendès France se fit un défenseur de l’UEP et le resta bien après sa disparition, au moment où la CEE envisageait une union monétaire. En fait Mendès France n’approuvait pas en elle l’acte d’intégration européenne. Elle avait de l’intérêt à ses yeux parce qu’elle était un corset contre les déséquilibres fondamentaux de l’économie française, l’inflation et le déficit du commerce extérieur. Sa problématique européenne s’inscrivait d’abord dans une perspective de politique intérieure française et de puissance nationale. Le succès de l’UEP fut tel que le patronat des Six la défendit encore pour servir de cadre à la convertibilité des monnaies en Europe31
Vers une libération générale des échanges en Europe
32Il faut croire que la méthode de libération concertée des échanges eut un certain pouvoir de séduction, car dans l’été 1950 divers plans d’organisation des échanges fleurirent à l’OECE pour accompagner la création de l’UEP.
33Le plan du néerlandais Stikker ou « plan d’action pour l’intégration économique de l’Europe » est annoncé le 2 juin 1950. Il évoque la spécialisation des économies européennes, le marché unique, les dangers sociaux de la libération. En cela il est très proche des soucis français. Les préoccupations françaises de 1949 ont été intégrées par Stikker puisqu’il recommande la création d’un Fonds européen d’intégration « expression concrète de l’idée de la répartition nécessaire des charges que pourrait impliquer la recherche de l’intégration ». Il serait une aide à la modernisation de secteurs traditionnels, il contribuerait à réorienter la main d’œuvre.
- 32 CE 89, « Réponse italienne à l’OECE », 28 juin 1950.
34Le 28 juin 1950, Pella proposa au nom du gouvernement italien une méthode pour l’organisation du marché européen. Il envisage des abandons de souveraineté économique pour faire sauter les obstacles nationaux aux libérations. La libération devrait se faire par une liste commune et des sacrifices être consentis par tous, compensés par un Fonds européen d’intégration. Il accepte de créer en Europe une zone préférentielle sous les termes de l’article 15 de la Charte de la Havane puis d’entrer en négociations douanières pour l’abaissement intérieur des tarifs. Pella propose des abandons de souveraineté pour réaliser la libération des échanges et la libre circulation de la main d’œuvre32. Ces deux plans manifestent une tendance à l’organisation concertée des marchés et des libérations.
35La délégation française proposa un plan Petsche de libération consentie d’un commun accord sur une liste unique de produits. Les Français parlent de marché unique dans le sens de la suppression des contingents aux échanges, tout en laissant subsister les droits de douane. La libération par liste unique s’accompagnerait de mesures de rationalisation de la production et de la création d’une Banque européenne d’investissements dirigée par les gouvernements. Seule la BEI pourrait disposer d’une autorité suffisante pour coordonner efficacement les investissements privés, libérer les échanges et poser les problèmes à l’échelle européenne.
- 33 CE 68, SG OECE à Charpentier, chef de la délégation française à l’OECE, « Liste commune 19 septemb (...)
36L’heure des synthèses arrivait deux ans après le début du plan Marshall. L’esprit de 1948 triomphait deux ans après l’échec du programme de relèvement européen. Mais de quelle unité européenne ces trois plans étaient-ils porteurs ? D’unité économique certainement. Allait-on vers une intégration complète avec disparition des obstacles quantitatifs et douaniers ? Le Fonds européen d’intervention serait-il autorisé à imposer ses recommandations ? Les discussions qui eurent lieu à l’OECE aboutirent à rejeter le projet français de BEI ou de Fonds d’intégration, le 7 juillet 1950. La France put faire accepter cependant un processus de libération de 75 % du commerce privé par une liste commune33. Les réserves vinrent des Britanniques. Ils répugnaient à créer de nouveaux instruments d’échanges. En fait ils répugnaient à tout engagement européen normatif pour leur économie. Leur refus du plan Schuman pouvait se comprendre. Leur refus d’une BEI, structure de coopération non supranationale, signifiait qu’ils s’opposaient à toute organisation concertée plus poussées que l’UEP. Ils restaient les mêmes qu’en 1949. Leur adhésion à l’UEP s’éclairait alors. Ils l’avaient donnée pour se protéger d’une construction européenne continentale. Sans doute fut-ce pour tenter de surmonter l’échec de juillet 1950 que Buron et Petsche cherchèrent à concilier les trois plans des continentaux.
- 34 CE 89, M. des Finances et des affaires économiques, SE aux Finances, 5 décembre 1950 à MAE Wormser (...)
- 35 sur le plan Schuman, voir le chapitre 6, l’Europe supranationale, pourquoi faire ?
37Une synthèse des trois plans de libération des échanges fut produite en effet par le secrétaire d’État aux Finances Robert Buron, en décembre 195034. Était-ce pour bâtir une Europe continentale d’un type différent de celle du plan Schuman ? En tous cas, le projet de Buron tenait compte de la réponse négative de la Grande-Bretagne au plan Schuman. Il n’est pas exclu non plus que cette tentative de synthèse ait été faite à la demande des Américains incapables d’admettre que trois plans relativement proches ne puissent être fondus. La France du plan Schuman était alors réputée capable de la mener. Buron acceptait l’idée d’un marché unique, dégagé des contraintes quantitatives. Pour la première fois, le Français imaginait aussi un abaissement des droits de douane entre les pays de l’OECE sans les faire totalement disparaître. Il ne s’agissait donc pas d’un Marché commun au sens de celui de 1957, mais Buron allait dans cette direction. L’Europe aurait été une zone préférentielle, non autarcique. La précaution était prise pour se concilier les États-Unis. Buron tenta aussi de se concilier les Britanniques et l’Union française. Il établissait une réduction des tarifs de 10 % par an et supprimait les contingents par une liste commune avec l’aide d’une BEI pour orienter les capitaux et d’un Fonds d’intégration pour reclasser les travailleurs. Il empruntait aussi au plan Schuman une haute autorité politique commune35. Il ajoutait à « haute autorité » le terme de « politique ». Ce plan n’eut aucun avenir car le gouvernement français ne le reprit pas à son compte. Schuman avait gagné sur Petsche. L’heure était à l’intégration européenne par la supranationalité et par secteur économique. La suite des événements à l’OECE montra qu’elle dérivait vers une simple libération des échanges. L’OECE a cherché d’abord à abaisser les droits de douane entre les Européens. Les Français ont toujours fait grise mine à cette solution qu’ils considéraient comme trop radicale pour l’économie française et destructrice de la solidarité de l’Union Française car elle portait atteinte aux préférences impériales françaises. Certes les Français jouèrent le jeu de la libération quantitative des échanges en libérant 75 % du commerce privé en janvier 1951. La liste commune de libération fut adoptée par tous les pays, sauf la Turquie et l’Irlande qui obtinrent des dérogations. Elle devait devenir opérationnelle le 31 mai 1951. Comment coordonner les économies demandèrent les Français ? Comment faire fonctionner l’OECE alors que subsistait la règle de l’unanimité remarquèrent les Suisses ?
L’épuisement du modèle de l’OECE.
38L’OECE a certainement souffert du succès du plan Schuman. Mais elle épuisait aussi ses possibilités de réalité l’unité économique de l’Europe en abandonnant cet objectif après le succès de l’UEP. La France y enregistre des déceptions supplémentaires après celles de 1949, puisque l’harmonisation concertée des économies européennes ne se réalise pas.
Débat sur la mission de l’OECE
- 36 CE 89, DGAEF, MAE, 24 juillet 1950, note pour le Président.
39L’été 1950 retentit de la fureur des armes en Asie. L’affaire de la Corée bouleversa rapidement toutes les données du plan Marshall. Les bruits de bottes arrivèrent jusqu’en Europe. En juillet 1950, le secrétaire général de l’OECE, Robert Marjolin est approché par les Américains qui lui disent que « l’OECE devra soit évoluer, soit être remplacée par une organisation économique atlantique36 ». Il n’était pas sûr qu’elle y survive.
- 37 F 60 ter 384, note sur les déclarations faites par M. Bissell, 1 octobre 1950.
40Ainsi revenait en force le thème de l’unité politique et économique du monde atlantique au nom de la défense de l’Occident. La menace militaire donnait aux atlantistes et aux pragmatistes l’idée d’utiliser l’OECE, magnifique instrument de gestion, pour faciliter le réarmement de l’Alliance atlantique, tout en maîtrisant le difficile problème de l’inflation ou de la répartition des matières premières. Il s’agissait de mettre la main sur un instrument efficace de gestion économique du monde européen. L’OECE pouvait-elle encore exister dans le contexte de mobilisation extrême des Européens et des Américains contre le danger communiste ? Â entendre Bissell il s’agissait d’un « agonizing reappraisal37 » !
41Il y eut des résistances à propos de la nouvelle mission de l’OECE, celle de la France et celles des Neutres, Suisses, Suédois qui se demandaient ce qu’ils viendraient faire dans une OECE « otanisée ». Les Anglais, en revanche, soutenaient l’idée de liquider l’OECE. La France était donc, en cet automne 1950, devant un choix radical, défendre l’OECE ou valoriser la coopération atlantique dans l’OTAN au risque de se priver d’un instrument d’influence en Europe. Le débat sur l’instrumentalisation de l’OECE au profit de l’OTAN était aussi un problème d’équilibre des forces au sein de l’Alliance. Le choix de défendre l’OECE fut entériné par un Conseil des ministres au début de l’année 1951 en ces termes : « La France a intérêt à conserver la position prédominante qu’elle s’est acquise vis-à-vis des puissances européennes par son action en faveur de l’intégration européenne » et donc à conserver l’OECE. Cette politique « européenne » cachait d’autres buts. La preuve en fut donnée quelque temps après.
- 38 CE 03, JLM, DGAEF, CE, MAE à SE affaires économiques, télégramme du 10 décembre de Bonnet..
- 39 CE 03H. Bonnet Washington, 9 décembre 1950, 20h 30, 5177-86.
- 40 SGCI, F 60 classement provisoire, carton 4, boite 11, Kojève à Th. De Clermont-Tonnerre, note pour (...)
42En effet l’un des objectifs français, en conservant l’OECE, était de disposer d’un instrument européen pour s’assurer des ressources suffisantes en matières premières. Quand la France put faire accepter la gestion des ressources en matières premières du monde libre par un organisme occidental tripartite (États-Unis, Grande-Bretagne, France), comme au bon vieux temps des Combined Boards de la guerre, elle n’insista plus sur le rôle qu’elle assignait à l’OECE. Les Français se satisfirent du projet anglo-américain de constituer un bureau central, « un directoire peut-on dire », expliquait Bonnet38, chargé de gérer la pénurie du monde occidental. En même temps, ils exprimaient la peur d’être écartés du groupe anglo-américain et manifestaient le désir d’y rester. Ce fut un vrai triomphe de participer à ce directoire à trois « qui restaure un nouveau mécanisme de coopération continue entre les alliés... » estima Bonnet. L’ambassadeur de France aux États-Unis pouvait écrire que la décision « nous assure en même temps une participation au plus haut niveau à la définition d’une politique générale et à l’élaboration des décisions qui devront être prises39 ». La France fut mise en face de projets de libération générale des échanges en Europe, comme le plan Beyen de Marché commun de décembre 1952. Quelles que soient les vraies intentions des Néerlandais, ce projet parut trop libéral aux Français. Était-ce par faiblesse, par doctrine, par résistance à une évolution du temps ? Difficile à dire, mais dans l’esprit des Français, l’OECE devait rester une sorte de gardien de l’harmonisation économique en Europe. Alexandre Kojève, ce haut fonctionnaire de la DREE, philosophe brillant, exprimait parfaitement la position des gouvernements français à l’OECE. « L’Europe en général, et la France en particulier, sont beaucoup trop pauvres pour se permettre le luxe de rechercher l’équilibre économique européen par le seul jeu de la concurrence dite « libre », (qui n’existe d’ailleurs que dans les manuels d’économie politique plus ou moins démodés)40 ». Il conclut qu’il faut trouver les conditions d’une intégration économique européenne, et en attendant, libérer progressivement les échanges par secteurs.
L’OECE et l’influence de la France dans la communauté atlantique
- 41 CE 07, Diplomatie, DGAEF, CE, 18 décembre 1950, à postes européens et New-York.
43Les sphères dirigeantes françaises n’avaient donc pas renoncé à une politique d’autonomie dans le monde atlantique comme si la politique de la France oscillait au gré des convenances, des dossiers et des gouvernements entre la petite Europe, la grande Europe et le directoire atlantique à Trois. Cependant les Français avaient réclamé la participation es qualité de l’OECE à l’organisation nouvelle de répartition des matières premières, non pas pour donner à l’OECE une chance de prendre de l’importance dans le monde atlantique, mais bien pour tenter d’empêcher la répartition des matières premières par l’OTAN. La participation de l’OECE aux décisions atlantiques garantissait aux Français une présence minimale dans les décisions atlantiques au cas ou Anglais et Américains voudraient en écarter la France. Les Français, en cette occasion, utilisèrent sciemment leur nouveau prestige de « chef de file » de l’Europe continentale gagné par le plan Schuman, pour s’imposer aux Anglais et aux Américains41. Les constructions européennes dont les Français étaient les promoteurs les plus efficaces devenaient un élément de puissance face aux grands alliés atlantiques. Rapidement, à travers des événements minuscules mais révélateurs, les Français s’aperçurent qu’ils n’étaient pas pris aux sérieux par les Anglais et les Américains, même quand la France prétendait parler au nom de l’Europe continentale. La France était doublement humiliée. Elle vit que la Grande-Bretagne tentait avec succès de diriger le monde avec les États-Unis et qu’elle trahissait les aspirations françaises à l’égalité dans un organe de direction du monde occidental. Â quoi servaient les abandons de souveraineté en Europe s’ils ne conduisaient pas à un surcroît de puissance ou d’influence pour la France ? Cette manière de voir qui remettait en cause la supranationalité ou le Fédéralisme est corroborée par l’analyse des incidents franco-américains sur le programme militaire français en 1951 et 1952. Les Américains s’étaient élevés contre le programme français de réarmement (constructions d’avions cargos Nord 2501, de chasseurs Dassault Mystère II et IV, projet d’un char de 50 tonnes, constructions navales pour la haute mer, engins spéciaux etc...) Français et Américains se heurtèrent sur la question hautement significative pour l’indépendance future de la France du programme militaire français. Ces incidents évoquaient irrésistiblement une volonté française d’indépendance au sein de l’Alliance, une détermination à se doter des moyens militaires classiques, puis bientôt nucléaires, et de mener une stratégie atlantique fondée sur l’égalité plus que sur la vassalisation à Washington.
L’autonomie de l’OECE, un impératif de la politique française
- 42 CE 81 -2, et CE 83, Parodi à Jean Monnet le 10 décembre 1951 Paris, « cher ami ».
44C’est pourquoi la France n’accepta pas la fusion OECE-NATO. Les Français étaient conscients du rapport de forces inégal au sein de l’OTAN au profit des États-Unis et des Anglo-américains en général, alors qu’à l’OECE ils disposaient encore d’un terrain de manœuvre plus favorable à leurs intérêts. Les Français voulaient aussi éviter l’affrontement bloc à bloc. L’OECE avec ses Neutres et ses objectifs économiques était un instrument de paix en Europe. L’OECE était une organisation unique où les pays atlantiques se retrouvaient avec l’Allemagne et avec des Neutres. La France exerça donc une action modératrice dans l’affrontement est-ouest même si pour sa sécurité elle adhérait pleinement à l’OTAN. Cette politique était une constante française depuis 1947. Il y avait encore une autre raison qui rejoint la question allemande. La fusion OECE-NATO aurait ouvert la voie à un réarmement allemand et à une intégration allemande à l’OTAN, « et vous savez que sur ce point la position négative du Président Schuman demeure inchangée » écrit fort précieusement pour l’histoire Alexandre Parodi à Jean Monnet en décembre 195142. Le débat sur la subordination de l’OECE à l’OTAN soulevait la question de l’équilibre des forces au sein de l’Alliance. La Corée renforçait les puissances anglo-saxonnes. L’Europe occidentale souffrit de la tension. La France pouvait en être atteinte au point de devenir le satellite des États-Unis.
45L’ambiance de menace était telle en ce début de la décennie Cinquante que l’OECE examina la possibilité d’une fusion avec le Conseil de l’Europe. La position des Français était de défendre l’OECE contre une trop grande emprise du Conseil de l’Europe, réputé trop bavard. L’Assemblée Consultative suggérait au contraire d’établir une liaison organique entre elle et l’OECE. L’état des relations entre le Conseil et l’OECE varia. Méfiance avec les Britanniques, prudence avec la France qui avait créé cependant pour Guy Mollet un ministère chargé du Conseil de l’Europe (gouvernement Pleven, juillet 1950 - février 1951). Robert Buron, secrétaire d’État aux affaires économiques, approuva cependant en mars 1951 le projet de création immédiate d’un comité ad hoc chargé d’étudier l’unification de l’OECE et du Conseil de l’Europe. La position du Quai d’Orsay était plus nuancée. Il se rallia à un comité d’étude, sans toutefois approuver la fusion. Les services hésitaient. Une nouvelle organisation, plus politique forcément, pourrait évoquer l’affaire sarroise et mettre en difficulté le gouvernement français. La lutte contre les cartels était à l’ordre du jour du Conseil de l’Europe, or avec le réarmement le partage des marchés pouvait être une bonne affaire.
46On est saisi par la pauvreté de la réflexion des spécialistes des questions européennes du Quai d’Orsay en ce printemps 1951. Les idées n’ont plus aucune densité, elles pêchent par leur fractionnement, l’opportunisme, le nationalisme étroit. En novembre 1951, la position du gouvernement français sur la coopération économique en Europe est arrêtée. La France défend la coopération est-ouest à la CEE-ONU de Genève, où l’Allemagne doit être admise. Elle accepte d’étudier une association pouvant aller jusqu’à la fusion entre l’OECE et le Conseil de l’Europe. Les travaux du Conseil des Ministres des Affaires Étrangères du Conseil de l’Europe, tenu du 4 au 7 février 1952, abordèrent des questions essentielles pour l’Europe. Le Conseil de l’Europe était-il le nouvel espoir pour l’unité européenne ? La réponse vint d’Eden en mars 1952. Une dérive fédérale du Conseil était inacceptable pour les Britanniques. Tout était dit. Ainsi se terminait une période d’espoir de la construction d’une grande Europe. Á la faveur d’une menace de guerre, l’unité aurait pu se réaliser sous la direction du Conseil de l’Europe. Dans ce travail d’accouchement, le gouvernement français était resté sur la réserve. Il ne s’engageait plus autant qu’avant dans l’idée européenne. Qu’est-ce qui le gênait ?
L’effacement de l’OECE
- 43 CE 04 Charpentier, 1 septembre 1951, circulaire n° 172.
47Seule l’OECE pouvait répondre à l’aspiration unitaire de toute l’Europe en raison de la carence du Conseil de l’Europe et de la difficulté à « otaniser », i.e. militariser toute l’Europe occidentale. L’organisation conservaient les faveurs de la France. Le Conseil des ministres de l’OECE décida de faire porter l’effort européen sur une augmentation de la production. L’OECE et les Etats-Unis choisirent consciemment l’expansion économique pour unir les Européens. Schuman approuva. Marjolin fit une proposition de relance européenne par l’augmentation de la production européenne de 5 % pendant 5 ans, afin de ne pas décourager les États-Unis dans leur effort d’aide à l’Europe. Mais était-ce un objectif capable de mobiliser les opinions publiques ? Où se trouvait l’Europe dans cet objectif ? Y avait-il une idée neuve capable d’attirer l’attention du Congrès et des opinions publiques en faveur de l’Europe ? La France n’a fait aucune proposition originale. Le réarmement tétanisait les imaginations. La proposition fut mise au point le 22 août 1951. On parla du peuple européen et non des peuples européens, mais que de mots creux ! La proposition fut reconnue heureuse par les Français. Â défaut d’autre projet ? Les Britanniques, décidément dans le vent de l’histoire, s’inquiétèrent d’une dérive possible de l’OECE vers un super plan Schuman ! Ils s’efforcèrent d’affadir toute référence à la coopération entre les divers programmes nationaux. Chaque délégation défendait des intérêts particuliers. L’esprit européen, l’esprit de 1948, n’existaient plus, sans parler de celui de mai 1950. Monnet fut sarcastique à la lecture de la déclaration de Marjolin : « Ce document frise le scandale ». Il est « d’une pauvreté affligeante ». Il était dangereux pour la CECA à laquelle il ne faisait aucune référence, à cause de l’opposition britannique. On ne sentait pas le gouvernement français réagir sérieusement. Il présenta pourtant un plan commun de développement économique, s’inspirant de la grande tradition du PRE, mais la Grande-Bretagne refusa toute allusion à un effort précis et commun « de conciliation des divers programmes nationaux ». Elle ne jura que par l’OTAN. Il fallut toute la force de persuasion des autres délégations et des Américains pour la forcer à abandonner cette position suicidaire43.
- 44 CE 05, CE 07, Schuman, JMS, coop économique, 29 janvier 1952 14h 50 à Londres 2213/20 : et CE 70, (...)
48Après cet épisode peu glorieux pour l’idée européenne, les Britanniques prirent la tête d’une croisade anti-OECE. Á partir de 1952, l’OECE était en sursis. Tout dépendait des rapports de force entre Britanniques et Français, et surtout du choix des Américains. Robert Schuman adopta une position sans ambiguïté : « L’OECE est la seule organisation économique où se rencontrent les pays atlantiques avec des neutres et avec l’Allemagne. Il serait profondément regrettable que cette coopération fut supprimée, avant de l’avoir remplacée par quelque chose de valable44 ». Cette opinion était à rapprocher du très significatif discours d’Eden à la Columbia University sur la direction anglo-américaine du monde libre en raison du péril communiste et nationaliste en Égypte. L’OECE gênait les ambitions de l’Angleterre. En revanche un condominium anglo-américain à l’OTAN semblait être à la portée des Britanniques.
- 45 F GO ter 465, DREE le 11 février 1952 note pour le ministre, session des hauts fonctionnaires à l’ (...)
49Il n’était pas sûr cependant que la Grande-Bretagne puisse s’en prendre aussi aisément qu’elle le pensait à l’OECE. Le mot magique « d’union européenne » avait encore du poids. L’offensive anglaise contre l’OECE échoua parce que Français, Allemands et Américains la défendirent à Washington. Les Américains proposèrent que l’OECE examine la situation financière et les perspectives économiques des pays membres et celle des États-Unis et du Canada. L’OECE, réunie en octobre 1952, analysa les difficultés de ses membres. De cette réunion se dégageait l’idée de construire un Marché commun, sous la forme d’une simple libération des échanges, et de créer une Banque Européenne d’Investissements (BEI). Le tout réarmement était un peu oublié après la véritable panique de 1951. Les préoccupations de ses membres portaient désormais sur la convertibilité des monnaies dans un cadre européen puis mondial. Les thèses françaises n’étaient pas exactement prises en compte, si on comprend bien les vœux de Kojève, excellent concepteur de la politique française à l’OECE. La France voulait en effet la création d’un « vaste et stable marché unique en Europe occidentale en vue d’une intégration économique menant à l’abaissement des prix de revient, grâce à une politique européenne rationnelle d’investissements, de production et de vente45 ». La création d’une BEI ou d’un conseil de coordination des investissements en Europe par l’OECE aurait répondu exactement aux objectifs français. Les partenaires de la France ne l’ont pas voulu.
50Les Français se faisaient moins entendre que par le passé, nous a-t-il semblé. Ceci pour deux raisons. Ils avaient choisi la petite Europe et semblaient laisser de côté la grande. D’autre part, la France éprouvait des difficultés de paiements à l’UEP qui affaiblissaient ses propositions à l’OECE. Quand la France avait eu une diplomatie active à l’OECE (plan Petsche, BEI, liste commune de libération), celle ci avait eu un défenseur face à la Grande-Bretagne. Les difficultés françaises coupaient la France du débat sur les finalités de la libération des échanges. Toutes les tentatives de modeler l’OECE à l’aune française s’avéreraient vaines tant que la France ne pourrait pas rejoindre les pays en bonne santé économique. La dérive libérale était en route et l’OECE ne devint pas cette organisation de la concertation intereuropéenne que Petsche, le libéral raisonnable, recherchait.
Conclusion
51L’OECE avait démontré son utilité. Mais elle avait démontré aussi son incapacité à organiser l’unité de l’Europe. L’UEP fonctionna avec une grande perfection, à la satisfaction générale, mais elle n’avait pas créé une dynamique de l’union économique. Á bien relire les archives de cette libération des échanges, il est extraordinaire de vérifier la présence en creux de la Grande-Bretagne. Après l’affaire de l’UEP et de son « non » à la proposition française de BEI, elle n’était plus présente dans les débats, sauf à déclencher un retrait de libération. L’OECE s’endormit, et avec elle l’impatience des premiers temps. On ne peut oublier que l’occasion a été perdue d’inventer l’union économique européenne dans la foulée de l’UEP par la faute des nationalismes continentaux, de l’isolement soigneusement calculé de l’Angleterre, des événements d’Asie qui ébranlèrent le fragile équilibre des comptes extérieurs de la Grande-Bretagne puis de la France. Faut-il aussi incriminer la lassitude des politiciens incapables d’imaginer l’Europe autrement qu’en termes de rivalité et de puissance nationales ou l’ignorance des peuples dans le domaine économique ? Il est temps maintenant d’explorer avec le plan Schuman l’autre voie de la politique française, celle de la supranationalité attachée à des secteurs restreints.
Notes
1 voir le chapitre 3, 3e partie, une dernière tentative pour bâtir une OECE sous direction franco-britannique.
2 B 33854, 26 juillet 1947, (Archives du Ministère des Finances) « Échange de vues franco-anglais et avec le Bénélux », à Calvet, Londres, origine : probablement la DFE [Guindey ?].
3 « Documents économiques » du Bulletin mensuel d’information, novembre-décembre 1947, n° 32-33, « Le plan Marshall ».
4 B 25434, 9 juillet 1948, s.o. probablement DFE, Guindey, 3 p., fait suite à des notes de la DFE. F 60 ter, 382, 15 mai 1948, note (de qui 7) « Conversations Harriman, Tomlinson, ECA Paris ».
5 F 60 ter 471, (Archives Nationales, fonds du SGCI) OECE, PC(48) 38, 7 octobre 1948, comité des paiements. F 60 ter 470, OECE, 7 octobre 1948.
6 CE 71 JPB, CE, le 22 avril 1949, note « a/s accord de compensation et de paiements pour l’année 1949-50 ».
7 F60 ter 471, et F 60 ter 469, J. Desrousseaux à PFS le 3 août 1949 service de coordination industrielle, relations extérieures, position du ministère de la production industrielle à la demande du ministre pour le développement du commerce intra-européen, résumé, note 5182.
8 F 60 ter 411, OECE, secret, CGM(49) 12, le 2 juin 1949, groupe consultatif des ministres, délégation française, commerce et paiements intra-européens, « Mémorandum du ministre des finances et des affaires économiques ».
9 F 60 ter 411, note pour M. Filippi le 4 novembre 1949, AK/SL, « Objet mémorandum français ».
10 CE 68, M. des Finances, SE affaires économiques, 41 q. Branly, 31 janvier 1950, de la part de Kojève, 31 janvier 1950.
11 F 60 ter 411, voir différentes notes de Kojève.
12 Discours à l’Assemblée nationale du 24 mai 1949 et projet de déclaration d’investiture Œuvres complètes II, p 259, octobre 1949
13 CE 03 Bonnet, 3159-74,22 août 1949,18h 20 réservé, priorité absolue.
14 CE 03, Bonnet, 3268-72 DET 182,3 septembre 1949, conversation avec Kennan.
15 W. Lippman, New York Time du 8 janvier 1949.
16 CE 03 Bonnet, 3159-74, 22 août 1949,18h20, réservé, priorité absolue.
17 CE 03, Bonnet, 3268-72 DET 182, 3 septembre 1949, conversation avec Kennan : idem AMF 12/7/1.
18 F 60 ter 384, Bonnet tel, 9 septembre 1949 : Alphand a rencontré Kennan, Nitze et Bissell.
19 Voir « The 1949 sterling crisis and british policy towards european integration », by Scott Newton, EUI Working papers, n° 77, 1984, p. 21 et p. 22, citation: « Our relations with those areas take priority over our relations with Europe and for that reason alone there is a limit to the part we can play in european union ».
20 F 60 ter 469, HA MAE 14 novembre 1949, mémorandum, secret.
21 F 60 ter 444, HA /MJC MAE, secret, 12 novembre 1949 mémorandum.
22 F 60 ter 472, cr des séances de l’Assemblée nationale, 1e séance du 24 novembre 1949, J.O. p. 6217.
23 G. Bossuat : « la SFIO et la construction européenne 1945-1954 » in Cahiers Léon Blum n° 21 1987, « la SFIO et la politique extérieure de la France entre 1945 et 1954 », p. 45, Le Populaire, 19-20 novembre 1949, L’Œuvre de Léon Blum, op.cit, « Rapprochement franco-allemand, oui. Trust franco-allemand, non » p. 302.
24 Pierre Mendès France, Œuvres complètes, T.2, Une politique de l’économie, 1943-1954, Gallimard, 1985. p. 289, « L’organisation économique de l’Europe de l’ouest », Paris-Normandie, 4 et 5 janvier 1950.
25 F 60 ter 411, Note pour M. Filippi le 4 novembre 1949, AK/SL, objet mémorandum français.
26 CE 68, S.M. La Haye, 6 décembre 1949, 15h, 695, Télégraf, interview de P. Hoffman.
27 CE 56 Garnier, le 7 décembre 1949, 17h 35, n° 709 : CE 89, Garnier, La Haye 15 décembre 1949, n° 756-59 20h 15 : CE 89, Ambas. Pays-Bas, Paris le 7 janvier 1950 à R. Schuman.
28 CE 56, PB, CE, 7 janvier 1950, note pour le comité interministériel, coopération européenne.
29 CE 68, PB, 14 décembre 1949, CE à postes européens, nota le Quai D’Orsay.
30 Maurice Niveau, Histoire des faits économiques contemporains, PUF, 1966, p. 427.
31 SGCI, F 60 classement provisoire, carton 4, boite 11, p.v. réunion du 24 janvier 1954, Paris, secret, SDECE du 30 avril 1954, réunion de l’union des industriels des six pays de la communauté politique.
32 CE 89, « Réponse italienne à l’OECE », 28 juin 1950.
33 CE 68, SG OECE à Charpentier, chef de la délégation française à l’OECE, « Liste commune 19 septembre 1950 », SGD (50) 81.
34 CE 89, M. des Finances et des affaires économiques, SE aux Finances, 5 décembre 1950 à MAE Wormser : propositions françaises concernant les mesures à prendre en 1951 en vue de l’intégration économique de l’Europe occidentale, Paris le 1 décembre 1950 : 5 A 22, SGCEI, communication du SE aux Affaires économiques sur le projet d’intégration européenne : plan Stikker, Pella, Petsche, 8 décembre 1950.
35 sur le plan Schuman, voir le chapitre 6, l’Europe supranationale, pourquoi faire ?
36 CE 89, DGAEF, MAE, 24 juillet 1950, note pour le Président.
37 F 60 ter 384, note sur les déclarations faites par M. Bissell, 1 octobre 1950.
38 CE 03, JLM, DGAEF, CE, MAE à SE affaires économiques, télégramme du 10 décembre de Bonnet..
39 CE 03H. Bonnet Washington, 9 décembre 1950, 20h 30, 5177-86.
40 SGCI, F 60 classement provisoire, carton 4, boite 11, Kojève à Th. De Clermont-Tonnerre, note pour M. Clappier, 26 février 1953.
41 CE 07, Diplomatie, DGAEF, CE, 18 décembre 1950, à postes européens et New-York.
42 CE 81 -2, et CE 83, Parodi à Jean Monnet le 10 décembre 1951 Paris, « cher ami ».
43 CE 04 Charpentier, 1 septembre 1951, circulaire n° 172.
44 CE 05, CE 07, Schuman, JMS, coop économique, 29 janvier 1952 14h 50 à Londres 2213/20 : et CE 70, aide-mémoire de Schuman à Eden, remis le 31 janvier 1952.
45 F GO ter 465, DREE le 11 février 1952 note pour le ministre, session des hauts fonctionnaires à l’OECE, comité des échanges : F 60 ter 470, 7 mars 1952, Kojève à TCT note pour le ministre, nouveau statut de la liste commune :
© Éditions de la Sorbonne, 1997